3
4
Avant Propos…
Disposer d’un environnement sain et propre est fondamental pour la vie
humaine. Cette prise de conscience de l’humanité est devenue une réalité
concrète et tangible, depuis que La Conférence des Nations-Unies sur
l’environnement, qui s’est tenue en 1972 à Stockholm, a permis une déclaration
capitale du nom de cette même ville (déclaration de Stockholm), stipulant que
l’environnement est un élément indispensable au bien-être de la personne et à la
pleine jouissance de ses droits fondamentaux. Dans cette même veine, la
Déclaration issue de la conférence de Rio de Janeiro, adoptée en 1992, a
reconnu «le droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature»
(principe1). En 1994, Fatma Zohra Ksentini, à l’époque Rapporteuse spéciale
sur l’environnement et les droits de l’homme, a lancé une initiative. Elle a
soumis un projet de déclaration, faisant écho à celle de Stockholm, et qui
proclamait le droit «à un environnement sûr, sain et écologiquement
rationnel». Même si, jusqu’ici, ni le Conseil des droits de l’homme, ni la
Commission des droits de l’homme qui l’a précédé, n’ont adopté ce texte, cette
initiative reste à nos yeux la tentative la plus importante au niveau onusien pour
faire reconnaître des droits humains relatifs à l’écologie.
John Knox, professeur de droit international à l’Université de Wake Forest en
Caroline du Nord, a été désigné comme expert indépendant en 2012. Le Conseil
des droits de l’homme avait bien pris soin, dans sa résolution, de tracer les
grandes lignes des futurs rapports de l’expert indépendant. Le rôle de ce dernier
était d’identifier dans ses rapports les bonnes pratiques concernant les
obligations relatives aux droits humains se rapportant à l’environnement. Il
devait examiner la relation entre les droits humains existants et un droit
spécifique à un environnement sain. L’expert devait aussi se pencher sur les
risques environnementaux du point de vue des groupes vulnérables: la situation
5
des femmes, des enfants, des migrant (-e-s), des personnes pauvres par exemple,
ou encore, celle des peuples autochtones et des personnes déplacées dans leur
propre pays. Comme on peut le noter, Depuis la conférence de Stockholm, la
prise de conscience de la nécessité de la protection de l’environnement, faisant
appel à un droit à un environnement sain, en relation avec les droits de
l’homme, n’a fait que se renforcer dans le temps jusqu’à devenir ce jour une
question centrale au cœur des relations internationales. En témoigne la très
prochaine conférence de Paris sur le changement de climat qui se tiendra dans le
mois de novembre.
L’APDH qui s’est donné pour vocation de protéger les droits de l’homme, tous
les droits de l’homme ne pouvait que s’inscrire dans cette dynamique au regard
du défi que constitue les droits de l’homme dans le secteur de l’extraction
minière dont les activités prennent de plus en plus d’ampleur en Côte d’Ivoire.
Comment concilier l’impérieuse nécessité d’accéder à des ressources financières
additionnelles en vue de propulser son développement et la protection du cadre
de vie des populations riveraines ? Notre objectif dans ce rapport est de faire un
plaidoyer pour le respect du droit des populations de Hiré à un environnement
sain, confrontées qu’elles sont aux impacts de l’activité d’extraction aurifère
dans leur environnement immédiat. Les activités liées à l’exploration et
l’exploitation minière étant en pleine expansion presque sur tout le territoire,
notre démarche vise l’amélioration des conditions de vie de toutes les
populations vivant à proximité des zones d’extraction minières en Côte d’Ivoire
et à inciter à l’instauration de bonnes pratiques dans ce secteur réputé pour être
un lieu de désordre et de massives violations de droits humains en Afrique.
Abraham Denis YAUROBAT
Président de l’APDH
6
SOMMAIRE
I- SIGLES ET ACCRONYMES
II- PRESENTATION DE L’APDH
III- INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE DU PROJET ET ACTIVITES ACCOMPLIES AVANT
LA PERIODE DE REFERENCE
I- CONTEXTE, JUSTIFICATION ET OBJECTIFS DE LA MISSION
II- METHODOLOGIE DE LA MISSION
III- FORMATION DE L’EQUIPE DE MISSION
IV- PRESENTATION DES ZONES D’INTERVENTION
V- ENVOIE DES COURRIERS D’INFORMATION ET DEMANDES DE RENCONTRES
DEUXIEME PARTIE : CADRE JURIDIQUE DE L’ETUDE
I – LES TEXTES NATIONAUX
A- LA CONSTITUTION
B- LES LOIS ET REGLEMENTS
- La loi sur le foncier
- La loi sur l’eau
- La loi sur l’environnement et le cadre de vie
- La loi portant code minier
- Les textes réglementaires (décrets et arrêtés)
II – LES TEXTES INTERNATIONAUX
A- LES TEXTES UNIVERSELS
7
B- LES TEXTES REGIONAUX
TROISIEME PARTIE: LES RENCONTRES AVEC LES COMMUNAUTES ET LES AUTORITES
I- LES FAITS RESULTANT DES FOCUS GROUP
A- Communauté de BONIKRO et BANDAMANKRO/ SP HIRE
B- Communauté des ressortissants des pays de la CEDEAO/ HIRE
C- Communauté du quartier BAOULE ET NIANKAKRO/ HIRE
D- Communauté de KOUTOUCLOU-KONANKRO/ SP HIRE
E- Communauté de GABIA/ OUME
II- LA REACTION DES AUTORITES
A- Les autorités administratives
B- Les autorités minières
QUARTIEME PARTIE : LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME CONSTATEES
I- DROIT A UNE ALIMENTATION SAINE
II- DROIT A UN ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL SÛR ET SAIN
III- DROIT A LA PROTECTION ET A LA PRESERVATION DU SOL, DE L’AIR ET DE
L’EAU, DE LA FLORE ET DE LA FAUNE
IV- DROIT A DES INDEMNISATIONS
V- DROIT A LA SANTE
CINQUIEME PARTIE : LE CAS PARTICULIER DE L’ORPAILLAGE
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
ANNEXE
8
Source : APDH
Figure 1 : « CRIS DE CŒUR DES POPULATIONS DE LA SOUS-PREFECTURE DE HIRE »
PRESENTATION DE L’APDH
L’APDH est une association de promotion et de défense des Droits humains créée
en 2003 en Côte d’Ivoire. Depuis, elle mène diverses activités de promotion et de
sensibilisation aux Droits de l’homme, tant à Abidjan qu’à l’intérieur du pays
notamment à Korhogo, à Divo, à Bouaké, à Daloa et à Odienné.
Elle a bénéficié de l’appui de partenaires tels que l’ONUCI, le National
Endowment for Democracy (NED), le Fonds des Nations Unies pour la démocratie
(FNUD), l’ambassade de Suisse à Abidjan, le Ministère des Affaires étrangères de France,
9
Open Society Initiative for West Africa(OSIWA) ,le Fond Social de Développement (FSD)
etc.…
Ces partenaires ont permis la réalisation de projets de renforcement des capacités
des acteurs de la société civile, d’éducation à la citoyenneté, à la cohésion sociale,
et surtout au lobbying et au plaidoyer.
L’APDH a exécuté, un projet de permanences juridiques pour assister les
victimes de violations de droits de l’homme. Depuis la fin de la crise post électorale, elle a
mené deux projets importants à savoir, l’Accompagnement juridique et judiciaire des
victimes de la crise post électorale.
Elle a initié entre autres, des projets sur l’observatoire de la justice transitionnelle
et la formation des syndicats estudiantins à la prise en compte des droits de l’homme
dans leurs activités syndicales.
En 2008, l’APDH a eu l’initiative de la création d’une coalition ivoirienne pour
le nouveau mécanisme onusien de l’examen périodique universel devant le conseil
des droits de l’Homme des Nations Unies. Cette activité a permis à la société civile
ivoirienne d’aider à réussir le passage de la Côte d’Ivoire à cet examen.
En outre, l’Association est membre fondateur de plusieurs plates-formes de la
société civile ivoirienne. Il s’agit de la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI),
du Regroupement des acteurs ivoiriens des Droits Humains (RAIDH), de la Coalition de la
société civile ivoirienne pour la paix et le développement (COSOP CI).
Cet engagement de l’organisation lui a valu le prix spécial de la République de
France décerné par la commission Consultative des Droits de l’Homme de France en 2012
pour ses travaux sur les victimes de la crise post électorale en Côte d’Ivoire dans le village
d’Anonkoua-Kouté.
Par ailleurs, l’APDH reçoit des stagiaires venant tant de l’extérieur, notamment des
Pays-Bas, de la France, de la Finlande, du Japon que des universités ivoiriennes dans le
cadre de la validation de leur mémoire de fin de formation.
10
Elle est dotée du Statut d'Observateur auprès de la Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) depuis 2013.
INTRODUCTION
Depuis sa création, L’APDH a constamment travaillé à la promotion et à la
protection des droits civils et politiques. Si cette démarche, du reste dictée par l’urgence
et le caractère massif des violations des droits de l’homme en cette matière, a pu faire
croire à un délaissement des droits de la deuxième et troisième génération, ce présent
rapport vient prouver que l’organisation est bien consciente du caractère indissociable de
tous les droits.
En effet, ‘’la déclaration de Vienne’’1, a affirmé l’importance égale de tous les
droits de l’homme, les proclamant universels, indissociables, interdépendants et
intimement liés. C’est donc au nom de ces principes fondamentaux des droits de
l’homme que L’APDH a inscrit son action dans la transversalité.
L’APDH est convaincue que la jouissance d’un droit dépend souvent de la
possibilité d’exercer librement d’autres droits. Par exemple, le droit à l’éducation ne peut
être pleinement réalisé, si des discriminations fondées sur le sexe, la race ou autres
limitent l’accès à l’éducation. De même, le droit à la nourriture ou le droit à la santé
dépend en grande partie de la capacité des populations touchées à s’organiser (liberté
d’association) et à attirer l’attention sur l’inefficacité, la corruption ou les pratiques
discriminatoires dans la prestation des services (liberté d’expression).
Ainsi, la finalité d’une promotion holistique des droits de l’homme, constitue un
argument fort mobilisateur pour la promotion des droits socio-économiques, et justifie en
l’espèce notre action en faveur du droit des populations à un environnement sain dans la
localité de HIRE, à plus de 200 kilomètres d’ABIDJAN, en Côte d’Ivoire.
En effet, en Côte d’Ivoire, l’exploitation minière prend au fil du temps une place
non négligeable dans le développement économique. De ce fait, de nombreuses
personnes tant morales (industries ou sociétés) que physiques interviennent dans le
1 1993
10
secteur. (Voir le nombre d’agréments). Cette ruée vers l’or n’est pas sans conséquences
en matière de préservation de l’environnement et de protection de la santé des
populations riveraines.
Aidés par l’existence d’un désordre ambiant du fait de la corruption et de
l’inorganisation du secteur, les différents acteurs (travailleurs artisanaux, entreprises …)
adoptent des pratiques non conventionnelles (usage de produits chimiques inappropriés,
trafics de tout genre, travail des enfants sans rémunération, expropriations de terres,
litiges fonciers, mauvaises conditions de travail et autres divers abus).
C’est dans ce contexte que l’A.P.D.H, se propose de dresser un état des lieux des
tendances, débats et enjeux actuels de l’industrie minière en côte d’ivoire, pour offrir un
panorama des questions et des luttes menées par les populations riveraines autour de
l’extraction minière, non seulement à partir de cas concrets et symptomatiques, mais
aussi à l’aune de dynamiques plus générales .
L’extraction minière est à l’origine de nombreuses crises et guerres en Afrique. Il nous
faut tirer les leçons des expériences passées. Ce rapport sonne l’alerte.
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE DU PROJET ET ACTIVITES ACCOMPLIES AVANT
LA PERIODE DE REFERENCE
I- CONTEXTE, JUSTIFICATION ET OBJECTIFS DE LA MISSION
Le rôle de l’or a été considérablement réévalué ces dernières années à travers le
monde entier, à la faveur des troubles financiers. En effet son rôle de valeur-refuge
amène de nombreux pays à renforcer leurs réserves d’or car ses propriétés uniques sont
de plus en plus reconnues au travers des nouvelles applications dans les secteurs de
l’électronique, de la médecine, de l’efficacité énergétique et de la science
environnementale. La croissance de la production aurifère mondiale a été pour ainsi dire
stimulée de façon exponentielle.
11
Par ailleurs, il est reconnu que l’exploitation minière et ses activités associées jouent un
rôle important dans les efforts de développement durable et de lutte contre la pauvreté
dans de nombreux pays en voie de développement. La contribution économique directe
apportée par ces activités ouvre véritablement de nouvelles perspectives pour ces pays
et leurs populations.
Toutefois, force est de reconnaître que l’exploitation minière en général, et
particulièrement celle de l’or, alimente de façon récurrente les conflits armés, avec pour
corollaire de graves violations des droits de l’homme. C’est le cas en République
Démocratique du Congo, au Mali et dans bien d’autres pays. La pertinence de ce constat a
d’ailleurs conduit, en 2011, la World Gold Council à élaborer une ‘’norme relative à
l’exploitation minière sans conflit’’, répondant à l’objectif de susciter chez les parties
prenantes un sentiment de confiance absolue reposant sur un processus responsable de
la production aurifère.
En Côte d’Ivoire, la récente expérience d’exploitation minière aurifère ne déroge pas à la
réalité des violations des droits de l’homme et souvent des conflits entre les
communautés et les entreprises associées à l’activité devenue presque consubstantielle.
Outre les conflits, ces exploitations donnent lieu à des atteintes à l’environnement dans
les zones d’activités. En effet, une étude menée dans le cadre d’un mémoire de fin
d’études sur les installations de Equigold SA devenue NEW CREST SA, société
concessionnaire de l’exploitation aurifère dans la zone de Bonikro, dans le département
de Divo, au sud-ouest de la Côte d’Ivoire, a mis en relief des atteintes graves à l’équilibre
environnemental local, avec par exemple, des risques manifestes de pollution de la nappe
phréatique.
A ces faits vient se coupler la récente réaction des populations de la zone de BONIKRO en
opposition au projet d’extension des activités de ladite société, au motif que cette
entreprise n’aurait pas respecté ses engagements citoyens.
Prenant la mesure de ces faits, l’APDH (Actions pour la Protection des Droits de l’Homme)
a décidé de mener une mission de documentation des violations des droits de l’homme
sur les sites de HIRE et BONIKRO afin d’évaluer les réalités de l’exploitation minière
aurifère dans ces localités.
L’étude a donc porté sur :
- Les conditions d’exploitation minière aurifère ;
12
- Le respect des normes d’exploitation responsable ;
- Le respect des engagements dans le cadre de la Responsabilité Sociétale des
Entreprises (RSE) ;
- L’impact environnemental (incluant des prélèvements d’échantillons d’eau usitée
à analyser) ;
- L’impact sur l’activité économique des populations riveraines ;
- L’impact sur la santé des populations ;
- Le foncier rural ;
- Les conditions de travail des ouvriers sur les sites d‘exploitation.
II - METHODOLOGIE DE LA MISSION
Pour cette mission, l’APDH a mis à contribution une équipe de trois enquêteurs
pour la recherche documentaire sur l’impact de l’exploitation minière aurifère sur
l’environnement et le respect des droits de l’homme dans les localités de HIRE et de
BONIKRO.
Avant le déploiement de l’équipe sur le terrain, plusieurs séances de travail ont
été organisées. Ces séances ont consisté pour la mission à identifier les zones impactées
par l’exploitation, à élaborer une fiche de questionnaires en vue de faciliter les échanges
et permettre de recueillir d’importantes données qui serviront de base pour la rédaction
du projet.
La méthode usitée par l’équipe a été celle des focus group et des entretiens
individuels. Pour les échanges avec les différents focus group, la mission a identifié des
autorités et employés des Sociétés extractives, des exploitants artisanaux, des autorités
traditionnelles (leaders communautaires), des responsables d’associations de femmes,
des jeunes, des cadres, des paysans, des travailleurs, des individus tirés au sein des
populations ciblées dans l’optique que ces derniers répondent aux différentes questions
élaborées par l’équipe-projet. Ces entretiens se sont tenus dans un climat de confiance et
de libre échange permettant la collecte d’avis, de suggestions et toutes autres
préoccupations des populations.
13
III - FORMATION DE L’EQUIPE DE MISSION ET PREPARATIFS DES CIVILITES AUX
AUTORITES
Pour permette à l’équipe-projet, de se familiariser avec la thématique générale du
droit à l’environnement, une formation a réuni au siège de l’APDH, les 2 et 3 septembre
l’équipe de la mission avec divers spécialistes de la question. Ainsi, le doctorant Néné
Arsène a exposé sur le droit à un environnement sain tel que prévu par la constitution
ivoirienne et les instruments internationaux pertinents régulièrement ratifiés par la Côte
d’Ivoire.
La politique environnementale et la connaissance des localités cibles ont fait
l’objet d’un exposé conjoint du doctorant Georges Kan et de l’ingénieur Bamba Yacouba.
Enfin, le juge Fallet Tcheya a exposé sur les techniques d’enquête en matière de
droit de l’homme. Pour faciliter la mission, le Président du bureau exécutif de l’APDH a
adressé des courriers d’information et de demandes d’audiences à plusieurs autorités
cibles.
Il s’agit :
- du Préfet de région du LOH- DJIBOUAH (région dont dépend la localité de Hiré)
- du Sous- préfet de HIRE
- du Commissaire de police de HIRE
- du Commandant de Brigade de HIRE
- du Chef de poste des eaux et forêts
Il s’est agit de porter à la connaissance des autorités sus-citées, les termes de
référence de la mission afin de faciliter le contact avec les populations concernées.
IV– PRESENTATION DES ZONES D’INTERVENTION ET DE LA MISSION
HIRE est une commune modeste du sud-ouest de la Côte d’Ivoire dans la région du
LOH-DJIBOUA située à 212 km d’Abidjan la capitale économique, à 95 km de
14
Yamoussoukro la capitale politique et à 45 Km du chef-lieu de région, Divo. La commune
de HIRE est subdivisée en dix (10) quartiers que sont respectivement les quartiers
GNAKAKRO 1 et 2, DIOULABOUGOU, PLATEAU, GNEKREBO, RESIDENTIEL, QUARTIER
COMMERCE et QUARTIER DIDA. Chaque quartier est organisé autour d’une chefferie
locale. Les villages de BONIKRO, BANDAMANKRO, KONANKRO, KOUTOUCLOU-
KONANKRO ET PETIT BOUAKE bordent la sous-préfecture de HIRE.
GABIA est un village situé à environ 12Km de HIRE et 6 Km d’OUME chef-lieu de
département dont le village fait partie. Le village de GABIA est divisé en deux secteurs
que sont LAGROTA et KOUASSIZRA, lesquels secteurs sont subdivisés respectivement en
six quartiers que sont LAGOTA, GOUMENETA, GODJAFLA, GOUATA, YENETA et
LOUNOUTA et ce village compte une soixantaine de campements.
C’est dans cette zone qu’une multinationale EQUIGOLD SA devenue NEW CREST
SA occupe près de 772 hectares dans le cadre d’une exploitation minière aurifère.
PARTIE III : CADRE INSTITUTIONNEL, LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE
I. AU PLAN NATIONAL
1. La Constitution
La Constitution ivoirienne du 1er Août 2000 consacre, en son article 19, le droit de l’homme
à un environnement sain. Cette référence constitue une avancée significative, car c’est la
première fois que la protection de l’environnement est élevée en norme
constitutionnelle.
2. Les autres lois et règlements pertinents
Au regard de l’importance du projet, d’autres textes législatifs et réglementaires sont
indispensables. Tous les textes législatifs et réglementaires qui sont applicables au projet
sont indiqués dans le Tableau 1 ci-après.
15
Lois et règlements Description Autorités Aspect
Code minier Loi n° 95-553 du 18
juillet 1995 portant
Code Minier
Loi N° 2014-138 du 24
mars 2014 portant
code minier
Ministère des Mines,
du Pétrole et de
l’Energie
Ressources
minérales.
Code environnemental Loi n°96-766 du 3
octobre 1996 portant
Code de
l’environnement.
Ministère de
l’Environnement et du
Développement
durable
Pollution
atmosphérique.
Déchets industriels.
Conservation de
l’énergie et
l’énergie
alternative.
Traitement des
eaux usées.
Ressources
minérales.
Code forestier Loi n° 65-425 du 20
décembre 1965
portant Code
Forestier.
Loi n°2014-427 du 14
juillet 2014 portant
code Forestier.
Ministère des Eaux et
Forêts
Ministère des
Ressources Animales
et Halieutiques
Conservation
forêts
Biodiversité
des
Lois sur
protégées.
les zones Loi n° 66-433 du 15
septembre 1966, qui
définit la procédure de
l’intégrité naturelle
Ministère de
l’Environnement et du
Développement
durable
Conservation
forêts
Biodiversité
des
16
des parcs et des
réserves semi-
nationaux.
Ministère des Eaux et
Forêts
Ministère de
l’Agriculture
Loi sur les Parcs et
Réserves Naturelles
Loi n° 2002-102 du 11
février 2002 relative à
la création, à la gestion
et au financement des
parcs nationaux et des
réserves naturelles
Ministère de
l’Environnement et du
Développement
durable
Ministère des Eaux et
Forêts
Création, gestion et
financement des
parcs nationaux et
réserves naturelles
Code de l’eau Loi n° 98-755 du 23
Décembre 1998
portant Code de l’eau.
Ministère des
Infrastructures
Economiques.
Ministère des Eaux et
Forêts
Pollution des eaux-
Approvisionnement
en eau (eau de
surface et la nappe
phréatique).
Traitement des
eaux usées.
Loi sur l'organisation
municipale
Loi n° 80-1180 du 17
octobre 1980,
rattachée à
l'organisation
municipale. Par la suite
modifiée par; Loi n° 85-
578 du 29 juillet 1985
et Loi No. 95-608 du 3
août 1995.
Ministère d’Etat,
Ministère de l’Intérieur
Socio-économique.
Code sur la faune sauvage Loi n° 65-255 du 4 août
1965, rattachée à la
protection de la faune
Ministère de
l’Environnement et du
Développement
Biodiversité.
Conservation des
17
et à la pratique de la durable forêts
chasse. En partie Ministère des Eaux et Ressources
actualisée par la loi du Forêts minérales.
Code de
l’environnement.
Code sur la chasse Loi n° 66-424 du 15
septembre 1966, sur
les permis de chasse.
Ministère de
l’Environnement et du
Développement
durable
Ministère des
Ressources animales
et halieutiques
Ministère des Eaux et
Forêts
Biodiversité.
Loi sur la réglementation Loi n° 95-15 du 12 Ministère d’Etat, Socio-économique.
du travail Janvier 1995. Modifiée Garde des Sceaux,
par la loi No. 97-400 du Ministère de la Justice
11 Juillet 1997. Elle Ministère chargé des
gouverne les relations Droits de l’Homme et
entre les employeurs des Libertés Publiques
et les employés. Ministère d’Etat,
Ministère de l’Emploi,
des Affaires Sociales et
de la Solidarité
Règlement sur les Décret n° 98-43 du 28 Ministère de
l’Environnement et du
Développement
durable
Dispositions
installations classées Janvier 1998 relatif aux générales,
Installations Classées Autorisations et
pour la protection de déclarations
l’environnement Dispositions
communes à toutes
18
les installations
classées
Dispositions
financières
Décret sur l’audit
environnemental
Décret n° 2005-03 du 6
janvier 2005 portant
audit environnemental
Ministère de
l’Environnement et du
Développement
durable
Domaines, critères
et types,
Procédures
Mode de gestion
Sanctions
administratives et
pénales
Arrêté d’application du Arrêté n° 972 du 14 Ministère de Gestion des études
décret sur les études novembre 2007 relatif l’Environnement et du d’impact
d’impact environnemental à l’application du Développement environnemental
décret n° 96-894 du 8 durable Agrément des
novembre 1996 bureaux d’études
déterminant les règles environnementales
et procédures Dispositions
applicables aux études financières
relatives à l’impact Dispositions
environnemental des préventives et
projets de sanctions
développement
Arrêté portant fixation du Arrêté interministériel Ministère de Taux
barème d’indemnisation n° 28 MINAGRA/MEF l’Agriculture d’indemnisation
des cultures détruites du 12 mars 1996
portant fixation du
barème
d’indemnisation des
cultures détruites
19
3. Les principes, valeurs et provisions résultant de ces textes
a. Le Code Minier
Plusieurs articles se rapportant spécifiquement à l'environnement sont dans le Code
minier. Les plus importants sont brièvement décrits ci-dessous.
Article 17 - Un permis minier devra être accordé seulement après qu’une enquête
publique ait été entreprise ;
Article 28 - [retrait des titres miniers]. Les titres miniers seront retirés en cas de :
- Infraction sérieuse aux règlementations sur la santé et la sécurité ;
- Inexécution d'obligations se rapportant à la conservation des forêts, la protection
environnementale et la réhabilitation des sites miniers.
Article 29 - Tous les bâtiments, les bureaux, les puits, les galeries et toute autre structure
permanente construite pour des buts miniers reviendront automatiquement à l'État sous
les conditions spécifiées dans le plan de gestion environnementale et le plan de
réhabilitation du site de la mine.
Article 77 - Tout détenteur d'un titre minier devra préparer et soumettre pour
approbation des autorités minières et des autorités responsables de l’environnement et
tout autre département prévu par la règlementation minière, une étude complète des
impacts environnementaux et un programme de gestion environnementale, qui devra
inclure un plan pour la réhabilitation du site minier et des coûts estimés avant
d'entreprendre toute exploitation sur le site conformément au titre minier ou à
l'autorisation.
Article 79 - En plus des dispositions du Code minier, les détenteurs de titres miniers et les
bénéficiaires des autorisations doivent se soumettre à la législation spécifique et aux
provisions statutaires gouvernantes, en particulier, la protection environnementale,
l’aménagement urbain, les règlements sur la sécurité des bâtiments et la santé et la
protection de l'héritage forestier.
20
Article 105 - Sera condamné à payer une amende de 1 000 000 à 2 500 000 francs et une
peine de prison de 6 mois à 2 ans ou seulement l’une ou l’autre de ces deux peines, celui
qui entreprend l’exploitation minière sans se conformer aux règlements sur la sécurité et
l'hygiène et les mesures relatives à la conservation de la qualité environnementale.
b. Code de l’environnement
Loi n° 96-766 du 3 octobre 1996 Portant Code de l’Environnement exige en ses articles :
Article 35 :
Lors de la planification et de l’exécution d’actes pouvant avoir un impact important sur
l’environnement, les autorités publiques et les particuliers se conforment aux principes
suivants :
35.1- Principe de précaution
Lors de la planification ou de l’exécution de toute action, des mesures préliminaires sont
prises de manière à éviter ou à réduire tout risque ou tout danger pour l’environnement.
Toute personne dont les activités sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement
doit, avant d’agir, prendre en considération les intérêts des tiers ainsi que la nécessité de
protéger l’environnement.
Si, à la lumière de l’expérience ou des connaissances scientifiques, une action est jugée
susceptible de causer un risque ou un danger pour l’environnement, cette action n’est
entreprise qu’après une évaluation préalable indiquant qu’elle n’aura pas d’impact
préjudiciable à l’environnement.
35.2- Substitution
Si, à une action susceptible d’avoir un impact préjudiciable à l’environnement, peut être
substituée une autre action qui présente un risque ou un danger moindre, cette dernière
action est choisie même si elle entraîne des coûts plus élevés en rapport avec les valeurs à
protéger.
35.3- Préservation de la diversité biologique
Toute action doit éviter d’avoir un effet préjudiciable notable sur la diversité biologique.
21
35.4- Non dégradation des ressources naturelles
Pour réaliser un développement durable, il y a lieu d’éviter de porter atteinte aux
ressources naturelles tels que l’eau, l’air et les sols qui, en tout état de cause, font partie
intégrante du processus de développement et ne doivent pas être prises en
considération isolément. Les effets irréversibles sur les terres doivent être évités dans
toute la mesure du possible.
35.5- Principe ‘’Pollueur-payeur’’
Toute personne physique ou morale dont les agissements et/ou les activités causent ou
sont susceptibles de causer des dommages à l’environnement est soumise à une taxe
et/ou à une redevance. Elle assume, en outre, toutes les mesures de remise en état.
35.6- Information et participation
Toute personne a le droit d’être informée de l’état de l’environnement et de participer
aux procédures préalables à la prise de décisions susceptibles d’avoir des effets
préjudiciables à l’environnement.
35.7- Coopération
Les autorités publiques, les institutions internationales, les associations de défense et les
particuliers concourent à protéger l’environnement à tous les niveaux possibles.
Article 39 :
Tout projet important susceptible d’avoir un impact sur l’environnement doit faire l’objet
d’une étude d’impact préalable. Il en est de même des programmes, plans et politiques
pouvant affecter l’environnement. Un décret en précisera la liste complète.
Tout projet fait l’objet d’un contrôle et d’un suivi pour vérifier la pertinence des prévisions
et adopter les mesures correctives nécessaires.
4. Cadre institutionnel
La Côte d’Ivoire a mis en place des structures de régulation de l’environnement dès le
début des années 1970, plus précisément le 8 juin 1971. Il y a eu certes, de nombreuses
modifications et des dénominations, mais un intérêt sans cesse croissant a été mis sur la
protection de l’environnement.
22
Dès lors, le Ministère chargé de l’environnement et du Développement Durable fut créé
et avec lui, plusieurs structures administratives dont, les attributions légales essentielles,
la Direction Générale de l’Environnement (DGE), le Centre Ivoirien Antipollution (CIAPOL),
l’Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR), l’Agence Nationale De l’Environnement
(ANDE), la Direction des Eaux et Forêts, la Direction des Ressources en Eau (DIRE) et la
Direction des Ressources Naturelles.
Pour étendre ses actions sur l’ensemble du territoire, le Ministère en charge de
l’environnement et du Développement Durable a rapproché les services auprès de la
population en créant les Directions Régionales.
Pour les projets d’exploitation minières, les Ministères impliqués sont notamment :
le Ministère des Mines, avec la Direction Générale des Mines et de la
géologie et la Commission Minière Interministérielle (COMINE) chargée
d’approuver les documents soumis pour l’octroi du permis d’exploitation ;
le Ministère de l’Agriculture avec la Direction Générale de l’Agriculture ;
le Ministère de la Construction, de l’Assainissement et de l’Urbanisme avec la
Direction de l’Urbanisme, la Direction de la Construction et de l’Habitat ;
le Ministère des Infrastructures économiques avec la Direction de
l’Hydraulique Humaine, l’Office National de l’Eau potable (ONEP), l’Agence
Nationale de Gestion des Routes (AGEROUTE) ;
le Ministère des Eaux et Forêts avec la Direction Générale des Eaux et Forêts
et la Direction des Ressources en Eau ;
le Ministère d’Etat, Ministère de l’Intérieur avec la Direction Générale de
l’Administration Territoriale, le Conseil Général de Divo ;
le Ministère de la Santé et de la lutte contre le SIDA.
II. AU PLAN INTERNATIONAL
1. Les conventions et traités
23
La Côte d’Ivoire a signé et ratifié, depuis 1938, une quarantaine de conventions,
accords et traités internationaux relatifs à l’environnement, dont les principaux sont
listés dans le tableau ci-après.
Convention – Lieu et date d’Adoption Date de
ratification
Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants 2003
RAMSAR, Convention relative aux zones humides d’importance
internationale pour garantir une meilleure protection de l’habitat et des
sites de nidification de certaines espèces migratoires
1996
Convention de Bamako sur l’interdiction en Afrique des déchets dangereux 1994
Convention – cadre des Nations Unies sur les changements climatiques 1994
Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 1992 1994
Convention sur la diminution de la couche d’ozone, Vienne 1988, Protocole
de Montréal, 1987, amendement de Londres1990
1993
La Côte d’Ivoire a signé, puis ratifié le 23 avril 2007 le protocole de Kyoto.
2. Principes, valeurs et provisions résultant des textes internationaux
Le Principe 1 de la Déclaration de Stockholm issue de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement en 1972 proclame que « l’homme a un droit
fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un
environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le
devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes
et futures ».
La Déclaration de la conférence de Rio 1992 abonde dans le même sens. Le Principe 1 dit
que « les êtres humains ont (…) droit à une vie saine et productive en harmonie avec la
nature ». Au niveau régional, le droit de l’homme à l’environnement a été aussi affirmé. La
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée à Nairobi le 28 juin 1981
24
reconnaît, en son article 24, que « tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant,
global et propice à leur développement ».
L’étude entreprise doit être conforme aux exigences de l'Institut de financement des
Principes de l’Équateur (EPFI). Les Principes de l’Équateur font allusion aux normes
opérationnelles exigées par la SFI (Groupe de la Banque Mondiale; 1995). Il est essentiel
que l’exploitation minière se conforme intégralement à la législation du pays d'accueil, ce
qui inclut les actes, les lois, les règlements et les conditions de permis. Le chapitre suivant
traite de la législation ivoirienne ainsi que des Principes de l’Équateur et les directives de
la SFI.
Les Principes de l’Équateur sont basés sur les politiques et les directives de la Société
Financière Internationale (SFI) qui est la branche du développement du secteur privé du
Groupe de la Banque Mondiale.
Les institutions financières importantes qui adoptent les Principes de l’Équateur sont
connues comme des EPFI. Les Principes de l’Équateur sont une adoption volontaire des
politiques sociales et environnementales, des procédures, des normes et des limites de
prêt par EPFI aux emprunteurs qui réussissent à ces principes.
Les normes de performance SFI sur la durabilité sociale et environnementale adressent
les aspects et les impacts sociaux et environnementaux associés au développement du
projet. Les normes de performance exigent que les impacts et les risques sociaux et
environnementaux d'un projet soient identifiés et évalués dès les premiers stades du
développement du projet et continuent à être gérés tout le long de la vie du projet.
Les directives environnementales, médicales et de la sécurité fournissent des conseils
généraux et spécifiques aux industries de bonnes pratiques et des limites numériques
pour la santé et à la sécurité de la communauté, le bruit, les émissions de gaz,
l’évacuation des effluents et tous autres déchets. La SFI classifie le projet envisagé dans
une des quatre catégories, selon le type, le lieu, la sensibilité et l’étendue du projet et la
nature et l'ampleur de ses impacts potentiels environnementaux (SFI, 2006) .Ce sont :
Catégorie A: Un projet envisagé est classifié catégorie A si ses impacts potentiels
environnementaux importants et défavorables sont sensibles, divers, ou sans précédent.
25
Ces impacts pourraient affecter une zone plus large que le site ou les installations
minières.
Catégorie B: Un projet envisagé est classifié catégorie B si ses impacts potentiels
défavorables sur les populations humaines ou les zones importantes et sensibles, - qui
inclut les zones humides, les forêts, les prairies et autres habitats naturels - sont moins
défavorables que ceux des projets de catégorie A. Ces impacts sont spécifiques au site;
peu d’entre eux sont irréversibles; et dans la plupart des cas les mesures d’atténuation
peuvent être conçues plus facilement que les projets de la Catégorie A. Le Pollution
Prevention and AbatementHandbook (Manuel sur la réduction et la prévention de la
pollution) (PPAH; World Bank 1998) considère l'expansion des exploitations existantes en
tant que projet de la catégorie B.
Catégorie C: Un projet envisagé est classifié catégorie C si ses impacts environnementaux
sont minimaux ou non-existants.
Catégorie FI: Un projet envisagé est classifié catégorie FI s'il implique l'investissement de
fonds SFI par un intermédiaire financier, dans des sous-projets qui pourraient avoir des
impacts défavorables environnementaux.
Les normes de performance de la SFI se composent de huit normes de performance.
La plus importante est la norme de performance 1 sur les politiques de la société
financière internationale sur la durabilité sociale et environnementale. Cette norme exige
que l’investigateur du projet doit non seulement évaluer les impacts sociaux et
environnementaux du projet mais aussi s’assurer de la gestion continue, de la
performance sociale et environnementale tout le long du cycle de vie du projet. Les
procédures pour le suivi à long terme et les comptes- rendus sur l'efficacité des mesures
de gestion de risques sont aussi exigés par la norme.
La Banque Africaine de Développement (BAD) et le Fond Africain de Développement
(FAD) ont élaboré en mai 1995 les « Directives relatives au déplacement involontaire
et au transfert des populations dans les projets de développement »,
consécutivement leur politique en matière d’environnement définie dans un
document approuvé respectivement aux 270ème et 198ème réunions des conseils
d’Administration des institutions sus -citées tenues du 11 au 15juin 1990 à Abidjan.
26
Il faut retenir que les directives de la BAD et celle de la Banque Mondiale sont
pratiquement identiques et en particulier sur les différents points énoncés plus haut.
Les Directives de la Banque Mondiale et de la BAD rejoignent en plusieurs points la
Constitution ivoirienne qui dispose en outre en son article 28 que « la protection de
l’environnement et la promotion de la qualité de la vie sont un devoir pour la
communauté et pour chaque personne physique ou morale » et en son article 06 que «
l’Etat assure la protection des enfants, des personnes âgées et des personnes
handicapées ».
Le 30 avril 2006, la SFI a émis un nouveau projet de politique qui viendra amender
les politiques applicables à ce jour. Par cette mise à jour, la SFI « s’efforce d’assurer des
résultats positifs en termes de développement dans les projets du secteur privé qu’elle
finance sur des marchés émergents » (Politique de la SFI en matière de durabilité sociale et
environnementale 2006). La PO 4.01 sera toujours applicable mais de nouvelles exigences
en termes de concertation et de divulgation de l’information ont été rajoutées. Ces
nouvelles procédures mettent l’accent sur la performance des plans d’actions et
leurs suivis plus que sur l’analyse de l’état initial et des impacts du Projet.
QUARTIEME PARTIE: LES RENCONTRES COMMUNAUTAIRES ET AVEC LES AUTORITES
27
I. LES FAITS RESULTANT DES FOCUS GROUP
Conformément à la méthode déterminée dans les termes de réferences, douze focus
group ont été organisés avec la participation de plus de 120 personnes.
Les rencontres avec les populations se sont déroulées conformément à un
chronogramme pré-établi par l’équipe de mission. Les enquêteurs de l’APDH ont débuté
la mission par le village de Bonikro ; investissant par ailleurs les plantations, entre autres.
Après les focus group, l’équipe a entrepris d’entendre la version et les arguments de la
société exploitant la mine en cause.
Cependant, les responsables de l’entreprise ont renvoyé les enquêteurs à leur Direction à
Abidjan. Il faut rappeler à toutes fins utiles que, le courrier de demande d’audience
adressé à ladite direction est resté à ce jour sans suite. Voir en annexe l’accusé de
reception. L’équipe n’a donc pas pu avoir des échanges avec les premiers responsables
l’entreprise extraction minières ‘’Newcrest mining Limited’’.
Elle a échangé néammoins avec les populations et a consulté des documents et travaux
pertinents permettant de vérifier les faits.
A- LES RENCONTRES DES COMMUNAUTES DE BONIKRO ET DE BANDAMANKRO
28
Figure 3 Source : APDH
La localité de Bonikro fut la première à recevoir l’équipe de l’APDH pour une
séance de travail relativement au projet. Reçue par le chef du village Boni yao et l’un de
ses collaborateurs Monsieur LOUKOU aux environs de 9h30 au domicile du chef, la
délégation après avoir présenté l’APDH, a informé le chef de son intention d’organiser un
ou plusieurs focus group. Cette rencontre a eu pour objet dans ledit village de recueillir la
perception des populations relativement à l’implantation de la mine sur leur terre et de
son impact sur leur droit à un environnement sain.
Le chef a décidé que l’équipe revienne le lendemain lundi 07 septembre 2015 aux
alentours de 17heures, heure de descente des populations de leurs plantations
respectives afin d’associer toute sa communauté ainsi que le village voisin de
Bandamankro.
Etaient présents aux deux focus group organisés à Bonikro, le chef du village de Bonikro
et sa notabilité, les représentantes de femmes dudit village, le chef du village de
Bandamankro et sa notabilité et les représentants des jeunes des deux villages.
A l’origine, il existait deux campements à l’emplacement du site de la mine que sont
BONIKRO et BANDAMANKRO et TROIS(3) autres campements situés entre 3 km et 1 km
de l’emplacement actuel de l’entreprise minière aurifère que sont KONANKRO,
KOUTOUCLOU-KONANKRO ET PETIT BOUAKE. La mine a même emprunté le nom du
village de Bonikro. Ce sont seulement les villages de BONIKRO ET DE BANDAMANKRO qui
29
ont pu être relocalisés quant aux autres villages, ils sont toujours en attente d’une
relocalisation.
Pour les habitants de BONIKRO, les propriétaires terriens de la zone minière sont
originaires de GOGOBRO qui se situe sur les collines à environ 10 KM de HIRE.
Au cours des échanges, il est ressorti que les populations n’ont pas été informées
des conséquences de l’impact de l’installation de la mine sur leur terre.
Les populations reconnaissant certes avoir été délocalisées sur ce nouveau site,
affirment néanmoins être déçues de la qualité des maisons construites. En effet, la
mauvaise qualité des matériaux de construction, le manque de chaînage seraient à
l’origine de la dégradation avancée de ces habitations. Il faut noter que les communautés
accusent la société de ne pas respecter ses engagements à leur égard. C’est le cas des
infrastructures sanitaires qui depuis leurs constructions ne fonctionnent pas et sont
laissées à l’abandon. Certains se sentent donc obligés de déménager du village voire de
vendre leur maison.
Source : APDH
Figure 4 : Le centre de santé non fonctionnel et délaissé
Le chef du village de Bonikro rélève entre autres que ; « Il nous ont délocalisés ici sans
nous accorder un centimètre d’espace de plus. Conséquence, nous ne pouvons pas
construire d’autres bâtiments. Nous sommes obligés de dormir à plusieurs dans chaque
pièce. Nous n’avons plus d’intimité dans nos foyers ».
39
Le Chef de Bandamakro renchérit : « le chemin qu’on empruntait pour se rendre dans nos
champs a été rallongé. Certaines personnes parcourent une dizaine de kilomètres par jour
avant d’arriver dans leurs champs. Le car mis à notre disposition ne respecte pas les
horaires définis au départ. »
Source : APDH
Figure 5 : un mini car mis à la disposition de neuf familles dont les champs sont à plus de 10km du
village
Prenant la parole, une Dame soutient que les engagements pris par NEWCREST afin de
leur permettre de créer des activités génératrices de revenus n’ont malheureusement
jamais vu le jour. Les veuves de BONIKRO et de BANDAMANKRO se sentent marginalisées
dans le processus de dédommagement des plantations laissées par leurs défunts époux.
31
B - RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTE CEDEAO
L’équipe de l’APDH a rencontré le mardi 9 Septembre 2015 à 9h 30, les
ressortissants de la CEDEAO à Hiré. Il convient de rappeler que ces populations vivent à
Hiré depuis plusieurs générations et le plus gros contingent est originaire du Burkina
Faso. Les échanges empreints de convivialité ont tourné autour des questions liés à
l’implantation de la mine et de ses conséquences sur l’environnement et les droits de
l’homme s’y rattachant.
Source : APDH
Figure 6 : Image du focus group avec la communauté de la CEDEAO de Hiré.
Il ressort des échanges avec cette communauté que si l’information relative à
l’implantation de la mine dans la localité à été reçue, il n’en a pas été de même pour les
conséquences sur l’environnement, la population n’a pas été informée des conséquences.
Ainsi les explications afférentes aux conséquences écologiques et environnementales n’ont
jamais été évoquées, ni par les autorités minières ,ni par les autorités administratives.
Les participants aux focus group ont cependant noté que depuis
32
l’implantation de la mine, ils assistent malheureusement à une baisse considérable de la
production agricole et surtout des cultures vivrières engendrant ainsi la cherté de la vie à
Hiré. Selon d’autres témoignages ,l’eau courante prend souvent une teinte rougeâtre. Les
populations imputeraient cette constatation à l’exploitation minière et à l’utilisation du
cyanure dans le processsus d’extraction de l’or . En raison de cela, certains s’abstiennent
de consommer l’eau des puits ou encore l’eau de robinet par peur de contracter des
maladies. En somme une psychose s’est emparée des populations.
Cette population à vocation ouvrière se sent surtout lesée par rapport aux
dédommagements à elle proposés par la mine en échange de l’occupation de leur
parcelle de terre . A titre d’exemple une plantation de trois hectares et demi de cacao
aurait été indemnisée à hauteur de deux cent cinquante mille francs cfa aux dires d’un
des participants au focus group. Ces parcelles sont exploitées par des ressortissants de la
sous région mais appartiennent à la communauté Dida qui les loue aux premiers cités
pour des périodes allant de trois à cinq ans en vue de la création de plantation ou de mine
d’extraction d’or par des processus artisanaux. Aussi la communauté CEDEAO en vue
d’éviter des conflits avec ses tuteurs, a préconisé la mesure suivante : la somme perçue
lors du dédommagement est scindée en trois parts et le tiers revient au propriétaire
terrien.
C- LA RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTE DU QUARTIER BAOULE
Source : APDH
33
Figure 7
La mission s’est rendue le mardi 8 septembre 2015 aux environs de 13h30 chez le
Chef de la communaute Baoulé, Monsieur Dabo Blé Michel. Entouré de sa notabilité et de
quelques cadres de sa communauté , le responsable de la délégation de l’APDH a rappelé
les raisons de la présence de l’équipe à son domicile, celles de s’imprégner de l’impact de
l’installation minière à proximité de leur habitation c'est-à-dire à moins d’un Km du
quartier Baoulé.
Répondant à la première préoccupation de la mission, celle de savoir si les populations
ont été réellement informées des conséquences de l’extraction de l’or par la société
Newcrest à 1km du quartier Baoulé ; le chef a répondu que la seule information à eux
communiquée par l’entreprise est l’information selon laquelle elle exploiterait l’or dans la
zone. Pour toutes les conséquences environnementales et écologiques, sa communauté
n’a pas été instruite.
Un des intervenants affirme avoir participé à une expérience de l’entreprise sur les effets
des explosions sur le site d’exploitation minière aurifère de Hiré à moins de 3 km de la
commune. A cet effet, il fut convié avec d’autres personnes à assister de plus près à
cette explosion sur le site d’exploitation afin que ces derniers non seulement racontent
cette experience à leurs communautés respectives, mais surtout montrent que ces
explosions sont sans conséquences nuisibles pour l’homme et ses habitats. Le témoin
affirme que sur les lieux ils n’ont pas ressenti les effets indésirables du blasting sur leur
personne et sur l’environnement immédiat mais qu’à leur retour grande fut la surprise de
s’apercevoir que des maisons furent fissurées juste après l’explosion expérimentale.
Au cours des échanges, il est ressorti que l’entreprise n’a pas encore dédommagé les
populations et qu’elle a entrepris des travaux d’exploitation entraînant la destruction des
productions agricoles et les plants de tecks. L’entreprise a retenu certaines parcelles et
en a rejété d’autres. Pourtant les populations dont les portions de terre n’ont pu être
retenues ne peuvent plus avoir accès à leur parcelle car ces dernières sont
infranchissables compte tenu des barbélés de fer installés par l’entreprise ou encore
parce que ces espaces font l’objet d’une quelconque appopriation par l’entreprise.
34
Source : APDH
Figure 8 : Une parcelle non retenue mais faisant tout de même l’objet d’exploitation
Source : APDH
Figure 9 : Des barbélés installés par Newcrest empêchant des populations d’accéder à leur parcelle
1. Parcelle non retenue :
Face à ces agissements de la société et à son refus de réagir favorablement aux
révendications socio-économiques des agriculteurs et des personnes qui exercent un
droit coutumier sur ces parcelles de terre, les femmes du quartier Boaulé ont initié un
35
blocus du site d’exploitation minière de la ville de Hiré et souhaiteraient voir leurs
révendications prises en compte par la société et les autorités administratives de ladite
sous-préfecture.
36
Mouvement d’humeur des femmes contre la mine
37
Source APDH
Figures 10 :Images de sit-in des femmes sur le site d’exploitation minière de Hiré
C- RENCONTRE AVEC KOUTOUCLOU KONANKRO
Source APDH
Figure 11
38
« Les populations de koutouclou-konankro vivaient tranquillement avant la venue de la
société LGL qui devint par la suite EQUIGOLD puis enfin NEWCREST ».
Depuis l’installation de l’usine d’exploitation de la mine d’or, et selon les témoignages des
populations du village, les bruits incessants de l’usine les empêchent de dormir ; les
détonations des dynamites ont fissuré voire détruit leurs maisons . Les bassins
sédimentaires contenant des produits chimiques toxiques causeraient des
désagrémements au niveau de la santé de ces populations. Ces produits chimiques
utilisés par les exploitants miniers contribueraient à l’infertilisatisation des terres
cultivables situées à proximité de l’exploitation. Ils notent par ailleurs que leur production
agricole annuelle a extrêmement baissé et que cela serait dû au manque de terres
cultivables compte tenu de la grande superficie occupée par NEWCREST.
Monsieur YH participant au focus group organisé dans le village de Koutouclou-
Konankro soutient : « Mon champ est situé à 100 m de l’usine et fait partie des parcelles
non retenues par l’entreprise et ne pouvant donc pas être dédommagé. Pourtant mon
champ ne produit plus, du fait de l’utilisation de certains produits dangereux, tel que le
cyanure dans le cadre de l’exploitation de la mine. Et les eaux qui ruissellent des
plateformes de l’usine viennent stagner durant plusieurs mois dans mon champ. Pire c’est
dans mon champ que j’ai surpris un de leur employé faire la vidange des déchets provenant
de l’usine.Quand je leur ai demandé de récuper le champ et de me verser des indemnités de
compensation, les responsables de NEWCREST ont réfusé. »
Les intervenants ont affirmé que plusieurs parcelles n’ont pas été prises en compte dans
le processus de dédommagement. Ils affirment être impuissants face au non respect des
engagements et au non paiement des dédommagements des terres occupées par
Newcrest. Un jeune du village témoigne de ce qui suit : « Les jeunes gens du village que
Newcrest avait promis d’employer sont laissés pour compte à ce jour au profit des
employés venus soit des autres contrées de la Côte d’Ivoire, soit de la sous - region alors
que nous sommes des voisins directs de la mine »
Depuis 2012 le village de KOUTOUCLOU -KONANKRO devrait être rélocalisé au même
titre que les villages de BONIKRO et BANDAMANKRO. Mais le processus de
rélocalisation du village de koutouclou- konankro ainsi que les villages de Petit Bouaké,
39
Konankro et Yowlê tardent. S’il est vrai que les travaux de construction des maisons du
village ont débuté et se poursuivent sur le nouveau site à proximité de la ville de Hiré, il
faut rappeler néanmoins que sur les 1000 maisons récensées par le village en
collaboration avec la société, c’est seulement 122 maisons qui ont été retenues par la
société et sont entrain d’être construites à ce jour.
D- RENCONTRE AVEC LES COMMUNAUTES DE GABIA
La mission s’est rendue le mercredi 09 septembre aux alentours de 9 H dans la localité
de Gabia afin de s’entretenir avec les communautés au travers de focus group et
recueillir leurs avis concernant les impacts de l’implantation de la mine de Bonikro à
proximité de leur localité. Il faut rappeler que les enquêteurs s’étaient déjà entretenus
avec le chef du village et son secrétaire le lundi 8 septembre 2015 aux alentours de 11H.
Le chef a présenté à la mission une carte du BNETD et au regard de cette carte, il a fait
savoir à la délégation que Bonikro se trouve sur la terre de ses ancêtres et qu’au fil des
différents régimes qui se sont succèdés à la tête de la Côte d’Ivoire un nouveau
découpage intervenait et remettait en cause l’autorité de Gabia sur ces terres. Cette
situation, selon le chef, a par le passé soulévé des protestations virulentes des
populations.
Le chef a aussi rappelé qu’en dépit de sa proximité avec Hiré, son village est sous
l’autorité de la sous- préfecture d’ Oumé.
Ce mercredi 9 septembre 2015 une cinquantaine de personnes étaient reunies dans la
salle de la coopérative du village attendant les enquêteurs.
Après, la présentation de la mission et de l’objet de la rencontre aux populations
présentes, une question préliminaire fut posée à la délégation par un
participant : « Pourquoi, depuis une dizaine d’année que la mine est installée sur nos
terres, c’est maintenant qu’une ONG de défense et de promotion des droits humains
vient récueillir nos avis et poser des questions sur l’impact de l’extraction de l’or sur
nous, habitants de Gabia ? »
Prenant la parole ,la délégation a rappelé que l’APDH s’est toujours préoccupé de l’impact
de l’exploitation minière aurifère sur l’environnement des populations riveraines des
40
localités de HIRE et de OUME . Mais en raison de l’actualité plus cruciale sur d’autres
thématiques des droits de l’homme , elle n’a pas pu faire face à cette question en son
temps . Mais aujourd’hui au regard des nombreuses plaintes des populations à travers la
presse ,l’APDH ne peut plus réléguer cette question au second plan .Aidée en cela par un
contexte favorable aux préparatifs du cop21 prévu à paris du 30 novembre au 11
décembre 2015 .Mais en plus , au–délà de l’actualité brûlante sur la question ,l’APDH s’est
donnée pour objectif de défendre les droits de l’homme,tous les droits de l’homme .A ce
titre elle ne peut être indifférente au sort fait aux populations rivéraines des zones
d’extraction minière aurifère du fait des impacts néfastes des activités des entreprises
d’exploitation minière sur leur environnement immédiat.
41
Source APDH
Figure 12 : Les images de la rencontre avec les populations de Gabia
Pour ce qui est de la pollution environnementale due à l’extraction de l’or, les
populations dans leur majorité disent n’avoir jamais été officiellement informées des
conséquences écologiques et environnementales liées à cette activité. Mais ce dont ils
sont certains, ce sont les effets dévastateurs du cyanure sur l’homme et l’environnement.
Pour les populations de Gabia, la rivière « Douba » qu’elles utilisaient pour les besoins du
ménage et des travaux champêtres semblerait être polluée par les exploitants miniers
aurifères.
Pour eux, ce sont les villages de Hiré qui bénéficient de l’extraction de l’or.
II- LA REACTION DES AUTORITES
A- Les autorités administratives
La Côte d’Ivoire a pris, dans le cadre de sa politique minière, un ensemble de
textes dont la modernité ne peut être discutée.
L’équipe de terrain a noté avec satisfaction que des initiatives devant normalement
permettre le contrôle et le suivi de l’exploitation minière ont été mises en place. Il
s’agit du comité dit de gestion des crises.
42
Cependant le fonctionnement de ce comité est fortement critiqué par les populations
et aucune initiative importante n’a été mise à son crédit dans le cadre de la gestion
des conflits.
Il est également à noter que l’Etat est favorable à la réalisation de nouvelles études et
à l’organisation de consultations sur la pollution générée par les industries
extractives. Il est également favorable à l’étude des impacts des substances
dangereuses provenant des industries d’extraction minière et qui sont contenues
dans l’air et dont l’action est visible dans l’atmosphère.
B- Les autorités minières
Dans le cadre de cette mission, une demande d’audience a été adressée à l’entreprise
Newcrest en vue d’organiser une séance de travail et d’échanges avec les responsables
locaux de cette société à Bonikro.
Cependant, cette dernière n’a pas réagit à notre demande.
QUATRIEME PARTIE : LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME CONSTATEES
Les experts consultés par l’équipe de mission soutiennent que les activités d’extraction
conduisent inévitablement à l’introduction dans l’environnement de matières
dangereuses, qui peuvent correspondre ou non à la ressource visée, ce qui n’est pas sans
incidences sur la santé humaine, l’environnement et la société. Les êtres humains peuvent
être exposés aux effets des produits et déchets dangereux par inhalation (poussières,
mercure élémentaire et cyanure d’hydrogène), par ingestion (alimentation et eau) ou
encore par contact physique avec les produits chimiques.
Ces effets nocifs conduisent à de graves violations des droits de l’homme lorsque des
mesures appropriées ne sont pas prises.
I - VIOLATION DU DROIT A UNE ALIMENTATION SAINE ET SUFFISANTE
En vertu du droit à une nourriture suffisante consacré par l’article 11 du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et d’autres instruments
relatifs aux droits de l’homme, chacun a droit à une nourriture suffisante, en quantité
comme en qualité, et exempte de substances nocives.
43
La mission a constaté que les populations qui ont dû être déplacées dans le cadre de
l’exploitation de la mine de HIRE, possèdent toujours leurs exploitations agricoles dans
les environs de la mine et particulièrement des espaces contaminés au cyanure. Dans ces
conditions, il est fort à craindre que les sols des plantations d’où proviennent les produits
consommés ne soient contaminés.
Source APDH
Figure 13 : Des plantations improductives et quasi inexistantes qui selon les paysans sont
dues à la présence de cyanure
Un échantillon d’eau prélevé dans un champ situé à environ 500 mètres de l’usine, par
notre mission et analysé par un laboratoire indépendant a fait apparaitre un taux
44
anormalement élevé de cyanure dans les sources consommées par les populations (voir le
bulletin en annexe).
Si le lien entre les pathologies alléguées et les niveaux de contamination reste à
prouver, il n’en demeure pas moins que l’inquiétude des populations qui dénoncent
l’apparition de nouvelles pathologies doit être prise en compte.
Source APDH
Figure 14 : Une maladie due selon ces personnes à la présence de cyanure dans leurs
plantations et aliments
Figure 15 : Une pancarte de la société Newcrest à proximité d’un champ
Source APDH
45
II- VIOLATIONS DU DROIT A UN ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL SÛR ET SAIN
Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux culturels en son
article 7.b consacre le droit à la sécurité et à l’hygiène au travail.
Dans le cas des gisements aurifères, le traitement du minerai est réalisé en général
par attaques chimiques diverses. Il s’agit de procédés essentiellement basés sur la
cyanuration et l'utilisation d'autres produits chimiques très toxiques. Bien que réalisés
dans des cuves, ces procédés peuvent avoir pour conséquence, une émission de dioxyde
de soufre dans l'air et une dispersion plus ou moins importante de cyanure dans les
bassins de décantation. Ce qui ne manque pas de mettre en péril l’environnement de
travail tant des paysans que des travailleurs de la société NEWCREST.
III- VIOLATIONS DU DROIT A LA PROTECTION ET A LA PRESERVATION DU SOL, DE
L’AIR, DE L’EAU, DE LA FLORE ET DE LA FAUNE
Une mauvaise gestion des substances et des déchets dangereux provenant des
industries minières peut être à l’origine d’une pollution importante de
l’environnement, elle-même préjudiciable à tout un ensemble de droits de
l’homme. Par exemple, le mercure élémentaire et d’autres métaux lourds et
substances toxiques que l’on trouve dans les réserves de gaz sont rejetés dans
l’air au cours des processus d’extraction de l’or et la lixiviation au cyanure
destinée à extraire ce minerai.
Figure 16: Parc à résidus de la mine de Bonikro
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Les informations recueillies et les documents officiels consultés font état d’une
exploitation portant sur une superficie totale de 772 hectares.
L’équipe de mission a pu observer dans la Sous-Préfecture de Hiré une exploitation
minière aurifère à ciel ouvert à moins de 1 km du quartier Baoulé de la dite ville. Cette
exploitation engendre plusieurs impacts environnementaux notamment sur l’air, les sols,
les eaux de surfaces et souteraines et sur la végétation et les animaux.
Les témoins entendus lors des focus group ont tous soutenus que des espèces végétales
ont totalement ou partiellement disparu de la zone d’exploitation.
Les atteintes au sol sont également visibles avec les grandes galeries creusées par de
puissantes machines.
Source APDH
Figure 17: Carrière de la mine de Bonikro
La dégradation du sol a également été constatée du fait de l’orpaillage dit clandestin. Ce
phénomène a pour conséquence une dégradation accrue des plantations de cacao, ainsi
que des terres cultivables; lesquelles sont dépouillées du sol avec par endroit de grand
lacs.
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Source APDH
Figure 18 :Dégradation du sol après le passage des orpailleurs dans un champ de cacao
Il est à noter que les orpailleurs clandestins interviennent dans et en dehors des 772 ha
précités de sorte que la dégradation tant de la flore que de la faune porte sur une
surperficie bien plus grande que celle enrégistrée.
Relativement à la pollution, les orpailleurs rencontrés soutiennent ne pas utiliser des
produits chimiques pour extraire l’or.
Cependant, l’équipe de mission a pu noter que ces orpailleurs utilisaient des motos
pompes pour mettre à nu les fonds de terre. Une telle pratique laisse subodorer qu’ils
peuvent parfaitement utiliser des produits chimiques interdits pour le traitement de l’or.
Par ailleurs, avant l’installation de la société NEWCREST dans le département de HIRE la
zone était surtout connue, comme toute la partie sud de la Côte d’Ivoire, pour sa cacao
culture. Cette fertilité de son sol explique d’ailleurs pourquoi la zone accueille une
population venue des pays de la sous-région et des autres parties de la Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, les témoins entendus lors des focus group sont unanimes pour soutenir que
l’exploitation minière a entrainé un appauvrissement des sols avec son cortège de
manque de produits agricoles.
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Notre équipe a pu constater les vastes espaces de terre déblayés en profondeur par les
engins, or ces sols sont en général fragiles à cause de leur faible teneur en matière
organique, de la nature du substrat, des fortes pentes et de l’agressivité du climat.
Source APDH
Figures 19 : Les travaux de l’exploitation minière aurifère à ciel ouvert à proximité de HIRE arrêtés par les femmes du quartier baoulé
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IV- VIOLATION DU DROIT A DES INDEMNISATIONS JUSTES ET PREALABLES
L’article 15 de la constitution ivoirienne dispose que : « le droit de propriété est garanti à tous. Nul ne doit être privé de sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et sous la condition d’une juste et préalable indemnisation ». De façon générale, les droits consacrés par la coutume en ce qu’ils n’obéissent pas au formalisme légal, sont contestés dans leur existence.
Cependant, l’article 3 du code foncier ivoirien reconnaît les droits coutumiers exercés par les populations et dispose en effet que : « Le Domaine Foncier Rural coutumier est constitué par l’ensemble des terres sur lesquelles s’exercent :
- des droits coutumiers conformes aux traditions, - des droits coutumiers cédés à des tiers ».
Cette reconnaissance sert de fondement au droit à indemnisation tel que prévu
par l’arrêté interministériel n° 28 MINAGRA/MEF du 12 mars 1996 portant fixation du
barème d’indemnisation des cultures détruites.
Il ressort des témoignages recueillis par l’équipe de mission que la société Newcrest n’a
pas satisfait à son obligation d’une juste et préalable indemnisation.
-le caractère injuste de l’indemnisation
Ce caractère injuste résulte des barèmes fixés par ledit arrêté ; lequel date d’ailleurs
d’environ 20 ans. Ainsi des documents fournis par les populations, il résulte qu’un plant
de teck de plus de 10 ans est indemnisé à 4000fr et le plant de cacaoyer est indemnisé à
2750 Fr.
Ces quantum manifestement injustes ne tiennent pas compte de la valorisation de la terre
au fil des années.
-Une indemnisation non préalable à l’exploitation
Des témoignages reçus lors des focus group font état de la non indemnisation de certains
paysans ; la société Newcrest prétextant que leurs parcelles n’avaient pas été retenues.
Pourtant, poursuivent ces témoins, lesdites parcelles sont exploitées par la société
concessionnaire. Cette situation a provoqué de vives réactions des populations riveraines
empêchant l’accès au site d’exploitation.
L’équipe de mission a pu constater pendant les neuf jours de son séjour, que les
populations qui soutiennent n’avoir pas reçu au préalable l’indemnisation promise, ont
obstrué les voies d’accès à l’usine de la société Newcrest et ce jusqu’au moment de
l’impression de ce rapport.
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Source APDH
Figure 20 : Sit- in des populations à l’entrée du site d’exploitation
V- VIOLATION DU DROIT A LA SANTE
Aux termes de l’article 16 de la charte africaine des droits de l’homme et des
peuples(CADHP) : « toutes personnes a le droit de jouir du meilleur état de santé
physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre.
Les Etats parties à la présente charte s’engagent à prendre toutes les mesures nécessaires en
vue de protéger la santé de leur population et de leur assurer l’assistance médicale en cas de
maladie ».
Ce droit à la santé suppose avant tout la mise à disposition des structures sanitaires
adéquates.
En Côte d’Ivoire, le droit à la santé est dejà fortement altéré du fait des moyens toujours
limités de l’Etat. Dans la zone objet de notre étude, alors que la santé des populations est
mise en péril du fait des risques réels et potentiels de pollution, les structures sanitaires
sont quasi inexistantes. En témoignent les plaintes des populations qui soutiennent qu’à
l’occasion de la rélocalisation et contrairement aux engagements sociaux de la société
Newcrest, les centres de santé promis n’ont pu être entièrement mis en fonction.
L’équipe de mission a pu constater dans le village de Bonikro, un dispensaire construit
mais envahi par la broussaille.
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Figure 21 : Centre de santé communautaire de Bonikro
CINQUIEME PARTIE : LE CAS PARTICULIER DE L’ORPAILLAGE
Source APDH
L’équipe de mission a pu constater qu’à côté de l’exploitation industrielle des mines
aurifères, se trouvent une autre forme d’extraction de l’or qu’est la technique
traditionnelle dite de l’orpaillage. Elle se définit comme «la recherche et l’exploitation
artisanale de l’or dans les rivières aurifères ».
Malheureusement ce procédé archaïque d’extraction du minerai jaune passe outre les
règles d’hygiène et de sécurité nécessaires en la matière mais surtout conduit à des
violations du droit de l’homme à un environnement sain. En fait, les conditions de travail
laissent à désirer car l’environnement de travail est insalubre et dangereux compte tenu
de nombreuses galeries creusées qui provoquent parfois des éboulements mortels. Mais
Le fait marquant l’incursion de l’équipe de mission dans l’univers des orpailleurs reste le
travail illégal des mineurs et enfants pourtant interdit par la loi n°2010-272 du 30
septembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des
enfants. Rappelons qu’une frange importante de ces travailleurs mineurs est de sexe
féminin ; lorsqu’on connait la vulnérabilité déjà préoccupante des filles mineures non
scolarisées en Côte d’Ivoire, cela nécessite un intérêt particulier de la part des pouvoirs
publics.
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Source APDH
Figure 22 : Des enfants et des femmes en pleine activité d’extraction de l’or à Hiré
CONCLUSION :
Les mines en général et l’or en particulier occupent au fil des années une place de plus en
plus croissante dans le budget de l’Etat, surtout après la signature par la Côte d’ Ivoire de
l’ITIE en 2012.
Il est donc acquis que les multinationales manifestent et/ou manifesteront un intérêt de
plus en plus croissant pour les activités minières en Côte d’Ivoire. Toutefois si l’économie,
en termes de ressources engrangées par l’Etat, bénéficie de cette croissance, l’on ne peut
ignorer les effets néfastes de l’activité minière aurifère sur l’environnement et les
communautés autochtones. Ces activités bouleversent l’environnement et la société, et
sont génératrices de violations de droits humains.
A Hiré, zone de nos recherches, l’activité minière est extrêmement polluante. D’une part,
pour accéder aux métaux précieux, l’extraction nécessite le déplacement de grandes
quantités de terres et de pierres, et accumule énormément de déchets. D’autre part, elle
use ou libère dans son processus nombre de produits chimiques toxiques (cyanure,
plomb...). Enfin et surtout, elle demande une consommation abondante d’eau qu’en
outre, elle contamine. Mais c’est de loin l’or qui est le plus gourmand : 225 000 litres par
kg.
En ce sens, l’industrie minière contribue au double phénomène d’accaparement des
terres et de l’eau, entrant ainsi en concurrence directe avec l’agriculture paysanne. En
témoigne le recul de l’activité agricole au profit de l’exploitation minière constaté par les
populations elles-mêmes. « Avant l’arrivée des exploitants de l’or, Hiré était considéré
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comme un grenier en matière de production vivrière. Mais aujourd’hui la famine
commence à s’installer petit à petit. On n’arrive plus à se nourrir correctement. Tout est
devenu cher sur le marché. » Affirment- elles.
Autant de terres et d’eau confisquées à l’agriculture paysanne. Les populations d’Oumé
constituent un autre cas de figure. Grande pourvoyeuse de banane plantain, dans les
années antérieures, la région a connu une baisse drastique de sa production, en grande
partie à cause de l’impact de l’activité minière sur les ressources hydriques et sur la terre.
Ce qui est en jeu dans cette enquête, c’est la priorité accordée par un gouvernement à
une activité économique à l’exclusion d’une autre : Le mode d’appropriation des
territoires, la durée des processus mis en œuvre (les projets miniers ont en général une
durée de vie maximum de trente ans alors que l’agriculture paysanne se base sur le
renouvellement de la production en fonction du cycle des saisons), et la consommation
locale, nationale. Dès lors, la politique d’exportation du gouvernement met en scelle
deux modèles antagonistes : celui de la politique d’extraction minière et celui de
l’agriculture paysanne.
Cette pression sur les terres et sur l’eau (de plus en plus rare et précieuse) est à la source
de nombreux conflits que nous avons découverts dans la région. (Notre équipe d’enquête
a trouvé les femmes de Hiré organisant un mouvement d’humeur (sit-in) pour s’opposer
à l’exploitation abusive de leur territoire par l’entreprise d’exploitation minière sans
véritable dédommagement.
L’impact environnemental de l’exploitation minière est particulièrement lourd.
L’exploitation à ciel ouvert est la plus controversée, en raison du volume de terres
déplacé, de leurs activités intensives, des risques qu’ils font encourir et des dégâts qu’ils
peuvent occasionner.
Mais, en-deçà de ces événements qui font la une des médias, le problème renvoie au
désastre environnemental, produit par une telle exploitation.
L’appréciation du boom minier en Côte d’Ivoire, la façon d’en tirer le meilleur parti
possible et la question de son impact doivent faire l’objet d’un débat national approfondi.
Les exemples malheureux des pays comme le Libéria, la Sierra Leone et la RDC sont là
pour nous servir. Il faut prendre garde pour ne pas retomber dans les mêmes travers. La
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Côte d’Ivoire a montré qu’elle peut bâtir une économie prospère sans l’apport des
produits miniers. Et même si les exigences de la mondialisation font qu’elle ne peut se
soustraire au marché mondial, rien en revanche ne l’empêche de le faire dans le respect
des normes internationales qui incluent le respect de l’environnement et des droits de
l’homme, mais aussi en fonction de sa vision stratégique. Elle ne doit pas se précipiter et
se laisser dominer par l’appât du gain facile. Certes, cette manne minière représente une
opportunité à saisir pour assurer sa croissance et son développement plus rapidement.
Mais elle doit tenir compte en premier lieu du bien- être de sa population à majorité
rurale.
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RECOMMANDATIONS
Au terme de sa mission, l’APDH recommande
Au gouvernement Ivoirien
1- Invite le gouvernement à jouer pleinement ses fonctions de puissance publique
en faisant respecter sa réglementation (code minier, législation sociale) et de
contrôler les activités des entreprises minières.
2- La réforme de l’arrêté interministériel n° 28 MINAGRA/MEF du 12 mars 1996
portant fixation du barème d’indemnisation des cultures détruites pour tenir
compte des exploitations ou des activités commerciales par des privés.
3- La mise en place d’une commission indépendante d’évaluation de l’impact
environnemental et social de l’exploitation minière de Hiré et ses environs.
Cette commission devra comprendre toutes les parties prenantes et la société
civile.
4- La large diffusion au sein des populations, du code minier, des textes y
afférents, et des risques environnementaux induits par l’exploitation.
- Aux exploitants miniers aurifères
1- L’emploi de méthodes d’extraction respectueuses de l’environnement.
2- Le respect des engagements conforme à la responsabilité sociétale des
entreprises notamment le respect scrupuleux de la zone d’exploitation minière
aurifère en faisant cesser les litiges liés aux terres non retenues ou trouver une
entente satisfaisante aux dédommagements des détenteurs de droit foncier
coutumier lésés.
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Annexe 1
Résultat d’analyse d’échantillon d’eau prélevée à proximité du site d’extraction minière
Courrier adressé aux Responsables de la Mine
Plainte d'un planteur