item n° 117 : lupus érythémateux disséminé. syndrome des antiphospholipides

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7S98 Ann Dermatol Venereol 2005;132:7S98-7S107 I. Modules transdisciplinaires Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire P Item n o 117 : Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides rototype des maladies auto-immunes non spécifi- ques d’organe, le lupus érythémateux disséminé ou lupus érythémateux systémique (LES) est une con- nectivite fréquente et d’expression clinique très variable, ca- ractérisée par la production d’anticorps antinucléaires et particulièrement d’anticorps anti-ADN natif. Il peut être as- socié à la présence d’un anticorps antiphospholipides (APL) et à son corollaire clinique, le syndrome des anticorps anti- phospholipides (SAPL) caractérisé par des thromboses réci- divantes. ÉPIDÉMIOLOGIE Le LES survient dans 85 p. 100 des cas chez la femme, géné- ralement en période d’activité génitale. La prévalence (15 à 50 cas pour 100 000) est plus élevée chez les sujets noirs. PATHOGÉNIE Le lupus résulte vraisemblablement d’interactions entre des gènes de susceptibilité et des facteurs d’environnement. Cette interaction a pour conséquence une réponse immune anor- male comportant une hyperréactivité lymphocytaire T et B, qui n’est pas réprimée par les circuits habituels d’immunoré- gulation, et la production d’anticorps en particulier d’anti- corps antinucléaires et d’anticorps anti-ADN. Les arguments en faveur d’une prédisposition génétique de la maladie sont : la fréquence accrue de la maladie chez les jumeaux monozygotes et l’atteinte d’un membre de la fa- mille dans 10 p. 100 des cas. Plusieurs gènes sont probable- ment impliqués. Les quelques marqueurs mis en évidence ont peu d’intérêt pratique à l’exception de déficits en fraction du complément (C 4 essentiellement). Les facteurs d’environnement qui déclenchent une poussée de la maladie sont, pour la plupart, inconnus à l’exception des rayons ultraviolets B (280-320 nm). Bien que de nombreux médicaments puissent induire une ma- ladie apparentée au lupus, des différences cliniques et im- munologiques existent entre le lupus induit et le lupus spontané. L’appartenance au sexe féminin est un facteur de susceptibilité évident puisque la prévalence chez les femmes en âge de procréer est 7 à 9 fois supérieure à la prévalence chez les hommes, tandis que le sex-ratio est de 3 femmes pour 1 homme au cours des périodes pré- et postménopausiques. DIAGNOSTIC Symptomatologie clinique En raison du polymorphisme de l’affection, la description d’une forme typique est impossible. Les principales manifes- tations seront décrites en indiquant leur fréquence. Les at- teintes viscérales, qui peuvent toutes révéler la maladie, s’associent lors des poussées à des signes généraux : fièvre, asthénie, amaigrissement. MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES De nombreuses manifestations dermatologiques sont obser- vées au cours du lupus érythémateux systémique (LES). Elles peuvent être schématiquement classées en trois groupes : les lésions lupiques (histologie évocatrice de lupus), les lésions vasculaires et les autres manifestations. Lésions cutanées spécifiques du lupus Les lésions lupiques principalement observées au cours du LES sont des lésions de lupus érythémateux aigu. Les lésions de lupus subaigu ou chronique sont plus rares. Ces différents Objectif pédagogique – Diagnostiquer un lupus érythémateux disséminé et un syndrome des antiphospholipides.

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Page 1: Item n° 117 : Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

7S98

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

P

Item no 117 : Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

rototype des maladies auto-immunes non spécifi-ques d’organe, le lupus érythémateux disséminé oulupus érythémateux systémique (LES) est une con-

nectivite fréquente et d’expression clinique très variable, ca-ractérisée par la production d’anticorps antinucléaires etparticulièrement d’anticorps anti-ADN natif. Il peut être as-socié à la présence d’un anticorps antiphospholipides (APL)et à son corollaire clinique, le syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) caractérisé par des thromboses réci-divantes.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le LES survient dans 85 p. 100 des cas chez la femme, géné-ralement en période d’activité génitale. La prévalence (15 à50 cas pour 100 000) est plus élevée chez les sujets noirs.

PATHOGÉNIE

Le lupus résulte vraisemblablement d’interactions entre desgènes de susceptibilité et des facteurs d’environnement. Cetteinteraction a pour conséquence une réponse immune anor-male comportant une hyperréactivité lymphocytaire T et B,qui n’est pas réprimée par les circuits habituels d’immunoré-gulation, et la production d’anticorps en particulier d’anti-corps antinucléaires et d’anticorps anti-ADN.

Les arguments en faveur d’une prédisposition génétiquede la maladie sont : la fréquence accrue de la maladie chez lesjumeaux monozygotes et l’atteinte d’un membre de la fa-mille dans 10 p. 100 des cas. Plusieurs gènes sont probable-ment impliqués. Les quelques marqueurs mis en évidenceont peu d’intérêt pratique à l’exception de déficits en fractiondu complément (C4 essentiellement).

Les facteurs d’environnement qui déclenchent unepoussée de la maladie sont, pour la plupart, inconnus àl’exception des rayons ultraviolets B (280-320 nm). Bienque de nombreux médicaments puissent induire une ma-ladie apparentée au lupus, des différences cliniques et im-munologiques existent entre le lupus induit et le lupusspontané. L’appartenance au sexe féminin est un facteurde susceptibilité évident puisque la prévalence chez lesfemmes en âge de procréer est 7 à 9 fois supérieure à laprévalence chez les hommes, tandis que le sex-ratio est de3 femmes pour 1 homme au cours des périodes pré- etpostménopausiques.

DIAGNOSTIC

Symptomatologie clinique

En raison du polymorphisme de l’affection, la descriptiond’une forme typique est impossible. Les principales manifes-tations seront décrites en indiquant leur fréquence. Les at-teintes viscérales, qui peuvent toutes révéler la maladie,s’associent lors des poussées à des signes généraux : fièvre,asthénie, amaigrissement.

MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES

De nombreuses manifestations dermatologiques sont obser-vées au cours du lupus érythémateux systémique (LES). Ellespeuvent être schématiquement classées en trois groupes : leslésions lupiques (histologie évocatrice de lupus), les lésionsvasculaires et les autres manifestations.

Lésions cutanées spécifiques du lupus

Les lésions lupiques principalement observées au cours duLES sont des lésions de lupus érythémateux aigu. Les lésionsde lupus subaigu ou chronique sont plus rares. Ces différents

Objectif pédagogique

– Diagnostiquer un lupus érythémateux disséminé et un syndrome des antiphospholipides.

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Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

types de lupus cutané peuvent être associés chez un mêmemalade. Ils diffèrent par leur aspect clinique, histologique etleur évolution.

• Aspects cliniques

Les aspects cliniques sont présentés dans le tableau I.Lupus érythémateux aigu. Les lésions de lupus érythéma-

teux aigu sont caractérisées cliniquement par un aspectérythémateux, plus ou moins œdémateux ou squameux, plusrarement papuleux (fig. 1, 2).

Dans la forme localisée, les lésions sont situées principale-ment sur les joues et le nez en vespertilio ou en loup, respec-tant relativement les sillons nasogéniens et les paupières,s’étendant souvent sur le front, le cou, dans la zone du décol-leté avec une bordure émiettée.

Dans la forme diffuse, les lésions prédominent générale-ment sur les zones photoexposées réalisant une éruptionmorbilliforme, papuleuse, eczématiforme ou bulleuse. Surle dos des mains, les lésions lupiques atteignent surtout leszones interarticulaires.

Les lésions muqueuses du lupus aigu sont érosives, prin-cipalement buccales (fig. 3).

Le diagnostic différentiel se pose avec la rosacée qui com-porte des télangiectasies et des pustules, avec une dermatiteséborrhéïque, localisée principalement dans les plis nasogé-niens, avec une dermatomyosite prédominant au visage, surles paupières supérieures, de couleur lilacée avec un œdèmegénéralement plus important et aux mains, sur les zones ar-ticulaires. Les formes disséminées peuvent parfois faire évo-quer un eczéma ou une éruption virale.

Lupus cutané subaigu. Des lésions de lupus cutané su-baigu sont observées dans 7 à 21 p. 100 des LES, notammenten présence d’anticorps anti-Ro/SSA. Cliniquement, le lu-pus cutané subaigu se manifeste initialement par des lésionsmaculeuses érythémateuses ou papuleuses évoluant soit versdes lésions annulaires, soit vers un aspect psoriasiforme(fig. 4). Les lésions annulaires ont des contours polycycliquesà bordure érythémato-squameuse. Les lésions psoriasifor-mes sont papulo-squameuses. Quel que soit leur aspect, leslésions prédominent sur les zones photoexposées de la moi-tié supérieure du corps. Ils peuvent être induits par certainsmédicaments (thiazidiques, inhibiteurs calciques).

Le diagnostic peut hésiter avec une dermatophytie, unérythème polymorphe, un psoriasis, un pityriasis rosé deGibert ou un vitiligo dans les formes dépigmentées.

Lupus érythémateux discoïde. Les lésions cutanées de typelupus érythémateux discoïde sont observées dans 15 à25 p. 100 des LES. Beaucoup plus fréquemment, elles sontisolées, sans aucune manifestation viscérale. En l’absenced’anomalies biologiques franches, la probabilité que des lé-sions de lupus érythémateux discoïde annoncent la survenued’un LES est très faible. Il s’agit de plaques bien limitées as-sociant trois lésions élémentaires : érythème, surtout net enbordure, parcouru de fines télangiectasies, squames épaissess’enfonçant en clou dans les orifices folliculaires et atrophiecicatricielle (fig. 5). Les lésions souvent multiples et symétri-ques prédominent au visage prenant parfois une dispositionen aile de papillon. L’atteinte des oreilles est classique demême que celle du cuir chevelu (fig. 6).

Autres aspects. D’autres aspects sont plus rarement obser-vés au cours du LES :

– le lupus tumidus se manifestant par un placard infiltrénon squameux ;

– le lupus à type d’engelures des extrémités ;– la panniculite lupique débutant par des nodules et lais-

sant une atrophie cicatricielle sur les bras et les cuisses.

• Aspects histopathologiques

L’examen anatomopatholoqique d’une lésion cutanée lupiquerévèle des lésions épidermiques et dermiques : hyperkérato-se, atrophie épidermique, dégénérescence des kératinocytesbasaux, épaississement de la membrane basale, œdème et in-filtrat lymphocytaire dermique. Les lésions sont plus mar-quées dans les formes discoïdes, parfois minimes dans lesautres variantes.

L’étude en immunofluorescence directe d’une lésion lu-pique met en évidence des dépôts granuleux (par opposi-tion aux dépôts linéaires des dermatoses bulleuses auto-immunes) d’immunoglobulines (lgG, A ou M) et/ou decomplément (C1q, C3) à la jonction dermo-épidermiquedans 90 p. 100 des cas de lupus aigu et chronique et dans60 p. 100 des cas de lupus subaigu. Cette bande lupique estprésente en peau saine dans 30 p. 100 des cas de LES.

• Aspects évolutifs

Les lésions de lupus érythémateux aigu ont une évolution pa-rallèle à celle des poussées systémiques, disparaissant avec el-les sans cicatrice. Les lésions de lupus subaigu ont uneévolution souvent dissociée des autres manifestations systé-miques, disparaissant le plus souvent sans cicatrice avec par-fois une hypochromie séquellaire. Les lésions de lupusdiscoïde ont une évolution chronique et cicatricielle sans pa-rallélisme avec les poussées viscérales.

Lésions cutanées vasculaires

• Phénomène de Raynaud

Un phénomène de Raynaud est présent chez 15 à 45 p. 100des malades et peut précéder de longue date l’apparition du

Tableau I. – Signes principaux des lésions cutanées lupiques du lupus systémique.

Lupus érythémateux aigu Érythème en vespertilio, en « loup »Lésions érosives muqueuses

Lupus érythémateux subaigu Lésions annulaires disséminéesLésions psoriasiformes disséminéesPhotosensibilité

Lupus érythémateux discoïde Lésion érythémato-squameusesÉvolution atrophiante, dyschromique, cicatricielle

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LES. Il ne justifie que rarement un traitement spécifique.L’apparition d’une nécrose digitale doit faire suspecter unethrombose ou une vasculite associée.

• Érythème palmaire et télangiectasies périunguéales

Livédo. Le livédo est significativement associé au cours du lu-pus à la présence d’anticorps antiphospholipides, à l’atteintecardiaque et aux manifestations vasculaires ischémiques cé-rébrales. Ce livédo est habituellement diffus, à mailles finesnon fermées, formant des cercles incomplets (livédo racemo-sa ou ramifié), localisé sur les membres et le tronc. Les biop-sies cutanées ont un intérêt limité.

Purpura. Les lésions de purpura peuvent témoigner d’unevasculite ou de lésions thrombotiques. Plus les lésions sontnécrotiques, plus le risque qu’il s’agisse de phénomène ou dethrombose est important (justifiant la recherche d’anticorpsantiphospholipides).

Ulcère de jambe. Des ulcères de jambes sont observés chez3 p. 100 environ des malades ayant un LES. Ils sont rarementsecondaires à une atteinte des troncs profonds mise en évi-dence par les examens doppler artériel et veineux. Habituelle-ment, il s’agit d’ulcères superficiels en rapport avec unevasculite ou plus souvent une thrombose cutanée (anticorpsantiphospholipides).

Vasculite urticarienne. Les lésions d’urticaire, notées dans4 à 13 p. 100 des cas des grandes séries de LES, correspondenthistologiquement à une vasculite leucocytoclasique des vais-seaux superficiels dermiques et sont généralement associéesà une baisse du complément.

Autres lésions vasculaires. On peut aussi observer un érythè-me palmaire, des télangiectasies periunguéales et des hémor-ragies en flammèches sous-unguéales.

Autres manifestations

• Alopécie diffuse

Une chute diffuse des cheveux, inconstante, est contemporai-ne des poussées de LES.

• Lésions bulleuses

Elles sont exceptionnelles toujours associées à un lupus sys-témique et caractérisées par des dépôts linéaires immuns lo-calisés sur la jonction dermo-épidermique.

MANIFESTATIONS RHUMATOLOGIQUES

Souvent inaugurales, elles sont presque constantes et figu-rent volontiers au premier plan du tableau clinique qu’ils’agisse d’arthromyalgies ou plus souvent d’arthrites vraies(75 p. 100). Ces arthrites peuvent évoluer sur un modevariable :

– oligo- ou polyarthrite aiguë fébrile, bilatérale et symé-trique ;

– arthrite subaiguë ;– plus rarement arthrite chronique.Les articulations les plus fréquemment atteintes sont les

métacarpo-phalangiennes, les interphalangiennes proxima-les, le carpe, les genoux et les chevilles. Les déformations desmains sont rares et alors réductibles (rhumatisme de Jac-coud). Les radios ne montrent pas de destruction ostéocar-tilagineuse, à la différence de la polyarthrite rhumatoïde.

Plus rarement, on peut observer des ténosynovites ou desarthrites septiques. Les ruptures tendineuses et les ostéoné-croses aseptiques sont favorisées par la corticothérapie.

MANIFESTATIONS RÉNALES

Elles ont une importance pronostique majeure. Leur fréquen-ce est comprise entre 35 et 55 p. 100 (plus élevée si l’on se fon-de sur les données de biopsies rénales systématiques).L’atteinte rénale survient en règle dans les premières annéesd’évolution. Une surveillance régulière s’impose cependant.La ponction-biopsie rénale (PBR) est indiquée en cas de pro-téinurie supérieure à 0,5 g/24 h.

L’étude histologique montre des lésions principalementglomérulaires, mais aussi tubulo-interstitielles et parfois vas-culaires qui coexistent fréquemment sur une même biopsie.On distingue les lésions actives susceptibles de régressersous traitement, et les lésions inactives irréversibles, faisantchacune l’objet d’un indice quantitatif. L’Organisation mon-diale de la santé (OMS) reconnaît six classes :

– glomérule normal en microscopie optique et immuno-fluorescence (classe I) ; cet aspect est rare ;

– glomérulonéphrite mésangiale pure (classe II) de pro-nostic favorable ;

– glomérolunéphrite segmentaire et focale (classe III) avecdes lésions nécrotiques et prolifératives d’une partie des capil-laires de moins de 50 p. 100 des glomérules. Les dépôts im-muns sont présents en quantité modérée, dans les capillairesde nombreux glomérules. La traduction biologique se limitesouvent à une protéinurie modérée. L’évolution ultérieurevers une forme diffuse n’est pas exceptionnelle ;

– gllomérulonéphrite proliférative diffuse (classe IV) ;c’est la forme la plus fréquente et la plus grave. La majoritédes glomérules sont touchés à des degrés divers : nécrose,proli-fération des cellules mésangiales et endothéliales, dé-pôts endomembraneux responsables du classique aspect en« boucle de fil de fer » des capillaires. La prolifération épithé-liale, donnant naissance à des croissants extracapillaires, estun signe de gravité. L’immunofluorescence révèle des dé-pôts granuleux d’IgG, IgM, IgA, ou de complément. Cette at-teinte proliférative diffuse se traduit par une protéinuriefranche, et souvent par un syndrome néphrotique impur as-sociant hématurie microscopique, HTA et insuffisancerénale ;

– glomérulonéphrite extramembraneuse (classe V) ; laparoi des capillaires glomérulaires est épaissie de façon

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Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

diffuse et régulière par des dépôts immuns. Quand les lé-sions prolifératives sont absentes ou modestes, le tableauclinique est généralement celui d’un syndrome néphrotiqueavec hématurie microscopique, sans HTA ni insuffisancerénale ;

– sclérose glomérulaire (classe VI), dont l’autonomie estdiscutée.

Quand la néphropathie lupique aboutit, malgré le traite-ment, à une insuffisance rénale terminale, l’évolutivité du lu-pus tend à diminuer. Les taux de survie en hémodialyse sontsatisfaisants, les récidives de néphropathie lupique aprèstransplantation, exceptionnelles.

MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES

Elles concernent essentiellement le système nerveux centralet revêtent une signification souvent péjorative. Leur expres-sion clinique est très variable (30-60 p. 100) :

– crise comitiale généralisée ou focalisée, pouvant précéderles autres manifestations de plusieurs années, et posant alorsle problème diagnostique d’un lupus induit par les anticomi-tiaux. La recherche d’un APL est la règle ;

– accidents vasculaires cérébraux surtout ischémiques, vo-lontiers corrélés également à la présence d’un APL ;

– neuropathies crâniennes ;– méningite lymphocytaire aseptique, qui ne peut être

attribuée à la maladie lupique qu’après avoir éliminé unesurinfection opportuniste, notamment tuberculeuse oumycotique ;

– plus rarement, atteinte médullaire et chorée ;– les migraines, fréquentes et parfois richement accompa-

gnées, ne doivent pas être confondues avec une manifestationorganique.

Les troubles psychiques sont fréquents (20 p. 100) et peu-vent comporter un risque suicidaire : troubles de l’humeur(dépression, accès maniaque), syndrome confusionnel, bouf-fée délirante aiguë. Ces troubles peuvent relever de mécanis-mes extrêmement divers (neuro-lupus, complication dutraitement corticoïde).

L’IRM est utile dans l’évaluation du neuro-lupus (infarctuscérébraux, hypersignaux de la substance blanche).

MANIFESTATIONS CARDIAQUES

Elles peuvent toucher les trois tuniques :– les péricardites (30 p. 100), parfois révélatrices, sont fré-

quemment latentes et découvertes lors d’une échographiesystématique. Leur corticosensibilité est spectaculaire ;

– l’atteinte myocardique spécifique du lupus se traduit parune insuffisance cardiaque congestive et des troubles du ryth-me ou de la conduction ;

– l’endocardite de Libman-Sacks est reconnue grâce àl’échographie. Elle est souvent associée au SAPL. Anatomi-quement, les lésions (épaississement valvulaire, végétationsde petite taille) prédominent sur les valves du cœur gauche.Cette endocardite expose à diverses complications : dégrada-

tion hémodynamique, greffe oslérienne, thromboses valvu-laires source d’embolies artérielle ;

– enfin les cas d’insuffisance coronarienne sont générale-ment secondaires à l’athérome précoce (favorisé par la corti-cothérapie prolongée) et/ou à un SAPL.

MANIFESTATIONS VASCULAIRES

– L’hypertension artérielle, dont la fréquence est diversementappréciée (20 à 60 p. 100 selon les critères retenus), est sou-vent présente en cas de glomérulopathie grave et/ou de corti-cothérapie.

– Une vasculite est fréquemment retrouvée anatomique-ment au niveau de la peau, des reins ou du système nerveuxcentral, allant de la classique angéite leucocytoclasiqueà des lésions indiscernables de celles de la périartéritenoueuse.

– Quand le LES s’accompagne d’anticorps antiphospholi-pides, les thromboses veineuses ou artérielles sont particu-lièrement fréquentes. Elles surviennent sur un vaisseauindemne d’inflammation pariétale. Les thromboses veineu-ses touchent tous les territoires, dont la veine cave, les veinesrénales et les sinus cérébraux. Le risque embolique est élevé.Les artères de petit, moyen et gros calibre peuvent être con-cernées (AVC, nécroses cutanées).

MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES

– Les pleurésies lupiques (30 p. 100), uni- ou bilatérales, ex-sudatives et lymphocytaires, parfois cliniquement latentes,sont corticosensibles.

– Les atteintes pulmonaires (15 p. 100) sont diverses. Leurtraduction clinique est inconstante : toux, hémoptysie, dysp-née, parfois anomalies auscultatoires.

– Radiologiquement, l’aspect le plus fréquent est celui d’in-filtrats bilatéraux non systématisés migrateurs et récidivantsou d’atélectasies en bandes. La survenue d’une pneumopa-thie au cours d’un LES traité doit faire avant tout rechercherune étiologie infectieuse, notamment tuberculeuse.

– L’hypertension artérielle pulmonaire est rare.

MANIFESTATIONS DIVERSES

– Les adénopathies, surtout périphériques, sont fréquentes,la splénomégalie plus rare.

– Les douleurs abdominales sont souvent secondaires à latoxicité gastro-duodénale des anti-inflammatoires. Les pan-créatites et les perforations intestinales liées à une vasculari-te mésentérique sont de pronostic sévère.

– Une hépatomégalie modérée est fréquemment consta-tée. L’association avec une hépatite auto-immune de type Iest plus rare.

– Les atteintes oculaires correspondent à des entitésvariées : rétinite dysorique fréquente mais aspécifique, névri-te optique, thrombose des vaisseaux rétiniens.

– L’association à un syndrome de Gougerot-Sjögren estsouvent retrouvée si on la recherche systématiquement.

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Signes biologiques

ANOMALIES DES PROTÉINES DE L’INFLAMMATION

Les poussées lupiques sont généralement accompagnéesd’un syndrome inflammatoire net : élévation de la vitesse desédimentation (VS), hyperfibrinémie, hyperalpha2-globuliné-mie. La protéine C réactive reste peu élevée, sauf en cas d’in-fection concomitante.

MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES

Elles portent sur les trois lignées :– une anémie, le plus souvent inflammatoire, est présente

lors des poussées. Une anémie hémolytique auto-immune àtest de Coombs IgG-complément, parfois révélatrice, est ren-contrée dans 5 à 10 p. 100 des cas. Les autres causes d’anémie(insuffisance rénale, érythro-blastopénie, microangiopathiethrombotique…) sont plus rares ;

– la leucopénie modérée, habituelle lors des poussées,résulte d’une lymphopénie (surtout T) et parfois d’uneneutropénie ;

– une thrombopénie périphérique est présente dans 10 à20 p. 100 des cas. Elle est parfois responsable d’un syndromehémorragique cutanéo-muqueux, plus rarement viscéral. Ellepeut précéder de plusieurs années les autres manifestationsde la maladie ou s’inscrire dans le cadre d’un SAPL ;

– les troubles de l’hémostase sont dominés par la présenced’un anticorps antiprothrombinase (15 à 35 p. 100 des cas),aussi appelé anticoagulant circulant de type lupique. Il est dé-pisté in vitro par un allongement du temps de céphaline acti-vée non corrigé par l’adjonction de plasma témoin. In vivo,l’antitprothrombinase n’est pas responsable d’hémorragiesmais au contraire s’associe à une incidence accrue de throm-boses artérielles et/ou veineuses dans le cadre du SAPL.

ANOMALIES SÉROLOGIQUES

Les autoanticorps, de spécificité variée, sont dominés par lesfacteurs antinucléaires (FAN).

L’immunofluorescence indirecte sur cellules Hep2 est uneméthode globale de dépistage des FAN très sensible(95 p. 100 environ), mais peu spécifique : elle est souvent po-sitive dans d’autres connectivites, dans certaines hépatopa-thies et hémopathies lymphoïdes, et même, à un titre faible,chez 2 à 4 p. 100 des sujets sains, surtout après 60 ans.

Au cours du LES, divers aspects de fluorescence, parfoisassociés, peuvent être rencontrés :

– homogène : le plus fréquent, évocateur si le titre est supé-rieur à 1/500 ;

– périphérique : plus rare, mais plus spécifique ;– moucheté : lié à la présence d’anticorps dirigés contre un

ou plusieurs antigènes nucléaires solubles. Cet aspect s’ob-serve aussi dans d’autres connectivités ;

– nucléolaire : rare dans le LES, plus fréquent dans la sclé-rodermie.

La présence de FAN ne constitue qu’un test d’orientation,et il est indispensable de préciser leur spécificité. La recher-che d’anticorps anti-ADN natif par le test radioimmunologi-

que de Farr, immunofluorescence sur Crithidia luciliae outest ELISA, est un examen moins sensible (50 à 80 p. 100)que l’étude des FAN, mais beaucoup plus spécifique duLES. En outre, le taux d’anticorps anti-ADN natif est biencorrélé à l’existence d’une atteinte rénale grave et à l’évolu-tivité du LES. Les anticorps spécifiques d’antigènes nucléai-res solubles (anticorps anti-ENA) sont détectés et identifiéspar une réaction différente méthodes (immunoprécipita-tion, immunoblot, ELISA). On en distingue divers types, par-fois associés :

– les anticorps anti-Sm sont peu fréquents (20 p. 100),mais très spécifiques du LES ;

– les anticorps anti-SSA (ou Ro), dirigés contre des antigè-nes à la fois nucléaires et cytoplasmiques, sont présents aucours du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif et du LES,du lupus subaigu et du lupus néonatal. Les anticorps anti-SSB(ou La) sont plus rares ;

– les anticorps anti-RNP sont constants dans les connectivi-tes mixtes et dans 30 p. 100 des LES.

– à côté des FAN, divers types d’autoanticorps non spécifi-ques d’organe sont présents : anticorps antiphospholipides,facteur rhumatoïde, anticorps antihématies (test de Coombs)et antiplaquettes.

L’hypocomplémentémie, fréquente au cours du LES, peutrelever de deux mécanismes :

– une consommation du complément (CH50 ; C3 ; C4) ;cette hypocomplémentémie est souvent associée à l’existenced’une atteinte rénale ;

– un déficit génétique de l’une des fractions du complé-ment (C4, parfois C2), non réversible sous traitement.

Formes cliniques

SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES (SAPL)

Le terme d’anticorps antiphospholipides désigne plusieurs ty-pes principaux d’anticorps de spécificité voisine dirigés con-tre des protéines associées aux phospholipides :

– antiprothrombinase (ou anticoagulant circulant de typelupique), dépisté in vitro par des tests de coagulation (allonge-ment du temps de céphaline activée) ;

– anticorps anticardiolipine recherché par un test immuno-logique ELISA, également responsable de la positivité disso-ciée de la sérologie syphilitique (VDRL positif, TPHA etimmunofluorescence négatifs). La -2-glycoprotéine I est uncofacteur associé à la cardiolipine contre lequel sont dirigésdes anticorps potentiellement thrombogènes.

Les anticorps antiphospholipides sont observés lors de cer-taines infections (notamment infection par le VIH), de can-cers ou au cours de l’insuffisance rénale, mais ils sont alorsrarement à l’origine de thromboses. Au cours du LES, la pré-sence de ces anticorps, souvent associés, s’accompagne d’unrisque accru de complications thrombotiques veineuses et/ouartérielles siégeant dans les territoires les plus divers. Il s’agit enparticulier d’accidents ischémiques cérébraux et d’avortementsspontanés précoces secondaires à des thromboses placentaires.

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D’autres manifestations sont également classiques dans cecontexte : valvulopathies (endocardite de Libman-Sacks), livé-do, hémolyse et/ou thrombopénie périphérique auto-immu-nes. Le mécanisme des complications thrombotiques, encoremal compris, fait appel à l’interaction des anticorps antiphos-pholipides avec l’endothélium vasculaire et les plaquettes. Aucours du SAPL, les thromboses relèvent donc d’un mécanismedifférent de celui des vasculites lupiques au cours desquellesl’inflammation pariétale est l’élément primordial.

Le SAPL est défini par l’association de manifestations clini-ques (thromboses ou avortements répétés) et biologiques(présence d’anticorps antiphospholipides à titre significatifet confirmée par deux recherches espacées d’au moins6 semaines). Il peut aussi s’observer au cours de connectivitesnon lupiques et de néoplasies. Enfin, le SAPL survient parfoisen dehors de tout autre cadre pathologique : on parle alors desyndrome primaire des antiphospholipides. Toutefois, avec letemps, certains de ces patients évoluent vers un lupus.

FORMES INTRIQUÉES OU ASSOCIÉES

La coexistence d’un LES et d’un syndrome de Gougerot-Sjögren est fréquente. L’association simultanée ou successived’un LES et d’une autre connectivite soulève parfois de diffi-ciles problèmes nosologiques. Ainsi le syndrome de Sharp,ou connectivite mixte, comprend un tableau initial associantun syndrome de Raynaud, des doigts boudinés, une polyarth-rite non destructrice, des myalgies et un titre élevé de facteursantinucléaires donnant une fluorescence de type moucheté,dirigés contre l’U1 RNP. Avec le temps, cette symptomatolo-gie bénigne demeure inchangée chez certains patients alorsque chez d’autres apparaissent les manifestations spécifiquesd’une connectivite définie : lupus, sclérodermie, polyarthriterhumatoïde ou dermatomyosite.

GROSSESSE

Le risque de poussée lupique grave chez la mère est impor-tant si la maladie est évolutive au début de la grossesse, s’ilexiste une néphropathie et/ou une HTA préalables, et si letraitement corticoïde est interrompu par erreur. À l’inverse, lagrossesse n’est pas déconseillée si le lupus est en rémissiondepuis plus de 6 mois, avec une fonction rénale normale.

Les risques pour le fœtus sont divers. La présence chez lamère d’anticorps antiphospholipides expose au risqued’avortements spontanés. Après un premier avortement, laprobabilité de mener spontanément une grossesse à termeest très réduite, mais les traitements sont souvent efficaces.Le lupus néonatal (bloc auriculoventriculaire complet, érup-tion cutanée néonatale de type annulaire transitoire) est lié àla présence chez la mère d’anticorps anti-SSA, mais ce typede complications fœtales est rare. Enfin, les risques de pré-maturité, de souffrance fœtale et de mortinatalité sont accruschez les enfants de mère lupique.

LUPUS INDUITS

Ils sont secondaires à l’administration prolongée de certains mé-dicaments, essentiellement ionazide (INH), D-pénicillamine,

chloropromazine, certains anticonvulsivants, -bloqueurs,minocycline, interferon et anti-TNF. Les œstroprogestatifsconstituent un cas particulier. En effet, s’ils sont souvent res-ponsables de poussées lupiques, ils ne semblent pas suscep-tibles de déclencher un authentique lupus.

Les lupus induits surviennent généralement à un âge plustardif que celui du lupus spontané et la prédominance fémi-nine est beaucoup moins marquée. Le tableau clinique estdominé par des signes généraux d’importance variable et desmanifestations rhumatologiques, pleuropulmonaires et/oupéricardiques. Les atteintes cutanées, rénales et neurologi-ques sont exceptionnelles. Leur profil biologique est parti-culier : le taux très élevé des FAN, souvent supérieur à 1/2 000,contraste avec l’absence habituelle d’anticorps anti-ADN na-tif et d’hypocomplémentémie ; les anticorps antihistonessont très fréquemment présents. L’arrêt du médicament in-ducteur suffit généralement à faire régresser les manifesta-tions cliniques en quelques semaines. Une courte cortico-thérapie est cependant parfois utile. Les anomalies biologi-ques sont nettement plus longues à disparaître.

DIAGNOSTIC POSITIF

Le diagnostic de LES repose sur un faisceau d’arguments cli-niques et biologiques. L’American Rheumatism Associationa publié en 1982 une liste révisée en 1997 de 11 critères, unnombre minimum de 4 étant exigé pour retenir le diagnosticde LES avec une sensibilité et une spécificité de 96 p. 100(tableau II). L’intérêt de ces critères est essentiellement d’or-dre collectif, leur valeur diagnostique n’étant pas absolue àl’échelon individuel.

Tableau II. – Critères de classification du LES de l’ARA.

1. Rash malaire2. Lupus discoïde3. Photosensibilité4. Ulcérations orales ou nasopharyngées5. Arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques6. Pleurésie ou péricardite7. Protéinurie > 0,5 g/j ou cylindrurie8. Convulsions ou psychose9. Anémie hémolytiqueouLeucopénie < 4 000/ L constatée à deux reprisesLymphopénie < 1 500/ L constatée à deux reprisesThrombopénie < 100 000/ L en l’absence de médicaments cytopéniants10. Anticorps anti-ADN natif ou Anticorps anti-Sm Sérologie syphilitique dissociée constatée à deux reprises en 6 mois, ouanticoagulant circulant de type lupique ou anticorps anticardiolipine(IgG ou IgM)11. Titre anormal de facteurs antinucléaires en l’absence de médicaments inducteurs.

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ÉVOLUTION ET PRONOSTIC

La maladie lupique évolue par poussées successives entrecou-pées de périodes de rémission de durée et de qualité très va-riables. On oppose schématiquement des formes bénignesprincipalement cutanéo-articulaires et des formes graves as-sociant diverses atteintes viscérales.

La surveillance biologique du LES comporte les examensbiologiques usuels, la recherche régulière d’une protéinurie,des dosages répétés des anticorps anti-ADN natif et du complé-ment (CH 50, C3, C4) (en l’absence de déficit constitutionnel).

Le pronostic du LES s’est considérablement amélioré de-puis 30 ans, notamment en raison du diagnostic des formesfrustes et des progrès thérapeutiques. Le taux de survie à10 ans est d’environ 90 p. 100.

L’analyse des causes de mortalité montre, outre la respon-sabilité propre de la maladie, la part croissante des infectionsnotamment opportunistes, de l’athérome accéléré et des néo-plasies, soulignant les risques liés à l’utilisation prolongéedes corticoïdes et des immunosuppresseurs.

PRINCIPES DU TRAITEMENT

Règles générales

La prise en charge se fixe plusieurs objectifs.

À COURT TERME

Assurer le confort quotidien, préserver les fonctions vitalesdans les poussées graves.

À MOYEN TERME

S’opposer à l’évolution prévisible des atteintes viscérales, pré-venir les poussées, empêcher les récidives thrombotiques,préserver l’insertion socioprofessionnelle.

À LONG TERME

Guérir la maladie et limiter les effets délétères différés destraitements. L’éducation souligne les risques de l’arrêt intem-pestif du traitement et la nécessité d’éviter l’exposition solaire(utilisation d’un écran d’indice de protection élevé). L’emploid’une méthode contraceptive autre que les œstroprogestatifsdoit être proposé.

Principales modalités thérapeutiques

L’intensité de la thérapeutique est adaptée à la gravité de lamaladie.

Les lupus quiescents ne justifient qu’une simple sur-veillance.

Le traitement des formes mineures cutanéo-articulaires re-pose sur l’aspirine (2 à 4 g/j), les anti-inflammatoires nonstéroïdiens (AINS) et les antimalariques de synthèse.

Le mode d’action des antimalariques de synthèse est malconnu, mais leur efficacité est démontrée. L’hydroxychloro-quine (Plaquenil) est généralement employée à la dose de400 mg/j. L’efficacité est jugée après 3 mois. Une surveillanceophtalmologique annuelle (vision des couleurs, échelled’Amsler) permet de rechercher d’éventuels signes de toxicitérétinienne, qui imposent l’arrêt du traitement. Les autres ef-fets secondaires sont plus rares (neuromyopathie, agranulocy-tose, bloc auriculoventriculaire). La persistance de symptômesarticulaires peut légitimer une corticothérapie inférieure à10 mg/j de prednisone. À l’inverse, une atteinte cutanée résis-tante aux antimalariques ne constitue pas une indication à lacorticothérapie, mais justifie le recours à d’autres thérapeuti-ques (thalidomide…).

Le traitement des formes viscérales repose sur la cortico-thérapie.

La prednisone (Cortancyl) est le corticoïde de référence.Schématiquement, la posologie employée est de 1 mg/kg/jdans les formes graves (glomérulonéphrite proliférative dif-fuse, anémie hémolytique) et de 0,5 mg/kg/j dans les sérites.

Certains effets secondaires de la corticothérapie doiventêtre prévenus. En particulier, le rôle de la corticothérapie dansl’accélération de l’athérogenèse impose de prendre en compteses diverses composantes (HTA, diabète, dyslipidémie, taba-gisme…). Une diététique excluant le sodium et restreignantles apports glucidiques est donc conseillée, généralement as-sociée à une supplémentation potassique. L’utilisation desanti-H2 et des inhibiteurs de la pompe à protons a réduit lescomplications digestives, surtout présentes en cas d’associa-tion aux AINS. Au plan osseux, l’ostéoporose est atténuée parl’adjonction quotidienne de vitamine D et de calcium associéséventuellement aux diphosphonates. Les risques infectieuxsont considérablement majorés par la corticothérapie à fortesdoses, ce qui justifie le dépistage et le traitement systématiquedes foyers infectieux latents.

En pratique, la corticothérapie d’attaque est prescrite pourune durée de 4 à 6 semaines. La dégression progressive se faitpar diminution de 10 p. 100 de la dose antérieure, tous les 10 à15 jours. Le sevrage, lorsqu’il est décidé, doit être précédé del’exploration de l’axe hypothalamo-hypohyso-surrénalien.

L’administration de fortes doses de corticoïdes par voie vei-neuse est employée dans le traitement des poussées graves,notamment rénales et neurologiques. Cette technique ditedes « bolus » consiste en l’injection quotidienne de 1 g deméthylprednisolone (Solumédrol IV) en 60 min pendant3 jours consécutifs, relayée par une corticothérapie orale.

L’emploi des traitements immunosuppresseurs dans lamaladie lupique ne se conçoit qu’avec discernement. Leursrisques (infections à court terme, stérilité, oncogenèse possi-ble à long terme) en font limiter l’indication aux formes vis-cérales graves ou corticodépendantes.

Divers agents sont utilisés dans les schémas traditionnels :cyclosphosphamide (Endoxan) à la dose de 2 à 3 mg/kg/j,azathioprine (Imurel) à la dose de 2 à 4 mg/ kg/j. Outre leursrisques communs, le cyclophosphamide expose plus particu-lièrement aux cystopathies et aux cancers vésicaux. Les indi-

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cations de l’administration intraveineuse discontinue decyclophosphamide (initialement tous les mois pendant6 mois puis tous les trimestres pendant 2 ans) diminuent auprofit du mycophénolate mofetil.

Cas particuliers

THROMBOPÉNIE PÉRIPHÉRIQUE

Les thrombopénies périphériques sévères résistant à la corti-cothérapie peuvent conduire à la splénectomie précédéed’une vaccination antipneumococcique. Les perfusions defortes doses d’immunoglobulines sont souvent efficaces àcourt terme. Elles sont employées en cas de thrombopéniegrave, et dans la préparation d’une splénectomie.

SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES

Le traitement du SAPL vient compléter le traitement du LESauquel il s’associe. Les thromboses récentes justifient une hé-parinisation initiale suivie d’un relais par les antivitamine K.La prévention des récidives repose sur une anticoagulationpar antivitamine K (international normalized ratio [INR] à 3 encas de thrombose artérielle).

La prévention des récidives de pertes fœtales fait appel àl’héparine sous-cutanée associée à l’aspirine. En l’absenced’antécédents thrombotiques, l’aspirine est généralementproposée au titre de la prévention primaire.

GROSSESSE

Les risques de poussée lupique, particulièrement nets dans ledernier trimestre de la grossesse et le post-partum, justifientpour certains une majoration du traitement dont les modali-tés sont discutées. Les antimalariques de synthèse peuventêtre poursuivis pendant la grossesse.

CONTRACEPTION

La grossesse n’étant acceptable que dans certaines conditions,une contraception efficace est indispensable. Les œstropro-gestatifs sont formellement contre-indiqués. Le stérilet est gé-néralement récusé chez les patientes traitées parcorticothérapie en raison de ses risques infectieux et parceque son efficacité est moindre. La contraception repose doncessentiellement sur les norstéroïdes à faibles doses (ou micro-pilules progestatives), l’acétate de chlormadinone (Luteran)ou l’acétate de cyprotérone (Androcur).

Points clés

1. Le LES est très hétérogène dans sa présentation clinique.

2 Les manifestations dermatologiques sont d’une grande aide diagnostique.

3. Les signes cutanés « spécifiques » sont presque toujours déclenchés ou aggravés par l’exposition solaire.

4 Les variantes de lupus discoïde (le plus souvent) et de lupus cutané subaigu (dans la moitié des cas) peuvent rester isolées oupaucisymptomatiques sans évoluer vers un LES.

5. Les signes cutanés « spécifiques » sont en régle très sensibles aux antipaludéens de synthèse et à la photoprotection.

6 Les signes cutanés vasculaires (en particulier livédo, purpura, ulcère) sont souvent associés à un syndrome des antiphospholipides.

7 Les atteintes rénales sévères et les manifestations neurologiques dominent le pronostic.

8. La présence d’anticorps anti-ADN natif est l’élément clé du diagnostic biologique.

9. Le traitement doit être adapté à la gravité de la maladie.

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Fig. 1. Lupus érythémateux systémique à début aigu : érythème en vespertilio duvisage.

Fig. 2. Lupus érythémateux systémique : érythème du dos des mains respectant les articulations.

Fig. 3. Lupus érythémateux systémique : érosions buccales.

Fig. 4. Lupus érythémateux subaigu : lésions annulaires.

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Fig. 5. Lupus érythémateux discoïde : lésions érythémato-squameuses etatrophiques.

Fig. 6. Lupus érythémateux discoïde : localisations typiques (oreille, tempe,pommette).