institut de formation en soins infirmiers centre hospitalier de vichy
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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS
INFIRMIERS
CENTRE HOSPITALIER DE VICHY
QUAND LE PATIENT S'OPPOSE AUX
SOIGNANTS...
TRAVAIL DE FIN D’ETUDE EN VUE DE L’OBTENTION DU
DIPLOME D’ETAT D’INFIRMIER
CLOUVEL Ludivine
Sous la direction de : Mme RAYMON Bernadette, cadre infirmier
Session : Juillet 2012, soutenu le 26/06/2012
INSTITUT DE FORMATION EN SOINS
INFIRMIERS
CENTRE HOSPITALIER DE VICHY
QUAND LE PATIENT S'OPPOSE AUX
SOIGNANTS...
TRAVAIL DE FIN D’ETUDE EN VUE DE L’OBTENTION DU
DIPLOME D’ETAT D’INFIRMIER
CLOUVEL Ludivine
Sous la direction de : Mme RAYMON Bernadette, cadre infirmier
Session : Juillet 2012
« Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. »
Louis Pasteur
Remerciements à
Mme Raymon, ma directrice de mémoire, pour sa disponibilité et à sa
guidance tout au long de ce travail ;
Aux professionnels de santé qui ont contribué à l'élaboration de ce
mémoire ;
Mes amis, pour le soutien et la bonne humeur dont ils ont fait preuve
pendant ses trois années de formation ;
Mon compagnon et ma famille, pour avoir cru en moi et pour m'avoir
supporté malgré les difficultés ;
Patrick, pour m'avoir appris que, dans la vie, l'important c'est « l'Autre
».
SOMMAIRE
Introduction ………………………………………………………………………………………………….…………………….1
I. Le patient comme acteur du soin .....................................................................8
A. Nécessité de consentir .......................................................8
B. Liberté : droit des patients ..............................................13
C. Vers l'autonomie .................................................................18
II. Le positionnement du soignant : entre souci de l'autre et puissance
................................................................................................................................23
A. Le devoir soignant : le rôle infirmier ............................23
B. Prendre soin et sollicitude ...............................................27
C. La toute-puissance du soignant ......................................30
La soumission à l'autorité ................................................31
Le fantasme de complétude ............................................33
III. Le refus de soin : une remise en question du soignant ? .........................35
A. Le sens du refus de soin ..................................................35
B. Les enjeux du refus de soin : vers une remise en question des
pratiques professionnelles .............................................40
Qu'est-ce que soigner ? .................................................41
Autonomie d'action et autonomie de décision ........43
Le refus de soin : les définitions et les raisons perçues
..............................................................................................................46
Ressentis des professionnels et les moyens utilisés face à
l'opposition............................................................................49
Conclusion ..............................................................................................................................55
Annexes .................................................................................................................................57
Annexe I : Charte de la personne hospitalisée .............................................I
Annexe II : Grille des quatorze besoins de Virginia Henderson et
évaluations successives de l'aire d'autonomie ...........................................II
Annexe III : Libre propos sur l'avis du CCNE "Refus de traitement et
autonomie de la personne" .............................................................................III
Annexe IV : Essai de représentation de la pratique infirmière
................................................................................................................................IV
Annexe V : Les attentes de la population .....................................................V
Annexe VI : Trame des entretiens ...............................................................VI
Introduction
« L'hôpital est une arrière-cour qui dévoile l'envers du décor de nos vies.
Il est le lieu de toutes nos contradictions et de toutes nos irrationalités. Ce
n'est pas un lieu de vie, alors que l'on y passe les moments les plus essentiels de
l'existence ».1
En effet, nous passons à l'hôpital les moments les plus importants de notre vie :
la naissance, les interventions, les examens et parfois la mort.
C'est un lieu où sont prodigués des soins dans le but de rétablir la santé mais,
dans certains cas, il peut arriver que les patients refusent ces soins.
1 A.VEGA, Une ethnologue à l'hôpital : l’ambiguïté du quotidien infirmier, p.199.
Dans le milieu hospitalier, les soignants sont confrontés au refus de soin. Reste à
savoir ce que l'on entend par le mot soin : un acte de la vie quotidienne (toilette),
un traitement, un prélèvement sanguin, un examen.... en bref, un acte ou une
action qui a pour but de promouvoir ou d'améliorer la santé ainsi que la qualité de
vie du patient.
Pour ma part, j'ai choisi de m'interroger sur le sens et les enjeux du refus de
soin à travers l'exemple d'une situation vécue pendant ma formation.
Lors de mon premier stage de troisième année en chirurgie, j'ai été témoin
d'une opposition au soin.
Mr X, 32 ans, est admis pour l’ablation d’un kyste sacro coccygien, appelé
aussi sinus pilonidal sacro-coccygien, programmé pour l’après-midi. Il s'agit d'une
affection soit congénitale, soit acquise lors de la pousse du poil ou liée à des
traumatismes répétées au niveau de la région du sacrum.
Dans le cas de ce patient, il se présentait sous la forme d'un abcès au niveau du
sommet du pli interfessier, l'empêchant de s'asseoir sans être confronté à
quelques douleurs.
Nous avons procédé à l’entrée du patient en lui demandant des
renseignements administratifs puis ses antécédents médicaux. Il a rempli la
feuille de désignation de personne de confiance.
Puis, nous lui avons expliqué la préparation cutanée préopératoire. Mr X a donc
été dépilé et a prit la douche antiseptique à la bétadine.
L'infirmière a posé la voie veineuse avec un garde veine et nous avons pu
procéder à la prémédication.
Le patient ne paraissait pas angoissé lors de son arrivée, il était plutôt calme.
Pourtant pendant le tour des médicaments de midi, nous sommes allées
voir Mr X qui semblait s’agiter. En effet, le patient nous a dit qu’il souhaitait
partir et ne pas subir l’intervention. L’infirmière a tenté de comprendre le
refus : le stress en lien avec l’attente, la peur de l’intervention… Mais il a été
impossible de déterminer pourquoi ce patient refusait subitement de se faire
opérer. Nous avons tenté de le rassurer puis nous lui avons réexpliqué le
déroulement de l’intervention : sa durée, le passage en salle de réveil, les
antalgiques probablement prescrits ainsi que les événements post-opératoires. Il
serait en décubitus ventral avec, peut-être, la présence d'un petit redon. Nous
avons expliqué que la complication majeure était un saignement secondaire qui
serait contrôlée grâce à la compression du pansement.
L'infirmière a insisté sur d'autres détails comme le premier levé et la reprise de
l'alimentation qui se ferait probablement le soir même.
Malgré les explications fournies, le refus de Mr X était catégorique. Il a
donc choisi de signer une décharge afin de pouvoir quitter le service. Nous
n'avons, à ma connaissance, jamais eu de nouvelles de ce monsieur.
En tant que futur soignant, je me suis demandée comment gérer un refus
de soins ? En effet, notre profession nous amène à soulager la douleur, à
maintenir, restaurer ou promouvoir la santé. Nous avons un devoir de « prendre
soin ». C'est-à-dire, que le soignant doit soigner l'Autre mais avant tout, il doit
respecter la dignité et l'autonomie de celui-ci. Comment concilier le prendre soin
face à un patient qui rejette le soin ? Comment accepter qu’un patient puisse se
mettre en danger en refusant un acte de soin ou une intervention ? Accepter,
c'est avant tout prendre en considération la personne. N'est-ce pas la base
même du rôle infirmier ?
Ma première réaction fut de me demander pourquoi Mr X avait refusé
l'opération.
Même si dans la pratique infirmière, un patient peut être amené à refuser un
soin pour différents motifs : culture, religion (transfusion sanguine), anxiété,
mauvaises informations ou mauvaise compréhension, pression familiale, peur de
« ne pas se réveiller », peur de la douleur… Ce refus-là avait-il un sens ? Était-ce
un appel à l'aide ? Ou simplement le témoin du manque de confiance et de
communication dans la relation soignant/soigné ? Quelles sont les raisons
invoquées par le patient ? Et quelles sont les raisons pouvant être perçues par les
professionnels ?
Une situation de refus de soin ne peut pas être prise à la légère. D'une
certaine façon, cette décision va empêcher le soignant de poursuivre le soin. En
tant que professionnel de santé, ce type de situation ne suscite-t-il pas un
questionnement ? En effet, avons-nous donné des explications claires à la
personne ? Avons-nous pris en considération son entourage, son environnement
ou encore ses craintes ? Avons-nous seulement cherché à savoir pourquoi ? Les
soignants ont-ils tous le même ressenti face un refus ? Comment réagissent-t-ils
? S'interrogent-ils sur leur pratique ?
Se remettre en question, là aussi une expression souvent employée dans le
domaine paramédical. Les soignants ont-ils tous cette faculté de prendre du
recul ? Le font-ils ?
Être soignant, c'est avant tout se soucier de l'autre. Pourtant dans
certaines situations, « les blouses blanches » imposent le soin non pas de façon
consciente mais de part leur statut. Existe-t-il une puissance soignante auquel
l'individu peut être confronté ? Que se cache-t-il derrière le soignant ? Pourquoi
a-t-il choisi de travailler auprès des autres ?
Ainsi, je me suis interrogée sur la pratique et la conscience
professionnelle. L'infirmière a pour but de prodiguer des soins pour le bien-être
des patients. Il est vrai que face à l'obstacle, elle cherchera à détourner la
situation pour convaincre celui qu'elle appelle « son » patient à consentir aux
soins.
Nous pouvons alors nous demander si les soignants ont une part de responsabilité
dans le choix du patient ? Devons-nous le « forcer » à consentir pour préserver
sa santé ?
De même, le patient répond à des droits et des libertés individuelles que
nous devons respecter. Chaque individu est libre de ses actions, de ses décisions.
En d'autres termes, il est acteur de sa vie, de sa santé. Face à l'opposition et
quand les décisions mettent en danger la vie de la personne, en tant que soignant
que devons-nous faire ? Expliquer, rassurer, écouter... Quelles sont les moyens
que nous mettons en œuvre face à une telle situation ? Exploitons-nous
réellement toutes les alternatives pour maintenir la santé de celui-ci sans pour
autant remettre en cause ses décisions ?
Les réactions du patient sont souvent imprévisibles. Elles peuvent être
acceptées par celui qui soigne mais elles peuvent également l'ébranler. Quelle
vision a l'infirmière du patient ? Comprend-t-elle ses réactions ? Ou l'enferme-
t-elle directement dans une représentation du mauvais patient ? Existe-t-il,
comme le souligne Anne Vega dans son ouvrage Une ethnologue à l'hôpital :
l'ambiguïté du quotidien infirmier, des bons ou des mauvais malades ?
Le refus de soin interpelle la majorité des professionnels. C'est pour cela
que j'ai décidé d'axer mon travail sur l'impact du refus de soin sur les soignants.
Quelles sont les enjeux de celui-ci ? Résident-t-ils justement dans la remise en
question des soignants ? Qu’en est-il de notre conscience professionnelle et de
notre responsabilité infirmière ? Comment devons-nous nous positionner face à
une telle situation ?
Toutes ces réflexions m’ont amenée jusqu’à ma question de recherche : Le
refus de soin remet-il en cause la pratique professionnelle infirmière ?
Tout au long de ce mémoire de fin d'étude, nous tenterons de développer
et de répondre à cette question.
Dans un premier temps et à l'aide de nombreux ouvrages comme Éthique,
médecine et société : comprendre, réfléchir, décider d'Emmanuel Hirsch ou
encore des textes de lois régissant les droits des patients ainsi que les devoirs
du soignant, nous analyserons le patient comme acteur du soin. Nous exploiterons
différentes notions comme le consentement, la liberté et l'autonomie par
l'intermédiaire des champs philosophiques, sociologiques, éthiques et législatifs.
Nous verrons, ensuite, comment l'individu peut être perçu par le soignant :
comme un objet de soin ou, a contrario, comme un individu sujet à la dignité et au
respect. Des exemples tirés du roman Une ethnologue à l'hôpital : l'ambiguïté du
quotidien infirmier d'Anne Vega, nous permettront de définir ce qu'est le rôle
du soignant.
Puis nous étudierons les différentes facettes du soignant face au patient. Tout
d'abord, nous approfondirons le concept de sollicitude en nous appuyant sur le
livre d’Ann Van Sevenant, La philosophie de la sollicitude ainsi que sur Soi-même
comme un autre de Paul Ricœur.
De la même façon, nous analyserons le concept de toute-puissance du soignant.
Pour cela, nous interpréterons la toute-puissance comme une soumission à
l'autorité en l'illustrant avec l'expérience de Milgram extraite du film I comme
Icare d'Henri Verneuil.
De même, nous assimilerons ce concept de puissance au fantasme de complétude
que nous étudierons à l'aide des exemples extraits d'articles d'Alain Frobert
ainsi que du livre Malaise dans l'institution : le soignant et son désir.
Enfin nous tenterons de répondre à la question de recherche en
définissant les causes du refus de soin. Nous nous appuierons également sur
quelques entretiens réalisés avec des infirmières. Des entretiens qui ont laissé
place à des échanges enrichissants sur la pratique soignante.
I. Le patient comme acteur du soin
Un patient peut être amené à être hospitalisé de façon programmé ou en
urgence pour recevoir des soins (traitement médical). S’il doit subir une
intervention ou des examens, l'équipe soignante devra l'informer des modalités
des actes réalisés et recueillir son accord, c'est-à-dire, son consentement.
A. Nécessité de consentir
Consentir c'est « accepter que quelque chose se fasse, acquiescer, être
d'accord ».2 Mais c'est aussi un droit : celui d'exprimer sa volonté. Donner au
patient la possibilité de consentir, c'est aussi lui permettre de refuser.
Le consentement du patient est obligatoire pour réaliser des soins. C'est
un droit du patient qui est régit dans plusieurs textes de lois comme dans la
2 Disponible sur : http://www.larousse.fr, consulté le 10 décembre 2011
charte N° DHOS/E1/DGS/SD1B/SD1C/SD4A/2006/90 annexée à la circulaire
du 2 mars 2006 relative aux droits des personnes hospitalisées (Cf. Annexe I).
Dans l'article L1111-4 du Code de la Santé Publique relatif aux droits des
malades et concernant l'information et le consentement éclairé de ceux-ci, il est
notifié que : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé, compte
tenu des informations et des préconisations qu'il fournit, les décisions
concernant sa santé [...]. Aucun acte médical, ni traitement ne peut être pratiqué
sans le consentement libre et éclairé de la personne [...] ».3
On retrouve encore ses principes dans la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 dites
loi Kouchner relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.4
Le consentement est à la fois un droit à la liberté du patient mais c'est
également un devoir du soignant vis-à-vis du soigné.
Le devoir est un « impératif de conscience, considéré dans sa généralité, qui
s'impose à l'homme - sans l'y contraindre nécessairement - d'accomplir ce qui
est prescrit en vertu d'une obligation de caractère religieux, moral ou légal ».5
Dans le cas du professionnel de santé, il consiste à guider, à orienter le patient
dans ses choix...ce n'est pas une question de nécessité mais d'éthique.
En effet, le soignant va informer le patient sur l'ensemble des actes ou
traitements nécessaires à sa santé (modalités de réalisation des examens,
effets secondaires, risques encourus, bénéfices attendus, surveillance...). C'est
celui qui va tenir un discours cohérent afin de l'orienter sur les différents choix
qui s'offrent à lui. Il doit s'assurer de la bonne compréhension afin que celui-ci
prenne une décision : donner son accord ou refuser. On parle de consentement
éclairé (article L1111-1 et L1111-2 du CSP).
3 Article L1111-4 du Code de la Santé Publique modifié par la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des
malades et à la fin de vie (1) 4 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (1) 5 Disponible sur : http://www.cnrtl.fr/, consulté le 24 février 2012
Par exemple, pour un patient ayant une appendicite, le soignant devra lui faire
remplir une feuille de consentement pour l'opération, initialement présentée par
le médecin. Il devra l'informer des modalités de l'intervention, des surveillances
post-opératoires et également le rassurer. En effet, si le patient refuse de se
faire soigner pour une ou plusieurs raisons, les conséquences pourraient s'avérer
graves. Mais celui-ci a le droit d'avoir ses informations.
Recueillir le consentement d'une personne est une obligation dans le
domaine de la santé qui engage la responsabilité du soignant mais également de
l'ensemble de l'équipe soignante : on peut parler de coresponsabilité.
Prenons l'exemple d'un soignant qui n'aurait pas demandé l'accord de son patient
pour réaliser un soin et qu'à la suite de celui-ci survienne une complication. La
personne soignée serait en droit de recourir à la justice et le soignant devra,
quant à lui, répondre des conséquences de ses actes ou, comme dans ce cas-là, de
n'avoir rien fait.
C'est pourquoi il est nécessaire de s'assurer que la personne ait reçu les
informations nécessaires et donné son accord.
« Consentir » induit également la responsabilité du patient car accepter
c'est avoir la maîtrise de ses choix, avoir les moyens de juger et de prendre des
décisions.
En ayant conscience des risques et des bénéfices liés à l'acte qu'il doit subir, le
patient devrait être libre de prendre sa décision, de faire son choix. Mais est-
ce réellement toujours le cas ? Le soignant, quand à lui, doit respecter cette
volonté :
« Si on me demandait pourquoi je respecte une volonté qui ne relève pas d'un
raisonnement scientifique, je répondrais que c'est avant tout par respect de la
personne, de sa croyance et de sa foi. Et puis je suis sûr que rien ne les fera
changer d'avis ».6
Le respect, c'est prendre en considération quelque chose ou quelqu'un. Lorsque
qu'une personne refuse un traitement ou une intervention, devons-nous, sous
prétexte de préserver sa santé, la contraindre à s'y résoudre ? Même si chacun
est libre de faire ses propre choix, peut-on réellement parler de liberté
individuelle ?
Dans certains cas, il arrive que des patients soient dans l’incapacité
d’accepter ou de refuser des soins, comme par exemple, les personnes atteintes
de démences (type Alzheimer), de troubles cognitifs (liés à la vieillesse ou à des
pathologies) ou encore de troubles psychiatriques sévères. Ces situations posent
un dilemme éthique : Comment respecter la volonté de l’autre s’il ne dispose pas
de sa propre liberté de consentir ?
Même s'il existe des personnes de confiance, des tuteurs, des ordonnances de
non réanimation ou encore si la personne n'est pas en mesure de
s'exprimer...nous ne pouvons pas être sûr de ce qu'elle souhaite.
En effet, le soignant et l'entourage sont dans l'incapacité de connaître la volonté
de la personne à un moment donné. Les patients peuvent changer d'avis à tout
moment.
Afin de garantir la protection de ces malades, le soignant va se positionner
dans une démarche éthique. Elle va s'orienter vers quatre critères7 :
Le respect de l’autonomie : Quand le soignant est confronté à des enfants,
des personnes dans le coma ou atteintes de maladies mentales...des
6 JM. DUBERNARD, L'hôpital a oublié l'homme, p.126 7 Dossier : La recherche du consentement aux soins dans Santé Mentale, n°161, octobre 2011, p.19-73
personnes incapables de faire des choix, un représentant doit intervenir.
On parle de tutelle, de curatelle ou encore de la personne de confiance.
La non-malfaisance : Ce concept consiste à éviter de faire du tort. Il peut
être assimilé à la notion de bienveillance, c'est-à-dire, éviter de nuire ou
tenir compte des risques dans l'optique de promouvoir la santé.
La bienfaisance : Ce qui est bien pour l'Autre. Dans les soins infirmiers
cela revient à comprendre les besoins des patients et agir avant tout dans
l'intérêt de celui-ci. La bienfaisance est à la fois une vertu individuelle et
un devoir social.
La justice : En santé, cela revient à s'assurer de l'équité. C'est-à-dire, ce
qui est juste et moralement acceptable. Par exemple les soins doivent être
répartis de façon équitable entre les patients.
Il existe également des lois pour assurer cette sécurité du patient comme
la loi du 05 juillet 20118 relative aux droits et à la protection des personnes
faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Elle a pour objectif de promouvoir la sécurité du patient. Mais, a contrario, elle
remet en question le concept de liberté en employant le terme de « soins sans
consentement » et, par conséquent, renforce la contrainte aux soins. Cette loi
interroge de nouveau les droits des personnes sur la liberté
individuelle. Sommes-nous réellement libres de faire nos propres choix, et plus
particulièrement, ceux concernant notre santé ?
8 Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins
psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (1)
B. Liberté : droit des patients
Il existe plusieurs définitions du concept de liberté.9 Dans l'ensemble, la
liberté est l'absence de contraintes. Cela revient à dire que nous ne sommes pas
soumis à une personne ou à quelque chose. C'est avoir le pouvoir de décider.
Ce concept rassemble ceux de liberté individuelle et de liberté collective dite
civile.
Chaque individu dispose de sa propre liberté, c'est-à-dire, d'agir selon sa
volonté personnelle sans que les choix qui en résultent ne nuisent aux autres.
C'est l'idée que développe l'alinéa 4 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme et du Citoyen de 1789.
La liberté n'est pas palpable, c'est un sentiment. Mais ce sentiment est-il
indubitable ? Est-il possible que celui-ci ne soit qu'illusion ?
La liberté a été le sujet de nombreux philosophes au cours de l'histoire.
Ces auteurs ont tenté de la définir chacun à sa propre façon.
Dans la philosophie, il existe différentes formes10 de liberté :
La liberté individuelle ou liberté politique : La liberté est une propriété, un
droit donné à l'homme. Renoncer à ce droit reviendrait, d'après Rousseau,
à renoncer à sa qualité d'homme.
L'autonomie de la volonté (appelée liberté du vouloir) : c'est-à-dire qu'elle
obéit à des lois et non aux désirs. En effet, si nous nous laissons guider
par nos envies alors nous ne pouvons être libres.
9 Disponible sur: http://www.larousse.fr, consulté le 10 décembre 2012 10 Disponible sur : http://www.maphilo.net/dossier-cours.htlm, consulté le 02 janvier 2012
Kant définit cette liberté comme la capacité de se donner soi-même ses
propres lois.
Ce qui signifie que la liberté de penser représente la possibilité pour
l'homme de faire ses choix de façon consciente et par conséquent de
façon autonome.
Mais la conscience est liée au concept de la Raison. Autrement dit, notre
liberté n'est pas réelle puisqu'elle doit être déterminée par la rationalité.
Admettons qu'un patient s'oppose à la prise d'un traitement quel qu'il
soit. Il aura fait le choix de refuser mais les raisons invoquées (peur des
effets indésirables par exemple) sont-elles rationnelles ?
Il est difficile de répondre à cette question car malgré cette autonomie
de décision du soigné...la mission du soignant, pour laquelle il s'est engagé
(ex. Serment d'Hippocrate pour les médecin), reste de le « guérir », de ne
pas nuire au patient et d’être à son écoute.
La liberté et le moi : Pour Jean-Paul Sartre, la liberté serait l'expression
du moi profond de l'individu. Elle représenterait l'être.
« La liberté c'est précisément le néant qui a été au cœur de l'homme et
qui contraint la réalité humaine à se faire au lieu d'être ».11
L'homme est représenté par ces actions considérées comme libres. Si
l'individu est ce qu'il fait alors cela signifie qu'il est libre puisqu’il a le
choix de ses actes.
Nous assumons ou réfutons tous nos actes mais nous avons le choix de les
faire ou non.
En effet, c'est par l'intermédiaire de ses actions que l'individu devient
soumis à sa liberté. Sartre en conclura que l'homme est inéluctablement
contraint à être libre.
11 Ibid.
Au regard des définitions présentées ci-dessus, on peut constater que la notion
de liberté reste complexe. Elle se révèle à la fois comme un droit propre à
chacun mais également comme la représentation de l'essence même de l'individu.
La plupart du temps, la volonté de l'homme est guidée par ses besoins et ses
désirs dans le but de rechercher la satisfaction... Ce qui à mon sens pourrait
signifier que le sentiment de liberté n'est pas pleinement réel.
En ce sens, on peut penser qu'il existe un décalage entre la réalité et l'essence,
c'est-à-dire l'idée que nous nous en faisons.
Imaginons une patiente d'un service d'oncologie qui vient pour l'administration
de sa 4ème cure de chimiothérapie. Elle reçoit une prémédication comportant un
comprimé de Zophren (antiémétique) et un comprimé de Solumédrol pour pallier
aux effets secondaires du traitement et pour éviter les nausées de façon
retardée. La patiente refuse alors de prendre le Solumédrol car elle a
l'impression que celui-ci la fait « enfler ». Cette femme aura fait le choix de ne
pas prendre le corticoïde parce qu'elle reste convaincue qu'il engendrera chez
elle un effet secondaire au détriment des autres effets plus ou moins intenses
qu'il aurait pu contrer.
D'un point de vue sociologique, on parle de principes inhérents à la liberté
qui fondent notre société:
la liberté d'expression : l'individu a le droit d'exprimer ses propres
opinions,
la liberté civile ou individuelle : le citoyen est libre de ses actes et de ses
déplacements tant qu'il ne nuit pas à l'autre,
la liberté de culte : la personne est libre de choisir sa religion et les
pratiques qui l’accompagnent,
la liberté de pensée,
la liberté économique : l'individu perçoit des revenus dont il peut disposer
comme il l'entend.
Dans la société, il existe de nombreuses variantes de ce concept comme ceux
présentés ci-dessus. L'important est de savoir que chaque liberté ne doit pas
être néfaste pour les autres individus d'où le célèbre adage : « La liberté des
uns commence là où s'arrête celle des autres ».
Ce concept reste donc difficile à définir car il regroupe plusieurs
domaines. Dans toutes les définitions données, on retrouve la liberté comme un
droit, comme la possibilité d'agir selon sa volonté. On peut donc parler
d'autonomie de décision.
Par exemple dans la situation initiale, Mr X est cohérent, il a bien été informé
des conséquences du refus de l'intervention et a choisi de ne pas la subir. Ce
patient est autonome et libre de prendre sa décision.
De même que la personne âgée cohérente qui refuse de se laver. Celle-ci avait
probablement pour habitudes de ne pas se laver tous les jours lorsqu'elle était
chez elle. Pourtant, c'est son choix. Elle, aussi, est autonome dans sa décision.
Le terme d'autonomie est étroitement lié au concept de liberté qui peut se
définir comme une autonomie relative. Autrement dit, il existe des limites au
sein même de la liberté.
L'exemple, le plus parlant, reste la dialectique du maître et de l'esclave de
Hegel. Dans sa démonstration sur « la conscience de soi », il nous montre que la
présence de l'autre engendre le désir d'être reconnu par celui-ci. Ainsi un
conflit va naître et différents statuts vont s'établir. Hegel nous expliquera que
le maître (dominant) n'est pas totalement libre car il dépend de l'esclave pour
satisfaire ses besoins. Par conséquent l'esclave n'est pas entièrement soumis.
La présence de l'Autre conduit à la prise de conscience de soi et les relations qui
découlent entre les individus aboutissent à ce concept d'autonomie relative.
Nous sommes des êtres libres et autonomes sans les autres humains mais
paradoxalement nous avons besoin d'eux pour le reconnaître.
Dans le milieu hospitalier, l'autonomie demeure un principe récurrent.
Qu'appelle-t-on « autonomie » ? Peut-on penser que le droit de liberté soit un
facteur précurseur de l'autonomie du patient ? Un lien étroit entre droit et
besoin ?
C. Vers l'autonomie
D'après le Larousse, l'autonomie est « la capacité de quelqu'un à être
autonome, à ne pas être dépendant de l'autre ».12
L'autonomie est un des principes fondamentaux des soins infirmiers. Les
soignants se doivent de maintenir, restaurer ou promouvoir la santé d'une
personne ou son autonomie afin d'améliorer la qualité de vie de celle-ci.
Par exemple, la classification des quatorze besoins de Virginia Henderson permet
d'évaluer les capacités physiques et psychologiques des individus.
On l'utilise souvent dans les maisons de retraite ou dans les services où les
patients sont plus ou moins dépendants. Par exemple en long séjour, cela
permettra de savoir pour quels gestes le patient a besoin d'aide et pour lesquels
il est autonome.
12 Disponible sur : http://www.larousse.fr, consulté le 12 décembre 2011
Dans son article Le refus de soin13 extrait de la revue de l'infirmière,
Jérôme Chevillotte développe ce concept d'autonomie.
Il nous explique que lors d'un refus de soin, le soignant doit évaluer les
différentes « autonomies » (ou capacités) du patient pour s'assurer de la bonne
compréhension des informations transmises et par conséquent de la liberté de
décision de celui-ci.
Jérôme Chevillotte présente trois types d'autonomie :
l'autonomie d'action : Le patient se meut plus ou moins bien, seul ou avec
une aide quelconque (canne, déambulateur, fauteuil...)
l'autonomie de pensée : On évalue la compréhension du patient. Lorsque
l'on informe le patient des risques et conséquences du soin, le soignant
doit s'assurer que les informations ont bien été comprises afin que la
décision du patient soit pertinente et cohérente.
On retrouve ce devoir dans l'article L- 1111-414 du Code de la Santé
Publique :
« Toute personne prend, avec le professionnel de santé, compte tenu des
informations et des préconisations qu'il fournit, les décisions concernant
sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir
informée des conséquences de son choix ».
l'autonomie de volonté : C'est agir en connaissance de cause. Cela
reviendrait à parler d'une autonomie de décision qui serait un droit propre
à chacun.
Ces trois critères mettent en exergue le fait que l'autonomie est une
possibilité de faire des choix à condition d'être responsable.
13 J. Chevillote, Le refus de soin dans Revue de l'infirmière, n°141, juin 2008, p.32. 14
Article L1111-4 du Code de la Santé Publique modifié par la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des
malades et à la fin de vie (1)
Comme nous l'avons précédemment abordé avec Rousseau, l'autonomie
fonde le droit de la personne à disposer de son corps, on parle de liberté
individuelle. C'est également un outil contre l'abus de pouvoir où l'individu est
indépendant de ses décisions, Kant parlera de la liberté du vouloir.
Mais être autonome c'est avoir la maîtrise de sa vie, c'est permettre à l'individu
d'être l'acteur du soin. L'homme sait ce qui est bien pour lui même si le soignant
se complait, également, dans la bienveillance à l'égard du soigné. En effet, le
professionnel de santé évalue les besoins du patient et met en place des actions
dans l'intérêt de celui-ci, de façon juste et morale : on peut parler d'équité.
Lorsque nous sommes confrontés à un refus de soin, celui-ci induit une
réflexion éthique pour le personnel médical. Tout d'abord, nous devons tenir
compte de l'opposition de la personne, respecter sa décision et par conséquent
respecter sa dignité. Cette notion fait référence à une qualité qui est propre à
chaque individu malgré leur différence. Cela signifie que tout homme mérite le
respect quelque soit son age, son sexe, sa religion, ses origines...
Puis nous devons également être fidèles à nos valeurs professionnelles :
promouvoir et restaurer la santé.
Ce pouvoir de décision du patient doit être respecté, excepté lors des soins
d'urgence (décret du 14/01/1994), même si ce choix ne peut pas être ramené à
la volonté du soignant. En effet lorsqu'un professionnel de santé propose un soin
ou une intervention, il pense que celui-ci sera bénéfique au patient, il cherche à
être bienveillant. Mais comme nous l'avons dit dans l'introduction, l'hôpital est
un lieu d'irrationalité tant pour les soignants que pour les malades.
L'autonomie de décision peut remettre en cause différents concepts qui
appartiennent tant au rôle du patient qu'au rôle médical.
Dans un premier temps, nous allons traiter de l'observance qui relève du devoir
du soigné, c'est-à-dire, « l'action de se conformer à une habitude, à un
modèle ».15
Dans son libre - propos sur l'avis du CCNE (Cf. Annexe III) intitulé: « Refus de
traitement et autonomie de la personne » ou le droit de désobéir, Sylvie
Fainzang considère l'observance comme une condition nécessaire à une bonne
prise en charge du patient. Pour elle, l'observance est synonyme d'adhésion et
s'oppose à la reconnaissance du droit du malade.
« L'observance - ou ce que l'on préfère appeler aujourd'hui l' « adhésion »,
terme supposé plus politiquement correct, mais qui n'en comporte pas moins
l'idée d'une conformité au jugement et aux décisions du médecin - se voit ainsi
mise à mal par la référence à cette nouvelle valeur qu'est l'autonomie du
malade » (Cf. Annexe III).
En effet, l'autonomie signifie que le patient est capable de gérer ses soins, de
juger, de prendre des décisions qui peuvent ne pas se conformer à une volonté
médicale.
Dans un second temps, le refus peut remettre en question la
responsabilité du soignant. Le professionnel de santé qui délaisse l'information
des conséquences d'un refus de soin, « commet une négligence professionnelle
qui engage sa responsabilité ».16 C'est à lui qu'incombe le devoir de transmettre
les données afin que le patient réalise les soins indispensables à sa santé.
Ces notions de responsabilité et d'observance rappellent l'importance du
savoir, de l'information et du conseil médical.
15 Disponible sur : http://www.larousse.fr, consulté le 12 décembre 2011 16 E. Hirsch, Éthique, médecine et société: comprendre, réfléchir, décider, p.515.
Mais face à un refus de soin et en tant que soignant, devons-nous absolument
chercher à imposer « notre volonté » sous prétexte de prendre soin du patient ?
En quoi consiste notre rôle ou plus précisément notre devoir ?
II. Le positionnement du soignant : entre souci de l'autre et
fantasme de complétude
Le soignant a pour objectif de prendre soin du patient. On parle du caring,
c'est-à-dire, s'occuper de l'autre. Cette notion se réfère à celle de la
bienfaisance qui retient l’idée de l’absence de torts fait à l'individu.
Ces deux principes font parti du devoir du soignant. Nous allons donc nous
interroger sur celui-ci afin d'en définir les contours.
Ce mémoire de fin d'étude ayant pour objectif l'obtention du diplôme d'état
d'infirmier, il m'a paru normal de m'appuyer sur la pratique et le rôle infirmier
pour façonner cette partie.
A. Le devoir soignant : le rôle infirmier
Être soignant c'est permettre de rétablir la santé d'un individu en lui
prodiguant des soins.
Rappelons que selon l’OMS, la santé est « un état de complet bien être physique,
mental et social, et ne consiste pas seulement à l'absence de maladie et
d'infirmité ».17
17 Disponible sur : http://www.infirmiers.com/, consulté le 14 janvier 2012
Pour assurer cette mission, les infirmières dispensent des soins dits
« soins infirmiers ». Il s'agit d'une attention particulière que le professionnel de
santé porte à une personne ou à son entourage dans le but de lui venir en aide
(Cf. Annexe IV). Ce terme peut être défini de plusieurs manières, les plus
connues sont les suivantes18:
D'après le Conseil International des Infirmières (CII) : « On entend par
soins infirmiers les soins prodigués, de manière autonome ou en
collaboration, aux individus de tous âges [..]. Les soins infirmiers englobent
la promotion de la santé, la prévention de la maladie, ainsi que les soins
dispensés aux personnes malades, handicapées et mourantes ».
D'après l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : « La mission des
soins infirmiers dans la société est d'aider les individus, les familles [...]
Ceci exige que les infirmières apprennent et assurent des fonctions ayant
trait au maintien et à la promotion de la santé aussi bien qu'à la prévention
de la maladie ».
Le devoir du soignant, et notamment le rôle de l'infirmière, est de soigner
mais pour cela, il faut prendre en charge le patient dans sa globalité ce qui
nécessite une bonne connaissance du patient. Rappelons que la prise en charge
globale reste difficile puisqu'on ne peut s'occuper que de ce que le malade veut
bien nous dévoiler. Pour cela, nous devons prendre en compte plusieurs axes :
la personne et son entourage : le soignant s'intéresse à son histoire de vie,
ses antécédents. Il va évaluer son autonomie de pensée, d'action ou encore
de volonté.
le soin dispensé c'est-à-dire, la nature du soin qu'il soit physique ou
psychologique. Mais également les informations sur les modalités de
18 Ibid.
réalisation de celui-ci. Le soignant doit prendre en compte l'anxiété du
patient, il doit le rassurer et répondre à ses questions.
la santé de la personne qui doit être évaluée de manière constante,
l'environnement.
La bonne connaissance de l'individu permet d'établir un lien de confiance.
Le soignant, c'est celui qui écoute, qui est disponible, qui ne juge pas mais
conseille et accompagne.
C'est cette relation de « confiance » qui est à la base des soins. Elle est
fondamentale et permet de rassurer le patient, il se sent en sécurité. Il est ainsi
plus facile de satisfaire les besoins et d'assurer la qualité des actes dispensés à
la personne.
Le soignant est souvent représenté comme un accompagnant, un guide ou
encore un conseiller. Il est présent pour effectuer des soins qui peuvent être de
deux natures19 . Tout d'abord, les soins coutumiers et habituels, appelés the
care, qui sont du ressort de l'entretien et du quotidien. Puis les soins de
restauration, dits the cure, qui ont pour but de lutter ou de limiter la maladie.
Ces différents types de soins détaillés dans le décret infirmier20 du 29 juillet
2004 se regroupent en plusieurs catégories. On retrouve les soins techniques
comme les pansements, les prises de sang, les poses de cathéter. Ainsi que les
soins de la vie quotidienne appelés soins de nursing. Mais aussi les soins
relationnels c'est-à-dire un soutien psychologique, des informations sur leur
pathologie ou encore des éducations concernant certains traitements. Par
exemple, l'éducation des anti-vitamines K pour les patients porteurs de valves
cardiaques ou les complications du diabète pour les patients diabétiques.
19 MF. Collière, Promouvoir la vie : De la pratique des femmes soignantes aux soins infirmiers, p.243. 20 Décret n°2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V du Code de la Santé Publique
On peut également constater que ces soins infirmiers s'axent sur
plusieurs dimensions21:
la dimension préventive qui consiste à mettre en œuvre des moyens pour
éviter des risques ou des complications,
la dimension curative qui réside dans la prise en charge thérapeutique
répondant à une pathologie,
la dimension éducative où le but est d'éduquer le patient pour qu'il se
prenne en charge et gère sa maladie,
la dimension de maintenance et d'entretien où le soignant se doit de
promouvoir ou conserver l'état de santé jugé stable dans un contexte
pathologique,
la dimension de la réhabilitation et de la réinsertion qui permet à la
personne de s'adapter à une nouvelle situation, aider le patient à vivre
avec ses séquelles ou son handicap,
la dimension palliative qui revient à prendre en charge le patient et sa
famille quand il n'y a plus de thérapies envisageables.
A travers ces dimensions du soin, l'infirmier, comme tout autre soignant,
défend des valeurs (principes moraux de référence à la profession) comme par
exemple :
le respect et la dignité de l'autre,
la bienveillance : état d'esprit nécessaire à la relation de confiance qui
peut se définir comme le souci de faire le bien pour l’autre (projet de
soins, de vie…),
la confiance qui permet au patient de se sentir en sécurité,
l'équité et la tolérance : le soignant ne doit pas faire preuve de
discrimination et ne doit pas juger le patient,
21 Disponible sur : http://www.infirmiers.com/, consulté le 28 février 2012
l'altruisme, c'est-à-dire être dévoué à l'autre. Cette valeur va de pair
avec le concept de sollicitude (avoir le souci de l'autre).
Autrement dit, le devoir du soignant est de prendre soin du patient, c'est-
à-dire, se soucier de l'Autre... A l'heure actuelle, on emploie le terme de
sollicitude.
B. Prendre soin et sollicitude
Tout d'abord, il est important de distinguer les soins curatifs et les soins
dans le sens du prendre soin.
Le « prendre soin » est rattaché aux professions médicales et
paramédicales mais il représente une spécificité dans les soins infirmiers.
Pour Hesbeen ce concept représente « une attention portée à l'autre en vue de
lui venir en aide ».22 Pour lui, le prendre soin est complexe car il est différent
selon chaque individu. Il est à la fois perçu comme un art qui combine les
connaissances, les habilités, le savoir être et l'intuition mais également comme
une valeur et non « comme une vérité ».23 En effet, ce sont les valeurs de notre
profession (disponibilité, humilité, authenticité, humour, compassion, écoute,
observation...) qui vont définir le prendre soin. Elles vont, par ailleurs, faire écho
à la sollicitude.
La sollicitude est l'application « de soins attentifs, affectueux à l'égard
de quelqu'un ».24 Pour Ann Van Sevenant, c'est se soucier de l'Autre pour qu'il
accède au bien-être. L'auteur défend la thèse que se soucier de l'Autre, c'est
22 W. Hesbeen, Prendre soin à l'hôpital: Inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante, p.29. 23 Ibid.p.37. 24 Disponible sur : http://www.larousse.fr, consulté le 08 mars 2012
se soucier de soi-même. Le soignant doit avoir conscience et connaissance du soi,
c'est-à-dire de l'âme, et également du corps en tant qu'objet pour pouvoir
évaluer les besoins de l'Autre et par conséquent, ses propres besoins.
Afin d'exploiter ce concept, Ann Van Sevenant va s'appuyer25 sur les
thèses de différents auteurs :
Michel Foucault qui traite du souci de soi comme une recherche de soi à
l'intérieur même du souci. Se concentrer sur soi serait alors mieux
connaître l'Autre.
« En agissant bien à l'égard de soi-même, on en fait de même avec les
autres, car le soi qu'on est pour soi-même constitue déjà un autre en
soi ».26
Hannah Arendt définit le prendre soin comme un intérêt commun qui est
engendré par la culture et la société suscitant ainsi la responsabilité de
l'individu.
Martin Heidegger accentue la sollicitude comme un souci ontologique et
non ontique. Autrement dit, comme un souci qui se rapporte à l'être et
non à l'objet.
En effet, l'homme est, à lui seul, un souci. Il a conscience de son
existence et du temps qui défile. L'individu prépare sa mort en vivant sa
vie. Une condition qui se veut relativement angoissante et qui le
responsabilise. Par angoisse, il va sculpter sa mort. La sollicitude serait
alors un moyen de guider le soigné par le biais de l'expérience et du vécu
du soignant pour ainsi lutter contre l'angoisse de la vie et sculpter la
mort.
25 A. Van Sevenant, Philosophie de la sollicitude, p.6 à 194. 26 Ibid. p.35
Dans La philosophie de la Sollicitude, Ann Van Sevenant va nous
montrer que « être sollicitude » se différencie de l'altruisme. Dans cette
notion, on retrouve l'estime du soi chez le patient pour préserver son
autonomie.
On retrouve cette thèse chez Paul Ricœur, pour qui, la sollicitude
représente une « spontanéité bienveillante, soucieuse de l'altérité des
personnes, intimement liée à l'estime de soi au sein de la visée de la bonne
vie ».27
Avoir le souci de l'Autre ne se réduit pas seulement à l'attention qu'on lui porte,
ni aux soins qu'on lui prodigue mais avant tout au respect de celui-ci. C'est la
convergence de plusieurs valeurs, croyances réciproques entre le patient et le
soignant, permettant ainsi d'agir et de penser.
Dans la pratique professionnelle et notamment dans l'éthique infirmière, la
sollicitude est indispensable et se retrouve dans l'intégralité des soins sous
différentes formes : la présence, l'écoute, l'empathie, l'observation, la
responsabilité. En effet dans le soin, on retrouve toujours une émotion (la
sollicitude), une compétence et un accompagnement.
Toutefois, même s'il n'existe pas une éthique « propre » à la profession, en
tant que soignant nous avons tous les mêmes objectifs pour nos patients :
préserver l'autonomie et la santé. Mais force est d'admettre que le malade peut
avoir des attentes différentes que celles proposées ou, peut-être, « imposées »
par le professionnel de santé.
C. La toute-puissance du soignant 27 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, p.222.
Le soignant a de nombreuses connaissances dans le domaine médical
(pathologies, examens, traitements...) qu'il exploite lors des soins prodigués aux
patients. C'est ce savoir médical qui va imposer une asymétrie dans la relation.
Ainsi, on peut parler d'une certaine puissance du soignant. Mais comment peut-on
définir ce concept ?
La soumission à l'autorité
Le terme de puissance peut être rattaché à différentes notions comme le
pouvoir, la force, la domination, l'influence ou encore l'autorité. Ces termes
impliquent-ils une soumission de la part du sujet ?
L'expérience de Milgram28 permet d'évaluer le degré d'obéissance d'un
individu devant une autorité (même si celle-ci diverge de la morale).
Elle met en scène un élève et un expérimentateur qui sont des complices ainsi
qu'un enseignant. Le sujet pense participer à une expérience sur la théorie de
l'apprentissage par la punition et va tirer au sort (pipé) le rôle qu'il occupera. Le
précepteur devra faire mémoriser à l'élève des suites de mots et à chaque
erreur, le disciple recevra des décharges électriques qui seront de plus en plus
fortes.
L'expérimentation montre que le sujet hésite à infliger de nouvelles sentences.
Il s'interroge mais l'expérimentateur lui affirme qu'il ne sera pas responsable
des conséquences. Le sujet est libre de continuer ou non l'expérience.
28 Disponible sur : http://www.dailymotion.com/, consulté le 08 février 2012
Après analyse des résultats, on peut constater que dans la plupart des cas,
l'absence de responsabilité amplifie le degré d'obéissance, c'est-à-dire, la
soumission à l'autorité.
Ce sont ces concepts d'autorité et d'obéissance qui imposent une
asymétrie dans la relation soignant/soigné.
En effet à l'hôpital, les « blouses blanches » représentent le savoir et le pouvoir
de part l'importance de leur fonction, de leur présence ou encore des actes de
soins réalisés. Par exemple, le soignant est souvent debout tandis que le patient
est assis ou allongé. Ce qui ne facilite pas la communication.
Ce dysfonctionnement du lien social va conduire à une forme de soumission,
c'est-à-dire que le professionnel de santé va imposer une contrainte : l'absence
de liberté.
Le soignant, qui pense devoir guérir les maux de l'humanité, devient une
figure de compétence et de responsabilité aux yeux de la société ce qui lui
permet d'acquérir une reconnaissance sociale. Ainsi pour le patient, le
professionnel de santé est une personne qualifiée, arborant un savoir dans le
domaine médical. On peut parler d’autorité de compétence. Ce qui provoque deux
types de réactions : soit le patient se soumet de façon inconsciente aux soins,
soit il s'y oppose et peut alors devenir « un objet de défoulement voire le
responsable de tous les conflits »29 comme le décrit Anne Vega à travers
l’expression du « mauvais malade ».
Mais comment rétablir l'équilibre entre patient et soignant ? D'après le Comité
Consultatif National d'Éthique la solution se trouve dans le respect de la volonté
du patient.
29 A.VEGA, Une ethnologue à l'hôpital : l’ambiguïté du quotidien infirmier, p.108.
C'est pourquoi on peut dire que l'existence du consentement30 est une
alternative à l'absence de liberté. Il permet de rééquilibrer la relation existante
entre les deux protagonistes.
La toute-puissance du soignant est liée à l'autorité mais est-il possible que
celle-ci repose sur une autre hypothèse ?
Le fantasme de complétude
La toute-puissance peut également se définir comme un fantasme de
complétude.
Le fantasme31 est une représentation imaginaire qui traduit un désir plus
ou moins conscient. Alain Frobert décrit dans ses articles, le pouvoir du soignant
comme tel32. En effet, dans le discours médical l'homme a des besoins que les
professionnels de santé peuvent satisfaire. Le patient est alors considéré comme
un objet de soin.
Le soignant est un complément, c'est-à-dire qu'il pense combler le manque
de son patient notamment par le biais de la relation : « Je suis ce qui manque à
l'autre ».33
Toutefois se considérer comme la complétude de l'autre induit un risque
d'identification dans la souffrance ce qui implique l'existence d'une réciprocité
dans le lien social. Ainsi le malade nous apporte, lui aussi, quelque chose : « Cette
30 Avis n°87 du 14.04.2005 : "Refus de traitement et autonomie de la personne" par le Comité Consultatif National
d’Éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé 31 Disponible sur : http://www.larousse.fr/, consulté le 09 février 2012 32 A. Frobert, De la reconnaissance à la connaissance dans Santé Mentale, n°36, mars 1999, p.29-31. 33 F. Ansermet, Malaise dans l'institution : le soignant et son désir, p.40.
illusion que s'il peut combler les besoins de l'autre alors l'autre pourra combler
son incomplétude ».34
Nous nous retrouvons alors piégés entre le désir de guérir et la compassion, nous
souffrons avec le patient. C'est pour cela qu'il est important de trouver la bonne
distance dans la relation.
Dans Malaise dans l'institution : le soignant et son désir, François
Ansermet compare le soignant à une figure patriarcale et autoritaire. Il est à la
fois celui qui dirige et celui qui est responsable du manque de son patient.
En effet, il pense être l'objet manquant et pour se déculpabiliser, il prend soin
et se soucie de son patient : « Sa dette est interminable et il est prêt à délivrer
ses soins à l'infini, se dépensant sans compter pour payer sa dette ».35
Le fantasme de complétude représente le désir du soignant de combler lui
même ses propres frustrations. Il trouve dans la dépendance et dans le soin une
forme de jouissance. S'intéresser et s'identifier à l'autre lui permet de
contenter son propre manque. Ce qui signifie que pour se soucier réellement du
patient, il faut d'abord reconnaître notre propre manque mais également
comprendre que celui-ci est impossible à combler.
Dans le cas d'un refus de soin, cela voudrait dire que le soignant se
retrouve frustré, c'est-à-dire, dans l'incapacité de palier au manque de son
patient et par conséquent à son propre manque. Nous pouvons donc penser que
cette situation engendrera une remise en question chez le professionnel de
santé.
34 Ibid, p.55. 35 Ibid, p.22.
III. Le refus de soin: une remise en question du soignant?
Refuser, c'est s'opposer à une proposition, à une exigence formulée par
l'Autre.
Le refus peut être considéré comme un droit de l'individu, il contribue au
respect de sauvegarde de la dignité de la personne et lui permet d'être reconnu
comme Homme et Citoyen. En effet, rappelons-le, nous sommes tous nés libres et
égaux en droit.
A. Le sens du refus de soins
Dans le contexte du soin, il peut s'agir de différents types de refus :
opposition à une prise de traitement, à des prélèvements sanguins, à un examen,
à des gestes d'aide à la vie quotidienne comme une toilette... En tant que
soignant peut-on donner un sens à ces situations ? Quelles peuvent en être les
causes ?
Afin de répondre à ces questions, il aurait été intéressant d'interroger
des patients ayant déjà refusé un soin. Ce qui aurait permis de définir la
perception que le malade a du soignant ainsi que les causes qui peuvent amener le
patient à refuser un acte médical quel qu'il soit. Mais également à analyser les
comportements des soignants face à un refus et à examiner le ressenti des
patients face aux moyens utilisés pour pallier à l'opposition et si cela a
fonctionné.
Mais interroger des patients aurait été délicat vis-à-vis du temps donné pour
réaliser ce mémoire. De plus, les réponses n'auraient pas forcément été
objectives.
Ainsi pour expliquer les causes du refus de soin, j'ai utilisé les apports
reçus pendant mes trois années de formation ainsi que mes expériences sur les
terrains de stage.
En effet, j’ai pu rencontrer de nombreux exemples de situation de refus de
soins portant aussi bien sur la prise de traitement que sur la réalisation des soins
quotidiens.
Avec le recul sur mes années de formation, j’ai pu m’apercevoir, et notamment en
EHPAD, qu’on ne demandait pas systématiquement le consentement à l’individu
mais qu’on cherchait à le contraindre au soin.
Par exemple lors de mon stage de première année, une résidente avait refusé
qu’on lui fasse la toilette. Pourtant le personnel soignant n’a pas respecté sa
demande et n'a pas cherché d'explications à l'opposition.
Un refus de soin peut s'expliquer par de multiples raisons qui sont propres
à chaque personne. Nous allons tenter de les mettre en exergue :
Le refus peut s'expliquer par un trouble psychologique, une altération de
la conscience ou encore un état dépressif. Par exemple, un patient atteint
de démence qui refusera de prendre son traitement.
La pression de l'entourage joue également un rôle important dans la prise
de décision des patients. Les familles communiquent du stress, de
l'angoisse ou parfois de l'autorité s'exerçant sur le patient.
Par l'expression de sa propre crainte, une femme peut empêcher, de façon
consciente ou non, l'intervention de son mari.
Les difficultés économiques influencent aussi les choix du patient. Le
manque d'argent peut contraindre la personne à ne pas prendre de temps
pour conserver sa santé.
La religion ou certaines convictions comme certaines personnes qui
refusent les transfusions sanguines ou encore la mise en place de valves
cardiaques porcines.
Le manque d'information peut être une des raisons de l'opposition aux
soins même si le soignant à un rôle important vis-à-vis de celui-ci.
Article L1111-2 du Code de la Santé Publique : « Cette information porte
sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention
qui sont proposés, leurs utilités, leurs urgences éventuelles, leurs
conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles
qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les
conséquences prévisibles en cas de refus ».36
De même la mauvaise compréhension des informations ou des enjeux du
soin est un des facteurs favorisant le refus.
Les patients ont des attentes envers le personnel infirmier en matière de
communication, d'habilité et de connaissances techniques, d'attitudes et
de comportement (Cf. Annexe V). Des attentes auxquelles les
professionnels de santé ne répondent pas forcément. Ce qui ne facilite pas
la relation de confiance qui doit exister entre soignant/soigné.
36 Article L1111-2 du Code de la Santé Publique modifié par la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 article 37
L'angoisse, l'appréhension du soin et de la douleur, la peur du diagnostic et
la peur inéluctable de la mort. Mettant en place des mécanismes de
défense37 pouvant plus ou moins influencer l'opposition au soin :
Le déni où le patient nie la vérité, il ne veut « pas entendre ».
La dénégation : le patient sait sans savoir.
L'isolation où le patient parle de sa pathologie de façon générale :
intellectualisation de l'individu.
Le déplacement : le patient cible son angoisse sur autre chose
comme par exemple le devenir de son animal de compagnie.
La maîtrise : l'individu veut avoir prise sur sa propre vie, il refuse
de se laisser porter par son corps (rationalisation, dérision, rites).
La projection agressive où il n'y a plus aucune communication entre
le soignant/soigné.
La sublimation : la personne lutte contre sa pathologie et fait
preuve d'un esprit de combativité.
La régression : le patient abandonne, refuse la lutte contre la
maladie.
Le refus de soin peut également être considéré comme une provocation
face aux soignants ou comme une réponse aux mécanismes de défense38 du
professionnel de santé qui sont le mensonge, la banalisation, l'esquive, la
dérision, la rationalisation et l'intellectualisation. Mais également, la
fausse réassurance où le soignant est dans l'impossibilité de contrôler sa
propre angoisse (faux espoir) ainsi que l'évitement où le patient devient un
objet de soins.
37 Fonteneau, Les mécanismes de défenses des patients, 3ème année 38 Fonteneau, Les mécanismes de défenses des soignants, 3ème année
On peut attribuer de nombreuses raisons et sens au refus de soin. Mais
rappelons que l'opposition au soin peut être transitoire et non rédhibitoire.
Même si celui-ci est respecté, l'acceptation ne met pas fin à une réflexion et à
des démarches d'accompagnement de la part de l'équipe soignante.
B. Les enjeux du refus de soin : vers une remise en question
des pratiques professionnelles
Face au refus de soin, les professionnels de santé peuvent être
déconcertés mais se doivent de mener à bien leur mission, c'est-à-dire,
d'accompagner et de guider le patient afin d'améliorer ou de conserver sa santé.
On dit souvent de l'infirmière qu'elle a toujours la possibilité de faire
quelque chose pour quelqu'un, de lui venir en aide, de contribuer à son bien-être...
Mais qu’en est-il lorsque le patient s'oppose aux soins ? C'est ici que nous
retrouvons ma question de départ : Le refus de soin remet-il en cause la pratique
professionnelle infirmière ?
Pour analyser et tenter de répondre à cette interrogation, j'ai choisi de
réaliser des entretiens avec des professionnels de santé et plus particulièrement
des infirmières (Cf. Annexe VI) qui sont pour la plupart des connaissances. Ces
soignants sont différents : âge, sexe, expériences et parcours professionnels,
permettant ainsi un large éventail de professionnels et une analyse plus complète
de ma question de recherche.
Ces entretiens ont plusieurs buts. Tout d'abord, de définir ce qu'est la pratique
soignante d'un point de vue professionnel. Puis, de définir les impacts du refus
de soin sur la pratique soignante ainsi que les remises en question qui s’en
suivent. Ils permettent également d'analyser les comportements des soignants
face à un refus pour vérifier l’hypothèse de la remise en question de la pratique
professionnelle.
Pour permettre une étude approfondie, j'ai choisi de scinder en quatre
points l'analyse : le soin, l'autonomie, la perception et les raisons du refus de
soin ainsi que les ressentis et les moyens des soignants face à une situation de
refus de soin.
Qu'est-ce que soigner ?
Dans ce mémoire de fin d'études, nous avons pu constater que soigner
était un acte ayant pour but de promouvoir, améliorer la santé et la qualité de vie
mais également de prévenir des maladies et de soulager la douleur. Soigner c'est
être bienveillant !
Nous avons pu voir que pour soigner, il fallait prendre en charge le patient dans
sa globalité, c'est-à-dire, son histoire de vie, son entourage, son environnement.
Cela nécessite donc une bonne connaissance de la personne mais aussi
l'installation d'un lien entre le soignant et le soigné communément appelé la
confiance.
Cette relation de confiance devient alors fondamentale pour pouvoir rassurer,
expliquer et réaliser les soins quels qu'ils soient à l'individu.
Dans les entretiens, on retrouve des idées similaires. Par exemple, dans
l'entretien N°1, l'infirmière explique que soigner c'est à la fois un geste
technique qui s'apprend et également une relation. Pour elle, « Soigner, c'est
soigner une globalité ». On retrouve ce principe dans les entretiens N°3 et N°4,
c'est apporter en globalité du soin par la relation et par des actes médicaux pour
pallier aux besoins de l'individu.
Dans l'entretien N°2, il s'agit de s'occuper de personnes malades, de prévenir et
de soulager par l'intermédiaire d'actes médicaux et de surveillance.
En ce qui concerne l'entretien N°5, soigner comprend différentes dimensions
mais c'est avant tout, répondre à la demande du patient car « il est en attente
de quelque chose ».
Dans l'entretien N°6, il existe différents niveaux de soin comme le médical et le
paramédical. Soigner regroupe aussi bien la technique (pose de cathéter,
traitement) que la relation qui semble, selon cet infirmier, essentielle dans le
travail.
Dans l'ensemble des discussions réalisées, les professionnels de santé ont
tous la même idée du terme « soigner ». Il s'agit d'un terme complexe qui
regroupe à la fois une action et une relation. Les entretiens confirment ce que
nous avons découvert tout au long de ce travail d'étude mais permettent
également de le compléter. En effet, pour la réalisation du soin, la relation que le
soignant instaure avec le patient, qu'il appelle « son » patient, est nécessaire.
Autonomie d'action et autonomie de décision
J'ai ensuite interrogé les professionnels sur le concept d'autonomie. En
effet, nous avons pu voir qu'il existait différent types d'autonomie dont les
deux principales sont l'autonomie d'action et l'autonomie de décision.
L'autonomie représente un droit pour l'individu mais également un principe
fondamental en soins infirmiers. Le soignant doit préserver et solliciter au
maximum l'autonomie de son patient afin que celui-ci soit acteur du soin et
également pour mettre en place des actions adaptées à celui-ci.
Dans la plupart des entretiens, les infirmiers et infirmières s'accordent à
dire qu'ils essayent au maximum de solliciter et de stimuler les patients. En ce
qui concerne les entretiens N°2, N°3, N°4 et N°5, on nous explique que
l'autonomie est préservée au maximum. Par exemple, certains stimulent les
résidents des longs séjours au maximum lors des soins quotidiens (entretien
N°4). D'autres prennent le temps de les accompagner aux WC ou à des examens
le plus souvent possible (entretien N°5) : « Tu vois, je vais pas les mettre sur un
fauteuil pour aller plus vite pour les amener à la radio ».
Toutefois, malgré une recherche de stimulation, les professionnels
reconnaissent que dans certains cas, l'autonomie est restreinte. Par exemple en
situation d'urgence, si le patient est perfusé et doit rester allongé (entretien
N°2).
Dans l'entretien N°3, l'infirmière reconnaît que l'hôpital peut être assimilé à un
lieu d'assistanat avec l'exemple de la sonnette : « Il a une sonnette donc c'est
vrai que la personne est facilement amenée à appuyer pour mille et une raisons ».
Elle ajoute, tout comme l'infirmier de l'entretien N°6, que la stimulation de
l'individu varie également en fonction de la charge de travail. Dans la plupart des
cas, comme par exemple le long séjour, les aides-soignantes font la toilette à la
place des patients : « On ne les sollicitait pas parce qu'on avait tellement de
toilette à faire les matins que tu leur laisses faire un tout petit peu de truc »
(entretien N°6).
L'ensemble des professionnels de santé s'accordent à dire qu'ils
cherchent à favoriser l'autonomie des patients au maximum et que la stimulation
est en effet bénéfique à la personne « même si tu perds du temps, on va dire,
dans ton organisation à toi, dans ton travail à toi, pour eux, c'est un super gain
de temps » (entretien N°6). Toutefois ils reconnaissent que dans certaines
situations l'autonomie reste difficile à préserver.
Au niveau de l'autonomie de décision, le choix que fait le patient peut
engendrer une remise en cause du soignant d'où la nécessité du consentement.
En effet, le consentement représente un droit pour le patient qui lui permet
d'exprimer, de façon libre, sa volonté. C'est une obligation dans le domaine
médical sauf en cas d'urgence.
Beaucoup de professionnels, comme dans l'entretien N°1, ont avoué ne pas
forcément demander le consentement de la personne pour certains soins. Par
exemple dans l'entretien N°2, l'infirmier indique que dans « 90% des cas on ne
demande pas ». L'infirmière de l'entretien N°5 rajoute que l'« on informe
simplement les patients que l'on fait les soins ».
Certains professionnels expliquent que la recherche du consentement dépend de
la situation. En effet dans une situation d'urgence, « non, on ne demande pas le
consentement » (entretien N°2) car « si elle veut être soignée, la personne est
obligée » (entretien N°3).
L'infirmière de l'entretien N°3 souligne qu'il existe deux types de
consentement. Le consentement pour une chirurgie qui est obligatoire et le
consentement pour les soins techniques comme les soins d'hygiène, les injections
intramusculaires ou encore les perfusions. Elle avoue qu'« on ne va pas lui laisser
le choix » comme dans l'entretien N°4 où la soignante affirme que parfois en
long séjour, on donne des ordres : « Mangez votre yaourt ! ».
L'infirmier de l'entretien N°6, quant à lui, emploie les termes « imposer » ou
«forcer la main ». Pour lui, il existe une puissance de la blouse blanche.
Les personnes interrogées ont clairement expliqué qu'il ne demandait pas
systématiquement le consentement de la personne pour les actes de soins.
Toutefois, les questions ont suscité des interrogations chez certains.
Notamment dans l'entretien N°1 où l'infirmière dit qu'il faut être vigilant ainsi
que dans l'entretien N°6 où le soignant s'interroge sur le statut de puissance du
soignant : « Parce que c'est vrai que je m'aperçois que... Non, ouais t'imposes
plus que tu demandes la permission aux gens ».
Le refus de soin : les définitions et les raisons perçues
Comme nous l'avons vu, le refus de soin correspond au fait de s'opposer à
une proposition de soin et il constitue un droit.
Il en existe différents types (refus de traitement, de soins de confort, de soins
techniques...) pouvant s'expliquer par de nombreuses raisons dont les principales
sont liées à un facteur psychologique, à l'entourage, à une situation économique
difficile, à des convictions ou religions, à un manque d'information, à une
angoisse, à une provocation ou encore à des attentes spécifiques des patients.
Par l'intermédiaire des entretiens, j'ai voulu savoir comment était
représenté le refus de soin pour un professionnel de santé et comment il pouvait
l'expliquer.
Dans les entretiens N°1 et N°6, les professionnels définissent le refus de
soin comme une opposition à la réalisation d'actes. Ils parlent tout les deux de
différents types de refus de soin.
Ils énoncent le refus de prise de traitement : « Celui qui rentre à l'hôpital qui
est complètement délirant, qui est persécuté, quand vous lui tendez un verre de
Tercian bien jaune et qui est imbuvable parce que c'est pas bon... euh...et qui est
en train de vous dire qu'on a voulu l'empoisonner...euh...Ben oui, on peut
comprendre que le verre, il évite de le prendre quoi ! » (entretien N°1).
L'infirmière de l'entretien N°1 insiste sur le refus d'hospitalisation notamment
dans les services de psychiatrie dans lesquels elle a travaillé de nombreuses
années. Elle donne aussi l'exemple des refus de soins d'hygiène. La soignante
explique qu'elle ne conçoit pas le fait d'obliger une personne à faire sa toilette
surtout pour des personnes qui ont l'habitude de se laver très peu ou qui sont en
fin de vie. Elle assimile ces situations à un acte de maltraitance.
Pour elle, le refus peut s'expliquer par le manque d'informations,
l'incompréhension entre le soignant et le soigné ou encore la pudeur. Elle
explique que prendre le temps d'expliquer, de rassurer et surtout d'écouter est
important dans le soin. Toutefois, elle semble dire qu'il y a de moins en moins de
refus de soin.
Pour les soignants des entretiens N°2 et N°4, le refus de soin, c'est
quand une personne ne souhaite pas qu'on réalise les soins qu'on souhaite lui
apporter. Là aussi, les professionnels nous rappellent qu'il existe différents
refus dont ceux liés à des soins spécifiques : pose de cathéter, mise en place de
plâtre.
Pour l'infirmier de l'entretien N°2, il y a des refus d'hospitalisation liés à des
raisons économiques, professionnels ou encore familiales : « J'ai une patiente qui
ne voulait pas se faire hospitaliser pour être opérée parce qu'elle avait un enfant
handicapé et qu'il fallait absolument qu'elle soit à la maison pour s'en occuper »
(entretien N°2).
Il parle également des refus de prise de traitement (collyres, aérosols,
médicaments) et également des soins appartenant au rôle propre infirmier
comme la toilette. Il invoque des raisons liées à la religion, à la peur et à
l'angoisse.
Pour la personne de l'entretien N°4, cela peut s'expliquer également par un
facteur psychologique (démence en long séjour) ou encore l'impression que le
traitement est inefficace.
L'infirmière de l'entretien N°3 définit le refus de soin comme l'opposition
à la réalisation d'un ou plusieurs soins mais plus spécifiquement au moment où
toutes les manières d'amener au soin ou de convaincre la personne ont échoué.
Une idée que le professionnel de l'entretien N°5 va rejoindre. Le refus de soin
c'est « quelqu'un qui va dire non à tout quoi, qui va dire non, qui ne veut pas être
hospitalisé même s'il en a besoin ».
On nous donne un exemple vécu en service de cardiologie, dans l'entretien N°3,
pour expliquer que les raisons d'un refus sont propres à chaque individu et que
dans certains cas, le soignant ne les connaît pas forcément : « Après je ne peux
pas dire pour lui » (entretien N°3). L'infirmière parle de peur de la pathologie,
de peur de privation de la liberté, c'est-à-dire de la présence de contraintes
(restriction du tabac, de sport), ou tout simplement le fait de ne pas avoir envie
d'entendre qu'on est malade. On peut aussi parler de mauvaises expériences du
patient comme le souvenir douloureux d'une hospitalisation ou encore le manque
d'envie de se soigner.
L'infirmière de l'entretien N°5, quant à elle, pense que les refus de soin sont
spécifiques au service. Pour elle, quand les patients viennent aux urgences ils
attendent que l'on réponde à leur besoin. Il semble alors non concevable que
ceux-ci refusent les soins qu'on leur propose. Toutefois, elle insiste sur le fait
que dans les services de médecine ou de chirurgie, les patients sont sous
contraintes (prises de sang tous les matins) favorisant ainsi l'opposition aux
soins.
Les professionnels de santé définissent tous le refus de soin de la même
façon, ils énoncent tous différents types de refus. En ce qui concerne les raisons
qui peuvent expliquer l'opposition aux soins, les soignants évoquent tous des
exemples différents. Les raisons sont multiples et propres à chaque patient.
Dans certains cas, il est même difficile de les définir avec certitude.
Ressentis des professionnels et les moyens utilisés face à
l'opposition
Nous retrouvons dans cette partie la question de départ de ce travail de fin
d’étude : Le refus de soin remet-il en cause la pratique professionnelle
infirmière ?
Nous avons pu voir que le soignant est un être qui se soucie de l’autre comme il se
soucie de lui-même, il est sollicitude. Cependant, il occupe aussi un statut de
puissance créant ainsi une relation asymétrique avec le patient. En effet, par le
soin il comble son propre manque et ses propres frustrations. La dépendance et
le soin représentent pour lui une forme de jouissance. Il pense être ce qu’il
manque au patient, il le complète.
Dans le cas du refus de soin, j’ai demandé aux professionnels de santé leurs
ressentis et leurs réactions devant de telles situations.
Dans les entretiens N°1 et N°4, les infirmières nous expliquent que quand
un patient s’oppose au soin, on ne peut pas l’y contraindre sauf si c’est une
urgence vitale. Il convient alors d’essayer de parlementer, de négocier,
d’expliquer et de rassurer. Il est également essentiel de revoir ses priorités. En
effet, si un patient ne veut pas se laver parce qu’il ne se sent pas bien
psychologiquement, « est-ce vraiment la priorité aujourd’hui ? » (entretien N°1).
Elles vont chercher à mettre des moyens en place pour arriver à faire accepter
le soin : « Et si ça marche, ça marche et si ça marche pas, ça marche pas ! »
(entretien N°4).
Le professionnel du premier entretien aborde également le concept de la toute-
puissance du soignant. Le soignant est chez lui à l’hôpital et peut faire ce qu’il
veut. Elle pense que c’est pour cette raison que le refus de soin est mal vécu par
les soignants. Elle explique qu’elle fait le maximum mais que face au refus de
soin, elle se remet en question : « Je m’en veux à moi ! ».
Tandis que le soignant de l'entretien N°4 développe la nécessité du travail en
équipe. En effet, elle donne l'exemple de résidents de long séjour qui refusent
de manger ou de faire la toilette. Dans certains cas, le fait qu'un autre soignant
intervienne peut inverser la tendance. Elle nous explique que « des fois c'est
juste la personne donc tu passes le relais ! ».
En ce qui concerne l’entretien N°2, le soignant s’adapte autant que possible
au patient. Il cherche également à expliquer, à rassurer dans l’optique de créer
une relation de confiance. L’infirmier nous explique qu’il peut essayer de trouver
des alternatives en fonction du problème. Il prend l’exemple d’un patient qui
refuserait un plâtre et nous dit qu’il est possible de trouver une autre solution :
« C’est vrai que les patients refusent, donc dans ce cas-là, si c’est possible, si
vraiment la fracture ou l’entorse ou quoi que ce soit est pas trop grave, on va
réussir à trouver un autre moyen. Donc une attelle, par exemple, sur une
fracture du scaphoïde… ».
Pour ce soignant travaillant aux urgences, il y a peu de refus de soin. Toutefois,
lorsqu’il est confronté à une situation comme celle-ci il se dit : « mal à l’aise,
gêné ». Mais pour lui, il n’y a pas de réelle remise en question de sa pratique. En
effet, il considère que le soin qu’il réalise dans le cadre de l’urgence est
bénéfique au patient et répond à une urgence vitale, différemment d’une
toilette : « C’est pas nécessaire d’être lavé tous les jours ! ».
Pour cette personne, la remise en question est liée à la situation et à l’enjeu pour
le patient : « Voilà, parce que je sais que ça… c’est vraiment nécessaire. Si c’était
pas nécessaire, effectivement… Effectivement je me remettrais en question ! ».
Ce point de vue est également partagé par l'infirmière de l'entretien N°5.
Comme ses collègues, elle recherche des alternatives ( autres moyens, dialogue
ou explication) en cas de refus. Travaillant aux urgences, pour elle, il n'y a pas de
réelle remise en question : « Tu vois, moi j'ai fait mon boulot c'est aussi de
l'informer, d'essayer de lui faire comprendre. Je vais te dire au bout d'une
heure si y ne comprend pas ben tant pis pour lui. En même temps, les gens tu
peux pas les retenir de force [...] Moi je ne trouve pas que ça remette en
question mes capacités ! ».
Dans l'entretien N°3, le professionnel de santé exploite également de
nombreux moyens pour amener le patient à contribuer au soin : explications,
détourner par l'intermédiaire d'un autre soin. L'important est que cette
personne puisse obtenir le minimum même si elle doit insister plusieurs fois.
Pour elle, le refus de soin conduit à une position d'échec, d'incompréhension et
de frustration. En effet, sa volonté de soignant étant de mettre en place un
maximum de moyens pour rétablir la santé du patient, l'opposition la rend
impuissante et engendre une remise en question. Cette infirmière le dit elle
même : « C'est vraiment une situation où moi ça m'a remis en question. Je me
suis dit : " Mais finalement qu'est-ce qu'on peut faire ? " ».
Pour l'infirmier de l'entretien N°6, les soignants cherchent souvent à
contraindre le patient. Ils reviennent à la charge plusieurs fois, tentent de
négocier un minimum, d'expliquer ou encore de passer le relais. Il nous donne
l'exemple d'un patient qui refuse de prendre un traitement et où le soignant
écraserait les comprimés et les mettrait dans une compote à leur insu.
Toutefois, il explique qu'on ne peut pas toujours insister et que dans ces cas-là il
accepte la volonté de la personne soignée.
Le refus de soin conduit ce professionnel à un questionnement de sa pratique : :
« Pourquoi elle me dit non ?! Qu'est-ce qui se passe ? C'est limite une remise en
question. Pourquoi ? C'est parce que j'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas ?
». Il nous parle d'une atteinte de la toute-puissance soignante qu'il qualifie de
façon très crue dénotant une figure patriarcale : « Fin je sais pas comment te
dire, ça va être un peu fort mais bon tu, je sais pas si je peux le dire mais, tu te
sens castré quoi. On t'enlève ton truc quoi ».
Les entretiens ont révélé que malgré des expériences professionnelles
différentes, les soignants prennent tous en considération la personne et
cherchent à respecter la dignité de celle-ci.
En tant que soignant, nous pensons pouvoir guérir les patients toutefois, ce n'est
pas la réalité. Comme l'on fait remarquer certains professionnels, le soignant se
sent puissant et sollicitude. Alors face à un refus de soin, il est compréhensible
que celui-ci cherche à convaincre la personne qui se trouve face à lui.
Nous pouvons constater que le refus de soin interpelle les professionnels et les
amène à réfléchir sur leur pratique et à la modifier en fonction du patient.
Toutefois dans les situations d'urgence, ces mêmes professionnels ne cherchent
pas à se poser des questions où à trouver d'autres alternatives car ils se doivent
de maintenir la santé et la vie de leur patient.
Il existe donc une remise en question de la pratique professionnelle infirmière
mais elle reste individuelle. En effet, tous les soignants sont différents au même
titre que les patients et les situations de soin vécues.
Conclusion
Ce travail de fin d'étude nous a permis de voir que le patient pouvait être
considéré comme un objet de soin ou, a contrario, comme un acteur de part son
autonomie de décision.
Nous avons, également, pu constater que le professionnel de santé était soucieux
de l'autre, de son bien-être. Pour lui, être soignant c'est avant tout penser que
l'on peut « guérir » son prochain. Et pour arriver à ce but, beaucoup d'entre eux
imposent le soin, on parle d'une forme de toute-puissance soignante.
En effet, ce désir irrépressible de vouloir soigner peut être considéré comme
une maladie...professionnelle.
Toutefois quand le patient refuse un soin cela engendre chez le
professionnel de santé un malaise, une gêne voire une frustration.
Cette opposition que nous pourrions définir comme une forme de résistance, peut
s'expliquer par de nombreuses raisons qui resteront individuelles et propres à
chacun.
Ces situations de refus de soin suscitent chez le soignant des
interrogations permettant ainsi de remettre en question sa pratique
professionnelle. Bien entendu, cette remise en question est propre à chaque
professionnel et dépend de sa personnalité ainsi que du degré d'urgence de la
situation.
Il est alors important de comprendre que chaque soignant est libre de décider si
cette remise en question sera bénéfique dans sa pratique quotidienne ou si elle
ne durera qu'un temps.
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Illustration
http://www.google.fr/imgres?q=homme+blanc+avec+seringue&hl=fr&sa=X&biw=16
00&bih=754&tbm=isch&prmd=imvns&tbnid=cL-
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