génétique des lombalgies

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Revue du rhumatisme monographies 81 (2014) 2–6 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Génétique des lombalgies Genetics of low back pain Laëtitia Michou Division de rhumatologie, département de médecine, université Laval et centre de recherche du CHU de Québec, 2705, boulevard Laurier, S-763, G1V 4G2 Québec, Canada i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 3 juillet 2013 Disponible sur Internet le 2 aoˆ ut 2013 Mots clés : Discopathie dégénérative Héritabilité Études de jumeaux Génomique Gènes candidats r é s u m é La génétique des lombalgies a beaucoup été étudiée au cours des 15 dernières années. Dans les études de jumeaux, les héritabilités de la discopathie dégénérative et des lombalgies sont estimées, respectivement, entre 29 % et 80 % et entre 21 % et 67 %. L’agrégation familiale de la discopathie dégénérative varierait entre 34 % et 61 %. Une méta-analyse d’étude pangénomique d’association a identifié une association génétique avec un variant du gène PARK2. Une revue systématique des études d’association génétique dans la disco- pathie dégénérative a confirmé un niveau d’évidence modéré pour des variants des gènes ASPN, COL11A1, GDF5, SKT, THBS2 et MMP9. Plusieurs variants de gènes candidats codant pour des protéines structurelles du disque intervertébral ont été associés aux lombalgies, notamment ACAN, COL9A2, COL9A3, ASPN, ainsi que des polymorphismes fonctionnels des gènes COL11A1, SPARC, et CILP. Une association génétique a été rapportée avec des allèles codant pour des protéines cataboliques, notamment MMP1 et MMP3. Les gènes codant pour les interleukines (IL), notamment le cluster de l’IL-1, pour des facteurs de croissance et pour des protéines impliquées dans la douleur, tels que COMT, OPRM1 et GCH1 ont aussi été rapportés. Les études pangénomiques d’expression génique dans l’annulus ont montré une surexpression des gènes de la douleur, tels que le Bradykinin receptor B1 et le COMT. Les gènes de cytokines pro-inflammatoires, de chemokines et des composantes de la matrice extracellulaire, étaient aussi différentiellement exprimés. Dans le nucléus pulposus, les disques modérément atteints surexprimaient les gènes ACAN, COL2, SOX9, COL1 alors que les disques sévèrement atteints surexprimaient l’IL-1ˇ et le TNF˛. © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Degenerative disc disease Heritability Twin studies Genomics Candidate genes a b s t r a c t Genetics of low back pain have been extensively studied during the past 15 years. In twin studies, heri- tabilities of degenerative disc disease and of low back pain have been estimated between 29% and 80% and between 21% and 67%, respectively. The familial aggregation of degenerative disc disease may vary between 34% and 61%. A meta-analysis of a genome-wide association study has identified a genetic asso- ciation with a variant of PARK2 gene. A systematic review of genetic association studies in degenerative disc disease has confirmed a moderate level of evidence for variants of ASPN, COL11A1, GDF5, SKT, THBS2 and MMP9 genes. Several variants of candidate genes coding for structural proteins of the intervertebral disc have been associated with low back pain, in particular ACAN, COL9A2, COL9A3, and ASPN, as well as functional polymorphisms of COL11A1, SPARC, and CILP genes. A genetic association has been reported for alleles coding for catabolic proteins, in particular MMP1 and MMP3. Genes coding for interleukins (IL), in particular the IL1 cluster, for growth factors and for proteins involved in pain, such as COMT, OPRM1 and GCH1, have also been reported. Genome-wide gene expression studies in the annulus have shown an upregulation of pain genes, such as Bradykinin receptor B1 and COMT. Genes of pro-inflammatory cyto- kines, of chemokines and of extracellular matrix components, have also been differentially expressed. In the nucleus pulposus, moderately affected discs overexpressed ACAN, COL2, SOX9, COL1 genes whereas severely affected discs overexpressed IL-1b and TNF˛. © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Adresse e-mail : [email protected] 1. Introduction Cette revue narrative aborde les données de la littérature concernant les études familiales, les études pangénomiques 1878-6227/$ see front matter © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.07.001

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Revue du rhumatisme monographies 81 (2014) 2–6

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

énétique des lombalgies

enetics of low back pain

aëtitia Michouivision de rhumatologie, département de médecine, université Laval et centre de recherche du CHU de Québec, 2705, boulevard Laurier, S-763, G1V 4G2uébec, Canada

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 3 juillet 2013isponible sur Internet le 2 aout 2013

ots clés :iscopathie dégénérativeéritabilitétudes de jumeauxénomiqueènes candidats

r é s u m é

La génétique des lombalgies a beaucoup été étudiée au cours des 15 dernières années. Dans les études dejumeaux, les héritabilités de la discopathie dégénérative et des lombalgies sont estimées, respectivement,entre 29 % et 80 % et entre 21 % et 67 %. L’agrégation familiale de la discopathie dégénérative varierait entre34 % et 61 %. Une méta-analyse d’étude pangénomique d’association a identifié une association génétiqueavec un variant du gène PARK2. Une revue systématique des études d’association génétique dans la disco-pathie dégénérative a confirmé un niveau d’évidence modéré pour des variants des gènes ASPN, COL11A1,GDF5, SKT, THBS2 et MMP9. Plusieurs variants de gènes candidats codant pour des protéines structurellesdu disque intervertébral ont été associés aux lombalgies, notamment ACAN, COL9A2, COL9A3, ASPN, ainsique des polymorphismes fonctionnels des gènes COL11A1, SPARC, et CILP. Une association génétique aété rapportée avec des allèles codant pour des protéines cataboliques, notamment MMP1 et MMP3. Lesgènes codant pour les interleukines (IL), notamment le cluster de l’IL-1, pour des facteurs de croissanceet pour des protéines impliquées dans la douleur, tels que COMT, OPRM1 et GCH1 ont aussi été rapportés.Les études pangénomiques d’expression génique dans l’annulus ont montré une surexpression des gènesde la douleur, tels que le Bradykinin receptor B1 et le COMT. Les gènes de cytokines pro-inflammatoires, dechemokines et des composantes de la matrice extracellulaire, étaient aussi différentiellement exprimés.Dans le nucléus pulposus, les disques modérément atteints surexprimaient les gènes ACAN, COL2, SOX9,COL1 alors que les disques sévèrement atteints surexprimaient l’IL-1ˇ et le TNF˛.

© 2013 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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a b s t r a c t

Genetics of low back pain have been extensively studied during the past 15 years. In twin studies, heri-tabilities of degenerative disc disease and of low back pain have been estimated between 29% and 80%and between 21% and 67%, respectively. The familial aggregation of degenerative disc disease may varybetween 34% and 61%. A meta-analysis of a genome-wide association study has identified a genetic asso-ciation with a variant of PARK2 gene. A systematic review of genetic association studies in degenerativedisc disease has confirmed a moderate level of evidence for variants of ASPN, COL11A1, GDF5, SKT, THBS2and MMP9 genes. Several variants of candidate genes coding for structural proteins of the intervertebraldisc have been associated with low back pain, in particular ACAN, COL9A2, COL9A3, and ASPN, as well asfunctional polymorphisms of COL11A1, SPARC, and CILP genes. A genetic association has been reported foralleles coding for catabolic proteins, in particular MMP1 and MMP3. Genes coding for interleukins (IL),in particular the IL1 cluster, for growth factors and for proteins involved in pain, such as COMT, OPRM1

and GCH1, have also been reported. Genome-wide gene expression studies in the annulus have shownan upregulation of pain genes, such as Bradykinin receptor B1 and COMT. Genes of pro-inflammatory cyto-kines, of chemokines and of extracellular matrix components, have also been differentially expressed. Inthe nucleus pulposus, moderately affected discs overexpressed ACAN, COL2, SOX9, COL1 genes whereas

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ressed IL-1b and TNF˛.e de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

Cette revue narrative aborde les données de la littératureconcernant les études familiales, les études pangénomiques

vier Masson SAS. Tous droits réservés.

isme monographies 81 (2014) 2–6 3

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Fig. 1. Principaux gènes ayant fait l’objet d’études d’association génétique et/oud’expression génique dans les lombalgies et/ou les discopathies dégénératives lom-baires. Pour chaque gène, le symbole utilisé correspond au symbole officiel tel quedéfini par la nomenclature Human Genome Organisation (HUGO).

L. Michou / Revue du rhumat

’association génétique et d’expression génique, et les études deènes candidats dans les lombalgies et les discopathies dégéné-atives. Elle ne couvre pas la génétique des spondylarthropathies,es chondrodysplasies génotypiques, des nodules de Schmorl, de

a maladie de Forestier ni de la maladie de Scheuermann. Bien quees relations entre la lombalgie et la constatation radiographique’une discopathie dégénérative soient complexes et actuellemental comprises, la génétique des lombalgies rejoint en grande partie

elle des discopathies dégénératives.

. Études familiales et estimation de l’héritabilité

.1. Estimation de l’héritabilité d’après les études de jumeaux

La Twin Spine Study a publié plusieurs études épidémio-énétiques sur la discopathie dégénérative à partir d’une cohorteopulationnelle finlandaise de 300 paires de jumeaux masculinsono- et dizygotes, âgés entre 35 et 70 ans [1]. L’agrégation fami-

iale de la discopathie au sein de ces jumeaux monozygotesxpliquait 34 % à 61 % de la variance. L’héritabilité de la discopathieégénérative déterminée par IRM a été estimée, dans cette cohorte,ntre 29 % et 54 % avec une variabilité selon l’étage lombaire étudié2], alors que l’héritabilité de la lombalgie variait de 30 % à 46 % [3].ans une cohorte de paires de jumeaux britanniques de même sexe

féminins et masculins), âgés entre 31 et 80 ans, l’héritabilité de laiscopathie déterminée par IRM a été estimée à 74 % (intervalle deonfiance à 95 % (IC 95 %) : 64 % à 80 %) [4]. Les différents phéno-ypes de la discopathie dégénérative, à savoir la hauteur du disque,on bombement, la présence d’ostéophytes étaient tous hautementéritables. L’héritabilité de la progression de ces différents phéno-ypes sur une période de dix ans a montré que seule la progressione la hauteur discale n’était pas héritable [5]. L’héritabilité de la

ombalgie chez les jumelles de cette cohorte a été estimée entre2 % et 68 %, les changements à l’IRM étant fortement prédicteurs de

ombalgies (odds ratio [OR] = 3,3 [IC95 % : 2,1–5,0]) [6]. La cohorteopulationnelle du registre danois de jumeaux, âgés entre 12 et1 ans, a permis d’estimer l’héritabilité à 44 % (IC 95 % : 37 à 50 %)ans les paires masculines et à 40 % (IC95 % : 34 à 46 %) dans lesaires féminines [7]. L’environnement partagé par les jumeaux étaitne composante importante jusqu’à l’âge de 15 ans. Après cet âge,

’effet des facteurs environnementaux non partagés augmente etes effets génétiques non additifs deviennent plus évidents, sug-érant une augmentation du degré d’interaction génétique avec’âge. Dans le registre suédois de 43 088 paires de jumeaux néesntre 1959 et 1985, l’héritabilité de la lombalgie concomitante avecne cervicalgie a été estimée à 60 % alors qu’elle était de seulement0 % en cas de lombalgie seule [8]. Une méta-analyse de 27 étudese jumeaux estimait l’héritabilité de la lombalgie entre 21 % et 67 %9]. La composante génétique était plus importante dans les formeshroniques et dans les cas plus sévères de lombalgies.

.2. Autres études d’agrégation familiale

L’étude de germains (non jumeaux) issues d’un échantillon aléa-oire de 1583 individus de la Rotterdam Study a estimé l’héritabilitée la discopathie dégénérative, déterminée aux radiographies stan-ard, à 75 % (IC95 % : 30 à 100 %) [10]. Dans la base de données de

a population de l’Utah, un excès d’apparentement des individusraités pour une discopathie dégénérative a été montré [11]. Leisque relatif chez les apparentés était particulièrement élevé auremier degré de parenté (OR = 4,15 ; IC95 % : 2,82 à 6,10). D’autres

tudes d’agrégation familiale estiment qu’environ 35 % des patientsyant des lombalgies avaient au moins un apparenté aussi atteinte lombalgies contre 12 % des individus non atteints de lombalgies12].

3. Principales études d’association génétique

À l’exception d’une étude pangénomique d’association géné-tique, toutes les études d’association génétique avec les lombalgiesou la discopathie dégénérative ont utilisé une approche gène can-didat. D’une meilleure connaissance des bases moléculaires de ladiscopathie dégénérative [13], notamment de la matrice extracel-lulaire, des enzymes cataboliques et des cytokines, découlentlogiquement le choix de la majorité des gènes candidats étudiés(Fig. 1).

3.1. Étude pangénomique d’association génétique

Une méta-analyse d’étude pangénomique d’association pro-venant de cinq cohortes Nord-européennes, à savoir Genetics ofosteoARthrosis and Progression study (GARP), Framingham, Rot-terdam Study 1 et 3 et Twin UK, totalisant 4683 individus, a identifiéune association génétique avec quatre variants communs [14]. Troisde ces variants étaient situés sur le chromosome 6 et le quatrièmeétait un marqueur intergénique sur le chromosome 3. Après ajuste-ment pour l’âge et le sexe, le signal le plus fort était avec le variantcommun rs926849 (chromosome 6). Ce variant est situé dans unerégion intronique du gène Parkinson protein 2 (PARK2), qui codepour une protéine E3 ubiquitin ligase. Cette protéine est impliquéedans la dégradation de protéine par le protéasome et dans la mito-phagie. Des mutations de PARK2 sont associées à certaines formesautosomiques récessives de la maladie de Parkinson, la maladied’Alzheimer, le diabète et certains cancers solides. L’allèle mineurC de ce variant conférerait un effet protecteur contre la discopathiedégénérative. De plus, une association entre un site CpG hypermé-thylé du promoteur de PARK2 et la discopathie dégénérative a étéidentifiée. L’expression de PARK2 serait réduite lorsque la discopa-thie dégénérative augmente, ce qui demande à être confirmé pardes études fonctionnelles sur tissus atteints. Enfin, deux variantscités ci-dessus étaient en déséquilibre de liaison avec un marqueurintronique du gène Proteasome subunit � type 9, large multifunc-

tional peptidase 2 (PSMB9), localisé au sein du HLA de classe II.

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L. Michou / Revue du rhumat

.2. Revue systématique de la littérature des études d’associationénétique

Une revue systématique des études d’association dans la dis-opathie dégénérative définie par IRM a permis de recenser2 études, dont 48 rapportaient au moins une association posi-ive [15]. La plupart des associations génétiques avaient un faibleiveau d’évidence. Aucune méta-analyse n’a pu être réalisée enaison de l’hétérogénéité dans la définition du phénotype et de’inconsistance des réplications. Un niveau d’évidence modéré a étédentifié pour des variants des gènes Asporin (ASPN), Collagen XIlpha 1 (COL11A1), Growth Differentiation Factor 5 (GDF5), Sickleail (SKT), Thrombospondin 2 (THBS2) et Matrix Metalloproteinase

(MMP9).

.3. Gènes candidats codant pour des protéines structurelles duisque intervertébral

.3.1. Le VNTR du gène Aggrecan (ACAN)Un polymorphisme de séquences répétées en tandem (VNTR),

itué dans l’exon 12 de ce gène et codant pour le domaine’attachement de la chondroïtine sulfate, a été bien étudié. Laariation de longueur de ses allèles modifie le nombre de chaînese chondroïtine sulfate susceptibles de se lier à cette protéogly-ane, changeant ainsi les propriétés mécaniques en compressionu cartilage. Les allèles courts ont été associés avec la discopathieégénérative dans les populations asiatique et caucasienne. Uneéta-analyse de sept études d’association a conclu que les variants

nférieurs ou égals à 23 répétitions augmentaient significativemente risque de discopathie (OR = 1,96, 95 %IC : 1,41–2,70) [16].

.3.2. Les gènes codant pour les collagènes, notamment de type IXt XI

Deux variants des gènes COL9A2 et COL9A3, respectivement’allèle Trp2 (p.Gln326Trp) et l’allèle Trp3 (p.Arg103Trp), ont étéssociés avec les lombalgies et la discopathie dégénérative danses populations finlandaise et chinoise. L’allèle Trp2 est un fac-eur de risque âge-dépendant de discopathie, altérant in vivo lesropriétés mécaniques de la matrice extracellulaire discale. Unolymorphisme fonctionnel de l’exon 62 de COL11A1 a été associévec les hernies discales lombaires dans la population japonaise17]. Le niveau d’expression génique était inversement corrélé aveca sévérité de la discopathie dégénérative. D’autres gènes codantour les collagènes, tels que COL1A1, COL5A1, COL9A1, COL11A2,nt été associés avec différents phénotypes à l’IRM de discopathieégénérative [18].

.3.3. Méthylation du promoteur du gène codant pour la protéinePARC

La secreted protein, acidic and rich in cysteine (SPARC), aussippelée ostéonectine, est une protéine de la matrice extracellu-aire dont l’expression diminue avec l’âge et avec la progression dea discopathie. Les humains atteints de lombalgies présentent uneugmentation de la méthylation du promoteur de SPARC, ce quinduit in vitro un effet silencer sur l’activité du promoteur [19].

.3.4. Le gène Cartilage Intermediate Layer Protein et la voie duGF-ˇ1

Un polymorphisme fonctionnel de l’exon 8 de Cartilage Interme-

iate Layer Protein (CILP) (p.Ile395Thr) a été associé à la discopathieégénérative lombaire. La protéine CILP, qui régule la voie du TGF-1, est abondamment exprimée dans les disques intervertébrauxt son expression augmente lorsque la discopathie progresse [20].

onographies 81 (2014) 2–6

3.3.5. Le polymorphisme D14 du gène Asporin (ASPN)Ce polymorphisme, qui code pour une protéine de la matrice

extracellulaire, est associé à la discopathie dégénérative chez lesasiatiques. Une méta-analyse conclut effectivement à un risqueaugmenté de discopathie (OR = 1,70 [1,35–2,20]) [21]. L’asporineest aussi un régulateur négatif du TGF-�, dont l’expression au seindu disque augmente avec l’âge et la progression de la discopathie.

3.3.6. Le gène Hyaluronan and proteoglycan link protein 1(HAPLN1)

Un polymorphisme de l’exon 2 de ce gène a été associé avecla formation d’ostéophytes (OR = 2,12 [1,45–3,11]) et le pincementdiscal (OR = 1,83 [1,19–2,83]) chez des femmes japonaises [22]. Laprotéine HAPLN1 stimule la synthèse de l’aggrécane et du collagènede type II, et stabilise les interactions entre les protéoglycanes.

3.4. Gènes candidats codant pour des protéines cataboliques

3.4.1. Les gènes codant les enzymes Matrix Metalloproteinases(MMP)

Un polymorphisme fonctionnel du promoteur de MMP1 a étéassocié à la discopathie dégénérative et à la lombalgie. Ce variantcrée un site de fixation pour un facteur de transcription, ce quiaugmente de plus de 30 fois l’expression de MMP1 in vitro, etcontribue à promouvoir la dégradation de la matrice extracellu-laire discale [23]. Dans le gène MMP3 codant pour la stromélysine-1,une association génétique entre la discopathie dégénérative et lepolymorphisme 5A/6A du promoteur a été identifiée [24]. Ce poly-morphisme, impliqué dans la régulation de l’expression de MMP3,pourrait interagir avec certains facteurs environnementaux, telsque l’exposition à des vibrations ou les mouvements de flexion etde torsion [25]. Il a aussi été rapporté qu’une interaction entre lesgènes MMP3 et IL1A pourrait contribuer à des changements Modicde type II [26].

3.4.2. Le gène High temperature requirement A1Un polymorphisme fonctionnel du promoteur de High tem-

perature requirement A1 (HTRA1) a été associé à la discopathiedégénérative dans la population japonaise [27]. Le génotype homo-zygote AA de ce variant augmente considérablement le score depincement discal.

3.5. Gènes candidats codant pour des cytokines ou des facteurs decroissance

3.5.1. Gènes codant pour les interleukines (IL)Plusieurs polymorphismes du cluster de l’IL1 ont été associés

aux discopathies dégénératives et aux lombalgies, notamment unpolymorphisme de l’IL1 avec la hernie discale lombaire et unvariant de l’IL1RNA avec les lombalgies [28]. Un polymorphismede l’IL1A a été associé avec les changements Modic dans uneétude portant sur 108 hommes. Compte tenu de la petite taillede l’échantillon et de l’importance de la taille de l’effet chez lesporteurs de l’allèle mineur (OR = 2,50 [1,09–5,71]), une étude deréplication serait souhaitable [29]. Deux variants communs et unhaplotype de l’IL6 ont été associés à la discopathie dégénérativechez de jeunes adultes finlandais [30]. Trois polymorphismes dupromoteur de l’IL10 ont été associés à la discopathie dégénérativedans une cohorte chinoise [31]. Enfin, une étude prospective a rap-

porté une association d’un variant de l’IL18RAP avec la sévérité de ladégénérescence discale et un haplotype couvrant aussi l’IL18R1 etl’IL1A était associé avec le handicap et la réduction de la douleur[32].

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L. Michou / Revue du rhumat

.5.2. Le gène Growth differentiation factor 5Un variant du gène Growth differentiation factor 5 (GDF5) a été

ssocié à la discopathie dégénérative chez des femmes d’Europe duord [33]. GDF5 participe in vitro à la croissance et à la réparationu disque intervertébral chez l’animal.

.5.3. Le gène Insulin-like growth factor-1 receptorUn polymorphisme intronique de l’Insulin-like growth factor-

receptor (IGF-1R), un puissant agent anabolique sur l’homéostasieu cartilage, a été associé à un score élevé de pincement discal chezes femmes japonaises (OR = 2,04 [1,27–3,29]) [34].

.6. Gènes candidats codant pour des protéines impliquées dansa douleur

Plusieurs variants du gène Catechol-O-methyltransferase (COMT),otamment le p.Val158Met qui réduit l’activité enzymatique etugmente la sensibilité à la douleur, ont été associés prospective-ent avec la réduction de la lombalgie au décours de traitements

hez les patients lombalgiques chroniques [35]. L’allèle G du variant.A118G du gène de l’Opoid receptor mu 1 (OPRM1) augmenteraita susceptibilité aux lombalgies chez les femmes dans l’année sui-ant une hernie discale lombaire, alors qu’il serait protecteur chezes hommes [36]. Enfin, un polymorphisme du gène Guanosineriphosphate cyclohydrolase 1 (GCH1) serait lui aussi un facteurronostique de la douleur au décours d’une chirurgie discale [37].

.7. Autres gènes candidats

Des associations génétiques ont été rapportées avec des poly-orphimes de gènes de la voie de l’apoptose, comme BCL-2, Caspase

, Fas, Fas ligand, Death Receptor 4 (DR4) dans une cohorte chi-oise. Bien que le gène Vitamine D Receptor (VDR) fut le premierapporté comme potentiellement associé aux discopathies, uneéta-analyse récente n’a pas confirmé cette association [16]. Des

ariants du gène Matrilin-3, associés à la rhizarthrose seraient aussissociés aux discopathies (OR = 2,9 [1,2–7,3]). Un polymorphismee l’Alcohol dehydrogenase 2 (ADH2), p.Arg47His, aurait quant à luin effet protecteur contre la formation d’ostéophytes.

. Principales études d’expression génique

.1. Études pangénomiques d’expression génique

Une première analyse pangénomique a étudié des annulus deatients avec lombalgies discogéniques versus avec hernie discale,t des témoins sains [38]. Des gènes de la douleur, tels que le Bra-ykinin receptor B1, le Calcitonin-gene related peptide et le COMTtaient surexprimés. Les gènes de cytokines pro-inflammatoires,e chemokines et des composantes de la matrice extracellu-

aire, étaient différentiellement exprimés dans l’annulus. Une autretude dans l’annulus s’est focalisée sur le génome mitochondrial,dentifiant dans les disques atteints une surexpression de p53 et delusieurs gènes de l’apoptose (Fig. 1) [39].

.2. Études d’expression génique avec une approche gèneandidat

L’étude de prélèvements obtenus lors de chirurgie a montré que’IL1 était plus surexprimée que le TNF en cas de dégénéres-ence discale avancée [40]. L’IL-1 surexprime à son tour les gènes

MP3 et MMP9, alors que le TNF surexprimerait l’IL1 et l’IL1RA.

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es cellules du nucléus pulposus, les disques modérément atteints

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onographies 81 (2014) 2–6 5

surexprimeraient l’ACAN, COL2, SOX9, COL1 alors que les disquesplus sévèrement atteints surexprimaient l’IL1 et le TNF [41].

5. Conclusion

La dégénérescence discale a été attribuée par le passé à une accu-mulation de facteurs environnementaux, notamment mécaniquesinhérents aux activités professionnelles, aux activités sportives, auxtraumatismes, et le tabagisme, en plus des changements liés à l’âge.Les études génétiques des 15 dernières années ont démontré qu’ils’agissait en fait d’une maladie multifactorielle déterminée par uneinteraction entre des facteurs génétiques et environnementaux, etces derniers n’auraient d’ailleurs que des effets très modestes dansle déterminisme de la maladie. Enfin, il est important de rappelerque les difficultés de phénotypage des lombalgies et l’hétérogénéitéphénotypique qui en résulte, vient compliquer les études de corré-lation phénotype-génotype.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationavec cet article.

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