infirmier-patient : se comprendre dans le soin · positionnement professionnel en tant que futur(e)...
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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS
INFIRMIERS
Groupement d’Intérêt Public
1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705
29107 QUIMPER CEDEX
Infirmier-Patient :
Se comprendre dans le soin
UE 3.4 : « Initiation à la démarche de recherche »
UE 5.6 : « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles »
UE 6.2 : « Anglais »
Katell LE MOIGNE
Promotion 2013/2016
Formation en Soins Infirmiers
Formateur guidant : Mme LE SIGNOR Véronique
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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS
INFIRMIERS
Groupement d’Intérêt Public
1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705
29107 QUIMPER CEDEX
Infirmier-Patient :
Se comprendre dans le soin
UE 3.4 : « Initiation à la démarche de recherche »
UE 5.6 : « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles »
UE 6.2 : « Anglais »
Katell LE MOIGNE
Promotion 2013/2016
Formation en Soins Infirmiers
Formateur guidant : Mme LE SIGNOR Véronique
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Je déclare sur l’honneur que ce mémoire est le fruit d’un travail personnel, que je n’ai ni
contrefait, ni falsifié, ni copié tout ou partie de l’œuvre d’autrui afin de la faire passer
pour mienne.
Toutes les sources d’information utilisées et les citations d’auteur ont été mentionnées
conformément aux usages en vigueur.
Je suis consciente que le fait de ne pas citer une source ou de ne pas la citer clairement et
complètement est constitutif de plagiat, que le plagiat est considéré comme une faute
grave au sein de l’IFSI, pouvant être sévèrement sanctionnée.
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Note au lecteur
« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou
partie sans l’accord de son auteur »
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Sommaire
Pages
Note au lecteur 4
Introduction 8
La situation d’appel 9
1. Description de la situation 9
2. Analyse 10
3. Problématique 11
Cadre conceptuel 13
1. La communication 13
1.1 Définition 13
1.2 La communication vue par Shannon 13
1.3 La communication verbale 14
1.4 La communication non verbale 15
1.5 La distance dans la communication 16
2. La bienveillance 17
2.1 Définition 17
2.2 La bienveillance dans le soin 17
2.3 La charte de bienveillance 19
3. La vulnérabilité 22
3.1 Définition 22
3.2 L’être vulnérable 22
3.3 La posture soignante 23
Enquête de terrain 27
1. Présentation du dispositif et des modalités d’enquête 27
1.1 Choix et construction de l’outil d’enquête 27
1.2 Choix des lieux et des populations 27
1.3 Modalités de réalisation 27
1.4 Traitements des données recueillies 28
2. Analyse des données recueillies 28
2.1 Profil des infirmières 28
2.2 La communication 29
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2.3 La bienveillance 30
2.4 La vulnérabilité 32
2.5 Pour conclure 33
3. Synthèse de l’analyse 34
Conclusion 35
Bibliographie 36
Annexes I
Sommaire des annexes I
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« Si je peux écouter les choses que l’autre me dit,
Si je peux comprendre comment elles lui apparaissent,
Si je peux comprendre les significations personnelles qu’elles ont pour lui,
Si je peux sentir l’exacte nuance d’émotion qui les accompagne,
Alors je libérerai de puissantes forces de changements. »
Carl ROGERS
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Introduction
Afin de clore ces trois années menant au diplôme d’état infirmier, il nous est demandé de
rendre un travail de fin d’études. Ce dernier est nommé depuis peu MIRSI : mémoire
d’initiation à la recherche en soins infirmiers. Par le biais d’une méthode alliant rigueur et
réflexion, cette initiation à la recherche nous permet, in fine, de converger vers un
positionnement professionnel en tant que futur(e) infirmier(e).
Pour ce faire, il m’a fallu une situation de départ. C’est au cours de mes différents stages que
l’une d’entre elles m’a particulièrement interpellée. Elle s’est déroulée lors de mon second stage
en première année. C’est une scène qui m’a marquée puisqu’elle m’a amenée vers une remise en
question quant à mon attitude dans la relation soignant/soigné. C’est lors de cette situation que
j’ai pris conscience de ma posture en tant que future professionnelle. Durant les stages qui ont
suivi, à de nombreuses reprises je me suis questionnée et repositionnée. Mais ce stage du
semestre 2, a vraiment été le point de départ du sens moral que je donne à ce métier. S’ajoutait à
cela, l’importante prise de conscience dans la notion de mansuétude lors d’une prise en charge
d’un individu. C’est pourquoi, j’ai décidé d’orienter le travail qui va suivre sur le thème de la
communication, et plus particulièrement sur la difficulté de compréhension qui peut s’immiscer
entre le soignant et le soigné.
Pour l’élaboration de ce travail j’ai, en premier lieu, détaillé la situation vécue qui m’a permise
d’apporter des questionnements et de poser ma problématique. C’est à partir de cette dernière
que j’ai ensuite établi un cadre conceptuel où j’ai développé, par des recherches théoriques, trois
principaux items en lien avec mon sujet. Afin de confronter ces recherches, j’ai procédé dans un
troisième temps à une enquête de terrain. Le principe, dans ce cas, étant d’analyser trois
entretiens effectués auprès de professionnelles, avec mes données du cadre théorique. Enfin, et
avant de conclure ce mémoire, je terminerai par une synthèse de l’analyse de ces dialogues, et
l’évolution de mon questionnement.
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La situation d’appel
1. Description de la situation
La situation se déroule en EHPAD. Je suis dans ma quatrième semaine de stage S2 dans
un service qui compte vingt résidents, dont trois que j’ai pris en charge. Il est 12h35, l’équipe de
l’après-midi commence à arriver en vue des transmissions qui auront lieu d’ici dix minutes. Je
me trouve dans le poste de soins avec l’équipe du matin : quatre aides-soignantes, une étudiante
infirmière en fin de 3e année et une infirmière. Sur le tableau des chambres, le numéro 2 sonne,
il s’agit de Mr L. Quasiment toute l’équipe est assise, mis à part moi et une aide-soignante, par
manque de chaises. Etant debout, et voyant mes collègues finir leurs transmissions écrites pour
certaines, je me dis pouvoir y aller, puisque je suis là à ne rien faire. Je préviens donc que je m’y
rends.
Je connais peu cet homme puisque au quotidien je m’implique davantage dans la prise en charge
de trois résidents dont il ne fait pas parti. Mr L., âgé de 79 ans, est dans la structure depuis trois
semaines, en chambre seul, il ne peut s’alimenter seul, nécessite une aide totale à la toilette.
Quand il est levé, il est assis dans un fauteuil roulant, et sa capacité de jugement est diminuée
avec une désorientation temporo-spatiale. Lorsque j’arrive dans sa chambre, la porte est fermée,
il est installé dans son fauteuil, et il demande à être couché pensant qu’il est plus de 16h00. Il
n’a été levé qu’à 11h30 pour le déjeuner. Je lui explique donc qu’il est encore tôt en lui
précisant que les aides-soignantes viendront le coucher d’ici une heure environ. Il ne me répond
pas, mais me regarde fixement. Son regard me trouble, car je ne sais que penser : a-t-il vraiment
compris ce que je viens de lui expliquer ? Ou se dit il que c’est moi qui n’ait pas compris sa
demande et se désole que je n’y réponde pas car il se sent vraiment fatigué ? Ou bien encore, un
regard qui traduit la fatalité de se dire « Je ne suis plus chez moi, je ne peux plus faire ce que je
veux quand je veux, ici « on » décide à ma place ». Malgré ses yeux qui ne me lâchent pas, je
tourne les talons et sors de la chambre.
A peine suis-je de retour dans le poste de soins qu’il sonne à nouveau. Les transmissions sont
sur le point de démarrer et j’ai envie d’y participer avec l’équipe pour être tenue informée
d’éventuels problèmes, pour m’exprimer sur les résidents que j’ai en charge et aussi pour
m’entraîner à cet exercice verbal qui, en première année, n’est pas évident à acquérir. Mais je
comprends alors que toutes mes collègues sont prêtes à s’exprimer entre elles et me laissent le
soin de répondre encore à Mr L.. A mon arrivée dans sa chambre, ce dernier réitère sa demande,
ce à quoi je lui réponds comme précédemment, en ajoutant que l’équipe de l’après-midi est
arrivée mais qu’il faudra attendre un peu avant qu’elle ne vienne le coucher. Je lui pose à
nouveau des repères temporels. Il ne s’exprime pas beaucoup plus, si ce n’est que cette fois il
me demande de ne pas fermer sa porte lorsque je quitte sa chambre. Une fois de plus, et peut
être encore un peu plus vite que la fois d’avant, je quitte la pièce pour assister aux
transmissions. Tout ceci en me disant que de toute façon il devra attendre un peu, puisque seule
je ne peux pas le coucher, et que les aides-soignantes ne feront leur tour qu’après les
transmissions. L’une d’entre elles me demande cependant ce que veux Mr L. A ma réponse, elle
prend note de passer le voir au début de leur tour.
Transmissions…Transmissions… A ce moment, je n’ai que cet objectif en tête et je ne prends
même pas conscience du voile que je pose d’une manière abstraite sur la demande, l’appel
qu’est en train de faire un individu en position de vulnérabilité par rapport à moi. Si cette
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personne avait eu les moyens d’exprimer son mécontentement d’une façon plus forte,
verbalement ou physiquement, l’aurais je laissé dans son fauteuil sans rien dire à personne après
deux passages assez rapide à ses côtés ?
A nouveau, pour la troisième fois, Mr L. sonne immédiatement. A cet instant je ressens de
l’agacement car je ne cesse de faire des va et vient qui m’empêchent d’être participative auprès
de mes collègues. En éteignant la sonnette dans sa chambre je croise à nouveau son regard…ce
regard qui m’a troublé un instant auparavant et qui cette fois m’accroche davantage, me
perturbe. Par ce fait, je décide de m’attarder auprès de lui, lui demande s’il se sent bien, s’il a
besoin de quelque chose. Son visage est triste, il ne me répond pas, il me fixe toujours et dans
ses yeux des larmes apparaissent. Cette scène m’affecte et me peine. Je ferme alors la porte,
m’assois face à lui et débute alors un échange verbal d’environ dix-quinze minutes. Je
l’interroge sur le pourquoi de ces pleurs, il me répond qu’il veut rentrer chez lui, que sa place
n’est pas ici. Malgré la présence du personnel, ainsi que le passage quotidien de son épouse, il
regrette son domicile, et se dit « seul ». Il a conscience de ne plus avoir toutes ses capacités
physiques qui le rendent dépendant d’autrui, et je comprends que cela le blesse dans sa fierté.
Quand bien même il ne bougeait pas plus chez lui, il était au moins dans ses affaires, me
rapporte t’il. Nous parlons alors des diverses difficultés qu’il rencontre dans sa mobilité, que sa
femme est aussi âgée que lui et, par ce fait, elle ne pouvait plus tout « supporter » seule. Mais, la
présence de son épouse reste forte, aimante et il en a conscience. Puis, au fil de notre
conversation, je lui pose alors des questions sur sa vie active, son lieu d’habitation, ses
habitudes de vie, ses enfants et petits enfants… Il a parfois des difficultés à me répondre,
cependant devant l’effort à fournir face à mes questions, et les minutes qui s’égrainent mine de
rien, il en oublie ce pourquoi il éprouvait de la tristesse quelques minutes auparavant. Mr L., au-
delà de la sensation de fatigue qu’il devait éprouver, se sentait isolé et abandonné dans sa
chambre. Le fait de laisser la porte ouverte afin qu’il puisse se divertir du passage dans le
couloir n’est en rien une alternative au sentiment de solitude et d’abandon très présent chez Mr
L..
Pour la troisième fois, je quitte cette chambre n°2. La chambre de Mr L., au visage apaisé, qui
m’adresse un sourire avant que je ne lui tourne le dos et qui n’aura pas actionné sa sonnette une
seule fois avant la fin de ma journée, trente minutes plus tard.
Les transmissions… ? Je n’y aurais finalement pas assisté, et je ne m’en veux pas. Mon état
d’esprit est différent. Cet homme a réussi en l’espace de quelques instants à changer ma vision
de la relation que j’avais avec lui, pour lui, et pour les autres à venir.
2. Analyse
Cette situation a eu lieu durant ma première année de formation. Nonobstant, il s’agit
bien là d’une scène qui m’a le plus interpellée parmi les stages que j’ai effectué depuis. Et ce,
pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, en première année, nous manquons d’expérience. Avec un seul stage de cinq
semaines à mon actif lors du premier semestre, j’étais encore loin de me sentir très à l’aise dans
le soin d’une manière générale. Je découvre les différentes pathologies au fur et à mesure des
semaines, ainsi que leurs répercussions sur le quotidien des personnes qui en sont atteintes. Ceci
a donc pour effet de provoquer en moi certains étonnements, induisant un temps d’adaptation et
de compréhension à chaque nouvelle situation. Dans le cas présent, je suis restée étonnée un
certain moment sur le fait que Mr L. sonne de manière intempestive pour la même raison.
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Pourtant, je lui expliquais bien qu’il devait patienter, mais il n’avait pas l’air de comprendre et
je me heurtais à son impatience.
Cela a eu pour effets de provoquer en moi un certain ressenti qui, au fil de la situation s’est
traduit par différentes émotions. Je ne cache pas que les coups de sonnettes répétées m’ont
agacée au départ, et ce, surtout parce qu’ils m’empêchaient de participer aux transmissions.
Mais aussi parce que Mr L. s’entêtait dans sa demande, alors que ce n’était pas le moment. Je
voulais m’en tenir aux horaires réglés et habituels. Cependant, cette irritation première, s’est
muée en empathie vis-à-vis de cet homme lorsqu’il a laissé apparaître sa tristesse sous forme de
chagrin. C’est à ce moment que j’ai vu sa peine et que j’ai cherché à comprendre pourquoi. Et,
c’est au détour de la conversation qui s’en est suivie, que j’ai ressenti de la tristesse face à cet
individu qui m’exprimait oralement son sentiment d’abandon et d’isolement. Mais, il a en effet
été nécessaire que je sois confrontée à cette détresse visuelle pour enfin prendre conscience du
mal-être de ce résident.
Alors j’ai admis qu’un lieu de vie n’est pas un « chez soi ». Quand bien même, lorsque nous
sommes en vacances, ne nous tarde t’il pas parfois de rentrer à domicile ? Lieu et espace de vie
intime, propre à chacun, emplis d’affaires et d’habitudes personnelles. Un environnement que
l’on conçoit, est un environnement qui nous ressemble et qui contribue à l’image subjective
dont on se fait du bien-être. De plus, au terme de cette scène, j’ai constaté mon manque de
maturité professionnelle vis-à-vis de la demande de ce résident. Je n’ai pas su et/ou voulu
répondre à la demande de Mr L. dans un premier temps. Mais pourquoi ? Et était-ce seulement
un manque d’expérience ?
3. Problématique
Cette analyse m’a d’abord amenée à m’interroger sur plusieurs points :
- L’organisation des soins doit elle imposer un rythme de coucher ? - Un soignant peut-il ne pas s’apercevoir du mal-être d’un patient alors qu’il en ressort de
son rôle propre ?
- Pourquoi est-ce parfois difficile pour un soignant de décoder la demande d’un patient ? - Si cette personne avait été moins vulnérable, aurais-je réagi de la même façon ? - Apporter une réponse soignante en corrélation avec la demande du patient comble-t-elle
le sentiment de quiétude professionnelle, alors qu’en première intention la priorité du
soignant en était éloignée ?
De ces questionnements, en sont ressorties des hypothèses :
- En tant que future professionnelle de santé, je n’ai pas été en capacité de décoder la demande du résident, car, à cet instant mon esprit a dû être accaparé par un objectif
découlant du contexte : la contrainte des transmissions qui se déroulent à heure fixe.
- L’organisation institutionnelle pourrait induire que le fait de réaliser des tâches à horaires fixes ait un impact sur la prise en soins du patient.
- Le manque d’expérience en communication et/ou le manque d’apports théorique à ce sujet, pourraient représenter un frein à la compréhension d’une situation donnée.
- Il y aurait la manifestation d’un décalage entre la demande telle qu’elle est exprimée par le patient, et ce que peut en comprendre le soignant.
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Et, c’est donc à ce stade que j’ai posé la problématique suivante, afin d’élaborer le
travail qui va en découler :
En quoi est-ce une source de difficulté pour le soignant de décoder la demande du patient
dans le soin ?
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Cadre conceptuel
Suite à la situation d’appel et à mes questionnements, trois concepts m’ont paru important d’être
traités. Différentes recherches m’ont permise d’étayer la base théorique qui va suivre. Dans un
premier temps, j’aborderai la notion de communication, qui pour moi représente un acte de soin
à part entière. Ensuite, je m’attarderai sur la bienveillance. Enfin, le thème de la vulnérabilité
viendra clore ce cadre conceptuel.
1. La communication
1.1 Définition
La communication se définit comme telle : « Émission et transmission d'un message par une personne ou un groupe et sa réception par autrui avec des erreurs possibles, liées surtout au codage de
la langue parlée ou écrite, du langage mimogestuel, par l'émetteur, puis au décodage par le récepteur.
Processus fragile d'action et de rétroaction, qui permet interaction et synchronisation entre les
communiquants. » 1. Le fait de vouloir se faire comprendre de l’autre ne se résume pas seulement
à émettre des paroles pour s’exprimer. En effet, comme le souligne justement Evelyne
Terrat : « Le langage est spécifique de l’être humain, mais seulement 10% de l’information passe par le
canal de la parole. »2. Alors qu’en est-il du reste ? Comment l’individu parvient il à
communiquer, sans pour autant toujours parvenir à se faire comprendre. Quels sont ces modes
de communication et comment fonctionnent ils ?
1.2 La communication vue par Shannon
Intéressons nous au schéma élaboré par Claude Shannon. Cet ingénieur mathématicien a
été l’un des précurseurs dans le fondement des théories de la communication. C’est au cours des
années 40 qu’il pose un schéma général basé sur des étapes bien distinctes reliant un émetteur et
un destinataire. Ses travaux se sont vus, par la suite, étoffés de différents apports. Wiener,
mathématicien et théoricien, vient appuyer sur l’importance de l’existence d’une certaine
interaction entre l’émetteur et le récepteur. Weaver, philosophe de son état, complète quant à
lui, ce schéma par l’introduction de la possible présence de facteurs parasites qui sont
susceptibles de fausser la transmission du message. In fine, la représentation de la
communication se déroule comme suit 3 :
- L’émetteur : est celui qui diffuse le message, il peut être seul où former un groupe - Le récepteur : est celui qui va recevoir ce message - Le message : il s’agit des données qui sont transmises volontairement - Le canal de communication : c’est la voie de circulation du message envoyé, il peut être
d’ordre visuel, sonore où encore sensoriel
1 PSYCHOLOGIES. http://www.psychologies.com
2 TERRAT, Evelyne. Communiquer, un apprentissage. L’aide-soignante, p.12
3 Cf. annexe I
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- Le code : est un ensemble de signes permettant de constituer le message pour l’émetteur et de le comprendre par le récepteur
- Le feed-back : c’est la capacité du récepteur à pouvoir ré-exprimer le message transmis par l’émetteur, prouvant ainsi la bonne compréhension des données
- Les bruits et interférences : concerne tout ce qui peut entraver la bonne transmission et réception du message émis, ils peuvent être là aussi d’ordre sonore ou visuel
- Les filtres : c’est le fait que la possibilité d'expression peut être conditionnée par des facteurs extérieurs à la personne
Tous ces éléments peuvent maintenant être apposés à ma situation de départ. Effectivement,
bien que mes passages fussent répétés dans la chambre de Mr L., il m’a fallu un certain temps
avant de décoder sa demande. Dans un premier temps, j’ai analysé rapidement son message : il
voulait être couché, mais ce n’était pas l’heure. J’ai donc répondu défavorablement à sa
demande. Je ne me suis basée que sur son expression verbale, car, inconsciemment une
interférence contrecarrait la bonne réception de son message : les transmissions auxquelles je
tenais absolument participer, inhibant par là même mes capacités à comprendre la demande
première de cet homme. Soulignons également la présence de filtre du côté de Mr L., en prenant
en considération le fait que ce dernier se trouve en structure, où des horaires et des règles sont
mis en place afin de générer une organisation collective efficace. Ensuite, Mr L. a poursuivi ses
efforts de communication en relançant sa demande d’une part, et en insistant sur le code d’autre
part. Puisque, au final, c’est à partir de son regard que ma compréhension s’est modifiée,
permettant ainsi à la communication de devenir bidirectionnelle. Mes sens se sont élargis en
reconnaissant l’existence de différents canaux de communication.
Reprenons la devise de l’Ecole de Palo Alto, (courant de pensée et de recherche ayant pris le
nom de la ville de Palo Alto en Californie, à partir du début des années 1950) qui dit ceci : «Il
est impossible de ne pas communiquer ». Alors comment communique l’être humain et quelles
en sont les formes ?
1.3 La communication verbale
La forme verbale est constituée de mots d’un langage donné. Ce dernier doit être bien
connu entre deux interlocuteurs, au minimum, afin que la communication se fasse de la manière
la plus efficiente possible. La communication verbale est une façon structurée et codifiée
d’exprimer une idée, un besoin, un désir. C’est une manière directe et spontanée de s’adresser à
l’autre. Cependant, il apparaît que le simple fait d’ouvrir la bouche n’aboutit pas forcément à un
échange efficace !
Gilbert Gasparutto, Directeur des ressources humaines d’un hôpital parisien, a écrit différents
ouvrages professionnels sur le monde infirmier. Dans l’une de ses publications, il souligne que :
« La bonne transmission d’un message est assujetti à un autre phénomène : l’existence de « filtres ». Même dans une conversation soutenue, le cerveau effectue des choix à notre insu, et oublie pour des
raisons complexes, de mémoriser telle ou telle donnée. »4. En effet, au regard de la situation, quand
bien même, moi et Mr L. étions dans un rapport de langage identique et compréhensible, sur
l’instant il m’a été impossible de traduire sa demande. Inconsciemment, mon esprit restait figé
sur la tenue imminente des transmissions que je ne voulais absolument pas manquer. Ainsi, dans
l’empressement et également guidée par le maintien de certains horaires de tâches en structure,
je n’ai pas dans un premier temps cherché à satisfaire les besoins de Mr L. au-delà de ce que j’ai
voulu entendre par rapport à ce qu’il voulait me faire comprendre. C’est pourquoi, Gilbert
4 GASPARUTTO, Gilbert. L’infirmière et la communication, p.31
https://fr.wikipedia.org/wiki/Palo_Altohttps://fr.wikipedia.org/wiki/Californiehttps://fr.wikipedia.org/wiki/1950
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Gasparutto ajoute : « Ecouter suppose […] une démarche active, sous le contrôle de la volonté, et qui met en jeu l’ensemble de nos sens et de nos activités de perception. Par exemple, c’est écouter un
individu silencieux que de le découvrir d’abord avec les yeux. »5. Mr L. verbalisait son désir d’un
côté, et du mien je ne priorisait pas sa volonté, mais la mienne. Pour entrer dans une
communication bidirectionnelle avec un individu, il faut avant tout être attentif à ses dires. La
différence est nettement perceptible entre un récepteur qui n’est que dans la démarche
« d’entendre », et celui qui est là pour « écouter ». L’écoute active est une forme de
communication essentielle en relation d’aidant. Le décodage du message émis sera d’autant plus
correct dans le second cas, puisque le récepteur sera consciemment axé sur les réponses à
apporter en fonction des demandes exprimées. Et ce, par une observation d’ordre général de la
situation avec nos « sens » justement : la vue, l’odorat, le toucher. C’est bien dans cette idée, à
nouveau, que Gilbert Gasparutto relève : « Le divorce entre discours exprimé et discours silencieux
est parfois trop flagrant. »6. En effet, dans certains contextes, nous avons tendance à nous tenir
uniquement au décryptage de ce que l’autre nous dit en paroles. Cependant, derrière ces
« mots » articulés, peuvent se cacher des « maux » tus, qu’il faut parvenir à deviner par d’autres
signes environnants. Et, cette perception ne pourra se faire que s’il y a une concentration
certaine de la part du récepteur. Ceci nous mène à l’autre forme de communication, la forme
non verbale.
1.4 La communication non verbale
La communication non verbale correspond à l’expression du visage et aux postures du
corps que l’on adopte : c’est le langage du corps. Le langage non verbal et la communication
vocale ne sont pas toujours en accord avec le langage verbal. On peut signifier silencieusement,
ou dans le ton utilisé, par exemple, le contraire de ce que l’on dit à haute voix.
Guy Barrier, expert en analyse gestuelle et docteur en sciences de l'information-communication,
note ceci : « Le non verbal peut être source de malentendus, de préjugés, de stéréotypes. »7. En effet, si
l’on prend en considération le fait d’exprimer une requête par des mots tels que : « Je veux être
couché, car je suis fatigué. » et qu’en parallèle, le regard est vif et la gestuel dynamique, il est
clair que l’adéquation entre le verbal et le non verbal est faussée. Dans ce cas, l’esprit devra
faire un choix entre ces deux messages contradictoires. Soit la personne sera couchée alors que
le besoin n’était pas réel, soit elle ne le sera pas car son corps ne s’exprime pas dans ce sens.
C’est bien là, toute la subtilité de la perception des choses par rapport à l’environnement. Car,
nous pouvons tout aussi bien penser que cette personne est très expressive dans sa gestuelle, non
pas parce qu’elle n’est pas réellement éreintée, mais car elle s’agace de devoir attendre pour se
reposer. C’est le savoir comprendre au-delà des mots, afin d’amoindrir, voire de supprimer un
décalage entre la demande telle qu’elle est exprimée par le patient, et ce que comprend le
soignant. Un sens de l’observation affuté permet d’appréhender des messages qui nous
parviennent de façon paradoxale. Dans la situation présente, Mr L. demande à être mis au lit,
mais il reste prostré dans son fauteuil. Je pouvais donc comprendre de part son attitude qu’il
pouvait, en effet, être fatigué. Mais, je me suis raccrochée aux horaires de passages du
personnel soignant, et au fait qu’il avait été levé depuis peu. De cette manière, j’ai effectivement
répondu défavorablement à son souhait. Cependant, et après coup, j’ai pris conscience d’un
autre élément qui m’avais échappé de prime abord : son regard. « Le regard est à la fois un canal
de communication, au-delà des mots, un indice affectif et un signal conversationnel »8. Et, c’est tout à
5 GASPARUTTO, Gilbert. L’infirmière et la communication, p.63
6 Ibid.p.64
7 BARRIER, Guy. Communication non-verbale, p.141
8 Ibid. p.70
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fait ce qui s’est déroulé par la suite. Je note bien que son regard « m’avait troublé » lors de mon
second passage, et qu’au troisième il « m’accroche ». Au fil de mes venues dans sa chambre,
mon attention s’est modifiée et j’ai accédé inconsciemment à l’analyse du non verbal. J’ai
finalement lu de la tristesse dans ces yeux, et c’est ainsi que je me suis posée à ses côtés pour
entreprendre une conversation. A ce titre, comment me suis-je positionnée lors de ce face à
face ?
1.5 La distance dans la communication
Au quotidien, nous sommes tous confrontés à l’interaction avec autrui. Selon notre statut,
la personne avec qui nous communiquons, et le sujet de l’échange, notre occupation de l’espace
sera différente en fonction de l’image que l’on se fait de l’autre. Cette notion de distance
sociale, est aussi appelée « proxémie ». Edward T. Hall, anthropologue américain, est connu
pour ses recherches sur la perception culturelle de l’espace, ainsi que le développement du
concept de proxémie qu’il définit comme suit : « Ensemble des observations et théories concernant
l’usage que fait l’homme de l’espace.»9. Grâce à ses nombreuses observations, Hall met en
évidence quatre catégories principales de distances interindividuelles en fonction de la distance
qui sépare les êtres :
- 1/ La distance publique (entre 3 et 4 m) : une zone dite de « confort » qui est utilisée pour s’adresser à un groupe
- 2/ La distance sociale (entre 1,50 et 3m) : lorsque deux personnes qui ne se connaissent pas communiquent
- 3/ La distance personnelle (entre 0,50 et 1,50 m) : évocation de convivialité au niveau de l’échange entre deux individus
- 4/ La distance intime (entre 15 et 50 cm) : zone où l’implication physique et l’échange sensoriel sont élevés, où ne sont acceptées que les personnes les plus proches (parents,
amis chers, amant)
En tant que soignant, c’est d’une façon journalière que nous entrons dans la sphère intime du
soigné. Et ce, parce que notre métier nous l’incombe, avec l’accord de l’intéressé : « L’infirmier
ou l’infirmière agit en toute circonstance dans l’intérêt du patient. »10. La distance sera adaptée en
fonction du soin apporté, nous pouvons alors parler de distance professionnelle. Aider une
personne lors de sa toilette, ou encore effectuer la détersion d’une plaie, nous amènera à toucher
le patient. Différemment, une cotation de la douleur pourra s’établir dans un espace social.
Enfin, un entretien d’ordre privé fera appel à une distance personnelle. Cette dernière tient
souvent lieu lorsque l’empathie s’élève suite au réveil de nos sens, sources de notre
compréhension. D'après J. Decety, les deux composantes de l'empathie sont : « Une réponse affective envers autrui qui implique un partage de son état émotionnel et la capacité cognitive de prendre
la perspective subjective de l'autre personne »11. Cette citation explicite bien l’attitude qui fût
mienne dans la situation avec Mr L.. Effectivement, lors de mes premiers passages je ne me suis
pas attardée dans la chambre de Mr L., tout en restant à une distance sociale pour lui répéter que
l’équipe d’après-midi repasserait le coucher. Comme dit précédemment, tout est parti de son
regard. A ce moment, j’ai ressenti de la tristesse. J’ai vu un homme dépendant d’autrui,
fortement affecté par la solitude. Un homme dont les yeux, si l’on voulait bien s’y attarder,
exprimaient tout ce qu’il ne pouvait émettre en paroles. L’agacement initial face aux répétitions
9 UNIVERSITAT GIESSEN. https://www.uni-giessen.de
10 MINISTERE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE. Profession Infirmier, Berger-Levrault,
article 4312-26. p.218 11
MANOUKIAN, Alexandre, MASSEBOEUF, Anne. La relation soignant-soigné, p.60.
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17
de sonnette, avait laissé place à un discernement tout autre. De sa tristesse, émane finalement
des larmes qui me touchent, qui me peinent, qui m’interpellent enfin sur la véritable sollicitation
de Mr L.. Mon approche devient dès lors différente. Affectée par la scène, je m’en veux de
l’avoir laissé auparavant. Souhaitant le soutenir dans ce désarroi, j’entre dans une distance
personnelle en m’asseyant près de lui, face à face. Ceci dans un but : instaurer un climat de
confiance, propice à l’échange sur son mal être présent. S’approcher physiquement et rester aux
côtés d’une personne, c’est faire preuve de disponibilité et d’attention. Je me suis positionnée de
deux manières. Humainement tout d’abord, de par ma sensibilité, en compatissant à ses
troubles. Puis, en tant que soignant, dans un état d’esprit corroborant avec l’envie d’apporter du
bien être à cet homme, ne serait ce qu’en l’écoutant. Pourtant, n’y a t’il pas eu un manque de
bienveillance dès le début de cette situation ? C’est à partir de cette interrogation que je vais
aborder le concept de la bienveillance.
2. La bienveillance
2.1 Définition
Lors de l’émergence des concepts en rapport avec ma situation de départ, les notions de
bienveillance et de bientraitance en sont naturellement ressorties. Il m’a fallu faire un choix,
pensant que ces deux principes se rejoignaient de trop. Suite à mes recherches, en peu de temps
j’optais pour la bienveillance. Certains noteront que la bientraitance est plus à même d’être
soulignée dans notre profession, puisqu’elle relève davantage du domaine de l’éthique. Malgré
cela, j’ai décidé de traiter le terme de bienveillance, car je suis d’avis qu’il est à la base du soin.
Le mot « bienveillant » vient du latin « bene volens » : qui veut du bien.
En effet, pour le Larousse, il s’agit d’une : « Disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à
l’indulgence envers autrui. »12. A ce titre je reprendrai le mot « compréhension ». C’est bien cela
qui m’a fait défaut dès les premières interactions avec Mr L.. Ce manque de clairvoyance dans
sa demande a influé sur mon comportement, mais pas seulement. « La bienveillance réfère aux attitudes des personnes qui démontrent de l’empathie, de la compassion et le souci du bien être des
autres »13. Etre bienveillant, ne se résume pas uniquement à être attentif aux besoins des autres.
C’est aussi, et surtout, aller au-delà de ses propres valeurs et intérêts personnels dans le but de
prioriser l’intérêt de l’autre. L’erreur était mienne, lorsque j’ai mis en avant le fait de vouloir
absolument participer aux transmissions. Volontairement, j’ai biaisé son désir d’être couché en
me « cachant » derrière mon envie d’être présente aux transmissions à un horaire fixe d’une
part, et car le passage des aides-soignantes était prévu d’autre part. Je me suis donc interrogée
sur la place que prenait la bienveillance au quotidien dans l’ensemble des soins, et de
l’importance de l’engagement dans cette valeur.
2.2 La bienveillance dans le soin
Il est fort intéressant de se pencher sur ce concept de plus près, en commençant par le
scinder en deux mots, afin d’en apprécier davantage tout ce qu’il a de porteur. Ce neuro-pédiatre
et docteur en philosophie, Alain De Broca a rédigé différents articles et ouvrages, dont
beaucoup traitent du prendre soin de « l’Homme ». Dans l’une de ses nombreuses publications,
12
LAROUSSE. http ://www.larousse.fr 13
L’HÔPITAL LOUIS-H. LAFONTAINE. http://.iusmm.ca. (p.9)
http://.iusmm.ca/
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18
il écrit ceci : « Veiller et bien veiller est le propre de celui qui se sent responsable d’autrui »14 . Voila
donc ici mis en lumière la valeur de ce mot. Etre bienveillant, c’est être conditionné à apporter
une certaine sollicitude, doublée d’une concentration certaine. Cependant, il est important de
souligner, qu’il faut être pleinement convaincu et investigateur de cette démarche. Car, dans le
cas contraire, cette dernière devient inexistante et peut mener à ne voir l’Homme uniquement
comme un simple patient recevant un simple geste technique, ou encore devant se plier aux
règles de vie dictées par une hiérarchie de laquelle il n’aspire que du bien-être. C’est le cas de
Mr L., qui sollicitait une aide…aide à contrer sa solitude et son ennui qui le rendaient las. Son
épouse, âgée elle aussi, avait préféré son placement en structure. Cette femme, devenue trop
faible physiquement, n’avait plus la force justement de veiller quotidiennement sur son mari. Et
c’est en nous qu’elle avait placé sa confiance pour s’occuper au mieux de son mari. Elle a fait ce
choix, car elle se sentait responsable de lui, et que s’il lui était arrivé quelque chose de fâcheux à
domicile, elle s’en serait probablement sentie coupable. En tant que future professionnelle de
santé lors de mon stage, j’étais responsable de Mr L.. Je me suis rendue compte, que je n’ai pas
veillé à son bien être lorsque j’ai différé le moment de son coucher, malgré son air fatigué, sous
prétexte qu’il y avait des horaires prévus pour cela. Cependant, j’ai participé à son apaisement
moral lorsque j’ai pris le temps de converser avec lui pour tenter de minimiser le sentiment
d’abandon qui l’envahissait, mandatée par un esprit de bienveillance à son égard.
« La bienveillance n’est certes pas le propre du soignant, mais c’est le cœur de son métier tout comme
une mère ou un parent se sent convoqué par l’enfant qui le regarde avec sa nudité et sa fragilité. »15
. Cela sonne juste. En tant que soignant nous sommes responsables de nos actes vis-à-vis de
chaque individu. La base même de notre métier n’est t’elle pas celle de porter des soins les plus
attentifs qu’ils soient ? Cette attention qui doit être la plus optimale possible envers quelqu’un,
et ce dans l’unique but, celui de le protéger. Annihilé de cet appui aux gestes techniques
quotidiens, il nous deviendrait impossible d’être pleinement opérationnel. La bienveillance nous
aide dans la prise en charge de chaque patient. Elle nous permet de ne pas oublier que derrière
toute action engagée, spécifique ou non, il y a un Homme. Lorsque Alain De Broca utilise le
mot « convoqué », on comprend là « une attente » du sujet dans sa demande. Que cette dernière
soit bien explicitée, ou au contraire difficilement interprétable, il faut y répondre. Un jeune
enfant, qui n’a encore que le babillage, ses yeux et ses membres pour s’exprimer parvient en
règle générale à se faire décoder par ses parents. Pourquoi ? Parce que en tant que père, mère,
ou encore grands-parents, une attention toute particulière est projetée sur ce petit être. Dans ce
cas, peu importe le temps passé avant de comprendre pourquoi il pleure, ce qui le fait rire, où
encore ce qu’il aime où non au moment du repas. La finalité est de satisfaire pleinement la
réclamation de l’enfant, pour qu’il s’apaise et que ses parents le sentent heureux. Et, à leur tour,
père et mère se sentiront également satisfaits de leur acte, par la jouissance de « l’avoir bien
fait ».
Dès lors où je me suis assise près de Mr L., parce que j’avais lu dans son regard une tristesse
certaine, j’ai espéré pouvoir le soulager. Ses yeux m’ont appelé plus que ses paroles. Porter
attention à ses proches est une chose, le faire envers autrui dans un cadre professionnel en est
une autre. Cependant, ne pas avoir cette valeur de s’inquiéter de l’autre quel qu’il soit, nous
mène forcément dans un registre différent de celui du prendre soin. J’ai choisi d’être infirmière
car cela représente pour moi une façon d’être humaine par l’autre, et avec lui. J’ai quitté la
chambre de Mr L. plus sereine qu’à mon entrée, laissant un homme détendu et souriant, aux
antipodes de son expression initiale. Le contentement était perceptible de son côté, comme du
mien. A. De Broca insiste sur ce fait en reprenant : « La bienveillance n’est pour nous, ni une mode, ni une pensée désuète, mais constitue bien le cœur d’un métier qui ne se satisfait pas de simples gestes
14
DE BROCA, Alain. La bienveillance, cœur de tout soin. Ethique et santé, p.171 15
Ibid. p.171
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19
techniques, ni à une gestion financière stricte, mais se fonde d’abord sur une relation entre deux
êtres. »16
. Pour illustrer ces dires, prenons par exemple les services qui accueillent des patients
dont les hospitalisations sont plus longues (soins de suite et de réadaptation, psychiatrie, moyens
séjours), ainsi que les prises en charge de personnes âgées dépendantes sur du long terme
également, en EHPAD. Alors, nous pouvons constater que le risque est plus grand d’instaurer
une routine des soins, et par là même, de perdre de vue le sens des actes que nous sommes
amenés à réaliser au quotidien. C’est pourquoi, parallèlement à la technique, il est primordial de
continuer à solliciter tous nos sens (dont le premier reste l’observation), de conserver une
certaine patience, et de respecter le rythme de chacun afin de créer une relation singulière auprès
de chaque patient. Mon observation de Mr L. m’a guidée vers une prise de conscience du mode
relationnel. Déjà conditionnée par des horaires à respecter en fonction des tâches à effectuer
depuis le début de mon stage dans cet EHPAD, j’en étais arrivée à négliger la place centrale du
résident. Mais, j’ai réussi à recréer un lien avec lui, me permettant de faciliter l’échange et la
communication, et reconnaître cet homme pour ce qu’il est, ce qu’il représente : un être à part
entière.
C’est à juste titre, que cette aptitude de bienveillance, fait très souvent l’objet d’une charte dans
différents établissements. Voyons ce qu’il ressort des points évoqués dans cette dernière.
2.3 La charte de bienveillance
Une charte est « un texte juridictionnel ou une règle fondamentale, censée s’appliquer à tous,
ayant pour but de garantir des libertés, des droits ou des devoirs. »17
. La plus répandue, et affichée
dans de nombreux établissements de santé, est celle du patient hospitalisé classée en onze
points. Cette charte de la personne hospitalisée, a pour but d’informer les patients sur leurs
droits tels qu’ils sont appuyés par des lois, comme celle du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé. La « qualité » justement, doit aussi se retrouver
dans la prise en charge quotidienne de l’individu, et non pas uniquement lors de son accueil. Le
patient, ou le résident doit rester l’objectif principal. C’est de cette capacité d’humanisation et
du prendre soin de l’autre dans des conditions optimales, qui ont fait parallèlement émerger une
charte de bienveillance. Cette dernière renforce les obligations des soignants tout en guidant
leur conscience morale.
Le plus souvent, cette charte est rédigée en concertation lors de réunions interprofessionnelles.
Les points peuvent donc parfois différer d’une charte ou d’une structure à l’autre. Cependant, la
cible reste quant à elle identique : promouvoir la corrélation du « mieux être » avec le « mieux
faire » dans une attitude positive. Voyons l’exemple d’une de ces chartes établie en cinq points.
« Respect des règles générales d’intimité et de courtoisie » 18
Lorsqu’un patient est pris en charge à domicile, il y a naturellement cette prise de
conscience d’entrer dans la sphère privée de ce dernier. De ce fait, avant d’entrer dans son lieu
d’habitation, on sonne à la porte et une fois à l’intérieur on respecte ses habitudes, ses affaires
personnelles…tout comme on le fait dès que nous ne sommes pas chez soi. C’est pourquoi, il
16
DE BROCA, Alain. La bienveillance, cœur de tout soin. Ethique et santé, p.172 17
LA TOUPIE. http://www.toupie.org 18
TOURNEBISE, Thierry. Bientraitance envers les patients et les personnes âgées.
http://www.maieusthesie.com
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20
est important de ne pas perdre de vue, même lors d’une hospitalisation ou d’un placement en
structure, que l’individu doit bénéficier d’une égale considération vis-à-vis de son domaine
privé. Les premiers temps, l’attention doit être d’autant plus forte envers les habitudes de vies,
qui déplacées et modifiées, sont susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique et
émotionnelle de l’individu. Par exemple, le fait d’être dénudé sur un lit devant deux soignants
alors qu’auparavant, il ou elle faisait sa toilette seul(e) dans sa propre salle de bain, peut
s’avérer très douloureux psychologiquement. Respecter ces règles élémentaires au quotidien
permettent au soigné d’être tel qu’il est reconnu à l’extérieur en tant qu’Homme.
Mes entrées dans la chambre de Mr L. se sont faites successivement et la porte était à chaque
fois ouverte. Cependant, je prenais bien le temps de frapper avant de pénétrer dans son lieu de
vie afin de lui montrer mon égard par rapport à son existence et pour lui notifier ma présence. Et
ce bien qu’il est sonné au préalable, et donc qu’il guettait la venue d’un membre du personnel.
« Respect individualisé »19
N’oublions pas que chaque être est unique. Ce qu’il faut retenir ici, avant tout, c’est l’
« adaptation ». Non seulement ne pas oublier que cette personne doit s’acclimater à son nouvel
environnement, mais aussi, que le rôle du soignant est de ne pas le conditionner aux règles
strictes de l’établissement. Il est primordial, afin justement de faciliter cette adaptation,
d’exécuter les soins en adéquation avec son rythme, tout en conservant bien entendu une
organisation de travail. Cela peut représenter parfois quelques difficultés au niveau du maintien
à long terme des habitudes de vie. Mais le fait d’y prêter attention dès le départ, permet
d’amener petit à petit la personne concernée vers de nouveaux arrangements avec son accord.
Et, puisque chaque Homme est un individu à part entière, ses besoins, ses envies, ses émotions
et sa douleur seront différents. C’est donc à nous soignants, qu’incombe la responsabilité
d’accompagner le soigné dans des conditions qui lui seront propres en évaluant régulièrement
ses besoins et ses attentes.
Dans ma situation, Mr L. demandait à être couché. Dans un premier temps, je lui ai expliqué
qu’il fallait attendre le tour de l’équipe de l’après-midi. Si il était vraiment fatigué, et que chez
lui il avait pour habitude de s’allonger après le repas, ou que ce jour là il se sentait plus affaibli,
pourquoi devait il attendre une heure de plus ? Son rythme n’était pas respecté, subordonné aux
horaires de passage du personnel soignant. Ceci n’a pu qu’induire un sentiment d’abandon plus
prononcé.
« Reconnaissance de ce qui est exprimé »20
Dans le terme « exprimé », nous retrouvons le fait de pouvoir extérioriser sa pensée, ses
besoins par le langage oral et /ou corporel. Cet item, nous renvoie donc à la communication. Il
faut être capable de prendre en considération les demandes et les attentes du soigné, ainsi que
celles de son entourage. En effet, les proches sont des personnes ressources lors d’une
hospitalisation ou d’un placement. Et, l’impact qu’ils peuvent avoir sur le vécu du soigné lors de
sa prise en charge est loin d’être négligeable. Il faut savoir entendre et comprendre les requêtes
19
TOURNEBISE, Thierry. Bientraitance envers les patients et les personnes âgées.
http://www.maieusthesie.com 20
Ibid. http://www.maieusthesie.com
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21
de chaque partie. En cela, ils nous apportent également une aide pour connaître les assuétudes et
l’environnement dans lesquels le patient évolue. Ce qu’il nous est alors donné d’apprendre ne
peut qu’être favorable pour optimiser les soins globaux, d’une manière générale, que nous
serons en mesure d’apporter à un individu.
Dans un premier temps, malgré son regard insistant, je n’ai pas su voir, ni comprendre la
douleur psychologique de Mr L.. C’est un homme que je connaissais peu. Je savais juste qu’il
nous avait rejoints depuis seulement trois semaines, et que son épouse était présente à ses côtés
tous les après-midi. Je n’ai su qu’après notre discussion pourquoi la tristesse l’animait. Si
j’avais eu davantage de renseignements le concernant, il m’aurait sans doute été plus aisé de
cerner le problème dès le départ. Je n’aurais peut être pas attendu ma troisième venue pour enfin
prendre le temps d’échanger avec lui sur son sentiment de malaise général. J’aurais porté plus
attention à cette personne qui était encore en « acclimatation », et aurait vu plus rapidement
dans ses yeux que quelque chose le perturbait, et ici, en l’occurrence lorsqu’il me dit
vouloir : « […] rentrer chez lui, que sa place n’est pas ici.».
« Qualité de la vie sociale »21
Ce n’est pas parce qu’une personne a laissé derrière elle une adresse fixe, lieu de ses biens
matériels et de ses repères, qu’il faut l’obliger à tout renoncer. Le nouvel endroit de vie proposé,
et là il s’agit surtout des lieux de résidences où les séjours sont plus longs, pourront
progressivement être agrémentés d’objets personnels. Dans ce cas, les personnes sont le plus
souvent en chambre seule. Cette dernière, au mobilier adapté en fonction du degré de
dépendance de chacun, deviendra plus accueillante et chaleureuse avec des effets qui sont
propres à chaque individu. L’objectif est ainsi de développer chez le résident l’appropriation
d’un autre « chez soi ». Le fait est avéré que, si l’on se sent bien dans de nouveaux murs, le
désir de recevoir des proches dans son espace de vie et entretenir par là même une sphère privée
est quand à lui conforté. La création de liens avec d’autres personnes de l’établissement est un
bon allié pour l’adaptation. Mais, conserver les liens existants avec l’extérieur, c’est conserver
une partie importante de sa vie d’avant, qu’il s’agisse d’objets ou de relations. Les plaisirs qu’ils
ont de la vie ne doivent pas s’arrêter au pas de la porte d’entrée.
Je me rappelle que Mr L. n’avait pour objet personnel (mis à part ses vêtements) qu’un poste de
radio. Je ne dis « qu’un », mais peut être était ce qu’il appréciait le plus ? Cependant il n’était
pas allumé quand je vins le voir. Avait il pour habitude d’écouter une station qui passait de la
musique, ou était il au contraire féru d’informations ? Une fois encore, ne le connaissant pas
suffisamment, je ne savais pas. Le fait de lui laisser un fond sonore aurait il cassé cette
impression de solitude qu’il ressentait ? Toujours est-il, je l’avoue, n’avoir pas pensé lui
demander s’il désirait que je l’allume afin qu’il puisse en profiter. Pourtant j’avais vu cette
radio. En tout état de cause, je n’ai pas voulu prendre le temps de le faire, sans doute dû à mon
empressement.
« Autonomie »22
21
TOURNEBISE, Thierry. Bientraitance envers les patients et les personnes âgées.
http://www.maieusthesie.com 22
Ibid. http://www.maieusthesie.com
-
22
L’autonomie c’est : «La capacité à se gouverner soi-même ; elle présuppose la capacité de jugement, c'est-à-dire prévoir et choisir, liberté d’agir, d’accepter ou de refuser en fonction du
jugement. »23
. C’est là une des clés qui permet le maintien envers l’individu, du respect à sa
dignité. C’est le conforté dans son ressenti de continuer à exister en tant qu’Homme et d’être
non seulement reconnu comme tel, mais aussi d’être accepté avec ses handicaps tout autant
qu’avec ses capacités et ses valeurs. Dans un accompagnement journalier, c’est veiller à ce qu’il
reste maître le plus longtemps possible de ses facultés physiques et intellectuelles, en stimulants
ses dernières au lieu de les exécuter à sa place. En ce sens, c’est entretenir une auto-confiance
que la personne doit conserver au maximum.
En réfutant la demande de Mr L., à deux reprises, lorsqu’il désirait se coucher, j’ai totalement
occulté le respect de sa liberté de penser et de choisir. J’ai décidé à sa place qu’il n’était pas
l’heure. J’ai pensé à sa place qu’étant donné son lever tardif, il pouvait patienter encore un peu.
Je me suis également rappelé qu’une station trop prolongée au lit pouvait porter atteinte à
l’intégrité cutanée. Néanmoins, répondre favorablement à sa demande sans autre explication
qu’un : « […] il est encore tôt en lui précisant que les aides-soignantes viendront le coucher
d’ici une heure environ. », peut porter atteinte à l’intégrité émotionnelle. Dans ma démarche, je
n’ai fait qu’intensifier sa douleur. Aurais-je eu la même attitude face à une personne plus
affirmée sur ses désirs ? En quoi mon comportement a-t-il été guidé face à une personne dite
« vulnérable » ? Cette réflexion m’a porté vers un autre concept, celui de la vulnérabilité.
3. La vulnérabilité
3.1 Définition
La plupart du temps, qualifier une personne de vulnérable revient à lui apposer une image
péjorative vis-à-vis de la société dans laquelle elle évolue. En effet, on relève que : « La vulnérabilité traduit ainsi dans le langage commun, une faiblesse, une déficience, un manque, une grande
sensibilité spécifique à partir desquels l’intégrité d’un être, d’un lieu, se trouve menacée d’être détruite,
diminuée, altérée. »24
. Dans un monde où tout va de plus en plus vite, invitant chacun d’entre nous
à plus d’individualisme par manque de temps, il est courant de ne voir en la vulnérabilité qu’une
façon de cataloguer des gens qui osent montrer leurs émotions, leurs sentiments et leurs failles
qui sont interprétés comme des défauts. Ceci va donc à l’encontre d’une vitrine sociétale, où la
prépondérance d’un caractère endurant et autoritaire force en général l’admiration. On considère
communément « le vulnérable » comme démissionnaire de ses capacités à exister en tant que
personnage unique, et de ce fait, à se laisser facilement gouverner par autrui.
Voyons comment s’expose la vulnérabilité au quotidien, et dans ce cas, quelle est la posture
professionnelle vis-à-vis, justement, de la position du soigné ? Enfin, du point de vue juridique,
existe-t-il une protection pour ces personnes ?
3.2 L’être vulnérable
Serge Boarini, membre du Haut conseil de la santé publique, écrivait ceci : « Le vulnérable est celui qui ne parvient pas à maintenir ou à imposer ses normes à un milieu, alors qu’il le devrait. »
25.
Ici, l’accent est bien mis sur un déficit d’intention. Cela va donc se traduire par une déperdition
23
Dr KHELIFA, Ahmed. L’autonomie et la dépendance. http://wwwgeriatrie.webs.com 24
Dictionnaire humaniste infirmier, p. 286 25
BOARINI, Serge. La vulnérabilité. L’humanité, au risque de la vulnérabilité. p.43
-
23
des capacités de l’individu à afficher clairement ses besoins et ses désirs. Le vulnérable va, de
ce fait, finir par se fondre dans le milieu où il vit, n’attirant plus guère beaucoup d’attention. A
contrario, s’il avançait ses habitudes de vies, ainsi que ses idées et avis personnels avec
davantage d’aplomb, il n’en serait que plus reconnu. En appui, ce même auteur dit : « Le vulnérable est alors l’impuissance, l’empêchement de forces existantes pour maintenir tel quel un être
dans son identité, ou la privation momentanée de ces mêmes forces pour lutter.»26
. En effet, force est de
constater qu’une personne vulnérable ne rayonne plus dans la société au travers de ses atouts
identitaires. Ces derniers sont étouffés, masqués par des règles ajustables à diverses situations,
dont l’Homme vulnérable viendra à s’y soumettre. La personne en arrive à ne plus exister pour
ses propres valeurs, mais simplement vivre sous la houlette de ce qui lui est imposé, sans
contestation de sa part. Puisque le terme de soumission a été levé, notons alors que la
vulnérabilité est forcément le résultat d’une confrontation avec autrui. « Alors que la fragilité est
constitutive de ce à quoi elle est rapportée, la vulnérabilité surgit dans une relation. »27. La fragilité est
une faiblesse dont chacun est porteur à différents degrés. On devient plus ou moins fragile au
rythme des expériences de la vie et de notre potentiel à les supporter. Mais, cette fragilité reste
le plus souvent intérieure. Différemment, la vulnérabilité va s’exprimer à partir du moment où
une dualité va s’instaurer, amenant ainsi la supériorité d’une personne par rapport à une autre.
Une personne sera mise en positon de vulnérabilité, parce que celle avec qui se font les
interactions, en arrive inconsciemment à créer un contexte d’évaluation. C’est à partir de cette
appréciation que l’autre sera déterminé en tant que faible. De la sorte, son vécu et son identité
s’en trouveront profondément modifiés. « Ainsi la vieillesse et le très grand âge exposent l’individu à
n’être plus lui-même »28
. Au fil des années qui s’écoulent, les forces sont moindres. Les capacités
physiques et intellectuelles sont ralenties, distillant un manque d’envie de se battre pour
accréditer le fait d’être encore en vie. Alors, ces personnes deviennent vulnérables, et se laissent
alors guider dans une existence qui ne leur permet plus de s’accomplir pleinement.
Si nous reprenons la situation d’appel, nous retrouvons Mr L., qui « a conscience de ne plus
avoir toutes ses capacités physiques qui le rendent dépendant d’autrui ». Cette dépendance qui
fait qu’il ne peut plus entreprendre quelque chose sans une aide extérieure. Il se retrouve soumis
au bon vouloir et aux disponibilités du personnel soignant, puisque de plus il n’est pas chez lui.
En effet, il ne parvient pas à me convaincre de le coucher, pourtant c’est de son droit, justifié
par sa fatigue. Etant donné qu’il ne s’agace, ni ne s’énerve, je lui impose d’être couché plus
tard. Je le soumets à ce que je décide, pour lui et contre lui. Il y a distinctement, dans cette
scène, une domination sur un sujet en position de faiblesse avérée. Vieillir est souvent
synonyme de s’affaiblir. Cependant, il n’est pas nécessaire d’être très avancé dans l’âge pour
accéder au régime de la vulnérabilité, d’une manière temporaire ou définitive. En tant que
soignant, y a-t-il une conduite spécifique à tenir face aux patients plus vulnérables que
d’autres ? Avons-nous la même attitude quelque soit la situation ?
3.3 La posture soignante
L’Espace Ethique Rhône-Alpes (EERA) s’est penché sur le terme de vulnérabilité et a
créé un groupe de réflexion, afin de s’interroger sur l’approche du soigné en tant que
professionnel. En lisant leurs écrits, une des premières choses que j’ai relevée est la suivante : « Réfléchir à la vulnérabilité du patient, nous permet de le faire exister et de le considérer en tant
26
BOARINI, Serge. La vulnérabilité. L’humanité, au risque de la vulnérabilité. p.44 27
Ibid. P.44 28
Ibid. P.44
-
24
qu’homme et non pas seulement en tant que malade. »29
. Quand bien même, la maladie est source de
fragilisation, ne voir et considérer la personne uniquement que comme un objet de soins, c’est
ipso facto aller à l’encontre de nos valeurs du prendre soin. Malade où non, tout à chacun que
nous sommes, avons des besoins fondamentaux. Abraham Maslow, psychologue humaniste
américain, les a classés en cinq catégories 30
:
1. Besoins vitaux ou physiologiques (manger, boire, dormir, respirer) 2. Besoins de sécurité et protection (du corps, de la santé, de l’emploi, de la propriété) 3. Besoin d’amour et d’appartenance (amour, amitié, intimité, famille) 4. Besoin d’estime de soi (confiance, respect des autres et par les autres, s’estimer) 5. Besoin de se réaliser (morale, créativité, résolutions de problèmes)
A. Maslow représente ces besoins sous la forme d’une pyramide, à cinq niveaux, permettant de
bien laisser entrevoir l’importance de la base de cette dernière. En effet, le socle de cet édifice
n’est autre que les besoins vitaux. Associés à ceux de la sécurité, ils représentent la partie la plus
conséquente de l’ensemble, qui non contentée, ne pourra permettre la progression vers un
épanouissement personnel. Cette image est, de mon avis, très forte et explicite on ne peut mieux
l’importance des bases. En effet, peu importe la structure, qu’elle soit petite ou grande, si les
fondations ne sont pas solides, elle finira par s’écrouler. « […] dans toute trajectoire de vie, est inscrit la vulnérabilité […], car s’éprouver malade, c’est être affecté dans ses capacités, dans l’image de
soi, et dans l’estime de soi. »31
. Il est donc primordial, en tant que soignant, d’être en capacité de
satisfaire les besoins généraux de l’Homme, avant même de lui porter les soins médicaux en
rapport avec sa pathologie. Car, le fait de le savoir affaibli par sa maladie, ou son statut, ne doit
en aucun cas nous amener à diligenter un acte pur, sans empathie. Compréhension et
accompagnement sont les alliés du soignant dans la prise en charge de tout patient, et ce, afin de
pérenniser son bien être, pourvoyeur d’une préservation de l’estime de soi.
Ici, les besoins fondamentaux de Mr L. s’en sont trouvés perturbés, provoquant des fissures
dans son for intérieur. Un de ses besoins physiologiques n’a pas été respecté : il n’a pas eu accès
au sommeil, ou du moins au repos. De plus, son besoin d’amour n’a pas été reconnu, puisqu’il
ne ressentait que de la solitude. Les besoins non honorés à cet instant, ont eu pour conséquences
l’apparition d’une tristesse et le recul de son épanouissement personnel au sein de la structure.
Nous retrouvons bien ici, selon A. Maslow, des manquements qui servent de base pour atteindre
une quiétude individuelle.
D’autre part : « Le rapport qui unit un patient et un soignant est asymétrique dans la mesure où le soignant est dans la position de celui qui sait, maîtrisant la technicité, alors que le patient est en situation
d’ignorance. »32
. Ce qui nous amène à notifier que cette asymétrie entre le soignant et le soigné
est aussi génératrice d’une situation de vulnérabilité. Le savoir est une richesse facilement
partageable, mais il peut également représenter une puissance face à une méconnaissance. Le
patient viendra alors se mettre automatiquement, comme si cela était de convenance, se mettre
en position d’infériorité face à celui ou celle qui vient lui administrer des soins. Il y a des
malades qui oseront cependant poser des questions afin de mieux comprendre l’intérêt de la
démarche. D’autres, quant à eux, laisseront faire en toute confiance pensant que de toute façon
ils n’ont pas le choix et que c’est pour leur bien. Là encore, notre attitude n’est pas sans
29
Groupe de réflexion éthique de l’EERA. Relation soigné soignant : réflexion sur la vulnérabilité et
l’autonomie. P.85 30
UDAMP. Les besoins fondamentaux. http://udamp.wifeo.com 31
Groupe de réflexion éthique de l’EERA. Relation soigné soignant : réflexion sur la vulnérabilité et
l’autonomie. P.86 32
Ibid. p.88
-
25
conséquence. Il est important de ne pas infantiliser l’individu dans ses soins. Il est souhaitable
de ne pas limiter les réponses, tout en rendant leur contenu accessible et en évitant un jargon
médical incompréhensible. Dans le cas contraire, le patient peut interpréter ce comportement
comme une fuite, voir un mépris envers lui. Il ne faut pas non plus infantiliser l’individu. A
l’inverse, valoriser ses interrogations autant que sa personne, permet de rendre le soigné acteur
de son parcours de soins. Même si les moyens multimédias, représentent aujourd’hui, une mine
d’informations, ils ne peuvent en aucun cas suppléer l’échange humain avec un professionnel de
santé. D’autant plus que ce moyen d’investigation apporte souvent son lot d’erreurs et de
confusions. Nous sommes donc dépendant du savoir d’autrui, mais pas que…« Du sein maternel à l’accompagnement de la fin de vie, le besoin de l’autre apparaît de façon évidente, témoin de cette
vulnérabilité constitutive. »33
. L’être humain serait alors, d’une manière naturelle, sujet à la
dépendance, et ce, au cours des différentes phases de sa vie. Et, la dépendance engendrerait
donc le fait de devenir vulnérable, puisque assujetti aux dispositions que l’autre veut bien nous
distiller.
Effectivement Mr L., du fait des aides qui lui sont nécessaires pour les actes du quotidien, est
dépendant du personnel dans l’établissement. Il est en position de vulnérabilité de par son statut,
d’une part : il est résident et doit donc se plier à certaines règles, et de par sa pathologie :
capacités motrices diminuées et désorientation spatio-temporelle. A mon refus de le coucher, je
me positionne dans la « toute puissance du savoir » de ce qui lui est plus bénéfique, et m’assois
sur cette certitude avec des explications rapides face à un homme fataliste. Mais de quel droit ?
3.4 L’aspect juridique
Cette réflexion en arrive à nous porter sur le plan juridique. Au cours de mes recherches,
j’ai pu constater qu’en droit, le terme de vulnérabilité n’est pas défini. La loi est plutôt établie de
manière à protéger les personnes qui, par leur pathologie, sont vulnérables : « Le droit pénal a intégré la personne vulnérable et plus généralement la victime dans la qualification des faits en faisant de
l’âge, de la situation économique, de l’état physique ou mental de celle ci une circonstance aggravante
ou des éléments caractérisant l’infraction. »34
. Il apparaît donc, qu’on parle de victime avant même
d’évoquer la personne devenue vulnérable. Voilà donc un terme qui vient s’ajouter à celui
précédemment étudié. Un individu vulnérable expose ses faiblesses, qui, si elles sont utilisées
par autrui et à son encontre, font alors de lui une victime de la société. Et, cette orientation
nocive exercée par un tiers sur la personne fragilisée est bien punie par la loi : « Aux termes de l’article 313-4 du Code pénal, l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit
d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une
infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont
gravement préjudiciables, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 40 000 euros d’amende. Cet
article s’applique notamment aux personnes âgées. »35
. Notons ici, le fait que la loi souligne
volontairement l’attention qui est portée envers les personnes âgées. Il est vrai qu’elles ont été à
l’origine de plusieurs poursuites dans des affaires de maltraitance et de divers abus, au cours de
ces dernières années. Et ce, aussi bien en établissement spécialisé qu’à leur propre domicile. Les
personnes âgées font souvent l’objet d’une cible parfaite pour des personnes peu scrupuleuses,
33
Groupe de réflexion éthique de l’EERA. Relation soigné soignant : réflexion sur la vulnérabilité et
l’autonomie. P.88 34
ADSP. La loi et les personnes vulnérables. http://www.hcsp.fr. p.24 35
Ibid. ADSP. p.25
http://www.hcsp.fr/
-
26
avides de biens ou de perversion. Ces individus âgés deviennent alors des victimes, abusées de
leur(s) faiblesse(s).
D’autre part, et d’une manière plus générale, qu’il s’agisse de patients jeunes ou moins jeunes,
une loi existe visant à poser un cadre juridique pour les malades en fin de vie, qui sont par ce
fait, relativement vulnérables. Il s’agit de la loi Léonetti : « Loi n°2005-370 du 22 avril 2005
relative aux droits des malades et à la fin de vie »36
. Cette loi s’est vue être complétée par les décrets
du 6 février 2006, et ce afin d’aboutir à trois points importants permettant de respecter les
volontés du soigné, ainsi que de facilité les relations dans la prise en charge lors des soins qui
lui sont apportés. Nous retenons de cette loi 37
:
- l’interdiction de toute obstination déraisonnable
- les droits du patient renforcés
- le processus décisionnel en cas de patient inconscient ou arrêt des traitements reposant sur deux
mots clés : Collégialité et transparence de la décision
Encore une fois, nous sommes bien face à un cadre légal qui pose des bases protectrices envers
des individus fortement susceptibles de faire l’objet d’un manque de considération au vue de
leur état pathologique. Ceci met bien en avant le fait qu’un homme mérite autant d’estime et
d’égard qu’un autre, et ce, quelque soit ses capacités physiques, et/ou intellectuelles, jusqu’à son
dernier souffle de vie. La vulnérabilité ne doit, en aucun cas, représenter une porte ouverte aux
abus et, surtout, à un manque de professionnalisme dans le sens éthique du terme. Reconnaître
et poursuivre la pérennité des valeurs pour lesquelles nous exerçons le métier de soignant, c’est
donc aussi savoir exercer sous des responsabilités constitutionnelles.
Enfin, je terminerai en citant à nouveau un extrait de l’article du groupe de réflexion éthique de
l’EERA : « Le sujet vulnérable, par sa présence, par la puissance de son regard et de son visage, fait éclore l’obligation morale du « soin »chez tout professionnel de santé, car l’homme est par essence
vulnérable. »38. Car, cette citation fait écho à ce qu’il s’est justement déroulé dans cette chambre
avec Mr L.. Bien au-delà de ses paroles, c’est bien la force du regard de cet être qui m’a poussée
à mesurer la portée de ma prise en charge à cet instant. Consciemment, je me suis attachée à
réévaluer la situation en fonction de ce qu’il s’était passé juste avant. Je n’avais, alors, pas en
tête de loi à proprement dite, mais plutôt un devoir moral, doublé d’une éthique professionnelle
qui me servaient de guide. En cela, je tenais à souligner qu’il est important de donner du crédit
au cadre juridique existant pour les personnes vulnérables. Mais, que la valeur morale est à
porter avec tout autant d’intérêt. Et, que c’est souvent parce que nous en arrivons à négliger
cette dernière, qu’il faut alors faire appel (ou rappel) au cadre réglementaire. Bien qu’il
semblerait que nous soyons tous, être par nature, des âmes vulnérables.
36
Ministère de la santé et des sports. Journal Officiel n°95 37
LELIEVRE, Nathalie. Droits des patients en fin de vie : La loi Léonetti, faisons le point.
http://www.infirmiers.com 38
Groupe de réflexion éthique de l’EERA. Relation soigné soignant : réflexion sur la vulnérabilité et
l’autonomie. p.90
-
27
Enquête de terrain
1. Présentation du dispositif et des modalités d’enquête
1.1 Choix et construction de l’outil d’enquête
Afin de compléter mes recherches théoriques effectuées en amont, il m’a fallu réaliser
une étude auprès de plusieurs professionnels de santé. Pour ce faire, j’ai élaboré un guide
d’entretien39
me permettant de les questionner, individuellement, en fonction des concepts que
j’avais choisi. Cet entretien est construit de manière semi-directive. En effet, les questions sont
structurées de manière à ce que la personne interrogée soit principalement guidée vers un thème
bien précis, et non sur la réponse, laissant ainsi libre cours à l’expression de ses pensées sur le
sujet. Cependant, à chaque question, j’ai pris soin de fixer un objectif en vue de garder à l’esprit
le but de ma question lors des entretiens. Ceci me permet de réorienter l’interviewé au cas où ce
dernier viendrait à dévier du sujet premier.
1.2 Choix des lieux et des populations
Pour la réalisation de ces entretiens, j’ai plébiscité trois infirmières exerçant dans trois
services différents. La première d’entre elles travaille dans un EHPAD, la seconde dans une
USC (Unité de Soins Continus) et la dernière dans un service des urgences. J’ai choisi
volontairement d’interroger ces trois professionnelles, car leur champ d’activité est différent au
quotidien. Effectivement, il m’a semblé intéressant de pouvoir étudier les éventuelles
dissemblances dans l’accompagnement de l’individu en fonction du lieu, et de ce fait, sur la
prise en charge dans la durée. En effet, suite à deux de mes stages effectués, l’un aux urgences
et l’autre en EHPAD, je me suis aperçue que, si la base du soin restait identique, la manière de
la mettre en pratique pouvait être quant à elle modifiée. Je souhaitais donc, par le biais de cette
étude, approfondir mes questionnements en comparant les réponses de ces trois professionnelles
aux parcours différents.
1.3 Modalités de réalisation
Concernant les deux premières infirmières, j’ai contacté directement par téléphone les
structures concernées afin de présenter mon projet aux responsables hiérarchiques. Par la suite,
cela m’a permis de rentrer en contact avec les infirmières intéressées, et disponibles, pour être
interrogées. Le premier entretien s’est finalement déroulé avec la participation de la cadre. Etant
donné que l’infirmière avec qui je devais m’entretenir était malade, et ne voulant pas que
« perde » à nouveau du temps à revenir, la cadre s’est proposée de la remplacer au pied levé.
L’entretien s’est déroulé un après-midi, au sein même de l’établissement. Cette dernière a
exercé dans cet EHPAD en tant qu’IDE de nombreuses années avant d’accéder au poste de
cadre, elle connaissait donc très bien les tâches du poste.
Pour le second entretien, l’IDE était intéressée car elle n’avait jamais participé à un travail de
fin d’étude. Elle trouvait cette expérience intéressante, tout comme le sujet. Un peu inquiète au
départ de ne pas savoir répondre aux questions, elle s’est rapidement trouvée à l’aise.
39
Cf. annexe V
-
28
L’entrevue s’est déroulée le soir, après sa journée de travail, dans une chambre de
l’établissement.
Enfin, le dernier entretien a eu lieu dans une salle de cours à l’IFSI de Quimper. Pour des
raisons pratiques, la troisième infirmière a préféré se déplacer et par là même, revoir l’endroit
où elle avait effectué ses études quelques années auparavant.
Tous ces entretiens ont été enregistrés à l’aide de mon téléphone portable. Pour des raisons
d’anonymat, lors de leur retranscription40
, j’ai modifié le prénom de chaque interlocutrice.
Ayant effacé par maladresse le premier entretien, l’enregistrement a du être réitéré dans la
foulée. L’IDE connaissant, par le fait, les questions, ceci explique sans doute la durée
relativement courte de l’échange. Je tiens aussi à souligner la difficulté de se positionner en tant
qu’intervieweur. Je me suis sentie plus à l’aise dans les entrevues suivantes, notamment pour
relancer une question, ou encore chercher plus de précisions dans certaines réponses.
1.4 Traitements des données recueillies
J’ai tout d’abord mis les trois entretiens sous forme linéaire. Ensuite, en fonction des
thèmes abordés et des réponses obtenues, j’ai classé les interactions les plus importantes à mon
sens, de chacune des infirmières sous forme de tableau41
. Cela m’a permis d’extraire d’une
manière plus claire, et plus concise, les éléments principaux de ces entrevues. C’est à partir de
ce tableau que j’ai ensuite réalisé une analyse linéaire des divers éléments apportés par ces
professionnelles. Les données recueillies dans chaque item ont alors été mises en corrélation
avec les apports de mon cadre conceptuel. Enfin, j’ai complété cette analyse par une synthèse de
cette enquête de terrain.
2. Analyse des données recueillies
Afin d’analyser de manière linéaire les données obtenues au cours de la réalisation des trois
entretiens, je vais procéder comme suit : reprendre les réponses des infirmières interrogées pour
les mettre en rapport avec les recherches théoriques effectuées dans le cadre conceptuel.
2.1 Profil des infirmières
La première, surnommée Alice, est celle qui possède le plus grand nombre d’années
d’expérience. Diplômée il y a trente-deux ans, elle a fait ses débuts de nuit, en service de
chirurgie à l’hôpital puis en EHPAD. Mais, l’essentiel de sa carrière s’est déroulé en EHPAD
puisqu’elle y est présente depuis vingt-cinq ans. Et, à ce jour elle y travaille en tant que cadre de
santé.
Le second entretien s’est fait avec une infirmière que j’appellerai Sophie. Avec ses vingt-cinq
années d’exercice, elle est également richement expérimentée. Fraichement diplômée, elle a tout
d’abord profité de sa jeunesse, avec ses amies, pour exercer dans divers établissements plus ou
moins loin de la métropole. Après ces trois années capitalisées par de nombreux changements,
elle s’est définitivement posée en Finistère. Si elle a travaillée un peu en médecine, elle s’est
40
Cf. annexes VI, VII et VIII 41
Cf. annexe IX
-
29
vite rendue compte que ce n’était pas ce qui lui plaisait le plus. C’est pourquoi, depuis toutes ces
années, c’est bien dans les services de chirurgie qu’elle s’épanouie le plus. Ainsi, et depuis
vingt-deux ans, elle travaille en clinique, sur Quimper, dans son domaine de prédilection.
Aujourd’hui elle est en USC (Unité de Soins Continus) où est essentiellement traitée de la
chirurgie vasculaire, digestive, thoracique, pulmonaire et ORL.
Enfin, j’ai rencontré une dernière professionnelle que je nommerai Charlotte. Diplômée depuis
moins de deux ans, c’est la cadette des trois. Après un passage très rapide en MPU (Médecine
Post-Urgences), elle a travaillé deux mois en médecine II (diabétologie, oncologie et maladies
infectieuses) à l’hôpital de Douarnenez. Et, depuis dix-huit mois maintenant elle est au service
des urgences, toujours dans la même structure.
Si ces trois professionnelles de santé sont toutes habitées par la même envie d’effectuer leur
travaille de la manière la plus juste qui soit, elles n’ont pas, à la base, les mêmes conditions dans
prise en charge du patient. C’est justement ce point là que j’ai trouvé intéressant lors de mon
choix pour interroger ces différentes personnes. Chaque entretien m’a permis de confronter
leurs réponses en fonction du lieu où elles travaillaient, par rapport aux questions rédigées en
corrélation avec les concepts que j’avais choisis.
2.2 La communication
Alice qui travaille en EHPAD, et qui a été infirmière durant de nombreuses années avant
d’être cadre de santé, affirme bien avoir été confrontée à des difficultés de communication avec
un patient et/ou un résident. Elle dit que ces cas se présentent quand il y a un défaut de
compréhension dans le soin de la part du soigné. De ce fait, émerge des situations de refus de
soins. Elle confirme également que les différentes expériences qu’elle a pu avoir au préalable
ont modifié sa manière de communiquer durant les prises en charge. Elle insiste sur
l’importance d’allier le geste à la parole : « la communication verbale, mais aussi la
communication non verbale », dans le but d’apporter un apaisement dans le soin. Elle note bien
que l’explication, pour le soigné tout autant que pour le soignant, est rassurante dans un
contexte qui peut engendrer de la violence. Et y ajoute « le fait de se protéger et de protéger le
résident ».
Pareillement, Sophie connaît parfois des difficultés pour communiquer avec un patient. Elle qui
travaille en chirurgie, parle de ce type de problèmes lorsque les « gens sont pas dans leur état
normal […] quand ils sont en délires, ou hallucinés ». En effet, quand des patients reviennent
du bloc, les effets secondaires à l’anesthésie, ou de fortes douleurs, peuvent entraîner ce genre
de situations. Il devient alors compliqué de se faire comprendre d’une part, et d’apprécier la
demande du patient d’autre part. D’où l’apparition d’obstacle dans