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FAHRENHEIT 451... R ay Bradbury est mort, le roman a 60 ans ; la dystopie (1) n’est-elle plus d’actualitĂ© ? Le mĂ©pris durant cinq ans pour la culture en gĂ©nĂ©ral, les humanitĂ©s classiques en particulier, les espaces de cerveau Ă  gaver de publicitĂ© d’un patron de TF1, la casse de l’Édu- cation nationale, le dĂ©labrement du ministĂšre de la Culture ont mis en Ă©vidence le mĂ©pris de la droite pour tout ce qui contribue Ă  une auto- nomie de la pensĂ©e et Ă  la libertĂ©. État spectacle, dictature de l’image ressassĂ©e, aussi vite jetĂ©e, experts omniprĂ©sents trop bien payĂ©s pour ĂȘtre honnĂȘtes n’ont pas empĂȘchĂ© l’alternance. Mais sommes-nous sĂ»rs d’avoir comme les vieux Ă©rudits du roman de R. Bradbury appris par cƓur chacun un livre pour transmettre aux gĂ©nĂ©rations futures rĂ©ïŹ‚exion et savoir ? La libertĂ© a aussi besoin de matiĂšre, les nourritures de l’esprit ne com- pensent pas les autres. Nous attendons des actes positifs pour nous, retraitĂ©s vouĂ©s Ă  la vin- dicte des nantis et de leurs servi- teurs. Nous n’avons pas oubliĂ© nos lectures, nous saurons demeurer vigilants et nous mobiliser. ■ JEAN-PAUL BEAUQUIER, BÉNÉDICTE VRAIN secrĂ©taires de catĂ©gorie (1) Contre-utopie, utopie pessimiste... PORTRAIT RenĂ© Vautier LOISIRS/CULTURE Voyage en Palestine SANTÉ/SOCIÉTÉ Vivrons-nous tous jusqu’à cent ans ? ACTUALITÉ AprĂšs la dĂ©faite de la droite SupplĂ©ment Ă  L’US n° 721 du 2 juin 2012 © Liloueve/Flickr.fr

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FAHRENHEIT 451... Ray Bradbury est mort, le roman

a 60 ans ; la dystopie(1) n’est-elleplus d’actualitĂ© ?Le mĂ©pris durant cinq ans pour laculture en gĂ©nĂ©ral, les humanitĂ©sclassiques en particulier, les espacesde cerveau Ă  gaver de publicitĂ© d’unpatron de TF1, la casse de l’Édu-cation nationale, le dĂ©labrement duministĂšre de la Culture ont mis enĂ©vidence le mĂ©pris de la droite pourtout ce qui contribue Ă  une auto-nomie de la pensĂ©e et Ă  la libertĂ©.État spectacle, dictature de l’imageressassĂ©e, aussi vite jetĂ©e, expertsomniprĂ©sents trop bien payĂ©s pourĂȘtre honnĂȘtes n’ont pas empĂȘchĂ©l’alternance. Mais sommes-noussĂ»rs d’avoir comme les vieux Ă©ruditsdu roman de R. Bradbury apprispar cƓur chacun un livre pourtransmettre aux gĂ©nĂ©rations futuresrĂ©flexion et savoir ?La libertĂ© a aussi besoin de matiĂšre,les nourritures de l’esprit ne com-pensent pas les autres.Nous attendons des actes positifspour nous, retraitĂ©s vouĂ©s Ă  la vin-dicte des nantis et de leurs servi-teurs. Nous n’avons pas oubliĂ© noslectures, nous saurons demeurervigilants et nous mobiliser. ■

JEAN-PAUL BEAUQUIER, BÉNÉDICTE VRAIN

secrétaires de catégorie

(1) Contre-utopie, utopie pessimiste...

PORTRAITRené Vautier

LOISIRS/CULTUREVoyage en Palestine

SANTÉ/SOCIÉTÉVivrons-nous tous jusqu’à cent ans ?

ACTUALITÉAprĂšs la dĂ©faite de la droite

SupplĂ©ment Ă  L’US n° 721 du 2 juin 2012

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ACTUALITÉ

APRÈS LA DÉFAITE DE LA DROITE

L’attente d’une rupture avec les choix prĂ©cĂ©dents Les attentes des Ă©lecteurs sont fortes et diverses, signe du refus des politiquesd’austĂ©ritĂ© et de rĂ©gression sociale du prĂ©cĂ©dent gouvernement. Le ras-le-bolde la population – et le vote des retraitĂ©s le montre bien – a permis cechangement, mais la persistance de la droite extrĂȘme, la forte abstentiondu premier tour des lĂ©gislatives montrent des Français inquiets, dĂ©sabusĂ©s,peu sĂ»rs d’une Ă©volution favorable de leur situation.

S O M M A I R EÉDITORIAL p. 1

ACTUALITÉAPRÈS LA DÉFAITE DE LA DROITEL’attente d’une rupture avec les choix prĂ©cĂ©dents p. 2LES PEUPLES SOUS LE JOUGDE L’AUSTÉRITÉL’exemple portugais p. 3LENDEMAIN D’ÉLECTIONSUne nouvelle donne pour le syndicalisme p. 4ACTUALITÉ SYNDICALEEntretien avec Daniel Robin p. 5SANTÉ-SOCIÉTÉESPÉRANCE DE VIE ET ESPÉRANCE DE VIE EN BONNE SANTÉVivrons-nous tousjusqu’à cent ans ? p. 6ANNÉE DU VIEILLISSEMENTACTIF ET DE LA SOLIDARITÉINTERGÉNÉRATIONNELLEVieux dĂšs 50 ans p. 7PERTE D’AUTONOMIE,DÉPENDANCESƓurs Touraine et Delaunay, ne voyez-vous rien venir ? p. 7VIE SYNDICALEREIMS 2012Un congrĂšs pas tout Ă  fait comme les autres p. 82 AU 6 AVRIL 2012 :LE SNES À REIMSDeux questions Ă  deux congressistes p. 9CONGRÈS 2012 DE LA FGREn revenant de Narbonne p. 10LES ÉQUIPES SE RENOUVELLENTPassages de tĂ©moin p. 11CONGRÈS DE NARBONNETrois questions Ă  HĂ©lĂšne Pougnant p. 11DOSSIERUNE REVENDICATION OUBLIÉELe droit Ă  la paresse p. 12

INFOS PRATIQUESAchat sur Internet p. 18Sigles et dĂ©finitions p. 18LOISIRS CULTURELE CITOYEN JEAN-JACQUESAU PAYS DES COMMÉMORATIONSUn tricentenaire gĂȘnant p. 19VOYAGE en Palestine p. 20UN ROMAN POUR L’ÉTÉQuand on est nĂ© du mauvais cĂŽtĂ©... p. 22UNE AUTRE PROPOSITIONLes nouveaux esclaves p. 22ÉTÉ 2012 DANS LE LOTUne histoire de thĂ©Ăątre p. 22JACKY BRENGOU A LU POUR VOUSAprĂšs le temps du muguet... le temps des cerises p. 23PORTRAITRenĂ© Vautier p. 24

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Le contexte de crise, le « poids de la dette »pour les gĂ©nĂ©rations futures, la question de solvabi-litĂ© des États sont agitĂ©s pour justifier les attaquescontre toutes les garanties sociales considĂ©rĂ©escomme les responsables de la dĂ©gradation de l’em-ploi et de la conjoncture financiĂšre.Les ruptures avec les politiques libĂ©rales exigent dene pas baisser la garde, pour faire entendre nos exi-gences. La crise financiĂšre s’étend, s’aggrave auniveau europĂ©en et menace l’emploi, les servicespublics, les acquis sociaux, les droits des salariĂ©s etdes citoyens. Les premiĂšres mesures ponctuelles dunouveau gouvernement (SMIC, retraites Ă  60 anssous conditions...) respectent les promesses du can-didat mais les dossiers majeurs restent devant nous :rĂ©forme fiscale en profondeur pour assurer une rĂ©elleprogressivitĂ© de l’impĂŽt et garantir le financement desservices publics, mesures pour l’emploi, les pen-sions, les salaires, rĂ©forme des retraites...

L’éducation et la santĂ© ont subi tant d’attaques et dedĂ©gradations qu’au-delĂ  des plans d’urgence, il fautexiger des mesures de fond pour rĂ©pondre aux besoinsde la population. Pour les retraitĂ©s, qui, loin de n’ĂȘtrequ’un poids, participent comme les actifs Ă  la vitalitĂ©de la sociĂ©tĂ©, les demandes sont prĂ©cises. Ils refusenttoute sĂ©grĂ©gation dans le traitement de leur situationet exigent que soient pris en compte tous les aspectsde leur vie dans la sociĂ©tĂ©.

Quelques exemples ciblĂ©s‱ Pouvoir d’achatLe coĂ»t des dĂ©penses courantes pĂšse de plus en plusd’oĂč notre demande d’une revalorisation rapide des pen-sions les plus faibles, et d’un rattrapage pour tous ainsique de la rĂ©vision des rĂ©formes sur les retraites (notam-ment des dĂ©cotes qui pĂ©nalisent surtout les femmes).‱ SantĂ© et autonomieL’espĂ©rance de vie en bonne santĂ© est en train de

Le congrĂšs de Reims n’a pas oubliĂ© les retraitĂ©s.

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ACTUALITÉACTUALITÉ

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diminuer, le systĂšme de santĂ© publique se dĂ©grade, ilest urgent de revenir sur la logique de rentabilitĂ©des ARS, les dĂ©passements d’honoraires, les fran-chises Ă  la charge du patient, le coĂ»t des mutuelles,la baisse ou disparition des subventions pour lesassociations d’aide Ă  la personne. Le dossier de laperte d’autonomie est Ă  reprendre sans attendre.‱ SolidaritĂ©, culture et loisirsBeaucoup d’associations ne fonctionnent que grĂąceĂ  des retraitĂ©s : leur action, complĂ©mentaire decelle des services publics, est tributaire des aides et

subventions des pouvoirs publics. Or leur existenceest de plus en plus menacĂ©e par les restrictionsbudgĂ©taires. C’est tout un pan de cohĂ©sion sociale qui risque dese dĂ©sagrĂ©ger. VoilĂ  quelques sujets d’interventiondes retraitĂ©s dans les mois qui viennent.Droit Ă  la paresse, revendique le dossier ? Oui, sansdoute mais pour en jouir pleinement, quoi de mieuxque le contrepoint du travail et d’une intense mobi-lisation pour les retraitĂ©s ! ■

MICHÈLE OLIVAIN

RÉFORMES STRUCTURELLES Ces deux mots fleurissent dans tous les discours des multiples experts qui prĂŽnent l’austĂ©ritĂ©... pourles peuples.Curieusement ils n’invoquent jamais parmi les « charges » Ă  allĂ©ger, les « rĂ©munĂ©rations » des PDG etdes super-cadres ou les parachutages divers et les « retraites-chapeau »...Une prime de non-concurrence de plusieurs centaines de milliers d’euros a Ă©tĂ© versĂ©e Ă  un dirigeantd’Air France, limogĂ© pour « gestion dĂ©sastreuse ». L’assemblĂ©e des actionnaires s’y oppose ; l’État secontente d’espĂ©rer un remboursement « spontanĂ© » par le bĂ©nĂ©ficiaire. Serait-il inconcevable queceux qui ont pris la dĂ©cision contestĂ©e en soient comptables sur leurs deniers ?Quant Ă  A. LagardĂšre, prĂ©sident du conseil d’administration d’EADS qui ne daigne mĂȘme pas assisteraux rĂ©unions et qui a jadis miraculeusement vendu ses actions de l’entreprise avant que les dĂ©boiresde l’A380 ne les fassent chuter, ne relĂšve-t-il pas lui aussi d’une rĂ©forme structurelle ?Et ce ne sont lĂ  que deux exemples. PIERRE TOUSSENEL

LES PEUPLES SOUS LE JOUG DE L’AUSTÉRITÉ

L’exemple portugais : entretien avec Ligia Galvão(1)

La troĂŻka (Commission europĂ©enne, Banque centrale europĂ©enne et Fonds monĂ©taire international)impose aux peuples d’Europe sa stratĂ©gie d’austĂ©ritĂ© fondĂ©e sur la rĂ©duction drastique des dĂ©pensespubliques – en particulier pour l’Éducation et la SantĂ© – et sur la « dĂ©valuation interne », c’est-Ă -direla rĂ©duction des salaires et des retraites. Une syndicaliste portugaise tĂ©moigne.

>Quel a Ă©tĂ© l’impact des politiquesd’austĂ©ritĂ© sur les conditionsde dĂ©part Ă  la retraite ?Aujourd’hui, pour partir avec une retraite complĂšte ilfaut ĂȘtre ĂągĂ© de 65 ans et avoir 40 annĂ©es de cotisations.Jusqu’en 2005, il fallait avoir 60 ans et avoir cotisĂ© 36ans. La dĂ©gradation des conditions de travail dans lesĂ©coles, la bureaucratisation de l’enseignement et l’achar-nement avec lequel les gouvernements calomnient lesenseignants auprĂšs de l’opinion publique ont eu commeconsĂ©quence de provoquer un mouvement de retraiteanticipĂ©e chez de nombreux enseignants, mĂȘme quandla consĂ©quence est une rĂ©duction de la pension de30 % ou 35 %. En 2010, 80 % des retraitĂ©s sont partisavec une pension rĂ©duite. En effet, on peut partir enretraite dĂšs l’ñge de 55 ans pourvu qu’on ait 30 annĂ©es

de cotisations, mais la pension est alors tout Ă  faitmisĂ©rable en consĂ©quence des pĂ©nalisations.Si on parle de pension complĂšte, la pension moyenneest environ 1 750 € net. Si on parle des retraites anti-cipĂ©es, il y a des pensions dĂšs 600 € net.

Et pour les retraitĂ©s eux-mĂȘmes ?Les retraitĂ©s ont subi, comme les actifs, une baisse despensions d’environ 15 % par la suppression de l’équi-valent de deux mois de revenus ; ils subissent Ă©ga-lement l’augmentation du coĂ»t de tout ce qui estessentiel (alimentation, transports, mĂ©dicaments...) etla hausse continue des impĂŽts.

(1) L. Galvão est responsable des retraités au sein du secrétariatnational de la FENPROF, branche enseignante de la CGTP.

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ACTUALITÉ

LENDEMAIN D’ÉLECTIONS

Une nouvelle donne pour le syndicalismeDĂšs le 24 mai, F. ChĂ©rĂšque et L. BĂ©rille, responsables de la CDFT et de l’UNSA, ont ensembledans L’Express appelĂ© Ă  l’instauration d’un nouveau pacte social fondĂ© sur l’acceptationde « rĂ©formes structurelles ». Dans le mĂȘme temps la presse se dĂ©lecte des difficultĂ©s internes de la CGT et les plans de licenciement sortent du bois...

>

Pour les actifs ?En 2005, il y avait 140 000 enseignants Ă  l’écolepublique. Aujourd’hui il n’y en a plus que 115 000,consĂ©quence des nombreux dĂ©parts en retraite non com-pensĂ©s. Les mesures annoncĂ©es (regroupement d’écolesjusqu’à 4 000 Ă©lĂšves, rĂ©duction du nombre d’heures declasse par semaine, etc.) vont jeter dans le chĂŽmage Ă  peuprĂšs 20 000 enseignants et cela au moment oĂč il devientobligatoire de frĂ©quenter l’école jusqu’à 18 ans.D’autre part, les enseignants ĂągĂ©s de plus de 50 ansbĂ©nĂ©ficiaient d’une rĂ©duction du temps de travail (jus-qu’à 2005 on l’appliquait Ă  partir de 40 ans). Elle existeencore, mais en thĂ©orie seulement, car tous les ensei-gnants sont maintenant obligĂ©s de passer un temps mini-mum Ă  l’école, pour des activitĂ©s dites non collectives.

Quelle est l’implication des retraitĂ©sdans les luttes contre l’austĂ©ritĂ©imposĂ©e par la troĂŻka ?Les retraitĂ©s participent au combat principalement ausein de la CGTP, mais aussi dans la FENPROF elle-mĂȘme. Le 19 avril, la FENPROF a organisĂ© Ă  Lis-bonne une rencontre nationale des professeurs etĂ©ducateurs retraitĂ©s oĂč elle avait invitĂ© trois syndi-cats Ă©trangers : OLME (GrĂšce), la FECCOO(Espagne) et la FSU. Nous sommes partie prenantede la lutte collective contre les politiques imposĂ©espar la troĂŻka et sommes disposĂ©s Ă  y contribuer avecnotre expĂ©rience pour la construction du futur denotre pays. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR DANIEL RALLET

Syndicalisme de la marge ?Le contexte mĂ©rite qu’on ne s’en tienne pas au constatqu’une Ă©niĂšme tentative de rapprochement entre deuxorganisations syndicales, l’UNSA et la CFDT, est encours mĂȘme si on a dĂ©jĂ  connu cela, ni que la suc-cession Ă  la CGT rendrait notre dĂ©marche d’unifica-tion momentanĂ©ment vaine, aussi bien pour la FSU quepour notre activitĂ© de SFR et nos relations avec lesUCR pour 15 Ă  16 millions de retraitĂ©s, alors que denouveaux dĂ©fis arrivent et que des dossiers en suspensreviennent. Les rĂ©formes « structurelles » Ă©voquĂ©es parle tandem ne visent pas Ă  modifier substantiellementle capitalisme financier mondialisĂ© mais, au mieux, Ă le rendre supportable en le « moralisant », c’est-Ă -direĂ  rogner un peu la capacitĂ© prĂ©datrice des managers.Quand la formule de « rĂ©formes structurelles » seretrouve sous la plume des nĂ©olibĂ©raux de Bruxelles,on sait que cela signifie plus de privatisations et moinsde services publics sans que soit jamais apportĂ©e lapreuve d’une efficacitĂ© quelconque pour la croissancedu PIB, de l’emploi et du bien-ĂȘtre commun. Or lesretraitĂ©s et personnes ĂągĂ©es, en perte d’autonomie oupas, ont besoin de ces services collectifs et solidaires.

Quelle sociĂ©tĂ© civile ?L’idĂ©e qu’un renforcement de la responsabilitĂ© despartenaires sociaux pourrait aller de pair avec un

renforcement de leur autonomie, est plus rhĂ©toriqueque thĂ©oriquement fondĂ©e.La complĂ©mentaritĂ© entre dĂ©mocratie politique etdĂ©mocratie sociale est un concept vide si on neprĂ©cise pas le sens des termes sociĂ©tĂ© civile etsociĂ©tĂ© politique. Si l’avis des organisations syn-dicales, dont la division rĂ©elle et la faiblesse quan-titative en France affaiblissent cependant la lĂ©giti-mitĂ©, doit ĂȘtre pris en compte pour l’ensemble dessujets structurants Ă©numĂ©rĂ©s (protection sociale,politique de l’emploi, conduite de l’économie, vieau travail), alors le rĂŽle et les contours de la sociĂ©tĂ©civile vue par MM. ChĂ©rĂšque et BĂ©rille doivent ĂȘtreredĂ©finis.Ce qui, pour eux, relĂšve de la nĂ©gociation se limiteĂ  des ajustements dans des cadres dĂ©finis sans eux,alors que la rĂ©novation du marchĂ© du travail, la sĂ©cu-risation des parcours professionnels renvoient auxgaranties lĂ©gales d’un code du travail maintes foisamoindri dans les droits des salariĂ©s.Loin d’ĂȘtre la manifestation trĂšs mĂ©diatique d’ungage de loyautĂ© auprĂšs du nouveau pouvoir, laconfĂ©rence sociale de juillet doit permettre l’écoutede besoins rĂ©els et des revendications des salariĂ©set fonctionnaires du pays. C’est l’intĂ©rĂȘt des actifset des retraitĂ©s. ■

J.-P. BEAUQUIER

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ACTUALITÉ

Nouveau PrĂ©sident, nouveaugouvernement... donc nouvelledonne pour la rentrĂ©e ?Le changement politique modifie bien sĂ»r consi-dĂ©rablement la donne. Nous avons aujourd’huiface Ă  nous un gouvernement qui se dĂ©clare attachĂ©Ă  un vrai dialogue social et dont nous pouvonslĂ©gitimement espĂ©rer qu’il soit attentif Ă  nosdemandes. Nous passons donc d’une situation oĂčnous Ă©tions dans l’affrontement et dans une posturedĂ©fensive Ă  une dynamique de proposition, de dia-logue et de nĂ©gociations.Pour autant, nous ne sommes pas naĂŻfs et les rap-ports de force sociaux demeurent nĂ©cessaires. Ilssont mĂȘme la garantie d’une vĂ©ritable rupture avecla politique prĂ©cĂ©dente. Dans le secteur de l’Édu-cation, les tenants de l’École fondamentale recy-clĂ©e en « Ă©cole du socle » sont toujours lĂ  et lesdĂ©bats que nous avons connus depuis les annĂ©es 70demeurent.

Le congrĂšs du SNES Ă  peine terminĂ©, celui de la FSU s’annonce...Le congrĂšs de la FSU va se tenir dans le nouveaucontexte politique Ă©voquĂ© prĂ©cĂ©demment. Au-delĂ de la question de la stratĂ©gie syndicale, notre fĂ©dĂ©-ration doit ĂȘtre offensive sur toute une sĂ©rie dedossiers, particuliĂšrement ceux pour lesquels desdĂ©bats demeurent en son sein. Construire un projet cohĂ©rent autour de la culturecommune s’opposant Ă  la vision passĂ©iste de l’écoledu socle, construire des propositions sur la forma-tion des maĂźtres, son contenu et la place duconcours en tenant compte des spĂ©cificitĂ©s respec-tives du premier et du second degrĂ© font partiedes enjeux essentiels. Mais la FSU doit aussi rĂ©flĂ©chir Ă  son avenir. Ledernier congrĂšs du SNES a proposĂ© d’approfondirnotre dĂ©marche dans la construction d’un nouveloutil syndical ; le congrĂšs de la FSU devra luiaussi s’emparer de cette question et faire despropositions permettant d’avancer effectivementdans cette voie.

Plus d’un syndiquĂ© du SNESsur dix est un retraitĂ© ; est-il bien dĂ©fendu parson organisation syndicale ?Pour des raisons que j’ai dĂ©jĂ  exprimĂ©es dans cespages, le syndicalisme doit s’interroger sur sa façonde prendre en compte les attentes et les aspira-tions des retraitĂ©s.Il faut bien sĂ»r qu’ils occupent toute leur placedans le fonctionnement des organisations syndicalesmais aussi dans la construction de leur pensĂ©e col-lective. Mais si la dĂ©fense collective de leurs intĂ©-rĂȘts est relativement bien prise en compte, nouspouvons nous poser la question de l’absence rĂ©ellede dĂ©fense individuelle, de structure d’aide et deconseil individuel quasi inexistante dans nossyndicats.Il y a lĂ  un terrain essentiel Ă  couvrir. Les compĂ©-tences et l’activitĂ© militante de nombreux retraitĂ©ssont autant d’atouts qui doivent nous permettre depouvoir relever ce dĂ©fi. ■

>ACTUALITÉ SYNDICALE

Entretien avec Daniel RobinLe mois de juin est plutĂŽt propice aux projets de voyages, aux projets d’escapades Ă  la mer ou Ă  lamontagne ; mais aprĂšs le congrĂšs du SNES, aprĂšs des mois de mai et juin annonciateurs de changements,Daniel Robin n’a pu Ă©chapper Ă  nos questions.

Daniel Robincosecrétaire

général du SNES©

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SANTÉSOCIÉTÉ

>ESPÉRANCE DE VIE ET ESPÉRANCE DE VIE EN BONNE SANTÉ

Vivrons-nous tous jusqu’à cent ans ? EnquĂȘte de l’INED(1) : des faits nouveauxL’espĂ©rance de vie est une interrogation pour chacun, parfois une inquiĂ©tude, elle est aussi unecomposante du dĂ©bat gĂ©nĂ©ral sur les retraites et les politiques de santĂ©. À l’échelle des temps humains,l’augmentation de l’espĂ©rance de vie Ă  la naissance est relativement rĂ©cente. Elle est le fruit de rĂ©volutionsmĂ©dicales et de la mise en Ɠuvre de politiques de santĂ© publique. Le bilan est certes contrastĂ© selonles États, les territoires, l’offre de soins, l’activitĂ© professionnelle ; mais un cercle vertueux s’estincontestablement enclenchĂ© au XXe siĂšcle. Le XXIe rĂ©ussira-t-il Ă  relever encore ce dĂ©fi de croissance ?

objectif d’un gain de deux ans d’ici 2020. Nousn’en prenons pas le chemin. C’est un recul inĂ©dit quiest constatĂ© en France entre 2008 et 2010 tant chezles femmes (de 64,6 Ă  63,5 ans) que chez les hommes(62,7 Ă  61,9 ans). Si l’on examine le rapportEVSI/EV, soit la durĂ©e de vie en bonne santĂ©, c’estla SuĂšde qui l’emporte de loin avec 90 % d’espĂ©-rance de vie sans limitation ; la France se situant enrevanche au dixiĂšme rang (76 %). Quant Ă  l’Alle-magne, pourtant prĂŽnĂ©e comme modĂšle absolu debien vivre en Europe, ce n’est pas un État oĂč l’onpeut vieillir en bonne santĂ© surtout pour les pluspauvres. L’espĂ©rance de vie Ă  la naissance desfemmes est de 83 ans et 78 ans pour les hommes.L’EVSI s’est effondrĂ©e pour les plus pauvres endix ans : de 60 Ă  56,7 ans pour les hommes et de 64,3Ă  57,7 ans pour les femmes. Les rĂ©formes Schröderont produit des effets indĂ©niables.Plusieurs constats s’imposent : le recul partout enEurope des dates de dĂ©part Ă  la retraite Ă  taux pleinsont bien au-delĂ  de l’EVSI ; mais lorsque les poli-tiques de santĂ© maintiennent leurs efforts sur laprĂ©vention des risques, l’EVSI est manifestementplus important. En France, seuls 6 % des dĂ©pensesde santĂ© sont consacrĂ©s Ă  la prĂ©vention. Si nousvoulons « rajouter de la vie aux annĂ©es » selonl’adage et mĂȘme peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  « rajouter des annĂ©esĂ  la vie » ce n’est ni en reculant l’ñge du dĂ©part Ă  laretraite, ni en augmentant le reste Ă  charge desmalades, ni en sacrifiant la prĂ©vention que noustrouverons le chemin d’une vie plus longue et enbonne santĂ© pour le plus grand nombre. BonnesantĂ© dĂ©finie par l’OMS dans son prĂ©ambule consti-tutif de 1946 comme « un Ă©tat complet de bien-ĂȘtrephysique, mental et social, et ne consiste pas seu-lement en une absence de maladie ». ■

GEORGES BOUCHART

(1) Publication INED, avril 2012, sous la responsabilitĂ©de J.-M. Robine, directeur de recherche Ă  l’INSERM.©

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Pour devenircentenaires,

cinq légumes par jour

suffisent-ils ?

En France, en 2010, l’espĂ©rance de vie Ă  lanaissance (EV) s’établit Ă  85,3 ans pour les femmes(1er rang de l’UE), 78,2 ans pour les hommes. Legain annuel a Ă©tĂ© de l’ordre du trimestre mais tendĂ  diminuer. On constate dĂ©sormais une stagnationaux États-Unis et un effondrement en Russie : 9 ansde moins que la moyenne de l’UE (63 ans pour leshommes 74,8 pour les femmes) qui sont les consĂ©-quences des brutalitĂ©s sociĂ©tales des annĂ©es 1990 etde la destruction du systĂšme de santĂ©.Si l’on considĂšre l’espĂ©rance de vie sans incapacitĂ©(EVSI) – c’est-Ă -dire l’autonomie sans maladiechronique –, on relĂšve que cet indicateur de santĂ©intĂ©grĂ© Ă  la politique europĂ©enne s’est vu assigner un

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SANTÉSOCIÉTÉ

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SANTÉSOCIÉTÉ

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>PERTE D’AUTONOMIE, DÉPENDANCE

SƓurs Touraine et Delaunay, ne voyez-vous rien venir ?Jean-Marc Ayrault a fait le choix de deux ministĂšres diffĂ©rents, l’un pour les « personnes ĂągĂ©es et ladĂ©pendance » et l’autre pour « les personnes handicapĂ©es » sous la responsabilitĂ© d’un grand ministĂšredes Affaires sociales et de la SantĂ© confiĂ© Ă  Marisol Touraine. Certes toutes les personnes ĂągĂ©es nesont heureusement pas « dĂ©pendantes » et Ă©videmment les personnes handicapĂ©es ne sont pas toutesdes personnes ĂągĂ©es ; mais un tel choix interroge.

Le rapport du Parlement europĂ©en de juillet 2011 adĂ©crĂ©tĂ© que l’annĂ©e 2012 devait mettre en lumiĂšre le rĂŽle utile des per-sonnes ĂągĂ©es, cinquantenaires compris, encourager la mise en Ɠuvrede mesures leur permettant d’ĂȘtre actives plus longtemps qu’actuel-lement et mĂȘme au-delĂ  de l’ñge de la retraite. Traduction concrĂšte :rester plus longtemps sur le marchĂ© du travail et pratiquer le bĂ©nĂ©volat.Cette recommandation permet aussi de rappeler Ă  ceux des États qui nel’auraient pas compris qu’il convient de prolonger la durĂ©e d’activitĂ© pro-fessionnelle, institutionnaliser le bĂ©nĂ©volat, le rendre quasi obligatoire.La France n’a pas attendu le dĂ©clic europĂ©en pour rappeler ses retraitĂ©sinfirmiers, mĂ©decins, surveillants de prison, magistrats... et professeurset les remettre au travail tout en continuant Ă  supprimer des postes quirĂ©pondraient aux besoins et permettraient l’emploi des jeunes. OĂč est la solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle qui voudrait que les anciens aidentles jeunes et vice versa si c’est pour travailler Ă  leur place Ă  coĂ»t rĂ©duitou nul ? La rĂ©serve judiciaire, qui s’inspire de la rĂ©serve pĂ©nitentiaire crĂ©Ă©edeux ans plus tĂŽt, vient de fixer Ă  75 ans au lieu de 65 l’ñge maximum

de ses rĂ©servistes. La rĂ©serve sanitaire crĂ©Ă©e en 2007 a lancĂ© mi-mars unegrande campagne de recrutement pour passer de 3 250 membres (Ă©tu-diants, retraitĂ©s, actifs) Ă  10 000. DestinĂ©e Ă  anticiper des situations decatastrophes, elle a Ă©tĂ© mobilisĂ©e cet hiver au moment des grands froidspour assurer la prĂ©sence de mĂ©decins auprĂšs des SDF, par exemple.Les retraitĂ©s ont des engagements bĂ©nĂ©voles nombreux, sociaux,familiaux, politiques. Ils ne sont pas prĂȘts pour autant Ă  s’inscrire dansun bĂ©nĂ©volat d’État qui compenserait la diminution des moyensorganisĂ©e par la RĂ©vision gĂ©nĂ©rale des politiques publiques (RGPP) !Et pour clore le chapitre, une annonce qui laisse perplexe : le nouveauministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, Ă©voque la possi-bilitĂ© de solliciter et rĂ©munĂ©rer des retraitĂ©s qui pourraient jouer un rĂŽlede tuteurs auprĂšs des jeunes. ■ ANNIE EVENO

Le SNES a toujours prĂ©fĂ©rĂ© utiliser le termede perte d’autonomie. Les mandats du congrĂšs de Reims sonttrĂšs clairs sur la question. Il faut dĂ©finir nos exigences : « pour undroit universel Ă  compensation de la perte d’autonomie et duhandicap, innĂ© ou acquis, sans condition d’ñge ; pour un servicepublic pour l’autonomie de toutes les personnes de la naissanceĂ  la fin de vie... ».Toutes ces personnes doivent ĂȘtre intĂ©grĂ©es dans la sociĂ©tĂ© ; il fautleur donner les moyens pour qu’elles puissent mener une vie indĂ©-pendante : construction de logements adaptĂ©s et intĂ©grĂ©s, crĂ©ation deservices sociaux de toute nature... Ce qui implique des salariĂ©s Ă  domi-

cile qualifiĂ©s, rĂ©munĂ©rĂ©s en consĂ©quence et relevant d’un des statutsde la fonction publique. Le SNES avec de nombreuses organisations syndicales de retraitĂ©s adĂ©fini des prioritĂ©s pour les personnes ĂągĂ©es. InterrogĂ©e sur la question,MichĂšle Delaunay n’a donnĂ© que des rĂ©ponses relativement Ă©vasives,« nous allons faire des rĂ©unions de concertations ». L’état des lieuxa Ă©tĂ© fait sous le prĂ©cĂ©dent gouvernement qui n’a pas rĂ©alisĂ© la rĂ©formepromise. Les conclusions de tous les dĂ©bats, tables rondes... n’étaientpas Ă  la hauteur des exigences des partenaires sociaux. Nous attendonsdu gouvernement des rĂ©ponses rapides et un plan d’urgence sur le pro-blĂšme crucial de la perte d’autonomie. ■ FRANÇOISE EIDEN

ANNÉE DU VIEILLISSEMENT ACTIF ET DE LA SOLIDARITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLE

Vieux dĂšs 50 ans En dĂ©crĂ©tant 2012 annĂ©e europĂ©enne du vieillisse-ment, les dĂ©putĂ©s europĂ©ens ont aussi apportĂ© Ă celles et ceux qui pensaient que le vieillissementcommençait avec la naissance un dĂ©menti : c’est lafin de la cinquantaine qui sonne l’heure !

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Le travail, c’est la santĂ©, ne rien faire ...

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>Ce qui a changĂ©. D’abord la place occupĂ©econcrĂštement par les questions qui concernent direc-tement les retraitĂ©s. Ainsi dans le thĂšme III : « Pourdes alternatives Ă©conomiques, sociales et gouverne-mentales », prĂšs de 10 % du texte sont consacrĂ©s auxretraitĂ©s ; il en va de mĂȘme dans le thĂšme IV : « Pourla rĂ©novation du syndicalisme ».Ensuite, et ceci explique en partie cela, le nombreimportant d’interventions de retraitĂ©s dans les travauxde commissions comme en plĂ©niĂšre.

Un champ syndical Ă©largiMais en partie seulement parce qu’une autre hypo-thĂšse me semble pouvoir ĂȘtre avancĂ©e : l’appro-fondissement de nos dĂ©bats sur les questions desociĂ©tĂ© a sans doute des effets positifs sur la priseen compte, par l’ensemble du SNES, de sujets quiintĂ©ressent directement les retraitĂ©s : politique derelance Ă©conomique, politiques publiques conçuescomme rĂ©ductrices d’inĂ©galitĂ© et facteurs de progrĂšs

social, fiscalitĂ©, rĂŽle des services publics, finance-ment et niveau de la protection sociale, politique desantĂ©, de logement, droit de mourir dans la dignitĂ©...Tous ces sujets ont Ă©tĂ© traitĂ©s dans le thĂšme III, Ă travers un dĂ©bat, en commission puis en plĂ©niĂšre,qui a dĂ©bouchĂ© sur des analyses et des propositions,parfois un mandat d’étude. En tout cas, l’éventaildes sujets Ă©voquĂ©s montre Ă  quel point le SNES estaujourd’hui dĂ©cidĂ© Ă  investir, au-delĂ  du champ dusecond degrĂ©, le champ social, dans toute la com-plexitĂ© et la portĂ©e politique des enjeux actuels.Dans le thĂšme IV : « Pour la rĂ©novation du syndi-calisme », Ă  cĂŽtĂ© des sujets traditionnels que sont laconstruction de l’unitĂ© au plan confĂ©dĂ©ral ou larĂ©flexion sur la dĂ©mocratie au sein de la FSU, lecongrĂšs a traitĂ© sous des angles nouveaux la place desretraitĂ©s dans le SNES, la FSU, la FGR-FP. Nousavons prĂ©cisĂ© l’intĂ©rĂȘt et l’importance de l’engage-ment militant dans la FGR-FP ; nous avons insistĂ© surla nĂ©cessitĂ© de renforcer le rĂŽle des SFR aux niveaux

REIMS 2012

Un congrĂšs pas tout Ă  fait comme les autresPlusieurs dizaines de retraitĂ©s Ă©taient prĂ©sents au dernier congrĂšs national du SNES ; ils ont l’impressiond’y avoir tenu une place importante ; ils ont eu le sentiment d’un changement dans l’approche desquestions liĂ©es aux retraitĂ©s, mais une forte attente demeure.

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Reims 2012 : un moment d’attente

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Jean-Yves : Qu’est ce qui vous a le plusmarquĂ© dans ce congrĂšs ?Serge : La jeunesse des participants, leurcapacitĂ© Ă  intervenir sans aucun tabou, sanscomplexe. Martine : Pour ma part, j’ai Ă©tĂ© Ă©mue par lesinterventions des invitĂ©s Ă©trangers, les Turcs,les Palestiniens, les QuĂ©bĂ©cois, par cette prisede conscience collective que nous sommescitoyens du Monde, que les attaques libĂ©-rales convergent ; mais aussi que nos acquissociaux, en France, nous permettent peut-ĂȘtre de mieux rĂ©sister, font de nous des rĂ©fĂ©-rences, une chance d’ouverture et de solida-ritĂ© pour d’autres comme les Portugais ettous ceux qui sont dans des situations extrĂȘ-mement dramatiques.

Jean-Yves : Quels Ă©taient pour vous les vraisenjeux du congrĂšs ?Serge : J’attendais un dĂ©bat sur les thĂšmes, plus enphase avec les rĂ©ponses politiques Ă  apporter Ă  la crise.Martine : J’attendais aussi un positionnement syn-dical plus rigoureux. Il me semble que le dĂ©bat n’apas Ă©tĂ© assez fourni pour prendre en compte lesalternatives que prĂ©sente aujourd’hui une gauchediverse, comme si nous Ă©tions plus attachĂ©s Ă  obte-nir rapidement quelques acquis qu’à ĂȘtre porteurs detransformations sociales.Serge : Il aurait peut-ĂȘtre fallu, dĂšs l’ouverture destravaux, introduire la problĂ©matique d’un projet desociĂ©tĂ©. Mais le congrĂšs s’est bien repositionnĂ©avec l’élaboration du plan d’urgence, les proposi-tions du secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral.Martine : Et l’appel clair Ă  battre Sarkozy. ■

> 2 AU 6 AVRIL 2012 : LE SNES À REIMS

Deux questions Ă  deux congressistes Parmi les nombreux retraitĂ©s prĂ©sents dans les dĂ©lĂ©gations acadĂ©miques, Martine Beaulu-Barlier pour l’acadĂ©miede Versailles et Serge Compagnon pour celle d’Amiens. Jean-Yves Barbier a recueilli leurs impressions.

départemental, régional et national ; nousavons amélioré nos propositions pour uninvestissement plus marqué des retraités dansles instances du SNES mais aussi pour unemeilleure offre syndicale en direction desretraités et notamment des néoretraités.

La liaison actifs-retraitĂ©sL’insistance sur cette notion est une nouveautĂ©indĂ©niable dans nos travaux. ArticulĂ©e autourde questions aussi diverses que le principe dusalaire continuĂ© ou la perte d’autonomie, lapolitique de santĂ© ou le financement de la pro-tection sociale, elle contribue Ă  mieux cernerles convergences, voire l’identitĂ© des intĂ©rĂȘtsdes retraitĂ©s et des actifs ; elle amĂ©liore noscapacitĂ©s de propositions dans la FSU ; ellenourrit nos interventions dans le champ poli-tique, comme l’a montrĂ© dans plusieurs dĂ©par-tements la dĂ©marche unitaire d’interpellationdes candidats aux lĂ©gislatives.Reste que nous pouvons faire mieux : uncongrĂšs qui ne dure que cinq jours n’est paspleinement rĂ©ussi ! Je veux dire que nosmotions seront d’autant plus complĂštes et prĂ©-cises qu’elles auront Ă©tĂ© prĂ©parĂ©es largement enamont, par un travail de rĂ©flexion qui engagedavantage de syndiquĂ©s ; nos dĂ©bats gagneront

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Les retraités se sont fait entendre.

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en clartĂ© et en efficacitĂ© si les enjeux sontexposĂ©s plus tĂŽt, si la rĂ©flexion thĂ©orique irrigueplus souvent les rĂ©unions de nos diffĂ©rentes ins-tances, si la discussion en plĂ©niĂšre prend toujoursle pas sur la confrontation. Mais ceci est uneautre histoire ! ■ JEAN-YVES BARBIER

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Les dĂ©lĂ©guĂ©s ont consciencieusementparticipĂ© aux dĂ©bats. Et pourtant, que la ville estbelle sous le soleil, avec ses chefs d’Ɠuvre architec-turaux chargĂ©s d’histoire, dĂ©couverts dĂšs le premier soirgrĂące Ă  l’apĂ©ritif offert par le maire. L’organisation Ă©taitparfaite, la convivialitĂ© de mise, jusqu’au repas defin de congrĂšs animĂ© par un groupe local qui nous arĂ©galĂ© de chansons du temps de notre jeunesse. Et lesĂ©nateur Courteau, qui fut Ă  l’initiative de deux lois surle droit des femmes, a captivĂ© son auditoire qui lui aensuite posĂ© de nombreuses questions.Le rapport d’activitĂ©, comme le rapport financier, a Ă©tĂ©adoptĂ© Ă  l’unanimitĂ©, et les intervenants ont exprimĂ©leur satisfaction d’avoir vu la FGR-FP appeler Ă  par-ticiper Ă  toutes les luttes, mais aussi leur espoir qu’aprĂšsdes annĂ©es de dĂ©molition une nouvelle majoritĂ© prennemieux en compte nos aspirations et nos revendications,en sachant qu’il y aura des rĂ©sistances.Dans les commissions comme en sĂ©ance plĂ©niĂšreles Ă©changes furent souvent sereins, parfois vifs,notamment sur la protection sociale. Les questions endĂ©bat seront Ă©tudiĂ©es. La motion revendicative etles deux rĂ©solutions finales ont Ă©tĂ© adoptĂ©es Ă  une trĂšsforte majoritĂ©. Tous ces textes seront publiĂ©s dans leprochain Courrier du RetraitĂ©.

Les dĂ©lĂ©guĂ©s des syndicats de la FSU se sont largementexprimĂ©s, et sur certains sujets ils Ă©taient bien lesseuls ; ainsi la crĂ©ation d’un groupe de travail sur laplace des retraitĂ©s dans la sociĂ©tĂ© n’a Ă©tĂ© saluĂ©e que parle SNES et le SNUipp.Le vote par mandats pour l’élection des 16 dĂ©lĂ©guĂ©s quisiĂšgent Ă  la CE nationale, avec les dĂ©lĂ©guĂ©s rĂ©gionauxet les reprĂ©sentants des syndicats les plus importants ennombre, a suscitĂ© un dĂ©bat. La direction sortante vou-lait que soit Ă©lu un groupe reprĂ©sentatif des adhĂ©rents :7 FSU, 7 UNSA, 1 FO et 1 SNUI, volontĂ© partagĂ©e parles syndicats de la FSU. Or deux candidatures d’adhĂ©-rentes directes, donc ne reprĂ©sentant qu’elles-mĂȘmes, sesont ajoutĂ©es, obligeant les congressistes Ă  rayer deuxnoms donc Ă  choisir de respecter ou non l’équilibre dĂ©finiplus haut. La secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale a clairement appelĂ© Ă rayer les noms des deux adhĂ©rentes directes, ce qu’ontfait les dĂ©lĂ©guĂ©s appartenant aux syndicats de la FSU,qui ont par ailleurs votĂ© pour tous les autres candidats.La CE issue des votes sur les bases dĂ©finies plus hauta dĂ©signĂ© le bureau : 2 FSU, 2 UNSA, 1 SNUI.La FGR-FP sort de ce congrĂšs renforcĂ©e ; le souci del’unitĂ© favorisera l’important travail de rĂ©flexion nĂ©ces-saire Ă  la reconstruction de notre sociĂ©tĂ©. ■

BÉNÉDICTE VRAIN

CONGRÈS 2012 DE LA FGR

En revenant de NarbonneLe congrĂšs de la FGR-FP s’est tenu Ă  Narbonne du 12 au 14 juin. Des retraitĂ©s du SNES y Ă©taient pour reprĂ©senter leur syndicat ou leur section dĂ©partementale.

Narbonne, villechargĂ©e d’histoire et haut lieu de convivialitĂ©

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À la FGR, BĂ©nĂ©dicte Vrain, prĂ©sentĂ©e par leSNES, a Ă©tĂ© Ă©lue Ă  la Commission ExĂ©cutivenationale ; la CE a adoptĂ© Ă  l’unanimitĂ© lacomposition du bureau prĂ©sentĂ© par la secrĂ©-taire gĂ©nĂ©rale Annick Merlen. Dans ce bureau,BĂ©nĂ©dicte est plus particuliĂšrement chargĂ©e dela protection sociale, responsabilitĂ© qu’assuraitavec la plus grande rigueur Jacqueline Pasquierdepuis huit ans et qui souhaitait passer la main.Annie Eveno-Clavel continuera Ă  reprĂ©senter leSNES Ă  la CE de la FGR.Au SNES, une nouvelle Ă©quipe de secrĂ©taires decatĂ©gorie vient d’ĂȘtre Ă©lue : J.-P. Beauquier etBĂ©nĂ©dicte Vrain sont remplacĂ©s par MarylĂšneCahouet et Jean-Yves Barbier.Un grand merci aux partants pour leur travail, etaux « nouveaux », plein de courage pour menerl’action. ■ GÉRARD NIOT

LES ÉQUIPES SE RENOUVELLENT

Passages de témoinAprÚs le congrÚs du SNES à Reims et celui de la FGR à Narbonne, lesnouvelles équipes se mettent en place, pour ce qui concerne les militantsretraités du SNES.

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Tu n’en es pas Ă  ton premier congrĂšs ; qu’est-cequi t’a paru essentiel dans celui de Narbonne ?Sans hĂ©siter, la montĂ©e de la cohĂ©sion entre lescongressistes. Cela s’est manifestĂ© par le vote Ă  laquasi-unanimitĂ© de la motion revendicative etdes autres textes, et par l’élection Ă  la CE natio-nale de 16 dĂ©lĂ©guĂ©s respectant l’équilibre descomposantes syndicales de la fĂ©dĂ©ration et garantsdu caractĂšre syndical pour lequel les adhĂ©rents sesont prononcĂ©s lors du dĂ©bat sur l’avenir.

Cependant des avis diffĂ©rents se sontexprimĂ©s ?C’est normal dans un congrĂšs, et c’est un appel Ă l’approfondissement de notre rĂ©flexion Ă  venir.Ainsi par exemple sur la prĂ©sence ou non et sous

quelle forme d’adhĂ©rents directs comme dĂ©lĂ©-guĂ©s nationaux Ă  la CE, ou bien sur les moyensd’assurer l’accĂšs de tous Ă  des soins de qualitĂ©, surle financement de la protection sociale, ou encorele rĂŽle des services publics dans la prise en chargedes personnes en perte d’autonomie.

Le prochain congrĂšs aura lieu dans ton dĂ©par-tement. ApprĂ©hendes-tu cette nouvelle respon-sabilitĂ© ?Pas du tout. De congrĂšs en congrĂšs l’investissementdes sections dĂ©partementales organisatrices prouveson efficacitĂ©. Et comme je suis aussi impliquĂ©edans la prĂ©paration du congrĂšs de la FSU qui setiendra au mĂȘme endroit l’annĂ©e prochaine,j’aurai eu l’occasion de me faire la main. ■

CONGRÈS DE NARBONNE

Trois questions Ă  HĂ©lĂšne Pougnant RetraitĂ©e du SNETAP-FSUSecrĂ©taire de la section FGR-FP de la Vienne, HĂ©lĂšne Pougnant vient d’ĂȘtre Ă©lue Ă  la CE nationale. Elle Ă©tait au congrĂšs de Narbonne ; elle a rĂ©ponduaux questions de BĂ©nĂ©dicte Vrain.

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FINANCEMENTDE LA PERTE

D’AUTONOMIEInquiĂ©tante position

de la MGENLa MGEN a Ă©ditĂ© son livreblanc sur la protection so-ciale, qui prĂ©sente la syn-thĂšse et les principales pro-positions de cette mutuellesur le systĂšme de santĂ©, sonfinancement et les Ă©volutionsnĂ©cessaires.Nous pouvons sans rĂ©serveadhĂ©rer Ă  quatre des cinqmesures clĂ©s pour passerd’un systĂšme de soins Ă  unsystĂšme de santĂ© : la rĂ©vi-sion tarifaire des praticiens li-bĂ©raux, l’accessibilitĂ© dusystĂšme de soins sur tout leterritoire, le renforcement dela prĂ©vention et la restructu-ration du tissu hospitalierfrançais permettant de re-donner Ă  l’hĂŽpital public uneplace centrale dans le par-cours de soins.En revanche, nous dĂ©sap-prouvons les rĂ©ponses don-nĂ©es Ă  la prise en chargepour la dĂ©pendance, laMGEN considĂšre en effetque la prise en charge durisque de dĂ©pendance doitrelever d’une cinquiĂšmebranche de la SĂ©curitĂ© so-ciale. D’autre part elle rĂ©af-firme la nĂ©cessitĂ© d’unecomplĂ©mentaritĂ© des finan-cements avec une optionsupplĂ©mentaire facultativepour cette prise en chargede la dĂ©pendance. Si nous sommes d’accordpour rĂ©flĂ©chir Ă  un finance-ment global de notre protec-tion sociale, nous rĂ©affirmonsque « la perte d’autono-mie » comprend un volet ma-ladie qui doit ĂȘtre pris encompte par le risque maladiede la SĂ©curitĂ© sociale et unvolet de service Ă  la person-ne qui doit pris en charge parles services sociaux.

FRANÇOISE EIDEN

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Jacqueline Pasquier lors du congrĂšs de Narbonne.

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DOSSIER

Moins d’un mois aprĂšs l’arrivĂ©e du FrontPopulaire au gouvernement, dans la nuit du 7 au 8 juin,1936 sont signĂ©s les accords de Matignon entre le prĂ©sidentdu Conseil, LĂ©on Blum, le patronat et la CGT : outre la gĂ©nĂ©-ralisation des conventions collectives et la crĂ©ation desdĂ©lĂ©guĂ©s du personnel ils prĂ©voyaient une augmentation desalaire de 12 %, la semaine de 40 heures et l’octroi dequinze jours de congĂ©s payĂ©s.Ces congĂ©s payĂ©s, comme les quarante heures n’étaient pasdans le programme du Front Populaire... C’est la grĂšve gĂ©nĂ©-rale « des grĂšves joyeuses » Ă©crit DaniĂšle Tartakovsky(1), quiĂ©clata au lendemain du second tour des Ă©lections, avant laconstitution mĂȘme du gouvernement, qui accĂ©lĂ©ra la prise de

UNE CONQUÊTE SOCIALE EMBLÉMATIQUE

Des congĂ©s payĂ©s pPour beaucoup, le Front Populaire c’est l’image desdans les annĂ©es qui prĂ©cĂ©dĂšrent la victoire de la gane fut guĂšre posĂ©e : l’objectif premier en cette pĂ©rio

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UNE REVENDICATION OUBLIÉE

« Le droit à la paresse »La réduction du temps

de travail, le droit au repos,

aux congés payés, à la retraite

sont des revendications

portĂ©es dĂšs l’origine par

la classe ouvriĂšre. Chaque

pĂ©riode d’avancĂ©es sociales

a été marquée par des

progrĂšs dans ces domaines ;

en 2012 va-t-on en rester

au « travailler plus »...

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Dossier réalisé par MarylÚne Cahouet, Annie Clavel-Eveno et Jean-Pierre Billot

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DOSSIER

dĂ©cisions ; elles allĂšrent plus loin que prĂ©vu ! LescongĂ©s payĂ©s existaient dĂ©jĂ  pour les fonctionnaires,pour des employĂ©s et ouvriers de certaines corpora-tions. Leur gĂ©nĂ©ralisation, leur inscription dans la loiarrivĂšrent avec le nouveau gouvernement.Avant les accords de Grenelle, une minoritĂ© de sala-riĂ©s bĂ©nĂ©ficiaient de repos payĂ©s, lĂ  oĂč les syndicatsĂ©taient organisĂ©s. AprĂšs, c’est l’ensemble des salariĂ©sfrançais qui bĂ©nĂ©ficient d’au moins quinze joursouvrables de congĂ©s payĂ©s. Il fallut attendre la LibĂ©-ration pour entendre la revendication de la troisiĂšmesemaine de congĂ©s payĂ©s accordĂ©e par la rĂ©gie Renaulten 1955 et Ă©tendue Ă  tous en 1956, une quatriĂšme fut

octroyĂ©e en 1962 et c’est seulement en 1981, avec leretour de la gauche au pouvoir que fut instaurĂ©e unecinquiĂšme semaine de congĂ©s.

Profiter du temps libéréDÚs juillet 1936 les 600 000 premiers travailleurspartent en vacances, bénéficiant pour certains dubillet de chemin de fer à 40 % de réduction créédébut août, le « ticket Léo Lagrange » ; des réduc-tions furent négociées pour accéder aux héberge-ments, développer le camping.

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pour tous s départs en vacances en bandes joyeuses, des premiers bains de mer ; et pourtantauche en 1936, la question des congés payés et de la réduction de la durée du travailode de crise était de préserver les conditions de travail et de lutter contre le fascisme.

Comme en 1936 : un acquis des luttesdu Front Populaire

AVANTLE FRONT

POPULAIRE Bien avant que les congĂ©spayĂ©s soient un droit acquispour les travailleurs français,ils l’étaient dans d’autrespays, en Allemagne, en Nor-vĂšge, en Pologne. En Franceentre 1919 et 1935 la ques-tion des congĂ©s payĂ©s futposĂ©e au cours de 79 grĂšves.Mais Ă  partir au dĂ©but desannĂ©es 30 cet objectif sem-blait avoir disparu. ‱ 1853 : les fonctionnaires– par dĂ©cret impĂ©rial –obtiennent de s’absenterquinze jours par an sanssubir de retenue de salaire ‱ 1900 : les employĂ©s dumĂ©tro bĂ©nĂ©ficient de dix joursde repos payĂ© par an.‱ 1905 : les ouvriers de lacompagnie d’électricitĂ© de dixjours, puis douze en 1907.‱ 1906 : ceux des usinesĂ  gaz, dix jours.‱ 1907 : les mineurs revendi-quent des congĂ©s payĂ©s.‱ 1920 : 15 000 ouvriĂšres de lacouture parisienne ont entresix et douze jours de congĂ©s.‱ 1921 : les correcteurs(industrie du livre) obtiennentsix jours.‱ 1926 : le congrĂšs de la CGTrevendique le droit Ă  descongĂ©s payĂ©s.‱ 1926 : les ouvriers des cuirset peaux obtiennent entre sixet douze jours. ‱ 1928 : 2 000 ouvriers (surun effectif de 12 000) desindustries des mĂ©taux (bijoux)obtiennent quinze jours, puisvingt-et-un.‱ 1929 : un accord patronat-organisations ouvriĂšres (in-dustrie du livre) Ă©tend les sixjours aux ouvriers des grandsjournaux.‱ 1929 : accords de Grenelle.Suite page 14 ïżœïżœ

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DOSSIER

En 1981, comment est nĂ©e – dans l’esprit de FrançoisMitterrand – l’idĂ©e de « ministĂšre du Temps libre » ?Savoir comment fonctionnait l’esprit de François Mit-terrand relĂšve d’une mission impossible ; en rĂ©alitĂ©,l’idĂ©e du « temps libre » venait de Pierre Mauroy,prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration LĂ©o-Lagrange, qui avaitlancĂ© le projet d’une « confĂ©dĂ©ration du temps libre »,regroupant toutes les organisations touchant de prĂšsaux loisirs. François Mitterrand, lorsqu’il me fit veniraprĂšs le 10 mai 1981, Ă©voqua en effet LĂ©o Lagrange,pour souhaiter qu’un prolongement symbolique fĂ»t faitavec l’Ɠuvre du crĂ©ateur des premiers congĂ©s payĂ©s.Il s’agissait surtout de donner un sens au temps libĂ©rĂ©par la perspective des 35 heures, en liaison avec lesmunicipalitĂ©s, conseils gĂ©nĂ©raux, rĂ©gionaux et prin-cipalement avec le mouvement associatif. Le pro-gramme de F. Mitterrand comprenait le droit Ă  laretraite Ă  60 ans, la cinquiĂšme semaine de congĂ©spayĂ©s et surtout les 35 heures. Les deux premierspoints furent vite dĂ©cidĂ©s mais la conjoncture Ă©cono-mique bloqua le troisiĂšme Ă  39 heures. De ce fait lepilier essentiel du ministĂšre du Temps libre (MTL) ne

pouvant ĂȘtre acquis, ce ministĂšre original qui regrou-pait aussi la Jeunesse, les Sports et le Tourisme, s’ar-rĂȘta en avril 1983.

Quelles ont Ă©tĂ© les actions marquantesde ce ministĂšre ?On peut synthĂ©tiser l’action du MTL en six points :‱ refonte des diplĂŽmes qualifiants pour l’encadrementdes activitĂ©s de vacances et de loisirs ;‱ dĂ©mocratisation des loisirs de neige, par la dissocia-tion de la cinquiĂšme semaine de congĂ©s ;‱ rĂ©habilitation de l’Éducation populaire, thĂšme oubliĂ©depuis trente ans et qui revient heureusement aujour-d’hui dans l’intitulĂ© du ministĂšre Jeunesse ct Sportsactuel ;‱ Ă©talement des vacances par l’incitation Ă  la non-fer-meture des entreprises en aoĂ»t... ;‱ crĂ©ation du Conseil national de la vie associative– toujours en place – pour financer la formation dansles associations ;‱ crĂ©ation du chĂšque-vacances par le systĂšme d’épargnepopulaire bonifiĂ©e. Cette rĂ©alisation est une rĂ©ussite

INTERVIEW D’ANDRÉ HENRY, ANCIEN MINISTRE

Le Temps libre, un ministĂšre Ă©phĂ©mĂšre En 1981, AndrĂ© Henry Ă©tait le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la FĂ©dĂ©ration de l’Éducation nationale qui comptaitalors 350 000 syndiquĂ©s ; le SNES Ă©tait le deuxiĂšme syndicat de la fĂ©dĂ©ration en nombre d’adhĂ©rents.Elle Ă©tait trĂšs proche des associations et mouvements de jeunesse, de loisirs, de vacances et d’éducationpopulaire d’obĂ©dience laĂŻque. C’est ainsi qu’un instituteur vosgien se vit confier un ministĂšre de pleinexercice ; il n’avait pas eu de prĂ©dĂ©cesseur ; il n’eut pas de successeur. Son ministĂšre n’a pas survĂ©cu Ă la politique d’austĂ©ritĂ© mise en place en 1983. AndrĂ© Henry a rĂ©pondu aux questions d’Annie Clavel-Eveno.

>

Le Front Populaire fit de l’ac-quis des congĂ©s payĂ©s autre chose qu’un « temps denon-travail » en Ă©laborant une vĂ©ritable politiqueculturelle du temps libĂ©rĂ©, offrant aux salariĂ©s,outre des moyens d’accĂšs Ă©conomiques Ă  des acti-vitĂ©s, la possibilitĂ© de s’enrichir, de construire unevie sociale hors entreprise.

« Le ministĂšre de la Paresse »C’est ainsi qu’ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es et subventionnĂ©es – sousl’égide de LĂ©o Lagrange, sous-secrĂ©taire d’État auxSports et Ă  l’Organisation des loisirs, un ministĂšrenouveau – de nombreuses associations et structuresĂ  vocation sportives, culturelles, touristiques, Ă  l’op-posĂ© d’un ministĂšre de la Paresse comme le dĂ©si-gnaient les forces de droite.

C’est de 1936 que date le dĂ©veloppement de la FSGT(la FĂ©dĂ©ration sportive, gymnique du travail), desauberges de jeunesse, des gĂźtes ruraux, des futures« maisons de la culture », des clubs de cinĂ©ma.L’exposition internationale des arts et techniques de1937, programmĂ©e avant 1936, offrit l’occasion deconstruire, rĂ©nover de nombreux musĂ©es, le MusĂ©ede l’Homme en particulier.Le ministre de l’éducation nationale, Jean Zay, pritsa part en demandant Ă  Charles Dullin un rapport surce que la France devait faire en matiĂšre de thĂ©Ăątre.Le programme du Front Populaire ne l’avait pasprĂ©vu, et si l’Histoire se rĂ©pĂ©tait ! ■

(1) L’Avenir nous appartient : une histoire du Front Populaire, deDaniĂšle Tartakovsky et Michel Margairaz (Ă©ditions Larousse, 2006).

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1982 : création des chÚquesvacances par le ministÚredu Temps libre

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DOSSIER

exemplaire au bĂ©nĂ©fice des familles Ă  revenus modestes.La droite a tentĂ© Ă  trois reprises de privatiser le chĂšque-vacances, sans succĂšs. L’Agence nationale, crĂ©Ă©e enseptembre 1981 pour le gĂ©rer, compte aujourd’hui175 000 prestataires de services, pour plus de 5 millionsde bĂ©nĂ©ficiaires.

Il n’y a plus de ministùre du Temps libre depuis plus de trente ans...Ce ministùre est sans doute venu trop tît car il

n’avait plus de sens dĂšs lors que l’on ne faisait pasles 35 heures. Quand Lionel Jospin et MartineAubry les ont imposĂ©es en 1998, ils n’y ont paspensĂ© ! Leur rĂ©forme aurait eu plus de force etd’envergure si le temps libre avait fait l’objet d’unepolitique incitative.Aujourd’hui le ministĂšre de V. Fourneyron a en chargel’Éducation populaire. C’est un levier pour revenirvers les associations et les aider Ă  donner sens autemps libre. On peut du moins l’espĂ©rer. ■

UN DROIT TRÈS CONTROVERSÉ

Le droit Ă  la paresse Pour le gendre de Marx : « les socialistesrĂ©volutionnaires ont Ă  monter Ă  l’assaut de la moraleet des thĂ©ories sociales du capitalisme ; ils ontĂ  dĂ©molir dans les tĂȘtes de la classe appelĂ©eĂ  l’action, les prĂ©jugĂ©s semĂ©s par la classerĂ©gnante ». Il a explicitĂ© dans un texte cĂ©lĂšbreles principes qu’il professait.

>

C’est depuis Sainte-PĂ©lagie, Ă  Paris, oĂč il est empri-sonnĂ© en 1882 pour propagande rĂ©volutionnaire que Paul Lafarguefait rĂ©Ă©diter son ouvrage provocateur : Le Droit Ă  la Paresse(1).Il a quarante ans, il est riche d’une vie militante exceptionnelle :Ă©tudiant en mĂ©decine Ă  Paris, lecteur de Proudhon, Blanqui, Fou-rier, il avait Ă©tĂ© exclu Ă  vie de l’UniversitĂ© parisienne en 1865 pouravoir attaquĂ© l’ordre social et profanĂ© le drapeau tricolore auquelil disait prĂ©fĂ©rer le drapeau rouge.Sa rencontre, en Angleterre, avec Marx dont il Ă©pousa la fille,orienta le reste de sa vie.Membre de l’Internationale des travailleurs on le retrouve en1871 Ă  Paris d’oĂč chassĂ© par Thiers il dut fuir vers l’Espagne, puisLisbonne, puis Londres Ă  nouveau oĂč il devint l’assistant deKarl Marx avant de revenir Ă  Paris oĂč il fonda l’InternationaleouvriĂšre sous l’influence de Engels, avec Guesdes.« Il Ă©tait convaincu, dira JaurĂšs, que par l’organisation du travail,grĂące au progrĂšs de la science appliquĂ© au travail, la surabon-dance des produits permettrait d’effacer la limite des Ă©goĂŻsmesmisĂ©rables et que tous les hommes pourraient alors jouir ensemblede tous les bienfaits de la nature en les dominant. »Le Droit Ă  la paresse, opposĂ© au Droit au travail, suscita bien descontroverses, pour les tenants mĂȘme de la lutte des classes ! SoncĂŽtĂ© provocateur n’a pas fini d’étonner le lecteur.PersuadĂ© de l’importance du dĂ©veloppement de la productionqu’apportait le machinisme, il opposait le risque le risque desurproduction Ă  l’esclavage de la classe ouvriĂšre et des enfants etil Ă©tait rĂ©voltĂ© de constater que le temps de travail et les salaires

de misĂšre ne permettaient pas de vivre ; il invitait le prolĂ©tariatĂ  « qu’il se contraigne Ă  ne travailler que trois heures parjour... ». Donner du sens Ă  une rĂ©duction du travail doit s’ac-compagner d’une augmentation des salaires dans le mĂȘme tempsprofessait-il encore, « afin de pouvoir consommer aussi les mar-chandises qu’ils produisent ». Tout un programme. ■

(1) Le droit à la paresse, Paul Lafargue, 1880 et 1883, rééditions,François Maspero éditeur, Paris, 1969, Altiplano éditeurs, Paris 2007.

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DOSSIER

TROIS QUESTIONS À ÉVELYNE VENDRAME

Carpe diemProfesseur de Lettres classiques retraitĂ©e, Évelyne VendrameconnaĂźt la valeur de l’otium – pas l’oisivetĂ© mais l’activitĂ© librementchoisie – et applique le conseil du poĂšte Horace « carpe diem »,jouir du moment prĂ©sent. Elle s’est confiĂ©e Ă  Françoise Eiden.

>T’es-tu prĂ©parĂ©e Ă  ta retraite ?Non pas du tout. En revanche, je pouvais et voulais par-tir Ă  60 ans bien que le montant de ma retraite soit de67 % de mon traitement d’active. Je n’ai pas pensĂ© Ă ce que je ferais de ma retraite. J’ai passĂ© ma vie pro-fessionnelle Ă  courir aprĂšs le temps, rythme dĂ©lirant descours Ă  prĂ©parer, des changements incessants de pro-grammes, des copies, des rĂ©unions qui se multipliaientde plus en plus au fur et Ă  mesure des annĂ©es. La seulechose que j’avais prĂ©parĂ©e Ă©tait le passage de tĂ©moinde mon activitĂ© syndicale. Quand le 1er septembre2011 est arrivĂ©, j’ai fait un grand ouf, j’avais l’im-pression de descendre d’un TGV et de me retrouver surle quai. Changement de rythme brutal.

Comment s’est passĂ©e cette premiĂšre annĂ©e de retraite ?J’ai dĂ©couvert que j’étais maĂźtre de mon temps. Jepouvais le consacrer Ă  des loisirs choisis auxquelsj’avais renoncĂ© pendant longtemps. Je suis devenue plusdisponible pour ma famille, mes amis. J’ai pu faire delongues promenades dans les bois pour herboriser ; mapassion pour les fleurs et mon jardin pouvait s’assou-vir sans remords, j’ai passĂ© des heures Ă  chiner dans desbrocantes Ă  la recherche d’objets coup de cƓur. Etsurtout j’ai dĂ©couvert la lenteur du temps, l’oisivetĂ© ausens culturel du terme, j’ai dĂ©vorĂ© une centaine delivres choisis au hasard de flĂąneries dans les librairiesou de conseils d’amis... et dans dix ans j’aurai, peut-ĂȘtre,

LES SENIORS : TOUJOURS EN VACANCESVOILÀ L’IMAGE COMPLAISAMMENT VÉHICULÉE

Un million de retraitĂ©s vivent sous le seuilde pauvretĂ©, selon les donnĂ©es de l’INSEE ;les associations caritatives constatent surle terrain une prĂ©sence significative despersonnes ĂągĂ©es dans les lieux d’accueil,et parmi les demandeurs d’aides...L’usure du mĂ©tier est aussi un fait et l’ñgede dĂ©part Ă  la retraite toujours plus tardifprive donc des milliers de personnes deleurs meilleures annĂ©es de vie aprĂšs

60 ans. Alors, du temps libre, mais pourquoi faire quand tout semble se dĂ©rober ?Certains retraitĂ©s souffrent aussi de l’isole-ment et affirment ne pas assez recevoir desoutien social. Les voyagistes et autresmarchands de loisirs ont bien compris cetenjeu et font donc des retraitĂ©s une de leurcible privilĂ©giĂ©e, leur proposant voyagesorganisĂ©s lointains ou de proximitĂ©, croi-siĂšres « de rĂȘve » et sĂ©jours idylliques.

Les rĂ©sultats ne sont pas Ă  hauteur deleurs espĂ©rances : comme chez les actifs,un retraitĂ© de moins de 70 ans sur deux nepart jamais en vacances ; aprĂšs la pro-portion passe rapidement Ă  deux sur trois.Seules diffĂ©rences : des sĂ©jours un peuplus longs et pour une part notable (40 %)pris en dehors des vacances scolaires.D’oĂč peut-ĂȘtre le dĂ©calage entre l’imageet la rĂ©alitĂ©.

MMix, peinture originale Ă  Saint-Paul de Vence

enfin acquis la culture pour enseigner correctement lalittĂ©rature... je plaisante Ă  peine ! Cette annĂ©e a Ă©tĂ©aussi l’annĂ©e d’un grand nettoyage dans ma tĂȘte. J’aifait le point sur ma vie, sur les choix que j’avais fait surles plans personnel et professionnel. J’ai pris du recul,je voulais absolument savoir ce que je ferais de ma vielibĂ©rĂ©e des contraintes professionnelles.

Comment penses-tu continuer cette nouvelle vie ?Depuis longtemps mon mari et moi avions rĂ©flĂ©chi Ă  uncertain style de vie quand nous serions tous les deux enretraite, nous avions le projet d’aller d’une vie Ă  uneautre, de quitter la ville pour les lieux de nos racines, leMorvan et la Toscane, pour s’ouvrir Ă  d’autres rythmeset pour s’enrichir de nouvelles expĂ©riences. Nous rĂ©a-liserons ce rĂȘve. Le recul que j’ai pris m’a permis desavoir que je reprendrais des activitĂ©s militantes dans desassociations qui me tiennent Ă  cƓur. Pour moi deux pro-blĂšmes urgents Ă  rĂ©soudre, la sauvegarde de l’eau danstous les pays et celui de la Palestine. ■

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DOSSIER

POUR NE PAS CONCLURE

« C’est pour parvenir au reposque chacun travaille »Jean-Jacques Rousseau l’avait dĂ©jĂ  Ă©critLe repos pour le philosophe du XVIIIe, c’est l’activitĂ© libre, possibilitĂ© qu’on est en droit d’attendre de congĂ©s ou d’une retraite bien mĂ©ritĂ©s, Ă  condition d’en avoir les moyens.

>

J.-J. Rousseau l’avait Ă©crit ; N. Sarkozyne l’a pas repris ; notre ancien PrĂ©sident a une toutautre philosophie : « Travailler plus » disait-il, enajoutant pour faire passer le message « pour gagnerplus ». DerriĂšre ce slogan, tout le monde a vitecompris, « travailler plus pour gagner moins ».Effectivement, si la productivitĂ© horaire du salariĂ©français est une des plus Ă©levĂ©e d’Europe, le salairen’a pas suivi et le pouvoir d’achat a diminuĂ©, fauted’un partage Ă©quitable des gains de productivitĂ©entre les salariĂ©s et les actionnaires.« Travailler plus » ? Mais alors quand trouver letemps pour soi ? « À quels jeux employer si tarddans la journĂ©e la vacance insolite des mains, lalibertĂ© provisoire, de la promenade des prison-niers »(1). Les hommes ne s’épanouissent pas quedans le travail surtout quand ce dernier est subi,asservissant, mutilant et qu’il annihile les rĂȘves,les espoirs : il faut une autre dimension pour ĂȘtre unhomme et « les hommes ne sont pas des crabes :leurs parties amputĂ©es ne repoussent pas toutesseules »(1).« Pour gagner moins » ? De 2000 Ă  2010, les inĂ©ga-litĂ©s ont explosĂ© ; l’écart entre revenu du travail etrevenu du capital s’est encore accru : 10 % desretraitĂ©s, 13,5 % des actifs vivent sous le seuil depauvretĂ© et les statisticiens ont Ă©tĂ© obligĂ©s de consi-dĂ©rer une nouvelle catĂ©gorie de salariĂ©s : les tra-vailleurs pauvres.Comment envisager des vacances, financer des loi-sirs quand l’essentiel est si difficile Ă  garantir,quand le temps manque et la fatigue telle, qu’elleanesthĂ©sie le dĂ©sir ? La lutte pour le droit au repos,aux loisirs est insĂ©parable d’une lutte pour un droitau « vrai travail, sain, fĂ©cond et gĂ©nĂ©reux. Quirend le peuple libre et rend l’homme heureux ? »comme l’écrivait V. Hugo(2).Le virage vers une politique d’austĂ©ritĂ© en 1983 aemportĂ© « le temps libre », les 35 heures ont Ă©tĂ©mises Ă  mal par les gouvernements qui viennent desĂ©vir, et le droit Ă  la retraite a considĂ©rablement

reculĂ© dans ces vingt derniĂšres annĂ©es. Le droit dutravail est sans cesse remis en cause et le chĂŽmagegangrĂšne les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes. Mais les 40 heures, les congĂ©s payĂ©s, le droit auxloisirs, Ă  la culture n’étaient dans le programmedu front populaire, et pourtant... ■

(1) Aden d’Arabie, de Paul Nizan (1931), rĂ©Ă©ditionMaspero, 1960, prĂ©face de Jean-Paul Sartre(2) OĂč vont tous ces enfants ? Melancholia, Les Contem-plations, 1856, Victor Hugo

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INFOSPRATIQUES

> >Dans cette rubrique, Robert Jacquin est prĂȘt Ă  vous rĂ©pondre ; envoyez vos questions Ă  L’US-RetraitĂ©s, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13 ou par mail Ă  [email protected]

SIGLES ET DÉFINITIONS


À l’heure de ladĂ©claration d’impĂŽtÀ propos de la CSG (Contributionsociale gĂ©nĂ©ralisĂ©e) : elle a Ă©tĂ© mise en placeen 1991, c’est un prĂ©lĂšvement Ă  la source individuel etproportionnel qui a une assiette plus large que l’impĂŽtsur le revenu, elle comporte un seul taux par type derevenus. Son taux a Ă©tĂ© portĂ© progressivement Ă  7,5 %pour les revenus d’activitĂ©. Il est de 6,6 % pour les reve-nus de remplacement (retraites) et de 8,2 % pour lesrevenus des placements. La CSG appliquĂ©e aux reve-nus d’activitĂ© et de remplacement est soumise auxrĂšgles des cotisations de SĂ©curitĂ© sociale alors que laCSG qui pĂšse sur les revenus du patrimoine relĂšve desdispositions du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts.La CSG est donc une cotisation qui fonctionne commeun impĂŽt affectĂ© exclusivement Ă  la SĂ©curitĂ© sociale etĂ  ses fonds de financement.Le revenu brut est celui qui est comptabilisĂ©par l’organisme payeur. Une partie de ce revenu estamputĂ©e par les prĂ©lĂšvements opĂ©rĂ©s Ă  la source par lesorganismes sociaux et fiscaux. Le revenu perçu correspond au revenu brutdĂ©duction faite de ces prĂ©lĂšvements.Le revenu dĂ©clarĂ© sur la feuille d’impĂŽt est Ă©galau revenu perçu majorĂ© de la CSG non dĂ©ductible(2,4 %). Ce revenu dĂ©clarĂ© est ensuite minorĂ© par lesabattements, frais financiers ou dĂ©ductions.Le revenu imposable est obtenu en dĂ©duisantdu revenu dĂ©clarĂ© (revenu brut global) certainescharges (pension alimentaire versĂ©e par exemple).

Coffre-fortĂ©lectronique Les banques et les opĂ©rateurs tĂ©lĂ©phoniques vousproposent de remplacer les factures et autres relevĂ©ssur papier par des documents Ă©lectroniques mais enaucun cas on ne peut vous l’imposer. Si vous accep-tez, vous pouvez les stocker sur le disque dur de votreordinateur et en faire une copie sur un CD.Le site https://mon.service-public.fr dĂ©diĂ© aux diffĂ©-rentes dĂ©marches administratives en ligne proposeun espace sĂ©curisĂ© gratuit pour y stocker tous lesdocuments.

L’achat sur Internet permet de passer ses commandes facilement enFrance, en Europe, ou dans n’importe quel pays du monde. Cependant lerecours en cas de litige est plus difficile en dehors des frontiĂšres de laFrance ; de plus, les taxes et droits de douane pourront ĂȘtre facturĂ©s en sup-plĂ©ment si le prix du produit ne les a pas inclus.

Avant tout achat, il est nĂ©cessaire d’identifier le vendeur qui doit indiquerson adresse, un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone et son numĂ©ro d’immatriculationenregistrĂ© au tribunal de commerce (RCS ou SIREN). Il est utile de consul-ter des sites d’informations juridiques pour vĂ©rifier l’existence de la sociĂ©tĂ©et qu’elle ne prĂ©sente pas de risque (sociĂ©tĂ©.com ; bodacc.fr ; infogreffe.fr)...Il est possible de voir le niveau de notoriĂ©tĂ© en tapant le nom du site et dela sociĂ©tĂ© sur « e-rĂ©putation ».

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LOISIRSCULTURE

Haut lieu de l’utopie, reflet de l’espritdes LumiĂšres, la Saline royale d’Arc-et-Senans, fidĂšle Ă l’esprit de sonc o n c e p t e u rN. Ledoux, cĂ©lĂšbrele tricentenaire deJ.-J. Rousseau. Unjeu interactif pro-posĂ© aux visiteurset aux habitants des villages voisinspermet d’apprendre Ă  connaĂźtremieux le citoyen-philosophe, l’écri-vain ; le musicien et le botaniste nesont pas oubliĂ©s : de dĂ©but juin Ă  finoctobre, « Les amitiĂ©s vĂ©gĂ©tales » seproposent d’évoquer dans les jar-dins de la Saline, en dix crĂ©ationsvĂ©gĂ©tales, les dix RĂȘveries d’un pro-meneur solitaire. Un dispositif sonoreet musical conçu par le composi-teur Jacopo Baboni Schilingi, ins-tallĂ© parmi les vĂ©gĂ©taux et les plansd’eau, ponctue le parcours et vientjudicieusement rappeler l’intĂ©rĂȘt del’auteur du Contrat social pour lamusique.La passion de Rousseau pour labotanique est nĂ©e lors de son exil Ă MĂŽtiers, en territoire neuchĂątelois.L’UniversitĂ© de NeuchĂątel en colla-boration avec celle de Besançon adĂ©cidĂ© de faire revivre, au cours del’étĂ© 2012, les liens unissant Rous-seau Ă  la nature dans des exposi-tions « sur les pas de Rousseau »au MusĂ©um d’histoire naturelle etau jardin botanique de NeuchĂątel.

J.-P. Billot

Arc-et-Senans‱ Programme

des manifestationswww.salineroyale.com

Se rendre à Arc-et-Senans : par laroute : A36 sortie Dole ou A39 sor-tie Poligny. Par le train : gare TGVDÎle ou Besançon, puis TER.

NeuchĂątel‱ Programme « Rousseau,

chemins ouverts »www.rousseau300.ch

Accéder au jardin botanique de laville : 58, chemin du Pertuis-du-Sault, Neuchùtel, Suisse (tél. :+ 4132182350)

Lors d’une Ă©mission rĂ©cente Ă  laradio, Michel Serres rappelait, en s’ap-puyant sur Le Contrat social, Les Confes-sions, L’Émile, tout l’apport du citoyen deGenĂšve Ă  la modernitĂ© et aux transformationsdont il fut parfois le prĂ©curseur. Au dĂ©but duContrat social, on peut en effet lire la phrasesuivante : « Si j’étais prince ou lĂ©gislateur, jene perdrais pas mon temps Ă  dire ce qu’ilfaut faire ; je le ferais, ou je me tairais. NĂ©citoyen d’un État libre, et membre du souve-rain, quelque faible influence que puisse avoirma voix dans les affaires publiques, le droit d’yvoter suffit pour m’imposer le devoir de m’eninstruire ».

On ne peut que regretter que ces solides prin-cipes n’apparaissent pas Ă  nos lĂ©gislateurs,mandataires momentanĂ©s de la souverainetĂ©nationale pour des objets prĂ©cis, comme lefondement mĂȘme de leurs devoirs, des missionspremiĂšres de l’école, de la conservation del’égalitĂ© et de la libertĂ© civile.Il semble en effet, et la construction euro-pĂ©enne en montre maints exemples, que lesĂ©lus lĂ©gislateurs et les successeurs du princeque sont les tenants de l’exĂ©cutif aient quelquepeu tendance Ă  penser aussi Ă  la place ducitoyen, voire Ă  se passer de son avis pour desquestions jugĂ©es soit trop techniques, soit tropdĂ©cisives... Curieuse Ă©volution ; mais commeRobespierre et Saint-Just avaient, eux, lu Rous-seau, on peut comprendre la rĂ©ticence desconnivents Ă  honorer le fondateur de leurs cri-tiques et leur refus de baptiser une voie dunom de l’Incorruptible Ă  Paris...

Émile ou l’enfant au centreCe fut dit et redit, mais L’Émile marque l’entrĂ©ede l’enfant en tant que tel dans la consciencecollective, avec ses droits propres, ses goĂ»ts, samorale mĂȘme. Le dix-huitiĂšme siĂšcle est celui dela redĂ©couverte de l’enfant, les travaux de PhilippeAriĂšs en tĂ©moignent et les mouvements pĂ©da-gogiques modernes doivent plus Ă  Rousseauqu’aux pĂšres jĂ©suites ; pour les structures du sys-tĂšme scolaire il en va diffĂ©remment. « Si la fatalefaux vient moissonner en lui (l’enfant) la fleur denos espĂ©rances, nous n’aurons point Ă  pleurer Ă la fois sa vie et sa mort (...) ; nous nous dirons :Au moins, il a joui de son enfance (...) ». Les fĂ©mi-nistes nous diront que Rousseau fut moins com-prĂ©hensif pour les femmes et les esprits chagrinsqu’il n’a gardĂ© aucun des enfants que lui donnaThĂ©rĂšse Levasseur... Relisons les Confessionset pour le reste qui est beaucoup, mĂ©ditonsles leçons Ă©clairĂ©es d’un homme du siĂšcledes LumiĂšres. ■ JEAN-PAUL BEAUQUIER

Rousseauen son domaine> LE CITOYEN JEAN-JACQUES AU PAYS DES COMMÉMORATIONS

Un tricentenaire gĂȘnantOn a quelquefois reprochĂ© aux autoritĂ©s de la RĂ©publique d’avoir un goĂ»tprononcĂ© pour les commĂ©morations. Certaines ont pu en effet paraĂźtreexagĂ©rĂ©es. Il est non moins vrai que certains anniversaires ont Ă©tĂ© carrĂ©ment omis : le 4e Centenaire de la naissance de Corneille par exemple... Mais que la RĂ©publique parle si peu de Rousseau demeure singulier.

Un cadre pour« Les amitiés végétales »

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lia.fr

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>Voyage en Palestine

On ne va pas en Palestine parhasard, ni pour faire uniquement dutourisme car la situation est bien particu-liĂšre. D’abord parce que les Palestiniens sebattent pour la reconnaissance de leur État,ensuite parce qu’ils sont sous le joug del’État d’IsraĂ«l, prisonniers notamment d’unmur qui serpente sur tout le territoire,confrontĂ©s aux checkpoints.

Pour entrer en Cisjordanie, ilfaut passer par Tel Aviv avec tous lescontrĂŽles que cela implique, tant enFrance que sur place. Dix retraitĂ©s, donthuit du SNES, ont fait un pĂ©riple entre le3 et le 9 janvier 2012 qui les a conduits enCisjordanie, mĂȘlant dĂ©couverte du patri-moine architectural religieux et profane,patrimoine rural et urbain, paysagesimpressionnants entre plaines, montagneset dĂ©serts, approches gĂ©opolitiques etsociologiques, et rencontres avec desassociations, des centres culturels notam-ment dans un camp de rĂ©fugiĂ©s, visites decoopĂ©ratives.

Incontournable, la visite de la vieille villedans JĂ©rusalem-Est revendiquĂ©e par IsraĂ«l.Inlassablement et en toute impunitĂ©, IsraĂ«lgrignote les demeures palestiniennes,expulse, s’installe et plante le drapeauisraĂ©lien. Il faut suivre au hasard le dĂ©daledes ruelles, les Ă©talages colorĂ©s et dĂ©couvrirles lieux mythiques romains, chrĂ©tiens,musulmans, juifs, armĂ©niens... et l’Espla-nade des MosquĂ©es dont l’accĂšs est limitĂ©.Le mouvement sioniste, consacrĂ© par l’oc-cupation de la vieille ville en 1967 n’a eude cesse de multiplier les attaques indivi-duelles ou collectives contre les lieux : en2000, le dĂ©ploiement de 3 000 soldats israĂ©-liens dans JĂ©rusalem provoque l’Intifada.

Autre lieu de rassemblement, leMur des Lamentations, partie occidentale del’enceinte du temple d’HĂ©rode. À l’église duSaint-SĂ©pulcre rĂ©pond la basilique de laNativitĂ© Ă  BethlĂ©em. Mais il y a aussi enIsraĂ«l une volontĂ© de nier l’Histoire. Ainsiun cimetiĂšre mamelouk a Ă©tĂ© dĂ©truit pourconstruire un « centre de la tolĂ©rance ».

Aujourd’hui

encore,

on ne va pas

en Palestine

par hasard


LOISIRSCULTURE

JĂ©rusalem : le DĂŽme du Rocher

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RENSEIGNEMENTSPRATIQUESAgence EKITOUR

Chemins de Palestine,6 bis, rue Albin-Haller

ZI RĂ©publique 2, 86000 POITIERSwww.ekitour.fr

+ 33 (0)5 49 47 73 13

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Rencontres et dĂ©bats passionnants auCentre de JĂ©rusalem sur les droits sociauxet Ă©conomiques ; Ă  l’École biblique etarchĂ©ologique française de JĂ©rusalempour apprendre Ă  mieux distinguer his-toire et mythe.Notre pĂ©riple en Cisjordanie s’est pour-suivi par les visites d’HĂ©bron, BethlĂ©em,JĂ©richo, de la vallĂ©e du Jourdain, de Ramal-lah et Naplouse.Depuis 1967 sous occupation israĂ©lienne,la Cisjordanie abrite plus de deux millionsde Palestiniens : certains sont Ă©tablis depuislongtemps, d’autres sont rĂ©fugiĂ©s. Sanscompter les colonies israĂ©liennes qui sedĂ©veloppent souvent sur les collines oudans les villes mĂȘmes : 500 000 colonsdont la moitiĂ© pour JĂ©rusalem-Est.Impossible d’échapper au mur qui sĂ©pareJĂ©rusalem des villages environnants, coupedes villages palestiniens, supprime l’accĂšsaux cultures et Ă  l’eau, complique l’accĂšsaux Ă©coles et aux hĂŽpitaux.Ce « mur de l’apartheid » est constituĂ© dedalles de bĂ©ton de huit mĂštres de haut,avec des miradors. Il sert pour les Palesti-niens de support Ă  la crĂ©ation artistique,exprimant l’espoir, la colĂšre, le dĂ©fi... lebesoin pressant de communiquer. Les cinq villes palestiniennes visitĂ©es prĂ©-sentent le mĂȘme contraste. D’un cĂŽtĂ©, unpassĂ© prestigieux qui garde les vestiges dela plus vieille ville du monde comme JĂ©ri-cho, l’empreinte des trois religions avec letombeau des Patriarches Ă  HĂ©bron, lesruines romaines de Naplouse, et Ă  BethlĂ©emle lieu mythique de la basilique de la Nati-vitĂ©. De l’autre cĂŽtĂ©, des villes meurtries quiont bien du mal Ă  vivre. Ainsi Ă  HĂ©bron, des boutiques fermĂ©es,

des rues barrĂ©es et des colons installĂ©sdans la vieille ville, protĂ©gĂ©s par l’armĂ©e,agressifs : une ville oĂč les Palestiniens ten-dent des filets pour se protĂ©ger des orduresjetĂ©es par les colons, une ville oĂč les Pales-tiniens s’accoudent aux barriĂšres qu’ils nepeuvent franchir.

Depuis l’arrivĂ©e de l’AutoritĂ©palestinienne, Ramallah a pris desallures de capitale administrative, cultu-relle et politique ; c’est lĂ  que se trouve letombeau d’Arafat. Comme les IsraĂ©liensn’ont pas voulu qu’il soit enterrĂ© Ă  JĂ©rusa-lem-Est, les Palestiniens ont plantĂ© prĂšsde son tombeau un olivier provenant desEsplanades des MosquĂ©es.Autre contraste : la vie qui s’exprime dansles souks, dans les cafĂ©s autour de l’aracket des musiciens, la jeunesse extrĂȘmementnombreuse et des habitants accueillants quine renoncent pas. En tĂ©moigne la coopĂ©ra-tive olĂ©icole prĂšs de Ramallah qui ne peutĂ©couler ses produits vers la Jordanie et labande de Gaza, et se tourne vers l’Europeet un marchĂ© de qualitĂ©. C’est aussi le sou-tien scolaire, le groupe de thĂ©Ăątre et dedanse fondĂ© dans le camp de rĂ©fugiĂ©sd’AĂŻda riche de 5 000 habitants issus de48 villages dĂ©truits en 1948. Ici 66 % de lapopulation sont des jeunes de moins de 18ans et le chĂŽmage est de 70 %. C’est aussile ComitĂ© pour la rĂ©habilitation d’HĂ©bronqui, dans une situation trĂšs difficile, face auxobstacles crĂ©Ă©s par l’occupant, a permis leretour de 5 500 Palestiniens en centre villeet la rĂ©habilitation de bĂątiments historiques.

Dans ces actions, la solidaritéinternationale est importante.

Ainsi, prÚs de Jérichonous avons échangéavec des bénévoles de« vallée du JourdainSolidarité » qui appor-tent leur appui pouraider à la reconstruc-tion des villages et auxtravaux agricoles. Unjeune Irlandais nous aemmenés chez unhomme dont la mai-son a été détruite trois

fois par l’armĂ©e israĂ©lienne. À Naplouse,l’association « Project Hope » met en placedes cours de français, d’anglais, de thĂ©Ăątre,de danse, prend en charge les femmesemprisonnĂ©es et un centre sanitaire. Àchaque bĂ©nĂ©vole Ă©tranger est adjoint unPalestinien, Ă©tudiant le français. Rana, quinous sert de guide alors, aimerait ĂȘtre uneguide accrĂ©ditĂ©e. Peu d’espoir pour ellecar les infrastructures touristiques sontrares.Rencontre marquante Ă©galement avec unmembre de l’Institut des Études palesti-niennes qui fait le point de la situationpolitique Ă  la lumiĂšre du printemps arabe.Ce dernier aura-t-il un impact sur une situa-tion bloquĂ©e ? La Cisjordanie dĂ©pend Ă©co-nomiquement d’IsraĂ«l. Les colonies pro-gressent. La sociĂ©tĂ© palestinienne estĂ©clatĂ©e, aux Palestiniens des territoiresoccupĂ©s s’ajoutent les Palestiniens citoyensisraĂ©liens, ceux des camps de rĂ©fugiĂ©ssituĂ©s au Liban, en Syrie et en Jordanie,et ceux de la diaspora.Peu de place dans ces quelques lignes pourĂ©voquer les cafĂ©s, les restaurants au cƓurde la rĂ©alitĂ© palestinienne et les plaisirs dela table. Ce voyage fait dĂ©couvrir l’hospi-talitĂ© et la dignitĂ© de ces habitants, et donnel’envie d’y revenir encore et encore.Si l’occasion vous en est donnĂ©e, courezvoir Antigone, par le ThĂ©Ăątre national dePalestine, en tournĂ©e en France actuelle-ment. Vous comprendrez que la cause pales-tinienne n’est pas une cause humanitaire : lesPalestiniens ne rĂ©clament pas l’aumĂŽnemais seulement le droit Ă  l’existence. ■

MARYLÈNE CAHOUET

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LOISIRSCULTURE

À SAVOIRLe territoire en Cisjordanie est divisĂ©en trois zones :‱ Zone A : 2 % sous contrĂŽle de l’au-toritĂ© palestinienne (les villes)‱ Zone B : 26 % sous contrĂŽle partielde l’autoritĂ© palestinienne (les villages)‱ Zone C : 72 % sous contrĂŽle israĂ©lien.Tout Juif a droit au retour sur sa terre(loi du retour, 1950).La loi sur la propriĂ©tĂ© des absents per-met Ă  IsraĂ«l de rĂ©cupĂ©rer les terres detout Palestinien absent (du fait parexemple du mur ou d’une expulsion).

À dĂ©faut d’abattre un mur, on peut le faire parler.

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UN ROMAN POUR L’ÉTÉ

Quand on est né du mauvais cÎté...

Ce rĂ©cit, Ă©crit en 1966, vient justede paraĂźtre en France. Le pro-logue donne le ton avec ladĂ©pression de 1929 qui « sĂ©vissaitdĂ©jĂ  depuis deux ans dans ce coinde l’Est de l’Oregon », avec desamants terribles qui se sĂ©parent,

meurent en laissant un enfant. Deux paumĂ©s : lui quis’embauche comme cow-boy au plus offrant :« peut-ĂȘtre avait-il peur de devenir l’un de ces adultesĂ  l’expression vide ». Elle, en rupture familiale vitchez les Indiens et travaille comme serveuse. Deuxvies fauchĂ©es : Harmon, 26 ans, Annemarie 24 ans.Et le roman raconte la vie de leur fils. DĂ©classĂ©, il n’arien et veut tout. Est-il possible d’envisager uneissue quand on est nĂ© du mauvais cĂŽtĂ© ? Romanlumineux – en dĂ©pit du titre – pour une humanitĂ© quirefuse sa dĂ©chĂ©ance annoncĂ©e et l’apitoiement.

MARYLÈNE CAHOUET

‱ Sale temps pour les braves, de Don Carpenter, traduit del’anglais par CĂ©line Leroy. Éditions Cambou

UNE AUTRE PROPOSITION

Les nouveaux esclavesL’éditeur prĂ©sente ce romancomme un roman noir et c’est bienle cas. Nous sommes dans uneentreprise, une plate-forme d’ap-pels. Soixante personnes sĂ©parĂ©espar des cloisons et le ronronne-ment des postes informatiques.« ChronomĂštre intĂ©grĂ© dans l’ordinateur, tout estretranscrit en direct au supĂ©rieur hiĂ©rarchique : lenombre d’appels par heure, le temps de rĂ©ponse, lenombre de ventes, le temps de retrait ». Et desrĂšgles qui changent toutes les semaines, la concur-rence entre salariĂ©s avec l’affichage des rĂ©sultats dechacun, les objectifs insensĂ©s, le flicage... Des mala-dies, des suicides, le narrateur est une femme,mĂ©decin du travail dans l’entreprise. « Écouter, aus-culter, vacciner, notifier, produire des statistiques.Mais aussi : soulager, rassurer. » Et trĂšs vite, elle sesent impuissante, fait des cauchemars, souffre d’an-goisse. Mais elle part aussi en guerre car « quand unsalariĂ© souffre ou meurt, assassinĂ© ou suicidĂ©, celaconcerne tout le monde, les collĂšgues, les familles,les journalistes, les salariĂ©s, la sociĂ©tĂ© tout entiĂšre ».Roman noir qui dĂ©crit un univers sombre et sanspitiĂ©, mais aussi thriller au suspens prenant. M. C.

‱ Les visages Ă©crasĂ©s, de Marin Ledun, Roman noir,Ă©ditions du Seuil

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LOISIRSCULTURE

>LOISIRS

CULTURE

ÉTÉ 2012 DANS LE LOT

Une histoire de théùtre

Celle qu’écrit depuis douzeans la ville de Champollionavec le thĂ©Ăątre et ses artistes. Ville d’artet d’histoire, grand site de Midi-PyrĂ©-nĂ©es, Figeac mĂ©rite aussi d’ĂȘtre connuepour son Festival de ThĂ©Ăątre, un des ren-dez-vous emblĂ©matiques qui participentau rayonnement culturel de la rĂ©gion. AprĂšs dix annĂ©es de complicitĂ© avec lesTrĂ©teaux de France de Marcel MarĂ©-chal, ce sont Michel Fau et OlivierDesbordes qui maintiennent la traditionavec enthousiasme et gĂ©nĂ©rositĂ©. Cette annĂ©e, cinq crĂ©ations sontproposĂ©es :‱ Les NumĂ©ros-cabaret, des textesd’Hanokh Levin mis en scĂšne parRichard Mitou ;‱ Lost in the Stars, de Kurt Weill, unfort rĂ©quisitoire contre l’Apartheid ;‱ L’homme de paille, un FeydeaudĂ©jantĂ© par Benjamin Moreau ;‱ Inventaires, une piĂšce de PhilippeMinyana quasi classique proposĂ©e parRobert Cantarella ;‱ et enfin, comme axe principal, l’hu-mour grinçant d’Henri de Montherlantavec Demain il fera jour, oĂč se mĂ©lan-gent mĂ©pris, peur et mort dans un

terrible rĂ©quisitoire entre LĂ©a Drucker,Michel Fau et LoĂŻc Mobihan. Autourde ce foisonnement crĂ©atif, des invitĂ©sviennent complĂ©ter l’aventure : BrunoSermonne qui lit Pierre Michon, PierreEtaix qui nous livre son Clown, JudithMagre sa Rose, Benjamin Lazar sonCyrano, Eric Perez son LĂ©o Ananar...et bien d’autres qui liront au coin desrues leur amour des textes et du thĂ©Ăątre. Du 18 juillet au 1er aoĂ»t, reprĂ©senta-tions, lectures publiques et gratuites,apĂ©ros dans les jardins, comĂ©diens auxterrasses seront autant de moments pri-vilĂ©giĂ©s de rencontres que les specta-teurs, les artistes, les comĂ©diens et lesmetteurs en scĂšne pourront partageren toute proximitĂ©. Pour un Ă©vĂ©nementfestif dont le but affichĂ© est de « diver-tir, dĂ©passer la rĂ©alitĂ© tout en parlantde la complexitĂ© de l’ñme humaine ». ■

JEAN-LOUIS VIGUIER

Informations/rĂ©servations au 05 65 3828 08, en ligne ou par le rĂ©seau Fnac, Car-refour, GĂ©ant, 0 892 683 622 (0,34 €/min),www.fnac.com. Tout le programme surwww.festivaltheatrefigeac.com

Figeac : place des Écritures, lieu d’échanges et de rencontres

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AU FIL DELA PRESSE

JACKY BRENGOU A LU POUR VOUS

AprĂšs le temps du muguet... le temps des cerisesLa campagne de la prĂ©sidentielle a donnĂ© lieu Ă  une avalanche de discours ; la droite s’est distinguĂ©e par des propos injurieux Ă  l’égard de certains et par la mise en cause des organisations syndicalesqui dĂ©fendent les principes qui fondent notre sociĂ©tĂ© : Ă©galitĂ©, solidaritĂ©, laĂŻcitĂ©, etc.

>Cliver encore, cliver toujoursSarkozy a voulu opposer les salariĂ©s« Provocation ? DĂ©voilement ? L’annonce par Nicolas Sarkozyd’un grand rassemblement autour du “vrai travail” le 1er mai, auChamp-de-Mars, Ă  Paris suscite une vive Ă©motion. (...) Tout estparti d’une phrase du candidat prĂ©sident au lendemain de sadĂ©faite du premier tour.Le 1er mai, nous allons organiser la FĂȘte du travail, mais la FĂȘtedu vrai travail, de ceux qui travaillent dur, qui souffrent et qui neveulent pas que, quand on ne travaille pas, on puisse gagner plusque quand on travaille. On dĂ©fendra, nous, le travail. Pas lestatut, le travail. »

25 avril 2012

1er Mai : jour « glorieux » des travailleurs, n’oublions pas !« Le 20 juin 1889, alors qu’on travaille 10 Ă  12 heures par jour,6 jours sur 7, le congrĂšs de la IIe Internationale socialiste (...) dĂ©cided’organiser une “grande manifestation Ă  date fixe de maniĂšre Ă  ceque, dans tous les pays et dans toutes les villes Ă  la fois, le mĂȘmejour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics endemeure de rĂ©duire lĂ©galement Ă  8 heures la journĂ©e de travail”.Le jour retenu le sera en mĂ©moire du mouvement ouvrier du1er mai 1886 Ă  Chicago, en faveur de la journĂ©e de 8 heures. »

26 avril / 2 mai 2012

À la derniĂšre seconde, les derniers coups bas du gouvernement FillonSarkozy voulait sauver sa TVA sociale « Nicolas Sarkozy a laissĂ© un cadeau empoisonnĂ© Ă  son succes-seur. Le dĂ©cret mettant en Ɠuvre une TVA dite “sociale” le1/10/2012 a Ă©tĂ© publiĂ© in extremis le 6 mai au Journal officiel.Cette mesure (...) allĂšge les cotisations patronales finançant lapolitique familiale, au prĂ©texte de favoriser la compĂ©titivitĂ©des entreprises et de rĂ©former le financement du systĂšme deprotection sociale. Elle conduit en rĂ©alitĂ© Ă  augmenter la TVAde 19,6 % Ă  21,2 % et Ă  transfĂ©rer les cotisations des entreprisesvers les mĂ©nages. »Le nouveau PrĂ©sident, François Hollande, a promis d’abroger ledĂ©cret.

10 mai 2012

La dĂ©pendance des personnes ĂągĂ©es est le « dĂ©fimajeur de nos sociĂ©tĂ©s » selon MichĂšle Delaunay, ministredĂ©lĂ©guĂ©e chargĂ©e des Personnes ĂągĂ©es et de la DĂ©pendance. « Lebon Ă©tat de santĂ© que beaucoup de gens connaissent vers 60 ansconduit Ă  la question du report de l’ñge de la retraite. Certainssouhaiteraient mĂȘme le fixer Ă  75 ans, arguant du lien entre espĂ©-rance de vie et maintien en activitĂ©. Certes, les Ă©tudes montrent quele travail conserve, mais soyons prĂ©cis : le travail conserve... ceuxqu’il n’a pas tuĂ©s ! Il y a environ dix ans d’écart d’espĂ©rance de vieentre un ouvrier et un professeur de facultĂ©. Et que notre Ă©mer-veillement face Ă  l’évolution de l’espĂ©rance de vie ne nous cachepas la rĂ©alitĂ© : environ 35 % des Français meurent avant 75 ans.Parmi ces 35 %, on s’en doute, beaucoup plus d’ouvriers qued’avocats, d’aides-soignants que de psychanalystes. Alors, mĂ©fions-nous des discours qui demandent aux premiers d’avoir le mĂȘmerapport au travail que les seconds... »

JĂ©rĂŽme Pelissier, Le temps ne fait rien Ă  l’affaire, Ă©ditions de l’Aube

Et pour certains, on achĂšve bien les chevaux !« Dans une Ă©tude rĂ©cente, le FMI s’alarme du coĂ»t de l’allongementde l’espĂ©rance de vie, laquelle semble avoir Ă©tĂ© sous-estimĂ©ejusqu’ici de trois ans au moins. (...) Ce qu’il nomme opportunĂ©mentce “risque de longĂ©vitĂ©â€ menace d’ores et dĂ©jĂ , selon lui, de saperla viabilitĂ© des finances publiques, confrontĂ©es par ailleurs auxpoids de la crise et de la dette (...) au regard des recommandationsformulĂ©es : lier l’ouverture des droits Ă  la retraite aux Ă©volutionsrĂ©elles de la longĂ©vitĂ© (ce qui ferait au moins 67 ans pour nous),augmenter fortement les cotisations, diminuer les prestations. (...)Mais allons plus loin. Les vieux vivant de plus en plus longtemps etcoĂ»tant de plus en plus cher, les actifs finiront par ne plus travaillerque pour eux en espĂ©rant bĂ©nĂ©ficier plus tard du fruit de leursefforts. Cela reviendra Ă  sacrifier sa vie pour sa survie, et sajeunesse pour sa vieillesse. (...) Mieux vaut mourir plus tĂŽt. »

Billet de Favilla 24 avril 2012

Amour : la perte d’autonomie, Palme d’or Ă  Cannes « Amour Ă©voque la vieillesse d’un couple. L’histoire d’un mari amou-reux et attentionnĂ© accompagnant son Ă©pouse qui s’en va vers la mort(...). Le film a sĂ©duit par la pudeur, la force du propos et l’inter-prĂ©tation de ce vieux couple aimant en fin de parcours (...). Momentd’émotion encore quand Jean-Louis Trintignant a, en un sourire, citĂ©PrĂ©vert : “et si on essayait d’ĂȘtre heureux, ne serait-ce que pourdonner l’exemple”. » Agevillage, 30 mai 2012

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L’UniversitĂ© Syndicaliste, suppl. au no 721 du 2 juin 2012, hebdomadaire du Syndicat national des enseignements de second degrĂ© (FSU) – 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13NumĂ©ro coordonnĂ© par J.-P. Billot et J.-L. Viguier – Directeur de la publication : Roland Hubert ([email protected]) – Compogravure : C.A.G., Paris – Imprimerie : S.I.P.E. (91) – No CP : 0113 S 06386 – ISSN no 0751-5839

PORTRAIT

> UN CINÉASTE ENGAGÉ

Le petit blanc à la caméra rougeProfondément pacifiste, René Vautier a toujours considéré sa caméra comme sa seule arme, une arme qui ne tue pas. Le fil rouge de sa production cinématographique, ce sont des films militants qui englobent tous les engagements progressistes de la seconde moitié du XXe siÚcle.

Né le 15 janvier 1928, René Vautier est réalisateur et

scénariste. De famille ouvriÚre, il mÚne sa premiÚre activité

militante en 1943 dans la RĂ©sistance, ce qui lui vaut plusieurs

dĂ©corations. En 1948, il est diplĂŽmĂ© de l’Institut des hautes

études cinématographiques (IDHEC), section réalisation.

En 1950, il réalise son premier film, Afrique 50, commande de

la Ligue de l’Enseignement, destinĂ© Ă  mettre en Ɠuvre la

mission Ă©ducative de la France dans ses colonies. Sur place, il

dĂ©cide de tĂ©moigner de ce qu’il voit et tourne le dos Ă  la

commande. Le film sera interdit pendant plus de 40 ans. Ce sera

le premier film anticolonialiste français qui lui vaudra treize

inculpations et la prison militaire d’abord à Saint-Maixent,

puis à Niederlahnstein en zone française d’occupation en

Allemagne. Il sort en 1952. Engagé en Afrique sur plusieurs

tournages, il rejoint l’AlgĂ©rie clandestinement par les maquis

et participe à la lutte aux cÎtés du FLN. Il filme les soldats de

l’ALN dans les Aurùs-Nementchas. Les luttes intestines le

conduisent en prison sur le sol tunisien oĂč il est torturĂ©. Dans

une lettre à sa mÚre il écrit : « Il faut dire aux gosses que la

RĂ©volution algĂ©rienne [...] ça doit ĂȘtre ceux qui ont Ă©tĂ© aux cĂŽtĂ©s

de leur pÚre au djebel algérien ; ceux qui ont été à ses cÎtés

dans la prison, ceux qui l’ont aidĂ© Ă  vivre, par leur amitiĂ© ».

À l’indĂ©pendance, il s’installe Ă  Alger oĂč il est nommĂ© directeur

du Centre audiovisuel d’Alger et produit notamment Un peuple

en marche (1963). De retour en France en 1966, il fonde en

1970 l’UnitĂ© de production cinĂ©ma Bretagne.

Comme Jean-Luc Godard, il participe à l’aventure des Groupes

Medvekine en 1968 (collectifs cinéastes-ouvriers).

Pour réaliser Avoir 20 ans dans les AurÚs qui relate un épisode

de la guerre, René Vautier connaßt les pires difficultés. Ce

n’est qu’en 1971 qu’il a pu le mener à bien et, aprùs une grùve

de la faim, le film remporte Ă  Cannes le prix de la critique

internationale. Il vit aujourd’hui en Bretagne et prĂ©pare un film

sur la censure. ■

MARYLÈNE CAHOUET

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Titres extraits d’une abondante filmographie‱ 1969 : Classe en lutte un classique sur les luttes sociales ‱ 1950 : Afrique 50‱ 1954 : Une nation : l’AlgĂ©rie sur la lutte anticoloniale‱ 1965 : Le glas conte le racisme et contre l’apartheid en Afrique du sud‱ 1985 : À propos de... Autre dĂ©tail sur la torture en AlgĂ©rie

et contre l’extrĂȘme droite‱ 1995 : Hirochirac contre la pollution ‱ 1977 : Quand les femmes ont pris la colĂšre sur le fĂ©minismeLa liste n’est pas exhaustive... mais pour terminer une autobiographie ‱ CamĂ©ra citoyenne, mĂ©moires de RenĂ© VautierEt une biographie filmĂ©e‱ Le petit blanc Ă  la camĂ©ra rouge, film de R. Hamon (2009)

René Vautier

QUEL

QUES

TIT

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CINÉASTE