ecclesiologie et histoire de leglise

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  ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L'ÉGLISE  Pierre Vallin Centre Sèvres | Recherches de Science Religieuse 2008/3 - Tome 96 pages 427 à 458  ISSN 0034-1258 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2008-3-page-427.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vallin Pierre, « Ecclésiologie et histoire de l'église », Recherches de Science Religieuse , 2008/3 Tome 96, p. 427-458. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres.  © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour to us pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.    D   o   c   u   m   e   n    t    t    é    l    é   c    h   a   r   g    é    d   e   p   u    i   s   w   w   w  .   c   a    i   r   n  .    i   n    f   o          7    8  .    9    6  .    2  .    6   -    2    9    /    0    2    /    2    0    1    2    1    3    h    2    5  .    ©    C   e   n    t   r   e    S    è   v   r   e   s D m e é é g d s w c r n n o 7 9 2 6 2 0 2 1 © C e S e

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ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L'ÉGLISE

 Pierre Vallin Centre Sèvres | Recherches de Science Religieuse 

2008/3 - Tome 96

pages 427 à 458

 

ISSN 0034-1258

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2008-3-page-427.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Vallin Pierre, «Ecclésiologie et histoire de l'église»,

Recherches de Science Religieuse , 2008/3 Tome 96, p. 427-458.

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Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres.

 © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre

établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que

ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en

France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Signalons, pour commencer, une grande réalisation, due à des amis italiens, Il Cristianesimo. Grande Atlante, trois volumes in-folio, avec une illustrationcontinue, (UTET, Turin, 2006). L’un des directeurs de cette entreprise, GiuseppeRuggieri, m’a demandé de présenter les volumes pour Il Cristianesimo nella

Storia. Je me permets de renvoyer les lecteurs de mon Bulletin à l’article que j’aiconsacré à cette entreprise, intitulé « Une promenade », et publié dans la revuede Bologne en 2007 (tome 18, p.407-423). On verra par cette présentation quele « Grande Atlante » (ce titre est celui d’une collection paraissant chez le mêmeéditeur, Unione Tipografico-Editrice Torinese) propose souvent des contributionsqui recoupent nos préoccupations. Je ne retiens ici qu’une seule contribution,car elle me fournit l’occasion de prolonger un questionnement sur la théologie del’épiscopat.

I-. Autour de la théologie de l’épiscopat (1 à 4)II- Questions actuelles d’ecclésiologie (5 à 14)III-Histoire des doctrines (15 à 20)IV-Personnalités et problématiques (21 à 31)

I. Autour de la théologie de l’épiscopat

(1-4)

BULLETIN

ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ÉGLISE 

Pierre  v  alliN Centre Sèvres-Facultés-jésuites de Paris

1. Marco RIZZI, « Le teologie politiche », contribution à Il Cristianesimo,Grande Atlante, Troisième volume, Le dottrine, dir. Giuseppe Ruggieri, p. 1045-1060, UTET, Turin, 2006.

2. Massimo FAGGIOLI, Il Vescovo e il Concilio. Modello episcopale e

 Aggiornamento al Vaticano II, Il Mulino, Bologne , 2005, 479 p.3. Heinke KUNZ, Sicilia. Religionsgeschichte des römischen Sizilien, Mohr-

Siebeck, Tübingen, 2006, 426 p. (Religion der Rômischen Provinzen, vol. 4).4. Bruno DUMÉZIL, Les racines chrétiennes de l’Europe. Conversion et liberté

dans les royaumes barbares V°-VIII° siècle, Fayard, Paris, 2005, 895 p.

1. Marco Rizzi enseigne l’histoire du christianisme à Brescia (Université catholi-que de Milan).Dans le Grande Atlante, sur les « théologies politiques », il analyseparallèlement chez Eusèbe de Césarée le discours sur la basilique épiscopalede Tyr, à la fin de l’Histoire ecclésiastique, et les hommages rendus à l’empereur,

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montrant comment Eusèbe fait de l’évêque, d’une part, de l’empereur de l’autre,

l’image visible du Christ, participant au rôle de celui-ci dans le gouvernement deshommes (p.1054s). Les deux derniers livres de   l’Histoire ecclésiastique ont étéabrégés par Rufin dans sa traduction latine (éditée par Theodor Mommsen dansle corpus de Berlin, en parallèle au texte grec, Eusebius Werke, 2, 2, H.E ., Livres 6à 10). Rufin a omis les pages dont nous parlons, qui n’ont donc pas influencé lesLatins, avant les éditions du grec (Paris, 1544 pour la première). La comparaisonreste possible. A la théologie de la représentation du Christ par un Basileus ou unepiscopos, P.R. oppose la théologie d’Origène (p.1003s), qui voit dans l’empereurun don de la Providence, mais enseigne que la véritable image de Dieu et de sonFils le Logos est tout homme juste avec ses vertus (Contre Celse, livre 8, chapi-

tres 13 à 16, SC 150, p.200 sq). Origène prend occasion du rôle des bergers àla nativité de Jésus pour développer une réflexion sur la relation entre le pasteurvisible, l’évêque, et le pasteur invisible, l’ange attribué à chaque Eglise chrétienne(Homélies sur saint Luc, 13° homélie, chapitres 5 à 7, texte conservé dans le latinde Jérôme, SC 87, p.210-215). L’évêque est certes un pasteur au service du vraipasteur, mais il n’en est pas l’image, son « correspondant » invisible étant l’ange,non pas le Fils de Dieu.

Les homélies d’Origène, avant d’être traduites par Jérôme, ont été utilisées par Ambroise qui mentionne le parallèle entre l’évêque et l’ange ( Traité sur l’évangile

de S. Luc, livre 2, chapitre 50, SC 45, p.95). M. R. lui-même ne mentionne pas de

lien avec Origène, mais montre que l’on ne trouve pas chez Ambroise une théolo-gie politique, impériale et épiscopale, de type Eusèbe (p.1056-1058). D’influencedominante pour la théologie épiscopale latine est l’oeuvre de Cyprien, que M.R.résume ainsi (p.1053) : sta per il tutto della chiesa locale, « dans l’évêque l’Egliselocale est présente en totalité ». L’A. pensait sans doute à un passage de Cyprien(Lettre 66,8), Episcopus in Ecclesia [est] et Ecclesia in Episcopo, qui est cité ennote 31 dans Lumen Gentium 23, sur : Episcopi autem singuli visibile principium

et fondamentum sunt unitatis in suis Ecclesia particularibus.

2. Massimo F aggioli, du Centre de Bologne, offre sur la théologie de l’épiscopat

à Vatican II un ouvrage important qui aurait pu avoir pour titre « La genèse deChristus Dominus ». M.F. y analyse de façon approfondie les travaux de la com-mission chargée de la préparation du texte. Il a disposé de sources nombreuses,dossiers officiels et fonds personnels, notes et correspondances, en particulierpour le chanoine Boulard, Mgr. Veuillot et le canoniste belge Willy Onclin, acteursimportants de la commission. Ceux-ci eurent affaire avec des responsablesromains. Une séquence finale fut marquée par l’intervention de la Secrétaireried’Etat et par celle de Paul VI. Durant cette période, l’équipe Veuillot et Onclin,selon M.F, aurait pris une option décidément « montinienne », en ce sens qu’elleaccepta, malgré des réticences, les suggestions du Pape. Elle restait du côté de

la majorité, mais de cette majorité de la majorité en quête de compromis. L’A. enarrive à dire que la commission servit alors de bouclier pour le Pape, ou plutôt decanal pour faire passer dans les textes conciliaires définitifs les options de l’auto-rité supérieure.

L’A. remarque qu’il n’y a pas eu, durant les années précédant le Concile, de

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mouvement concernant la fonction épiscopale comparable à ce que furent les

mouvements en liturgie, patristique, oecuménisme (p.449). Le souhait de cher-cher un modèle nouveau s’exprima dans la constitution d’un groupe, extérieur àla commission, mais lié à certains de ses membres. Aucune proposition ne devaits’imposer. Les travaux de la commission ont été polarisés sur l’option pour lacollégialité. On investissait là le souhait de contrebalancer la centralisation pon-tificale. Ce fut dès lors une préoccupation absorbante : défendre la collégialitédans une version qui soit acceptée par Paul VI. Cette polarisation a pu contribuerà une relative indifférence par rapport à des questions touchant plus directementla vocation pastorale des chefs d’Eglise et son rapport à l’Evangile.

Malgré les progrès enregistrés au Concile par rapport à Vatican I, la centrali-

sation romaine a finalement été gagnante. L’évolution qui s’est faite depuis étaiten fait soutenue par les dispositions mêmes prises lors du Concile. Les remar-ques de l’A. à ce sujet ne sont pas neuves, mais proposées de façon précise.Deux dispositions surtout sont signalées, que la commission a entérinées dansla phase finale de ses travaux. La première, la nomination du quasi ensemble desévêques catholiques, est désormais passée à la décision du Pontife romain, sansqu’aucune réserve théorique n’ait été avancée. La seconde, qui complète la pre-mière, le système inédit de démission automatique à 75 ans, donne régulièrementau Pontife romain l’occasion de faire passer au gouvernement des diocèses despersonnalités au moins aussi « romaines » que les démissionnaires. De cette sorte

de népotisme, Jean-Paul II fera un large usage.L’évolution des dispositions concernant les conférences épiscopales pourraitêtre ajoutée (M.F. a traité aussi ce point dans une contribution citée plus loin) ;mais il semble que la commission n’ait pas vraiment souhaité prévoir une autoritécollective forte, ce qui rejoint une question plus générale : le maintien, parmi lesexperts et les Pères, d’une conception monarchique du pouvoir diocésain. M.F.en est conduit à remarquer que la « théologie haute », développée au Concile, surl’épiscopat, conçue comme une protection à l’égard du centralisme ecclésial, apu jouer, au plan des idées, sinon toujours des pratiques, pour garder au monoé-piscopat la forme que le quatrième siècle avait consacrée.

M.F. évoque ces dérives, et fait allusion à l’oubli des sources bibliques, sansproposer un commentaire du texte lui-même. Comme l’ouvrage n’a pas étédoté d’un index des commentaires sur les diverses parties du texte, il n’est pasfacile, sur un point particulier, de retrouver les étapes de la discussion du pas-sage. Cette difficulté amène à signaler une particularité de la version française deChristus Dominus (version qui remonte sans doute au groupe Veuillot) : le textelatin du numéro 11 pourrait être traduit « Le diocèse est une part du peuple deDieu confiée à un évêque... de sorte que se joignant à son pasteur et par lui ( ab

eo ), grâce à ( per  ) l’Evangile et à l’Eucharistie, rassemblée (congregata ) dans l’Es-prit saint, elle constitue une Eglise particulière... ». Probablement dans le but de

produire une phrase plus simple, la version française n’a pas conservé au terme« portio » (du Peuple de Dieu) la fonction grammaticale de sujet de toute la pro-position qui s’achève par « ...constitue ... ». Ainsi, c’est le diocèse qui, gramma-ticalement, devient ce sujet. La nuance doctrinale est sans doute sous-jacente àla construction latine. Cependant, celle-ci fait percevoir un sujet dans ce qui est

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nommé « portion », ou « part » (les Pères ayant évité le latin pars qui aurait pu évo-

quer une partition, un découpage) du peuple de Dieu, un  sujet qui a en quelquesorte une antériorité sur la formation en « diocèse ». Le texte latin affirme de plusque c’est cette « part » qui se joint, adhaerens, à son pasteur, à l’actif, alors que latraduction parle du diocèse « lié » à son pasteur, au passif.

 Après les remarques faites plus haut sur l’influence de Cyprien dans cette tra-dition de théologie épiscopale, notons un travail récent de Simone Deléani : SaintCyprien, Lettres 1-20, Introduction, texte, traduction et commentaire (Institut desEtudes Augustiniennes, Paris, 2007), où l’on trouve le commentaire (p.67 et 86) dela définition des Apôtres comme Evêques, les premiers évêques qui sont le principepour tous les autres de leur dignité et pouvoir (Lettre 3, 3, 1, p.80). Simone Deléani

rend hommage à Yvette Duval, qui l’a encouragée. Peu avant sa mort, celle-ciavait préparé un recueil de ses travaux : Les chrétiens d’Occident et leur évêque

 au III° siècle (Etudes Augustiniennes, Paris, 2005). Y. Duval avait surtout éclairédes situations locales, et ne s’engageait pas dans une interprétation globale.

3. Heinke Kunz, de Tübingen, entend corriger la pauvreté des études en histoirereligieuse de la Sicile pour la période romaine (Sicilia  ). Notons que la présence  juive n’y devient clairement décelable que tardivement, au quatrième siècle ;mais des Juifs ont sans doute été présents dès le premièr siècle avant notre ère(p.286s). Ce sont les siècles de la République, puis du début de l’Empire, qui sont

surtout pris en compte dans l’ouvrage, mais des repères sont posés pour la suite,  jusqu’à Grégoire le Grand, dont la Correspondance est une des rares sourcesécrites anciennes concernant le sujet.

La société sicilienne serait restée assez parcellisée, et des souvenirs religieuxlocaux étaient conservés par la population. Il faut cependant mettre une réserveà cette constatation, car la domination de Rome s’est traduite de façon plus oumoins uniforme en une Reichsreligion, à dominante urbaine , moins caractériséepar des croyances que par des dispositifs de type institutionnel, inspirés desmodèles donnés par l’Urbs (cf la conclusion, p. 374-377). Cette intégration desréalités locales siciliennes dans la forme de la Reichsreligion s’est manifestée évi-

demment de façon plus claire dans les villes de colonie, mais elle marque aussi lesautres Cités, au niveau des milieux dirigeants. Une continuité aurait existé entrecette Reichsreligion institutionnalisée, et les formes que le christianisme adoptapour s’implanter et s’organiser. On peut parler d’une généalogie locale entre l’im-plantation de la « religion impériale » et la structure hiérarchique adoptée ensuitepar les groupes chrétiens. Selon la carte des centres urbains (à la fin du livre), leslieux marqués par des traces du culte impérial coïncident généralement avec ceuxd’un siège épiscopal à l’époque de saint Grégoire. La commune appartenancedes deux phénomènes à la structuration sociale urbaine est une explication de lacoïncidence, une généalogie locale directe d’un culte à l’autre n’étant pas établie.

Il serait d’ailleurs possible (cf.p.297s) qu’une relance du « monothéisme » impé-rial ait parfois été nourrie de croyance chrétienne. En tout cas, la conformationde l’Eglise locale à un modèle monarchique ne semble pas avoir été induite parle caractère neutre d’une localisation communautaire au sens territorial, ou lié àlui, comme le voudrait une ecclésiologie récente. Il s’agit bien plutôt du rapport,

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en quelque sorte sacralisé, à une réalité politique antérieure, en relation avec le

rôle social des aristocraties locales. Une phrase de l’A. peut être citée ici : « DasChristentum machte sich die Strukturen und religiösen Strategien des römischen

‘Reichsreligion’ zunutze, was auch für seine Erfolg bedeutsam war  (p.375). Cequ’on peut traduire : « Le christianisme a mis à son usage les structures et lesstratégies religieuses de la ‘Religion romaine d’Empire’, ce qui certes ne fut passans portée pour son succès ». On dispose ainsi d’un « modèle » d’analyse histo-rique qui peut valoir pour d’autres situations d’histoire chrétienne.

Cet aspect institutionnel de la « christianisation » a été présenté de façon ana-logue dans le livre de Peter Garnsey et Caroline Humpress, L’évolution du monde

de l’antiquité tardive, dans la traduction par Franz Regnot (La Découverte, Paris,

2004). Les AA. présentent (p.164 -174) « L’intégration de l’institution ecclésiasti-que dans la cité » en reprenant une description de D. Hunt en 1998, que je citedans la traduction de Franz Regnot ( p.164) : « Pour les évêques réunis à Nicéel’unité fondamentale de l’organisation ecclésiastique comme du gouvernementséculier était la cité et son territoire, chacune avec son évêque autonome et sonclergé subalterne qui avaient en charge la communauté vivant à l’intérieur de sesfrontières [...] L’identification de l’évêque et du clergé avec l’unité de base du gou-vernement séculier refléta de manière capitale la place reconnue de l’Eglise dansles rouages de l’Empire. Chaque évêque devait avoir son statut civique ».

4. Bruno Dumézil, reprenant le thème Les racines chrétiennes de l’Europe, concentre son attention sur le rôle qui aurait été donné à la violence dans le pro-cessus de la conversion des royaumes d’origine « barbare ». Fort d’une large éru-dition et soucieux d’une exégèse précise, l’historien tend à montrer qu’il y a uneréelle différence, dans la plupart des époques ou régions, entre le pouvoir épis-copal sur la Cité, même en ce qui dépasse un pur pouvoir ecclésiastique, et ceque serait une adéquation étroite revendiquée ou obtenue par les pasteurs avecle pouvoir de type politique. Si une telle adéquation avait été atteinte, elle aurait justifié aisément que les chefs d’Eglise fassent usage de la coercition. Mais, selonl’Auteur, ce ne serait pas le cas.

Il décrit aussi le rôle du monachisme. Avec des variantes qu’il s’attache à pré-ciser, les moines occidentaux de ces siècles ont mené des actions apostoliques,mais ce n’était pas une participation à des campagnes violentes (p.381-404).

Le premier exemple, en Occident, d’une campagne systématique de conversioncontre une population juive par toutes sortes de pression, mise à mort exceptée,fut celle menée par les rois de l’Espagne wisigothique, avec le soutien de l’épisco-pat et des Conciles de Tolède - soutien hésitant, selon l’A. –, depuis 589 jusqu’àla conquête musulmane en 711 (pp. 279-302).

 A propos de la tradition épiscopale latine, est intéressante la Retractatio quePeter Brown a jointe en 1999 à sa Vie de saint Augustin (de 1966). Cette révision

touche, en effet, la pratique des fonctions épiscopales. Brown se reproche (pp.582-585, 614-622 et 641-644 dans la version française de l’édition revue, Seuil,200l) de l’avoir présentée de façon péjorative, alors que les documents nouveauxou réexaminés font percevoir et modestie et sensibilité.

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II-Questions actuelles d’ecclésiologie

(5-14)(ordre alphabétique des auteurs ou directeurs d’ouvrages)

5. ARAM I, Catholikos of Cilicia, For a Church beyond its Walls, ArmenianCatholicosate of Cilicia, Antelias, Liban, 2007, 342 p.

6. Sous la direction de Philippe BORDEYNE et Laurent VILLEMIN, Vatican II et

 la théologie. Perspectives pour le XXI° siècle, Paris, Cerf, 2006, 268 p.(CogitatioFidei, vol. 254).

7. Hanns Christof BRENNECKE, Ecclesia est in re publica. Studien zur 

Kirchen- und Theologiegeschichte im Kontext des Imperium Romanum, Walterde Gruyter, Berlin et New York, 2007, 351p. (Arbeiten zur Kirchengeschichte,volume 100).

8. Synod and Synodality. Theology , History, Canon Law and Ecumenism in

 new context, Actes du Colloque tenu à Bruges en septembre 2003, publiéssous la direction d’Alberto MELLONI et Silvia SCATENA, LIT Verlag, Berlin etMunster, 2005, 720p.

9. Repraesentatio . Mapping a Keyword for Churches and Governance, Actesdu Colloque tenu à San Miniatio en octobre 2004, publiés sous la direction deMassimo FAGGIOLI et Alberto MELLONI, LIT Verlag, Berlin et Munster, 2006,

203 p.10. Rites of Ordinations and Commitment in the Churches of the Nordic

Countries. Theology and Terminology, publication dirigée par Hans RauhIVERSEN, Copenhague, Museum Tusculanum Press, 2006, 607 p.

11. MARKIEWICZ (Frère Philippe) et FERRANTI (Ferrante), Les Pierres vivan-

tes. L’église revisitée, Editions Philippe Rey, 2005, Paris (diffusion Seuil), 232p.

12. Achiel PEELMAN, Les nouveaux défis de l’inculturation, Ed. Novalis etLumen Vitae, Ottawa, 2007, 239 p.

13. Giuseppe RUGGIERI, La Verità crocifissa. Il pensiero cristiano di fronte

 all’alterità, Ed. Carocci, Rome, 2007, 234 p.14. Gabino URIBARRI BILBAO, dir., Contexto y Nueva Evangelizacion,Université Comillas, Madrid, 2007, 279 p.

5. Sa Sainteté  aRam Premier, depuis le Liban, régit l’Eglise orthodoxe armé-nienne de Cilicie. Cette Eglise réunit des exilés, survivants des massacres de 1915en Turquie. L’A., comme jeune prêtre a, dès 1970, participé à la vie des institutionsoecuméniques. Il a exercé ensuite durant une longue période, de 1991 à 1998,et de 1998 à 2006, la charge de moderator du Conseil oecuménique des Eglises 

(WCC). La plus grande partie du présent volume est la reprise de textes occasion-

nés par cette fonction. Aram I eut à suivre les travaux du Joint Working Group (JWG) entre l’Eglise

catholique romaine et le WCC (p.211-220, et 244-249). Il fait remarquer que désor-mais une analogie se manifeste entre la relation du WCC à l’Eglise catholique

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romaine, et celles qu’il doit entretenir à d’autres réalités ecclésiales d’ampleur

mondiale (p.194s), mouvements de forme pentecôtiste (cf. p.248) ou évangélique,fédérations globales d’Eglises « historiques » selon les traditions confessionnelles.Un autre changement est le développement d’institutions internationales d’actionsociale ou de défense des droits de l’homme, parfois issues du WCC lui-même.Oecuméniques, ces forces organisées, de type ONG (NGO), le sont par leur carac-tère interconfessionnel, mais leur poids accentue une évolution pouvant mettre encause la définition des tâches du Conseil dans le mouvement oecuménique. Unepression existe au surplus, dans le Conseil lui-même, pour qu’il s’engage de façonplus large dans les domaines qu’on peut caractériser comme ceux de l’éthique, dela justice (cf. p.44, p.155). C’est le risque de nouvelles tensions entre les Eglises,

ou à l’intérieur des Eglises.Les activités du Conseil peuvent lui donner alors l’image d’une sorte d’ONG deniveau supérieur. Tel est le cas, semble-t-il, avec la décennie d’actions contre laviolence, le DOV, Ecumenical Decade to Overcome Violence, « décade » 2000-2010, lancée par le WCC lui-même, à l’occasion du changement de millénaire(p.50-72 ; voir aussi les importantes notes complémentaires, p.324-327). AramI salue cet appel à la conscience chrétienne, à toute la « Christianity » (p.194), à« the whole Church », « the whole People of God » (p.196). Cependant, il entendréfléchir de façon lucide sur cet engagement de type humanitaire ou éthique.Certains se demandent ce que cela peut signifier par rapport à la vocation propre

du WCC (cf. la note 28, p.329, à propos de l’Assemblée de Vancouver, avec lesindications bibliographiques note 21, p.326s). Le WCC a publié sur ce problème(note 24, p.328) le livre de Lewis S. Mudge, The Church as Moral Community .

Ecclesiology and Ethics in Ecumenical Debate (WCC, Genève, 1998), un auteurque je ne connais malheureusement pas, mais dont on m’assure qu’il faut lui prê-ter la plus grande attention. La mission du WCC est certes de contribuer à main-tenir cette ligne de recherche d’une unité des Eglises (p.190-192), de promouvoir« a conciliar fellowship of the Churches » (p.84). L’A. remarque que l’expression futsouvent utilisée de 70 à 80, mais ne l’est plus guère ; il souhaite qu’elle redevienneobjet d’attention dans le mouvement oecuménique (note 11, p.327). L’aspiration à

cette « conciliarité » est aujourd’hui sinon en crise, du moins en sommeil (p.158).Certes, durant les mandats d’Aram Ier, fut adopté un « Commun Understanding

 and Vision of the World Council of Churches » (CUV, 1997-1998, préparé par Faith

 and Order , note 6, p. 322, et note 31, p.330), mais la figure ainsi proposée estcontestée (p.160, 182). L’A milite pour une prise de conscience dans ce contextede ce que signifie « être Eglise », « being Church ». Il est attaché à la réalité Eglise,Ecclésiale, mais il voudrait que les communautés se définissent vraiment par lamission, par la participation à la Missio Dei (p.84s). Car à la Mission appartient lalutte pour la vérité, la justice, la paix. Cela ne peut être considéré comme secon-daire dans le mouvement oecuménique et au WCC. Expliquant le titre retenu pour

ce recueil, Aram I écrit : « Je ne plaide pas pour une Eglise sans murs, mais pourune Eglise au-delà de ses murs ( beyond its walls) » (p.22 et 154).

6. Sous la direction de Philippe BoRDeyne et Laurent Villemin sont publiés les Actes du Colloque tenu à l’ICP en octobre 2005, au terme d’un programme de

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travail de trois ans, engageant l’Institut Catholique de Paris, l’Université Louvain-

la- Neuve, et l’Université Laval de Québec. Christoph Theobald y fut adjoint. Sil’on peut noter un recul de l’intérêt pour les questions d’une ecclésiologie insti-tutionnelle, la théologie fondamentale devient préoccupation dominante, y com-pris dans l’histoire de l’interprétation des textes conciliaires ou de l’événementdu Concile. Gilles Routhier pose des problèmes généraux du rapport entre lestextes d’un concile, Trente ou Vatican II, et les lecteurs « autorisés » à couverturehiérarchique. De même, Patrick Prétot sur la réception de la Constitution sur laliturgie, renvoie à la question du caractère fondateur, non accidentel, de la liturgiepar rapport à la communauté croyante. Des textes posent plus directement laquestion du rapport entre l’enseignement des textes, spécialement de Gaudium

et Spes, et les tâches présentes de fondation du la théologie morale. Il s’agit làen somme d’un approfondissement dans la réception du texte, avec accessoire-ment une réaction aux critiques superficielles. Christoph Theobald réactualise lesquestions centrales autrefois pressenties par les discussions conciliaires touchantla pensée de la « tradition » et de son rapport à l’Evangile dans le chapitre 2 deDei Verbum.

7. Ecclesia est in re publica, H.C. BRennecKe (Br. désormais) en plus de ses res-ponsabilités dans l’édition critique des textes patristiques, a consacré principale-ment ses travaux à l’histoire des controverses trinitaires et christologiques. C’est

à ce domaine que correspondent plusieurs des études reprises ici, proposant unerévision de certaines vues historiques. C’est en particulier le cas pour une étudede 1997 (pp. 258-290) consacrée à la relation entre le Concile de Chalcédoine etle texte appelé Henotikon, l’édit de l’empereur Zenon en 482 (cf. A. Grillmeier, Le

Christ dans la tradition chrétienne, tome 2/1, Cerf, 1990, p.356-358). Br. entendmontrer que le patriarche Accace, inspirateur de l’édit, était foncièrement attachéà la décision conciliaire de 451, et que l’édit doit être situé en conséquence. Unpassage de l’édit est directement opposé à un passage du Tome à Flavien de saintLéon (Grillmeier , tome 1, 2° édition, Cerf, 2003, p.986-998). Grillmeier signale ladifficulté affectant la phrase du pape rapportant les miracles de Jésus à la nature

du Verbe, et ses souffrances à son humanité ( id. p.991s). L’édit récuse cette pro-position en écrivant : « nous disons que d’un seul fils unique sont les miracleset les souffrances.. » (Grillmeier , 2/1, p.358). La formulation de Léon n’avait pasété reprise comme telle par la décision conciliaire, fait remarquer Grillmeier (2/1,p.359). Br. accentue la portée de cette réserve, dans le cadre d’une réévaluationdu rôle d’une réception « cyrillienne » de Chalcédoine, en même temps que desrelations de Rome avec l’Orient.

 Au contexte de la réception de Chalcédoine se rattachent les deux études deBr. qui ferment le recueil, consacrées aux deux grands stylites, Siméon et Daniel,mais l’A. développe surtout le paradoxe qui fait que la distance par rapport au

monde s’allie chez ces virtuoses de l’ascèse avec une véritable intégration à l’Em-pire, la population et les dirigeants s’attachant au moine séparé du monde.Selon l’expression utilisée dans l’étude sur les soldats chrétiens, Br. entend

décrire « die Spannung von gesellschaftlichen Integration und Distanz » (p.212),tension qui existe dès le Nouveau Testament, mais qui demeura une caracté-

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435ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ÉGLISE

ristique des premiers siècles du christianisme. Il renvoie souvent à ce propos à

l’ouvrage de Wolfgang Wischmeyer, Vom Golgotha zum Ponte Molle. Studien zur Socialgeschichte der Kirche im dritten Jahrhundert (Vandenhoeck & Ruprecht,Göttingen, 1992 ; voir notre recension, RSR , tome 83, 1995, p.639s). La distanceest marquée par le témoignage des soldats martyrs, mais l’étude sur la placedes soldats chrétiens dans l’armée et dans leur Eglise illustre surtout un proces-sus d’intégration. Un tableau est donné pour la période allant jusqu’à la paix del’Eglise. Les témoignages montrent que des chrétiens étaient dans l’armée sansavoir à s’opposer à une position des Eglises hostile à cet état. Il y a cependant desopinons différentes, celle d’Origène, et trois positions successives de Tertullien. Latroisième position de celui-ci - celle du traité montaniste De Corona - ne demande

pas de se tenir écarté de l’armée, mais de ne pas accepter la collaboration avecdes comportements religieux contraires à la profession de foi. C’est à celle-làqu’on peut comparer la prescription du chapitre 16 de la « Tradition apostolique »(TA), selon le texte latin retenu par dom Botte, passage qui limite étroitement lapossibilité pour un chrétien de rester ou de devenir soldat, ou encore d’exer-cer une charge publique (Br. p.225-226). Se pose ici le problème touchant TA.Br. ne cite pas Bruno Steimer , Vertex Traditionis. Die Gattung der altkirchlichen

Kirchenordnungen, ( De Gruyter, Berlin, 1992 ; cf. notre recension dans RSR, tome80, 1992 , p.467-470). Cet auteur a introduit en Allemagne les doutes de cher-cheurs français sur l’origine de TA. Br. se réfère à une étude récente de Christoph

Markschies (1997). Celui-ci, selon le résumé que donne Br., demande que l’oncesse de faire appel à un texte de TA à l’appui d’une hypothèse de développe-ment dans l’Eglise ancienne, la datation des morceaux étant impossible (p.226).Le texte présenté par Botte sur la condition militaire peut être mis en parallèle avecla troisième position de Tertullien, mais ces prises de recul ne doivent pas, selonl’A., être rapportés à une disposition qui aurait un caractère hiérarchique, général.L’Eglise constantinienne n’aurait pas eu à se « convertir ». C’est plutôt dans lasuite que l’on trouverait une tendance dans les milieux ascétiques à refuser le portdes armes.

Un travail de 1992, donne au recueil de H.-C. BRennecKe, son titre, reprenant

l’expression d’Optat de Milève « non enim respublica est in Ecclesia, sed Ecclesia in re publica est » (Contre les donatistes, III,3, PL 11, 999 B). Il décrit, d’une part,la coïncidence presque totale, dès avant la paix de l’Eglise, entre les limites del’Empire et celles du développement du christianisme, et, d’autre part, montrecomment l’Eglise ancienne n’a pas écouté l’appel de la finale de Matthieu à uneprédication universelle. Elle a quasiment borné ses ambitions à l’Empire, consi-déré non seulement comme un facteur de paix, mais aussi comme le milieu pro-pre à recevoir le message évangélique. Les chrétiens n’avaient donc pas, dansleur ensemble, à se convertir pour entrer dans le jeu constantinien. C’est l’oc-casion d’une attaque contre la vision traditionnelle d’un tournant constantinien,

image souvent liée à celle d’une décadence, ce qui est un objet majeur de lapréoccupation de notre historien, théologien et pasteur. Le protestantisme surtoutserait victime de cette vision anhistorique, aggravée depuis Harnack par l’idéeque l’hellénisation est une décadence. En d’autres études aussi, Br. revient à cethème : selon lui, si les Pères étaient liés à la culture hellénistique, c’était aussi

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pour la contester. Il n’y a pas de décadence par rapport à une pureté initiale (sur

la notion de « syncrétisme », p.157-178). S’ouvre ainsi un front complémentairedans l’ouvrage. Ce que les Apologètes ont fait, leur exemple invite à le faire, étu-dier les païens sans préjugé, nous inspirer d’eux pour affronter sur leur terrain lesconvictions actuelles de penseurs étrangers à la foi chrétienne. Or, c’est ce que nefont pas les protestants, pensant qu’il suffit, pour répondre aux urgences de la foi,d’exploiter à fond les origines bibliques. L’exégèse dévore ! Certes, nous faisonsde la patristique, mais à titre historique seulement. Il faut restituer à l’étude desPères une véritable portée théologique.

La profonde adhésion des chrétiens à l’Empire peut expliquer que les autoritésecclésiales aient répondu positivement aux initiatives de Constantin. C’est l’objet

de la deuxième étude, de 1989, « Bishofsversammlung und Reichssynode. DasSynodalwesen im Umpruch der konstantinischen Zeit » (p.25-48). Br. décrit toutd’abord comment il voit l’institution synodale antérieure à Constantin. Les déci-sions d’un synode étaient alors valables, en principe partout, parce que partoutl’Esprit est à l’oeuvre. Des condamnations pouvaient intervenir sans que la com-munion soit brutalement rompue. Avec l’intervention de Constantin, l’existencesynodale doit prendre une autre figure, car ce qui est mis en jeu alors, et ce quel’empereur demande aux Pères de jouer, c’est l’unité, non pas l’unité attenduede l’Esprit dans les Eglises, mais l’unité de concertation qui devra régner, plusou moins obligée, entre les Eglises convoquées. Sinon, c’est la rupture vis-à-vis

de ceux qui résistent, avec les luttes qui s’ensuivent. On peut évidemment enconclure que les évêques en synode « œcuménique » ont été marqués par leurvocation à concourir à l’unification de l’Empire. C’est une forme encore de l’inté-gration à la société impériale romaine. La distance est-elle suffisamment marquéedésormais ? Une décadence alors tout de même ? L’A. semble cette fois en fairela part..

8. Le volume publié par Alberto melloni et Silvia Scatena réunit un large ensem-ble d’études consacrées aux diverses formes d’exercice de l’autorité épiscopaledans le cadre des réunions dites synodales ou conciliaires, ou encore collégiales

selon le vocabulaire de Vatican II. Une étude en particulier, sur le droit des confé-rences épiscopales de 1959 à 1998 (p.265-296), de Massimo Faggioli, complètesur certains points l’ouvrage présenté plus haut. Un dossier sur les divers synodesest intéressant. Quand à l’utilisation dans le titre de la notion de « synodalité »,elle correspond au souci de réinsérer dans la doctrine et la pratique la participa-tion des communautés chrétiennes, dans leurs diversités internes, à la formationdes assemblées susceptibles de veiller à une régulation féconde (cf. mon article« Figures de la synodalité aujourd’hui », Concilium, n° 291, 2001, p.115-127). Dansle présent volume, est particulièrement importante sur ce point la contribution deGiuseppe Alberigo, « Conciliarità, futuro della Chiesa » (p.463-488), qui évoque

pour le futur la multiplication des formes de consultation et de délibération, thèmeque le même auteur, dont nous savons maintenant la mort qui le menaçait, repre-nait dans la communication un peu plus tardive présentée ci-dessous. Ici, lespages 485-488 développent ce projet de renouveau « synodal » à travers toute ladiversité des réalités ecclésiales, ce qui, sans doute, impliquera un aggiornamento 

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de la théologie de l’épiscopat.

9. Massimo F aggiolli et Alberto melloni publient les Actes d’un échange inter-national sur le thème de la « Représentation » organisé en 2003 par la FondationJean XXIII pour les Sciences religieuses. Une première partie réunit des étudesdu terme latin et de son usage dans la pensée médiévale, principalement chezNicolas de Cuse. On peut y joindre la communication finale, de Giuseppe Ruggieri,qui est une reprise actuelle des orientations de la tradition ancienne, développantl’image du Christ qui se représente, – se rend présent –, sous diverses modalités,dans la vie de l’Eglise pour le monde. La seconde partie est principalement consa-crée à la pensée politique moderne, spécialement à partir de l’expérience anglo-

saxonne, et de celle française aussi. La première partie, dominée par la position duConcile de Constance, Haec Sancta, en 1415, soutient que le Concile représentel’Eglise catholique militante (cf. le commentaire de G. Ruggieri, p.186sq). Aveccette position conciliaire, se marque un tournant. Désormais, se posera de façonsystématique, et non pas empirique, le problème du rapport entre un groupe total- un ensemble large tel un peuple, une Eglise universelle -, et un petit groupe de« représentants » (le terme est forgé en français vers la fin du quinzième siècle ;il n’avait pas de modèle latin). Quel est le processus qui rend la prétention crédi-ble ? Comment avoir de « bons » représentants ? C’est là que l’expérience poli-tique, envisagée dans la seconde partie, pose des questions fondamentales. En

France, au plan théorique tout au moins – mais cela a eu aussi des conséquencespratiques –, il est postulé que des processus correctement adaptés feront que le peuple français se trouvera authentiquement représenté (Paolo Pombeni, p.155s,utilise à ce sujet les analyses de Pierre Rosanvallon). Cela correspond, dirons-nous, à ce qui est réalisé dans le catholicisme lorsque la discussion d’un Concileaboutit à un accord entre une majorité et le Pape, étant entendu que les évêquessont censés être les bons représentants de leurs Eglises respectives.

L’expérience occidentale présente une autre forme, qui s’est élaborée en Angleterre de façon empirique sous divers facteurs, ce qui est décrit ici par PaulSeaward, (cf. p.136). En tradition anglaise, on a procédé à une démarche selon

laquelle les « représentants » destinés à se réunir, et ainsi réunis, restent man-dataires des « communes » : ils en sont les délégués porte-parole qui devraientêtre prêts à rendre compte. Selon une expression utilisée par David Runcimancitant Hannah Pitkin (p.169s), les « représentés » restent « absents » de leurs« représentants ».

Pour les démocraties existant en Occident, selon l’une ou l’autre tradition, unrôle stabilisateur a été joué par le maintien d’une « souveraineté ». Elle n’est passeulement abstraite, mais plutôt figuration (« représentation » comme figuration,selon l’un des sens en français, « comédie ») de l’unité du peuple, rôle à la foisreconnu nécessaire et tenu à distance d’ironie.

Dans le cas du catholicisme, la représentation/figuration colle en principe étroi-tement à la réalité mystique de la « présence » dans le souverain (pontife) de toutesles volontés et intelligences des membres – image que donnait Pie XII. On a penséqu’avec Jean XXIII allait être restaurée, dans la composition de l’unité, l’élémentde diversité constitué par une représentation différente, venant par un plus long

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circuit. Il y a, de fait, une tradition en ce sens, plus large que le seul épisode de

la liquidation conciliaire du Schisme d’Occident ; c’est ce que déploie Giuseppe Alberigo, « Concilii e rappresentanza » (pp. 99-124). La réunion de conciles auraitété capable d’inspirer confiance en une convenable représentation de l’Eglisecomme peuple nombreux et divers (p.121). Mais le processus de rénovation seraitmaintenant bloqué, concluait notre regretté grand historien.

Voici une traduction de la fin de ce texte : « La stagione [ la saison, la mode,l’époque ] qui a fondé en premier lieu la relation entre concile et communautésur la responsabilité pastorale des évêques en tant que chefs des diocèses, etensuite l’a fondée sur la sacramentalité de l’épiscopat, apparaît dépassée. L’un etl’autre de ces fondements sont d’une pertinence et portée indiscutables, mais ils

apparaissent désormais inadaptés à assurer la représentation d’une Eglise multi-nationale vécue comme communion » (p.124).

10. Hans Rauh iVeRSen  assure la publication d’un impressionnant tableau dela diversité des théologies et pratiques protestantes dans le vaste domaine desEglises qui se reconnaissent en Europe comme nordiques. La description despositions sur l’habilitation au ministère, ou, dit autrement, sur les adaptationsde ce que la tradition latine appelait l’ordination, est d’une grande précision,accompagnée de nombreuses indications sur l’histoire des groupes, leur situationactuelle. C’est un bilan des positions, accords et désaccords, un bilan qui porte

aussi bien sur les groupes qui d’une façon ou d’une autre gardent la notion desordinations, que sur ceux qui parlent plutôt de « commitment », simple installation juridique dans une responsabilité pastorale. Les pratiques varient, les théologiesaussi. D’autant que ces Eglises n’ont pas toutes une nette cohérence interne, etqu’elles peuvent entériner une incohérence entre leurs pratiques et leurs positionsdoctrinales. Le responsable du recueil s’abstient volontairement d’appréciations.Je remarque pour ma part que l’influence du mouvement liturgique de tendance« haute Eglise » a pu s’exercer dans ces communautés au vingtième siècle. Elleserait restée limitée, malgré la fidélité traditionnelle, en Norvège et en Suède deconfession luthérienne, aux langages rituels. Les courants évangéliques existent,

mais ne semblent pas s’être déjà substitués à la théologie libérale dans la relativi-sation des « ordinations ».

11. Les deux auteurs de l’ouvrage Les Pierres vivantes. L’église revisitée,m aRKiewicz  (Frère) Philippe et FeRRanti Ferrante, se sont connus lorsqu’ils sedestinaient à l’architecture. L’un est devenu moine au monastère bénédictin deGanagobie. Son ami a développé une activité de photographe, voyageur auxcuriosités multiples, et auteur d’un livre Lire la photographie (Bréal, Paris, 2003).La contribution de Ferranti au présent ouvrage est un choix de photographies,accompagnées de commentaires qui établissant le contexte et l’interprétation de

chaque image. La contribution de frère Philippe relit la liturgie catholique commehabitation d’un lieu, développant de façon complémentaire une interprétation despratiques liturgiques en lien avec le rappel des mystères confessés dans la foi.

Les photographies de F.F. évoquent souvent des déplacements, mais ce sontplutôt des processions ou pèlerinages à l’extérieur de lieux de culte. Ses commen-

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439ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ÉGLISE

taires, comme la réflexion du frère Philippe, ne dirigent guère l’attention sur l’as-

semblée en mouvement. Or, une limitation des pratiques actuelles n’est-elle pasd’ignorer ou presque les itinéraires liturgiques qui pourraient donner à l’assembléela figure concrète d’un édifice de « pierres vivantes » ? L’un des mérites de F.F.– et de son ami – est la mise en valeur du baroque (dans les versions allemandesou latino-américaines surtout). Ce pourrait être l’occasion de faire valoir ce queserait, dans ces dispositifs, la création de centres pluriels d’attention, invitant àdes déplacements, lesquels, il est vrai, peuvent rester individuels, décalés, plutôtque symphoniques. J’avais autrefois esquissé une telle interprétation des églises« modernes » dans « Le Christ de l’Eucharistie dans le catholicisme moderne » (auchapitre cinq de l’ouvrage dirigé par Joseph Doré, Sacrements de Jésus-Christ,

Desclée, Paris, 1983). On peut aujourd’hui trouver des réalisations qui reprennentune telle recherche « locale » de vie communautaire en mouvement.La perspective « communautaire » n’est évidemment pas oubliée dans l’ouvrage,

essai original de théologie de l’Eglise ; mais la vigueur spirituelle est plutôt rendueperceptible dans les démarches personnelles du croyant ; ainsi, cette contributionsera bien adaptée pour aider les personnes qui cherchent des pratiques spirituel-les liées au silence et à la discipline corporelle. Pour donner en même temps àces personnes une introduction aux participations ecclésiales visibles, le présentouvrage offre des suggestions.

12. Achiel Peelman, professeur de la Faculté de théologie Saint Paul, à Ottawa,a participé aux enquêtes et réflexions sur la condition des minorités indiennes del’Amérique du Nord. Dans Les nouveaux défis de l’inculturation, un résumé deses travaux est donné, aux pp. 25-27 et 160-175. Le projet est ici de type plusgénéral : faire le point sur l’usage et sur la fonction, à développer, de la notiond’inculturation. A.P. utilise volontiers, ici comme dans ses autres publications, lanotion apparentée de « contextualisation » qui a l’intérêt de faire entrer plus direc-tement en jeu les conditions sociales ou politiques (p. 32), offrant un lien avec lesthéologies de la libération (pp. 100-110). Il défend cependant le terme lancé il y aquelques décennies. Qu’est-ce qui doit être « inculturé » ? A.P. marque une préfé-

rence pour les termes « message chrétien », qu’il utilise pour reprendre les proposdu Père Arrupe (p. 11), et surtout « Evangile », qu’il reprend de Jean-Paul II (p. 20,p. 169s). Il propose de rejeter l’image d’« inter / culturation » parce que risquant deprivilégier, dans la conception de la mission, le rôle d’une culture, de la « civilisa-tion chrétienne » allant à la rencontre d’une autre, pour la changer.

Le théologien canadien attache surtout son attention aux rapports de l’Evangileaux religions, ou la part religieuse des cultures. On pourrait reconnaître aux reli-gions une fonction « sacramentelle » dans l’histoire du salut, analogue à celle quiserait reconnue de nos jours à la persistance du peuple juif (p. 138). Dans le casdes minorités autochtones du Canada et des USA, A.P. lit un attachement à des

courants de spiritualité qui animent leurs traditions et les nourrissent, plutôt que larelation à une institution du type des grandes religions (p. 165s). Si prêter attentionau religieux, sous l’une ou l’autre de ces formes, peut prêter à réserve, l’accentne devrait-il pas porter sur le témoignage des conduites éthiques ? Je répondraisque le religieux, ambigu certes, est susceptible de provoquer des confrontations 

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discursives culturellement, spirituellement productives, ce que l’observation des

conduites ne provoque pas de la même façon.

13. Avec La Verità crocifissa, Giuseppe RuggieRi questionne la situation du pen-

 siero cristiano quand la foi et la théologie sont affrontées à l’éloignement des culturesoccidentales par rapport à la tradition chrétienne et, simultanément, à la rencontredes cultures et civilisations qui se sont développées indépendamment du christia-nisme. Il s’agit donc d’abord d’un projet de théologie fondamentale, projet élargi àdes questions d’ecclésiologie : ainsi le rôle des Eglises par rapport à la consciencepolitique moderne, la position que les chrétiens ont à prendre au nom de l’Evangilecontre l’emploi des armes. La longue analyse consacrée à la notion de « signes

des temps », reprise de publications antérieures, peut illustrer la relation des deuxdémarches. Le propos central est bien dit par le titre : pour la foi, et donc pour lathéologie qui en dépend, la Vérité est   le Christ crucifié,  mort pour nos péchés. Ilne s’agit pas de se référer à la figure de « Jésus » prise de quelque façon en elle-même ; il s’agit de « Jésus Christ » tel qu’il a été reçu par ceux auxquels il s’est faitvoir après sa mort, et qui le confessent, le « racontent » dans la puissance de l’Esprit(pp. 99s, pp. 179ss). Un point décisif dans cette présentation est la confession duCrucifié comme celui qui sauve les hommes pécheurs. Selon cette conviction, G.R.critique les théologiens, en particulier Henri de Lubac, pour lesquels l’orientationde l’homme vers Dieu constitue une base pour la compréhension de la médiation

universelle du Christ (p. 65). La critique s’étend aussi à Karl Rahner, même si celui-ciest pris plus directement comme partenaire dans l’affrontement de la pensée chré-tienne avec les questions de l’homme moderne. Une analyse relativement détailléeest ainsi consacrée à la christologie de Rahner (p.191-197), mais c’est pour prendre,par rapport à celui-ci, une distance comparable à celle de J.-B. Metz. G.R. criti-que l’adoption d’une réflexion transcendantale, inspirée de celle de Kant, objet d’unrefus assez radical (cf. p. 209, note 4) ; il oppose à cette tradition l’état actuel de lapensée occidentale, marquée par une diversité non maîtrisable. En conséquence,le théologien ne devra pas chercher une école à laquelle se joindre. Qu’il prenne lechemin que M. D. Chenu qualifie de « pragmatisme intellectuel » (voir p. 66).

On peut s’interroger sur la façon dont G.R. présente la condition de « pécheur »comme situation universelle, la condition dont tous les hommes sont sauvés parle Christ. L’affirmation de l’Evangile est certes claire, mais comment la réflexionthéologique va-t-elle expliciter les notions en jeu ? La tradition chrétienne est encela dépendante de celle d’Israël, mais celle-ci à son tour est rendue intelligible (cf.p.202) par l’intervention de catégories qui ont en fait un caractère anthropologiqueque l’on pourrait qualifier de « transcendantal ». Pour cela, prendre d’une certainefaçon en charge la rupture kantienne me semble nécessaire aujourd’hui encore.Ces réserves faites, ou plutôt ces questions posées, on ne peut que recommandervivement cet ouvrage solide et vivifiant.

14. Les études réunies par le Père Gabino uRiBaRRi dans Contexto y Nueva

Evangelizacion, sont issues d’un groupe de travail ayant réuni des enseignantsde l’Université jésuite madrilène de Comillas. La première de ces contributions,par Carmen Marquez Benunza, est une présentation (pp. 15-47) des essais de

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441ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ÉGLISE

définition des notions de contextualisation, ou de théologie contextuelle, notions

qui se sont diffusées à partir des années 1970. Il s’agit d’une typologie, non d’unbilan qui aurait visé à caractériser la plus ou moins grande diffusion et influencedes problématiques. La présentation est très claire, même si elle a dû rester quel-que peu abstraite. Les autres contributions étudient divers aspects des sociétésactuelles, européennes principalement, en rapport avec l’annonce de la foi.

L’une d’elles prend la tournure d’un court traité d’enseignement liturgique (pp.159-201). Son auteur, le jésuite Juan Manuel Martin-Moreno Gonzalez, rappelantque sa compétence étant plutôt l’exégèse, a été amené à une pratique pasto-rale impliquant la vie liturgique, et à s’occuper de la formation de pasteurs en cedomaine. Décrivant la situation avant Vatican II, Martin-Moreno écrit : « en théorie

on savait bien que la liturgie peut changer ; d’un point de vue affectif cependant,dans le subconscient collectif de l’Eglise, il était gravé que la liturgie aurait été unetradition apostolique immuable » (p.103s). La phrase décrit assez bien ce dont ontrouve une expression chez Martin Mosebach (voir ci-dessous), reflet nostalgiqued’une culture catholique bavaroise lourdement « gravée ». Le besoin de réagir àce passif pouvait favoriser les faciles prises de liberté que l’A. regrette dans lamise en oeuvre du Concile. Après avoir décrit ce que fut la réforme de Vatican II,son orientation théologique, il évoque les infléchissements qui se seraient mul-tipliés dans l’application : arbitraire des pratiques, incompréhension des enjeuxspirituels. Il donne ensuite une série intéressante de conseils pratiques, parfois

très simples ou de bon sens, en tout cas suggestifs, repris de son enseignementpastoral.Le même auteur, Gabino Uribarri, avait dirigé un peu plus tôt un collectif com-

parable : Teologia y Nueva Evangelizacion (Université Comillas, Madrid, 2005,394 pages) comportant plusieurs commentaires de Gaudium et Spes. Uribarri lui-même proposait une reprise de la christologie de Theodore de Mopsueste (pp.145 à 231), dans le contexte des expérimentations actuelles touchant au rapportde la confession dogmatique de la foi à l’étude critique des images évangéliquesde Jésus. L’A. propose que l’on valorise en théologie actuelle la démarche qui peutêtre caractérisée chez Théodore par le terme de  sunapheia, alors que la notion

alexandrine de l’enosis du divin et de l’humain ne peut avoir la même fécondité (p.209). L’humanité du Christ, selon cette inspiration, serait moins stabilisée en une« nature », pour la pensée du théologien, que rapportée à la narration évangéliquedans son déploiement. Uribarri s’appuie sur la thèse de J.M. Lera (Université deDeusto, Bilbao, 1977), reprise par Lera lui-même dans l’article sur Theodore duDictionnaire de Spiritualité.

III- Histoire des doctrines

(15-20)

(selon des repères chronologiques)

15. Teresa SARDELLA et Gaetano ZITO, dir. Euplo e Lucia , 304-2004, Ed.Giunti, Florence, 2006, 413 p.

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15. L’ouvrage dirigé par Teresa S aRDella et Gaetano zito, Euplo e Lucia, 304-

 2004, réunit les Actes d’un Colloque consacré à deux victimes présumées dela persécution de Dioclétien. Y sont présentées des contributions importantesà l’histoire de l’hagiographie, comme aussi à celle des périodes anciennes duchristianisme sicilien, trop peu étudiées jusqu’à présent, selon les Auteurs. Unesynthèse sur cette histoire est actuellement en cours de parution, par Francesco

Paolo Rizzi, qui en donne ici une présentation résumée. Elle ouvre le volume.L’allusion des Actes des apôtres (28,12) au passage de Paul à Syracuse ne seraitpas le reflet du développement précoce d’une communauté. Ce développementfut ultérieur comme en témoigne l’ensemble des catacombes et des inscriptionsde cette ville, le plus étendu sans doute après celui de Rome. C’est cependant deCatania que vint ensuite la gloire principale, la martyre Agatha, sous Dèce selon latradition. Son culte s’est diffusé largement, à Rome et aussi à Byzance. Il en va demême pour la concurrente, Lucia, martyre et gloire de Syracuse. L’une et l’autreont vu leur culte étendu au monde latin, à partir de l’inscription de leur nom dansla prière eucharistique de Grégoire le Grand devenue par la suite un bien universel.Euplio ( ou Euplius, voir le DHGE , sous cette forme du nom) n’a pas connu un telsuccès, d’autant que l’histoire de la tradition hagiographique le concernant resteparticulièrement obscure, même si un noyau primitif semble décelable.

La théologie du martyre est décrite dans la précieuse synthèse de Vittorino Grossi(pp. 33-61). On peut, en simplifiant, opposer la théologie d’avant Constantin, letémoignage du martyre comme œuvre de l’Esprit saint au sein d’une Eglise (p. 39),à l’insistance ensuite, sur l’exemplarité universelle du saint ou de la sainte (p. 56).Cette époque est marquée par la « polémique donatiste » (pp. 46-51), envisagéeà nouveau, sous un autre point de vue, par Di Berardino, « Il modello del martyre

volontario » (pp. 63 à 105 ). Cette étude nous apparaît d’un vif intérêt. Elle dépasseen fait le cas des chrétiens cherchant volontairement la mort, et s’étend à unetypologie générale des attitudes des témoins du Christ quant à l’exercice de leurscapacités de décision. Les deux martyrs évoqués dans ce colloque présententdeux profils intéressants sous cet aspect, ce qui est aussi l’objet d’autres étu-

16. Richard E. COSTIGAN, The Consensus of the Church and Papal Infaillibility.

 A Study in the Background of Vatican I, The Catholic University of AmericaPress, 2005, 218 p.17. Rosario GIBELLINI, La Teologia del XX Secolo, Edizione attualizzata

con una Appendice « Il passo del Duemila in teologia », Sixième édition, Ed.Queriniana, Brescia, 2007, 751 p.

18. Massimo FAGGIOLLI et Alberto MELLONI, dir., Religious Studies in the

Twentieth Century , Actes d’un Colloque international Assise 2003, LIT Verlag,Berlin, 2006, 341 p.

19. Martin MOSEBACH, La liturgie et son ennemie. L’hérésie de l’informe, tra-duit de l’allemand par Francis Olivier et Stéphen de Petiville, Préface de Robert

Spaemann, Hora Decima éditeur, Fleury-Mérogis (91700), 2005, 196 p.20. Yves Congar, théologien de l’Eglise, ouvrage dirigé par Gabriel FLYNN,traduction de l’anglais, Ed. du Cerf, Paris, 2007, 447 p.

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443ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ÉGLISE

des dans les Actes, auxquelles nous ne pouvons nous attacher ici. La Passio de

Lucia posait la question du jugement de moralité que la personne menacée de violporte sur ce qu’elle doit subir. C’est cependant d’autres cas qui sont l’objet d’unediscussion théologique plus générale. Ce sont ceux de femmes, des vierges,qui, pour échapper au viol, se donnent la mort. Augustin condamne clairementce « suicide » (le terme n’existait pas), mais lui-même, comme d’autres Pères,Eusèbe d’Emèse, Chrysostome surtout, mettent à part le cas où la décision estprise sous une inspiration à caractère divin (p. 97 sq). Augustin cite en faveur decette exception le cas de Samson (p.105), selon le Livre des Juges (16,28).

16. Dans The Consensus of the Church and Papal Infaillibility, Richard E. coStigan 

reprend le dossier du débat mené autour des thèses gallicanes modérées qui sesont opposées, depuis le dix-huitième siècle, aux développements du centralismepontifical. L’étude est très précise, même si, dans l’ensemble, elle renouvelle peu ladocumentation et son interprétation. La présentation de la question de la « récep-tion » (ex sese...) est très solide. L’insistance sur l’attachement des « gallicans » auprimat de l’évêque de Rome est bien venue. Je retiens ici un point particulier, surlequel l’étude apporte une précision : la présentation faite par Costigan (pp. 94-108)de Pietro Ballerini (prêtre de Vérone, 1698-1769, moraliste, et surtout patrologue,avec son frère Jérôme). Costigan (p.107) critique des auteurs qui ont attribué àPietro Ballerini le mérite d’avoir tenu compte de la notion de « communion ». Il cite

(p. 96, 107) Giuseppe Alberigo, Lo sviluppo della dottrina sui poteri nella Chiesa uni-versale. Momenti essenziali tra il XVI e il XIX secolo (Herder, Rome, 1964 ; sur PietroBallerini, pp. 288-300), ainsi que la contribution d’Yves Congar, « De la communiondes Eglises à une Ecclésiologie de l’Eglise universelle », au volume L’épiscopat et

 l’Eglise universelle (Le Cerf, Paris, 1964, pp. 227-260). On peut penser que Congaravait été influencé sur ce point par Giuseppe Alberigo, qu’il fréquentait au Concile.Faggiolli, dans le livre cité plus haut, écrit (notes des pp. 256 et 331) que le livred’Alberigo, paru en 1964, avait circulé au Concile dès 1963. Congar (p.259) ditbrièvement que Ballerini « a fait un louable effort pour insérer la doctrine de laprimauté papale dans une ecclésiologie de communion ». Costigan objecte que

le terme de communion est rare dans l’exposé principal de Ballerini, dans le De viet ratione primatus romanorum pontificum et de ipsorum infaillibilitate ..., (Vérone,1766), et qu’il serait totalement absent d’un texte que Costigan met particulièrementen valeur. C’est un complément de Pietro Ballerini, en 1768, à ses attaques contreles « gallicans ». Sa forme est un Appendice à l’ouvrage, De potestate ecclesias-

tica..., dirigé contre Febronius (Vérone, 1768). Selon Costigan (pp. 103-108), cestextes ne mettent pas en jeu une réflexion sur l’accord des Eglises et de leurs évê-ques. Cette analyse me conduit à penser que Ballerini aurait pu contribuer à uneapproche « sociologique » de la question de l’Eglise chez Joseph de Maistre enparticulier. L’infaillibilité romaine était mise en rapport par le théologien italien, si je

comprends bien, avec le projet en Dieu de l’unité à réaliser dans l’Eglise, par la foiet aussi par la vie, la discipline, la cohésion sociale, selon une comparaison avecle rôle des institutions politiques dans les peuples. Une certaine continuité de type« pré-romantique » existerait avec les théologiens de l’école de Tübingen.

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17. Rosario giBellini, directeur de la Biblioteca di teologia contemporana où le

livre paraît, La Teologia del XX Secolo, est l’auteur de cette histoire de la théologieau vingtième siècle, dont la première édition (1992) a connu un large succès. Ilajoute maintenant aux 560 pages de son texte un appendice sur la situation de lathéologie au tournant de l’an 2000, une Bibliographie 1 (par thèmes et auteurs, enfonction des chapitres, sur le texte de 1992), une Bibliographie 2 (sur l’Appendice2000, en ordre alphabétique des auteurs) et un Index des noms (qui couvre aussiles bibliographies, ce qui est fort utile). L’étude s’étend à la théologie protestante(il y a des allusions rapides à l’orthodoxie). Le texte est structuré selon deux typesd’exposés. Une série couvre des thèmes ou problématiques, ce qui a sans douteété un élément de succès, la limite étant que ces résumés d’une matière aussi

riche dessinent des orientations plutôt que des démonstrations. L’autre série, inté-grée d’ailleurs à la précédente, consiste en portraits d’auteurs. Notons ceux deBonhoeffer, Karl Rahner et Schillebeeckx. Les oeuvres de Moltmann et de Metzsont largement présentées et intégrées à un développement sur la « théologiepolitique », les théologies de la libération, les théologies féministes, les théologiesdu Tiers monde, l’écologie. Le thème de la « théologie politique » constitue un axed’intérêt dans tout l’ouvrage (cf. p.560). Une « théologie » au sens propre d’une« science » de Dieu, dans le contexte des connaissances anthropologique et cos-mologiques actuelles, a peu de place, encore que Moltmann et Metz, pour revenirà eux, ne sont évidemment pas étrangers à cette préoccupation.

Une visée de « théo / logie » pourrait être reconnue en deux courants de pen-sée brièvement présentés dans l’Appendice : l’un, le « post libéralisme » avecLindbeck (p. 568-570 ; cf. Marc Boss et alii , Post Libéralisme ? La théologie de

George Lindbeck et sa réception, Labor et Fides, Genève, 2004), l’autre, la « radi-cale orthodoxie », de Milbank (pp. 570-572). Dans un précédent Bulletin (RSR,tome 82, 1994, p. 458s), j’avais brièvement présenté, avec des réserves, le livre deJohn Milbank, Theology and Social Science. Beyond Secular Reason (Blackwell,Oxford, 1990).

Webster, cité plus bas à propos du livre dirigé par Flynn sur Congar, parle, à lapage 47 de sa contribution, des « épigones anglo-américains de Henri de Lubac »,

qui, « dans leur style affecté, s’attachent à mettre à mal... » les théologies du res-sourcement parmi lesquelles Webster classe celle de Congar, et dans lesquellesil reconnaît d’ailleurs lui-même aujourd’hui des insuffisances. Parmi ces « épigo-nes », il faut compter John Milbank qui a publié The suspended Middle. Henri de

Lubac and the Debate concerning the Supernatural, dont il existe une traductionfrançaise : Le milieu suspendu. Henri de Lubac et le débat sur le surnaturel (Le Cerf,Paris, 2006). Georges Chantraine, dans le Bulletin de l’Association Internationale

Cardinal de Lubac (tome 8, 2006, et tome 9, 2007), s’est exprimé de façon trèssévère quant à l’interprétation par Milbank de la pensée du Père de Lubac.

18. Le livre précédent  peut être complété par l’ouvrage collectif ReligiousStudies in the Twentieth Century (Actes d’un Colloque international, Assise 2003),sous la direction de M. F aggiolli et A. melloni (LIT Verlag, Berlin, 2006). L’attentionprincipale est portée sur l’histoire du christianisme et ses rapports à la penséethéologique, encore que la théologie elle-même soit assez absente. L’ouvrage

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445ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ÉGLISE

dirigé par Joseph Doré, Le devenir de la théologie catholique  mondiale depuis

Vatican II, 1965-1999 (Beauchesne, Paris, 2000) n’est pas mentionné. Mais il fautrappeler l’ouvrage collectif dirigé par Giuseppe Ruggieri, Le Chiese nel Novecento (Ed. Dehoniane, Bologne, 2001), qui reproduisait une livraison de Il cristianesimo

 nella storia. Une contribution retient particulièrement l’attention, en lien avec l’histoire du

modernisme et de la fondation des Recherches de Science religieuse, celle deThomas Albert Howart, « Theology of the Science of Religion The Legacy of Adolfvon Harnack » (pp. 33-73). Harnack a eu un rôle de premier plan dans le main-tien en Allemagne du statut universitaire des Facultés de théologie à caractèreconfessionnel. Une autre contribution présente la même question, envisagée sous

l’angle des impacts de la polémique envers le protestantisme dans les oeuvreset institutions catholiques, ce qui conduit à rappeler la figure de Hubert Jedin. EnGrande Bretagne, la situation est comparable à celle de l’Allemagne. De mêmeaux Etats-Unis, où les Universités, y compris les plus importantes, sont, il est vrai,des institutions non étatiques.

Un statut universitaire public pour les Facultés de théologie est refusé actuelle-ment en Italie, en Espagne, et en France, où se fait valoir cependant l’exception deStrasbourg. L’étude consacrée à l’histoire du christianisme en Espagne a le grandintérêt de suivre de près les évolutions plus générales de la société et celles desmilieux catholiques. Les études concernant le catholicisme et les autres religions,

ont un grand développement en Italie, qui peut dans une certaine mesure bénéfi-cier des travaux réalisés dans les Facultés confessionnelles, en particulier quantaux études bibliques et patristiques. L’intérêt se porte plus directement ici sur lesCentres liés à des universités, ou ayant un statut indépendant, comme celui deBologne. Quel peut être le statut de ces institutions, quand elles ne se définissentpas seulement par un rapport aux « sciences religieuses » en général, mais parrapport à un engagement philosophique et théologique plus précis en face desproblèmes de la société, et du rôle des Eglises dans la société ? La question estdéveloppée sous ce dernier aspect dans Teologia nella Città, Teologia per la Città,

La dimensione secolare delle Scienze teologiche, sous la direction de Antonio

 Autiero (Ed. Dehoniane, Bologne, 2005). Il est vrai que de nombreux auteurs visentplutôt à décrire le statut d’études d’histoire et de sociologie du christianisme, quise définissent selon des projets de recherche qui ne soient pas liés à une prise deposition dans les questions touchant à la place de la religion dans la vie nationale.Cela est surtout clair dans le cas de la France, présenté dans Religious Studies...par Claude Langlois, puis par Etienne Fouilloux. Il faut dire sans doute que laFrance, tout au moins pour les récentes générations de chercheurs, et malgré lerôle joué un temps par l’influence du marxisme, connaît un assez large consensussur l’attachement à l’éthique républicaine et aux droits de l’homme dans leursdéfinitions actuelles, européennes et internationales. Les chercheurs sont généra-

lement à l’aise pour placer leurs travaux techniques dans ce cadre « humaniste »de sorte aussi qu’un accord est aisé entre catholiques et protestants. En mêmetemps, le développement de l’histoire religieuse en France a été renouvelé, ousoutenu, dans une large mesure, par des chercheurs qui mettaient assez claire-ment et publiquement un lien entre leurs travaux techniques et des propos d’en-

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gagement sur le rôle du catholicisme dans la société, et sur l’évolution de ce rôle.

On peut nommer en ce sens Alfred Loisy, Henri Bremond, Etienne Gilson, HenriMarrou, Michel de Certeau, Gérard Cholvy..., qui ne sont certes pas comparablesà tous égards. Une réflexion sur cette sorte de dialectique entre « neutralité » et« engagement » dans le domaine des études religieuses m’occupe spécialement,il est vrai, les lecteurs de la Revue le savent. Sur des positions analogues, on aici l’essai de Giuseppe Ruggieri sur le statut épistémologique de la théologie auvingtième siècle (pp.149-163), spécialement (p.160s) quant à la relation positiveentre l’objectivité historique et la subjectivité, que ce soit celle de l’individu oucelle du groupe social.

19. Martin moSeBach, auteur connu pour son œuvre de romancier, a publié celivre, La liturgie et son ennemie. L’hérésie de l’informe, en 2002 à Wien. La traduc-tion française provient d’un groupe connu par les publications de l’abbé ClaudeBarthe. L’ouvrage est rédigé avec talent, et la traduction semble bonne. L’Auteur,blessé par les réformes liturgiques depuis Pie XII, a cherché les arguments qui per-mettraient d’opposer une critique sensée aux arguments des acteurs du mouve-ment liturgique dans sa forme récente. Ceux-ci peuvent d’ailleurs être accordés àdes réflexions de l’auteur, ainsi d’une remarque assez pertinente sur l’agenouille-ment. L’essentiel paraît être l’idée que la liturgie ne peut fonctionner que si lesparticipants ont le sentiment d’avoir affaire à une forme qui ne peut plus bouger,

qui s’est fixée à une date lointaine dans le passé, quoi qu’il en soit du temps quecela a pris, selon les études des spécialistes. De ces données devenues énigma-tiques, il n’y a plus alors qu’à commenter le sens, en faisant jouer son imaginationreligieuse. Sous cet aspect, l’ouvrage est éclairant quand à la compréhension debien des résistances. Entre donc en jeu le goût très actuel pour l’ésotérisme àprétentions traditionnelles. Le caractère romancé de certaines parties du livre faitpenser à Da Vinci Code, ou autres productions de ce genre. Un passage étrangeentend établir le sens des nombreux signes de croix que la liturgie romaine avaitintroduit au cours de la célébration eucharistique (p. 134sq). Cette parenté entrela vénération de la liturgie romaine et les goûts ésotériques n’est pas une nou-

veauté ; cela a existé par exemple à Solesmes, et, sous une forme apparentée, asouvent inspiré le culte de l’art roman.

20. Yves Congar, théologien de l’Eglise, est un ouvrage collectif, sous la directiondu théologien irlandais Gabriel Flynn  (publié en anglais, Louvain, 2005). Dans sonensemble, ce livre ne m’a guère paru faire progresser la connaissance de l’œuvre duPère Congar et de son rôle. Le recueil a plutôt une valeur documentaire quant auxpositions des auteurs des contributions. Celle de Flynn lui-même, consacrée à l’imagede la réforme de l’Eglise chez Congar, me laisse songeur. Flynn loue la prudence aveclaquelle Congar aurait d’abord réfléchi à la notion d’Eglise pécheresse. Mais il aurait

ensuite avancé des affirmations dépendant de Luther, ce que résumerait un passagede Je crois en l’Esprit saint (tome 2, Le Cerf, Paris, 1979, p.162). Congar, se référantau fait que la liturgie fêtant la Dédicace d’une église prévoit la lecture de l’épisode deZachée, écrivait ceci : « L’Eglise est une pécheresse prévenue par un pardon gratuitet qui se convertit quand le Seigneur vient prendre logis chez elle. L’Eglise est, et sera

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toujours, la venue du salut à une maison où vient demeurer le Seigneur, commençant

par une conviction d’injustice et de péché » (le texte de Flynn, p.106, du moins dansla version française que j’utilise, rapporte incomplètement cette phrase). La positionde Congar dans ce passage me paraît être que l’Eglise reste toujours dans la posturedu pécheur qui se convertit. La condition pécheresse n’est pas seulement en arrière,elle dure dans la conversion qui dure, par la grâce du pardon de Dieu. Le péché necesse pas de venir en jeu après la conversion initiale et la réponse à la convocation.Cela est bien différent de ce que l’on peut considérer comme une erreur luthérienne(encore qu’on puisse de toute façon discuter de la nature de cette erreur), la repré-sentation d’une sorte de permanence de la colère de Dieu sur le croyant.

La contribution de John Webster, consacrée à la tradition, avance une réflexion

dont le lien au thème principal n’est pas absolument clair mais rejoint la réflexionprécédente. Il écrit qu’il importe de ne pas marginaliser le dernier élément du Credo,« la rémission des péchés », laquelle « est constitutive de la sainteté et de la catholi-cité de l’Eglise comme de son caractère de communauté ». Il y aurait donc un danger« à assimiler trop complètement le témoignage apostolique à la vie de l’Eglise, aurisque d’étouffer son appel à la conversion » (p. 58s). Cette remarque du théologienréformé, disciple de Barth, appartient au plus vaste ensemble de son analyse de La

Tradition et les traditions. A l’insistance de Congar sur la vie de l’Eglise, sur la traditioncomme mouvement venant de Dieu, il fait le reproche de ne pas respecter suffisam-ment le rôle critique définitif de l’Ecriture (conclusion, p. 61s).

Nous avons déjà cité l’ironie de Webster à l’égard de certains critiques de lathéologie de Congar. On peut rattacher à ce groupe critiqué l’auteur d’une autrecontribution sur la Tradition selon Congar, Jonathan Robinson, un oratorien améri-cain (p.293-315). Lui aussi pointe le risque que ferait courir une notion de traditionconstruite avec insistance sur la vie de la communauté des croyants, à partir deDieu lui-même se communiquant. Ici, surgit un argument central contre Congar selonlequel il a approuvé la réforme liturgique voulue par Vatican II, réforme qui a détruit– au nom de la vie - cette citadelle forte de la tradition concrète, à contenu précis,que représentait la liturgie romaine. Suite à cette rupture, l’oubli se serait étendu audomaine de la doctrine morale, sexuelle en particulier. Il se réfère alors (p.305,307)

aux ouvrages publiés à San Francisco, par l’Ignatius Press, éditions animées par desdisciples de Joseph Ratzinger qui se réclament du Père de Lubac et de John Milbank(sur ce groupe, voir Hervé Yannou, Jésuites et Compagnie, Lethielleux, Paris, 2008,pp.133, 359-361).

Plusieurs contributions, d’options doctrinales diverses, touchent à la question durapport aux autres traditions religieuses ; elles peuvent aider à préciser l’image dece que Congar proposait en ce domaine. Je note par ailleurs l’étude intéressantede A.N. Williams, une patrologue de Cambridge, quant à l’évolution des positionsde Congar sur le laïcat dans l’Eglise. John O’Malley, mon confrère américain, louel’oeuvre historique de Congar, mais regrette qu’elle se soit peu occupée de l’oeuvre

des Ordres religieux, même de celle des Mendiants, et de celle des Confréries etTiers Ordres.

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21. Oswald BAYER, Martin Luthers Theologie. Eine Vergegenwärtigung, 3°éd., Mohr - Siebeck, Tübingen, 2007, 354 p.

22. Otto Hermann PESCH, Martin Lutero . Introduzione storica e teologica ,traduction italienne, Ed. Queriniana, Brescia, 2007, 487 p.

23. Dominique BERTRAND, Pierre Favre, un portrait, Editions Lessius,Bruxelles, 2007, 365 p.

24. José Ignacio TELLECHEA IDIGORAS, El arzobispo Carranza, « Tiempos

 recios », [ « temps forts » ], t.4, Cartas boca arriba. La crisis religiosa espanola

de 1558-1559 a través de cartas contemporanaeas, Publicaciones UniversidadPontificia de Salamanca, Salamanque, 2007, 2 vol. en pagination continue,l089 p.

25. Marina CAFFIERO, La fabrique d’un saint à l’époque des Lumières, tra-duction de l’italien, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ,Paris, 2006, 224 p.

26. Johann Joachim SPALDING, Kleinere Schriften 1, édités par OlgaSontgerath, Mohr - Siebeck, Tübingen , 2006, 509 p.

27. Marie-Hélène DELOFFRE, Confesser l’Eglise. Introduction à l’ecclésio-

  logie de dom Guéranger, Editions de Solesmes , F - 72300 Solesmes, 2006,299 p.28. Alain Y. THOMASSET, L’ecclésiologie de John Henry Newman angli-

can, Leuven University Press et Peeters, Leuwen, 2006, 747 p. (BibliothecaEphemeridum Theologicarum Lovanensium, vol. CXCVII).

29. Paul VAISSE, Newman et le mouvement d’Oxford. Un réexamen critique,

Peter Lang, Berne, 2006 , 204 p.30. Enrico GALAVOTTI, Processo a Papa Giovanni. La causa di canonizza-

 zione di A.G. Roncalli (1965-2000), Il Mulino, Bologne, 2005, 530 p.31. Louis MASSIGNON et Jean ABD-EL-JALIL, Parrain et Filleul, 1926-1962.

Correspondance, rassemblée et annotée par Françoise Jacquin, Cerf, Paris,2007, 301 p.

21. La première édition de l’ouvrage de O. B ayeR sur la théologie de Luther, Martin Luthers Theologie. Eine Vergegenwärtigung, avait été accueillie ici favora-blement (RSR, avril-juin 2006, tome 94, pp.261-263). Le livre a eu en monde luthé-rien un accueil motivant une deuxième édition, puis celle-ci. Les modifications ontété nombreuses, dit l’Auteur, rectifications diverses qui ne changent pas la pagi-nation (ni le sens, pour les passages que j’avais cités en 2006). Les citations que je ferai ci-dessous de cette 3° édition, à propos du livre de O. H Pesch, pourrontêtre retrouvées, substantiellement, par les utilisateurs de l’édition initiale..

22. Otto Hermann PeSch avait publié en 1982 (Matthias Grünewald, Mainz) une« Introduction à Luther » (Einführung zu Luther   ), à laquelle une édition revue futdonnée en 2004, dont voici la traduction italienne, qui comporte une Préface de

IV- Personnalités et doctrines

(21-31)

(par ordre chronologique)

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449ECCLÉSIOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ÉGLISE

l’Auteur à propos de l’intérêt en Italie pour Luther. Le titre double de la version

italienne correspond à la division du livre en deux séries de développements,la première de caractère plus strictement historique, discute la question de la« conversion » de Luther, ou de la rupture réformatrice. La seconde série estconstituée de chapitres construits autour d’un thème. Les thèmes retenus le sont,en règle générale, parce qu’ils ont donné lieu à des critiques catholiques de Luther.La construction a quelque chose de poétique, dirais-je, Pesch (p.392s) trouvant« catholique » le plan du livre de Bayer, comparable, dit-il, à un manuel classiquede théologie. Il lui reproche d’avoir peu utilisé les travaux catholiques sur Luther.

L’ouvrage de Pesch comporte, sur le document concernant la justification,un Appendice plus technique (il y a une série de tels compléments à la fin de

l’ouvrage). Il décrit l’élaboration du texte jusqu’à sa publication, et le chapitre14 (pp. 313-326), résume cette histoire, mais discute aussi la portée du texte.Il aborde en particulier l’objection – je la ferais volontiers mienne – touchant aucaractère abstrait et scolastique du terme, que ce soit dans les langues latines,ou en transposition germanique (Rechtfertitung ). A quoi il répond que les discus-sions entraînées par l’usage du terme pourront contribuer à ce que nous ne nouslaissions pas entraîner à trahir l’affrontement dans la foi chrétienne au caractèreradical du péché (p.326).

Une place importante est donnée à la conception de l’Eglise (chapitre 12, 241-271) ; les exposés sont classiques par rapport aux publications actuelles. A ce

propos, l’A. signale que la théologie de Luther procède à une « réduction » del’image des sacrements (p. 255), renvoyant à un exposé précédent dans le mêmeouvrage (p.182 en particulier). La réduction peut être résumée dans la thèse luthé-rienne ramenant la réalité sacramentelle à l’institution du rite par la promesse desalut remontant à Jésus. Cette description correspond à celle que donne Bauer,mais celui-ci reprend aussi la conception de l’Eglise par Luther comme « com-munauté des pécheurs justifiés », dans le culte divin en particulier, ajoute-t-il (p.66). Et il rappelle, sans développer ce point, la notion de l’Eglise ordonnée dès lacréation à la louange de Dieu (p.116), point qu’affirme le Petit catéchisme, à la findu commentaire du premier article du Credo (p.148, avec le commentaire p.157,

159). Sur le troisième article (p. 218, avec le commentaire pp. 220s, qui com-porte un jugement superficiel sur l’ecclésiologie « romaine ») l’image de l’électionou vocation est mise en évidence, oeuvre de l’Esprit à la fois individuellement etcollectivement. On pourrait donc coordonner d’une certaine façon, chez Luther,l’image de l’Eglise comme communauté des rachetés à celle de l’Eglise commecommunauté des appelés, au service de la confession de Dieu et de son Christdans le monde.

23. Dominique BeRtRanD, dans son Pierre Favre, un portrait, fera mieux connaîtrePierre Favre (P.F.), l’un des premiers compagnons réunis par Ignace de Loyola.

Né en 1506, P.F. est venu de Savoie à Paris en 1525, poussé par l’amour desétudes. Il restera là onze ans (1525-1536), dans une capitale relativement calme etprospère (cf. Philippe Lécrivain, Paris au temps d’Ignace de Loyola (1528-1535),

Editions des Facultés jésuites de Paris, Paris, 2006). P.F. entendit des enseigne-ments, passa des contrôles, aida d’autres étudiants, dont Ignace de Loyola qui

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sera en retour son maître spirituel. Il est le premier des « ignatiens » à être ordonné

prêtre, en mai 1534, et à ce titre, au cours de la messe célébrée par lui, il recevrales premiers engagements ou voeux des amis (15 août 1534). Il a sans doute jouéun rôle important dans la pratique des Exercices spirituels, leur prédication et leurrédaction textuelle. La dernière période de la vie de Favre est très agitée, entreRome, l’Allemagne et le Portugal, ballotté selon les désirs de la diplomatie pon-tificale, et non pas en fonction d’une stratégie du groupe d’Ignace (approuvé parle Pape en 1540). Il meurt épuisé durant l’été 1546, revenu par mer de Barceloneà Rome depuis quelques jours. Le jour du Corpus Christi de 1542, P.F. avait prisla résolution de garder désormais par écrit des traces de sa vie spirituelle apos-tolique. Le même jour, il écrivit un bref résumé de sa vie passée. Par la suite, de

façon irrégulière, il rédigera en diverses langues des textes dont il a sans doutedonné des copies, partielles peut-être, à partir desquelles ont été formés les tex-tes manuscrits sur lesquels est basée l’édition du texte (malgré plusieurs travaux,depuis 1873 en France, une édition critiquement exhaustive manque encore).Michel de Certeau en donna une traduction richement commentée et annotée(Desclée de Brouwer, 1960, 458 pages ; réédition en 2007).

D.B. n’entend pas compléter seulement la compréhension du Mémorial, nireconstituer une biographie développée. Il vise plutôt à tracer un « portrait »,exploitant les lettres conservées. Plusieurs courts traités que P.F. avait rédigéspour des correspondants sont donnés en traduction à la fin du livre. L’itinéraire de

P.F. est fortement marqué par le contraste entre une longue période de formation,et la précipitation dramatique des six dernières années. Une vie riche en épreuvesqu’orchestre la rédaction du Mémorial, qui, résolue tardivement, s’étendra sur qua-tre années seulement, avec des interruptions ou lacunes assez longues. Etudiantce document, D.B. peut chercher à rendre compte du drame personnel que P.F. avécu et qu’il mit en paroles. Une signification générale peut lui être reconnue ; elleserait exemplaire à son niveau pour l’interprétation de ces quelques décenniesdans l’histoire spirituelle du christianisme occidental : un moment dramatique,entre le rayonnement de l’humanisme érasmien et sa mise en cause à partir de larévolte luthérienne, dont les échos parvenaient dans le Paris d’Ignace.

 Au creuset de ces agitations spirituelles, la vie et l’oeuvre de P.F. selon Bertrand,pourraient illustrer le rôle qui fut joué pour beaucoup par la sagesse de vie et deconviction apportée par les Exercices spirituels. Dans le cas des autres mem-bres du groupe né à Paris, l’expérience postérieure s’est exercée surtout dansl’orientation de la nouvelle institution. En est témoin éminent un texte quelque peucomparable au Mémorial, le « Journal » des motions intérieures de saint Ignace,toutes relatives à un point de régulation du nouvel ordre religieux. Ici, après lapériode initiale de formation, P.F. est comme livré à lui-même, dans une activitépresque solitaire, malgré l’aide qu’il recherche dans des contacts et dans la cor-respondance. L’urgence du discernement était donc grande et significative.

D.B. pense qu’une compétence doctrinale est montrée par le Mémorial. Il sou-ligne l’importance d’un passage de ce texte (numéros 305 à 307, pp. 343-345,avec les notes de Certeau). Plusieurs fois cité (pp. 261 à 263, renvoyant aux pp.32 et 155), ce texte définit les formes en mouvement de la connaissance du Dieucréateur et de ses oeuvres. Le passage serait inspiré de saint Thomas selon D.B. ;

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il pense aussi à l’influence de saint Bernard. Je pense que P.F., qui avait de la

dévotion pour saint Denis, fait sans doute écho dans ce long passage à la traditiondionysienne, connue peut-être directement au cours des études à Paris. Lutherappréciait saint Bernard, mais il n’aurait sans doute pas décrit, comme le fait P.F.,l’ascension dans la connaissance de Dieu, grâce au Christ médiateur et à l’Esprit.D.B. insiste sur la relation que l’on peut établir entre les textes du Mémorial etla tradition du discernement, telle qu’elle a été renouvelée par les expériencesd’Ignace et la rédaction des Exercices. Il souligne l’origine patristique de cettedoctrine, et évoque le rôle qu’a pu avoir P.F. dans sa reprise à Paris, en particu-lier d’un texte de Jean Cassien auquel s’est référée la rédaction des Exercices (p. 232 sq). Le texte oppose l’esprit du mal et le bon esprit, l’Esprit de Dieu, ce

qui se retrouve dans le Mémorial, mais celui-ci donne aux bons anges une placeconsidérable, y compris dans des situations de discernement, ce qui n’est pasdirectement inspiré des Exercices, faisait remarquer Certeau. (pp. 50-54 de sonIntroduction). Y aurait-il, là aussi, un héritage dionysien ? Cet élargissement chezFavre de la relation aux esprits (voir par exemple les numéros 249 à 254) mesemble contribuer à dédramatiser en quelque manière l’expérience spirituelle dece jésuite, et à lui enlever toute analogie avec le caractère tragique des ensei-gnements de Luther. Les « ignatiens » ne semblent pas en avoir perçu la vigueurchristologique.

Les conseils envoyés par P.F. à Laynez depuis Madrid le 7 mars 1546 (traduction

D.B. pp. 318-320), avec une allusion à Luther, sont marqués par l’idée que leserreurs de doctrine ont eu prise chez les dissidents du fait de la mauvaise conduitede ceux-ci. Cette interprétation de la crise de la Réforme tend à détourner de lapolémique vaine au profit du témoignage de la vie, mais elle reste tout de mêmecourte. Evidemment, la comparaison de Favre avec Luther ne pourrait aller loin.Il pourrait être plus fécond d’en tenter une avec Pierre Viret, un contemporain etpresque compatriote de Favre (un natif du canton de Vaud, 1511-1571), dont lesmultiples publications ont eu un caractère polémique, mais comportaient aussides traits de spiritualité humaniste, de sorte que ce réformé a suscité la sympa-thie du chanoine Bavaud (cf. mon compte-rendu, RSR, tome 76, 1988, p.151s),

travaux que leur Auteur résume dans le Dictionnaire de Spiritualité, article « Viret »(tome 16, col. 920-924)

24. José Ignacio tellechea iDigoRaS, El arzobispo Carranza, « Tiempos recios »,étudie le procès de Bartolomé Carranza depuis près d’un demi-siècle (voir JosephLecler, sur un ouvrage précédent, RSR, tome 59, 1971, pp. 299-303). Le profes-seur de Salamanque ajoute ici un nouveau « temps fort » en réunissant un corpusannoté et commenté de 449 lettres (dont 11 dans les  Addenda  ), certaines édi-tées déjà, par lui-même ou par d’autres (ainsi dans les Monumenta Hist. S.J.) ;de plus, de nombreuses lettres sont publiées pour la première fois. Le dominicain

Carranza de Miranda est nommé Archevêque de Tolède par Philippe II en août1558. Charles Quint meurt en septembre 1558 et le Pape Paul IV en août 1559.Quelques jours après, la Princesse Juana – fille de Charles Quint et soeur dePhilippe II – qui exerce une sorte de régence pour l’Espagne, écrit au représentantdu Royaume à Rome que l’archevêque Carranza devient un prisonnier de l’Inqui-

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sition (p.1056-1058). Détenu, il le sera jusqu’à sa mort en 1576, à Rome. L’ouvrage

n’entend pas peser une nouvelle fois les accusations : avoir favorisé les luthériens,avoir trahi la doctrine authentique par son Catéchisme. Le but ici est de décrire le jeu des réseaux qui ont fabriqué cet « hérétique ». Il y a en particulier le rôle jouépar Melchior Cano, le confrère dominicain de la victime. La présence des jésuitesest large dans ces pages. Juana, veuve de l’héritier de la couronne au Portugal,avait été admise par saint Ignace à faire les trois vœux dans la Compagnie deJésus (Hugo Rahner a décrit cette situation, mais s’étend peu sur les responsa-bilités politiques de la « Gobernadora » de l’Espagne). Son conseiller François deBorgia (p.187) fut d’ailleurs lui-même suspect. A partir de l’été 1559, et du retouren Espagne de Philippe II, une campagne fut montée contre lui. Sa défense, et

les positions des responsables de la Compagnie, sont représentées par un cer-tain nombre de pièces données ici, allant jusqu’à 1561 ; c’est un ensemble déjàconnu en grande partie. Borgia apparaît pourtant en farouche critique de « la lèpreabominable de Luther » (Lettre à Laynez, p. 324). L’infection vient de gagner uneEspagne que l’on croyait limpide (p.325). Annonçant que des hérétiques ont étélivrés au bûcher pour la fête de la Sainte Trinité, en mai 1559, il en rend grâcesà Dieu (à Laynez, p.787 et 821). Les jésuites avaient d’abord été favorables àCarranza, et Melchior Cano aurait dit que la Compagnie était pleine de luthériens.Ils ont ensuite été conduits à suivre prudemment le courant dominant d’hostilitéà l’archevêque, attitude sur laquelle l’A. donne un jugement sévère (p.100-103,

184). Mais il attribue à la pression des Inquisiteurs, et non pas aux conseils deBorgia, la responsabilité que prit la princesse en l’absence de son frère de laisserlancer le procès inquisitorial (p.202s). La remarquable introduction qu’il donne aucorpus documentaire réuni par lui expose bien d’autres points. En conclusion, ilvoudrait combattre à la fois la tentation de condamner selon nos critères actuelsles conduites anciennes et celle d’expliquer les comportements anciens en lesrapportant aux moeurs de l’époque. Il entend que l’on discerne bien entre ceuxdont les comportements marquent des exigences de justice, et la faction « dure »qui identifie son idéal avec la mise en route sans faille du pouvoir politique (p.258).Le drame de l’Espagne, ajoute-t-il, c’est que l’option dure a été considérée pen-

dant des siècles comme seule digne de l’orthodoxie patriotique et catholique.

25. Marina c aFFieRo, dans un livre dont l’original date de 1996, La fabrique d’un

 saint à l’époque des Lumières, donne la description des réseaux d’influence quiont poussé en avant la cause de Benoît Labre (1748-1783). Riche aussi en érudi-tion est un autre volet de l’ouvrage, la construction dans la mémoire des catholi-ques d’une image complexe du jeune mendiant français émigré à Rome. Autourde lui, en effet, on peut voir s’organiser la prégnance de thèmes ou pratiquescomme le pèlerinage, la pauvreté choisie, les dévotions aux Quarante Heures, auChemin de Croix, au Sacré Coeur, ou encore le port du chapelet. Les miracles se

multiplient, mais on ne voit pas qu’ils aient été directement utilisés comme apo-logie d’une position doctrinale, comme ce fut souvent le cas dans le jansénismefrançais, autour de Pascal déjà. La comparaison avec le culte du diacre Pârisn’est pas développée dans le livre, mais elle s’impose. Une différence par rapportà ce qui concerne le jansénisme convulsionnaire me semble résider dans le rôle

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donné aux prophéties. Caffiero (pp. 176-179) évoque la présence, dans le réseau

des promoteurs du culte de Benoît Labre, de traces du prophétisme qui s’estdéveloppé à propos de la suppression de la Compagnie de Jésus. Les grandesvoix furent celles de Clorivière et de Lacunza, mais il y en eut d’autres, italien-nes, dont l’historienne est spécialiste. Cependant, on ne voit pas que le héroslui-même ait été engagé dans des productions de ce genre, à la différence desconvulsionnaires lyonnais de la même époque. Une composante « prophétique »pourrait certes être décelée dans une pratique qui fut caractéristique du jeunemendiant : la saleté, l’abandon du corps et des vêtements aux insectes parasites.Cet aspect peu recommandable fit difficulté dans la diffusion du culte (pp. 105-116) ; on invoqua alors l’exemple d’ermites anciens, voire la mémoire de saint

Jean-Baptiste, prophète entre tous. Mais l’image dominante est plutôt celle d’unepénitence extrême, sacrificielle, non pas prophétique.

26. J.J. SPalDing (1714-1804) dont sont édités les Kleinere Schriften 1, n’a pasconnu une large célébrité posthume. Je ne vois pas qu’il ait été retenu par KarlBarth dans l’histoire de la théologie protestante du dix-neuvième siècle qui inclutces années. L’entreprise de réédition, dirigée par Albrecht Beutel, des œuvresde Spalding correspond sans doute à cette réanimation de la théologie libéraleà laquelle on assiste chez nos voisins helvétiques ou germaniques. Pour la sériedes « Ecrits » proprement dits, sept volumes sont prévus, dont nous présentons

ici le 6/1. Le 6/2 donnera des lettres et une autobiographie. Le présent volumeréunit des textes brefs, sur des sujets dispersés, selon un ordre chronologique,de 1735 à 1794. Pour le dernier texte, que nous allons consulter, un exemplaireest localisé à Paris, à la Bibliothèque nationale, ce qui n’est peut-être pas unsimple hasard de bibliophilie. Il s’agit d’une pièce dans un volume du Magazin für 

Religionsphilosophjie (Helmstedt, 1794 ; ou 1793, cf. p.XVI). Cet article (reproduitaux pp. 387-407) a pour titre « Von dem Wesentlichen der Religion und von dem

Unterscheidenden des Christentums ». Dans la première partie, « Sur l’essentielde la Religion », S. présente quatre points fondamentaux : la création, la mora-lité, la destinée future des créatures raisonnables (l’espérance de l’immortalité),

la conversion enfin, qui reste possible pour ceux qui sont tombés moralement.S. refuse de faire reposer la moralité sur un commandement divin ; l’homme anaturellement le sens de cette capacité, il lui a été donné par le Créateur. Croire encelui-ci peut cependant donner à la pratique morale plus de constance. Surtout– tel est le quatrième point, fort significatif en histoire de la théologie – on doit tenirque la croyance religieuse en Dieu, un Dieu miséricordieux, rend possible à tousceux qui sont moralement tombés de se convertir, de convertir leur conduite (p.393s). La première partie se termine ainsi, sur un paragraphe disant où l’Auteurexprime ce qui est devenu sa conviction ferme, tranquille (p.384). Ce dernier pointexclut, on le voit, qu’une Rédemption soit nécessaire au pécheur, dans le sens que

tiennent les théologiens classiques, et dont Schleiermacher peu après fera uneconviction centrale dans sa compréhension de la foi chrétienne.

La seconde partie de l’article, « Sur ce qui différencie le christianisme » (pp.394-407), tend à justifier le christianisme contre les déistes qui attaquent le chris-tianisme à cause de la place qu’il fait aux miracles et à des dogmes. On peut

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échapper au dilemme : foi crédule ou rejet. Ce qui différencie le christianisme est

la seule référence à Jésus, vénéré comme Christ en tant simplement qu’il est perçupar les croyants comme véritable maître de la vie bonne, « la justice, l’amour deshommes, la maîtrise de soi, la soumission à l’ordonnance de la Cité » (p. 398).Ceci est accessible à d’autres hommes, sans référence au Christ, mais les chré-tiens ont bien le droit de tenir à celui qui est devenu leur Maître de vie indépen-damment des signes merveilleux et des doctrines surnaturelles. Notons que noussommes assez éloignés de Kant, la philosophie de Wolf me paraissant d’ailleursrester le fond de la pensée de l’auteur de l’article. Les positions adoptées font unetransition entre le déisme raisonnable et le romantisme du Jésus aimable.

27. Marie-Hélène DeloFFRe, dans son Confesser l’Eglise. Introduction à l’ecclé- siologie de dom Guéranger, présente une reconstitution claire des enseignementsecclésiologiques du fondateur de Solesmes. Les positions de l’ancien disciple deLamennais ont gardé de celui-ci l’opposition au gallicanisme, et développé inver-sement un ultramontanisme décidé. Dans ce cadre, joue l’insistance sur l’idée quela liturgie – du moins la liturgie romaine – est un témoin majeur de la Tradition, cequi n’est pas sans ambiguïté.

Joue de façon centrale l’image de Jésus donnant à Pierre, et à Pierre seul,la « clé » de toute la vie de l’Eglise. A partir de cette origine, se fait une trans-mission aux Apôtres, puis aux évêques. Dom Guéranger expose dans certaines

pages qu’il existe une relation directe de l’évêque au Christ, mais il ajoute : « lamission, l’institution qui assigne au pasteur son troupeau et au troupeau son pas-teur, Jésus-Christ et l’Esprit Saint les donnent par le ministère de Pierre et deses successeurs » (p. 151, c’est une citation de   l’Année Liturgique, Temps ducarême, Fête de la Chaire de S. Pierre à Antioche).

Une analyse relativement rapide, mais suggestive, est consacrée à un petit livre,les dernières pages sans doute rédigées par dom Guéranger (il est mort le 30 janvier 1875), L’Eglise ou la société de la louange divine (Angers, 1875, plusieurséditions ont suivi, jusqu’à 1940 ; les dernières comportent un supplément par Ch.Couturier. Voir la notice par dom Hourlier,Dictionnaire de Spiritualité, tome 6, 1967).

Conformément au titre, le texte fait voir dans la « louange », le « culte » en généralrendu par l’Eglise, culte terrestre qui participe à celui du Verbe en Jésus Christ.Sœur Deloffre écrit « Si l’Eglise épouse trouve son accomplissement suprêmedans la liturgie, c’est parce que c’est dans le culte qu’elle réalise au plus hautdegré sa vocation ultime : la contemplation et la louange de la Trinité » (p.196).La mention de la Trinité souligne bien le contexte dans lequel se situe cette pen-sée, celui d’une confession de foi déjà en place comme principe d’existence del’Eglise, et donc de sa liturgie. Nos ecclésiologies insistent plutôt sur la vocationde la communauté ecclésiale à être le lieu terrestre de la confession du ChristSeigneur. (Nous avons nous-même développé cette approche, « Jésus-Christ

confessé par les croyants », dans Le Fils unique et ses frères, sous la direction deMichel Fédou, Editions des Facultés jésuites de Paris, 2002, pp. 91-197). On peutreconnaître à dom Guéranger le mérite d’avoir remis en lumière l’appartenance dela confession de foi au « genre littéraire » de la proclamation liturgique (Institutions

 liturgiques, 2° édition, Palmé, Paris, tome 1, 1878, p. 2s et tome 4, 1885, p. 310s).

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La seconde de ces références renvoie à un texte dont la date de rédaction est

proche de 1845, quand Newman décide de rejoindre l’Eglise catholique romaine,décision dans laquelle la tradition liturgique a joué un rôle.

28. Avec L’ecclésiologie de John Henry Newman anglican,  Alain Y. thomaSSet, étudie la réflexion ecclésiologique de Newman anglican , en un imposant ouvrage,soigneusement préparé. Le volume ne comporte pas une information sur l’Auteuret les occasions de travail. La réalisation est très étudiée, encore que l’on puisseregretter la rareté des références données à propos des nombreux renvois internesà des développements antérieurs. Les citations nombreuses et étendues, intégréesau texte, sont traduites en français, les plus caractéristiques étant transcrites en

notes dans l’original anglais. La structure chronologique est établie de près, spé-cialement en ce qui concerne la datation des sermons et de leur intégration, cellede leurs textes, éventuellement retouchés, à l’oeuvre finale. L’importance de lareconstruction chronologique tient au propos fondamental de cette recherche :reconstituer la logique des réflexions qui, enracinées dans l’adhésion initiale del’étudiant au parti religieux  radical, ont conduit le théologien à l’Eglise romaine.Le renvoi aux formes historiques des convictions et pratiques aurait été une partessentielle de la démarche de N., ce qui avait eu un rapport avec l’attention vive-ment donnée en Angleterre depuis la Réforme à l’accomplissement des prophé-ties bibliques dans le Christ et aussi dans l’Eglise (cf. pp. 367sq, pour un tournant

à ce sujet chez N.). La méthode de N. pourrait être comprise comme une stratégieréflexive consistant à monter des modèles ecclésiologiques, testés ensuite dansla compréhension des grands événements et tendances de l’histoire des Eglises.Jusqu’à quel point les modèles font-ils comprendre ce qui est arrivé dans lesEglises ? Comment, en retour, revisiter les modèles essayés, jusqu’à trouver celuiqui subirait les tests de façon victorieuse ? Thomasset admet que l’on puisseainsi parvenir à une certitude, selon la logique de l’assentiment, avoir un accès au« phénomène total de l’histoire du christianisme » (p.724). Evidemment, il n’ignorepas le problème en histoire des hypothèses interprétatives. Il pense, par exem-ple, que, dans l’étude des Pères et de la crise arienne, N. ne pose pas, quant au

fond, le problème de la cohérence doctrinale des contenus mêmes, des hérésiescomme de leurs réfutations (p. 675sq). Jouent plutôt des critères externes, l’his-toire institutionnelle pourrait-on dire.

Par sa technicité, l’ouvrage sollicite l’avis des spécialistes de Newman, mais leprojet d’ensemble, tel que je viens de le transcrire sommairement, est une sortede défi proposé aux historiens, aux philosophies du travail historique, et à lathéologie.

29. Paul V aiSSe, professeur d’histoire des idées à l’Université de Paris X Nanterre,spécialiste de la Grande-Bretagne, a consacré à Newman une biographie de

valeur, Newman, sa vie, sa pensée, sa spiritualité, première période, 1801-1832 (L’Harmattan, Paris, 2001). Le présent ouvrage, Newman et le mouvement d’Ox-

ford. Un réexamen critique, confirme le précédent, reprenant et complétant unedizaine d’articles ou contributions. Dès 1991, comme le signale Alain Y. Thomasset,P. V. développe une insistance sur la permanence d’un attachement de N. à la

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forme de christianisme « radical » à laquelle il s’était converti à la fin de ses études

secondaires. Existe toujours la question de savoir quelle était au juste la forme de« radicalisme » ayant eu l’adhésion du jeune homme, puis de l’étudiant en théo-logie et du pasteur. Ce mouvement, ou parti, donnait une grande importance à lapréoccupation du salut personnel, ce que Thomasset relève aussi comme unecaractéristique de l’itinéraire de Newman. Ce radicalisme ne s’exprimait pas encritique libérale, mais au contraire en opposition aux orientations « High Church »qui donnaient beaucoup de valeur aux liturgies sacramentelles, et acceptaient dèslors en pratique une certaine tiédeur des fidèles. Dans les deux camps, les varian-tes étaient multiples, ce qui laisse place à des conflits d’interprétation sur cetteposition initiale chez Newman, et donc sur l’allure de son évolution, d’autant que

nous n’avons sur cette conversion initiale que son seul témoignage (Thomassetp.37, avec en note 11 l’allusion à Vaisse, 1991 ; cf. Vaisse, 2006, p. 56 sq).Paul Vaisse, dans les contributions réunies ici, s’adresse à Newman lui-même,

ou tout au moins à la façon dont il a compris et justifié son évolution vers le catho-licisme. Les critiques portent en particulier sur la façon dont Newman interpréta ledéroulement de la crise arienne. Elles concernent aussi, et plus généralement, laconception de la « tradition » chez N., et la confiance qu’on pourrait en lire chezles Pères de l’Eglise dans les témoignages fondamentaux, comme argumentsdécisifs. L’universitaire français entend mettre une sourdine à la confiance faiteà N. par les théologiens catholiques dans cette question, celle de la « tradition

vivante ». L’ouvrage se termine par une sorte de conclusion, sur l’ intérêt histori-que de l’oeuvre de Newman, texte qui date de 1988 (cf. p.VIII) et était destiné à unpublic non spécialisé.

30. Enrico g alaVotti rappelle dans Processo a Papa Giovanni. La causa di cano-

 nizzazione di A.G. Roncalli (1965-2000), comment la mort du Pape Jean, au débutde juin 1963, souleva une vive émotion dans le monde. Un mouvement se dessinapour souhaiter que les Pères du Concile procèdent à une sorte de canonisationpar acclamation. Paul VI ne pensa pas pouvoir soutenir ce mouvement, et, en1965, il mettait en route le processus classique des causes de saints. Le proces-

sus allait durer 35 ans, l’an 2000 voyant la cérémonie de béatification. Galavotti,chercheur attaché au Centre Jean XXIII de sciences religieuses de Bologne,consacra à ces années une recherche patiente, facilitée par l’accès du Centrede Bologne aux documents des enquêtes (p. 406s). Le livre est divisé en troisparties. Les deux premières sont dominées par l’initiative de Paul VI et sa miseen œuvre. Les aspects techniques de l’entreprise sont d’abord décrits, puis lesrésultats des enquêtes sont présentés, en divers lieux, selon les étapes de la viedu « serviteur de Dieu » (l’abréviation SD est utilisée dans les comptes rendus), etles fonctions qui ont été exercées par lui, pontificat compris. La diversité des éta-pes explique pour une part la longueur du processus, qui fut dirigé par un francis-

cain, le jeune collégien de Bergame ayant été admis dans le Tiers Ordre de saintFrançois. Manifestement, au niveau de la Congrégation pour la Cause des saints,on ne cherchait pas la rapidité, ce qui n’était pas dans ses habitudes, mais pou-vait aussi être occasionné par les réserves que gardaient beaucoup de personnesde la Curie, ou de la vie politique italienne, à l’égard du Pape. La troisième partie

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est marquée par l’accélération du processus. Cette accélération fut aidée par la

volonté de Jean Paul II d’alléger notablement le poids de ce genre de procédures,une accélération, surtout, qui aura été voulue directement par le Pape dans lecas de son prédécesseur. En même temps, alors que Paul VI avait lié la cause dePie XII à celle de son successeur (pp. 397-400), Jean-Paul II favorisa la liaison deJean XXIII à Pie IX. Béatifier Pie IX est souvent jugé bizarre par les historiens, maiscela correspondait à la dévotion personnelle d’Angelo Roncalli envers le pape deVatican I (p. 38s, 420). La fin du texte évoque la « réception » de la béatification.Suit une sorte de bilan des recherches de l’Auteur. Les enquêtes elles-mêmessemblent avoir apporté peu de précisions appréciables, ce qui est sans douteinévitable dans ce genre de pratiques, mais qui est mis particulièrement en lumière

dans la mesure où d’autres témoignages, extérieurs au processus lui-même, peu-vent être appréciés par l’historien comme plus significatifs, en particulier quant àla solitude vécue douloureusement par le SD durant son pontificat (pp. 435-439).Par ailleurs, ce qui a été décisif, estime l’A., fut le jugement initial que constituaitla pression des fidèles au lendemain de la mort du Pape. Cette impulsion a finale-ment réussi, le jeu du procès n’a pas fait grand-chose (p. 423-425 et p.439s).

Une autre question concerne l’interprétation de la faveur donnée par Jean-PaulII à l’avancement de la cause. D’une part, on trouve la tendance générale du pon-tificat à la multiplication des béatifications et canonisations ; le point a été évo-qué par un ouvrage de la même école de Bologne (voir mon Bulletin précédent).

Benoît XVI semble vouloir réagir. D’autre part, il faut réfléchir au cas spécifique decette « cause ». L’A. estime que le Pape a pu vouloir, en renouvelant dans l’Eglisel’aura de Jean XXIII, apporter son soutien à la réception – assagie sans doute – duConcile Vatican II (p.426s).

31. Louis m aSSignon (L.M) devint le parrain de Mohammed lorsque celui-cifut baptisé en 1928. Jean (le Baptiste) Mohammed (J.M), franciscain en 1929,ordonné prêtre en 1935, vécut principalement en France et fut enseignant à l’Ins-titut Catholique de Paris. La correspondance conservée comporte 227 lettres deMassignon (mort en 1962), 84 seulement de son filleul. Elles sont présentées par

Françoise Jacquin (F.J) sous le titre Parrain et Filleul, 1926-1962. Le parrain et son filleul, Abd-el-Jalil, sont donc unis dans le culte et la pratiquede ce que Massignon a fait appeler la Badaliya, expression que l’on peut traduirepar « substitution », un mot qui est parfois utilisé par L.M à ce propos. Il l’utilisaitdéjà en 1908 dans une Lettre à Claudel, parlant d’un « vœu de suppléance mysti-que, vœu de substitution à la croix d’autrui » (cité par Keryell, Hospitalité..., p.157,cf. ci-dessous). L’inspiration de cela venait sans doute de Huysmans, que L.Mavait connu dès son enfance. L’expression arabe fut préférée plus tard, cette spi-ritualité ayant été mise en relation à des sources islamiques. Le mouvement ainsiorganisé était né en 1935 d’une rencontre avec Mary Kahil, une grande dame de

la bourgeoisie égyptienne du Caire, catholique de rite grec, qui animait une largegamme d’activités sociales et culturelles, en relation avec des jésuites. JacquesKeryell a édité la correspondance de Massignon et de Mary Kahil (M.K) - tout aumoins des extraits que celle-ci avait préparés avant sa mort. Jacques Keryell,L’Hospitalité sacrée (Nouvelle Cité, Paris, 1987) explique comment c’est au Caire

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que Massignon, le 18 janvier 1950, fut ordonné prêtre, dans le rite gréco-arabe,

clandestinement, en présence de Mary Kahil, avec l’accord de la hiérarchie mel-kite. Nous voyons par la Correspondance publiée par F.J. que le « filleul » francis-cain n’avait pas été clairement prévenu. Informé ensuite, il ne fut pas heureux decette décision (p.203). L’épouse de Massignon n’avait pas été au courant, semble-t-il, et en tout cas comprenait mal cette démarche. Une telle ordination discrète,comme ensuite la célébration quasi secrète de la Messe, pourrait être rapportéeà l’accomplissement d’une indication remontant à Charles de Foucauld, ami deMassignon. Cette lettre parlait en faveur d’ordinations secrètes, dans une pers-pective pastorale adaptée à un milieu spécifique (Lettre à Massignon, en 1909,Keryell, p.55s, et note 76, p.155). Dans le cas de Massignon, domine par contre

une conception du sacerdoce ordonné comme participation au sacrifice rédemp-teur de Jésus Christ. Ce serait une forme majeure de la « substitution » qu’assureun disciple fidèle de Jésus Christ par rapport à des égarés, pour leur conversion,leur salut. La clandestinité s’explique mieux dans ce contexte. Une telle inter-prétation sacrificielle de l’ordination sacerdotale y voit une « imitation inouïe dela Passion » (p. 210, peu après son ordination). Proche de la fin de sa vie, L.M.écrit à Henri Cazelles, l’exégète sulpicien : « Celui qui est baptisé dans le sang duChrist l’est pour toujours, et celui qui l’offre dans le calice est cloué au Crucifiépour toujours » (cité par F.J, p. 272 en note). L.M. avait accueilli de façon positivele choix des prêtres qui se faisaient ouvriers ; on peut supposer que chez certains

de ceux-ci aura existé une forme apparentée de spiritualité sacerdotale. Il est pos-sible en tout cas que de semblables orientations gardent une place dans l’éventaildes spiritualités chrétiennes.

La correspondance fait aussi mieux connaître les aspects publics de l’activitéde Massignon et de son ami, l’étude des musulmans mystiques, et en généralle combat pour développer la connaissance de l’Islam, comme aussi l’engage-ment contre les colonialismes. On trouve trace également de l’attitude critiquede Massignon envers l’Etat d’Israël ; sur ce point, voir l’étude nuancée propo-sée par Christian Destremau (un biographe de L.M) : « La question sioniste, l’Etatd’Israël », pages 289 à 308 dans Louis Massignon et ses contemporains, sous la

direction de Jacques Keryell (Karthala, Paris, 1997).Françoise Jacquin a continué ainsi son important travail de révélation de ladimension spirituelle des questions doctrinales de nos proches prédécesseurs.Nous l’en remercions.

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