franÇois frideric danville....livreseptieme. compagnon, & celapremièrefois puis,...

13
FRANÇOIS REBEZIES. & fonniers, craignans la cruauté de ces iuges, prefenterent caufes de recufa- tions contr'eux , demandans autres CommilTaires. Cela retarda quelque peu les procédures ; toutcsfois le Roi en eftant auerti par fon foliciteur en celle eau le , par lettres patentes don- nées à S. Germain en Laye , du 7. iour d'Odobre, commanda lefdites re- cufations eftre mifes à néant, qu'on palTart outre à la procédure des pro- cès, tous autres procès & afaires cef- fantes & poflpofees , fur peine de nullité de iugemens. Que les Prefi- dens eulTent la charge de choifir tels Confeillers que bon leur fembleroit, pour fuppleer au défaut des autres qui feroyent abfens. Et puis qu'il y auoit certain empefchement qui met- toit hors de conoilTance de caufe le lieutenant , & lui olloit Tinllrudion des procès , qu'ils choifilTent de la Cour ou du Challelet inllrudeurs tels qu'ils voudroyent. Que fon foliciteur fuft receu Subllitut du procureur du Roi, pour faire la pourfuite (i). Que les dogmatifans pertinax facramentai- res fuirent iugez ; toutesfois qu'on ne palTall point à l'exécution d'iceux auant que l'en auertir. Ces lettres allumèrent encores le feu de plus fort, auec ce -que les iuges eftoyent bien indignez d'auoir efté reprochez. Toutesfois vn ieune homme Alemand, Albert Hartung , natif du pays de Brandebourg, & filleul de feu Albert, Marquis de Brandebourg , qui auoit eilé prins en celle alTemblee, fut deli- uré par le commandement du Roi , qui en auoit efté importuné par priè- res des Alemans. François Rebezies , d'AftalTort en Condomnois ; & Frideric Dan- ville , d'Oleron en Bearn (2). En voici deux de Li troupe Jidclc , in- (1) Théodore de Bèze, qui copie, et par- fois résume le texte de Chandieu et de Crespin. ajoute ici: « Le procureur j^énéral nommé Brulart, ellant mort en ce temps, grand adverlaire de ceux de la relii,Mon, combien qu on ait entendu que lors de sa mort il tint ces propos, qu il craignoit qu'on fift tort à ces pauvres gens. » (2) Crespin, 1564, 881; 1570, 4^5 1582, f" 436; 1507, 4-^4: 1608, fo 454; 1019, 475 . La Roche-Chandieu , Hist. des pcrscc, p. 107. Crespin, dans Tédit. de HO4, FRIDERIC DANVILLE. 57I fcricurs en quelques qualile\ cxle- m.d.lvui. rieures aux l?recedens , mais pareils en foi & confiance. Ils ont ejîé aj- faiflis de diiiers mon/très ennemis, aufquets ils ont raillâmment re/ijlé. Sâlan mefme les a pcn fi^ cribler , & furtoul Rehe:{ies ; mais ils l'ont tous 'deux repouJJJ en la pcrtu de l'Efti'it de Dieu , voire ejlans fur le bois prejh à ejlre ars & brujle\ (i). Svr deux ieunes hommes tomba En la perfecu- depuis la rage des ennemis : l'vn ef- ./'j". toit aagé de xix. à xx. ans , natif "^"^ \^^r\s. d'Allafifort en Condomnois (2), nommé François Rebezies ; l'autre n'ellant guère plus aagé , natif de la ville d'Oleron en Bearn , Frideric Dan- uille : tous deux efcholiers eftudians à Paris. Combien vaillainment ils fe font portez en celle ieuneffe , foulle- nans la querelle de nollre Seigneur Jefus Chrill ; quelle confeffion ils ont faite, quelles difputes il ont eues auec les Codeurs de Sorbonne ; leurs lettres qui ont ellé receuës de leurs mains en feront tefmoignage à tout le monde. Car ayans plus de moyens que les premiers, ils les ont fait feruir pour mettre par efcrit ce que Dieu leur donnoit à conoillre deuoir élire au profit de fon Eglife defolee. Lettres de Frideric Danuille {]) à un fien ami , par le [quelles il expofe les 'allauts & combats quil a fouftenus contre les aduerfaires , & fpeciale- ment Moines & Sorbonnijhs. Frère t't ami, voyant la fin de mes iours approcher, iS: que la commodité de vous efcrire m'ell offerte , ie n'ai voulu faillir de vous efcrire , pour vous faire participant des interrogations qui mont ellé faites, tant au petit Challelet qu'au Palais, par les enne- mis de Dieu , tSf fingulierement de celles qui m'ont ellé faites par les Sorbonnifies, comme vn nommé Bene- dicli lacopin (4), vn S-^rbonnific f<^n a fait des coupures asM./ ^-laïuic^ au u\ic de Chandieu Mais, dans les dernières édi- tions . le texte primitif a été rétabli à peu près intégralement. (1) Ce sommaire n'est pas de Chandieu, dont le récit est continu et sans divisions de chapitres. (2) Astafford 1 Lot-et-Garonne). (î) Le reste de ce sommaire est de Crespin. (4) Chandieu : <> Bénédictinus.

Upload: others

Post on 16-Feb-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • FRANÇOIS REBEZIES. &fonniers, craignans la cruauté de cesiuges, prefenterent caufes de recufa-tions contr'eux , demandans autresCommilTaires. Cela retarda quelquepeu les procédures ; toutcsfois le Roien eftant auerti par fon foliciteur encelle eau le

    ,par lettres patentes don-

    nées à S. Germain en Laye , du 7.iour d'Odobre, commanda lefdites re-cufations eftre mifes à néant, qu'onpalTart outre à la procédure des pro-cès, tous autres procès & afaires cef-fantes & poflpofees , fur peine denullité de iugemens. Que les Prefi-dens eulTent la charge de choifir telsConfeillers que bon leur fembleroit,pour fuppleer au défaut des autresqui feroyent abfens. Et puis qu'il yauoit certain empefchement qui met-toit hors de conoilTance de caufe lelieutenant , & lui olloit Tinllrudiondes procès

    ,qu'ils choifilTent de la

    Cour ou du Challelet inllrudeurs telsqu'ils voudroyent. Que fon foliciteurfuft receu Subllitut du procureur duRoi, pour faire la pourfuite (i). Queles dogmatifans pertinax facramentai-res fuirent iugez ; toutesfois qu'on nepalTall point à l'exécution d'iceuxauant que l'en auertir. Ces lettresallumèrent encores le feu de plusfort, auec ce -que les iuges eftoyentbien indignez d'auoir efté reprochez.Toutesfois vn ieune homme Alemand,Albert Hartung , natif du pays deBrandebourg, & filleul de feu Albert,Marquis de Brandebourg

    ,qui auoit

    eilé prins en celle alTemblee, fut deli-uré par le commandement du Roi

    ,

    qui en auoit efté importuné par priè-res des Alemans.

    François Rebezies , d'AftalTort enCondomnois ; & Frideric Dan-ville , d'Oleron en Bearn (2).

    En voici deux de Li troupe Jidclc , in-

    (1) Théodore de Bèze, qui copie, et par-fois résume le texte de Chandieu et deCrespin. ajoute ici: « Le procureur j^énéralnommé Brulart, ellant mort en ce temps,grand adverlaire de ceux de la relii,Mon,combien qu on ait entendu que lors de samort il tint ces propos, qu il craignoit qu'onfift tort à ces pauvres gens. »

    (2) Crespin, 1564, f° 881; 1570, f° 4^51582, f" 436; 1507, 4-^4: 1608, fo 454;1019, f° 475 . La Roche-Chandieu , Hist. despcrscc, p. 107. Crespin, dans Tédit. de HO4,

    FRIDERIC DANVILLE. 57I

    fcricurs en quelques qualile\ cxle- m.d.lvui.

    rieures aux l?recedens , mais pareilsen foi & confiance. Ils ont ejîé aj-faiflis de diiiers mon/très ennemis,

    aufquets ils ont raillâmment re/ijlé.Sâlan mefme les a pcn fi^ cribler , &furtoul Rehe:{ies ; mais ils l'ont tous'deux repouJJJ en la pcrtu de l'Efti'itde Dieu , voire ejlans fur le boisprejh à ejlre ars & brujle\ (i).

    Svr deux ieunes hommes tomba En la perfecu-depuis la rage des ennemis : l'vn ef- ./'j".toit aagé de xix. à xx. ans , natif "^"^ \^^r\s.

    d'Allafifort en Condomnois (2), nomméFrançois Rebezies ; l'autre n'ellantguère plus aagé , natif de la villed'Oleron en Bearn , Frideric Dan-uille : tous deux efcholiers eftudiansà Paris. Combien vaillainment ils fefont portez en celle ieuneffe , foulle-nans la querelle de nollre SeigneurJefus Chrill ; quelle confeffion ils ontfaite, quelles difputes il ont euesauec les Codeurs de Sorbonne ; leurslettres qui ont ellé receuës de leursmains en feront tefmoignage à tout lemonde. Car ayans plus de moyensque les premiers, ils les ont fait feruirpour mettre par efcrit ce que Dieuleur donnoit à conoillre deuoir élireau profit de fon Eglife defolee.

    Lettres de Frideric Danuille {]) à unfien ami , par le [quelles il expofe les'allauts & combats quil a fouftenuscontre les aduerfaires , & fpeciale-ment Moines & Sorbonnijhs.

    Frère t't ami, voyant la fin de mesiours approcher, iS: que la commoditéde vous efcrire m'ell offerte , ie n'aivoulu faillir de vous efcrire , pour vousfaire participant des interrogationsqui mont ellé faites, tant au petitChallelet qu'au Palais, par les enne-mis de Dieu , tSf fingulierement decelles qui m'ont ellé faites par lesSorbonnifies, comme vn nommé Bene-dicli lacopin (4), vn S-^rbonnific f

  • LIVRE SEPTIEME.

    compagnon , & ce la première fois ;puis

    , pour la féconde fois , par lecompagnon de Benediéli & deux au-tres Sorbonniftes, Les premières fu-rent au Chaftelet , & faites par vnhomme duquel i'auoi conceu autreopinion que le faiél& l'examen mefmene le monftra. Icelui eftoit le Lieute-nant criminel, lequel, après auoir ouique ie ne confelToi rien de la Cene

    ,

    à laquelle auoi communiqué, me vintmettre en auant ce palTage de JefusChrift : Que quiconque le nieroit de-uant les hommes , il le nieroit deuantDieu fon Pere, Duquel paffage il envfa auffi bien que faifoit Satan quandil tenta Jefus Chrift. Ayant doncamené ce pafTage, il m'interrogua queie fentoi du Sacrement de l'autel. Jelui refpondi (ainfi que le Sainét Efpritme pouffoit)- : Que fi ie croioi queJefus Chrift fuft entre les mains duPreftre

    ,après auoir dit les paroles

    facramentales (i'vfe de leurs termes)

    ,

    que ie croiroi chofe contraire au con-tenu du Symbole des Apoftres : Qu'ileft affis à la dextre de Dieu fonPere ; et au contraire de ce qui eftefcrit au premier des Ades

    ,quand

    Jefus Chrift monta au ciel, lequel ef-tant feparé du regard des Apoftres

    ,

    aparurent à iceux deux Anges veftusde blanc

    ,lefquels dirent ainfi aux

    Apoftres : « O hommes Galileens,qu'eft-ce que vous regardez? » &c.Puis m'interrogua de l'inuocation desSainds. le di ne reconoiftre autre in-uocation que celle qui fe fait à Dieupar Jefus Chrift, ainfi qu'il eft efcritau 2. de la i. S. Jean : « Si nousauons péché , nous auons vn Auo-cat , » orc. Finalement fus interroguédu Purgatoire. Je refpondi que ie necroyoi autre Purgatoire que le fangde lefus Chrift. fuiuant ce qui eft diten la I. de S. Jean, chap. i. Que Je-fus Chrift nous nettoyé de tous pé-chez. Quand telles interrogations mefurent faites, trefcher frère, c'eftoit le

    quatriefme de noftre emprifonnement,8. de Septembre, depuis lequel tempsdemeurai, iufques à la fin dudit mois,dans vn cachot

    ,accompagné de mes

    frères. Le premier d'Oélobre , nousfufmes amenez au Palais , aucc cinqou fix autres, François Rebezies Con-domnois, & moi

    ,ayans tous fait con-

    feffion de foi, trouffez tout ainfi qu'ef-toi le iour de la prife

    ,quand paft'ai

    par deuant voftre logis. Nous fufmeslà interroguez de Meffieurs les Pre-

    fidens, moi & François Rebezies, leXI. d'Oétobre

    ;depuis lequel iour ils

    nous ont tellement marquez,

    qu'àprefent l'vn ne fçauroit eftre appeléqu'incontinent l'autre ne le foit auffi.Parquoi auons ceft efpoir en Dieu

    ,

    qu'à la mort ne ferons point feparez,

    laquelle n'attendons que d'heure àheure. Neantmoins noftre Dieu, con-tre efpoir, nous a amenez iufques ici,après auoir efté interrogué defditsPrefidens, defquels les interrogationsenuers moi ont efté telles : Si ie necroioi pas à la Mefl'e, laquelle de filong temps eftoit en lumière & auoitefté chantée de fi fainéls perfonnagesque les Apoftres. Laquelle chofe vinsà nier, & au contraire dire

    ,que la

    caufe pourquoi ie n'y croyoi , c'eftoitqu'il n'en eftoit fait mémoire ni auvieil ni au nouueau Teftament, & quece n'eftoit qu'vn renoncement de laCene de lefus Chrift. Defquels pro-pos furent moult efbahis , tellementqu'à chacun mot ils me difoyent queie penfafl'e à ma confcience. Puis mefut demandé fi i'auoi communiqué àcefte Cene. Refpondi qu'oui. Me futdemandé fi ie l'aprouuoi. le di qu'oui.Combien il y auoit que i'eftoi en cefteopinion. R. Enuiron 2. ans. D. Com-bien il y auoit que ie n'auoi affifté àla Cene. R. Deux ans, horfmis cefoir que ie fu pris. D. Pourquoicela? R. Pource que i'euft'e fait celacontre ma confcience, veu qu'elle ef-toit mal adminiftree en la Papauté.D. Si ie ne croioi pas que le pain foitle corps de lefus Chrift , & le vin lefang; & fi ie ne le mangeoi pas.R, Que m'eftans adminiftrez le pain& le vin du Miniftre, appelé à tel mi-niftere légitimement

    ,après auoir an-

    noncé la parole de Dieu , que rece-uant de lui le pain & le vin , ie croioireceuoir le corps & le fang de JefusChrift fpirituellement & par viue foi.

    Le 12. dudit mois, ie fus amenédeuant Benedidin lacopin & fon com-pagnon Sorbonnifte , dit Noftre maif-tre. Defquels les aftauts & depraua-tions des paft'ages combien furentgrandes, il me feroit quafi impoffibled'efcrire. Toutesfois vous en aurezce qu'en ai peu retenir. Car ia pou-uez eftimer qu'eftant deuant tellesgens , il ne peut eftre qu'on ne foitquelquefois troublé. D'iceux donc lespremiers aft'auts furent tels , aft'auoirquelle Eglife i'eftimoi eftre vraye , oucelle des Proteftans , ou celle de Pa-

  • FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE. 575ris. R. Que ie ne conoidoi autreEglife élire dite vraye que celle enlaquelle l'Euangile elloit annoncé pu-rement (incerement, les S. Sa-cremens adminillrez, ainfi qu'ils nousont elle lailTez de Jefus Chrill & defes Apollres. A quoi me dirent li iereconoilToi pour telle celle de Ge-neue. R. Qu'oui. D. Et fi ie vousmonllre le contraire (dit Bened.), mecroirez-vous r R. Qu'oui parauenture,& mefmement s'il me le monllroitpar l'Efcriture. D. Si ie croioi à S.Auguflin, & vne autre infinité deSainds. R. Qu'oui, pourueu qu'ils nedifent rien contraire à l'Efcriture.Apres lefquels propos me vint argu-menter ainfi , amenant Fauthorité deS. Augullin : Ibi ejf vcra Ecckfia

    ,

    vhi cjî [cries & fiiccefjîo F^'fcoporum.Atqui in Ecclcjja Parificnji cJî talisferics & Jucccj'jio Epijcoporum'. Ero^o.C'ell à dire : Là efi l Eglife où ya perpétuelle fucceffion d'Euefques.Or, en T Eglife de Paris, y a tellefucceffion d'Euefques. Ergo, » & cequi s'enfuit. Auquel argument ne ref-pondi autre chofe , finon qu'à Geneuei'ellimoi auoir plus vraye fucceffionqu'en l'eglife de Paris. Raifon

    ,qu'en

    celle de Geneue le pur Euangile deDieu elloit annoncé, (ît les Sacremensvrayement adminiftrez. A quoi ref-pondirent que Caluin s'elloit de foi-mefme ingéré à tel minifiere , ou qu'iln'efloit qu'efleu du peuple. R. Quec'elloit pluftoft diuinement, veu qu'ainfielloit de par lui annoncé l'Euangile,& de là ne fut à eux poffible m'arra-cher.De ce poind vmfmes à la confef-

    fion auriculaire,

    laquelle ils ne mepeurent perfuader, combien qu'ils mevinfient alléguer le palîage de S. lean :

    ku 20. chap. « Comme le Pere m'a enuoyé, auffivous enuoye-ie, » et « tout ce que vousaurez lié, » &c. R. Que chacun vraye-ment fe deuoit confelîer pécheur ,& que lors ie Minillre, par la vertude la parole , leur pouuoit annoncerremiffion des péchez. Ils me refpondi-rent feulement que c'elloit autre chofede feconfefi'er pécheur, autre chofeconfelTer fes péchez. R. Qu'en cepalTage elloit parlé généralement ,quand il dit : « Tout ce que vous lie-rez , &c. w Pour le troifiefme article ,ils m'interroguerent de la Cene. R.Que ie ne croioi point manger lecorps de Jefus Chrift ainfi qu'eux ledonnent à entendre au peuple : mais

    que la Cene m'eftant adminillree m.o.lvm.(comme i'ai défia dit) ie penfoi &croioi fermement manger le ctjrps deChrill, boire Ibn fang, fpirituelle-ment ^ par viue foi. De laquellerefponfe furent mal contens.

    Apres auoir ellé defpefché de cesdeux, Benedid. & fon compagnon, iefu derechef amené, le 19. dudit mois,deuant D. (i) deux autres Sorbon-nilles, pour me penfer faire croire àleur MelTe. Mais fi ceux de deuantfurent par moi reiettez fur celle M elfe,ceux-ci n'en eurent pas moins. Par-quoi ie n'en parlerai point d'auantage.De là nous vinfmes à la Cene. leleur refpondi comme aux autres, &ce fut au grand regret de D. , lequelpour applaudir aux autres, m'elloit (fivoulez) plus contraire , comme vousverrez puis après. Et, fur ce poind dela Cene, ledit D. tira vn papier defon fein, où il difoit élire contenu lafoi d'vn, qu'il difoit venir de Geneue :Qu'en receuant le pain c't le vin , ilreceuoit le corps ét le fang de Chrillrealement & de fait. Là delfus lesdeux autres me demandèrent fi ien'acceptoi pas telle confeffion. R.Que ie n'en vouloi tenir d'autre quecelle que i'auoi faite, fâchant bienqu'ils prenoyent ce mot (realement)pour vne prefence charnelle, non pascomme nous qui l'oppofons à l'imagi-nation vaine. Lors s'efleua D. & ditqu'il s'efmcrueilloit de nous

    ,qui ne Le mot

    voulions dire realement, mais toufiours realement :

    Spirituellement, & que Caluin mefme ambigu,difoit realement. R. Que Caluin nel'entendoit pas comme ils l'enten-doyent.Novs vinfmes à la confeffion auri-

    culaire; ie leur en dis autant qu'auxautres. Ce qui defplaifoit à D. , cSrpour reiedion de mon dire , ne peutrépliquer autre chofe, finon que l'Al-lemagne efcriuit au roi François pourprobation de telle confeffion : Confef- Confcfiion au-Jionem auricuLircm non iniprcbamus. ricuiaireEjl enini ciuviï^eliuni jccrclum

    , c'eA- "^.^ " fec^re?"'à-dire : Nous ne reiettons point la ^

    ^

    confeffion auriculaire, car c'ell vnEuangile fecret priué. Et me ditque Melandhon, en fes lieux communs,l'appeloit Euan^cliuni fccrctiini, c'eftEuangile fecret ou priué. Nous fau-tafmes de ce point au purgatoire; iedi que n'en reconoiffoi d'autre que le

    (1) Il s'agit peut-être de De Monchi (Dé-mocharès) mentionné plus loin.

  • 574 LIVRE SEPTIEME.

    fang de Jefus Chrift. D. Dit qu'il meprouueroit y en auoir d'autres. Jerefpondi que quand il entreprendraitde le faire, il feroit contre fa con-fcience. Eftant irrité de cela, il pour-fuyuit, difant que l'Aumofne en lafainéte Efcriture eftoit dite remettreles péchez, & l'oraifon auffi. R. Quece purgement, adioint au vrai, qui eflle fang de Chrift , a fa vertu commecaufe féconde. Eux répliquèrent auffique leur feu de purgatoire , eftantioint au fang de Chrift, auoit plusgrande force. Je di qu'il n'en eftoitpoint parlé en la fainéle Efcriture.De là nous tombafmes fur la véné-

    ration des Sainéls. R. Qu'il les faloitvénérer en ce qu'ils auoyent bienvefcu; mais toutesfois tellement quel'honneur de Dieu n'y fuft pomt foulé.D. S'ils prioyent pour nous. R.Qu'ils fouhaittoyent bien que nousparuenions à cefte béatitude à laquelleils font paruenus. D. S'il ne les fautpoint prier. R. Nenni. Puis me par-lèrent des feftes. R. Que ie n'en re-conoift'oi que le Sabbat. Vrai eft quece malheureux Satan D. gaigna tantfur moi , me voulant aider

    ,qu'il me

    fit aduouër d'autres feftes, fi Dieu yeftoit honoré. Apres il fut parlé desmiracles des Sainds viuans. R. Qu'ilsne les faifoyent pas de leur authorité& puifl'ance, ainfi qu'il aparoiiï'oit par vnpafl'age des Ades, que i'alleguai, quandles Apoftres firent cheminer le boiteux.

    Le vingtiefme iour dudit mois, iefu. derechef appelé deuant Meffieurs,où plus attendoi l'heure de la mortque le retour au cachot ; toutefois ilsne me firent que me demander , veuque i'eftoi d'Oleron, fi ie n'auoi point

    * Il entend oui maiftre * Girard (i). R. Qu'oui. D.M. Girard Ruffi Veu que lui chantoit la Meft'e, pour-

    Euefque.^^^j l^ receuez-vous ? R. Il le fai-foit pour retenir fon Euefché. Voila,frère, ce que i'ai voulu efcrire pourtefmoignage de ma foi , & vous faireentendre comment on traitte les pou-res enfans de Dieu quand on les tienten prifon. La faute de papier m'em-pefche de paft'er plus outre. A Dieu.

    Lettre de François Rebe:{ies (2) con-

    (1) Gérard Roussel , évôque d'Oléron etchapelain de Marguerite de Navarre, fut leréformateur du Béarn. Voy. Ch. Schmidt,Gérard Roussel, prédicateur . de la reine deNamrrc, Strasbourg, 1845.

    (2) Ce qui suit du sommaire est de Crespin.

    tenant le difcours de la procéduretenue contre eux.

    Messievrs, il vous plaira receuoirde bon zele la confeffion de voftrefrère en lefus Chrift , feruiteur duSeigneur, nommé François Rebezies,d'Aftafort en Condomnoîs de Gaf-congne, fils de Remond Rebezies.

    Le 5. iour de Septembre, ie fu menéde deuant la maifon de monfieur Gra-uelle au petit Chaftelet, prifonnierpour la querelle du Seigneur; & lefoir, enuiron deux heures après midi,fu mené de la baft'e folfe du Chaftelet,pour eftre oui de quelque Confeiller,accompagné d'vn Greffier. Sa pre-mière interrogation fut fi i'eftoi Chref-tien. R. Qu'oui, & au nom de Chrifteftoi baptifé, & le vouloi enfuiure.D. Si i'auoi fait mes Pafques. R.Que non pas à leur manière. D. Sii'eftoi allé à confefl'e. R. Que non. D.Que ie tenoi de la MeÎTe. R. Quetotalement ie tenoi cela pour vnechofe diabolique. D. Si ie prioi lavierge Marie & les Sainds. R. Queie prioi Dieu feul, au nom de fon Filslefus Chrift. D. Si ie croioi point vnPurgatoire. R. Qu'oui , aft'auoir lefang de Jefus Chrift. Voila ce queAmplement refpondi audit Confeiller,car il n'auoit loifir d'eftre plus Ion-temps après moi, pource qu'il en de-uoit ouyi' d'autres. Mon dire fut mispar efcrit, & commanda que ie fuft'emis en la plus baft'e foft'e , & qu'il meferoit bien dire la vérité des autreschofes. le lui refpondi tout de primeface que ie ne conoilToi perfonne deladite maifon, ne mefme les Miniftres.Sur quoi il infifta fort

    ,promettant fi

    l'en vouloi dire la vérité, qu'il me fe-roit grâce. R. Que ce m'eftoit afl'ezque iuftice me fuft faite. Le vu. iourdudit mois fu prefenté deuant le Lieu-tenant ciuil. Il me demanda fi ie metenoi pas auec Monfieur N. Surueil-lant de l'aff'emblee, & diftributeur desmailles, parlant ainfi. De premierfront ie fus eftonné & di que n'enten-doi dequoi il me parloit. « Vrai eft,monfieur, que ie me tenoi auec lui, &fa vocation n'eftoit pas telle que vousdites , ains eftoit efcholier. » D. Sii'auoi prins du pain & du vin en cefteaft'emblee, & fi ie n'auoi pas des mail-les pour entrer. R. Que non. « Ha, lefin pendard (dit-il) vous faites del'ignorant ? & c'eftiez vous-mefme quiauiez la charge de les diftribuer. Ve-

  • FRANÇOIS REBEZIES iSt FRIDERIC DANVU LR.

    ncz-ça, leuez la main, direz-vous vé-rité r » R. a Oui. » D. (( Conoillrez-vous vn homme qui tout à prefentvous fera prelenté ? » R. « Peut bieneftre, Monlîeur. » D. Si i'accorde-roi à Ton dire. » R. « Oui

    , pourueuque fon dire foit réciproque au mien. »Incontinent me fut prefenté vn efcho-lier d'Agenois. « Le voici (dit le Lieu-tenant) le conoilTez-vous ? » R. Qu'oui,& qu'eftions tous d\n pays. Apres, leLieutenant, parlant à lui , dit : u Ve-nez ça, eft-ce pas lui qui a dirtribuéles mailles, & prins du pain & du vinen ralfemblee ? » U refpondit que*non. le ne fçai s'il le nia pour crainteou honte d'eftre trouué menteur. « O !(dit le Lieutenant) il ne s'enfuit pas,fi vous ne lui auez veu prendre dupain, qu'il n'en ait prins. Refpondez-moi , Rebezies (dit-il) eftiez-vous pasferuiteur de Monfieur D. & de celuiqui eftoit Surueillant ? » R. Qu'oui. D.u Or puis que vous eftiez fon ferui-teur, vous deuez fauoir où il fut toutce foir, & s'il eftoit Surueillant. » R.« Et moi, iMonfieur, ie vous refponà l'oppofite, que puis qu'il efloit monmaiftre , ^ moi fon feruiteur , il n'a-uoit que faire de me dire où il alloit. »D. « Si i'auoueroi point des liures quiauoyent ellé trouuez en noflre cham-bre. » R. « l'auouerai bien quelquesœuures de Ciceron, & ne penfe auoirautre liure, n'eftoit vn nouveau Tefta-ment. » Le Lieutenant : « O I nousne parlons point ici d'œuures de Ci-ceron; nous fommes à prefent tousThéologiens. O bien (dit-il) qu'on leremene, ie lui ferai bien dire la véritéauant qu'il efchappe de mes mains. »

    Ie fu mené en vn cachot, où ien'auoi aucun air. ikyïu enuirondix-feptiours. Apres fu amené deuant le Pro-cureur du Roy, homme alTez humain,& me demanda d'où i'eftoi & qui ef-toyent mes parens. De lui ie fu dere-chef prefenté au Lieutenant ciuil

    ,

    mais il me renuoya incontinent , di-fant : Que i'eftoi celui qui auoi dit enma depûfition première que c'elloit leFils de Dieu qui m'auoit aprins cellebelle dodrine

    ,par fon Saind Efprit.

    R. Qu'il ertoit ainfi. Il refpondit enfe moquant : a Voi , la belle dodrinequ'il vous a aprinfe. »

    Enuiron le XX. iour dudit mois, iefu mis au plus haut de la tour; & làvn greffier eflant venu pour me fairereconoillre quelques liures, me dit,après plufieurs propos : « le vous

    voudroi bien prier d'vne chofe : li m.d.lvui.vous pouuiez faire quelque feruice àla Cour, vous n'y perdriez rien. » R.a Hel.is poure ! quel feruice pourroitauoir la Cour de moi, qui fuis defnuéde tout fecours humain ? T(JUtefois ence que me pourrai employer pourMeffieurs, ie le ferai de bon cœur,fauf toutefois Toffenfe de mon Dieu& de mon prochain. » t O (dit-il) iln'y aura point d'offenfe en cela; vousn'auez qu'à me dire fi ne conoifTezpoint vn nommé Ballon. » R. « Pourfaire bref, ie ne fai de qui vous meparlez. » Ainfi s'en alla. D'autre chofene fus interrogué au Chaftelet.

    Le premier d'Odobre, nous fufmesamenez au Palais, aucuns de mes frè-res & moi, & fufmes mis dedans laTour criminelle. Ayans demeuré de-dans ladite Tour 15. iours, fu menédeuant Meffieurs pour eftre interro-gué dedans la chambre dorée du Pa-lais. Les interrogations furent faitespar deux Prefidens , affiftans enuiron25. Confeillers auec eux. Première-ment par M. d'où i'eftoi,

  • LIVRE SEPTIEME.

    Dieu d'y affilier , & vn feruice con-trouué du Diable. D. Si ie n'y alloipas quand i'efioi au pays. R. Qu'oui,mais que bien fouuent l'extérioritéeftoit contraire à l'intériorité, & difoisaimer de bouche les chofes, lefquellesde cœur hayiïois. Mais auffi en cefaifant offenfoi le Seigneur. Car il aen haine ceux qui font de doublecœur, & que de ces chofes demandoipardon à mon Dieu. D. Si ie conoif-foi vn Purgatoire. R. Qu'oui. D.Mais quel? R. Le feul fang de lefusChrift. « Alors (dirent-ils) vraiementicelui eft le principal ; mais qu'auecceftui-là il en faloit croire vn autre. »R. Qu'icelui efloit fuffifant pour pur-ger toutes nos iniquitez, & que noflreDieu ne faifoit point les chofes àdemi , mais fauuoit à plein ceux quis'approchent de lui par Chrift

    ,lequel

    eft toufiours viuant pour intercéderpour tous, ainfi que tefmoigne l'Apoftreaux Hebrieux 7. chapitre, « Helas,Seigneur (di-ie) iamais ne nous con-tenterons-nous de la fimplicité del'Euangile? l'homme toufiours y veutadioufier de fon cerueau. Nous voionsen plufieurs lieux dedans l'Efcriture,tant au vieil qu'au nouueau Tefta-rnent, ce feul Purgatoire eftre le feulfang de Jefus Chrifi, & que d'autren'en deuons cercher. » D. « En quelslieux de l' Efcriture ? » R. « Vous l'auezclairement efcrit en S. lean i. cha.Apoc. 5. Heb. 9. Efaie 43. où il dit :le fuis celui qui, pour ramour de moi-mefme, efface les iniquité^. En la 2.Cor, 5. chap. Dieu ejloit en Chrifî re-conciliant à foi le monde, &c. Lefquelslieux de l'Efcriture vous doiuent con-tenter (Meffieurs) pour confirmer cePurgatoire

    ,qu'vn chacun vrai fidèle

    & enfant de Dieu doit croire , & nonautre. » En après, Meffieurs les Con-feillers prindrent la parole, difans :Qu'il efioit efcrit de ce Purgatoire(qu'ils entendent) en faind Matth. 5.où il dit : « En vérité ie te di que tune fortiras de là iufques à ce que tuayes payé le dernier quadrain. » Aquoi refpondi que, s'ils auoyent bienleu & entendu le chapitre, il n'eftparlé & ne s'entend que des chofesciuiles ; ou fi voulez, ce Donec (c'eftiufques à ce) fe prend en l'Efcriturepour iamais. En quoi ainfi demouraf-mes touchant le Purgatoire. D. Si iene croyoi que les Sainéls priaffentpour nous , & qu'iceux on doit prierpour efire nos aduocats enuers Dieu.

    R. Que ie croioi que lesSainds auoyentvn defir que tout ainfi que fa volontéefioit faite au ciel , auffi elle fuft faiteen la terre, & qu'ils auoyent ce fou-hait, que tout ainfi qu'ils font parue-nus à cefte béatitude éternelle , auffiDieu nous vueille faire mefme grâce,à nous qui fommes ici bas. Et alorsdes Confeillers me dirent qu'il efioitefcrit en l'Euangile

    ,que les Apofires

    difoyent au Seigneur : « Cefie femmecrie après nous, w parlans de la Cha-nanee. Dequoi ils voulurent tirer laprière des Sainds. A quoi ie refpondiqu'il n'efioit pas là dit que la femmefe foit retirée aux Apofires, mais pluf-toft à Dieu

    ,auquel feul tous enfans

    de Dieu adrefi'ent toutes leurs requef-tes & oraifons. Car c'eft celui feul quinous peut exaucer quand nous leprions en vraye fiance de cœur , auNom de fon Fils bien-aimé ; & iceluieft nofire feul Aduocat enuers pieufon Pere, ainfi qu'il eft efcrit i Tim.2. chap. : « Il y a vn Dieu & vnMoyenneur de Dieu & des hommes

    ,

    lefus Chrift homme, » &c. & i lean.2. Rom. 8,Alors commença à parler mon-

    fieur le Prefident S. André, & me Le Prefidemdemanda qui m'auoit aprins cefte doc-trine. R. Le Fils de Dieu par fonS. Efprit, & que ainfi l'auoi leu auvieil & nouueau Teftament. D. Si ien'auoi leu autre chofe ? R. Non.Alors le rapporteur de mon procèsdit : c( lia bien auffi leu Caluinus inOfeam, Bucer, Bulinger ; car ce fontles Hures qu'on a trouuez en fa cham-bre. » A quoi ne voulu contredire ,de peur de mettre en fafcherie mesfrères , auec lefquels ie me tenoi.Apres cela, Monfieur le Prefident vafaire vne exclamation , difant : « Hé!poure enfant, ne crains-tu point d'ef-•tre bruflé , comme les principaux deta compagnie ont efté ces iours paf-fez à la place Maubert } « & puisque i'auoi parens, fi ie ne doutoi deles mettre en defhonneur à tout ia-mais ? Sur quoi le priai à iointesmains , & au Nom de Dieu , qu'il mepermift que ie parlaffe. Alors il dit :« le permets que tu parles ; di , monami. » « Monfieur, » di-ie, « quant àce que m'auez dit, & fi ie ne crai-gnoi point , & fi ie n'auoi en hor-reur les dangers, lefquels i'auoi àpafi'er, comme mes frères, en premierlieu , il m'eft tout certain que tousceux qui voudront viure en Jefus

  • FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE. 577Chrift Ibuffriront perfecution, & que,quant à moi , ie me pouuoi bien pré-parer vn gibet, ou femblable tour-ment , fi ie vouioi Ibuftenir fa que-relle ; mais que tout cela, & mort &vie, m'eftoit gain au Seigneur. Quantau defhonneur de mes parens , le Sei-gneur nous a défia prédit que quicon-que aime fon pere ou fa mere, de, iln'eft pas digne de lui. » Le Prefidentayant oui cefie refponfe : « lefus ma-ria, qu'eft-ce que veut dire auiour-d'hui cefie ieunefi'e qu'ainfi elle fe

    vueille faire brufler à crédit ! » Dere-chef m'a fait infiance fur la Méfie,difant fi ie penfoi efire plus fage quetant de millions de gens qui auoyentvefcu & tenu icelle pour bonne, &que les dodeurs fainds Tauoyentainfi aprouuee r A quoi ie refpondique les Doéleursqui l'auoyent receuëauoyent palTé les bornes de la parole.Alors me dit fi ie ne vouloi pas viurefélon icelle. R. « Non. « Adonques,comme, d'vne rage enflammée, dit:« Va, va, damné ; » & ainfi commandaà vn huiffier que l'on me remenaft enmon cachot. Voila quant à la pre-mière interrogation faite par les Pre-fidens.

    Maintenant ie vous ferai partici-pans des interrogations à moi faitespar meffieurs de la Sorbonne , fauoireft vn lacopin nommé Bened., le maif-tre des Doéleurs, & vn autre laco-pin, duquel le nom m'eft inconu. Etces afi'auts me furent faits par les fup-pofis de Satan, le 14. d'Odobre, de-puis fept heures du matin iufques en-tre dix & onze. Leur falutation futpremièrement par Bened. en vn petitCabinet (où nul n'efioit qu'eux & moi) :

    J^a^angue « Le Dieu de paix, mifericorde& con-confite d'hypo- folation foit auec nous tous. « R. « Ainfi

    & trahifon foit-il. » D. « Je ne doute point que vousne fâchiez la caufe pour laquelle (monfrère, mon ami) nous-nous fommcstranfportez deuers vous. En premierlieu

    ,puis que tel eft le vouloir de

    nofire Dieu de nous commander dedonner confolation aux affîigez devifiter les prifonniers, & principale-ment fes membres, lefquels font ainfienferrez pour fon Nom , & qu'iceluinofire Dieu acceptera efire fait à luice qu'on fera à vn de fes membres

    ,

    defquels i'efiime que foyez(mon frère,mon ami ,) non point vn hérétique ,comme l'on dit. L'autre caufe pourlaquelle nous fommes venus deuersvous, c'eft la prière que Meffieurs de

    II.

    Parlement m'ont faite. Mais non tant m.d.lvui,efmeus de leur prière , que le bonvouloir que nous auons enuers les en-fans de Dieu » (defquels toufiours m'ef-timoit efire). D'autre part qu'ils n'ef-toyent pas venus me voir pour mefurprendre. « Car, comme voyez (di-foit-il) , nous n'amenons aucuns gref-fiers auec nous pour mettre vofiredire par efcrit , mais feulement vousvenons voir en partie pour vous con-foler & pour confabuler enfemble ; »& qu'il ne pouuoit croire que nousfuffions hérétiques, & qu'ainfi, encommuniquant de l'Efcriture, le pour-roit conoifire.

    Alors ie commence à refpondre :(( Monfieur, ie feroi marri de foufteniraucune opinion hérétique ; mais ceque ie veux foufienir efi feulement laquerelle du Seigneur , & que pourherefie ie n'efioi point emprifonné

    ;

    mais que les peruers & aduerfairesde Chrift efiiment hérétiques ceuxqui , de tout leur pouuoir & puif-fance, s'efforcent de fuyure les tracesdu Seigneur , non que le Seigneurne nous l'ait défia prédit , commei'efiime que fauez auffi bien que moi

    ,

    Monfieur : c'eft que nous ferons efti-mez l'ordure & les excremens dumonde. Mais le Seigneur, lequel feuleft fpeculateur (i) des cœurs des hom-mes, conoit fi nous fommes tels qu'onnous eftime. »Alors Benedidin, parlant à moi, Rcbezies

    dit : a Voyez-vous (mon frère), vous, reprins d'auoir& tant que vous eftes vous trompez

    ,^ ^f;^^^^^de dire limplement le Seigneur , fansy adioufter ce pronom Nojlrc , oumon Seigneur ; car (dit-il) les Dia-bles l'appellent bien Seigneur & mef-mes tremblent deuant fa face. » R.« Que les Diables l'appellent Seigneur,en telle forte que les Pharifienr ame-nans la femme s'approchans de JefusChrift, difans : « Maiftre, nous auons ican 8. 4.trouué , » &c. Là les Pharifiens l'ap-pellent maiftre, mais non qu'ils vueil-lent tenir fa dodrine, ne qu'ils vueil-lent eftre fes difciples. Ainfi, » di-ie,

    a eft-il du Diable , lequel fe dit co-noiftre Dieu & l'appelle Seigneur, fieft-ce pourtant que iamais il ne leveut reconoifire pour fien ; mais defait, il le nie. Et puis vous fauez qu'il

    (1) Crcspin avait chanj^c ce mot en « scru-tateur. » Goulart , on rétablissant le te.xtedo Chaiidieu , a remis a spéculateur, » queI on trouve aussi dans Calvin , avec le sensde : celui qui regarde.

    Î7

  • 578

    eft tout plein de menfonge & cautelle.Car quiconque fe dit cognoiftre Dieu& ne garde point fes commandemens,il eft menteur, i. Jean, 2. Mais moi(monfieur) ie l'appelle Seigneur & letien ; car il eft vrai & le veux reco-noiftre pour tel entant qu'en moi fera. »« C'eft bien dit (dit-il) ; mais nousdeuons auoir quelque différence denommer noftre Dieu d'auec les dia-bles. » R. S'il ne fe contentoit decefte différence que ie lui auoi don-née. Alors me dit qu'oui.

    « Venons (mon frère), » dit-il, « àparler de l'Eglife, laquelle vn chacunbon Chreftien doit croire. Je croique vous tenez pour bonne icelleEglife (dit-il) en laquelle la Paroleeft prefchee purement & fincerement,& les Sacremens adminiftrez félonqu'ils nous ont efté lailfez de JefusChrift & des Sainds Apoftres. » R.« Icelle ie croi & y veux viure & mou-rir, n D. Si ie ne croyoi pas que qui-conque n'eftoit en icelle ne pouuoitobtenir remiffion de fes péchez ? R.Que quiconque fe feparoit d'icellepour faire fede à part ou diuifion,vrayement n'en pouuoit point obte-nir. « C'eft-mon, y> dit-il. Or, main-tenant il nous faut voir & confidererdeux Eglifes : c'eft affauoir , qu'enl'une la parole foit annoncée fauffe-ment , & les Sacremens autrementadminiftrez qu'ils n'ont efté delailfezde lefus Chrift ; l'autre , en laquellel'Euangile foit purement prefché & lesSacremens bien adminiftrez. « Mais, «dit-il , « laquelle de ces deux nousfaut-il croire } » R. Que ie croyoicelle qu'auparauant il m'auoit définie.« C'eft bien creu , » dit-il , « monfrère, mon ami; nous n'en voulonspoint croire d'autre. Or fus, il fautparler des dons, lefquels il a donné àicelle ; c'eft alfauoir : la puilfance desclefs, la confeffion pour obtenir re-miffion de nos péchez

    ,après eftre

    confefl'é au Preftre ; en après, il nousfaut auffi croire fept facremens enicelle Eglife vrayement adminiftrez.Dites (mon frère), icelle eft vraye,comme nos Eglifes de Paris, aufquel-les le fainâ: facrement de l'autel eftadminiftré & l'Euangile prefché pure-ment. « R. « Monlieur, ie voi quevous commencez à branfler : quant àmoi , ie ne reconoi en la vraye Eglifedu Seigneur que deux, Sacremens

    ,

    lefquels il a inftituez en icelle pourtoute la communauté des fidèles.

    LIVRE SEPTIEME.

    Quant à la puift'ance des clefs &voftre confeffion , ie croi que pourauoir remiffion de nos péchez, il nousfaut retirer & confefl^er au feul Dieu,& non point aux Preftres , commetrefbien le dit S. Jean, i : « Si nousconfefl'ons nos péchez, Dieu eft fidèle& iufte pour nous pardonner nos pé-chez & nous nettoyer de toute ini-quité. » Mefme le Prophète RoyalDauid, Pf. 9. & 32 : « le t'ai manifeftémon péché, &c. » D. Si ie ne croioipas qu'au temps des Apoftres, Dieuleur euft donné la puiffance que lefusChrift , le temps palfé , donna à fesApoftres, eftant bien entendue, n'eftdefaccordante à mon dire. Alors iecommençai à dire : « le confeffeque le Seigneur bailla fa parole entreles mains de fes Apoftres pour l'an-noncer , & par icelle parole la remif-fion de nos péchez. » D. « Vous niezdonc la confeffion auriculaire } » R.a Oui. » D. Si ie croioi qu'il faloitprier les Sainds. R. Que non.

    Le Maiftre des dodeurs de Sor-bonne demanda fi lefus Chrift, eftanten ce monde , n'eftoit auffi fuffîfantpour ouyr tout le monde & intercé-der pour tous, comme il eft à prefent.^*R. Qu'oui. D. « Mais nous trouuonsque lui eftant en ce monde, les Apof-tres interçedoyent pour le peuple

    ;

    pourquoi âuffi bien ne le feroyent-ilsà prefent ? » R. « Tant qu'ils furenten ce monde , ils exercèrent en-cores leur miniftere & prioyent lesvns pour les autres, comme ayansbefoin de fecours humain ; mais àprefent qu'ils font en Paradis , toutesleurs prières font qu'ils fouhaittent

    que ceux qui font lur la terre puif-fent paruenir à cefte béatitude à la-quelle ils font paruenus; mais pourobtenir quelque chofe du Pere , ilnous faut auoir recours à fon Fils. »Alors ils me firent cefte queftion, afl'a-uoir fi un homme prenant la chargede prier pour vn autre, feroit dit In-terceft'eur.^ R. Qu'oui. D. a Or bien,vous dites qu'il n'eft qu'un intercef-feur

    ;donques , moi , faifant prière

    pour vn autre , ie ne me retireraipoint à lefus Chrift, mais à Dieu feu-lement, lailfant lefus Chrift à part; &de vrai , il nous faut ainfi croire. »R. « Ne fauez-vous point (Monfieur)que fi Dieu ne nous regarde en laface de fon Fils bien-aimé , nous nelui pouuons eftre agréables ? car s'ilveut regarder fur nous, il ne void que

    Quel eft l'office^ derinterceffeur.

  • FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE. 579tout péché. Et fi les cieux ne font.purs deuant fes yeux, combien plusfera l'homme abominable < Dites corporellement. » R.« Non, Monfieur, car ces parolesfont efprit & vie ; à: contentez-vousde cela. >» D. S'il faloit que le Minif-

    yi) Cuirasse dont se servaient les lansque-nets.

  • 580 LIVRE SEPTIEME.

    tre fuft marié ou non. R. « Il le fauten telle forte ^ comme dit l'Apoftre :

    I. Cor. 7. 9. Que quiconque n'a le don de conti-nence

    ,qu'il fe marie ; car il vaut

    mieux fe marier que brufler. » Et s'ilsne fe contentoyent de cela

    ,qu'ils

    leulTent ce qui eft efcrit des Euefques& Surueillans, i. Tim. 3. & à Tite i.Ainfi prouuant mon dire, me direntque ie nioi la preftrife ; & en prenantcongé prièrent que Dieu voulufl auoirpitié de moi. « Ainfi foit-il , » di-ie.« Et qu'il vous puiffe ofter l'opinionque vous auez en voftre tefte , » di-rent-ils. R. Que ce n'eftoit point opi-nion, mais la pure doélrine de l'Euan-gile. Et ainfi s'en allèrent.

    Le XX. d'Oétobre, ie fu amené de-uant Meffieurs les Prefidens , & là lePrefident S. André me demanda fii'auoi parlé aux Dodeurs. R. Qu'oui.D. S'ils m'auoyent tenu propos de laMelfe. R. Qu'oui. D. Si ie n'y vouloiadhérer, & la tenir pour vne chofefainéle : « Toi, » dit-il , « qui te disn'auoir conoifTance de ces chofes quedepuis dix mois

    ,penfes-tu eftre plus

    fage que nous & ces do6leurs ? » R.Que ie ne m'arrefte pas à l'auis desdodeurs ni d'autres , fmon que demon Dieu. D. Si mes parens m'auo-yent apriscela? R. Que non. D. S'ilsalloyent à la Meffe & veneroyent lesfainds

    ,pourquoi ie ne les enluiuoi.

    R. « Monfieur, fi mes parens font ido-lâtres & ont tranfgrefié toute leur vieles commandemens de l'Eternel , lesdoi-ie enfuiure en cela? voyez ce quieft efcrit au 20. d'Ezechiel & au 2.Chron. 20. » « O, dirent-ils, nousauons beaucoup à faire ici de pref-cheurl Va, va, chroniqueur auec tesChroniques; » ainfi fu d'eux renuoyé.

    Le XXII. d'Odobre nous montafmes,mon frère Frideric Danuille & moi

    ,

    pour endurer la queftion, & fu menéle premier en la chambre où on labaille , & là trouuai trois Confeillers,qui me commencèrent à dire : « Leuela main. Tu iures par la paffion deJefus Chrift, laquelle tu vois là figu-

    rée, » me monftrant vn marmoufetpeint en vne carte de papier. R.« Monfieur, ie vous iurerai par la paf-fion de lefus Chrift, laquelle iai enmon cœur imprimée. » D. Pourquoi ierefpondoi ainfi, & non comme ilsauoyent dit. R. Que le commettroi vngrand blafpheme contre le Seigneur.Lors on me reprocha que i'eftoisobftiné en mon herefie , & puis com-

    mencèrent à lire mes depofitions, tantcelles que i'auoi fait au Chafteletqu'au Palais, & me dirent : « Viença, Rebezies, tu ne veux point dire lavérité, aflfauoir quelles gens tu asconu en cefte afifemblee ? » R. Que ien'en auoi conu autres que Grauelle &lean Sanfot. « La Cour a ordonné &ordonne, » dirent-ils, « fi tu ne veux direautre chofe

    ,que tu endures la quef-

    tion. » « Bien, Meffieurs (di-ie), iefuis tout preft d'endurer tous tour-mens pour mon Dieu. » D. Si ie nevouloi dire autre chofe. R. Que non.« Sus qu'on le mette en chemife, di-rent-ils à leurs fatellites, & qu'on luiface confefl'er la vérité. »Cela fut incontinent exécuté , &

    auant que m'attacher mes mains , leConfeiller me dit que ie Me le fignede la croix & que ie me recomman-dafl'e à Dieu & à -la vierge Marie. R.Que ie ne feroi aucun figne de croix& ne me recommanderoi à autî"e qu'àmon Dieu, & que icelui eftoit fuffi-fant pour me garentir & deliurer dela gueule des lions. Et quand ie futendu en l'air, ie commençai à dire :« Vien, Seigneur, monftre ton effort

    ,

    que l'homme ne foit le plus fort, » &c.Alors dirent-ils : « Di vérité, Fran-çois , & nous te lairrons. » Et moitoufiours de pourfuiure à l'inuocation& prière du Seigneur, tellement quede moi n'eurent mot qui foit. Etaprès auoir vuidé vn feau d'eau, direntles Confeillers : « Ne veux-tu riendire ? » R. « le ne vous dirai autrechofe. » « Sus qu'on le lafche & qu'ilfoit mis auprès du feu , » dirent-ils.Et ainfi lafché ie di : « Eft-ce ainfique vous traitez les enfans de Dieu. »Autant en firent-ils à mon frère Fri-deric Danuille, & eurent mefme ref-ponfe de lui que de moi. En quoiauons conu que noftre Dieu nous a af-fifté autant qu'à gens du monde. Caril vous faut penfer que mon frère Fri-deric eftoit bien malade ; mais le Sei-gneur nous a fecouru , comme il nousa promis qu'il ne nous baillera pointchofe que nous ne puiffions fouftenir.Nous n'attendons que l'heure du Sei-gneur. Voila, Meffieurs & trefchersfrères, ce que vous ai voulu mandertouchant les traitemens qu'on fait auxenfans du Seigneur. Nous-nous recom-mandons à vos bonnes prières , tantque ferons en ce tabernacle. A Dieu.

    Apres qu'ils furent retournez de la

    Rebezies& Danuille

    misà la torture.

    La cruautéqu'exercent les

    lugescontre les en-

    fansde Dieu.

    Pourfuite deleur conftance.

  • FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE. 58.queftion, voici comment ils fc portè-rent, ainfi que nous ont recité aucunsfrères confelTeurs de lefus Chrifl quieftoycnt auec eux. Ils ne cefToyentde louer Dieu de fon affiftance. Ffi-deric gemifToit fouuent, & ertant re-quis des autres prifonniers pourquoiil gemifToit ainfi : « Ce n'efi pas, »dit-il , « pour le mal que i'endure

    ,

    mais pour le mal qu'il vous conuiendraendurer auffi bien que nous. Toute-fois, foycz forts & ne foyez efpouuan-tez , vous alTeurans de l'aide de cebon Dieu qui nous a fecourus coirmevous voyez , » & les confoloit. Rebe-zies eftoit tout rompu de la torture, &en auoit vne efpaule beaucoup plusefleuee que l'autre, & le col tout tors,& ne fe pouuoit remuer. Toutefois, ilpria fes frères de le mettre fur vn lid,& acheua d'efcrire cefte Confeffionque nous auons veuë. La nuid eftantvenue, ils s'efiouilToyent tous deuxenfemble & fe confoloyent l'vn l'autrepar la méditation de la vie celefte &du mefpris de ce monde , chantansPfeaumes iufques au poind du iour.Rebezies s'efcria deux ou trois fois :a Va arrière de moi , Satan. » Fride-ric, eftant couché auprès de lui, luidemanda : « Que vous propofe cemalheureux ? Vous veut-il deftourner

    Rebezies^ de la courfe? » Rebezies dit : a Cetenté parSatàn. mefchant me propofe mes parens

    ,

    mais, par la grâce de Dieu, il ne gai-gnera rien fur moi. »Le iour venu, ils furent mandez

    pour aller deuant Meffieurs, & cui-dans receuoir fentence de mort, em-brafferent leurs frères, les exhortansde fe préparer au combat; toutefoisils n'eurent point encores fentencepour ce coup; feulement on' leur de-manda s'ils ne vouloyent point décla-rer leurs complices. Ils refpondirentque non. Apres, s'ils vouloyent de-meurer opiniaftres en leurs erreurs ?« Nous n'auons point, » dirent-ils,(t fouftenu d'erreurs , mais feulementla pure vérité de Dieu, (Jt, par la grâcede Dieu , demeurerons fermes enicelle iufques à la mort. » Sans palTeroutre fans fentence, ils furent reme-nez contre leur attente, aucunementcontriftez, pource qu'il fembloit queleur exécution furt encore différée,d'autant, difoyent-ils

    ,que ce iour ils

    fe trouuoyent, par la grâce de Dieu,bien difpofez à endurer tous tourmens.Mais auffi ne la firent-ils pas longue ,car fur les onze heures ils furent tirez

    du cachot & menez à la chapelle

    ,

    louans Dieu d'vn cœur ioyeux.La , ils eurent fentence d'efire me-

    nez en des tombereaux à la placeMaubert, embaillonnez & efire atta-chez chacun à fon pofieau , (Si aprèsqu'on les auroit efiranglez , efire misen cendre. Incontinent on leur pre-fenta des croix , mais les refuferent ,difans qu'ils auoyent la croix de JefusChrift emprainte en leurs cœurs. Re-bezies crioit à fon compagnon : « Monfrère

    ,garde-toi de ces fedudeurs. »

    Apres que le bourreau l'eut attachéaux boucles qui font là, il demandavn peu de vin pour fe conforter, afinqu'il peufi, comme il difoit, porterplus patiemment le tourment qui luieftoit ordonné. Quand vn chacun fefut retiré pour difner, ils ne cefi'erentde chanter Pfeaumes & louanges àDieu, iufqu'à ce que les doéleurs ar-riuerent

    ,qui leur rompirent leur

    chant : l'vn eftoit Demonchi (i), l'autreMaillard.Demonchi s'adrefl'a premièrement à

    Rebezies, & le folicitoit de fe conucr-tir. Rebezies difoit toufiours qu'iln'auoit rien maintenu que la pure vé-rité de Dieu. Demonchi oyant cela,comme forcené

    ,print vne croix de

    bois qui eftoit en ladite chapelle &lui fit baifer par force. Rebezies com-mença de rendre grâces à Dieu , dece qu'il l'auoit choifi pour endurer lemartyre pour la confeffion de fonfaind Nom, & le prioit de lui vouloirpardonner ce qu'il faifoit (parlant dubaifer de lacroix). « Car,ô Seigneur, »difoit-il, « tu vois qu'on me le faitfaire par force. » Demonchi fe tournavers Frideric, mais lui, le voyant apro-cher pour le tourmenter, lui dit : « Jevous prie, laifi'ez-moi, i'ai afi'ez ref-pondu par deuant les iuges en la Cour& à vous, ou à vos femblables, quegaignez-vous de me vouloir foliciterde croire voftre tranfi'ubftantiation }voulez-vous que i'arrache lefus Chriftde la dextre de Dieu fon Pere } n Làdefi'us ils difputerent longuement furla Cene; c**!: le doAeur voyant qu'il neprofitoit de rien, dit à Frideric : « Il

    y a fi long temps que ceux qui ontfouftenu voftre opinion ont efté exé-cutez, & neantmoins il n'y a eu aucund'eux qui ait fait miracles, comme ont

    (i) Sur De Monchi (surnommé Démocha-rcs), voy. les notes 2 et ; de la p. 558 ci-dessus.

    M.D.LVni.

    Arrcfl donnécontre

    Rebezies& Danuille.

    Fureur deDcmochares,

    infij^ne

    hypocrite, s'il

    y en eut iamaisau monde.

  • 582 LIVRE SEPTIEME.

    fait les Apoftres & Sainéls. y> Fridericlui demanda s'il vouloit de lui aucunfigne. Il dit que non, & demeuramuet. Maillard print \^ parole & dit :« Penfez, ie vous prie, à ce que nous

    La gageure auons dit : le gage mon ame à eftre^'"^^ damnée, s'il n'eft ainfi. r» Frideric

    vraiSorbonifte.^^ç^^^^'^^ qu'ils fauoyent le contraireeftre véritable & tendoycnt au vrai but,auquel tousChreftiens doyuent tendre.Alors fe retirèrent ces do6leurs, &

    eux furent menez hors de la Concier-gerie fur les trois ou quatre heures

    ,

    embaillonnez. Ils auoyent toufioursvne face ioyeufe & contente , & ainfiqu'on prononçoit leurs arrefts en lacour du Palais, oyans qu'ils efioyentcondamnez à efire bruflez, Rebezies,frappant fa poitrine de fa main, fit figneà Frideric , & ainfi efleuerent enfem-ble les yeux au ciel, glorifians Dieupar fignes extérieurs de l'honneur qu'illeur faifoit. Qvand ils furent arriuezau lieu du fupplice , vn prefire pre-fenta vne croix de bois à Frideric

    ;

    mais fe retournant lui dit qu'il la por-toit en fon cœur. Puis le prefire luidit auec le peuple : « Voulez-vouspoint croire en la vierge Marie? » Ilrefpondit afl'ez intelligiblement & ditpar trois fois : « Règne vnfeul Dieu. »Lors ceux qui efioyent plus près delui

    ,crioyent que c'eftoit vn Luthé-

    rien mefchant, & il refpondit : « Jefuis Chreftien. » Ils furent attachezchacun à vn pofteau , l'vn vis à vis del'autre , & prioyent Dieu enfemble ,difans : « Seigneur, vueilles-nous af-fifter auiourd'hui, à ce que nous ayonsiouyfi'ance de vie éternelle. » Commeils continuoyent la prière

    ,quelqu'vn

    dit qu'on les dcfpefchaft. Frideric dit :« le vous prie, laifi'ez-nous prierDieu. » Apres ils difoyent l'vn à l'au-tre : « Bataillons, mon frère, batail-lons. Satan, retire-toi de nous. » Lorsquelques vns s'efcrierent : « Les mef-chans , ils inuoquent Satan. » JeanMorel (martyr depuis de lefus Chrift,

    Son procès & lors efiant encores en liberté) feeft ici trouualà & refpondit : « le vous prie,

    après defcrit. ^f^outez ce qu'ils difent , & vous or-rezqu'ils inuoquent le Nom de Dieu. »Ils fe teurent, & entendirent qu'ilscrioyent : « Vueilles nous affifter

    ,

    Seigneur. » Incontinent après ils ren-dirent leurs efprits au Seigneur dou-cement, & comme s'ils n'eufi'ent au-cunement enduré.

    Continuation Or quand ces deux martyrs eurent

    SuifTes.

    efté desfaits, on voyoit bien que l'in- de l'hiftoire detention des Juges eftoit de les enuoyer temps,

    ainfi les vns après les autres à lamort, & y auoit défia les procès dedouze ou treize prefis à iuger ; maisvne Damoifelle (qui efioit auffi pri-fonniere) prefenta des caufes de re-cufations contre les Commiffaires , &les procédures fi afpres & defregleesfurent arreftees pour vn temps

    ,pen-

    dant qu'on efioit après à les vuider.Et Dieu, content du nombre de cesfept Martyrs pour vne fois, fufcita vnautre moyen pour retenir la rage desennemis iufques au mois de Juilletfuyuant. Car les nouuelles de cefteprinfe efioyent venues iufques aux na-tions efiranges ; tellement que lesCantons Euangeliques des Suifl'es ef- Ambaffade desmeus de pitié, & fachans que c'eftoitpour la mefme doélrine qui eft annon-cée en leurs Eglifes, qu'ils eftoyentprifonniers, enuoyerent leurs Ambaf-fadeurs deuers le Roi, pour faire re-monftrances & fupplications pour eux.A mefme inftant arriuerent auffi lettres Lettres dude la part du Comte Palatin, Eledeur, ComtePalatintendantes à mefme fin (i), tellementque le Roi , folicité de cefte forte, &voyant le befoin qu'il auoit du fecoursdes eftrangers, accorda qu'on proce-daft plus doucement en la caufe deces prifonniers. Ainfi le feu cefi'a pourquelque temps, & depuis la venue desAmbaffadeurs, on commença à procé-der par eflargifl'ements. Plufieurs fu-rent enuoyez aux monafteres en lacharge des Prieurs , pour eftre con-traints d'affifter aux feruices d'idolâ-trie, principalement les plus ieunesdes Efcholiers, defquels les vns felaifl'erent couler, les autres n'eftans

    eftroittement ferrez efchapperent. La

    (i) « Le consistoire de Paris envoya unde ses pasteurs, Gaspard Carmel , auxprinces allemands et aux cantons suissespour obtenir leur intercession auprès duroi. Carmel prit avec lui Jean Budé en pas-sant à Genève, Bèze à Lausanne et Farelà Neuchâtel. Tous quatre se rendirent àWorms, oij se trouvait réunie, sous la direc-tion de Mèlanchthon, une assemblée dethéologiens allemands. Cette assemblée lesrecommanda chaleureusement au duc deWurtemberg, qui les accueillit parfaitement.De là ils allèrent à Zurich, oi!i ils obtinrentl'intercession des cantons suisses. » (Coque-rel, Précis de l'Iiist. de VEgl. réf. de Paris,

    p. 21). La correspondance de Calvin montrequel vif intérêt il prit à ces démarches. Ilallait jusqu'à écrire que,- si l'argent manquait,il le trouverait à Genève, « quand il fe de-vroit engaiger tefle & pieds. » {Lettres franç.,II, iji).

  • RENÉ DV SEAV & lEAN ALMARIC.

    En

    plufpart furent rcnuoyez deuant TOf-ficial, pour là faire confeffion de leurfoi, ou plurtoft abiuration, & receuoirTabfolution ordinaire. Car les iuges,fe voyans les mains aucunement liéespour les enuoyer au feu , vferent dece moyen pour s'en desfaire, efperansqu'au moins ils leurs feroyent defa-uouër la fainéle doélrinc de nollreSeigneur lesus Chrift. Et plufieurslafches& craintifs ne fe foucierent pasbeaucoup d'obéir à cela ; les autresvferent de conleffions ambiguës. Quoiqu'il en foit , il y eut de grandes def-loyautez en beaucoup (i). Ce qui eftdit à la honte de ceux qui font fortispar ce chemin de trauers

    ,pour les

    folliciter d'en gémir, & de mieux fairevne autre fois, s'ils ne veulent queDieu leur face fentir la vengeance (2)que mérite leur lafcheté.

    ^&