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Pedagogia Diferenciada_Dossiê Perrenoud, Philippe. La pédagogie à l’école des différences. ESF, 1995. 1/1 Résumé L’auteur dénonce l’indifférence aux différences comme une des causes de l’échec scolaire et renonce à l’idée de croire que l’échec scolaire est une fatalité à laquelle il faut se soumettre. Perrenoud propose, entre autres, la pédagogie différenciée, l’individualisation des parcours de formation, la mise en place de cycles d’apprentissage, etc., comme des outils pouvant réduire l’échec scolaire. Mais tous ces dispositifs pédagogiques ne peuvent exister sans que le rôle des enseignants soit modifié : travail en équipe pédagogique, prise de conscience de la distance culturelle entre eux et les élèves, deuil de représentations et de pratiques professionnelles confortables, etc. C’est cependant une évolution nécessaire vers une plus grande démocratisation de l’enseignement et une professionnalisation accrue du métier d’enseignant. 2/2 Y a-t-il une différence dans le traitement accordé aux élèves? Traite-ton vraiment tous les élèves comme «égaux en droits et en devoirs»? Pour en débattre, il faut d’abord préciser à quelle échelle on se situe. On ne peut comparer que des élèves qui suivent le même curriculum formel. On se place donc à l’intérieur d’un système scolaire, national ou régional, voire local. Restent deux niveaux bien distincts : le traitement des différences à l’intérieur d’un même groupe- classe, défini comme un ensemble d’élèves travaillant avec un seul maître ou une même équipe éducative; le traitement des différences à l’échelle d’une cohorte suivant le même programme dans divers groupes-classes et divers établissements. À ce second niveau, dans un système bureaucratique, il n’y a en principe aucune différence de traitement. En réalité, les variations entre classes et établissements sont considérables, qu’il s’agisse de curriculum réel, de niveau d’exigences, d’attitudes et de démarches, de qualité, d’orientation idéologique

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Pedagogia Diferenciada_Dossiê

Perrenoud, Philippe. La pédagogie à l’école des différences. ESF, 1995.

1/1 Résumé

L’auteur dénonce l’indifférence aux différences comme une des causes de l’échec scolaire et renonce à l’idée de croire que l’échec scolaire est une fatalité à laquelle il faut se soumettre.

Perrenoud propose, entre autres, la pédagogie différenciée, l’individualisation des parcours de formation, la mise en place de cycles d’apprentissage, etc., comme des outils pouvant réduire l’échec scolaire.

Mais tous ces dispositifs pédagogiques ne peuvent exister sans que le rôle des enseignants soit modifié : travail en équipe pédagogique, prise de conscience de la distance culturelle entre eux et les élèves, deuil de représentations et de pratiques professionnelles confortables, etc. C’est cependant une évolution nécessaire vers une plus grande démocratisation de l’enseignement et une professionnalisation accrue du métier d’enseignant.

2/2 Y a-t-il une différence dans le traitement accordé aux élèves?

Traite-ton vraiment tous les élèves comme «égaux en droits et en devoirs»? Pour en débattre, il faut d’abord préciser à quelle échelle on se situe. On ne peut comparer que des élèves qui suivent le même curriculum formel. On se place donc à l’intérieur d’un système scolaire, national ou régional, voire local. Restent deux niveaux bien distincts :

le traitement des différences à l’intérieur d’un même groupe-classe, défini comme un ensemble d’élèves travaillant avec un seul maître ou une même équipe éducative;

le traitement des différences à l’échelle d’une cohorte suivant le même programme dans divers groupes-classes et divers établissements.

À ce second niveau, dans un système bureaucratique, il n’y a en principe aucune différence de traitement. En réalité, les variations entre classes et établissements sont considérables, qu’il s’agisse de curriculum réel, de niveau d’exigences, d’attitudes et de démarches, de qualité, d’orientation idéologique et d’implication des enseignants. Ces variations contribuent-elles à la fabrication des inégalités? On peut envisager trois cas :

1. Le traitement de certaines différences favorise les favorisés; c’est le cas, par exemple, lorsque les écoles les mieux situées (quartiers résidentiels, élèves de classe moyenne supérieure) disposent des enseignants les plus stables, qualifiés, expérimentés, des infrastructures et équipements les plus modernes, des environnement les plus propices à l’étude, des effectifs les moins chargés, etc.

2. Le traitement de certaines différences favorise les défavorisés; ce n’est en général pas par hasard, mais dans le cadre d’un effort d’éducation compensatoire, par exemple en instituant des zones d’éducation prioritaires, dotées de moyens d’action plus substantiels.

3. Le traitement de certaines différences ne favorise ni les favorisés ni les défavorisés; il y a inégale concentration de qualifications et d’équipements, mais sans lien avec le public de l’école (ce qui ne veut pas dire au hasard : dans les

organisations, les attentes et les besoins des usagers ne sont qu’un des multiples enjeux dans la répartition des ressources).

À l’échelle d’un groupe-classe, on va retrouver les mêmes figures :

1. Le traitement de certaines différences favorise les favorisés; il est normal que le maître s’intéresse assez spontanément aux élèves qui lui ressemblent, respectent les normes de comportement, travaillent, entrent dans son jeu; et qu’il ait, au contraire, tendance à aimer un peu moins, voire à rejeter, ceux qui sont déviants, contestataires, apathiques, sournois, désordonnés, goguenards, laids, sales, mal élevés.

2. Le traitement de certaines différences favorise les défavorisés; ce sont toutes les mesures de soutien, d’appui aux élèves en difficulté, et évidemment les tentatives modestes ou ambitieuses de pédagogie individualisée.

3. Le traitement de certaines différences ne favorise ni les favorisés ni les défavorisés; dans l’interaction sociale, nous pratiquons constamment des discriminations qui reflètent nos préférences singulières, notre manque de constance, nos sautes d’humeur, les variations du contexte (temps disponible, cadre de l’interaction, stress, etc.); la même question peut, tout à fait indépendamment des caractéristiques personnelles de l’élève qui la pose, susciter une réaction impatiente ou un véritable intérêt, un rejet ou un essai de comprendre, etc.

Il n’y a donc nullement indifférence aux différences. Il y a plutôt mélange de discriminations négatives (qui accroissent les inégalités), positives (qui les affaiblissent) ou neutres (sans effet identifiable).

3/3 Pédagogies différenciées

Perrenoud suggère une définition possible de la différenciation de l’enseignement : différencier, c’est organiser les interactions et les activités, de sorte que chaque élève soit constamment ou du moins très souvent confronté aux situations didactiques les plus fécondes pour lui.

Distinguons d’abord deux cas de figures, selon qu’on vise ou non les mêmes types de maîtrises chez tous les élèves :

si l’on vise les mêmes maîtrises, les élèves suivront sinon un curriculum unique, du moins des chemins conduisant en principe aux mêmes compétences; Perrenoud parle alors de différenciation restreinte;

si l’on ne vise pas les mêmes maîtrises, on répartira en général les élèves en filières, groupes de niveaux, ou cours à options, dotés chacun d’un curriculum spécifique; Perrenoud parle alors de différenciation étendue;

En ce qui a trait à la problématique de la différenciation restreinte, dans le cadre d’objectifs communs, il souligne d’emblée :

qu’elle ne condamne pas à l’uniformité des contenus; on peut atteindre les mêmes maîtrises par des itinéraires divers; la différenciation restreinte porte donc sur le curriculum comme suite d’expériences formatrices;

qu’elle voue moins encore à l’uniformité des rythmes de progression, des démarches et des contrats didactiques;

qu’elle ne veut donc pas dire «plus du même», ne se borne pas au soutien ou aux remédiations classiques;

qu’elle n’est pas davantage synonyme d’individualisation de l’enseignement; certes, il n’y a pas de différenciation sans gestion plus individualisée des processus d’apprentissage; cela ne signifie pas que les élèves travaillent seuls ou face au maître seulement, mais que les régulations et les parcours sont individualisés;

enfin, qu’elle ne peut être enfermée dans aucune méthodologie, aucune classe d’âge, aucune catégorie de contenus ou de maîtrises.

4/4 Situation de groupe

On parle souvent de la situation de groupe comme une contrainte empêchant une individualisation optimale : le maître doit partager son temps entre un trop grand nombre d’élèves, il doit sacrifier à l’animation d’ensemble ou au maintien de l’ordre, il n’arrive pas à préparer des activités pour tous, ses interventions sont trop dispersées et fragmentées pour être efficaces, de nombreuses informations lui échappent parce qu’il est  assailli de messages. Ces problèmes sont réels, mais une telle approche méconnaît la force du groupe comme lieu d’éducation mutuelle et d’apprentissage, à travers la communication et la coopération, à l’échelle du groupe-classe ou de sous-groupes. Tout se passe comme si le maître était la seule source d’apprentissage, comme si le groupe se réduisait à un réseau en étoile, dont le maître occuperait le centre, fonctionnant comme un ordinateur partageant son temps entre des utilisateurs qui n’auraient aucune relation entre eux.

Or, le groupe-classe est bien autre chose, à la fois un réseau très riche de relations, de communication entre enfants, un collectif capable – si on lui donne l’occasion et le temps – de s’organiser de manière coopérative, un milieu de vie et d’expérience. La question n’est pas de choisir entre individualisation et médiation du groupe. Les deux démarches sont complémentaires, la différenciation exige l’une et l’autre.

5/5 La différenciation et le respect des différences

La différenciation passe par la prise de conscience et le respect des différences, par l’écoute active, par le droit de s’exprimer librement et d’être entendu, par la possibilité pour chacun de trouver une place, d’être reconnu par le groupe, quelles que soient ses compétences scolaires ou ses appartenances culturelles, La composante affective des relations interpersonnelles importe non seulement entre le maître et chaque élève, mais entre ces derniers, et entre chacun et le groupe.

L’individualisation des interventions et des activités ne suffit pas leur donner un sens. Une activité facilement maîtrisée n’est plus guère motivante, sauf si elle trouve un autre moteur, compétition ou conformité sociale, par exemple. Inversement, une tâche inaccessible confirme le sentiment d’échec et démobilise l’élève.

À la recherche de telles activités le souci de différenciation ajoute une difficulté : le sens d’une activité ou d’une situation varie d’un enfant à l’autre, selon sa personnalité, ses aspirations, ses intérêts, son capital culturel, son rapport au jeu et au travail. Il faut donc différencier suffisamment les activités globales ou les rôles individuels dans le cadre de celles-ci pour que chacun y trouve d’abord un sens, ensuite l’occasion d’apprentissages eux aussi significatifs.

À une conception étroite de la différenciation qui la limiterait à une individualisation accrue des interventions et des activités, Perrenoud opposerait une définition large incluant :

l’individualisation dans certains domaines;

la médiation par l’enseignement mutuel et le fonctionnement coopératif en équipes et en groupe-classe;

le respect des différences et la construction de relations interpersonnelles positives au sein du groupe-classe;

la recherche d’activités et de situations d’apprentissage significatives et mobilisatrices, diversifiées en fonction des différences personnelles et culturelle.

Pour gagner ce pari, deux conditions majeures pour les équipes de travail:

à l’intérieur, trouver des formes de communication et d’échanges encore plus efficaces, entretenir une mémoire collective et assurer la coordination non seulement dans le domaine de la gestion globale du projet, mais dans celui du fonctionnement et de l’organisation des équipes, de la didactique, du matériel, etc.;

à l’extérieur, avoir du temps et n’être pas continuellement menacés par des interpellations, des redéfinitions de la situation, des procès d’intention, des retraits de ressources ou de degrés de liberté.

6/6 Les pôles de la différenciation

Perrenoud situe la différenciation telle qu’elle se pratique déjà entre deux pôles :

1. À l’un des pôles, on trouve la différenciation immédiate, souvent spontanée, en réponse aux mille situations de la vie quotidienne. Cette différenciation, limitée par le manque de temps et la nécessité de s’occuper de tous, ne permet que des ajustements circonstanciels et superficiels.

2. Au pôle opposé, on trouve des formes de différenciation plus ambitieuses, qui demandent plus de temps et qui s’attaquent à des différences plus fondamentales. Dans ces cas, face à un élève posant un problème singulier et d’une certaine importance, le maître s’efforce d’identifier les données du problème, cherche des solutions, les met en œuvre. Il réalise alors une forme de différenciation à plus long terme, plus ambitieuse.

C’est dans ce jeu sur l’ampleur de la différenciation qu’il faut faire la part du rêve. On peut considérer ces rêves de différenciation comme nuls et non avenus sur le plan des pratiques observables, puisqu’il n’y a même pas eu le début d’un passage à l’acte, ou si peu qu’il est inutile d’en parler. C’est ce que semblent en tout cas penser les maîtres : interrogés sur leur pratique en matière de différenciation, ils parlent, soit de ce qu’ils ont tenté concrètement, soit de l’impossibilité de faire quoi que ce soit de sérieux dans les conditions actuelles. Pourtant l’entre deux est très important dans leur expérience quotidienne des différences et de ce qu’ils peuvent en faire.

Dans la mesure où il ne se réalise pas, le rêve de différenciation est vécu inévitablement, en fin de compte, sur le mode du renoncement, de la frustration, parfois de la culpabilité; il coûte donc affectivement; il replace chacun, beaucoup plus durement que les discussions théoriques, devant les limites de son action; la part du rêve et celle de la désillusion comptent beaucoup dans le «moral» d’un enseignant.

7/7 Différenciation ou équité formelle?

Différencier, c’est par définition ne pas accorder à chacun la même attention, le même temps, la même énergie.

Différencier, c’est être confronté souvent à une certaine distance culturelle, c’est gérer une certaine tension avec des élèves rebelles à tout apprentissage, c’est surmonter tant les moments de découragement que l’ennui inhérent à la répétition des mêmes explications, au suivi de tâches élémentaires, aussi fondamentales soient-elles…

Enseigner, c’est pour beaucoup de maîtres, vivre «au centre» d’un groupe d’enfants, l’animer, le faire fonctionner, lui donner une âme, un rythme, une organisation. Or, pour différencier, il faut limier le temps passé en grand groupe, qui n’est en général pas très profitable aux élèves en difficulté. Cela oblige certainement à sacrifier des aspects gratifiants du métier d’enseignant, à faire éclater le groupe chaque fois qu’une tâche unique marginalise les élèves en difficulté. Le maître devient personne-ressource, coordonnateur d’activités décentralisées. Il reste chef d’orchestre, mais tous les élèves ne jouent plus ensemble…

8/8 Ambiguïtés de la différenciation

La différenciation de l’enseignement se heurte à des obstacles connus : effectif des classes, cloisonnement des degrés, manque de moyens d’enseignement individualisés, flou artistique ou silence des méthodologies à ce sujet, absence d’objectifs clairement définis, système d’évaluation inadéquat, insuffisance de la formation de base et continue en matière d’enseignement différencié, importance du travail de préparation, difficultés de gérer en classe des activités de niveaux et de contenus divers, contraintes de l’horaire scolaire. Ces obstacles, bien réels, ne signifient pas que la différenciation est impossible.

Si la différenciation ne peut obéir uniquement à la règle « à chacun selon sa demande » ou «à chacun selon ses besoins», quel doit être alors son principe régulateur? Comment le maître peut-il savoir à qui accorder le plus de temps et d’attention? Différencier son enseignement, c’est inévitablement rompre avec une forme d’équité, c’est s’intéresser davantage à certains élèves, passer plus de temps avec eux, leur fournir plus de sollicitations, leur proposer des activités différentes, les juger selon des exigences proportionnées à leurs possibilités.

9/9 Le choc quotidien des cultures

Rien n’est plus étranger au relativisme culturel que les conceptions de la culture qui ont cours dans notre société. Qui tiendra pour équivalents un livre de Kundera et le dernier roman de la collection «Harlequin»?

Les sociologues définissent généralement la culture d’élite comme celle des classes instruites; c’est la Culture avec un grand K, celle qui s’enracine dans les Humanités, celle des gens qui écoutent de la musique classique, visitent les musées et les galeries d’art, etc. Pour les membres les plus conservateurs de l’élite, leur culture est LA culture. Entendez qu’il n’y a pas à leurs yeux d’autre culture digne de ce nom : «On en a ou on n’en a pas!», c’est aussi simple que cela. Les autres se caractérisent par une absence de culture. Pour les sociologues, la culture est inséparable de la condition humaine. La culture d’élite n’est donc qu’une culture parmi d’autres, ce qui n’empêche pas de reconnaître qu’elle joue un rôle dominant. Reste à savoir comment décrire et nommer les autres cultures. Il y a un siècle, il était relativement facile d’identifier une culture paysanne, une

culture ouvrière, la culture des petits artisans ou des petits commerçants. Aujourd’hui, la culture de masse a brouillé les cartes. Elle n’a que peu de rapports avec les cultures populaires traditionnelles. C’est la culture des médias de masse, celle des émissions télévisées à succès, des best-sellers, des sports-spectacles, des jeux, etc.

Aujourd’hui, les différences de consommations culturelles n’épuisent pas la diversité des cultures. Mais elles en sont les signes les plus perceptibles, notamment à l’école. Il reste de vrais pauvres dans les écoles des pays riches. Mais les enfants des classes populaires ne se signalent pas aujourd’hui d’abord par des sabots ou des haillons. Ils «trahissent» leur condition lorsqu’ils racontent que leur famille visite Europa Park plutôt que les Châteaux de la Loire, lit Nous Deux plutôt que Le Monde Diplomatique…

Il y a une part importante de distance culturelle dans la relation pédagogique. Entre maîtres et élèves, la communication, la complicité, l’estime mutuelle tiennent largement à des communautés de goûts et de valeurs, dans des domaines en apparence étrangers au programme. On ne saurait sous-estimer ce choc quotidien des cultures. Il n’est pas sans influence sur l’échec scolaire : les rejets, les ruptures dans la communication, les conflits de valeurs et les différences de mœurs comptent autant que l’élitisme éventuel des contenus. À un enfant qui refuse la violence, respecte les livres, salue poliment et a toujours les mains propres, on pardonnera davantage qu’à celui qui, à difficultés égales, agresse les autres, jure allègrement, mâche du chewing-gum, sent mauvais, s’en prend sournoisement aux plantes vertes du maître ou raille ouvertement ses professions de foi écologistes au nom de la «sacro-sainte-bagnole.». Nous ne sympathisons, en règle générale, qu’avec ceux qui partagent notre sensibilité, nos valeurs, notre vision du monde.

10/10 Diversité des élèves et animation du groupe-classe

Un maître primaire se trouve en début d’année devant vingt à vint-cinq enfants qui diffèrent par la taille, le développement physique, la physiologie, la résistance à la fatigue, les capacités d’attention et de travail; par l’habileté perceptive, manuelle et gestuelle; par les goûts, les capacités créatrices; par la personnalité, le caractère, les attitudes, les opinions, les intérêts, par les images de soi, l’identité personnelle, la confiance en soi; par le développement intellectuel; par les modes et les capacités de relation et de communication; par le langage et la culture, les savoirs et les expériences extrascolaires; par les habitudes et le mode de vie hors de l’école; par les expériences et les acquis scolaires antérieurs, par l’apparence physique, la posture, l’hygiène corporelle, le vêtement, la corpulence, la façon de se mouvoir, par le sexe, l’origine sociale, l’appartenance confessionnelle, nationale ou ethnique, par les sentiments, les projets, les envies, les énergies du moment…

Dans un groupe-classe, entre enfants, la possibilité de choix demeure, mais elle est réduite. Coexister chaque jour plusieurs heures, dans un espace clos relativement exigu, restreint les degrés de liberté de chacun dans le choix de ses partenaires. D’autant que le maître ne laisse pas nécessairement le choix des voisinages et des collaborations. Pour un enfant, la diversité de ses camarades en classe peut donc être menaçante ou au moins problématique, aussi longtemps que, pour certains d’entre eux, il ne dispose pas des schèmes adéquats d’interprétation et de réaction. Un enfant peut déconcerter ou faire peur parce qu’il a un accent étranger ou des difficultés d’expression, des réaction violentes, des colères incompréhensibles, des familiarités et des exigences inattendues, parce qu’il souffre d’un handicap, parce qu’il ne respecte pas les usages.

Dans un groupe, plus la diversité des personnalités, des besoins, des aspirations, des compétences, est grande, plus il est difficile d’entreprendre une activité collective qui plaise à tous et ait un sens pour tous - même si chacun n’y joue pas exactement le même rôle - , plus il est difficile de trouver un consensus ou une majorité indiscutable lorsqu’il y a une décision à prendre. Le rôle et l’attitude1 de l’enseignant doivent donc évoluer pour passer d’instituteur à animateur.

__________1 Voir texte original p. 69

11/11 Le rôle de l’enseignant

Perrenoud ne dit pas que le leadership de tous les maîtres est devenu pure animation sans trace d’autorité. Il dit qu’il y a évolution dans ce sens, très variable selon les enseignants pour deux raisons :

la diffusion des idées d’école active, d’école coopérative, la valorisation corrélative de l’enfant, de sa curiosité, de sa créativité, de son besoin d’agir et d’apprendre, font que les aspirations d’un nombre croissant d’enseignants vont dans le sens de l’animation plutôt que du contrôle autoritaire du groupe-classe;

certaines formes d’autoritarisme, qui avaient cours il y a trente ou soixante ans, ne sont plus praticables, une partie des élèves résistent, les parents n’entendent pas que le maître exerce une autorité à laquelle ils ont eux-mêmes renoncé.

Mais si le maître ne peut ou ne veut plus incarner un pouvoir fort, il peut difficilement n’être qu’un animateur, laisser s’exprimer les envies, les opinions, les personnalités. Car si l’institution ne l’encourage plus à être autoritaire, elle lui demande toujours d’avoir de l’autorité!

Il est vrai que le groupe-classe n’est pas livré à lui-même, même lorsque le maître ne se veut qu’animateur. L’animation consiste justement à accroître les capacités de décision et de coopération, à accepter de gérer les divergences et les conflits, à trouver des équilibres équitables, à faire une place à chacun. Mais dans les conditions où sont placés les enseignants de l’école publique, une telle animation supposerait des compétences que la majorité des enseignants ne possèdent pas à ce degré, même lorsqu’ils souhaiteraient n’exercer aucun pouvoir et organiser la classe sur une base strictement coopérative. Les enseignants qui s’en approchent le plus appartiennent au courant d’école moderne, qui leur transmet à la fois une idéologie et des techniques encore largement absentes de la formation officielle. À l’heure actuelle, la plupart des enseignants vivent un moyen terme entre leadership autoritaire et animation.

Prendre le parti de l’animation, renoncer à imposer autoritairement, c’est toujours faire un pari optimiste, faire confiance aux enfants, à soi-même, au groupe; cela ne va pas sans angoisse, et, au-delà d’un certain seuil, il est difficile à supporter. Ce que Perrenoud voulait souligner surtout, c’est que le traitement des différences doit aussi, et peut-être d’abord, être abordé en termes de dynamique de groupe et de type de leadership, l’un et l’autre déterminant jusqu’à quel point le groupe et le maître peuvent accepter que les différences s’expriment et qu’il en soit tenu compte pratiquement.

12/12 L’action pédagogique n’est pas indifférenciée

Qu’il suffise de souligner que la double face de la différenciation subsiste lorsqu’on passe d’une pédagogie traditionnelle à une pédagogie active. L’analyse se complique cependant du fait qu’il suffit de moins en moins de décrire la différenciation au niveau des interventions du maître. Dans une pédagogie active, le maître se fait organisateur de situations et de possibles, incitateur, animateur, personne-ressource. Il n’est pas absent du groupe-classe et continue à y exercer un grand pouvoir. Mais il n’est plus présent dans la majorité des interactions légitimes, comme c’est le cas dans une classe traditionnelle qui place toujours l’enseignant au centre du réseau de communication. La différenciation pertinente est donc plutôt celle des expériences et des situations vécues par les élèves que celle des interventions du maître.

À ce propos, et pour éviter toute confusion, il faut insister sur le fait que la différenciation des apprentissages ne peut être fonction de la seule différenciation des interventions du maître, de la relation pédagogique ou même, plus généralement, des situations et des attentes devant lesquelles sont objectivement placés les élèves. Car en définitive, la «lecture de l’expérience» est nécessairement subjective, et dépend non seulement de la situation objective mais de la façon dont l’individu la perçoit, la vit, la ressent, l’utilise, l’assimile à ses schèmes de compréhension, d’évaluation et d’action. Ce qui veut dire, plus concrètement, que deux individus placés du point de vue d’un observateur extérieur dans une situation semblable peuvent apprendre des choses très différentes, simplement parce qu’ils appréhendent cette situation avec des schèmes, des attitudes, une personnalité, des projets différents. On retrouve là le mécanisme mis en évidence par Bourdieu : un enseignement en apparence indifférencié, du point de vue d’un observateur externe peut être très diversement vécu et compris, comme expérience subjective, par ses destinataires. C’est pourquoi l’absence de différenciation de l’enseignement suffit, dans des conditions de diversité des attitudes, du capital culturel, etc., à engendrer des inégalités d’acquisition. En caricaturant : ce qui est pour l’un simple redite d’un savoir qu’il détient déjà sera pour l’autre discours strictement inintelligible parce qu’inassimilable aux schèmes linguistiques, conceptuels, culturels, dont il dispose.

13/13 Différenciation de l’enseignement : résistances, deuils et paradoxes

Différencier son enseignement, c’est faire son deuil de représentations et de pratiques fort commodes. Sans doute les réformateurs disent-ils toujours que c’est pour le bien des élèves. À l’encontre de l’angélisme pédagogique, reconnaissons qu’assez souvent les intérêts des élèves heurtent de front les intérêts des enseignants. Il ne suffit donc pas d’en appeler au sens du devoir ou de l’abnégation, d’inviter les enseignants à renoncer «pour le bien des élèves» à des représentations et des pratiques vitales pour leur propre équilibre, voire pour leur survie dans le métier. Il est plus réaliste de les aider à reconstruire des satisfactions professionnelles à un autre niveau de maîtrise, donc à assumer le travail du deuil, sans le minimiser. Ce qui ne se fait pas en un jour, ni dans la solitude. Les stratégies de changement passent donc par des dynamiques d’équipes pédagogiques, d’établissements ou de réseaux qui aident chacun à évoluer, en plusieurs années.

Pourtant, différencier l’enseignement, c’est faire le deuil de représentations déterministes à la fois désespérantes et confortables, qu’elles soient d’ordre philosophique, scientifique, pédagogique, pratique. C’est accepter que tout ne soit pas joué «à la naissance» ou «avant six ans». C’est, avec le CRESAS (1981), affirmer que «l’échec scolaire n’est pas une fatalité»; c’est croire, avec Bloom (1979), que 80% des élèves peuvent maîtriser 80% du programme si on les place dans des conditions adéquates d’apprentissages; c’est accepter une responsabilité, parfois une culpabilité assez lourdes.

Il est difficile de différencier tout seul. Au minimum, il faut négocier avec les collègues proches et l’administration pour élargir ses degrés de liberté par rapport au programme, à l’évaluation, à l’emploi du temps et de l’espace : toute différenciation pédagogique oblige à tricher plus ou moins discrètement avec les normes de l’établissement. De préférence, il faut travailler avec les parents, pour les associer à un contrat de travail ou au moins éviter les actions discordantes, par exemple répression du côté familial au moment où le maître s’efforce de redonner confiance en soi à l’élève (Montandon et Perrenoud, 1987).

14/14 L’équipe pédagogique

La différenciation devrait surtout être l’affaire d’une équipe pédagogique, pour mille raisons évidentes : division du travail, renforcement mutuel, continuité au long du cursus, décloisonnement, multiplicité des regards sur les élèves et des stratégies d’intervention, accumulation et partage d’une expérience, etc. Or travailler en équipe, c’est faire son deuil d’une part de son autonomie, d’autre part de sa folie personnelle. C’est concéder aux

autres, pour une bonne cause, et sans les mécanismes de défense qui tiennent la hiérarchie à distance, un droit de regard sur ses pratiques, un droit et un devoir d’ingérence dans sa classe. C’est rompre avec la «loi du milieu», du milieu enseignant : «Chacun pour soi, une fois ma porte fermée, je suis maître chez moi et, à charge de revanche, je ne me mêle pas de ce que font mes collègues». C’est affronter la différence, le conflit, les problèmes de communication et de pouvoir entre adultes. Pourtant, une différenciation efficace est à ce prix. Tous ceux qui ont l’expérience du travail en équipe pédagogique savent qu’ils ont dû faire le deuil d’une forme de liberté. Certes, ils abandonnent aussi, dans le meilleur des cas, les sentiments d’impuissance et de solitude qui l’accompagnaient. Ici encore, inutile de nier le deuil. Mieux vaut travailler sur ce qui le justifie, pour les élèves d’abord, mais aussi pour les adultes!

Peut-être est-ce le deuil le plus exorbitant pour tous ceux qui ont choisi l’enseignement pour donner un spectacle permanent à un groupe, pour être constamment au centre des événements, chef d’orchestre, leader charismatique, plaque tournante (Ranjard, 1984). Peut-être est-ce le deuil le plus facile pour tous ceux qui vivent l’affrontement avec le groupe comme une menace ou un conflit ininterrompu, une incertitude toujours recommencée quant à savoir qui l’emportera dans le rapport de forces. C’est probablement là où le contrat pédagogique est le plus dégradé qu’on acceptera le mieux de changer de rôle, de devenir organisateur, personne-ressource, maître de soutien, concepteur de moyens et de séquences didactiques gérés en partie sans l’enseignant, donneur de feed-back, négociateur de contrats, inspirateur d’envies et de projets, médiateur entre les élèves et d’autres sources d’information ou d’encadrement, plutôt que magister seul détenteur du savoir et du pouvoir dans la classe.

15/15 Cycles pédagogiques et projets d’écoles

Les cycles d’apprentissage2 ne valent que par leur potentiel d’individualisation des parcours de formation. L’individualisation des parcours de formation (Bautheir, Berbaum et Meirieu, 1993) va plus loin sur la voie de la différenciation. Elle exige bien entendu une rupture radicale avec l’enseignement frontal, mais elle oblige plus encore à se centrer sur l’apprenant – c’est de son parcours qu’il est question -, non seulement dans chaque situation d’apprentissage, comme le suggère la didactique moderne, mais dans la longue durée, pour prendre en compte son histoire de vie éducative, son cheminement au long des années. L’individualisation des parcours de formation exige un dispositif de régulation qui déborde chaque situation didactique et même le cadre de l’année scolaire. Les cycles pédagogiques offrent enfin cette possibilité : gérer les cheminements sur plusieurs années. Passer à côté de cette continuité, se borner à faire se succéder des pédagogies non concertées, aussi différenciées soient-elles, serait manquer le coche!

Pour individualiser les parcours de formation, il importe d’abord de saisir le cheminement de chacun, de repérer sa position, mais aussi sa trajectoire, son rythme, sa façon d’avancer ou les raisons d’un blocage des apprentissages. Puis il convient de réorienter l’apprenant vers d’autres activités, d’autres projets, d’autres niveaux, un autre contrat didactique. Observation et régulation ne sont pas deux étapes, deux actions bien distinctes. C’est souvent en cherchant à comprendre qu’on amorce une régulation : questionner l’apprenant, s’intéresser à lui et à son entourage, c’est déjà intervenir. À l’inverse, c’est en essayant quelque chose qu’on comprend certaines résistances, certaines erreurs.

L’observation et la régulation ne sont-elles pas des outils de base de toute action éducative? Pourquoi les cycles imposeraient-ils leur extension? Tout simplement parce que la formation des enseignants est sous cet angle assez pauvre. Perrenoud ne pense pas ici aux lecteurs assidus des Cahiers pédagogiques, ou d’ouvrages sur les pédagogies différenciées, l’évaluation formatrice ou formative, l’aide méthodologique, les didactiques novatrices. Il pense aux enseignants qui ne font pas partie de mouvements pédagogiques, ne lisent guère de journaux professionnels ou de livres de sciences de l’éducation,

fréquentent peu la formation continue. Ce sont eux – le plus grand nombre – qui feront des cycles le meilleur ou le pire. Pour en faire le meilleur, ils ne pourront se satisfaire des outils d’observation formative dont ils disposent aujourd’hui.

Aller vers des parcours individualisés, c’est construire un cursus «sur mesure», donc favoriser une transposition didactique originale, sinon pour chaque élève, du moins pour chaque famille d’apprenants provisoirement semblables du fait de leur niveau, de leurs besoins ou de leur projet de formation, de leur rythme de progression, de leur façon de s’approprier les connaissances ou de construire des compétences. L’enseignement programmé des années soixante n’autorisait, comme son nom l’indique, que des progressions individuelles dans un réseau de séquences pensées d’avance. Gérer des parcours individualisés, c’est faire un pas de plus, c’est construire des cheminements au fur et à mesure, à partir des besoins et des acquis des apprenants, plutôt que de les aiguiller vers des itinéraires balisés. L’individualisation n’est pas un but en soi : lorsqu’un cheminement qui a fait ses preuves convient à plusieurs apprenants, pourquoi ne le suivraient-ils pas de concert?

Il faut de nouveaux outils pour penser les objectifs, les contenus, les situations et les séquences didactiques, les cheminements individuels, leurs point communs et leurs différences, et d’autres outils pour aiguiller régulièrement les apprenants vers d’autres niveaux, d’autres groupes, d’autres activités. La force des groupements stables, c’est que les décisions d’orientation se prennent une fois par année, sur la base d’un bilan global. Dans les cycles pédagogiques, il faut apprendre à multiplier les groupes de niveaux, de besoins, de projets, à les recomposer, à faire circuler les élèves l’un à l’autre.

__________2 Voir texte original p. 158-161 (retour au texte)

16/16 Apprendre à travailler ensemble

Observation et régulation passent pas la communication pédagogique classique entre enseignants et apprenants. Mais il ne s’agit pas seulement de communiquer à propos des tâches et des processus d’apprentissage, mais des objectifs, du contrat didactique, des projets, des modes d’organisation, de décision, de planification, aussi bien entre enseignants qu’avec les élèves et leurs parents3.

Mieux vaudrait reconnaître que le travail en équipe est extrêmement difficile et que négocier un projet d’école et le faire vivre sont des défis aux organisations scolaires. Perrenoud a distingué (1993,1994) trois façons de vivre en équipe pédagogique :

1. les pseudo-équipes, qui se constituent pour se partager un crédit ou des espaces supplémentaires, les forces d’un maître d’appui ou d’un spécialiste, bref, conclure un arrangement intéressant;

2. les équipes lago sensu, qui s’en tiennent à des échanges sur les idées ou les pratiques des uns et des autres; l’équipe est pour chacun de ses membres un environnement stimulant, qui donne des idées, du courage, des envies, des pistes concrètes, de l’aide;

3. les équipes stricto sensu qui, au-delà des arrangements matériels ou des pratiques d’échanges, sont formées de personnes qui agissent véritablement ensemble, se constituent en un système d’action collective, chacun renonçant volontairement (sinon sans ambivalence) à une part de son autonomie.

Le travail en équipe4 n’est pas un remède miracle. D’abord parce qu’il exige un immense effort d’ouverture, de remise en cause, de patience, d’écoute pour devenir «payant». Pour accepter de dévoiler son fonctionnement relationnel, son rapport au pouvoir, à la déviance,

à l’ordre, au chahut possible, au savoir et à l’erreur, il faut un immense courage, une grande maturité et une vraie réciprocité. Il serait léger d’inviter les enseignants à travailler en équipe en minimisant les risques de l’entreprise. À ne pas reconnaître les difficultés, on cautionne de pseudo-équipes, qui limitent les échanges aux zones rassurantes des convictions et des discours décontextualisés.

__________3 Voir le texte original p. 163-167 (retour au texte)4 Voir le texte original p. 172-176

17/17 Le métier d’enseignant

Lorsqu’on est enseignant, on construit son identité sur un rapport intime et positif à la culture générale et aux savoirs5 grâce auxquels on a accédé aux études longues et à une formation universitaire ou voisine, donc atteint à une position relativement enviable dans la division du travail. Comprendre que ce rapport aux savoirs n’est pas «naturel» exige une forme d’ascèse, de travail de décentration, de relativisation de tout ce à quoi on croit, de ce dont on se sent fait.

Quand les adultes cesseront-ils d’avoir la mémoire courte, quand reconnaîtront-ils qu’ils ont appris ce qu’ils savent non pour «réussir dans la vie», ni même pour obtenir de bons résultats scolaires, mais parce qu’ils trouvaient l’enseignant sympathique et juste, parce qu’ils avaient envie d’être aimés, se piquaient au jeu, tenaient à leur argent de poche, avaient peur d’être grondés, ou encore parce que leur meilleur copain s’intéressait à telle discipline ou qu’ils voulaient briller, séduire, impressionner les adultes ou leurs camarades. Lorsqu’on a admis que nombre d’entre nous apprennent pour diverses raisons, on peut commencer à comprendre que tous les mobiles ne se valent pas, pour des raisons éthiques et éducatives, et aussi parce qu’ils préparent inégalement au transfert des connaissances, à leur véritable appropriation, à leur réinvestissement dans de nouvelles situations d’apprentissage ou d’action.

À la source de l’échec scolaire, il y a souvent le rejet d’une personne. Rejet parfois de la culture6, des goûts, de l’éducation, des manières d’être de l’élève, donc du milieu dont il est issu. L’approche anthropologique et psychosociologique de la distance culturelle n’invalide pas l’approche psychanalytique de la distance personnelle. Inviter à un changement du rapport aux personnes et aux familles n’est pas faire appel à la vertu ou à l’héroïsme de chacun. Il importe plutôt de reconnaître notre extrême difficulté à tous d’accepter spontanément la différence et d’y travailler en formation professionnelle.

Qui va mettre en œuvre la métacognition, la gestion mentale, les ateliers logiques, le développement instrumental, le traitement de l’erreur, l’apprentissage de l’abstraction, les neurosciences, les didactiques disciplinaires de pointe? Les enseignants, bien entendu. Suffit-il de les informer, de les former, de les nantir de guides et d’outils? Il faut former7 les enseignants à devenir des praticiens réfléchis plutôt que des exécutants qualifiés. Dans un métier confronté à l’autre et à la complexité, seuls les praticiens en situation ont tous les éléments pour construire une réponse adaptée, optimale. On ne servira jamais mieux la démocratisation de l’enseignement qu’en travaillant à une professionnalisation accrue du métier d’enseignant.

__________5 Voir texte original p. 176-178 (retour au texte)6 Voir texte original p. 178-179 (retour au texte)7 Voir texte original p 181-182

Astolfi, Jean Pierre, L’école pour apprendre.ESF, 1992

1/1 Résumé

Dans cet ouvrage, l’auteur examine les moyens que les élèves retiennent pour faire face aux questions scolaires et aux stratégies qui les amènent progressivement au résultat attendu.

À partir de ce constat, Astolfi propose, entre autres, de construire des dispositifs didactiques et des situations d’apprentissages à objectif-obstacle.

S’appuyant sur une éthique reposant sur le postulat d’éducabilité, l’auteur retient la différenciation comme une nécessité pédagogique.

2/2 L’élève face aux questions scolaires.

On entend dire, et on dit soi-même, que les élèves ne sont guère attentifs, qu’ils répondent «n’importe quoi», aux questions qu’on leur pose. Pourtant, chaque examen approfondi d’une séquence didactique manifeste le contraire. Ce qui frappe, c’est la fréquence avec laquelle ils développent des stratégies de réussite pour répondre, autant que faire se peut, de façon correcte et appropriée. Mais répondre quoi, au juste? C’est souvent leur problème essentiel.

On ne voit pas assez à quel point les élèves consacrent une part importante du temps scolaire à s’efforcer de décoder ce que l’enseignant attend d’eux. Ils mobilisent beaucoup d’énergie à chercher à comprendre «ce qu’on leur veut» et chacun tente de s’y adapter. Le plus souvent, ils ne disposent que de moyens indirects pour comprendre ce qui est conceptuellement en jeu, à travers le questionnement. Et de nombreux dialogues de classe peuvent s’interpréter comme des tentatives des élèves, plus ou moins adroites, plus ou moins fructueuses, pour résoudre ce qui leur apparaît d’abord, à eux, comme une énigme.

Il est particulièrement significatif et important pour notre propos de voir comment les élèves arrivent progressivement au résultat attendu. L’énigme s’élucide peu à peu, au fil des interactions entre les questions et les réponses. Mais ce qu’il faut surtout noter, c’est que ce décodage des indices s’effectue de manière externe par rapport à la tâche conceptuelle. On peut voir que les éléments prélevés lors des interactions verbales concernent (ce que Philippe Meirieu a joliment appelé la «stratégie du sourcil») beaucoup plus que ses dimensions notionnelles. La réponse attendue peut être finalement prononcée, mais sans que se soit vraiment affinée la notion d’énergie!

On a déjà indiqué à quel point la conviction largement partagée des enseignants, selon laquelle les élèves n’écoutent pas, se trouve battue en brèche par l’examen précis des décryptages de séquences. Le problème est plutôt que, si les enseignants ne se rendent guère compte de cette recherche attentive d’indices, c’est parce qu’ils sont d’abord centrés sur leur projet de «faire avancer» le cours et de respecter les contraintes du temps didactique. Ils ne perçoivent ce que disent les élèves qu’en fonction de l’écart à ce projet, quand les élèves eux, se servent de ce qui se dit pour déterminer le but qu’il leur faut découvrir.

3/3 L'effet TGV

L’effet TGV, expression retenue par Astolfi, donne tout son sens à ce qu’il a développé, relativement au mode de réponse externe des élèves, indépendamment du contenu réel des questions qu’on leur pose. Une bonne partie de l’activité scolaire consiste ainsi, pour l’élève, à parier à grande vitesse sur les réponses plausibles, en prenant appui sur tout ce qui s’est préalablement dit.

La conduite de toute leçon est un compromis entre deux exigences contradictoires. Le maître doit aller de l’avant pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé, mais il doit en même temps veiller à ce qu’un maximum d’élèves le suivent. Les questions qu’il pose oscillent entre ces deux fonctions. Autrement dit, enseigner c’est une sorte de course contre la montre, les yeux restant rivés sur le rétroviseur. Cette nécessité explique les caractéristiques du dialogue scolaire, lequel oscille ainsi entre l’axe de la progression (où le maître sélectionne parmi les réponses celle qui lui permet le mieux d’avancer) et l’axe de la vérification (qui permet d’effectuer les cadrages nécessaires).

Il apparaît que le statut si ambigu des questions scolaires est, pour une part constitutif de la situation didactique elle-même et que, d’autre part, il témoigne de la complexité des processus en cause. De ce point de vue, il faut bien dire que l’accumulation des questions et leur réponse, plus devinée que construite, constitue un obstacle à des apprentissages véritables. Dans bien des cas, la classe dialoguée est aujourd’hui devenue le nouvel habit du cours magistral. Une participation plus active des élèves est acquise, mais cela ne va pas nécessairement de pair avec une transformation de l’économie des savoirs.

4/4 Activités didactiques au bas niveau taxonomique

L’usage des objectifs met en évidence une autre caractéristique des savoir scolaires : l’écrasante proportion d’activités didactiques mettant en œuvre les niveaux taxonomiques les plus bas. On connaît la «mode des objectifs» qui a déferlé sur l’enseignement voilà quinze ans, la plus célèbre mondialement étant celle de Bloom et de son équipe. Celle-ci hiérarchise six niveaux d’objectifs, graduant les opération mentales des plus factuelles aux plus conceptuelles.

Alors que les intentions pédagogiques explicites des enseignants sont majoritairement exprimées de façon ambitieuse (développer l’esprit critique ou les capacités de synthèse), les comportements que l’on observe en analysant les séquences didactiques réelles, relèvent principalement de ce que Bloom appelle la connaissance (connaissance de faits particuliers ou de terminologie) et la compréhension. Les opérations de rang supérieur (application, analyse, synthèse) n’apparaissent plus que de façon beaucoup plus épisodique.

Nous aurons à reprendre plus loin les modalités et les conditions pour que les apprentissages scolaires puissent vraiment prétendre au conceptuel et au théorique, et nous ne prétendrons pas que cela soit facile, loin de là. Mais il nous faut bien noter dès à présent que les tentatives faites dans ce sens ne sont généralement pas critiquées pour leurs limites ou leur caractère partiel (ce dont nous pourrions convenir, en appelant au développement de travaux complémentaires). Elles se trouvent plutôt écartées d’un revers de main, par ceux-là mêmes qui défendent les contenus de haut niveau et la valeur culturelle de la formation scolaire, ce qui ne laisse pas de surprendre. Tout cela témoigne, au fond, d’un certain type de rapport au savoir, d’une épistémologie particulière à l’école, distante de celle qui a cours dans les disciplines de référence. Finalement, une sorte de représentation sociale de ce qu’est le savoir se trouve assez largement partagée par les enseignants et certaines élites culturelles du pays : mais elle n’est conforme, ni aux données contemporaines d’épistémologie ni aux acquis récents de la psychologie cognitive.

On peut faire l’hypothèse que de nombreux élèves (et, d’ailleurs, pas nécessairement les meilleurs) souffrent du fait que les contenus enseignés manquent d’enjeu conceptuel, de défi intellectuel. Ils se trouvent souvent placés face à des activités routinières où ils ne perçoivent (à tort) que des re-formulations de ce qu’ils croient déjà savoir et ils ne trouvent là-dedans rien qui soit vraiment motivant. La motivation, leitmotiv des enseignants, est trop souvent recherchée d’une façon externe (comment motiver les élèves?), alors que c’est l’intérêt conceptuel même des activités disciplinaires qui devrait être le moteur. On peut penser que ce sont plutôt les meilleurs élèves (socialement situés) qui sont les mieux à même d’accepter le caractère gratuit d’une activité ainsi stéréotypée et d’en accepter le jeu formel.

5/5 Une discipline, c’est d’abord un questionnement

Être théorique, ce n’est pas être abscons, donner dans le jargon ésotérique. Ce n’est pas proposer «d’en rajouter», comme si les élèves n’avaient déjà pas assez de mal, quand on s’efforce d’en rester au niveau du concret! Au contraire, pourrait-on dire. La conceptualisation, c’est ce qui peut aider les élèves à situer la diversité des informations parcellaires, à les hiérarchiser pour leur conférer du sens et, surtout, à les problématiser.

On tend à oublier qu’un énoncé est souvent la réponse à un problème; à oublier aussi qu’une discipline, c’est un ensemble de concepts qu’il a fallu développer pour savoir poser le problème, puis pour le résoudre. Or, le texte du savoir scolaire a trop souvent perdu la trace de ce questionnement originel et se présente sous de plates apparences descriptives, égrenant des vérités intangibles. Comme si les faits étaient les faits, ni plus ni moins, comme s’il suffisait de les recueillir avec rigueur…et de s’y soumettre.

Pourtant, on le sait bien aujourd’hui, ce qui fonde effectivement une discipline comme telle, ce n’est pas –seulement ni d’abord- son domaine d’extension, mais bien plutôt la nature des questions théoriques à partir desquelles elle questionne  le réel. Tout l’effort pour s’affranchir du vieux fonds positiviste et empiriste, converge sur cet acquis de l’épistémologie. En d’autres termes, la connaissance n’est pas cumulative, elle est bel et bien problématique. Il suffit de rappeler cette formule d’Edgar Morin : «Toujours montrer la relativité d’une connaissance, sa dépendance par rapport à l’observateur et aux conditions d’observation. Ne pas oublier qu’un grain de connaissance sur un plan peut se payer par une ignorance sur un autre. Ceci, c’est le produit de toute l’épistémologie moderne : on ne croit plus que la connaissance scientifique soit le reflet du monde. C’est en fait une production culturelle, une interprétation de l’esprit humain, à partir d’informations reçues du réel».

6/6 Les manuels

Or, tout cela apparaît bien étranger au mode de construction des manuels, à la façon dont sont structurées les leçons. Et l’on peut penser que si les élèves pouvaient se représenter leur résumé à apprendre comme une réponse à des questions (théoriques et pratiques) - au lieu qu’il leur apparaisse comme un simple listing d’éléments factuels, qu’il leur faut bien apprendre puisque les choses sont ainsi – son statut s’en trouverait amélioré. Revenons pour conclure et qui s’applique si bien au cas des manuels : ceux-ci ne proposent aux élèves que des savoirs propositionnels, c’est-à-dire une suite de contenus, d’où ont disparu toute hiérarchisation, toute modélisation, toute problématique.

Admettons que, en règle générale, les auteurs de manuels ( pas plus que les enseignants) ne sont guère sensibles à ces difficultés. Et cela ne résulte ni d’une quelconque déficience ni d’un refus de leur part : cela découle d’abord du fait qu’étant experts de leur domaine, ils ne parviennent plus à le voir avec les yeux du novice qu’est l’élève. Le savoir est pour eux déjà compacté, mis dans une certaine «forme», sans qu’ils soient à même de percevoir que celle-ci n’est compréhensible qu’à ceux qui savent déjà. On entend déjà la réplique des tenants de la tradition : que voulez-vous donc alors, des maîtres ignorants peut-être? Qui, ne sachant rien, ou pas trop, puissent davantage rester à l’écoute de leurs élèves? Là n’est en aucun cas la question. La question, c’est d’allier à une compétence disciplinaire – la plus solide possible, qui s’en plaindra? – une décentration suffisante, qui permette de comprendre les difficultés des élèves, de leur propre point de vue. Rappelons Bachelard quand il se déclarait frappé du fait que les enseignants «ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas», imaginant trop souvent «que l’esprit commence comme une leçon». Plus de cinquante ans ont passé, mais la question est toujours intacte.

7/7 Trois modèles pour enseigner

Nous présenterons, de façon contrastée, trois modèles1 principaux d’enseignement qui sous-tendent – consciemment ou implicitement – les pratiques enseignantes, avec toutes sortes de variantes qu’on peut imaginer. Chacun dispose d’une logique et d’une cohérence qu’il faudra

caractériser, mais aussi ses limites d’emploi qu’on s’efforcera de pointer. Surtout, chacun de ces modèles répond à des situations d’efficacité différentes.

La transmission. Dans ce modèle, la situation de l’élève est considérée de manière assez passive. Ce qu’on attend d’abord de lui, c’est qu’il adopte certaines attitudes face au travail, lesquelles sont décelables à travers les annotations traditionnellement portées sur les livrets scolaires : être attentif, être régulier dans le travail et l’effort, faire preuve de volonté, etc.

Le conditionnement. La pédagogie dite behavioriste a constitué une tentative forte pour échapper au modèle de transmission. Son idée centrale est qu’il faut considérer les structures mentales comme une boite noire à laquelle on n’a pas accès et qu’il est donc plus réaliste et efficace de s’intéresser aux «entrées» et aux «sorties» qu’aux processus eux-mêmes. L’enseignant s’attache alors à définir les connaissances à acquérir, non pas d’une manière «mentaliste» (en usant de termes comme compréhension, esprit d’analyse ou de synthèse…qui concernent ce qui se passe à l’intérieur de la fameuse boite noire) mais en termes de comportement observable attendu en fin d’apprentissage. Dans ce modèle behavioriste, l’apprentissage résulte d’une suite de conditionnements.

Le constructivisme. Le projet d’enseignement constructiviste en revient au «mentalisme» qu’avait cru pouvoir exclure le behaviorisme et il s’intéresse sur ce qui se passe dans la fameuse «boite noire», tout en conservant la centration principale sur l’élève apprenant. Ce qui différencie ce modèle des précédents, c’est le nouveau statut de l’erreur qu’on peut y lire. Celle-ci n’est plus considérée comme une déficience de la part de l’élève, ni même comme un défaut du programme. Elle est reconnue comme devant être mise au cœur du processus d’apprentissage.

__________1 Voir texte original p. 123-131 (retour au texte)

8/8 L’important c’est l’obstacle

Il est deux façons symétriques de ne pas mettre les élèves en situation d’apprendre : le retour de tâches répétitives, dépourvues d’attrait spéculatif, et l’imposition d’exigences irréalistes. Il arrive, qu’en classe, on passe sans transition d’un cas de figure à l’autre.

Plus souvent qu’on ne le pense, les élèves (sans qu’il s’agisse nécessairement des meilleurs) apprécieraient les vrais défis intellectuels à relever, ce qui les changerait de la monotonie scolaire.

L’idée d’objectif-obstacle2 s’inscrit dans cette recherche d’un entre-deux où l’activité intellectuelle puisse être stimulée au maximum.

Elle fait interagir deux termes qui d’ordinaire s’opposent, puisque l’obstacle est trop souvent pensé comme ce qui empêche d’atteindre l’objectif.

Mais l’athlète pourrait-il franchir le fil du saut en hauteur, s’il l’envisageait comme l’obstacle qui interdit son passage de l’autre côté?

Il faut donc conférer aux obstacles un caractère plus dynamique, en considérant leur franchissement comme les objectifs vrais de la formation.

Le problème est qu’actuellement, si l’on a des idées sur le «quoi enseigner», on est moins au clair sur les transformations intellectuelles à obtenir des élèves.

Cela empêche même de repérer leurs progrès effectifs, faute de disposer des outils pour les penser. Cette situation contribue à désinvestir les maîtres, souvent démobilisés par les effets pervers de la sociologie de la reproduction, et ainsi désinvestis de leur fonction et de leur identité propres.

C’est pourtant là une exigence décisive en termes de professionnalisation des enseignants. Et c’est là une condition indispensable pour penser la construction de situations didactiques efficaces.

__________2 Voir texte original p. 132-143

9/9 À la commande d’une séquence

Le processus d’apprentissage doit être pensé comme relevant de la complexité. C’est ce qui lui confère son caractère de paradoxe logique irréductible.

Il doit donc être didactiquement piloté d’une manière tout aussi complexe et cela suppose qu’on dispose d’une gamme possible de modes de commande3.

Or, la plupart des modélisations proposées ne décrivent qu’une seule modalité constructiviste, opposée à d’autres qui leur servent d’abord de faire valoir ou de repoussoir.

Cinq points de vue directeurs peuvent organiser prioritairement une séquence : une situation à explorer, des connaissances à acquérir, une méthode à maîtriser, un obstacle à franchir, une production à réussir.

Cette distinction n’est pas classificatoire, c’est un outil décisionnel. Dans chaque séquence, ces cinq aspects se combinent d’une manière spécifique, avec une importance et, surtout, une fonction, qui s’avèrent très différentes.

Il revient à l’enseignant de décider, au cas par cas, de la priorité qu’il opère et de ce qu’il laissera en position subordonnée. Et de repenser différemment la hiérarchisation dans une séquence suivante.

Le gain se situe alors sur un double plan. À défaut de choix explicites, une dominante personnelle tend à s’installer, aussi durable qu’invisible. Et, par conséquent, on conforte ainsi la monotonie des situations scolaires, en s’interdisant un levier de différenciation possible.

Ce qui vaut pour la logique générale de construction d’une séquence vaut également pour l’organisation du travail par groupes. Ses modalités sont nombreuses, chacune possédant sa logique propre, mais aussi sa dérive inscrite.

Il n’existe aucun dispositif absolu, seul un emploi alternatif raisonné étant, de fait possible, ce qui conforte la nécessité d’une différenciation.

__________3 Voir texte original p. 171-181

10/10 Des entrées pour différentier

La différenciation pédagogique4 fait système avec l’analyse conceptuelle, suivant un modèle en sablier, le temps didactique disponible restant constant.

Elle repose sur trois fondements indépendants mais convergents. Un enjeu de politique éducative d’abord. La différenciation est liée au souci de faire travailler ensemble des élèves de niveaux différents, au sein de groupes hétérogènes.

Elle prend appui d’autre part sur la diversité des systèmes personnels de pilotage de l’apprentissage, dont les travaux psychologiques ont montré de nombreuses composantes : auditifs-visuels, dépendance-indépendance du champ, réflexivité-impulsivité, etc.

De ce point de vue, la différenciation suppose une adaptation aux caractéristiques cognitives des élèves, mais tout autant qu’on leur permette d’enrichir la manière dont ils pilotent leur apprentissage.

C’est pourquoi la connaissance de ces variables-sujets fournit des entrées pour diversifier les dispositifs didactiques, beaucoup plus qu’un procédé qui catégoriserait les élèves.

Le troisième fondement de la différenciation, le plus décisif peut-être, est éthique. Il repose sur le postulat d’éducabilité qui conduit, par une attitude systématique, à rechercher inlassablement un chemin possible pour apprendre, là où jusqu’ici tout a échoué.

Une telle attitude, loin de correspondre à un déni du réel, ni à un volontarisme échevelé, est la seule qu’on puisse dire juste, car elle ouvre des possibles didactiques là où régnait à l’excès un «réalisme» défaitiste.Il suffit quelquefois d’une «je ne sais quoi» ou d’une «presque rien» pour faire basculer l’apprentissage.

__________4 Voir texte original p. 181-193

Abdoulaye Barry«Différenciation et diversification : clarification conceptuelle et enjeux», dans Vie

Pédagogique, no 130, fév.-mars 2004, p. 20-24.

1. Résumé

2. Différentiation vs diversification :

3. Différentiation vs diversification : (suite)

4. Tableau

5. Meirieu et la différentiation pédagogique :

6. Enjeux de la différentiation pédagogique :

1/1 Résumé

L’auteur signale dès le début de son article que la différenciation et la diversification sont à l’ordre du jour dans de nombreux pays. Le Québec n’y échappe pas et confie en ce sens à l’école la responsabilité et le devoir de rendre tous les élèves aptes à apprendre et à réussir un parcours scolaire ou à s’intégrer dans la société par la maîtrise de compétences professionnelles.

La différenciation pédagogique et la diversification de la formation figurent parmi les moyens retenus pour permettre à chaque élève de réussir un parcours scolaire.

Dans cet article, l’auteur tente d’apporter quelques réponses aux questions que soulèvent la différenciation et la diversification :

Quelle compréhension peut-on avoir de la différenciation et de la diversification?

Quels rapports ces concepts ont-ils avec l’exploration professionnelle et la formation professionnelle?

Dans le contexte particulier de l’éducation au Québec en pleine réforme, quels sont les enjeux liés à la différenciation et à la diversification?

2/2 Différentiation vs diversification :

L’idée de différenciation origine des travaux de Bloom portant sur la pédagogie de maîtrise.1 Contrairement à la pédagogie classique dite aussi traditionnelle, qui part des programmes « a priori » et prétend les enseigner de façon semblable à tous les élèves, la pédagogie de la maîtrise essaie de mettre les contenus des programmes à la portée des individus dont on connaît les caractéristiques cognitives et affectives avant l’acte pédagogique.

Dans la littérature, les concepts de différenciation2 et de diversification3, sont utilisés de façon univoque. Le concept de différenciation est utilisé en éducation, en biologie et en psychologie. Quant à la diversification, elle est surtout présentée comme le contraire de l’uniformisation, la mise en place des possibilités de choix de formation (profil, parcours, filière) ou de cheminement.

Pour sa part, Meirieu soutient que ces deux concepts appartiennent au même champ sémantique que l’individualisation. En suivi aux travaux de Schryve sur l’individualisation des apprentissages, trois axes peuvent être utilisés pour regrouper les formes de prise en compte des différences entre les élèves :

1. L’axe pédagogique et didactique (stratégies et activités d’apprentissage);

2. L’axe des contenus ou des programmes d’études;

3. L’axe de la structure (organisation de la formation).

Les axes de différenciation s’enchevêtrent : le choix de différencier selon un axe fait qu’il est nécessaire d’apporter des aménagements dans les autres axes. Ainsi, les choix effectués sur le plan pédagogique ou didactique suscitent des changements dans les autres axes, en particulier dans la structure qui demeure l’obstacle majeur à la différenciation pédagogique. D’autre part, le mode d’organisation de la formation et la contrainte de gestion du temps imposent souvent que l’on réajuste les choix pédagogiques. Dans tous les cas, on différencie les contenus et les pratiques pédagogiques pour permettre aux élèves de construire ou de choisir des cheminements scolaires ou professionnels adaptés à leurs besoins, aspirations et potentialités.

__________2 Consulter M. Huberman, (1988), Assurer la réussite des apprentissages scolaires?, les propositions de la pédagogie de maîtrise, Paris, Delachaux et Niestlé, : il s’agit d’un essai de réconciliation de la pédagogie de la maîtrise avec les approches constructivistes. (retour au texte)3 Plusieurs auteurs, dont Henripin (1999), Perraudeau (1997) et Legrand (1998) réfèrent à l’un ou l’autre concept pour les définir; consulter Vie pédagogique, no 130, Fév.-mars 2004, p. 20. (retour au texte)

3/3 Différentiation vs diversification : (suite)

Donc, la prise en compte des différences peut se faire par :

1. La différenciation pédagogique : mettre en place des mécanismes et des occasions multiples (contextes d’apprentissage variés, méthodes d’enseignement diverses, etc.) permettant à chaque élève de développer des compétences et d’acquérir des savoirs au moyen de stratégies d’apprentissage variées.

2. La différenciation par les contenus : varier les contenus de formation ou leur organisation afin que tous les élèves acquièrent les compétences déterminées

dans le programme d’études.

3. La diversification des parcours de formation : agir sur le temps, la structure ou l’organisation de la formation pour permettre à chaque élève de faire les apprentissages déterminés dans le programme.

La prise en compte des différences peut se faire selon deux modes :

1. Différencier les objectifs de formation tout en les adaptant aux possibilités et aux centres d’intérêt des élèves;

2. Viser à donner à tous les meilleures chances d’apprendre et d’atteindre les mêmes objectifs.

Selon Meirieu (1995), il ne faut pas respecter les différences, mais en tenir compte. À noter que dans le second mode, c’est-à-dire celui qui a cours dans l’enseignement primaire et secondaire au Québec, on différencie les stratégies, les modes et les contenus de formation ou on diversifie les cheminements en maintenant les mêmes compétences pour tous : les élèves peuvent atteindre des performances différentes, mais les compétences visées sont les mêmes.

4/4 Tableau

Synthèse de l'utilisation des concepts de différentiationet de diversification dans la littérature

Différentiation Diversification Pédagogie différenciée (Perrenoud, 1997;Meirieu, 1991; Legrandi, 1998)

Pédagogie de la maîtrise (Perrenoud, 1997;Meirieu, 1991)

Différenciation pédagogique (Perraudeau, 1997)

Approches pédagogiques différenciées (CSE, 1999)

Cycles d’apprentissage (CSE, 1999;Perrenoud, 1991, Fresne, 1994)École à vocation internationale

Diversification des approches et des pratiques (CSE, 1989)

Différenciation des programmesProgrammes différenciés (allégés ou enrichis)Programmes d’études optionnels (CPE, 1998)

Différenciation par le contexte de réalisation (CPE, 2002)

Programme intermédiaire (CPE, 1999)(Wandflush et Perrenoud, 1999)

Options à l’intérieur d’un programme (CSE, 1999)

Options enrichies ou de rattrapage (CSE, 1999)

Options d’insertion professionnelle (CSE, 1999)

Diversification des contenus (CSE, 1989)

Cours à option valorisants (CSE, 1989)

Différenciation des carrières scolaires(Duru-Bellat, 1998)

Filières enrichies ou de rattrapage

Filières d’insertion

Cycles d’apprentissage ou de formation(CSE, 1999)

Diversification des parcours

Écoles à vocation internationale

Regroupement diversifié des élèves

Diversification des filières

Diversification des cheminements (MÉQ, 1997; GPR, 1999)

Cheminements différenciés (MÉQ, 1997; CSE, 1999; CPE, 2000)

Diversification du secteur des classes spécialisées (CSE, 1999)

Structures d’accueil pour enfants d’immigrants (Perrenoud,

1997)

Sans couvrir tous les auteurs qui traitent du sujet, ce tableau illustre tout de même le sens qui est donné à la différenciation et à la diversification dans la littérature; la différenciation porte plus sur l’axe pédagogique et sur l’axe des contenus; elle consiste à mettre en place des dispositifs pédagogiques et didactiques, à faire des interventions éducatives et à favoriser des interactions qui accroissent les chances, pour chaque élève, de se trouver dans une situation productrice d’apprentissages essentiels, tels ceux définis dans les programmes d’études.

Quant à la diversification, elle porte davantage sur l’axe de la structure, conçue en termes d’aménagements effectués dans la structure ou l’organisation de la formation pour tenir compte des centres d’intérêt et des potentialités des élèves. Comme exemples : varier les parcours scolaires en réaménageant les filières et le temps de formation, répartir les élèves en groupes à la suite d’un diagnostic.

5/5 Meirieu et la différentiation pédagogique :

Au même titre que la pédagogie de projet, le principe de différenciation cherche à dynamiser l’acte pédagogique et le système éducatif en se centrant sur les élèves et en les impliquant davantage dans leur apprentissage.

Il s’agit pour Meirieu d’une méthodologie d’enseignement qui, pour s’adapter à des groupes hétérogènes d’élèves, pour prendre en compte les différences d’apprentissage entre élèves, diversifie et multiplie la gestion des apprentissages à trois niveaux :

par des contenus différents;

par des structures, des groupements d’élèves divers;

par des itinéraires d’apprentissage ou processus variés.

Essentiellement, cette méthodologie, selon Meirieu,4 consiste à multiplier et diversifier les itinéraires d’apprentissage en fonction des différences de connaissances, de profils, de cultures et centres d’intérêt des élèves et donc de diversifier les pratiques pédagogiques en les recentrant sur l’apprentissage, sur une gestion différenciée des apprentissages. Opter pour la différenciation pédagogique, c’est choisir de mettre en place des structures variées et souples. C’est instaurer une « dynamique », des structures d’aide au travail personnel de l’élève. C’est la mise en œuvre de cette dynamique que préconise Meirieu dans tous ces écrits sur le sujet : prendre en compte l’élève avec ses ressources propres dans le processus d’apprentissage pour l’aider à atteindre un objectif d’apprentissage commun à tous. Il s’agit, par la mise en place de structures, de situations, d’outils variés, de contenus différents, … de créer une dynamique qui permette de gérer de façon différenciée les apprentissages de chacun.

Pour Meirieu, apprendre c’est « avoir un projet, mettre en œuvre une ou des opérations mentales, négocier cette opération mentale avec la stratégie la plus efficace. » La différenciation pédagogique va donc nécessiter une organisation du temps scolaire en grand groupe hétérogène et un temps en groupes « de besoins », groupes ciblés, modulables qui répartit les élèves selon des besoins d’apprentissage identifiés pour un temps donné.

__________4 Consulter Philippe Meirieu, Une pédagogie centrée sur l’apprenant et les moyens d’apprendre, Lyon, 1991, p. 76.

6/6 Enjeux de la différentiation pédagogique :

La différenciation pédagogique vise à reconnaître les différences chez les élèves et à proposer des stratégies et des activités permettant à chacun de développer, au mieux de ses potentialités, les compétences déterminées dans les programmes d’études.5 Lorsqu’il s’agit de l’appliquer en salle de classe, ce principe se heurte immanquablement à toutes sortes de difficultés concrètes; et c’est là qu’interviennent la formation et l’engagement des enseignants et la souplesse dans l’organisation scolaire.

En ce qui a trait à la formation des enseignants, en l’absence de pratiques codifiées, il faut un personnel enseignant qualifié qui s’approprie les concepts fondamentaux de la différenciation pédagogique et qui crée et fasse évoluer ses propres modèles par la collaboration.6

Il faut également une formation qui permette à l’enseignante ou l’enseignant d’assurer la régulation interactive en situation et l’évaluation formative fondée sur une observation continue des élèves au travail, et ce, sans nécessairement donner lieu dans la classe à une série de relations duales élève-enseignant.

L’enjeu est donc triple pour les enseignants :

1. Apprendre à reconnaître les lacunes et les difficultés des élèves sans les dévaloriser ni les enfermer dans leur état provisoire de connaissances;

2. Apprendre à établir des collaborations avec ses pairs et mettre à profit ces différentes interactions dans sa pratique quotidienne;

3. Établir des liens humains et éducatifs avec ses élèves, car la différenciation ne peut pas se comprendre d’un point de vue strictement cognitif.7

Sur le plan de l’engagement, la différenciation pédagogique conduit les enseignants à renoncer à un ensemble de pratiques fort commodes et bien ancrées dans leur routine journalière et annuelle : cela peut nécessiter plus d’efforts et d’organisation de leur part.

La différenciation pédagogique dans la classe nécessite également l’autonomie de l’enseignant8 dans sa classe et une réappropriation du temps. Dans une école où l’ensemble des décisions pédagogiques est centralisé au niveau de la direction, le travail de différenciation effectué en classe peut être compromis..

__________5 Programme d’études, consulter M.É.Q., (1997), L’école, tout un programme. Énoncé de politique éducative., Québec, 350 pages. (retour au texte)6 Pour plus d’explications, consulter le texte de Philippe Perrenoud, «Où vont les pédagogies différenciées?

 

Vers l’individualisation du curriculum et des parcours de formation», (En ligne), 1996, (retour au texte)7 Consulter le texte de P. Perrenoud déjà cité.8 Autonomie de l’enseignant(e) : consulter L’avis du C.S.E. (2001) sur l’aménagement du temps cerne bien la nécessité de s’approprier le temps de formation pour accroître l’autonomie et la responsabilité de l’enseignant : C.S.E., Aménager le temps autrement : une responsabilité de l’école secondaire, Avis du ministère de l’Éducation, Québec, 2002, 78 pages.

Benjamin BloomMastery Learning, in James Block H., Theory and Practice, with Selected Papers by B. J .

Bloom, New York : Holt, Rinehart & Winston.

1. Résumé

2. Une définition

3. Démarche proposée

4. Son efficacité

5. Les conditions d'utilisation

6. En conclusion

La pédagogie de la maîtrise (mastery learning) a été mise au point dans les années 1970 par l’américain Benjamin Bloom et décrite comme une des quatre approches favorables à l’implantation d’un curriculum construit selon des règles plus exigeantes, les autres étant l’enseignement programmé, l’éducation centrée sur la compétence et l’éducation centrée sur le résultat souhaité. Dans le résumé qui suit, nous décrirons et caractériserons la pédagogie de la maîtrise afin de faciliter sa compréhension et les liens qui la relient à la pédagogie différenciée.

2/2 Une définition

Au cours des années 1970 et 1980, peu de projets ont soulevé autant d’intérêt chez les enseignants que ceux ayant comme base « la pédagogie de la maîtrise »1 : celle-ci est appliquée un peu partout dans le monde, dans tous les ordres d’enseignement.

Pour Bloom, la pédagogie de la maîtrise n’est rien d’autre qu’une forme – redécouverte – de bon enseignement qui n’exige ni la réforme des programmes, ni l’abandon de l’enseignement collectif, ni la modification du calendrier scolaire, ni des changements architecturaux aux classes et aux écoles, ni la révision du ratio maître-élèves.

Son modèle est élaboré autour du concept du temps et peut se résumer ainsi : le degré d’apprentissage atteint par un élève est fonction du temps que l’élève consacre à son apprentissage par rapport à celui qui est requis pour cet apprentissage. On comprend alors que la matière à apprendre demeure stable et que le temps pour la maîtriser devient, contrairement à ce qui se passe généralement dans nos écoles, une variable.

Essentiellement, la pédagogie de la maîtrise a comme objectif la maîtrise par tous les élèves de certaines habiletés et connaissances et par presque tous la maîtrise de ces connaissances et de ces habiletés au niveau jugé souhaitable. Selon Guskey2, elle se définit donc principalement comme une stratégie d’enseignement.

__________1 Voir texte original p. 83-85.2 GUSKEY, T. R., (1994), Outcome-Based Education and Mastery Learning. Clarifiyng the Differences, New-Orleans, April, 19 pages, ERIC 368770, p. 14.

3/3 Démarche proposée

Il existe plusieurs façons de tisser la démarche de la pédagogie de la maîtrise. Voici les quatre éléments fondamentaux :

1. Avant de commencer à enseigner quelque chose à un élève, on cherche à connaître avec une certaine précision ce qu’il sait et est capable de faire.

2. La matière à enseigner est répartie en unités restreintes et organisée en fonction de ce diagnostic initial ou, tout au moins, adapté en fonction de ce diagnostic.

3. L’enseignement lui-même est effectué en fonction d’objectifs d’apprentissage intermédiaires et terminaux clairement déterminés.

4. L’évaluation de l’apprentissage est fréquente et étroitement reliée à la matière enseignée. Si, compte tenu des critères fixés au préalable, les résultats obtenus ne sont pas satisfaisants, des mesures sont immédiatement prises en vue de corriger les lacunes constatées. On fait alors appel à des ressources et à des stratégies différentes. Notons que les résultats de l’évaluation peuvent conduire à proposer à l’élève des unités d’apprentissage plus exigeantes.

En somme, l’une des caractéristiques essentielles de la pédagogie de la maîtrise est à l’effet que tous les éléments qui la définissent constituent un ensemble synergique ou, pour reprendre le terme de Guskey3, une congruence. Ainsi, dans une telle classe, la rétroaction transmise aux élèves doit toujours être en harmonie avec les objectifs d’apprentissage prévus et les moyens utilisés pour évaluer les apprentissages faits.

__________3 Guskey, T. R., Op. Cit., p. 101-103.

4/4 Son efficacité

Sans conteste, les nombreuses recherches menées par Bloom et ses collaborateurs ont permis d’obtenir les résultats suivants :

la pédagogie de la maîtrise est plus efficace que la pédagogie « traditionnelle » caractéristique de l’enseignement collectif;

l’efficacité de cette forme d’enseignement est telle qu’environ 80 % des élèves réussissent à atteindre un niveau de rendement scolaire que seulement 20 % supérieur des apprenants atteint dans l’enseignement ordinaire;

le travail supplémentaire requis des apprenants en situation de pédagogie de la maîtrise équivaut à 10 % ou 15 % du temps que les élèves des classes ordinaires consacrent à leurs études. Toutefois, ce temps supplémentaire de travail n’est exigé que des élèves qui en ont besoin et pris généralement en dehors des heures normales de classe;

en situation de pédagogie de la maîtrise, les élèves développent des attitudes et des habitudes d’entraide et de coopération;

l’enseignement par les pairs qui résulte de cette entraide s’avère l’une des formes les plus efficaces d’enseignement individualisé;

les différences de rythme d’apprentissage entre les élèves lents et les élèves rapides s’amenuisent et tendent à disparaître si la pédagogie de la maîtrise est utilisée tout au cours d’une série assez longue d’unités d’enseignement;

d’une unité d’enseignement à l’autre, de moins en moins d’élèves ont besoin de mesures d’aide individualisées, et le temps requis par ces mesures correctives est de plus en plus court;

lors d’une utilisation sur une grande échelle, les élèves semblent faire des progrès majeurs dans ce domaine encore mal défini qu’on appelle « apprendre à apprendre » : ils gèrent et utilisent mieux leur temps de classe, identifient mieux leurs lacunes, sont plus efficaces dans la recherche des moyens de récupération;

en pédagogie de la maîtrise, l’expérience du succès augmente chez l’élève la confiance en soi et éveille chez lui un plus grand intérêt et pour les matières scolaires et pour l’apprentissage en soi.

5/5 Les conditions d'utilisation

Il serait hasardeux de croire qu’un enseignant peut utiliser la pédagogie de la maîtrise du jour au lendemain. En fait, il devrait remplir certaines conditions jugées importantes :

1. Il doit avoir appris à déterminer clairement les objectifs qu’il poursuit dans son enseignement et l’ordre selon lequel ces objectifs seront atteints.

2. L’enseignant doit posséder les tests diagnostiques correspondant à chacun des objectifs du programme.

3. L’enseignant doit disposer du matériel pédagogique pour répondre aux besoins individuels des élèves tels que révélés par les tests diagnostiques; les travaux de révision en équipe et l’enseignement par les pairs ne peuvent suffire à eux seuls à répondre à tous les besoins. Et il serait illusoire de croire que l’enseignant eu égard à une tâche déjà fort lourde, pourra lui-même faire du tutorat ou enseigner en soutien à des sous-groupes en dehors des heures normales de classe. Du matériel didactique supplémentaire s’avère essentiel… Idéalement l’entreprise sera plus viable si l’enseignant peut bénéficier de l’apport d’un conseiller pédagogique ou de la collaboration d’autres enseignants ou d’une équipe d’enseignants ressources d’autres écoles.

En somme, si la pédagogie de la maîtrise intègre plusieurs des façons de faire de la pédagogie traditionnelle (pour récupérer des élèves faibles), elle ne peut se satisfaire d’une préparation de classe faite à la petite semaine, mais exige que tout soit prêt avant que ne commence une étape, un semestre ou une année scolaire.

6/6 En conclusion

Nous avons passé sous silence toutes les questions et querelles idéologiques qu’a suscitées et que soulève encore le mouvement de la pédagogie de la maîtrise, mais nous sommes conscients que de telles questions se posent avec encore plus d’acuité dans le contexte de la réforme des programmes et d’une pédagogie différenciée.

Il est évident que la pédagogie de la maîtrise, au même titre qu’une éducation centrée sur la compétence, que l’enseignement programmé ou qu’une éducation centrée sur la maîtrise des apprentissages, a fort contribué au renouvellement profond de l’évaluation de l’apprentissage** des élèves au cours des dernières années; cette contribution a porté notamment sur la signification même de l’évaluation de l’apprentissage, sa relation avec les contenus de formation et les formes concrètes qu’elle emprunte. Étant donné le genre de découpage du savoir auquel la pédagogie de la maîtrise s’astreint comme façon de faire, on a tendance à accorder peu d’attention aux ensembles plus vastes à l’intérieur desquels se situe ce savoir.

Aussi, dans le cadre du nouveau programme, renforcé en cela par une politique d’évaluation des apprentissages congruente, ce qu’on cherche à évaluer, c’est bien davantage ce qu’un élève peut faire que ce qu’il sait au sujet de ce qui doit être fait.

R. CharnayÀ propos de la mise en place des cycles à l’école primaire – APPROCHE DIDACTIQUE,

Grand « N », no 49

1. Résumé

2. Connaître « l’état de savoir »

3. Introduire des mécanismes de différenciation

4. Conclusion

La notion de cycle est une notion pédagogique fonctionnelle étroitement liée à l’évolution de l’apprentissage de chaque enfant et à l’évaluation de ses acquis. À travers un nouveau découpage de la scolarité en cycles, l’auteur cherche à mettre en évidence des solutions à des problèmes pédagogiques : les questions d’organisation scolaire doivent être au service de ces solutions… et non l’inverse!Dans son texte, l’auteur privilégie une approche didactique pour indiquer quelques grandes directions d’étude et fournir des pistes de travail aux enseignants.

De façon plus particulière, pour l’enseignement des mathématiques, Charnay propose qu’au cours de chaque cycle on envisage cette problématique des cycles selon trois directions :

une plus grande cohérence dans leur action pédagogique, dans leurs pratiques d’enseignement, dans leurs attentes vis-à-vis des élèves;

une meilleure continuité dans l’approche et le développement des savoirs enseignés;

une plus grande différenciation dans la gestion des apprentissages des élèves.

Le résumé suivant ne traite que de la troisième direction, soit la différenciation1 dans la gestion des apprentissages, affirmant d’entrée de jeu que tous les élèves n’apprennent pas les mêmes choses en même temps, ni au même rythme.

Il propose deux grandes directions de travail : connaître « l’état de savoir » et introduire des mécanismes de différenciation.

__________1 Voir texte original p. 66-68

2/2 Connaître « l’état de savoir »

Pour connaître « l’état de savoir » des élèves à un moment donné, il s’agit non seulement de savoir ce que font les élèves, mais surtout comment ils le font (en particulier comment ils produisent une réponse erronée) et, si possible, pourquoi ils le font. Dans cette perspective, il s’agit :

1. d’observer, soit au moyen d’outils d’évaluation construits spécifiquement, soit également à travers l’analyse des productions courantes (notamment des brouillons), le recours à des entretiens individuels, pour chercher à mieux comprendre comment l’élève « fonctionne » dans telle activité, …

2. d’analyser et de comprendre : c’est en effet surtout l’analyse des erreurs, la recherche du fonctionnement de l’élève dans la production de ses réponses, celle de la cause de ce fonctionnement qui permettront les interventions appropriées.

3/3 Introduire des mécanismes de différenciation

Introduire des mécanismes de différenciation n’implique pas forcément, à tout moment, des modifications dans l’organisation de la classe. Dans un esprit de simplification et de « réalisme », l’auteur propose trois formes de différenciation.

1. La différenciation « par les procédures »

Il s’agit, pour l’enseignant, d’accepter (et de valoriser) le fait que, dans certaines activités (par exemple la résolution d’un problème), chacun réponde avec sa propre solution, ses propres procédures, sans forcément établir de hiérarchie entre les solutions. L’inventaire, la confrontation des procédures, les « ponts » que les élèves et l’enseignant pourront établir lors d’une mise en commun sera une occasion de progrès pour certains; il n’y a plus alors la bonne solution (celle que le maître attendait!), mais des solutions qui sont reconnues et prises en compte. L’idée de mise en commun, d’échanges, de débats s’oppose alors à celle de correction. L’opposition en fait porte sur ce qu’on pense être les ressorts de l’apprentissage : dans le premier cas, on table sur les interactions entre pairs, sur la confrontation des solutions pour provoquer un apprentissage; dans le second cas, on espère qu’en exposant et en expliquant la « bonne solution », on permettra son appropriation par les élèves. Elle porte également sur la tolérance qu’on peut avoir vis-à-vis de telle ou telle forme de solution, sur le fait de considérer ou non que tous les élèves doivent avoir accès aux mêmes solutions au même moment. Ce qui ne manquera pas d’avoir un effet en retour sur la perception par l’élève du contrat, de ce qu’il a le droit d’utiliser et de produire : s’agit-il de répondre au problème posé, à partir de la représentation que je m’en fais et en utilisant les moyens et les connaissances que je pense utiles ici et qui sont disponibles pour moi… ou bien s’agit-il de trouver (de deviner, pour certains) la solution attendue par l’enseignant. En poussant en peu loin la caricature, répondre, chacun à sa façon, au problème posé… ou bien répondre, tous de la même façon, au maître qui a posé le problème!

2. La différenciation par la tâche

Il s’agit alors de mettre en place des ateliers « de soutien » ou « de besoin », « d’entraînement » et « d’approfondissement », dans lesquels des activités différentes et mieux adaptées sont proposées en fonction des besoins évalués de chaque élève. Les élèves ne travaillent alors pas tous sur la même activité, ni même forcément dans la même discipline. À certains sont proposées des activités d’approfondissement ou d’entraînement qui peuvent être réalisées en autonomie, ce qui permet au maître de se rendre plus disponible pour les élèves qui ont le plus besoin de sa présence. Cette forme de tutorat vise, en particulier, à tenter de réduire les « distances » entre élèves. Elle peut d’ailleurs, dans certains cas, être exercée par d’autres élèves.

Ces quelques suggestions, qui ne se veulent pas exhaustives, peuvent paraître une ambition démesurée ou une mission impossible, compte tenu des habitudes de chacun, des conditions matérielles, des charges de travail de l’enseignant…

3. 4/4 Conclusion

4. Il y a là beaucoup de pistes proposées, certes… Mais, à chacun de choisir la sienne à partir de l’analyse des besoins dans la classe ou dans l’école, du projet éducatif de l’école ou encore de ses intérêts propres…

CSÉLe Conseil supérieur de l’Éducation et la pédagogie différenciée. Rapport annuel

1992-1993 sur l’état et les besoins de l’éducation. Le défi d’une réussite de qualité, Québec, août 1993, 72 pages

1. Résumé

2. Texte

Dans ce rapport, le C.S.É. propose un ensemble d’objectifs et de choix stratégiques liés à une nouvelle phase de la démocratisation en éducation. Au chapitre 4, on signale l’urgence de sortir de l’uniformité des pratiques en pédagogie, sans sacrifier la qualité de la formation; de façon plus particulière, on préconise l’exploration d’approches prometteuses parmi lesquelles se retrouve la pédagogie différenciée.

Les quelques lignes qui suivent décriront les grandes lignes d’une pédagogie différenciée favorisant la réussite éducative souhaitée.

2/2 Texte

En 1993, dans son rapport annuel sur l’état et les besoins en éducation, le Conseil supérieur de l’Éducation proposait différentes pistes pour relever le défi d’une réussite de qualité et pour répondre aux reproches d’un système d’éducation qui produit des « exclus »; ceux et celles qui décrochent bien sûr, mais également ceux qui, persévérant jusqu’à la réussite scolaire et à la diplomation n’arrivent pas à acquérir une formation dite de qualité.

Parmi les défis à relever, le C.S.E. propose de sortir de l’uniformité des pratiques pédagogiques, rappelle que la relation pédagogique est la relation la plus déterminante pour l’accès des élèves au savoir et propose entre autres l’exploration de la pédagogie différenciée.

Dans le contexte d’une éducation de masse, le C.S.E. reconnaît qu’une foule de méthodes pédagogiques existe, que des recherches-actions se poursuivent et qu’il importe de demeurer ouvert sur l’avenir dans l’optique d’une diversification pédagogique. Mais pour le C.S.E., ces pistes de réflexion et de pratique pédagogique paraissent davantage aptes à contribuer à la réussite éducative souhaitée; elles mettent toutes l’accent sur les valeurs éducatives dont a besoin une société vraiment démocratique fondée sur le partage du savoir; elles tiennent toutes compte de l’hétérogénéité des clientèles et de la diversité des styles d’apprentissage; de plus, elles posent toutes des exigences nouvelles et modifient le rôle du personnel enseignant. Il s’agit de la pédagogie différenciée, de l’enseignement stratégique, de l’enseignement individualisé et de l’apprentissage en coopération.

La pédagogie différenciée propose essentiellement une démarche qui met en œuvre un ensemble diversifié de moyens d’enseignement et d’apprentissage, afin de permettre à des élèves d’âges, d’origines, d’aptitudes, de sexes et de savoir-faire hétérogènes d’atteindre par des voies différentes des objectifs communs et, ultimement, la réussite éducative.

Le contexte de la pédagogie différenciée est celui de l’hétérogénéité des élèves; elle s’inscrit dans une recherche de solutions à un défi majeur des systèmes d’éducation moderne : la fréquentation de masse, porteuse de l’hétérogénéité des effectifs.

La visée de la pédagogie différenciée est celle de l’atteinte d’objectifs communs et de la poursuite de la réussite éducative pour le plus grand nombre. Dans le contexte où le M.É.Q. et la société québécoise ont pris conscience qu’à l’égalité des chances d’accès aux études, il faut aussi ajouter l’égalité des chances d’accès à la réussite, la pédagogie différenciée est soucieuse de s’adapter à la diversité des individus et respectueuse des façons personnelles d’apprendre, afin d’amener le plus grand nombre d’élèves possible à la réussite.

Essentiellement, il s’agit de faire varier la pratique pédagogique à l’intérieur des cours. À la suite d’un diagnostic, la pédagogie différenciée cherche à identifier le niveau de développement des

élèves, leurs styles cognitifs et leurs intérêts. Prenant appui sur un « contrat éducatif »1, elle précise ce que chaque élève s’engage à faire et sur quel soutien elle peut compter. Sur cette base, l’enseignante ou l’enseignant peut faire varier les modes de regroupements, les moyens d’information, les actions des élèves, le niveau des contenus, les opérations intellectuelles, les formules de communication et les rythmes d’apprentissage.

Pour le C.S.E., la pédagogie différenciée requiert des actions concertées et des appuis institutionnels : elle suppose, en effet, la constitution d’équipes d’enseignants, chez qui existent engagement et créativité. Mais par-dessus tout, elle exige un appui institutionnel, c’est-à-dire une organisation pédagogique souple, inventive et autonome dans une certaine mesure.

Solidement appuyée sur la recherche et en expérimentation continue, la pédagogie différenciée évolue sans cesse et demeure une « pédagogie ouverte » dans un environnement éducatif où tout n’est pas réglé d’avance, mais où tout est constamment repensé et reconstruit.

__________1 Voir texte original, p. 39.

J. De LorimierDes stratégies pour la qualité de l’éducation en France : réformes de système et

pédagogie différenciée, Conseil supérieur de l’éducation, Série Études et Documents no 3, Québec, 50-2063

1. Résumé

2. LA PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE DANS SON CONTEXTE

3. UNE STRATÉGIE À L’ÉCHELLE NATIONALE

4. EFFETS, LIMITES, CONDITIONS DE RÉALISATION

5. EFFETS, LIMITES, CONDITIONS DE RÉALISATION (suite)

Ce texte relate une étude documentaire qui a servi au CSE pour la préparation de son rapport annuel 1986-1987 sur l’état et les besoins de l’éducation, intitulé « la qualité de l’éducation : un enjeu pour chaque établissement ». Le propos de ce texte est double : explorer d’abord des stratégies nationales d’amélioration de la qualité dans le système éducatif français et ensuite présenter et étudier une stratégie particulière, soit la pédagogie différenciée.

Comme la première partie n’est que documentaire, le résumé qui suit portera essentiellement sur la seconde partie qui situe la pédagogie différenciée dans son contexte;qui montre comment il s’agit d’une stratégie à l’échelle nationale; qui se pratique certes en classe; qui s’appuie néanmoins sur la dynamique d’un établissement; qui est aussi présente dans la formation des personnels. Enfin, une analyse des effets, des limites et des conditions de réalisation de cette pédagogie sera présentée.

2/2 LA PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE DANS SON CONTEXTE

Avant d’aborder les diverses définitions et interprétations de la pédagogie différenciée1, il est utile de préciser qu’en France, la grande majorité (75 % et plus) des élèves sont orientés vers des études générales et que c’est à eux, principalement, qu’est destinée la pédagogie différenciée.

Définitions et interprétations

En 1979, de façon officielle, la pédagogie différenciée est définie dans le rapport Raby en France comme une pédagogie, qui « tout en conservant la totalité des élèves pendant les

heures de cours, doit conduire le maître à diversifier le vocabulaire qu’il utilise, les méthodes employées, la nature et la difficulté des exercices proposés aux élèves ».

Des experts tels que Meirieu parleront de groupe de besoin que représente une formule plus souple, où il s’agit d’organiser l’horaire hebdomadaire, dans une discipline, en deux temps séparés par une concertation des enseignants.

Dans un premier temps, l’enseignant travaille avec sa classe, selon une pédagogie de la maîtrise : annonce des objectifs visés, démarche d’acquisition, alternant situations et outils d’apprentissage, évaluation critériée servant à identifier les besoins des élèves. Dans un second temps, les élèves sont répartis en fonction de critères précis répondant aux besoins identifiés au départ : reprise d’une notion plus ou moins assimilée, usage d’une autre approche, etc.

En gros, malgré certaines tendances, la pédagogie différenciée est un générique où l’on regroupe une multitude d’expériences pédagogiques. Elle s’appuie sur la diversité des théories et des pratiques et tende d’assurer la réussite du plus grand nombre d’élèves, à partir du groupe « hyperhétérogène » d’élèves qui constitue la réalité dominante de l’institution scolaire d’aujourd’hui. En somme, il ne s’agit pas de varier pour varier ou de varier pour faire différent; il s’agit de varier pour assumer la diversité réelle des élèves et répondre ou tenter de résoudre les problèmes qui s’y rattachent.

Recherches et pratiques connexes

Parmi toutes les formules intimement liées à la pédagogie différenciée, outre les groupes de niveau-matière et les groupes de besoin développé par niveau, il y a :

1. L’emploi du temps lié à l’organisation scolaire : des plages horaires plus longues plutôt que des périodes toujours fixes sont plus propices à certains apprentissages, entre autres le français, à l’interdisciplinarité et à la pédagogie de projet. Il permet aussi l’usage d’un temps individuel.

2. Le tutorat permet d’aider l’élève dans l’organisation de son travail et la gestion de son temps; il apporte un soutien méthodologique dans le travail personnel des élèves… La première raison du tutorat est d’abord pédagogique, i.e. élever le niveau général d’instruction de la quasi-totalité de la population et pour cela, accorder une attention particulière aux élèves en difficulté.

3. L’interdisciplinarité est reliée au curriculum et peut être utilisée comme un moyen de différencier la pédagogie; expérimentée à partir de plusieurs principes, elle est vue comme réponse aux besoins éducatifs généraux, comme réponse aux besoins de l’apprentissage. Pour qu’il y ait interaction entre les disciplines et l’interdisciplinarité, il faut que chaque enseignant d’une discipline maîtrise parfaitement son programme et qu’il y ait une concertation dans l’emploi du temps des enseignants nécessitant de dégager des plages horaires interdisciplinaires prises à même l’horaire disciplinaire.

4. L’évaluation formative remplace l’évaluation sommative jusqu’à un certain point dans la pédagogie différenciée : il faut situer les performances de chaque élève par rapport à des programmes disciplinaires traités en continu; l’évaluation formative est là pour servir d’appui.

__________1 Voir p. 39-76 (retour au texte)

3/3 UNE STRATÉGIE À L’ÉCHELLE NATIONALE

La pédagogie différenciée est une stratégie dont la présence se manifeste à l’échelle nationale. Elle s’étend aux classes, aux établissements, et par le biais de la formation continue des enseignants, traverse tout le système éducatif français. Elle comporte un ensemble d’actions qui ont pour cibles les principaux lieux où se gagne la qualité de l’éducation (les classes, les écoles) et qui engagent les principaux acteurs dans le système (les enseignants et les chefs

d’établissement).

À noter que la pédagogie différenciée n’est pas assimilable à une formule magique; il faut donc se garder de ramener toutes les actions et les réformes entreprises dans le système éducatif français à une seule stratégie, la pédagogie différenciée.

Centrée d’abord sur les classes

Comme le dit Meirieu « tout commence dans la classe; c’est là que s’élabore la démarche qui cherche à mettre en œuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage, afin de permettre à des élèves d’âges, d’aptitudes, de comportements, de savoir-faire hétérogènes, mais regroupés dans une même division, d’atteindre, par des voies différentes, des objectifs communs ou en partie communs ».

La visée est claire : « Traiter l’hétérogène »2, stimuler le désir d’apprendre de tous les enfants de la classe, à un niveau élevé d’exigences pour l’ensemble des élèves, conduire le plus grand nombre d’élèves à la réussite scolaire, par le biais d’un éventail de situations individuelles et collectives variées.

La différenciation pédagogique dans la dynamique de l’établissement

La pédagogie différenciée réalisée par un enseignant dans une classe hétérogène d’élèves n’est qu’une facette de la différenciation : elle ne rend pas compte de ce qui déborde le cadre d’une seule discipline, comme l’interdisciplinarité; elle ne fait pas appel non plus aux formules pédagogiques qui engagent une équipe d’enseignants ou qui reposent sur un projet d’établissement.

La pédagogie différenciée3 peut contribuer à la réalisation des objectifs que l’établissement poursuit et contribuer à sa dynamique.

La pédagogie différenciée dans la formation continue4 des enseignants les pousse à se perfectionner et à parfaire leur formation continue, sans compter qu’elle les incite à travailler en équipe, à se concerter. Donner confiance aux enseignants constitue un leitmotiv : surmonter leurs réticences face à l’hétérogénéité, les outiller pour qu’ils puissent résoudre les difficultés nouvelles reliées à la diversité, leur apprendre à « être divers » tout en demeurant eux-mêmes.

__________2 Voir texte original p. 51-55.3 Voir texte original p. 56-60.4 Voir texte original p. 60-62

4/4 EFFETS, LIMITES, CONDITIONS DE RÉALISATION

Comme au Québec, la stratégie française se veut une réponse pédagogique à des défis éducatifs modernes : assurer l’égalité des chances et le succès au plus grand nombre d’élèves qui constituent la population hétérogène des établissements d’enseignement. La pédagogie différenciée est liée à la réalisation de cet objectif.

L’effet d’entraînement : à ce jour, faute d’instruments d’évaluation disponibles, il est difficile de se faire une idée précise de la situation de la pédagogie différenciée en France. Il est néanmoins possible de saisir l’effet d’entraînement, tout en se gardant de trop généraliser son influence. Cependant la formation continue centrée sur l’établissement, les possibilités de travail en équipe, le leadership des chefs d’établissements favorables à une organisation pédagogique souple, le soutien des chercheurs constituent des éléments de cohérence et de convergence de la stratégie de différenciation de la pédagogie. L’expression même de « pédagogie différenciée » maintiendrait l’intention d’innover dans les milieux d’éducation.

Les limites de la stratégie : En France comme au Québec, les objectifs ambitieux du système éducatif français apparaissent encore loin à l’horizon. De plus, plusieurs indices tendraient à montrer que la pédagogie différenciée est un « mythe », qu’elle n’a pas véritablement réussi à

percer le système éducatif français. À l’échelle des classes, les enseignants sont sous la règle des disciplines et envahis par les didactiques. Malgré les contraintes de l’organisation scolaire, les enseignants utilisent les « petites choses faisables ». De telles expériences sont vouées à la perdition si elles ne sont pas supportées par l’organisation.

À l’échelle des établissements, ces chefs d’établissement, issus du monde de l’enseignement, seraient en train de basculer dans le monde de l’administration. On assisterait à une reprise en main des administrations centrales et régionales. On serait en présence de systèmes qui se referment plutôt que s’ouvrir, alors que la souplesse est nécessaire à la pédagogie différenciée. En outre, les expériences de différenciation se réduiraient, la plupart du temps, à des groupes de niveau-matière, ce qui serait le prélude d’un retour aux filières.

À l’échelle des académies (des commissions scolaires au Québec) on assisterait à des coupures de ressources financières et seul le renom acquis par les formateurs seniors leur permettrait encore de répondre aux demandes. De plus, le thème de la pédagogie différenciée disparaîtrait au profit de la différenciation des méthodes et des démarches dans les sessions de formation continue des enseignants.

Les exigences et les conditions de la pédagogie différenciée : un certain nombre de points doivent être mis en lumière.

Face à l’hétérogénéité des groupes d’élèves, la pédagogie différenciée ne peut être réduite à l’utilisation pure et simple de gadgets pédagogiques. L’exigence première de la pédagogie différenciée lui vient des buts qu’elle poursuit : traiter l’hétérogénéité sans l’éluder, rechercher le succès de tous sans se perdre dans la multiplicité des techniques. La pédagogie différenciée est un moyen : elle vaut par sa capacité d’atteindre les fins qu’elle poursuit.

Les conditions créées par l’organisation scolaire sont déterminantes dans l’exercice de la pédagogie différenciée : elles font la différence entre l’éparpillement ou la cohérence des initiatives, la parcellisation ou l’efficacité collective des expériences. Il faut avouer que le renforcement disciplinaire des programmes ne facilite guère l’interdisciplinarité. Si la différenciation pédagogique repose pour une part sur la créativité, la compétence et la conviction des enseignants, elle dépend autant des conditions et des intentions inhérentes à l’organisation scolaire.

C’est pourquoi il faut miser sur des projets d’établissements qui disposent d’une marge d’autonomie suffisante, tournés vers le succès des élèves; ils peuvent favoriser l’existence d’équipes d’enseignants, associer enseignants et chefs d’établissement dans la poursuite d’objectifs communs. La pédagogie différenciée y gagne aussi à être supportée par une équipe et associée dans un projet d’établissement

5/5 EFFETS, LIMITES, CONDITIONS DE RÉALISATION (suite)

En conclusion , dans les collèges français, au cours des dix dernières années, à des degrés divers, même s’il demeure difficile d’en mesurer toute l’efficacité, on s’est employé à traiter « l’hétérogène » par des actions de soutien aux élèves en difficulté et par des activités d’approfondissement pour les élèves brillants à des groupes de niveau-matière, puis à une multiplicité de modes d’organisation pédagogiques et de formules variées.

Le traitement de l’hétérogène demeure une question à approfondir…

Au secondaire, la constitution de groupes stables au lieu de groupes-matières représente une première exigence pour l’utilisation de la pédagogie différenciée. Le groupe stable rend possible le traitement de l’hétérogénéité à partir de l’une ou l’autre des formules connues de différenciation de la pédagogie : groupes de niveau, tutorat, interdisciplinarité, emploi du temps, évaluation formative et pédagogique de la maîtrise, etc.

Le groupe de niveau5 se comprend seulement à partir du groupe stable où chaque élève peut progresser davantage à son rythme grâce à des formules pédagogiques appropriées. Tous

poursuivent les objectifs et les contenus des programmes communs, certains atteignant les minima requis, les autres en élargissant le curriculum officiel par des apprentissages plus poussés et culturellement plus riches. Le risque de ces groupes de niveau est qu’ils deviennent permanents, alors qu’ils visent une adaptation différenciée aux besoins des élèves, ce qui suppose des prises en charge pédagogiques rigoureuses et concertées de la part des enseignants.

La différenciation de la pédagogie dans les classes est possible aussi sans fractionnement du groupe classe hétérogène. Le traitement de l’hétérogène s’opère alors par la variété des approches qui rejoignent la façon de travailler des divers élèves et leurs différents modes d’expression.

La pédagogie différenciée est en grande partie assimilable à une pédagogie de la maîtrise ou pédagogie de la réussite. À partir d’une évaluation6 formative et critériée, la pédagogie différenciée porte attention au degré d’atteinte relatif des objectifs par les élèves et aux capacités développées par ces derniers.

Pour une grande part, la constitution de groupes stables, le regroupement des élèves par groupes de niveau, la différenciation de la pédagogie dans les classes dépendent en grande partie de la dynamique de l’établissement. L’enseignement ne doit pas se réduire à des prestations de cours : les élèves ont la possibilité de travailler pendant des périodes d’études dirigées, si les enseignants peuvent se rencontrer pour discuter des apprentissages différents des élèves, les élèves ont des chances d’apprendre mieux et les enseignants de mieux enseigner.

En somme, l’expérience réussie d’une pédagogie différenciée repose sur une organisation pédagogique décidée, de concert, par le chef d’établissement, les enseignants et les autres partenaires de l’établissement.

__________5 Voir texte original p. 73-74 (retour au texte)

Gérard De VecchiAider les élèves à apprendre, Hachette Education, Paris, 2000,

1. Résumé

2. Comment prendre en compte la diversité des élèves?

3. Une palette de possibilités pour mettre en place une pédagogie différenciée

4. Que peut-on faire « pratiquement » pour différencier sa pédagogie?

 

Dans ce livre destiné aux enseignants, l’auteur propose toute une série de questionnements aux enseignants en lien avec l’apprentissage de l’élève : qu’est-ce que signifie apprendre pour un élève? S’interroge-t-on assez sur les processus qu’il déclenche lorsqu’il apprend une leçon, essaie de faire un devoir ou tente de comprendre un cours? Et si, avant toute démarche pédagogique volontariste, on l’aidait à se connaître? Si on l’aidait à se construire des méthodes de travail adaptées à ce qu’il est réellement?L’auteur nous suggère toute une palette de possibilités et présente sa propre définition d’une pédagogie différenciée1.

En effet, tous les élèves sont différents, les enseignants aussi. Prendre en compte cette double diversité implique une connaissance du profil cognitif de chacun ainsi qu’une analyse des méthodes d’enseignement-apprentissage utilisées. Le maître doit disposer de méthodes, de techniques et d’une réflexion sur ce qu’il peut demander aux élèves; et il semble indispensable que tout enseignant élargisse le champ de ce qu’il a l’habitude de proposer comme type d’activités.

__________1 Voir texte original p. 181-187

2/2 Comment prendre en compte la diversité des élèves?

Comment prendre en compte la diversité2 des élèves?

Traditionnellement, en salle de classe, le maître fait comme si tous les élèves étaient identiques et lui ressemblaient! Ils arrivent pourtant en classe avec un ensemble d’inégalités qui, si elles ne sont pas prises en compte, persistent et même s’accentuent. Mais d’abord comment connaître cette diversité des élèves? On parle de pédagogie variée, diversifiée, différenciée : comment s’y retrouver? Dans la pratique de la classe, quelles sont les différentes possibilités de différenciation? N’est-il pas utopique de vouloir mettre en place une pédagogie qui utilise ce type de méthodes?

Les enseignants savent depuis toujours que les élèves ne sont pas tous identiques et qu’ils ont des comportements d’apprentissage fort divers. Meirieu3 distingue des variables individuelles en relation avec les stratégies que chacun utilise et des invariants structurels, communs à tous, en rapport avec des opérations mentales qui fondent les apprentissages, le tout traversé par le projet personnel de celui qui apprend. Cela signifie que les mécanismes fondamentaux, à la base de la construction des savoirs, sont pour tous à peu près les mêmes. Ce sont les stratégies que chacun met en œuvre pour y parvenir qui sont personnelles.

Les différences ne se situent pas uniquement au niveau des stratégies employées par chacun, mais aussi au niveau de la diversité des conceptions (représentations mentales), qui se rapportent aux contenus et non aux méthodes.

__________2 Voir texte original p. 177-178.3 Consulter P. Meirieu, Apprendre – oui mais comment?, E.S.F. 1987, 19e édition, 2004, p. 83-84.

3/3 Une palette de possibilités pour mettre en place une pédagogie différenciée

La pédagogie différenciée s’adresse à des personnes réunies dans une même structure (classe, groupe, …) mais pouvant être différentes de par leur âge, leurs conceptions, leur profil pédagogique, les stratégies qu’elles sont capables de mettre en œuvre… Elle propose une diversité de situations, de techniques, d’outils, … Elle permet à chacun d’atteindre les mêmes objectifs. Ce n’est donc pas comme le dit Meirieu4, « un nouveau système pédagogique dont la mode pourrait être passagère » : toute pédagogie qui a réussi a été différenciée, c’est-à-dire adaptée aux individus à qui elle était proposée. La diversité ne doit donc plus être considérée uniquement comme un handicap, mais peut devenir une base qui permettra d’obtenir de bien meilleurs résultats et qui, quelquefois, mettra en évidence les richesses de chacun.

Une palette de possibilités pour mettre en place une pédagogie différenciée

Tout d’abord, il ne faudrait pas croire que différencier sa pédagogie, c’est proposer à chacun des situations de travail différentes sur des thèmes différents. Il s’agit plutôt de trouver, à un moment donné, des variations permettant à chaque élève de pouvoir suivre, au moins en partie, son cheminement, en utilisant les outils qui lui conviennent le mieux, afin que tous atteignent un certain nombre de buts semblables ou voisins. La différenciation de la pédagogie n’exclut donc en rien le besoin d’avoir des objectifs communs ou complémentaires.

La pédagogie différenciée peut se faire à travers des plans d’apprentissages personnalisés ou des contrats différents d’un élève à l’autre, sans les empêcher d’aller dans le même sens. Il faut se rappeler aussi qu’il est indispensable de ne pas faire travailler chaque élève uniquement avec les méthodes qui lui conviennent, puisqu’il est important qu’il puisse aussi s’approprier les autres stratégies.

De façon schématique, on peut différencier son enseignement dans le temps et dans l’espace. Cela signifie que les variations peuvent concerner les activités successives qui sont proposées aux élèves, mais aussi celles qui ont lieu à un même moment. L’ensemble pourra porter sur les structures, les outils et/ou les contenus.

Les différenciations successives portent sur l’utilisation, les uns après les autres, des différents outils, supports et/ou situations d’apprentissage, alors que les différenciations simultanées concernent des tâches, des supports et/ou des démarches variées que l’on propose en même temps aux élèves, et qui doivent permettre d’atteindre un objectif commun ou complémentaire.

__________4 Consulter P. Meirieu, Apprendre – oui mais comment?, E.S.F. 1987, 19e édition, 2004  p. 84 (retour au texte)

4/4 Que peut-on faire « pratiquement » pour différencier sa pédagogie?

Que peut-on faire « pratiquement » pour différencier sa pédagogie?

De Vecchi mentionne d’abord qu’une pédagogie différenciée est beaucoup plus exigeante qu’une approche traditionnelle en terme de temps… d’où l’importance (pour ne pas dire l’obligation) de travailler en équipe afin de se partager les tâches.

La pédagogie différenciée tient compte aussi de la diversité des individus et tire sa richesse de cette diversité. En effet, toute méthode dominante en appelle d’autres, complémentaires; plutôt que de rester relativement enfermé dans leur méthode, les enseignants devraient s’efforcer de varier leurs situations de formation, les outils qu’ils utilisent, les productions qu’ils demandent. Il n’est pas vrai de dire que toutes les méthodes se valent.

Toute approche, faut-il se le rappeler, doit nécessairement tenir compte de deux idées :

que l’élève soit pris en compte pour ce qu’il est réellement; que c’est lui (l’élève) qui doit se construire son propre savoir.

Enfin toute pédagogie, pour qu’elle ait un sens, ne peut être dissociée d’une pédagogie de l’autonomie.

La fiche proposée par De Vecchi est composée d’une série de techniques5 que l’on peut utiliser successivement ou simultanément. Cette fiche ne manquera pas de faire réagir les enseignants sur la difficulté matérielle de la mise en œuvre de ces techniques.

De Vecchi signale que si ceux qui apprennent sont tous différents, cela ne signifie pas qu’il faille proposer, au sein d’une classe, autant de méthodes qu’il y a d’élèves. Mais n’adopter qu’un type de stratégies (celles qui conviennent au maître) handicape sérieusement certains élèves.

Il signale également aux enseignants d’analyser leur profil cognitif en relation avec leur manière d’enseigner, afin de déterminer quels sont les élèves qui pourraient avoir des difficultés par rapport à leurs choix.

Il s’interroge enfin sur la signification de l’élève au centre du processus éducatif, ce que tous préconisent aujourd’hui. Comme il dit : « Il est surprenant d’ailleurs de constater que dans une classe, dans le contexte actuel, les individus qui travaillent le plus et qui s’expriment forcément plus ne sont pas ceux qui doivent apprendre (les élèves), mais ceux qui savent déjà (les enseignants). » L’élève n’est-il donc pas encore trop souvent le présent-absent du système scolaire?

__________5 voir texte original p. 183 - 187

Jean.-Marie GilligLes pédagogies différenciées; origine, actualité, perspectives. De Boeck Université, 1999.

1. Résumé

2. Des premiers essais d’individualisation à la création du collège unique.

3. Le plan de Dalton.

4. Le système de Winnetka

5. Robert Dottrens et les fichiers de travail individualisé

6. Célestin Freinet et les plans de travail individualisé

7. Les pédagogies différenciées aujourd’hui

8. Les types de différenciations pédagogiques

 

Dans la première partie de son livre, Gillig présente une introduction historique et critique de la différenciation pédagogique pour tenter de trouver les prémices d’un enseignement prenant en compte la diversité des publics scolarisés. Du XIXe siècle à nos jours, Gillig brosse un tableau des premiers essais d’individualisation jusqu’à la réforme Haby appliquée en France.

L’auteur présente par la suite, de façon plus exhaustive, les pédagogies différenciées d’aujourd’hui et constate que sur le terrain, la pédagogie différenciée a une valeur inversement proportionnelle à ce qu’elle est dans la littérature pédagogique. Il termine cette partie par un questionnement sur la formation des maîtres, la recherche pédagogique et le fait que nous faisons tous fréquemment l’observation que la pédagogie a tendance naturellement à travailler plutôt avec les bons et moyens élèves, rarement les très bons, et très peu avec les plus faibles, selon une démarche collective que  le maître croit être la meilleure parce que les bons résultats obtenus par ces élèves lui semblent justifier la pertinence de sa méthode. Il est du reste tentant d’identifier et de favoriser les bons élèves par rapport à celui qu’on a été…et qui a réussi, au temps où on ne parlait pas de pédagogie différenciée.

La deuxième partie du livre laisse place à un choix de textes sur les précurseurs de la différenciation pédagogique, les théories actuelles et quelques démarches et outils.

2/2 Des premiers essais d’individualisation à la création du collège unique.

Nous sommes habitués aujourd’hui à faire classe devant un public hétérogène sous plusieurs aspects. Il n’en a pas toujours été ainsi. L’histoire de l’organisation scolaire démontre que jusqu’au XIXe siècle on s’est plutôt dirigé progressivement de l’individuel au collectif. Sous l’Ancien Régime, dans les petites écoles, c’est le mode individuel du préceptorat qui domine. À tour de rôle, dans la classe, les élèves se rendent à l’estrade du maître pour y recevoir leur leçon.

Au XVIIe siècle, en réaction à ce mode d’enseignement jugé pernicieux, les Frères des Écoles Chrétiennes inventent le mode simultané, qui place le maître en face d’une classe constituée à la fois selon les critères d’âge et de degré d’instruction, et lui fait transmettre le savoir selon une démarche collective. Le fondateur de l’Institut des FEC introduit de nombreuses innovations. Parmi celles-ci, on peut noter un nouveau mode de différenciation, en réponse à l’hétérogénéité des élèves, qui partage la classe en trois divisions, «la division des plus faibles, celle des médiocres, et celle des plus intelligents ou des plus capables».

Dans la première partie du XIXe siècle, une autre organisation de l’enseignement primaire fait son apparition, pour des raisons qui tiennent essentiellement à la réduction des coûts d’encadrement. C’est le mode mutuel, qui permet au maître de diriger l’ensemble d’une classe de plusieurs dizaines, voire quelques centaines d’élèves, divisée en sous-ensembles de niveau encadrés par des moniteurs, choisis parmi les plus avancés. Ce dispositif réunissant les avantages de la simultanéité et de l’individualité présente également l’intérêt de proposer des activités d’enseignement correspondant au niveau réel de connaissance des écoliers. Il est abandonné vers 1850 en raison de l’incompétence des moniteurs et des excès d’une organisation jugée trop militaire.

Ce n’est qu’à l’aube du XXe siècle que l’on se préoccupe vraiment d’une organisation pédagogique prenant en compte la psychologie de l’enfant en tant qu’individu, et proposant des remèdes aux maux d’un enseignement simultané où le mode habituel de la démarche pédagogique est la leçon frontale, avec les excès dus au didactisme d’une méthode obligeant le maître à transmettre le savoir verbalement à quelques dizaines d’enfant astreints à l’attention, voire à l’immobilisme.

3/3 Le plan de Dalton.

C’est la première tentative structurée d’individualisation de l’enseignement, après celle de Preston Search, à Pueblo dans le Colorado. Au début de sa carrière, Helen Parkhurst enseigne seule face à quarante élèves à Dalton, petite ville du Massachusetts. Le plan qu’elle élabore et expérimente entre 1910 et 1920 dans une école d’enfants âgés de neuf à douze ans repose sur le constat que les élèves n’ont ni le même rythme de travail,  ni des aptitudes identiques. Elle s’inspire des idées de Maria Montessori, qu’elle était allé étudier en Italie.

L’objectif du Dalton Laboratory Plan est de donner à chaque élève les possibilités de progrès correspondant à ses potentialités réelles en  débarrassant l’action pédagogique du carcan d’une progression commune au groupe-classe. Helen Parkhurst conserve néanmoins l’idée d’un programme identique pour tous mais qui est fragmenté pour chaque élève en tranches mensuelles ou hebdomadaires. Mais qu’on ne s’y trompe pas, chaque élève constitue à lui seul une filière, ce qui ne manque pas aujourd’hui de soulever, de la part de ceux qui prônent la différenciation pédagogique, des réserves sur le dispositif de Dalton.

Le succès du Plan de Dalton gagna d’abord l’Angleterre puis la Hollande, la Russie, l’Australie, l’Afrique du Sud, la Chine et le Japon. En France, l’accueil fut quelconque et l’application ignorée. Indéniablement le Dalton Laboratory Plan présente l’avantage de responsabiliser l’apprenant, de lui permettre d’aller aussi loin qu’il le peut, et de ne pas lui donner un sentiment d’infériorité par rapport aux autres élèves d’une classe traditionnelle. L’inconvénient, c’est que l’idée d’une communauté est sacrifiée, la classe étant supprimée en tant qu’entité, et que de ce fait toute coopération entre élèves devient aléatoire, le système ne cultivant pas le lien social, mais l’émulation, le dépassement de soi-même en vue d’établir des records.

4/4 Le système de Winnetka

Le mode pédagogique de Winnetka tente d’équilibrer travail individuel et collectif. Ce système fut proposé par Frédérick Burk à l’institut de formation des maîtres de Californie vers 1913.

Comme à Dalton, le programme est commun, distribué selon les âges, mais s’y adjoignent des activités différentielles réalisées soit sur plan de travail individualité, soit en petites groupes. L’équilibre est ainsi réalisé entre des activités collectives qui concernent, outre l’apprentissage de la lecture, les travaux artistiques et manuels, l’éducation physique et sportive et des activités individuelles dans des apprentissages cognitifs «permettant aux enfant de se différencier les uns par rapport aux autres». En alternance avec les activités encadrées en groupe-classe, le maître suit le travail individualisé, conseille, aide dans des tâches aussi diverses que la lecture, le calcul, les langues, l’histoire et la géographie, toutes matières pouvant donner lieu à un découpage progressif et linéaire par étapes, évaluées sous forme d’autocontrôle assisté. À la fin de chaque période de dix semaines, les instituteurs établissent un bulletin présentant les

résultats dans les unités de travail après une évaluation par tests. Ces derniers n’indiquent pas de notes, mais des scores de réussite en termes de vitesse d’exécution ou de points de capitalisation.

On accorde une grande importance à la vie de groupe. Qu’il appartienne à l’un ou à l’autre groupe, aucun des apprenants n’est freiné en tout cas par une astreinte à suivre un enseignement exclusivement collectif qui s’imposerait à l’élève standard, sorte de moyenne arithmétique entre les extrêmes, fiction de «l’élève abstrait», expression utilisée par Henri Bouchet dans une thèse sur l’individualisation de l’enseignement soutenue à la Sorbonne au début des années trente.

5/5 Robert Dottrens et les fichiers de travail individualisé

En Suisse, à l’école du Mail de Genève, Robert Dottrens s’inspire des expériences de Parkhurst et de Washbune et introduit l’enseignement individualisé en 1936. Dottrens réalise un équilibre au sein de l’organisation pédagogique en introduisant progressivement des travaux individualisés sur fiches. Les savoirs nouveaux à apprendre font d’abord l’objet d’une leçon collective. Puis vient une première évaluation, formative et diagnostique. Il s’ensuit la remise par le maître d’une fiche permettant, soit de corriger les erreurs, soit d’approfondir la connaissance. Le travail individualisé ainsi réalisé est à nouveau soumis au maître pour évaluation et correction, avant remise éventuellement de fiches complémentaires selon le niveau de réussite ou les erreurs commises.

D’évidence, ce travail ne peut aboutir qu’à des parcours diversifiés. Dottrens admet qu’il peut y avoir trois types d’élèves travaillant sur le même sujet : deux catégories qui approfondissent et qui sont celles des «bien doués» et des élèves «peu doués» travaillant tous sur fiches; une troisième catégorie réunissant les «faibles» ou des «retardés» qui récupèrent avec le maître accompagnateur. Lorsque vient un nouveau sujet, «les groupements disparaissent, la classe est reconstituée pour un nouveau départ».

6/6 Célestin Freinet et les plans de travail individualisé

Vers la même époque, Célestin Freinet systématise en France les outils et les techniques de l’individualisation, et, militant en faveur de la pédagogie active, parvient à diffuser ses idées novatrices. Il s’agit, chaque fin ou chaque début de semaine, de planifier le travail individuel des élèves dans les différentes activités qui figurent à l’emploi du temps de toute classe, à partir des résultats obtenus en lecture, orthographe, grammaire, calcul, etc. Le plan se présente sous la forme d’une fiche-grille individuelle comportant l’indication des tâches à effectuer à l’aide des fichiers autocorrectifs selon les indications de l’évaluation formative, et d’autres activités à choisir librement. Une colonne est prévue pour l’autoévaluation. Le matériel mis à la disposition de l’élève est varié.

Freinet élabore son action pédagogique en réaction à l’enseignement traditionnel. Sa singularité, c’est d’être parti de l’expérience tâtonnée, pratiquée avec les enfants  dans le contexte de l’école ordinaire, et non d’une théorie pédagogique préalable. En fait, c’est parce qu’il avait été blessé au poumon pendant la Grande Guerre et était devenu incapable de parler en classe plus de quelques minutes, qu’il a inventé ou réinventé l’imprimerie à l’école, les fichiers auto-correctifs, les plans de travail, etc.

7/7 Les pédagogies différenciées aujourd’hui

La pédagogie différenciée est née officiellement de la nécessité de trouver des solutions à l’hétérogénéité des élèves. Pour Halina Przesmycki, «la finalité de la pédagogie différenciée, c’est la lutte contre l’échec scolaire». Pour Philippe Perrenoud, «Différencier passe par une volonté de démocratisation, par l’affirmation qu’il est à la fois possible et nécessaire de lutter contre l’échec scolaire». Pour Françoise Cros «Celle-ci (la pédagogie différenciée) s’inscrit bien dans un combat

 

«politique» au sens noble du mot». La question n’est plus pédagogique, mais politique, comme le soutient aussi Louis Legrand. Pour l’Éducation nationale, la pédagogie différenciée n’est pas comprise seulement comme un moyen de lutte contre l’échec scolaire, mais un moyen de faire réussir tous les élèves. Mais comment peut-on, en différenciant sa pédagogie, amener tous les élèves au bout de leurs possibilités? Observons d’abord les caractéristiques de la pédagogie différenciée :

1.- Différencier par les contenus d’apprentissage

La différenciation joue sur les contenus dans la classe à un seul cours, lorsque le maître sait doser quantitativement les tâches par rapport aux capacités des élèves. Mais quel que soit le mode de désignation des participants aux activités différenciées, il va de soi qu’elles devraient profiter autant aux plus rapides qu’aux moins avancés, puisque c’est souvent avec ces derniers que le maître se rend disponible pour conduire un groupe d’accompagnement restreint, ce qui ne devrait pas l’empêcher de piloter un groupe en approfondissement.

2.- Différencier par les situations d’apprentissage

Les diverses situations d’apprentissage dans la classe sont d’une grande richesse et sont nécessaires d’une part pour corriger les excès de la méthode d’enseignement collectif, expositive et interrogative, celle que maîtrise tout pédagogue, d’autre part pour donner aux apprenants la possibilité de travailler selon leurs goûts, leurs aptitudes, leur profil et leur style cognitifs, leurs manières propres d’élaborer et de mettre en œuvre la démarche de la connaissance, pour parvenir à réaliser les objectifs communs  à tous. Toutes les combinaisons sont possibles : travaux en petits groupes, travaux en individuel, travaux dirigés, parfois, plus rarement, assistance par des pairs, moniteurs ou tuteurs. Le contexte relationnel est également important.

3.- Différencier par les méthodes d’apprentissage et d’enseignement : gestion mentale et pédagogie de maîtrise.

Antoine de La Garanderie étudie les méthodes dont se servent les meilleurs élèves pour réussir dans leurs études et s’intéresse plus aux processus mentaux des apprenants qu’à la didactique de telle ou telle discipline

De La Garanderie en conclut que nos perceptions sont de deux sortes : les images mentales auditives et les images mentales visuelles. Il existe donc une langue maternelle pédagogique auditive et une langue visuelle. La gestion mentale est donc la manière dont un apprenant s’y prend pour activer ou inactiver tel ou tel niveau de la langue maternelle pédagogique qui est la sienne. Trouver au moyen de l’introspection et de l’évocation de l’image intérieure les gestes intellectuels appropriés pour apprendre et réussir, c’est là l’apport essentiel de la gestion mentale. On voit donc comment peut opérer la différenciation pédagogique chez ceux qui adoptent les théories de La Garanderie.

Dans le domaine des autres théories de l’apprentissage fondant la légitimité de la différenciation pédagogique, les théories et les recherches de Benjamin S. Bloom ont été validés par des recherches sur le terrain démontrant que les élèves bénéficiant d’une pédagogie de maîtrise1 ont des résultats largement supérieurs à ceux obtenus dans l’enseignement traditionnel.

__________1 Voir texte original p. 59-60

8/8 Les types de différenciations pédagogiques

La différenciation pédagogique successive ou alternative

L’expression «différenciation successive» a été proposée par Philippe Meirieu. Cette différenciation consiste à faire alterner différentes situations d’apprentissage correspondant aux capacités des apprenants sans modifier fondamentalement le déroulement de la classe et dans le cadre d’une séance commune à tous.

La différenciation pédagogique simultanée

L’idée de simultanéité signifie qu’au même moment les élèves sont occupés à des tâches différentes, et leur réalisation évoque très précisément le mode de fonctionnement d’une classe où l’on pratique les techniques Freinet ou le travail individualisé type Dottrens. Certains élèves rédigent un texte individuellement, d’autres travaillent sur des fiches autocorrectives en mathématiques, d’autres réalisent une expérimentation en sciences avec des fiches-guides pendant qu’un petit groupe fait une recherche documentaire au moyen de livres qu’ils ont été chercher à la bibliothèque. D’évidence, cette organisation réclame une structuration des plus rigoureuses dans laquelle on ne peut s’engager qu’à partir de l’évaluation préalable des acquis et non-acquis des élèves.

 GPR«Différenciation de l’enseignement et individualisation des parcours de formation dans

les cycles d’apprentissage», Dépt. de l’Instruction publique, Ens. primaire, Genève, mars 1999, 17 pages

1. Résumé

2. Une conception ouverte de la différentiation :

3. La différentiation comme projet de développement :

4. Quelques orientations de base :

5. L'organisation du travail scolaire dans une pédagogie différentiée :

6. La formation à la différentiation :

Ce document élaboré sous la coordination de Monica Gather-Thurler et de Bernard Amur, présente un ensemble d’idées sur la différenciation de l’enseignement et l’individualisation des parcours de formation dans le cadre des cycles d’apprentissage1 dans le contexte du projet de réforme de l’enseignement primaire genèvois. Il est structuré en cinq points :

Une conception ouverte de la différenciation;

La différenciation comme projet de développement;

Les orientations de base;

L’organisation du travail dans une pédagogie différenciée;

La formation à la différenciation.Pour les auteurs, la différenciation ne se réduit pas aux cycles d’apprentissage; en effet, les cycles ne se justifient pas seulement comme cadre d’une pédagogie différenciée :

on peut différencier dans la structure scolaire actuelle; les cycles offrent simplement plus de souplesse et de possibilités de construire des dispositifs efficaces;

les cycles ont d’autres fondements, entre autres l’espacement des étapes dans la construction des savoirs et des compétences.

Le document formule en ce sens une conception bien précise de la différenciation, quelques orientations d’une politique générale, certains principes de base, des pistes pratiques pour l’organisation du travail et quelques axes de formation dans ce domaine.

2/2 Une conception ouverte de la différentiation :

Toute pédagogie différenciée entend tenir compte des différences individuelles, puisque l’échec scolaire et les inégalités naissent en partie de l’indifférence aux différences. Il y a deux façons de prendre en compte les différences :

différencier les objectifs, en les adaptant aux possibilités et intérêts des élèves;

viser à donner à tous les meilleures chances d’apprendre et d’atteindre les mêmes objectifs de formation.

La différenciation au primaire se situe dans la seconde perspective et porte sur les moyens et non sur les finalités. Comment? En confrontant le plus souvent possible l’élève à des situations d’apprentissage optimales pour lui, c’est-à-dire :

qui tiennent compte de ses acquis, de son style d’apprentissage, de ses intérêts, de ses possibilités;

choisies ou proposées dans un climat de relations humaines favorables à sa mobilisation et son implication;

susceptibles de le faire progresser dans le sens des objectifs de développement et d’apprentissage.

Diversification des activités et différenciation des interventions :

Pour que l’élève soit confronté à des situations optimales pour lui, il faut proposer à tous une diversité d’approches, de matériels, d’activités.

On dit à ce sujet que la différenciation doit passer par une régulation externe, c’est-à-dire qu’elle peut être induite par le matériel, un logiciel ou des partenaires et aussi par les enseignants dont la tâche est de piloter, non seulement les activités, mais aussi le rapport de chaque élève aux tâches, son mode de participation, son rôle spécifique…

L’individualisation3 des parcours de formation :

À noter que l’individualisation des parcours n’a rien à voir avec un « enseignement individualisé »; elle porte plutôt sur le cheminement, le parcours de l’apprenant. Elle ne signifie pas qu’il travaille en solitaire, mais qu’il suit un chemin original, tout en faisant des bouts de chemin avec d’autres.

La question des rythmes de progression dans le cursus :

Pour les auteurs, la différenciation par le biais du redoublement4 et de dispenses d’âge n’a pas vraiment de sens dans une organisation en cycles; le redoublement d’un degré est rarement efficace.

__________3 - 4 Voir texte original, p. 8-10.

3/3 La différentiation comme projet de développement :

Douze lignes directrices sont formulées pour permettre le développement d’une pédagogie différenciée :

s’appuyer sur la L.I.P., pour différencier, qui dit que l’école doit « tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les premiers degrés de l’école »;

faire de la pédagogie différenciée l’affaire de tous les enseignants plutôt que celle de maîtres d’appui;

considérer la différenciation comme partie intégrante du métier;

offrir aux professionnels les accompagnements et les formations pour développer et mettre à jour ces compétences;

faire de la différenciation un des fils conducteurs de l’évaluation permanente des établissements et du rendre compte dans l’enseignement primaire;

créer les conditions d’une coopération professionnelle et d’une responsabilité collective garantie de la continuité et de la cohérence dans un cycle et dans une école;

demander à chaque cycle de partir de la réalité des élèves sortant du cycle précédent, qu’ils en aient ou non atteints tous les objectifs;

aménager l’évaluation informative, les évaluations-bilans et l’évaluation de fin de cycle et de fin de cursus afin d’être compatibles avec l’évaluation formative;

réorganiser les programmes et les regrouper autour d’objectifs-noyaux, afin de se concentrer sur l’essentiel;

concevoir des moyens d’enseignement adaptés aux pédagogies différenciées;

développer et mettre à la disposition des enseignants des logiciels et des technologies facilitant l’organisation d’une pédagogie différenciée et la gestion de parcours individualisés;

expliquer aux parents que l’équité ne consiste pas à donner à chaque élève le même apport, mais à accorder plus de moyens et d’attention aux élèves qui en ont le plus besoin.

4/4 Quelques orientations de base :

Différencier, c’est mettre l’enfant, son développement et ses apprentissages au centre de l’action pédagogique. Quelques pistes :

partir des acquis des élèves et valoriser ses compétences plutôt que mettre l’accent sur ses difficultés et ses lacunes;

observer les élèves pour mieux les connaître et saisir leurs difficultés pour mieux différencier;

ne pas succomber à la tentation du respect inconditionnel des différences, ni à l’acharnement et l’interventionnisme;

ne jamais renoncer à la poursuite d’objectifs semblables en fin de cycle ou de cursus, sous prétexte du respect des différences;

faire de la différenciation une composante ordinaire de l’organisation du travail;

ne pas attendre que les difficultés soient manifestes ou graves, pour adapter les situations et les tâches aux caractéristiques de chacun;

s’appuyer sur le travail d’équipe pour offrir aux élèves des regards portés par des personnes différentes et des dynamiques de groupes différentes, afin de leur permettre de développer leurs compétences et leur personnalité;

diversifier les activités proposées de façon à accroître les chances de chacun de trouver une tâche porteuse de sens et à sa mesure;

travailler de façon pointue sur les erreurs et les obstacles, dans les divers champs disciplinaires;

lier constamment objectifs-noyaux, situations d’apprentissage, évaluation formative et différenciation;

mettre en place des règles de vie et une gestion de classe et de cycle favorisant l’autonomie et la responsabilisation des élèves, de façon à rendre les enseignants plus disponibles pour travailler avec les enfants qui ont besoin d’eux;

ne recourir à des activités collectives avec l’ensemble des élèves que lorsqu’elles ont un sens pédagogique précis.

Pour les élèves en difficulté5 :

le considérer de façon globale sans l’étiqueter ni le réduire à ses difficultés; valoriser ses compétences sans nécessairement minimiser les problèmes rencontrés;

définir ses difficultés en fonction des objectifs à atteindre et non par comparaison avec les autres élèves;

valoriser toute forme de collaboration permettant de mieux le comprendre dans différentes situations.

Pour les élèves en « facilité »6 :

permettre de développer des compétences transversales par le biais d’un matériel diversifié, de tâches complexifiées;

mettre à profit leurs connaissances et leurs compétences pour en faire profiter les autres et pour les faire progresser eux-mêmes.

Quelques attitudes :

chaque enseignant doit se convaincre que l’échec scolaire n’est pas une fatalité et qu’il faut tout faire pour que tous les élèves réussissent et atteignent les mêmes objectifs;

ne rien faire qui n’ait de but ou de sens pour l’élève; associer les élèves au projet didactique, les impliquer dans le choix et la mise en place des activités;

présenter aux élèves les objectifs d’apprentissage de façon compréhensible et discutez-les avec eux afin qu’ils se sentent responsables et capables d’autoévaluation.

__________5 Voir texte original, p. 12. (retour au texte)6 Voir texte original, p. 13.

5/5 L'organisation du travail scolaire dans une pédagogie différentiée :

Les groupements d’élèves7 :

Différencier, c’est diversifier les structures8 et regrouper les enfants de manières différentes en fonction des objectifs poursuivis, afin de favoriser les interactions entre les élèves et de créer des dynamiques variées et mieux adaptées à tel ou tel objectif. Ainsi, on suggère de constituer des regroupements :

afin de favoriser les interactions entre élèves, la coopération et les conflits sociocognitifs;

afin de favoriser la poursuite d’objectifs communs d’apprentissage;

afin d’obtenir une organisation souple.

Les situations d’apprentissage9 :

Différencier, c’est aussi varier les activités d’apprentissage et les contenus d’enseignement en fonction des besoins des élèves, afin de pouvoir offrir à chacun un large éventail de situations pouvant lui permettre d’atteindre les apprentissages visés.

__________7 - 8 Voir texte original, p. 149 Voir texte original, p. 15.

6/6 La formation à la différentiation :

On dit aussi que le développement d’une pédagogie différenciée cohérente et efficace passe par une formation continue substantielle10:

conceptualisation des différences entre enfants et leurs incidences sur le rapport du savoir, l’implication dans le travail, les apprentissages;

appropriation et usage des objectifs-noyaux de fin de cursus et de fin de cycle comme grilles d’observation et d’évaluation formative;

méthodes et modalités d’observation formative;

travail par situations-problèmes;

plans d’action individualisés pour élèves en grande difficulté;

moyens de gestion des progressions sur l’ensemble d’un cycle;

explications de la différenciation aux parents;

appropriation et développement de technologies et de logiciels soutenant l’apprentissage ou l’évaluation.

__________10 Voir texte original, p. 16-17.

Marthe HenripinDifférencier le curriculum au secondaire : vers des parcours scolaires stimulants pour

tous les jeunes, série Études et recherches, C.S.E., mars 1999, 192 pages

1. Résumé

2. Problématique de la différenciation scolaire

3. Synthèse des cheminements de formation offerts au secondaire

4. Principales règles du jeu encadrant la différenciation (p. 71-80)

5. Les initiatives locales de différenciation du curriculum au secondaire

6. Présentation des «Propositions pour l’école obligatoire» formulées par Meirieu et Guiraud

7. Proposition de thèmes de questionnement, de réflexion et d’action concernant la différenciation existante et souhaitable des cheminements scolaires

8. Conclusion

Cette recherche a été réalisée par Marthe Henripin à la demande du C.S.E., afin de faire le point sur la différenciation des parcours scolaires et d’établir des contacts et des questionnements pertinents, en vue de la formulation d’une problématique plus adéquate de la différenciation du curriculum au secondaire. À noter que la structure du rapport n’oblige pas à une lecture continue du premier au dernier chapitre; il est plutôt un outil de réflexion dont on peut consulter telle ou telle partie indépendamment des autres.

Les principaux documents à l’appui de la réforme actuelle de l’éducation au Québec ont abordé la difficile question de la différenciation du curriculum : le rapport de la Commission des États généraux sur l’éducation et le rapport Réaffirmer l’école expriment tous deux la préoccupation de favoriser une diversification des cheminements des élèves au secondaire, tout en assurant à tous une formation de base commune jusqu’à la fin de la 3e secondaire.

Cependant, les deux rapports soulignent qu’il faut éviter de créer un «système de différenciation» qui mènerait à une stratification ou à des ségrégations hâtives des élèves; ils insistent sur le fait que l’organisation même de l’école commune devrait permettre le développement de pédagogies différenciées.

Le rapport de recherche a été structuré en six parties :

2/2 Problématique de la différenciation scolaire

On fait d’abord plusieurs constats sur la nécessité de différencier, liée à l’évolution même des systèmes scolaires confrontés actuellement à l’obligation d’assurer la réussite de la grande majorité des élèves qui sont socialement et culturellement plus hétérogènes au sein d’une même classe d’âge. Puis, on brosse succinctement un historique de diverses formes de différenciation scolaire1, au Québec et ailleurs, dont le redoublement, le soutien pédagogique et différents modèles de pédagogie différenciée basée sur la conviction que tous les jeunes sont capables d’apprendre.

Plusieurs façons de gérer l’hétérogénéité existent encore au Québec :

la différenciation par les structures (voies parallèles à côté de la voie régulière); la différenciation d’enseignement et d’apprentissage; la différenciation des parcours individuels de formation (choix faits par les élèves,

à partir de leur niveau réel d’apprentissage).

Le rapport propose ensuite, pour traiter la question de la différenciation au secondaire, un cadre général de référence qui explicite cinq dimensions essentielles à considérer ainsi que quelques principes-clés2 :

la connaissance continue la plus fine possible et la prise en compte des types d’élèves qui constituent une cohorte;

le rôle de chacun des paliers du système scolaire; curriculum formel et curriculum réel;

l’exploitation personnelle et professionnelle plus précoce dans la perspective d’une école orientante;

le réaménagement de l’organisation pédagogique et administrative en fonction de la différenciation des cursus et des parcours scolaires des élèves;

une préparation professionnelle initiale et continue du personnel de l’éducation, cohérente avec les pratiques liées à la différenciation du curriculum .

__________1 Voir texte original, p. 18-19. (retour au texte)2 Voir texte original, p. 57.

3/3 Synthèse des cheminements de formation offerts au secondaire

Cette partie présente un tableau synthèse3 des cheminements ou voies offerts aux jeunes au Québec. Pour chacun sont précisés les critères d’accès, le type de formation générale ou autre proposée, l’organisation pédagogique, le mode d’évaluation des apprentissages et le diplôme décerné.

Ces cheminements ou mesures sont classés en six catégories : régulier, rattrapage, enrichis, orientés vers la qualification professionnelle et le marché du travail, axés sur l’orientation personnelle et professionnelle, et axé sur l’intégration au collégial.

__________3 Voir tableau-synthèse, p. 59-66Note : Ce tableau-synthèse a été mis à jour lors de la publication des nouveaux programmes d’études.

4/4 Principales règles du jeu encadrant la différenciation (p. 71-80)

Ces règles du jeu se trouvent dans la Loi 180 modifiant la Loi sur l’instruction publique, édictée en juillet 1998, qui précise les autorisations et dérogations au régime pédagogique pouvant être nécessaires pour mettre en œuvre un projet particulier de formation. D’autres

encadrements se trouvent dans les règles budgétaires et les conventions collectives des enseignants.

5/5 Les initiatives locales de différenciation du curriculum au secondaire

On y présente un survol descriptif de certaines initiatives de diversification des cheminements de formation effectivement offerts aux élèves dans les écoles secondaires publiques, avec leurs objectifs, leurs critères d’accès et leur organisation pédagogique et administrative, ainsi que les principaux obstacles rencontrés.

En somme, on veut illustrer la diversité existante des parcours scolaires par un certain nombre d’exemples.

Ces exemples, présentés dans une perspective typologique, concernent :

les cheminements de rattrapage proposés aux élèves « à risque » entre le primaire et le secondaire et tout au long du secondaire, à partir d’une analyse de leurs difficultés;

l’enrichissement de la vie scolaire et des apprentissages proposés aux élèves . Cette section porte sur les écoles alternatives, les écoles offrant le programme d’éducation internationale et les écoles offrant des projets particuliers dans différents domaines (arts, langues, sports, sciences, voie technologique, informatique, enrichissement dans plusieurs domaines à la fois);

les cheminements de formation générale axés sur la pratique professionnelle et la connaissance du marché du travail.4 Ce type d’initiatives cherche à répondre aux jeunes qui ont besoin de vivre des activités concrètes et de saisir les applications des matières de base. Plusieurs pratiques d’insertion sociale et professionnelle (ISPJ) et la démarche originale des CFER présentent, elles aussi, un grand intérêt quant aux approches pédagogiques utilisées;

les initiatives d’exploration personnelle et professionnelle, qui sont concentrées au deuxième cycle du secondaire ou qui débutent dès la 1re secondaire avec la démarche de l'«école orientante». Cette exploration personnelle et professionnelle devrait être le corollaire obligé de la différenciation des parcours scolaires;

enfin, le chapitre 4 décrit plusieurs initiatives pédagogiques qui peuvent contribuer à l’individualisation des itinéraires de formation et la faciliter : enseignement modulaire individualisé, semestrialisation, formation à distance, autoformation à la maison comme solution temporaire pour certains élèves.

__________4 Voir tableau-synthèse, p. 59-66.NOTE : Ce tableau-synthèse a été mis à jour lors de la publication des nouveaux programmes d’études.

6/6 Présentation des «Propositions pour l’école obligatoire» formulées par Meirieu et

Guiraud

Ces propositions, élaborées par la France, constituent un outil de réflexion particulièrement intéressant et utile dans le contexte actuel de la réforme scolaire au Québec. Elles vont dans le sens de plusieurs recommandations ou propositions faites en 1996 par les États généraux sur l’éducation et en 1997 par le Groupe de travail sur la réforme du curriculum.

Meirieu et Guiraud5 remettent au premier plan la perspective sociale d’une école qui préparait tous les jeunes du 21e siècle à vivre dans une société démocratique et à améliorer celle-ci. Si tel est l’objectif, l’école elle-même ne peut se permettre d’éclater en de nombreux groupes parallèles, indifférents ou hostiles. D’où le plaidoyer des auteurs pour un parcours scolaire unique dans des écoles publiques ou privées pour tous les jeunes de 3 à 16 ans , dont la réussite serait sanctionnée par un « Certificat d’école obligatoire ». Ce n’est qu’après cette

période commune correspondant, en gros, à notre primaire et premier cycle secondaire, que les jeunes seraient dispersés dans différentes filières.

Les auteurs justifient le rejet de la sélection précoce et le refus d’une «école à plusieurs vitesses» par des arguments d’ordre pédagogique, social et même économique.

Ils proposent une nouvelle culture de l’« école obligatoire » axée sur un nouveau modèle de réussite scolaire et sociale qui ne ferait place ni à la relégation des plus faibles, ni au nivellement par le bas des plus forts.

Ce nouveau modèle de réussite, en plus des objectifs de connaissance, mettrait l’accent sur des objectifs sociaux : travail en groupe, communication, délibération et capacité de s’exprimer sur les problèmes quotidiens rencontrés à l’école, etc.

À la nouvelle culture scolaire correspondrait une nouvelle organisation pédagogique.6 Celle-ci serait caractérisée par une systématisation de la pédagogie différenciée, par un regroupement délibérément hétérogène des élèves coexistant avec des regroupements ponctuels plus homogènes, par l’accès pour tous les élèves à des options et concentrations variées, par un changement dans l’affectation du temps de travail des enseignants, etc. Et bien sûr, il faudrait mettre au point de nouvelles façons d’évaluer la performance de cette «école obligatoire».

__________5 Meirieu, P. et Guiraud, M., L’école ou la guerre civile, Plon, 1997, p. 176 Voir texte original, p. 50-57 et p. 160-164

7/7 Proposition de thèmes de questionnement, de réflexion et d’action concernant la

différenciation existante et souhaitable des cheminements scolaires

Après un rappel des principaux constats concernant la différenciation des cheminements scolaires au Québec, neuf thèmes de réflexion issus du contenu des chapitres précédents sont

proposés :

la définition de «succès du plus grand nombre»;

le réexamen critique de l’offre de formation au secondaire sous l’angle des cheminements scolaires et pas seulement sous celui des programmes d’études;

les modalités et les outils permettant aux enseignants de mieux connaître, de façon continue, différentes facettes du profil des élèves de leur classe;

le rôle de l’exploration personnelle et professionnelle dans un contexte de différenciation des parcours scolaires;

l’équilibre à trouver entre la différenciation par les structures et la différenciation par l’action pédagogique quotidienne, en particulier au bénéfice des élèves « ordinaires »;

la marge de manœuvre permettant à tous les élèves d’avoir accès, dès le début du secondaire, à des options ou à des concentrations;

la place réelle faite aux trois matières de base dans les cheminements différenciés;

les modalités de pilotage du système, en fonction du rôle de chacun des paliers en matière de différenciation;

l’analyse coûts-bénéfices de la différenciation des cheminements scolaires au secondaire.

8/8 Conclusion

Cette étude dite exploratoire de la différenciation du curriculum au secondaire permet de faire un certain nombre de constats utiles et donne une première image globale de la situation à ce sujet en 1998. L’auteure rappelle cependant qu’un bon nombre de questions restent posées, appellent un approfondissement de la question dans son ensemble et devraient selon elle faire l’objet d’un débat de société :

le concept même de différenciation scolaire auquel sont rattachés celui de succès scolaire au plus grand nombre et d’école commune obligatoire, ainsi que la question du moment optimum d’attribution d’une première reconnaissance officielle d’études secondaires;

l’étiquetage scolaire;

l’importance des élèves moyens de la voie régulière;

la question de l’exigence (attentes élevées, diffusées et connues de tous);

le rôle de l’équipe éducative et du Conseil d’établissement dans la tâche de mettre en œuvre une pédagogie différenciée et de gérer l’hétérogénéité des élèves de l’école;

l’attention portée aux apprentissages dans les matières de base;l’ouverture des concentrations et des options à tous les élèves intéressés et une meilleure connaissance de la situation dès le début du secondaire;

l’importance pour tous les élèves d’être confrontés à la réalisation d’activités et de productions concrètes;

l’identification et la suppression des obstacles majeurs d’ordre pédagogique et organisationnel;

un réexamen des modes de pilotage du système scolaire obligatoire (vérification des encadrements existants, réflexion sur la façon de mesurer la performance de l’école secondaire).

Jean Houssaye« Le soutien va-t-il tuer la pédagogie différenciée », dans Cahiers pédagogiques, INRP,

sept. 1998

1. Résumé

2. Gérer les différences dans la classe

3. L’essence de la pédagogie de soutien

4. Diversité des dispositifs de soutien

5. Et la pédagogie différenciée?

6. Comment différencier?

7. L’hétérogénéité, une chance pour apprendre…

8. Obstacles

9. Enseigner et apprendre

10. Inconciliables?

11. En conclusion

L’auteur rappelle qu’en France, en 1999, l’aide individualisée a été introduite. Selon lui, le fait de développer le soutien conduit à faire dépérir la pédagogie différenciée; ce retour en force de l’individualisme, de l’assistanat individuel, a été bien reçu par les enseignants : il les dispense de trouver des solutions collectives, de travailler en équipe de cycle, à la nécessaire diversification des dispositifs pour faire apprendre… et par là même, conforte le cours magistral!

Plus que jamais, dans le système scolaire, les termes soutien et aide sont à l’ordre du jour; alors que la notion de différenciation tend à s’estomper. Selon l’auteur, on assiste à une simple substitution de termes, sans modifier en profondeur le champ de références pédagogiques, dans un mouvement de continuité qui exige que se consument les termes pour que l’innovation perdure et soit acceptée. Nous assistons, dit-il, au grand retour de la pédagogie de soutien1 dans un mouvement qui signe la mort de la pédagogie différenciée en tant que référence dominante.

__________1 Voir texte original p. 2-3

2/2 Gérer les différences dans la classe

Comment l’enseignement simultané gère-t-il les différences ou hétérogénéité? Il les justifie d’abord par l’égalité des chances : l’école est donnée à tous pour tous (le même savoir, les mêmes maîtres). Il a tendance à mettre en place des circuits de distribution des élèves parallèles ou hiérarchisés (le primaire et le secondaire, le public et le privé, le général et le technique, etc.). Bref, tout un système est mis en place qui permet de distribuer les élèves différents dans des circuits hétérogènes entre eux mais plus homogènes dans chacun. Enfin, il réduit l’hétérogénéité interne de chaque classe par un dispositif régulateur chargé d’assurer une homogénéité de fonctionnement au nom de tous : notes, classements, redoublements, non présentation aux examens, etc. L’ordre du même doit l’emporter : la même classe, le même maître, les mêmes contenus, les mêmes élèves. D’une certaine manière, il exclut le pluralisme dans la classe pour le renvoyer sur l’organisation du système scolaire.

3/3 L’essence de la pédagogie de soutien

Le fait de dispenser le même enseignement à l’ensemble des élèves (programmes, rythmes, âges, cursus identiques) produit à son tour de l’échec scolaire et ne permet surtout pas de répondre à un tel échec. Il devient ainsi indispensable pédagogiquement d’introduire de l’hétérogénéité au sein des pratiques de chaque classe : la pédagogie de soutien est chargée d’y répondre.

Il est important de remarquer que cette pédagogie va devenir centrale, sur la scène pédagogique, quand l’Éducation nouvelle et la pédagogie non-directive vont refluer, et sur la scène de l’institution scolaire, quand les différences institutionnelles et organisationnelles du système scolaire vont se réduire singulièrement.

De quoi s’agit-il? Il devient indispensable de prendre en compte et de traiter les hétérogénéités au sein de la classe elle-même afin de rétablir l’homogénéité indispensable à l’ordre pédagogique « normal ».

Si l’on suit les divers textes ministériels qui se réfèrent au soutien, on voit se dessiner une carte de cette pédagogie. Le public? Les élèves en difficulté, « lents », d’origine socioculturelle défavorisée. Les finalités? L’égalité des chances, la lutte contre l’échec et le redoublement, la compensation de tout « handicap », l’atteinte des objectifs pour tous. Les moyens? La reprise des apprentissages de base en français et en mathématiques, en petit groupe ou en aide individualisée, didactique et méthodologique, l’organisation de groupes de niveau. L’initiateur? L’enseignant. L’effectif? Un groupe restreint. Le temps? L’aménagement de moments particuliers pendant et/ou en dehors de l’horaire scolaire habituel.

4/4 Diversité des dispositifs de soutien

En fait, cette même pédagogie de soutien s’inscrit dans tout un ensemble de dispositifs d’aides mis en place en faveur des enfants en difficulté scolaire, dispositifs qui, tous, utilisent la notion de soutien. Il peut s’agir d’aides apportées au sein de la classe « normale » (continuité pédagogique, projet d’action éducative, projet d’école, cycles pédagogiques), d’aides dispensées dans des structures particulières (classes expérimentales, classes de perfectionnement, zones d’éducation prioritaire), d’aides complémentaires de l’enseignement (études du soir, groupes d’aide psychopédagogiques), de projets de restructuration de l’organisation scolaire (aménagement des rythmes scolaires, projets d’école, décentralisation, évaluations nationales à certains niveaux pour favoriser les activités de remédiation).

Face à la pédagogie traditionnelle, la pédagogie de soutien prône l’égalité des individus sans se contenter de l’égalité des chances, la réussite de tous et non pas seulement celle des meilleurs, la compensation et non exclusivement l’élitisme. Elle se focalise sur les performances scolaires et adopte plutôt un comportement de didacticien dont le principal souci consiste à améliorer l’efficacité des apprentissages cognitifs.

Prioritairement, elle permet de reprendre les apprentissages de base à l’aide d’un surplus de temps et d’explications destiné aux élèves en difficulté, à l’aide de la répétition des éléments du programme jugés indispensables à acquérir, les élèves « faibles » devant rattraper les autres pour profiter de l’enseignement cognitif dispensé par ailleurs. C’est une pédagogie du rattrapage et… de la bonne conscience. Au fond, les enseignants aiment la pédagogie de soutien parce qu’elle permet de maintenir une pratique traditionnelle dans le cadre simultané, tout en ayant fait quelque chose dont on sait que ce n’est pas suffisant quant aux résultats mais que c’est satisfaisant en termes de coûts et d’intentions. À ce titre, elle est promise à un très grand avenir. Dit brutalement : la pédagogie de soutien a comme fonction première de soutenir la pédagogie traditionnelle dans le cadre du mode simultané. C’est là son charisme.

5/5 Et la pédagogie différenciée?

Ce n’est pas dire que la pédagogie de soutien ne fait rien ni n’a aucun effet. Faisant appel à des compétences certaines, elle entraîne le praticien dans une démarche de recherche de solutions, témoin de la bonne volonté de l’adulte, sans toutefois bouleverser le fonctionnement en place (les programmes, la prédominance du cognitif, le rôle central du maître). Elle se présente comme réparatrice des perturbations apportées au mode simultané et permet à ce dernier de rester le cadre dominant de l’ordre scolaire. C’est justement ce que met en cause la pédagogie différenciée, qui veut mettre l’élève au centre (et non plus la classe).

Ce n’est pas pour rien non plus que cette pédagogie différenciée s’adresse en priorité au secondaire. Elle relaie la volonté idéologique et politique de l’école unique, qui s’est d’abord adressée à l’école primaire et qui est maintenant le fait du secondaire : le mode simultané régit le secondaire; tous les élèves d’une même classe se voient proposer au même rythme le même contenu découpé en disciplines assurées, chacune, par un enseignant. Il est donc stipulé que l’apprentissage doit se dérouler à l’identique pour tous dans toutes les disciplines au même moment.

6/6 Comment différencier?

La pédagogie différenciée, prenant en compte les différences entre les élèves d’une même classe, se propose de reconnaître ces différences, de les estimer légitimes, de se fonder sur elles pour assurer l’ordre de l’apprentissage dans la classe. Il ne s’agit donc plus de réduire l’hétérogénéité mais de l’agir par la pédagogie. La différenciation prendra ainsi des formes différentes mais complémentaires : différenciation des processus d’apprentissage d’abord (styles cognitifs, ancrages cognitifs différents, outils et démarches d’apprentissage et de guidage), différenciation des contenus d’apprentissage ensuite (types d’objectifs, programmes

noyaux, activités transversales), différenciation des structures enfin (groupes de niveau-matière, groupes de besoin, cycles pédagogiques).

7/7 L’hétérogénéité, une chance pour apprendre…

Il faut donc renoncer au mode simultané. La pédagogie différenciée globalise l’approche de l’hétérogénéité dans la classe et, en même temps, en fait une valeur2 au lieu d’y voir une réalité à réduire. Face à l’hétérogénéité du public scolarisé, la pédagogie différenciée promeut avant tout le respect des différences et la possibilité pour chacun de recourir à des stratégies personnelles. Les élèves, différents par nature, trouveront la solution dans la pluralité : pluralité des maîtres, des rythmes, des groupements, des formes d’évaluation. La différenciation pédagogique vise l’amélioration de l’élève et amène l’adulte à gérer les apprentissages en fonction de la singularité des apprenants. Elle prend en compte les acquis réels des élèves, leur fonctionnement, adapte les temps d’assimilation et les contenus. L’homogénéisation des structures scolaires tend à rendre nécessaire la différenciation des stratégies afin de gérer l’hétérogénéité des situations de la classe simultanée.

__________2 Voir texte original p. 4

8/8 Obstacles

Et pourtant, la pédagogie différenciée, modèle de rénovation pédagogique dominant ne réussit pas à s’imposer et ne réussit toujours pas à le faire. Elle se heurte à plusieurs obstacles.

Le premier de ces obstacles tient à la pédagogie différenciée elle-même : elle apparaît particulièrement complexe et a tendance à décourager tout nouvel adepte par le nombre de facteurs à prendre en compte; elle apparaît comme nécessairement technique et ne semble pas supporter l’improvisation; elle apparaît comme dépendante d’outils appropriés qui ne sont pas vraiment disponibles ou accessibles; elle a débouché sur une batterie de moyens pédagogiques dont le mode d’emploi est propice à décourager le non-spécialiste. La tendance est la même pour l’évaluation formative : notion séduisante, concept introuvable, elle se révélera très difficile à pratiquer car elle décuple le temps de travail pour un résultat trop souvent décevant.

Le second obstacle relève de la force de la tradition éducative. La conjonction historique entre la forme scolaire et le mode simultané s’est effacée au profit d’une « évidence » d’un ordre scolaire naturel, normal, logique. Qui plus est, cette normalité pédagogique s’est agrégée tout un ensemble de justifications idéologiques de nature à provoquer une naturalisation d’une méthode d’enseignement qui la donne facilement comme éternelle et juste.

Le troisième obstacle tient à la nature du changement requis par la pédagogie différenciée : elle suppose un passage du processus « enseigner » au processus « apprendre ». Ce qui relève d’une modification du paradigme de référence. Le mode simultané est basé sur une pédagogie de l’enseignement. Le rapport maître-savoir est premier et l’appropriation du savoir par l’élève dépend directement de ce rapport. L’identité du savoir-maître ou du maître-savoir fait que les élèves sont traités de manière identique, hors de toute différence, et que leur acquisition du savoir ne peut dépendre que de la conduite similaire pour tous du maître détenteur. Les élèves étant censés équivalents et le savoir étant identique sous le traitement commun du maître, on ne voit pas pourquoi la différenciation serait légitime puisque l’ordre scolaire semble tout faire pour l’exclure. Le processus « enseigner » prétend rendre anormal tout écart.

9/9 Enseigner et apprendre

À l’inverse, le processus « apprendre » considère que le rapport élève-savoir est premier et qu’il est par définition propre et problématique. Ce n’est pas le maître qui fait apprendre, c’est le maître qui doit permettre à l’élève d’apprendre. Appuyées d’abord sur la psychologie du

développement, ensuite sur la psychologie de l’apprentissage, enfin sur la psychologie cognitive, les pédagogies de ce type fondent l’ordre scolaire sur l’apprentissage différencié et/ou individualisé des élèves : la pédagogie de maîtrise, le travail autonome, la pédagogie différenciée appartiennent à ce paradigme. C’est là une véritable révolution pédagogique qui brise les canons du mode simultané. On passe d’un processus qui érige le rapport maître-savoir au centre du système éducatif à un processus qui lui substitue le rapport élève-savoir.

10/10 Inconciliables?

Une fois installé dans un processus, on ne peut en sortir de l’intérieur; on reste toujours tributaire de sa logique; le changement ne peut s’opérer qu’en s’établissant d’emblée dans un autre processus : les logiques des processus sont ainsi exclusives et non complémentaires. Ce qui signifie qu’il est illusoire de croire pouvoir implanter la pédagogie différenciée dans le mode simultané. Les principes de base sont opposés et la conciliation n’est pas possible. Pour agir, il faut choisir. La pédagogie passe par l’action. Et l’action requiert de la cohérence.

S’il faut choisir entre mode simultané et pédagogie différenciée, que vient faire la pédagogie de soutien dans cette histoire? Elle relève de la stratégie d’adaptation d’un processus dominant. En effet, un processus se maintient si l’axe central, tout en s’imposant comme premier, laisse suffisamment de place et de jeu aux processus exclus. Autrement dit, le processus « enseigner », pour se maintenir, continuer à dominer et se donner comme satisfaisant, doit tolérer en son sein certains aspects du processus « apprendre » et se régénérer par lui. C’est pourquoi le mode simultané, pour résoudre ses contradictions doit inclure certains éléments du processus « apprendre » en les mettant à son service, sans les laisser devenir dominants et contradictoires. La pédagogie de soutien est là pour intégrer au mode simultané certaines vertus de la pédagogie différenciée sans lui permettre d’opérer le renversement radical qu’elle suppose.

11/11 En conclusion

Le mode simultané fait la loi à l’école, fait la loi de l’école : la pédagogie de soutien lui sert d’aide et de justification, elle apparaît comme la solution dans l’innovation, elle se donne comme la forme du changement acceptable. Elle se nourrit même des solutions radicales qui remettent en cause la pédagogie. Grâce à elle, la pédagogie différenciée, alors qu’elle s’était posée et développée comme une tentative de renversement au nom d’une pédagogie de l’apprentissage, en arrive à entretenir la domination du seul mode simultané. L’institutionnalisation du soutien signe la mort de la pédagogie différenciée. Elle est le signe de l’échec de cette dernière à s’imposer comme ordre scolaire.

Martine Leclerc«Au pays des gitans», Chenelière-McGraw-Hill, Montréal, 2001, 240 p.

1. Résumé

2. Le travail en projet

3. L’intégration des matières

4. Les approches qui respectent la diversité des intelligences

5. L’exploitation des ressources multimédias

6. L’approche coopérative

7. Tableau

Dans ce recueil conçu en fonction de l’élève en difficulté et de ses aspirations, l’auteure suggère des démarches concrètes des situations d’apprentissage qui correspondent à divers styles d’apprentissage. De façon plus particulière, Martine Leclerc consacre le chapitre 7 aux approches à privilégier pour différencier l’enseignement. Elle fait état du déséquilibre grandissant quant à la réussite…

Différentes approches sont présentées brièvement ci-après : le travail en projet, les approches favorisant la diversité des intelligences, l’exploitation des ressources multimédias, l’approche coopérative. Toutes ces approches favorisent la différenciation et visent à ce que les élèves développent des compétences plutôt que d’acquérir simplement des connaissances.

Elle fait état du déséquilibre grandissant quant à la réussite scolaire1 des garçons et des filles : plus de problèmes d’apprentissage et de comportement chez les garçons. Leur attitude à l’égard de l’école est très différente de celles des filles : il faut notamment tenir davantage compte du rythme de développement et du style cognitif de l’élève. On insiste particulièrement sur le fait de mieux faire ressortir l’utilité concrète des apprentissages dans la vie de tous les jours.

2/2 Le travail en projet

Consiste à donner une forme à un avenir proche ou éloigné, à envisager la transformation d’une réalité et à imaginer une situation dont on est l’acteur; c’est ce qu’on a l’intention de faire, c’est une production en devenir ou une action en puissance.

Le travail en projet2 permet à l’élève d’aller aussi loin qu’il le veut dans un sujet étudié et permet de différencier l’enseignement en ce qu’il respecte la capacité de l’élève; il incite également au dépassement et à l’effort, puisque l’élève se fixe des buts à atteindre et des étapes à franchir.L’auteur présente une description détaillée de la démarche du travail en projet :

1.1 Phase collective : élaboration de la carte d’exploration;1.2 Phase de recherche et d’apprentissage;1.3 Phase de réalisation;1.4 Phase d’échange avec le groupe-classe ou d’autres destinataires.

À noter que les premiers projets servent à faire l’apprentissage de cette méthode de travail, à prendre conscience de ses forces et de ses faiblesses et à acquérir l’autonomie nécessaire à la poursuite de nouveaux objectifs; un projet débouche toujours sur une réalisation concrète3.

__________

2 Consulter S. Francoeur-Bellavance, « Le travail en projet », Québec-Français, no 97, printemps 1995, p. 42.3 Consulter le Collectif Morisset-Pérusset, Vivre la pédagogie du projet collectif, Montréal, Chenelière-McGraw-Hill, 1999.

3/3 L’intégration des matières

Représente l’organisation complexe et globale de notre société et permet à l’élève de donner un sens au fait d’étudier les phénomènes et de fournir l’effort d’apprendre. La plupart des défis que les élèves auront à relever dans la vie exigent une réaction intégrée.

L’intégration des matières permet la différenciation de l’enseignement car :

elle favorise l’établissement de liens entre les éléments d’apprentissage, les concepts et les thèmes à l’étude;

elle rapproche l’école de la vraie vie par la mise en relief de problèmes concrets et de questions d’actualité;

elle encourage le transfert des apprentissages dans différents contextes.

De plus, l’intégration des matières permet de motiver l’élève par des situations réelles d’apprentissage, économise du temps et offre à l’élève l’occasion de créer des liens durables entre les compétences et les connaissances. Cette approche permet donc de rendre l’école plus intéressante et plus vivante en la mariant à la réalité.

4/4 Les approches qui respectent la diversité des intelligences

Constituent autant de portes d’entrée pour aider l’élève à pénétrer un sujet et permettent l’enrichissement du répertoire de représentations de chacun. Les styles cognitifs4 doivent être pris en compte pour permettre à l’élève de développer chacune d’elles à différents niveaux.

L’auteur présente succinctement huit formes d’intelligence :

- musicale- kinesthésique- spatiale- interpersonnelle- intrapersonnelle- linguistique- logico-mathématique- naturaliste

On constate que l’école traditionnelle a mis beaucoup l’emphase sur l’intelligence linguistique et logico-mathématique avec les résultats que l’on connaît : difficultés d’apprentissage et problèmes de comportement, en raison du non respect du type d’intelligence de chacun…

__________4 Consulter T. Amstrong, «Les intelligences multiples dans votre classe», Montréal, Éditions Chenelière-McGraw-Hill, 1999.

5/5 L’exploitation des ressources multimédias

Permet à l’enseignant de répondre aux besoins individuels de chaque élève doué ou en difficulté en offrant des ressources facilement utilisables. L’utilisation de l’informatique permet à l’enseignant de modifier son rôle et de permettre à l’élève d’être l’acteur principal dans la construction du savoir : d’un plus haut niveau d’engagement, de persistance et de participation dans l’apprentissage.

L’exploitation des ressources médiatiques5 favorise la différenciation de l’enseignement, car :

elle permet à l’élève d’exporter son type d’intelligence; elle favorise l’interactivité; elle permet à l’élève d’évoluer selon son propre rythme et de s’autoévaluer; elle lui permet d’exploiter ses talents.

__________5 Outils d’apprentissage (ressources médiatiques), Consulter le dossier « Les TIC ».

6/6 L’approche coopérative

Consiste à organiser l’enseignement de façon à ce que le soutien et l’entraide soient mis à contribution, d’où création de petits groupes hétérogènes d’élèves travaillant selon des procédés ou consignes préétablis facilitant la participation de tous à la réalisation d’une tâche scolaire.

Grâce au partage des rôles, au développement de la pensée réflexive chez l’élève, l’interaction,

l’acceptation des autres et l’entraide, cette approche favorise la différenciation de différentes façons : le rôle de l’enseignant en est un de facilitateur; la classe est davantage centrée sur l’élève et non sur l’enseignant ou le programme d’études; les élèves apprennent à mieux se connaître et deviennent des ressources entre eux; les élèves acquièrent par eux-mêmes des méthodes d’organisation et de planification qu’ils garderont toute leur vie.

De plus, approche coopérative6 permet l’éclosion de compétences liées au marché du travail et à la vie en société et au plein épanouissement des individus : autonomie, travail d’équipe, respect des opinions, résolutions de problèmes, expression de la créativité et de la communication.

Bref, selon l’auteur, les approches présentées favorisent la différenciation et mènent à de nouvelles façons de faire et de voir l’école permettant de développer des compétences et non pas seulement d’acquérir des connaissances; le tableau ci-après permet une visualisation des nombreuses disparités au regard de l’approche traditionnelle.

Par souci du respect des différences individuelles, l’enseignant doit en arriver à transformer sa pédagogie en fonction de sa vision de l’élève, respectueux de son rythme d’apprentissage et le percevant comme une personne épanouie.

__________

6 Consulter M. Doyon et O. Georges, L’apprentissage coopératif, théorie et pratique, Montréal, CECM, 1991.

7/7 Tableau

Comparaison entre les approches7

Approchetraditionnelle

Approcherespectant les différences

Une seule réponse. Plusieurs réponses possibles.Une façon de faire. Plusieurs façons de faire.Les élèves étudient toutes les notions. On vérifie ce que les élèves connaissent déjà du sujet à l’étude.Utilisation linéaire du manuel. Utilisation d’une variété de ressources.

Diffusion de l’idée qu’il ne faut pas déroger à ce que le programme indique, de peur de manquer de temps pour couvrir toute la matière.

Utilisation, au moment présent, des occasions de découvertes spontanées offertes par la vraie vie pour les incorporer aux notions à l’étude.

On s’en tient au programme découpé en mois puis en semaines. Il faut le suivre pour voir toute la matière. Le rythme de la classe est imposé par le programme.

Ajustement du programme tout au long de l’année en fonction des difficultés, des priorités et des intérêts des élèves. Le rythme est imposé par le niveau de compétence de l’élève. On détermine son niveau et on tente de l’amener plus loin.

On enseigne beaucoup de matière même si l’élève ne retient pas grand-chose. On a fait son travail : on a enseigné les notions prescrites.

On conçoit que le développement des compétences de l’élève n’est pas une question de quantité de matière mais de qualité des apprentissages.

Une seule procédure possible. Plusieurs procédures possibles.On utilise principalement les méthodes traditionnelles. On innove et on crée de nouvelles manières de faire.Présentations conventionnelles. Occasions inusitées de faire valoir les productions de l’élève.Seules sont mises en évidence les connais-sances des élèves portant précisément sur une notion étudiée ou sur le contenu de la matière.

Mise en évidence des forces et des intérêts de l’élève dans différents aspects du curriculum.

Utilisation de la méthode suggérée dans le manuel sans égard au style d’apprentissage de l’élève.

Questionnement sur la façon de faire qui permettrait à l’élève de mieux comprendre et qui respecterait son style cognitif.

Croyance que les principes pédagogiques sont là pour être appris; on espère que l’élève découvrira un jour à quoi ils servent.

Préoccupations à rattacher à la vraie vie les principes pédagogiques à l’étude.

L’enseignante ou l’enseignant dirige la classe et impose les thèmes et les activités.

L’élève participe activement à la planification des thèmes et des activités.

Les élèves sont passives ou passifs. Tout est décidé d’avance. Elles ou ils se font « nourrir ».

Responsabilisation de l’élève quant à son apprentissage.

On compare l’élève aux autres élèves. On compare l’élève à lui-même (on relève ses progressions par

rapport aux défis qu’elle ou qu’il s’est fixés). __________7 Tiré de M. Leclerc, Au pays des gitans, p. 224-229

Louis LegrandLes différenciations de la pédagogie. Paris, PUF, 1995.

1. Résumé

2. Introduction

3. Les innovations pédagogiques des années 1920 à 1960. La recherche de l’individualisation

4. La mutation institutionnelle des années 60 : l’exigence d’une différenciation rationnelle

5. Le soutien, lieu de la différenciation

6. La différenciation pédagogique comme pédagogie de maîtrise

7. La mise en œuvre effective d’une pédagogie de maîtrise

8. L’action pédagogique différenciée

9. Les styles pédagogiques

L’auteur présente l’évolution du concept de différenciation depuis le XVIIIe siècle. L’adaptation du système éducatif a été, et est encore, une réponse à la diversité des publics scolaires.

Depuis Destutt de Tracy en 1800, tous les auteurs affirment que la prise en compte de la réalité individuelle de l’élève est un élément essentiel à la réussite d’une pédagogie efficace.

Louis Legrand décrit les principes sur lesquels reposent les innovations pédagogiques relatives à la différenciation depuis les années 1900. De la «zone proximale de développement» (Vigotsky, 1934), à la «Pédagogie nouvelle» issue des deux guerres mondiales, en passant par la pédagogie de maîtrise de Bloom, l’auteur jette un regard critique sur l’évolution de la différenciation et termine en incluant des textes sur la différenciation à l’appui de sa réflexion.

2/2 Introduction

L’expression «différenciation de la pédagogie» est relativement nouvelle dans le vocabulaire en usage dans le contexte français. La notion, sous des formes diverses cependant, remonte à des préoccupations ancestrales soucieuses d’adapter l’enseignement à la diversité des élèves. Mais ce souci n’a véritablement pris une dimension institutionnelle qu’avec le développement d’un enseignement populaire au XVIIIe siècle. Les effets spontanés des groupements sociologiquement déterminés, l’«école des riches et l’école des pauvres», introduisirent très tôt une différenciation, pour ainsi dire naturelle et non théorisée.

Différencier l’enseignement peut avoir deux sens complémentaires. Il s’agit, dans tous les cas, de prendre en compte la réalité individuelle de l’élève. Mais cette prise en compte peut se faire en considération de deux objectifs différents : ou bien, il s’agit d’adapter l’enseignement à la destination sociale et professionnelle des élèves; ou bien, un objectif commun étant défini et affiché, il convient de prendre en compte la diversité individuelle pour y conduire.

La première sorte de différenciation a été sécrétée par une formation en fonction des besoins d’instruction nés du développement économique et technique, nés également de la naissance des concentrations urbaines et du développement de l’industrie. Le texte de Destutt de Tracy, écrit en 1800, est clair quant aux objectifs et à la nature de cette différenciation institutionnelle. Dans son esprit, il y a deux classes d’hommes : la classe ouvrière et la classe savante. Ces classes sont telles, naturellement : c’est leur destinée. Les premiers sont appelés à travailler

très tôt de leurs mains. Les seconds sont appelés à diriger. Du point de vue éducatif, les premiers ont besoin d’une formation courte et efficace, leur permettant de tenir leur place de travailleur dans la société : paysans, ouvrier, artisans. Les seconds, au contraire, ont besoin d’une formation qui leur fasse comprendre le fonctionnement de la société. Leur formation doit être théorique et sera plus longue que celle des ouvriers. Ainsi s’amorce, de façon déjà fort élaborée, la conception d’un système éducatif dual où l’on voit se dessiner l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire.

3/3 Les innovations pédagogiques des années 1920 à 1960. La recherche de

l’individualisation

C’est la confrontation de la pédagogie classique de l’école élémentaire et des enfants débiles – on disait alors les «idiots» ou les «imbéciles» - qui va entraîner dans les années 1900 une réflexion et une pratique différentes. C’est à partir d’essais et d’études que va émerger ce qu’on va appeler la «pédagogie nouvelle» qui se veut valable pour tous. C’est donc la nécessité sociale de scolariser les «débiles» dans le cadre urbain qui a conduit à différencier la pédagogie. Or, si les débiles sont inaptes à recevoir une pédagogie verbale, ils sont capables de s’investir dans des tâches sollicitant leur action réelle sur les choses. Binet voyait dans cette impuissance et cette capacité l’effet d’un développement arrêté en chemin, où l’on voit déjà l’idée d’une «génétique de l’intelligence» que développeront plus tard Claparède, Piaget et ses équipes, Vygotski ou Bruner. L’enseignement des débiles sera donc actif, mettant en œuvre la main sur des objets «concrets». Mais ces objets «concrets» devront correspondre aux intérêts spontanés tels qu’ils découlent du milieu de vie de l’enfant lui-même. La nécessité de permettre le développement naturel conduira à adapter les progressions à ce développement : ne rien précipiter; savoir attendre mais solliciter dans ce qu’on appellera avec Vygotski «la zone proximale de développement» (Vigotsky, 1934). Enfin, cette pédagogie ne saurait réussir si elle n’entraîne pas un changement radical dans la relation maître-élève. À l’enseignement collectif verbal doit être substituée une relation individualisante et sympathiquement attentive.

Quant aux principes fondamentaux d’une telle pédagogie, rappelons des aspects essentiels que l’on retrouvera dans la différenciation :

connaître les sujets dans leurs spécificités intellectuelles et affectives; motiver, c’est-à-dire personnaliser l’enseignement; concrétiser sous différentes formes, et en particulier l’usage de la main; individualiser l’apprentissage.

Legrand fait appel à l’«Éducation nouvelle» et aux «Méthodes actives» comme ancêtres de la différenciation. Il est clair que les apports de ces mouvements sont très importants dans la conception actuelle de la différenciation. La mise en cause générale de la pédagogie traditionnelle s’est produite après le grand cataclysme des guerres de 1914-1918 et de 1940-1945. Ces guerres sont apparues à des pédagogues animés par l’idéal démocratique et humaniste comme le produit d’une éducation jugée responsable de l’intolérance et des passions nationalistes. Pour la «Pédagogie nouvelle» il s’agissait donc, avant tout, de produire un homme nouveau.

Un des principes sur lequel s’appuyait la pédagogie nouvelle était de chercher à créer chez l’élève des attitudes que l’on souhaite durables et perdurant chez l’adulte, attitudes d’autonomie intellectuelle et de respect d’autrui. En terme de technique, on arrive à conclure que le maître ne plus être le médiateur obligé entre le savoir et l’élève. Sa connaissance du savoir est indispensable, mais non pour une diffusion magistrale. Il s’agit, pour lui, d’organiser sa matière en vue d’une consommation personnelle des élèves. De maître, il devient «contremaître», surveillant l’avancement du travail et intervenant à la demande ou lorsqu’il constate une difficulté persistante.

4/4 La mutation institutionnelle des années 60 : l’exigence d’une différenciation rationnelle

Jusqu’alors, la différenciation était en quelque sorte naturelle. Des écoles séparées, recevant des publics spécifiés volontaires, pratiquaient une pédagogie correspondant par tradition à ces populations spécifiques et à leur destination sociale. À partir du moment où cet accès spontané à des établissements différents est supprimé, et où tous les élèves d’un secteur sont drainés bureaucratiquement dans un même établissement, alors la diversité des élèves juxtaposés ou brassés apparaît en pleine lumière et la question se pose de savoir quelle pédagogie devront pratiquer ces établissements.

La place du psychologue scolaire et celle du conseiller d’orientation sera affirmée plus tard.  En 1959, les principes d’une intervention de la psychologie dans la détermination d’une pédagogie différenciée est au seul bénéfice de l’observation et de l’orientation et non de la pédagogie. Les contenus de cet apport psychologique demeurent marginaux puisque le corps professoral n’étant pas formé à la psychologie considérait l’échec scolaire comme le signe le plus visible d’un manque d’aptitudes intellectuelles classiques et, par opposition, d’une possible compétence technique. D’où le système effectif d’orientation scolaire qui a toujours fonctionné comme un système d’éviction hors des parties «nobles» du système et l’affectation aux filières techniques courtes conçues comme convenant à de tels élèves.

La différenciation de la pédagogie demeurait institutionnelle, puisque chaque filière devait pratiquer une pédagogie différente, adaptée à la population qui y était soumise. La seule différence, en théorie du moins, était que cette affectation aux filières devait être rationnelle, découlant des décisions prises en commission, et non le fait d’un déterminisme sociologique spontané.

Ce glissement de l’innovation, inspirée des méthodes actives, vers des élèves en difficulté n’est pas sans rappeler ce que nous avons vu plus haut : l’origine quasi «médicale» des méthodes d’éducation nouvelle destinées au début, chez leurs créateurs, à des élèves «débiles» ou «malmenés sociaux».  

5/5 Le soutien, lieu de la différenciation

Mais comment prendre en compte la diversité des publics dans ces conditions où les filières sont supprimées et les contenus et les méthodes sont unifiés? René Haby pense résoudre le problème par l’instauration, dans les classes hétérogènes, d’une heure hebdomadaire de «soutien» dans les disciplines de français et de mathématiques. Chaque semaine, le professeur constate les difficultés rencontrées par tel ou tel élève dans l’avancement du programme. Il les prend à part, pour des activités de reprises pendant que les élèves «rapides» sont conviées à des activités d’approfondissement. Ce soutien doit utiliser une pédagogie adaptée aux caractéristiques propres de ces élèves. Ici apparaît, pour la première fois dans des textes officiels, l’idée d’une «pédagogie différenciée». Il s’agit donc bien d’une conception nouvelle, dans la mesure où cette différenciation souhaitée n’est pas attachée à une filière devant conduire à des insertions ultérieures différentes, soit pédagogiques, soit professionnelles. Elle n’est ici que pédagogique et ne concerne que l’individu dans sa spécificité psychologique face à un apprentissage commun.

La réforme Haby apparaît comme un ensemble cohérent malgré les concessions jugées nécessaires, en particulier quant au maintien, considéré par son auteur comme transitoire, de la formation professionnelle précoce. Mais ces textes novateurs demandaient une transformation profonde des comportements professoraux, en particulier par tout ce qui, dans cette réforme, appartenait aux méthodes actives. Une formation continue aurait été nécessaire. Il n’en fut rien et, peut-être, faute de crédits, seuls des fascicules écrits furent diffusés comme devant à la fois convaincre et entraîner les modifications souhaitées de la pédagogie. René Haby définit et impulse sa réforme dans les années 1975-1977. Auparavant, Louis Legrand mène une expérimentation dans 28 collèges selon l’idée centrale de supprimer les filières et, partant, la suppression des pédagogies spécifiées.

La différenciation de la pédagogie trouve dans ces conditions sa définition fonctionnelle. Elle n’est plus attachée à un établissement ou à une filière. Elle découle d’une confrontation individualisée entre un programme et les caractéristiques de tel élève. Le professeur n’est plus

l’homme d’une seule méthode : la sienne. Il fait partie d’une équipe et ajuste ses techniques à la nature des populations qui lui sont confiées dans le cadre des décisions collégiales. Les professeurs groupent les élèves à certains moments, en considération de leurs compétences estimées ou de leurs déficits jugés comparables.

6/6 La différenciation pédagogique comme pédagogie de maîtrise

C’est Benjamin Bloom qui, le premier, a posé les principes d’une telle pédagogie à Chicago (B. Bloom, 1971-1974). L’essentiel de la pédagogie de maîtrise est l’encadrement temporel de l’apprentissage par des prises d’informations objectives avant et après, portant sur les données cognitives et affectives. L’évaluation, que l’on appelle formative, précisément pour ses fonctions régulatrices, devient un élément essentiel de l’enseignement. L’essentiel est donc ici la qualité des prises d’information en fonction des objectifs pédagogiques visés. C’est donc l’analyse des caractéristiques de départ et des résultats obtenus – entendons les connaissances mais aussi les attitudes intellectuelles et affectives – qui est primordiale. L’analyse des objectifs pédagogiques (les taxonomies d’objectifs) dont l’idée centrale est de convenir de ne pas mettre l’accent sur les contenus des programmes mais sur la manière dont les élèves peuvent les aborder et les maîtriser. C’est ce qu’on a appelé la traduction des programmes en «comportements observables». Par «comportement observable», il faut comprendre l’activité propre de l’élève au moment de l’évaluation, et, par extension, son activité au moment de l’apprentissage. Cette conversion d’intérêt a une conséquence fondamentale : elle conduit à intégrer des éléments de psychologie cognitive aux contenus de programme. On peut constater des différences individuelles dans la manière du «vivre ensemble». Certains élèves sont «ouverts» et cherchent la compagnie de leurs camarades et d’autres sont plus «renfermés» et préfèrent les activités solitaires, les lectures personnelles, etc. Ces dispositions sont liées au «caractère» mais elles évoluent avec l’âge et en particulier à l’adolescence. Elles semblent également liées au cadre social et à la nature de l’organisation scolaire qui renforce ou au contraire neutralise les tendances à l’isolement. La différenciation pédagogique devrait utiliser ces attitudes.

7/7 La mise en œuvre effective d’une pédagogie de maîtrise

La détection des niveaux, des compétences et des attitudes.L’habitude, dans l’évaluation en pédagogie, est de s’en tenir aux contenus de programme. Par exemple on cherchera à évaluer la capacité de lecture par la seule lecture à haute voix d’un texte sorti d’un manuel de morceaux choisis. Si l’on veut obtenir des renseignements utilisables pour la différenciation, il conviendra de chercher à mettre en relief ce qui va et «ce qui ne va pas» dans cette lecture. Ainsi sera-t-on obligé de passer par une analyse en objectifs de l’acte de lire : s’agit-il de la vitesse de lecture oculaire, ou d’articulation dans l’oralisation, ou de compréhension du vocabulaire, du sens global et de la structure du texte. Pour chacune de ces compétences une prise d’information devra être ménagée, et c’est l’ensemble des résultats qui devra donner une image de la capacité de lire d’un sujet, orientant par là l’effort spécifique qui le concernera.

8/8 L’action pédagogique différenciée

Partir de ces observations pour adapter l’action pédagogique à la diversité constatée, telle est la tâche du pédagogue soucieux de différencier rationnellement son enseignement. C’est probablement l’aspect le plus difficile de la pédagogie de maîtrise comme différenciation. Différencier la pédagogie de façon rationnelle c’est, en quelque sorte se faire violence pour prendre en compte la nature de l’élève en contrepoint de sa nature propre et des contenus de savoir fixés par l’institution.

9/9 Les styles pédagogiques

La combinaison du savoir, des processus, de la distance conceptuelle, du langage et des situations relationnelles d’apprentissage permet de comprendre la nature des styles pédagogiques propre aux personnalités des éducateurs Ainsi se dessinent deux types extrêmes : le maître dominé par sa matière et son personnage : déductif, abstrait, privilégiant l’enseignement collectif, et le maître pratiquant les méthodes actives, inductif, concrétisant, utilisant le travail de groupe, individualisant l’apprentissage selon les besoins. Le propre d’une différenciation de la pédagogie est donc d’utiliser ces différentes situations en fonction du public traité et non plus en expression spontanée de sa propre personnalité. Il est clair que dans un enseignement collectif, une telle individualisation est, à la rigueur, impossible.

En guise de conclusion, Louis Legrand écrit que la différenciation de la pédagogie apparaît aujourd’hui comme l’aboutissement d’évolutions déjà anciennes. Elle synthétise des tendances spontanées, liées à des choix politiques et sociaux, et les apports récents des sciences de l’éducation. Comme telle, elle est la pédagogie de l’avenir qui devrait inspirer les législateurs, tant en ce qui concerne les orientations générales et les politiques que la formation des maîtres, encore très éloignée de ce que l’on pourrait espérer.

Finalement, Legrand inclut des textes sur la différenciation pédagogique1 à l’appui de sa réflexion.

__________1 Voir texte original p.  91-95. p.95-102.

Philippe Meirieu«La pédagogie différenciée : l’essentiel en une page», dans Les cahiers pédagogiques,

numéro spécial Différencier la pédagogie, 1988

1. Résumé

2. Dans la classe, par chaque enseignant, dans sa discipline :

3. Pour plusieurs classes dans une discipline donnée :

4. Pour une classe, dans l’ensemble des disciplines :

 

Ce texte présente les instrumentations et les cadres d’organisation possibles de la différenciation.

Le principe de base qui doit présider à la mise en place de la différenciation pédagogique1 (Pédagogie différenciée) consiste à multiplier les itinéraires (routes) d’apprentissage en fonction des différences existant entre les élèves, tant sur le plan de leurs connaissances antérieures, de leurs profils pédagogiques, de leurs rythmes d’apprentissage, que de leurs cultures propres et de leurs centres d’intérêt.

Meirieu explique que cette prise en compte de l’élève dans le processus d’appropriation des connaissances n’exclut en rien la poursuite d’objectifs communs : elle en est, au contraire, la condition. C’est pourquoi la différenciation, si elle doit s’appuyer sur les ressources propres de chacun, ne doit pas renoncer à élargir celles-ci. Afin d’éviter d’éventuels processus d’enfermement, le processus de différenciation ne devrait pas occuper, pour chaque élève, la totalité du temps scolaire accordé à une discipline. Ainsi, il sera loisible à l’élève de travailler selon la méthode qui lui convient et d'étendre son répertoire méthodologique.

Meirieu distingue plusieurs cadres d’organisation de la différenciation :

__________1 Voir texte original p. 32 –35

2/2 Dans la classe, par chaque enseignant, dans sa discipline :

1. Différenciation successive : elle consiste à utiliser successivement différents outils et différentes situations d’apprentissage, de façon à ce que chaque élève puisse trouver la méthode qui lui convient parmi plusieurs. Ainsi, l’enseignant pourra varier les outils et les supports, utiliser l’écriture, la parole, l’image, le geste, les TIC, etc. Il pourra également varier les situations : exposé collectif, travail individualisé, monitorat, travaux de groupe. Dans cette forme de différenciation, le maître conserve une progression collective, mais fait alterner les méthodes utilisées.

2. Différenciation simultanée : celle-ci, qui ne peut s’effectuer que sur une partie du temps scolaire, consiste à distribuer à chaque élève un travail correspondant de façon précise à ses besoins et à ses possibilités, à un moment donné du programme, par exemple :

exercices d’entraînement sur une question mal comprise;

reprise d’une notion;

exercice d’enrichissement;

etc.

Cette forme de différenciation est particulièrement nécessaire dans des disciplines (comme la langue d’enseignement) où les compétences à acquérir sont multiples et les niveaux des élèves très différents sur chacune d’entre elles : orthographe, grammaire, rédaction, lecture, expression orale, littérature, etc. Elle est aussi possible dans toutes les matières dans la mesure où l’enseignant s’efforce d’adapter les méthodes proposées à chacun des élèves. Par exemple, tel élève travaille sur une fiche, tel autre utilise un didacticiel, tel autre encore travaille sur une manipulation d’objets, pendant qu’un autre reçoit des explications de l’enseignant.

Dans cette forme de différenciation, il est essentiel que l’enseignant puisse disposer d’outils de travail rigoureux pour éviter la dispersion et l’oubli : l’enseignant devra donc établir, à cette fin, des plans de travail individualisé ou des contrats qui feront l’objet d’évaluations régulières.

3/3 Pour plusieurs classes dans une discipline donnée :

Au plan de l’organisation scolaire, une équipe d’enseignants d’une discipline donnée, au regard d’un cycle ou d’une année donnée, peut diviser l’horaire hebdomadaire en deux temps :

un temps en classes hétérogènes, où sont définis les objectifs, organisés des apprentissages communs, effectuées ces évaluations;

un temps en « groupes de besoins », où les élèves sont répartis en fonction des besoins identifiés dans tel ou tel domaine et pris en charge par l’un des professeurs de l’équipe. Selon les cas, la répartition des élèves pourra se faire sur l’un des critères suivants :

reprise de notions antérieures non ou mal assimilées;

formation à des habiletés méthodologiques (apprendre un texte, une leçon, faire un graphique, etc.);

exercices d’entraînement pour des élèves plus lents et d’enrichissement pour les autres;

reprise d’une notion par d’autres itinéraires (faisant appel par exemple à l’oral ou à la manipulation);

applications ou approfondissements dans différents domaines;

utilisation de la diversité des personnels enseignants dans l’équipe pédagogique pour surmonter des difficultés relationnelles qui auraient pu apparaître avec tel ou tel élève.

L’intérêt d’une telle formule réside dans son extrême souplesse et la possibilité d’utiliser, suivant les besoins, l’un ou l’autre des critères de répartition. Elle requiert évidemment, une concertation minimale des enseignants pour inventorier les besoins et élaborer les propositions pédagogiques correspondantes, mais elle permet d’éviter les pertes de temps dans la gestion de la classe.

4/4 Pour une classe, dans l’ensemble des disciplines :

La diversité même des disciplines peut être utilisée comme un tout de différenciation. En effet, les enseignants peuvent s’entendre sur un programme couvrant un ensemble de compétences transdisciplinaires à acquérir dans une période de temps donnée. Par exemple :

écoute, compréhension, application des consignes;

confection d’un exposé, d’une affiche, d’une fiche de lecture;

faire une analyse, une synthèse, un graphique, constituer un dossier, etc.

Une fois le programme établi, les élèves sont sollicités pour effectuer l’exercice dans la matière de leur choix. Ils doivent bien évidemment avoir atteint tous les objectifs requis dans les temps fixés.

Il convient de préciser que la mise en place de la différenciation est inséparable d’une pédagogie de l’autonomie : en permettant à l’élève d’ajuster progressivement ces moyens à des fins, elle lui permet de devenir de plus en plus lucide et responsable dans la gestion de son travail scolaire.

 MEQCommission des programmes d’études, Pour des élèves différents, des programmes

motivants, Gouvernement du Québec, 39 pages.

1. Résumé

2. Problématique de la différenciation

3. Des orientations pour différencier

4. Des pistes pour étayer les orientations de différenciation

5. Des pistes pour étayer les orientations de différenciation (suite)

6. Les conditions de mise en œuvre

7. Conclusion

Dans la réforme de l’éducation en cours, l’accent est mis sur la réussite de tous les élèves. La Commission des programmes d’études emboîte le pas du Conseil supérieur de l’éducation et présente sa réflexion sur la question de la différenciation. Elle suggère quelques orientations et établit des balises pouvant guider l’élaboration de programmes différenciés et de programmes à option qui tiennent compte de la diversité des champs d’intérêt des élèves et de leurs aspirations scolaires et professionnelles.

La Commission considère la différenciation comme l’une des pierres d’assise de la réussite des élèves en ce qu’elle apporte une réponse plus adéquate à la perte de sens que ressentent les élèves envers les apprentissages scolaires, plus particulièrement au second cycle du secondaire.

Le présent document comprend quatre parties :

l’état de situation de la différenciation et de la diversification; les orientations pour définir une approche différenciée; les balises pour guider l’élaboration de programmes différenciés et à options; les conditions de mise en œuvre à l’école secondaire.

2/2 Problématique de la différenciation

Le système d’éducation du Québec favorise de plus en plus la différenciation de la formation en raison de l’obligation d’assurer la réussite scolaire de tous les élèves 1; ceux-ci sont différents au plan socioculturel, cognitif et psychoaffectif. Il faut donc concevoir que plusieurs manières de réussir sont possibles et qu’en particulier, plusieurs parcours, d’égale valeur, sont aussi possibles. Même si plusieurs aspects de la pratique y renvoient dès le primaire, le ministère de l’Éducation du Québec entend y mettre l’accent au 1er cycle du secondaire, en raison du décrochage à ce niveau.

1.1 Diversification et différenciation

La diversification2 est utilisée pour désigner les aménagements effectués dans la structure ou l’organisation de la formation pour tenir compte des caractéristiques particulières des élèves, alors que la différenciation3 désigne ici l’organisation des contenus, des interactions et des activités d’enseignement; pour l’École tout un programme (MÉQ, 1997), différencier, c’est varier le plus possible les actions de formation pour que chacun soit placé dans des situations où il puisse réussir.

Pour la Commission des programmes, la différenciation doit être mise au service de la diversification en offrant aux élèves diverses possibilités de construire leurs propres parcours scolaires et de tracer leur propre profil de formation. La différenciation doit donc viser non seulement les programmes d’études, mais aussi les pratiques et les dispositifs pédagogiques et didactiques.

Deux formes (axes) de différenciation permettent d’adapter la formation aux caractéristiques des élèves, tout en maintenant les compétences que tous doivent développer :

1.1.1 La différenciation pédagogique4, qui a trait aux méthodes pédagogiques et aux démarches didactiques, a lieu dans la classe et vise à réduire l’échec scolaire et à mieux outiller l’élève en lui offrant des occasions de développer des stratégies d’apprentissage variées.

1.1.2 La différenciation par les programmes d’études5 concerne l’organisation des contenus de ces programmes et le choix des contextes de réalisation des compétences résulte de la nécessité de varier les contextes de réalisation et les contenus de formation ainsi que leur organisation en vue d’adapter la formation aux caractéristiques des élèves.

Nous savons tous en effet que les pratiques actuelles de diversification et de différenciation au Québec comportent, pour la plupart, des modes de sélection basés sur la performance des élèves; que cette façon de procéder peut contribuer à « décimer » les groupes ordinaires en les privant d’élèves qui constituent souvent, pour leurs

camarades, de puissants stimulants. Il convient donc de contrer cette dérive en remplaçant le principal critère actuel de la performance scolaire par un autre suivant lequel les centres d’intérêt des jeunes seraient pris en compte. Dans son avis, la Commission remet en question la pertinence du mode de différenciation proposé dans « L’école tout un programme », mode qui consiste à complexifier les contenus des programmes et à en augmenter le nombre d’unités.

__________1 Voir texte original p. 3-6 (retour au texte original)2 Voir texte original p. 3-6 (retour au texte original)3 Voir texte original p. 3-6 (retour au texte original)4 Voir texte original p. 7-95 Voir texte original p. 4-5

3/3 Des orientations pour différencier

Pour répondre aux exigences que le succès pour tous implique, la Commission fait des propositions de diversification et de différenciation à partir de quelques orientations. Elle reconnaît que le nouveau Programme de formation formulé par compétences est porteur de différenciation parce que les élèves peuvent être placés dans des contextes différents. Cependant, elle souhaite le renforcement de cette différenciation sans pour autant qu’on passe, tel que l’énonce L’École, tout un programme, par la complexification des contenus, car celle-ci pourrait avoir des incidences négatives sur l’enseignement et l’apprentissage. Il faudrait faire preuve d’innovation en différenciant sous un autre angle, comme le champ d’intérêt, la forme d’intelligence et le besoin d’orientation et d’exploration. Il faudrait également offrir à l’élève un ensemble de moyens pouvant le guider dans sa recherche identitaire ainsi que dans son cheminement scolaire et professionnel en vue d’une intégration harmonieuse à la société, et plus particulièrement au monde du travail.

4/4 Des pistes pour étayer les orientations de différenciation

La Commission dégage des balises6 qui pourraient guider l’élaboration des programmes différenciés et des programmes à option et donne, à titre indicatif, des exemples pour illustrer de tels programmes.

Des programmes différenciés : pour tenir compte des différences entre les élèves

Cinq balises pourraient éclairer l’élaboration des programmes différenciés :

Respecter le nombre d’unités fixé par le régime pédagogique pour chaque discipline concernée. On évite ainsi d’empiéter sur la plage des options.

Situer les programmes différenciés dans un système ouvert et non dans des profils fermés. On permet ainsi aux élèves d’établir leur profil à partir de choix qui leur sont offerts.

Concevoir des programmes différenciés sans en faire des préalables à un profil de formation. On offre ainsi aux élèves toutes les possibilités associées à la poursuite de leurs études.

Éviter qu’une voie unique réponde à l’objectif de différencier les programmes de toutes les disciplines. On peut ainsi mieux tenir compte des conditions d’apprentissage et de la structure propres à chaque discipline ainsi que des attitudes des élèves.

Limiter le nombre de programmes différenciés par discipline à trois. On permet ainsi une offre raisonnable dans l’ensemble des écoles du Québec.

Des propositions de différenciation

La Commission envisage deux modes de différenciation : une différenciation par les contextes de réalisation et une différenciation par l’enrichissement des programmes.

Si on privilégie le mode de différenciation par les contextes de réalisation, on tente d’atteindre les élèves par le truchement de leurs champs d’intérêt et de leurs besoins en variant le contexte de réalisation. Ainsi, on agit sur le domaine affectif en plus du domaine cognitif en proposant des programmes qui touchent davantage les élèves, sans diluer les contenus. Ce mode de différenciation est suggéré pour les programmes de langues d’enseignement, de mathématique ainsi que de science et technologie. La Commission illustre ce mode de différenciation en donnant, à titre indicatif, les exemples de trois programmes différenciés pour chacune de ces disciplines. Ces trois programmes différenciés, de niveau comparable, proposeraient les mêmes compétences, porteraient sur des savoirs essentiels communs, mais feraient appel à des contextes de réalisation variés selon les champs d’intérêt, les besoins et les potentialités des élèves.

Quant au mode de différenciation par l’enrichissement de programmes7, il consiste à la fois à élever le niveau conceptuel en mettant l’accent sur le processus d’apprentissage et à élargir l’application des connaissances assimilées. Ce mode est suggéré pour les programmes de français et d’anglais, langues secondes. On peut ainsi tenir compte des différents niveaux observés relativement à la maîtrise des langues secondes en vue d’approfondir les apprentissages dans ces disciplines.

__________6 Voir texte original p. 11-26 (retour au texte)7 Voir texte original p. 16

5/5 Des pistes pour étayer les orientations de différenciation (suite)

Des programmes à option8 : pour mieux tenir compte des centres d’intérêt des élèves

Quatre balises devraient guider l’élaboration des programmes à option :

Permettre aux élèves de choisir leurs options dans au moins trois domaines d’apprentissage, ce qui s’avérerait une proposition moins restrictive pour chacune des années en cours que celle formulée dans L’École, tout un programme.

Faire remplir à ces programmes une double fonction : l’approfondissement et l’exploration.

S’ouvrir à l’interdisciplinarité afin de donner aux élèves l’occasion de développer des compétences disciplinaires et transversales.

Offrir par des programmes à option une préparation permettant aux jeunes de s’adapter aux changements du 21e siècle.

Pour chaque domaine d’apprentissage, la Commission propose des exemples de programmes à option motivants pour les élèves, soit parce qu’ils sont liés à la nouveauté et à la découverte, soit parce qu’ils répondent aux besoins de certains qui désirent aller plus loin dans leurs apprentissages, soit encore parce qu’ils peuvent susciter de l’intérêt chez les jeunes en général.

D’autres options pourraient être offertes aux élèves. Par exemple, dans le cadre de l’ouverture à l’interdisciplinarité, l’élève pourrait choisir comme option un « projet d’apprentissage personnalisé » à l’intérieur duquel il pourrait mener un travail de recherche, de réflexion ou de création et développer des compétences disciplinaires et transversales tout en y intégrant ses objectifs personnels d’apprentissage. Également, en ce qui concerne la formation

professionnelle, la Commission voit l’« exploration professionnelle » comme une activité qui permettrait aux élèves de découvrir des métiers et qui s’avérerait une ouverture sur les professions pour les jeunes désireux de poursuivre leurs études au collégial ou à l’université.

Au sujet de la reconnaissance des compétences9

Les propositions de la Commission en matière de programmes différenciés et de programmes à option ont des répercussions sur la sanction des études et l’arrimage entre le secondaire et le collégial. Pour permettre aux élèves de faire des choix de programmes de valeur équivalente, il importe de définir une sanction renouvelée qui tienne compte de la diversification des parcours scolaires. Des discussions entre les représentantes et les représentants du secondaire et du milieu collégial pourraient conduire à un tel résultat.

__________8 Voir texte original p. 19-24 (retour au texte)9 Voir texte original p. 25

6/6 Les conditions de mise en œuvre

Les différentes propositions faites par la Commission demandent un engagement de la part du personnel enseignant, de la direction d’école et des parents. En effet, l’application des programmes différenciés et des programmes à option proposés par la Commission nécessite, en plus de compétences et d’une qualification professionnelle actualisées, beaucoup de collaboration de la part d’une équipe-cycle ou d’un groupe d’enseignantes et d’enseignants d’une même année. Elle suppose également un leadership pédagogique réaffirmé de la direction d’école, une participation soutenue des commissions scolaires à l’effort de différenciation et un appui des parents fondé sur leur compréhension des visées des nouveaux programmes. Par ailleurs, des programmes différenciés et des programmes à option viables au secondaire entraînent des changements dans l’organisation pédagogique10, changements qui reposent sur l’aménagement du temps et sur les technologies de l’information et de la communication (TIC).

__________10 Voir texte original p. 27-30

7/7 Conclusion

Dans cet avis, la Commission des programmes d’études prend l’initiative de proposer au ministre de l’Éducation une façon non traditionnelle d’élaborer les programmes différenciés et les programmes à option au second cycle du secondaire. Elle veut ainsi apporter sa contribution au travail exigeant et important qu’est celui de bâtir des programmes qui tiennent compte des différences de motivation, de potentiel, de choix et de rythme d’apprentissage des élèves tout en retenant l’intérêt de ces derniers. Elle propose des pistes et invite le Ministère et le milieu scolaire à poursuivre la réflexion qu’elle a amorcée.

Michel PerraudeauLes cycles et la différenciation pédagogique, Édit. Armand-Colin, Bordas, Paris, 171

pages.

1. Résumé

2. Principes et fondements philosophiques

3. Le contexte d’hétérogénéité

4. Les moyens offerts par la pédagogie différenciée

5. Le concept de différenciation

6. Les cycles

7. Une nouvelle culture de l'éducation

8. L'aide au développement de l'élève

9. Conclusion

L’auteur mentionne que ce livre est né du besoin impérieux de mettre en perspective deux des innovations les plus marquantes de l’éducation contemporaine : l’introduction des cycles à l’école primaire et la mise en œuvre, auprès des élèves, de pratiques de différenciation. En effet, la législation en France en 1989 et 1991 et la rénovation des programmes en 1995 ont considérablement modifié le paysage pédagogique de l’école primaire. Cette volonté de changement nécessite une réorganisation complète des relations enseignants-élèves, des contenus d’apprentissage, des méthodes de travail et la création ou le renforcement d’une équipe pédagogique.

Cependant, pour réussir cette mutation, l’enseignant doit disposer de moyens et d’outils appropriés : c’est ce que propose cet ouvrage :

différencier l’apprentissage; origine pédagogique et mise en œuvre des cycles; des cycles pour quelle rénovation pédagogique?

Le terme de différenciation renvoie au terme d’hétérogénéité, car dans une classe homogène, point n’est besoin de différencier l’approche pédagogique.

L’auteur indique que la démocratisation et l’excellence, deux objectifs contradictoires à première vue, ont modelé la structure de l’école.

La présente étude tente de cerner, en s’appuyant sur la politique des cycles, ce que peuvent être les lignes de force d’une rénovation pédagogique et de sa mise en place, soucieuse à travers l’activité réelle de l’élève de répondre à la nécessité de différenciation. Rappelons que la différenciation pédagogique n’est pas une fin en soi : c’est un ensemble de moyens dont la pertinence permet d’accroître les potentialités de tous les élèves i.e. d’assurer aux aptitudes de chacun tout le développement dont elles sont susceptibles.

La différenciation1 est un concept qui s’est imposé dans les esprits (et pas nécessairement dans les pratiques) tant la réalité de l’hétérogénéité des classes s’est développée. Elle peut être définie comme « diversification des supports et des modes d’apprentissage pour un groupe d’apprenants aux besoins hétérogènes mais aux objectifs communs ». Elle se définit à partir de principes et s’inscrit dans un contexte précis.

__________1 Voir texte original p. 3-15

2/2 Principes et fondements philosophiques

Le principe d’éducabilité, qui sert de support à la différenciation, est fondé sur un postulat philosophique qui considère que l’homme est inachevé, donc toujours perfectible et donc toujours en évolution. L’éducation a le redoutable rôle d’accompagner cette marche.

3/3 Le contexte d’hétérogénéité

Hétérogénéité culturelle2 : le système d’éducation se complexifie; les enseignants sont confrontés à des groupes d’élèves aux origines culturelles radicalement différentes et aux difficultés croissantes : échecs, violence, troubles d’attention et de concentration, détérioration de l’estime de soi, perte de confiance, rapports compliqués entre pairs, inhibition, conduites de repli, d’évitement, de fuite, de régression, de grande dépendance… La différenciation des pratiques pédagogiques est une réponse à la complexité du système, engendrée par l’hétérogénéité culturelle.

Hétérogénéité cognitive : selon Astolfi3, « chaque écolier dispose de son propre système personnel de pilotage de l’apprentissage et le pilote d’une manière plus ou moins consciente ». D’où l’importance de connaître son propre mode de fonctionnement cognitif et celui de ses élèves. La différenciation est donc réponse au fonctionnement d’un système d’éducation qui fait le constat de l’hétérogénéité cognitive des élèves.

__________2 Voir  texte original p. 113-1143 Voir : « Styles d’apprentissage et mode de pensée », dans J. Houssaye (sous la direction de), La pédagogie, une encyclopédie pour aujourd’hui, E.S.F., Paris, 1993.

4/4 Les moyens offerts par la pédagogie différenciée

Les outils sont variés et parfois fort simples. Il est d’abord utile de placer les élèves en position de questionnement, d’étonnement, de déstabilisation, i.e. créer des conditions d’un conflit sociocognitif. Il faut aussi alterner les modes procéduraux de façon dynamique et créer des temps de retour sur soi, favorisant les évocations. Il faut se rappeler qu’on ne peut pas éduquer de façon également satisfaisante l’ensemble des élèves d’une classe. Sans se culpabiliser, il faut utiliser comme stratégie d’entrer dans un apprentissage de plusieurs façons différentes (motrice, représentative, symbolique, abstraite, …), rendant aussi le savoir lisible par une majorité ou encore, d’engager un contact plus personnalisé, tel le dialogue pédagogique de La Garanterie, une technique antécédente à l’apprentissage.

Tous ces moyens, trouvent une plus grande efficacité lorsqu’ils sont discutés et élaborés en concertation au soin d’un même cycle ou d’une même école. Sans en dresser une typologie exhaustive, l’auteur rappelle quelques pratiques qui ont tenté de développer une approche différente de celles généralement employées :

1. Le travail par fiche, utilisé par Freinet, appartient à une conception individualisée de l’éducation; lorsqu’elle est utilisée en fonction d’un objectif à atteindre connu de l’élève, la fiche devient une aide efficace dans son cheminement cognitif.

2. Les groupes de niveau peuvent aider à résoudre l’échec, en plaçant les élèves d’une même classe par petits groupes, selon leur rythme, leur besoin, leur questionnement; le maître est alors plus en mesure d’apporter une réponse appropriée à chaque groupe. Toutefois, il y a danger que se constitue alors à petite échelle (celle du groupe) un nouveau modèle de structure homogène et que l’émulation des élèves comme les exigences du maître disparaissent. D’où l’importance pour le groupe de niveau d’être mis en place avec beaucoup de souplesse tant dans son organisation que dans la gestion du temps.

3. L’interdisciplinarité consiste à décloisonner les matières pour aborder les contenus disciplinaires de façon transversale. Inspirée des pédagogies non directives et malgré un engouement, cette pratique échoua, faute d’explications au plan des fondements philosophiques et des enjeux pédagogiques sous-jacents et faute aussi de moyens : non valorisée par l’institution, maîtres démunis, formation continue inexistante…

4. Les classes d’enseignement spécialisé constituent une réalité où se sont développées plusieurs innovations en raison d’approches différentes ; les élèves se retrouvent en petit nombre; les exigences liées au savoir sont moindres alors que l’insistance est accordée au savoir-faire et savoir-être avec possibilité d’expérimentations sans trop de contraintes de temps; le maître bénéficie d’une formation spécifique et a développé sur sa pratique une réflexion plus approfondie que celle des autres collègues. La pédagogie de soutien4 qui en est une conséquence a inspiré la réflexion au tour des cycles.

__________4 Voir texte original p. 90-93

5/5 Le concept de différenciation

Les différences entre apprenants sont des réalités qui doivent être prises en compte : donc, plusieurs voies d’accès doivent être offertes, pour un ensemble d’élèves, selon leur profil pédagogique. Parmi toutes les recherches orientées vers la différenciation, l’auteur en retient quatre qui ont comme particularité de relever d’une construction théorique rigoureuse, tout en proposant des situations possibles à mettre en place. Ce sont :

la pédagogie différenciée selon Philippe Meirieu;

les concepts de profils pédagogiques et des gestes mentaux définis par de La Garanterie;

les apports de la neuropédagogie de Fabre;

l’apprentissage de l’abstraction par une pédagogie basée sur l’inférence, initié par Britt-Marie Barth5.

__________5 Voir texte original p. 30

6/6 Les cycles

Poser le problème des cycles6 c’est considérer, pour la première fois, l’éducation non sous l’angle des contenus disciplinaires, mais à partir de leur gestion et de leurs modes de transmission. La très lente modification des pratiques, observée à ce jour, tient à leur profond ancrage mental et à la fragilité créée par le renversement de culture à l’école. Malgré certaines pratiques nouvelles qui remettaient en cause les schémas anciens, la nouveauté fut l’irruption d’une conception radicalement différente.

La transition vers une conception cyclique, par le bouleversement concret qu’elle induit, s’opère lentement; la mise en place des cycles recouvre des réalités bien distinctes selon les lieux d’observation, mais en général les enseignants apprécient la souplesse donnée par ce nouveau cadre.

Il faut néanmoins rappeler que l’enfant doit être mis au centre du système éducatif; qu’il faut aussi se dégager de conceptions de l’éducation qui prône l’enseignement basé sur la seule reproduction d’un savoir considéré comme produit fini, extérieur à l’apprenant, développé selon un mode expressif magistral ou encore une conception qui repose sur l’unique expérience de l’élève, pratique liée à l’empirisme. Les programmes d’études invitent à considérer l’élève comme constructeur de ses apprentissages : il devient acteur de la construction, le maître occupant le rôle d’accompagnateur.

De reproductrice de contenus, l’éducation devient constructrice de savoirs et productrice de

sens : ce renouveau est profondément inspiré du constructivisme7 de Piaget.

__________6 Voir texte original p. 37-407 Voir texte original p 8-10

7/7 Une nouvelle culture de l'éducation

L’innovation la plus forte touche aux adaptations structurelles. En remettant en cause la succession des classes selon un découpage annuel systématique, le « maturationnisme » en vigueur devient caduc. Le constructivisme est reconnu comme principe théorique pédagogique. Tout cela implique à terme la création de nouvelles valeurs de l’éducation qui touchent notamment à la formation universitaire. Pour les nouveaux enseignants, cette formation sera différente, le statut sera différent, la considération sera aussi différente pour une fonction fort difficile. Aux valeurs nouvelles qui se dégagent, correspondent de nouvelles règles de fonctionnement de l’école : le fonctionnement par cycles en est une, l’instauration des compétences en est une autre; également, le rôle du maître s’inscrit à l’intérieur de celui d’un groupe. L’équipe pédagogique se définit en termes d’action (c’est le projet éducatif de l’école). Ainsi vont se mettre en place progressivement des valeurs et des règles qui vont totalement modifier le visage de l’école. Tout ce bouleversement nécessite de penser la formation en redéfinissant ses priorités.

8/8 L'aide au développement de l'élève

Mettre en consonance les pratiques de différenciation et l’instauration des cycles suppose que l’enseignement dispose de moyens et d’outils appropriés. Les moyens sont ceux que l’institution met à sa disposition : souplesse du cadrage cyclique, échange de services, temps d’études dirigées. Quant aux outils dont dispose l’enseignant, l’auteur privilégie la pédagogie différenciée selon Philippe Meirieu ou la gestion mentale d’Antoine de La Garanterie, qui postule au départ que chaque élève a un potentiel d’évolution cognitive (éducabilité) et que l’aide à son développement s’inscrit dans une dynamique d’interaction. Le rôle de l’enseignant prend alors toute sa dimension. De même, la coopération entre élèves facilite l’écoute, la capacité d’argumentation, la possibilité de décentration : la coopération relève de ce que le constructiviste Piaget nomme le conflit sociocognitif; elle est nécessaire pour conduire l’individu à l’objectivité, lorsqu’elle se déroule dans des conditions de respect mutuel.

L’enseignant désireux d’impulser une pratique de différenciation doit éviter l’isolement et travailler en concertation au sein d’un cycle et d’une école. « Développer le respect et l’objectivité, fondateurs d’une personnalité autonome, tels sont les socles de ce renouveau pédagogique ».

9/9 Conclusion

La mise en place des cycles est une réaction appropriée à la nécessité de différenciation, sous réserve de respecter certaines conditions :

1. Situer d’abord clairement les fondements psychologiques et philosophiques : plus qu’en n’importe quel autre domaine, la recherche en pédagogie est fort justifiée;

2. Cerner et définir les contours dans une globalité pédagogique : la formation continue demeure un outil sous-employé. La liaison entre recherche et action, le lien entre pratique et conceptualisation s’imposent;

3. La mise en place de la différenciation doit s’effectuer en concertation dans chaque école; s’il faut que l’institution mette à la disposition de l’école des moyens réels, il lui

faut tout autant manifester une écoute, une énergie et une force de persuasion importantes pour convaincre les praticiens.

La différenciation pédagogique n’est pas une fin en soi; il s’agit d’un ensemble de moyens dont la pertinence permet d’accroître les potentialités de tous les élèves.

Halina PrzesmyckiLa pédagogie de contrat, Hachette Éducation, Paris, 1994

1. Résumé

2. Le contrat un outil de pédagogie différenciée

3. Le contrat, outil de différenciation des contenus

4. Le contrat, outil de différenciation des processus

 

L’auteure nous guide ici dans la mise en place de la négociation de différents types de contrats, afin que, quelque part, sur cette voie vers la responsabilité et l’autonomie, entre parents, élèves et enseignants, on puisse s’y retrouver. Comme outil de pédagogie différenciée, le contrat est présenté de façon assez détaillée :

-    démarche pédagogique;-    négociation;-    engagement des deux parties;-    exemples de contrat.

Il s’agit en fait d’un moyen d’intervention de différenciation pédagogique que certains enseignants pourraient être intéressés à expérimenter avec leurs élèves. Le contrat peut être utilisé pour des cas qui touchent les difficultés d’apprentissage et non pas seulement pour des problèmes de comportement comme c’est le cas actuellement dans les écoles.

Dans l'élaboration d'une revue de littérature sur la pédagogie différenciée, qu'est-ce que la pédagogie de contrat peut bien apporter de particulier? À ce sujet, Prezsmycki nous apporte un éclairage, en ce sens que pour elle le contrat représente une pédagogie d'ouverture, c'est-à-dire une structuration originale des relations entre les enseignés et les enseignants, différente de celle qui est habituellement instaurée en classe.

En plus d'être conçu comme un outil contre l'échec scolaire, le contrat permet d'assurer le développement positif et la libération des élèves; d'organiser le déblocage puis l'entretien de la motivation à apprendre, surtout chez les élèves passifs; de faciliter et d'enrichir la communication entre les élèves et les adultes participant à leur éducation; de favoriser l'interaction sociale en proposant à l'élève de nombreux conflits sociocognitifs; et enfin, d'encourager la différenciation pédagogique, car lorsque l'élève négocie un contrat, il le fait selon ces propres processus d'apprentissage.

En effet, la pédagogie de contrat est une pédagogie différenciée qui utilise le contrat comme outil d'enseignement et d'éducation: c'est celle qui organise des situations d'apprentissage où existe un accord négocié lors d'un dialogue entre des partenaires qui se reconnaissent comme tels, afin de réaliser un objectif qu'il soit cognitif, méthodologique ou comportemental.

2/2 Le contrat un outil de pédagogie différenciée

Le contrat1 est un outil efficace de pédagogie différenciée selon deux dispositifs de différenciation : celle des contenus et celle des processus, qu'elle nécessite.

Les dispositifs de la différenciacion pédagogique

La différenciation des contenus d’apprentissage

Les élèves travaillent en groupe sur des contenus différents définis en termes d’objectifs cognitifs et méthodologiques, choisis dans le noyau commun d’objectifs inventoriés par l’équipe pédagogique ou par l’enseignant et considérés comme des étapes nécessaires pour que tous accèdent au niveau exigé par l’institution.

La différenciation du processus d’apprentissage

Les élèves travaillent sur les mêmes objectifs selon leurs différents processus d’apprentissage mis en œuvre à travers des pratiques diversifiées de travail autonome.

3/3 Le contrat, outil de différenciation des contenus

Il existe un éventail très large de situations où le contrat2 sert à différencier les contenus, mais deux d’entre elles sont les plus fréquentes :

1.1 Remédier aux rigidités de l’institution :

Il arrive parfois que, lors de la progression pédagogique organisant l’acquisition de savoirs et de savoir-faire dans une discipline ou une activité donnée, en raison de contraintes institutionnelles du programme et de l’emploi du temps, l’enseignant n’a plus l’occasion, ni le droit de revenir en arrière pour réexpliquer une notion ou une méthode peu ou pas comprise par quelques élèves. Une des solutions possibles de remédiation est alors de proposer à ce groupe-là la négociation de contrats dont les objectifs généraux et particuliers, porteront sur les points à réétudier, éclaircir, approfondir et à réapprendre. Ce contrat facilitant la différenciation des contenus présente, néanmoins, un inconvénient : il nécessite, de tous, élèves et enseignants, d’y consacrer un certain temps hors classe qui est donc à trouver, à définir, à installer, ce qui n’est pas facile dans les conditions les plus fréquentes.

1.2 Réorganiser le programme :

Le contrat négocié pendant le cours porte sur l’élaboration d’un programme de réalisation d’objectifs qui sont choisis et reformulés selon un processus de négociation. Un contrat collectif didactique est alors défini ensemble portant sur un certain nombre de semaines. Le contrat porte sur les éléments à privilégier, les moyens pour les étudier, les aider, qui ont tous été discutés, négociés, formulés par écrit. L’enseignant et les élèves s’engagent, à la fin de la séance, à réaliser le contrat global. Celui-ci donnera lieu ensuite à des mini-contrats particuliers individuels ou de groupe, selon une répartition des tâches qui, elle aussi, peut se définir de manière contractuelle.

__________2 Voir texte original p. 20

4/4 Le contrat, outil de différenciation des processus

Tout au long de la démarche négociative, l’élève contractant parle et écrit, réfléchit, propose, décide, agit en suivant ses propres processus3, sa logique d’apprentissage. Tout comme un travail autonome de groupe ou une grille d’autoévaluation formative, le contrat laisse l’élève libre de gérer son temps à son rythme, son programme de réalisation et les moyens mis en œuvre.

La diversité des processus d'apprentissage

Les différents paramètres connus concernant les processus d’apprentissage sont :

le degré d’intensité de la motivation à apprendre,

l’âge,

les rythmes et la façon de gérer le temps,

les stades de développement opératoire,

les images mentales et la complexité de leur gestion,

les modes de pensée inductive, déductive, créative, dialectique, analogique, divergente, convergente,

les stratégies d’appropriation : synthétique, analytique, en série ou de regroupements partiels,

les modes d’expression privilégiés,

le niveau d’acquisition des contenus préalables.

__________3 Voir texte original p. 22

Halina PrzesmyckiLa pédagogie différenciée, Hachette Éducation, Paris, 2000, 160 pages

1. Résumé

2. Ce qu'est la pédagogie différenciée

3. Le processus général de la pédagogie différenciée

4. Comment élaborer un diagnostic ?

5. L’analyse de l’hétérogénéité :

6. La mise en œuvre pratique :

L’auteure propose ici un processus général et des démarches de pédagogie différenciée qui présentent une réponse possible aux difficultés des élèves : cet ouvrage développe un exemple de séquence de ce à quoi peut ressembler la pédagogie différenciée. On y explique par un exemple comment différencier les contenus, les processus et les structures dans l’enseignement de l’histoire. Ce texte peut fort bien répondre aux besoins de ceux qui veulent se faire une idée plus concrète de ce que peut être la pédagogie différenciée et qui désirent organiser dans leurs classes une telle pédagogie comme remédiation possible à l’échec scolaire.

Dans cet ouvrage, l’auteure propose une réponse aux légitimes attentes des professeurs, en leur présentant un large choix de possibilités pratiques en vue d’une différenciation tant des rythmes et des processus d’enseignement que des structures d’apprentissage et des contenus de savoirs, en harmonisation éventuelle avec la diversité des personnes, les exigences disciplinaires et les contraintes institutionnelles.

Comme elle le dit si bien, le « propos » de ce livre est de convaincre :

de l’urgence de la prise en compte positive de l’hétérogénéité des élèves, miroir d’une société complexe et atomisée décrite par les sociologues;

de l’urgence pour les élèves dont la diversité socioculturelle et socioéconomique freine leur réussite scolaire au lieu de représenter une richesse de compétences à développer;

de l’urgence pour les enseignants souvent désemparés lorsqu’ils sont confrontés à des comportements d’élèves de plus en plus difficiles à comprendre de par leur instabilité et leur violence parfois.

Cet ouvrage se présente donc comme une base pratique pour ceux qui, désirant mettre en œuvre la pédagogie différenciée comme possible remédiation à l’échec scolaire, veulent élaborer leurs propres stratégies : il se veut un outil maniable débouchant sur le concret, tout en rappelant que la pédagogie différenciée n’est pas une panacée et que sa réussite exige certaines conditions.

Le livre se divise en cinq parties :

1.    Ce qu’est la pédagogie différenciée;2.    Le processus général de pédagogie différenciée;3.    Comment élaborer un diagnostic;4.    L’analyse de l’hétérogénéité;5.    La mise en œuvre pratique.

2/2 Ce qu'est la pédagogie différenciée

Cette première partie présente d’abord les fondements théoriques et les bases historique et institutionnelle, la finalité et les objectifs de la pédagogie différenciée; elle décrit ensuite les conditions, les problèmes éventuels et la méthodologie d’ensemble de sa mise en œuvre.

La pédagogie différenciée, selon l’auteur1, se définit comme :

une pédagogie individualisée qui reconnaît l’élève comme une personne ayant ses représentations propres de la situation de formation;

une pédagogie variée qui propose un éventail de démarches, s’opposant au mythe de l’uniformité, faussement démocratique, selon lequel tous doivent travailler au même rythme, dans la même durée et par les mêmes itinéraires.

Essentiellement, la pédagogie différenciée est une pédagogie des processus; tout en n’étant pas la seule solution de remédiation à l’échec scolaire, la pédagogie différenciée renouvelle les conditions de la formation par l’ouverture d’un maximum de portes d’accès au maximum d’élèves.

La finalité de la pédagogie différenciée est la lutte contre l’échec scolaire en alliant la transmission des savoirs au développement de chacun.

Les conditions de mise en œuvre sont : le travail d’équipe, la concertation, la gestion souple de l’emploi du temps et l’information régulière de tous les partenaires (élèves, parents, enseignants, administrateurs).

La pédagogie différenciée se déroule selon quatre opérations :

fixer les objectifs;

préciser les limites de la séquence;

organiser le contenu de la séquence;

effectuer l’évaluation-bilan de la séquence.

__________1 Voir texte original, p. 10 - 17 (retour au texte)

3/3 Le processus général de la pédagogie différenciée

Cette deuxième partie présente plusieurs fondements théoriques qui légitiment la pédagogie différenciée, suite à une description du processus général2.

Celui-ci se déroule en trois étapes3 qui articulent progressivement l’élaboration d’un contenu donné :

1. Partir de l’individu-élève (connaissances, comportements, sentiments, …);

2. Établir l’interaction sociale et cognitive en groupes restreints;

3. Réorganiser en grand groupe les diverses réponses obtenues autour de l’objectif visé;

Le schéma du processus général de pédagogie différenciée est né de plusieurs éclairages théoriques qui s’entrelacent et s’enrichissent mutuellement tout au long de sa mise en œuvre.

Au moment de bâtir une séquence de pédagogie différenciée, il faut prendre en compte :

les représentations des élèves (mentales et sociales), incluant leurs connaissances;

la construction du savoir par ruptures et réajustements successifs des représentations mentales;

la place majeure de l’interaction sociale et cognitive;

l’influence des besoins psychologiques fondamentaux sur l’évolution des représentations et sur la réussite d’un apprentissage (besoins de structure, de reconnaissance, de stimulations).

__________2 Voir texte original p. 11-15 et p. 35-37 (retour au texte)3 Voir texte original p. 30-31 (retour au texte)

4/4 Comment élaborer un diagnostic ?

Dans la troisième partie, l’auteure présente la méthodologie à suivre pour élaborer le diagnostic4 initial dans une séquence de pédagogie différenciée : avant la séquence, il sert à évaluer les niveaux d’acquisition des préalables par les élèves; après la séquence, il permet de vérifier les résultats de la différenciation mise ne place et de réguler les séquences futures selon une évaluation évolutive. Il porte sur les résultats des élèves dans la réalisation d’objectifs cognitifs, méthodologiques ou comportementaux déterminés par les enseignants.

Même si l’évaluation sommative est évoquée, elle reste insuffisamment riche en informations utiles sur les difficultés auxquelles on veut remédier. Il est préférable d’effectuer ce diagnostic initial selon une évaluation formative dont les modalités de mise en place comprennent :

la préparation au cadre de la grille;

l’élaboration de la grille;

le choix du support.

__________4 Voir texte original p. 40-41-42.

5/5 L’analyse de l’hétérogénéité :

La quatrième partie analyse l’hétérogénéité5 des cadres de référence des élèves au sein desquels l’hétérogénéité des niveaux n’est que le résultat apparent. Celle-ci comprend à la fois l’hétérogénéité de leur cadre de vie ainsi que de leurs processus d’apprentissage. Seront mises en valeur les incidences de l’appartenance socioéconomique, socioculturelle, des cadres psychofamiliaux, des stratégies familiales et du cadre scolaire sur la façon dont un élève réussit dans un apprentissage. L’hétérogénéité des processus d’apprentissage met l’accent sur l’importance de la motivation, de l’âge, des rythmes, des styles cognitifs, ainsi que des modes de communication et d’expression.

__________5 Voir texte original p. 76-81.

6/6 La mise en œuvre pratique :

Cette partie développe les trois étapes du processus général de la pédagogie différenciée. On fournit ensuite des exemples de démarches différenciées comme le travail autonome, l’autoévaluation et la coévaluation formative. Le travail autonome consiste à faire participer l’élève à la construction d’un apprentissage en lui laissant la liberté de s’organiser et de se prendre en charge. Grâce à des cadres souples favorisant son développement cognitif, l’autoévaluation formative est une démarche responsable où l’élève est conduit à s’interroger sur son travail et à chercher des stratégies correctives pour progresser.

L’auteure termine en précisant que la mise en œuvre d’une pédagogie différenciée exige de la rigueur, du temps, de la disponibilité, des structures souples ainsi qu’un changement des cadres de références habituels.

Bien pratiquée par de nombreux enseignants, cette pédagogie novatrice porte ses fruits dans les classes (elle envisage l’hétérogénéité comme une richesse), car elle motive les élèves et leur permet de progresser.

Les équipes trouveront dans cette démarche des moyens d’aider les élèves à grandir, à s’épanouir et à devenir adultes… sans avoir leurs ailes rognées dès les premières années, par l’échec scolaire!

Enfin, comme elle est fondée sur la reconnaissance positive de l’individu et la prise en compte concrète de sa différence, elle représente aussi un apprentissage de la démocratie.

N. Tremblay et S. TorrisLes TIC favorisent-elles une pédagogie différenciée telle que Freinet la préconisait ? »

dans Vie pédagogique, dossier internet, no 132, sept.-oct

1. Résumé

2. Une définition plus précise de la différenciation pédagoqique

3. La différenciation pédagogique dans les classes de freinet par l’entremise de l’actualisation des techniques

4. Conclusion

Les auteures tentent ici de répondre à la question à savoir « si les TIC sont susceptibles de favoriser une pédagogie différenciée ». Pour ce faire, elles procèdent de la façon suivante :

En définissant de façon plus précise la différenciation pédagogique;

En présentant la différenciation pédagogique dans les classes FREINET par l’entremise de l’actualisation des TIC;

En illustrant la différenciation pédagogique dans une classe du primaire au moyen des TIC;

En démontrant (en conclusion) comment l’apport des TIC est susceptible de contribuer à la différenciation pédagogique, telle que Meirieu la conçoit et telle que Freinet l’a conçue, elle-même prônée fortement par la réforme de l’éducation au Québec.

2/2 Une définition plus précise de la différenciation pédagoqique

Selon Meirieu1, on se doit de différencier les dimensions du sens de ce que l’on propose à ses élèves et de distinguer les méthodes ainsi que les structures d’apprentissage.

1. La différenciation relative au sens des apprentissages2

Très souvent, l’activité d’enseignement-apprentissage est décontextualisé et les contenus n’ont pas de sens pour les élèves. L’enseignant doit avant tout engager ses élèves dans des apprentissages liés à des projets qui les concernent et dans lesquels ils s’investissent. Donc l’enseignant doit créer du sens, en leur proposant des défis à leur mesure.

Par sa méthode « naturelle » Freinet incite l’élève à jouer un rôle actif : l’enfant ne se fatigue pas à faire un travail qui est dans sa ligne de vie, i.e. fonctionnel.

2. La différenciation des méthodes

Pour Meirieu, aucun élève n’apprend de la même façon et il est impossible alors à l’enseignant de diversifier ses moyens de manière à répondre à tous en même temps : il est donc pertinent de varier ses approches et ses pratiques pédagogiques : l’enseignant doit entraîner l’élève vers la métacognition.

Pour Freinet, le principe au tâtonnement expérimental est la démarche naturelle : l’élève cherche par lui-même à connaître par essai, analyse, hypothèse et vérification, ce qui s’oppose à la démarche rectiligne de l’éducation qui fragmente l’apprentissage.

3. La différenciation des structures

Meirieu offre des plages ou possibilités de choix aux élèves (parce qu’il n’est pas nécessaire que tous fassent la même chose en même temps), quant aux contenus, aux moyens ou aux rythmes d’apprentissage.

Freinet ne conçoit sa classe que comme une microsociété que chaque élève contribue à faire fonctionner : sa pédagogie très structurée fait en sorte que la classe élabore un plan de travail à partir duquel l’élève dresse son emploi du temps (liberté et libre choix).

__________1 Voir P. Meirieu, (1991), Enseigner aujourd’hui, Conférence organisée par CADRE, Québec. (retour au texte)2 Voir texte original p. 3-15 (retour au texte)

3/3 La différenciation pédagogique dans les classes de freinet par l’entremise de

l’actualisation des techniques

1. Relation au sens des apprentissages

Freinet parlait de son école moderne comme d’un atelier de travail intégré à la vie du milieu et accordait beaucoup d’importance à la conception des locaux et à la perfection du matériel employé. Il prône donc une pédagogie basée sur l’introduction continuelle de techniques et d’outils nouveaux qui vont pouvoir transformer le contexte pédagogique et affiner les relations au sein de la classe et avec l’extérieur. L’introduction des TIC servait et sert toujours à la création de nouveaux circuits de vie puisque la pédagogie de Freinet en est une de communication et d’échange, tournée entièrement vers l’autre.

2. Différenciation des méthodes

Le multimédia représente un véritable outil d’accès à l’autonomie, mais il engage l’élève dans un processus d’analyse qui l’amène à construire sa réflexion et à développer son sens critique : son tâtonnement expérimental est prioritaire, parce qu’il doit être continuellement actif tout au long du processus d’apprentissage.

3. Différenciation des structures

Les TIC permettent aux élèves de vivre des réussites dans des activités variées et de différencier les structures de travail dans la classe en offrant de nouvelles situations d’apprentissage; ils procurent également à la classe un environnement stimulant qui évolue rapidement.

Une illustration de la différenciation pédagogique dans une classe du primaire par l’entremise des TIC est présentée : l’enseignante a su mettre en place une organisation de classe susceptible de favoriser l’épanouissement de l’élève, en profitant des TIC.

4. 4/4 Conclusion

5. Pour les auteurs, les principes et les pratiques de la pédagogique FREINET constituent une des assises théoriques et pratiques de l’intégration pédagogique des TIC; cette pédagogie inspire largement le programme de formation de l’école québécoise : coopération entre les élèves, travail d’équipe, autonomie, implication, participation à la vie démocratique, liens entre vie familiale et vie scolaire, projets personnels, importance accordée à la culture; ce sont là tous des thèmes chers à la pédagogie Freinet repris par le programme de formation renouvelé de l’école québécoise. Dans cet article, les auteures ont voulu démontrer comment les enseignants ont tout avantage à s’inspirer de cette pédagogie en intégrant les TIC pour faire face à l’hétérogénéité dans leur classe. Ce faisant, ils pratiqueront la différenciation pédagogique.

6. Carol Ann Tomlinson“Reconciliable Differences? Standards-Based Teaching and Differenciation” dans

Educanional Leadership, septembre 2000, vol. 58, no 1, p. 6-10.7. 1. Résumé

8. 2. La différenciation : une façon de penser

9.  

Dans cet article, l’auteur s’interroge sur la possibilité de réconcilier l’irréconciliable, à savoir l’apprentissage différencié d’une part et les approches normalisantes et standardisantes d’autre part, en salle de classe.

2/2 La différenciation : une façon de penser

Ce que nous appelons différenciation n’est pas une recette pour enseigner, ni une stratégie d’enseignement, ni encore ce que l’enseignant fait quand il a le temps. Il s’agit d’une façon de concevoir l’enseignement et l’apprentissage. C’est une philosophie basée sur un ensemble de croyances :

les élèves du même âge sont différents par leur façon d’apprendre, par leurs intérêts, leurs expériences et leurs conditions de vie;

les différences entre les élèves sont à ce point importantes qu’elles ont un impact majeur sur ce que les enfants doivent apprendre, sur leur rythme d’apprentissage et sur le soutien nécessaire de la part de l’enseignant et des autres;

les élèves apprennent mieux lorsque les adultes qui les soutiennent les incitent à aller plus loin que ce qu’ils sont capables de faire sans aide;

les élèves apprennent mieux lorsque les occasions d’apprentissage sont naturelles;

les élèves apprennent mieux lorsque se crée à l’école et en salle de classe un sens communautaire où ils se sentent appréciés et respectés;

la tâche principale de l’école est de maximiser les capacités de chaque élève.

Par définition, la différenciation s’écarte des approches pédagogiques qui standardisent, qui normalisent. Du point de vue de l’élève, la normalisation se fait rare et les approches pédagogiques qui, en matière d’apprentissage ignorent la diversité au projet de la normalisation, ont bien peu de chances d’atteindre la variété des apprenants.

La différenciation se veut un raffinement au programme d’études et à un enseignement de qualité, mais ne s’y substitue pas. L’expertise en enseignement consiste à mettre l’accent sur la compréhension et sur les habiletés propres à la discipline; fait en sorte que les élèves soient confrontés à des idées profondes; insiste pour que les élèves utilisent ce qu’ils ont appris de façon pertinente; aide les élèves à organiser et à tirer du sens des idées et de l’information; et enfin, aide les élèves à créer des liens entre la classe et le monde.

La différenciation est une facette de l’expertise en enseignement. Elle nous rappelle que tout cela ne peut se produire sans que le curriculum et l’enseignement ne s’ajustent à chaque élève, sans que les élèves n’exercent des choix en rapport avec ce qu’ils apprennent et comment ils apprennent; sans que les élèves ne prennent part dans l’établissement aux objectifs d’apprentissage; et sans que la classe ne soit branchée ou connectée aux expériences et aux intérêts de chacun.

La différenciation dit : une fois bâties des pratiques solides d’enseignement et d’apprentissage, voici ce qu’il faut faire pour les raffiner et ainsi favoriser un développement optimal de chacun.

La première question à se poser devant une approche pédagogique particulière est la suivante : « les pratiques issues de cette approche pédagogique ont-elles des chances d’avoir un impact sur l’apprentissage et un enseignement efficace? Si oui, quel est l’effet de ces pratiques sur chacun des élèves au regard de l’apprentissage? Cette dernière question permet de raffiner l’efficacité de la première, mais ne s’y substitue pas.

Standardisation, normalisation versus différenciation

Il n’y a pas de contradiction, à proprement parler, entre l’enseignement standardisé-normalisé et la différenciation. Le curriculum nous dit quoi enseigner, alors que la différenciation nous dit comment.

Carol Ann Tomlinson«La différenciation de l’enseignement à l’école primaire», dans Différentiated Instruction,

ACSD Topic Pack, ERIC DIGEST 443572

1. Résumé

2. Qu’est-ce que la pédagogie différenciée (Differentiated Instruction)?

3. Pourquoi différencier la pédagogie au primaire?

4. Quelles sont les conditions de succès de la différenciation?

5. Quelle est la meilleure façon de commencer à différentier ?

Dans ce document, l’auteure décrit la pédagogie différenciée, présente des arguments pour favoriser la différenciation, décrit les conditions de succès et suggère des stratégies d’implantation en salle de classe.

2/2 Qu’est-ce que la pédagogie différenciée

(Differentiated Instruction)?

La différenciation correspond en gros aux efforts des enseignants à vouloir répondre à la variation ou à la diversité entre les élèves apprenants en salle de classe. Dès qu’une enseignante ou qu’un enseignant rejoint un élève ou un petit groupe d’élèves et varie ses pratiques de façon à créer la meilleure situation d’apprentissage possible, celui-ci pratique une pédagogie différenciée1.

Tomlinson mentionne que les enseignants peuvent différencier au moins quatre aspects de leur classe à partir de la bonne volonté des élèves, de leurs intérêts ou de leur profil d’apprentissage :

1. Le contenu, i.e. ce que l’élève a besoin d’apprendre et comment il va accéder à l’information.

2. Le processus, i.e. les activités dans lesquelles s’engage l’élève afin de créer du sens ou de maîtriser les contenus.

3. La production, i.e. le point culminant d’un projet où l’élève a pu pratiquer, appliquer et extensionner ce qu’il a appris.

4. L’environnement d’apprentissage, i.e. la façon dont la classe apprend et comment elle se sent.

Pour chacun des aspects, l’auteure donne une série d’exemples afin de faciliter la compréhension.

__________1 Voir texte original p, 1-3.

 

3/3 Pourquoi différencier la pédagogie au primaire?

La très grande variété des élèves incite les enseignants à tenir compte des différences pour une maximisation du potentiel de chacun. Le fait d’agir ainsi dénote un haut sens professionnel, une plus grande compétence et un grand sens de la créativité.

4/4 Quelles sont les conditions de succès de la différenciation?

Le facteur le plus important de la différenciation facilitant l’apprentissage de l’élève et son engagement à l’école est de s’assurer que l’enseignant pratique véritablement la différenciation à partir d’un curriculum et d’une pédagogie de grande qualité en s’assurant par exemple :

que le curriculum mette l’accent directement sur les contenus et les compétences reconnus et valorisés par les experts de ce champ;

que les leçons, les situations d’apprentissage et les productions soient élaborées de façon telle que les élèves puissent en débattre, les utilisent et en viennent à comprendre les éléments essentiels;

que le matériel et les tâches d’apprentissage puissent susciter l’intérêt des élèves et apparaître pertinents;

que l’apprentissage soit rendu actif;

que chaque élève éprouve du plaisir et en retire une certaine satisfaction.

Un des défis de l’enseignant consiste à devoir constamment réfléchir à la qualité de ce qui est différencié. Il n’y a pas de recette pour différencier. Il s’agit plutôt d’une façon de penser l’enseignement et l’apprentissage qui valorise l’individu et qui se traduit par des pratiques pédagogiques fort variées. Tout de même, certains principes et caractéristiques peuvent être utiles dans le cadre d’une classe différenciée :

l’évaluation est continue et intimement liée à l’enseignement;

les enseignants travaillent fort pour présenter des activités respectueuses de chaque élève;

la flexibilité liée au regroupement des élèves est la marque de la classe.

5/5 Quelle est la meilleure façon de commencer à différentier ?

Comme les élèves, les enseignants sont tout aussi différents : certains pratiquent la différenciation de façon naturelle et rigoureuse depuis leur début alors que pour d’autres, la tâche s’avère ardue. Voici tout de même quelques suggestions :

réfléchir souvent à l’adéquation entre la classe d’élèves et la philosophie de l’enseignement et de l’apprentissage à mettre en pratique;

se créer une image mentale de ce à quoi ressemble une classe et utiliser cette image dans la planification et l’évaluation du changement;

préparer les élèves et les parents à une pédagogie différenciée afin d’en faire des partenaires. En parler aux élèves;

entreprendre de changer en se poussant légèrement à l’extérieur de la zone de confort; y aller de façon graduelle (un jour/semaine, une seule discipline, un seul aspect du curriculum :

contenu, processus, production, environnement, …);

prendre du temps pour penser à la gestion de classe;

enseigner soigneusement les routines aux élèves, suivre leur efficacité, en discuter et procéder à des réajustements avec les élèves;

prendre « congé de changement », prendre du recul pour refaire le plein d’énergie et voir comment les choses évoluent;

bâtir un système de soutien avec les collègues; demander l’aide de l’orthopédagogue; demander du soutien à la direction, co-enseigner à l’occasion avec les collègues du cycle; former des groupes d’études sur la différenciation; construire et partager du matériel avec les collègues;

apprécier son propre développement professionnel : reconnaître que l’on a toujours quelque chose de plus à apprendre que les élèves, qu’apprendre donne du pouvoir autant aux adultes qu’aux enfants.

S.S.E. U. L. de BruxellesGuide pour la mise en place des cycles à l’école fondamentale à l’usage des enseignants

et des directeurs d’école

1. Résumé

2. Première partie - Les cycles

3. Première partie - Les cycles (suite)

4. Deuxième partie - Compétences

5. Deuxième partie - Égalité des résultats

6. Deuxième partie - Continuité des apprentissages

7. Deuxième partie - Pédagogie différenciée

8. Deuxième partie - Pédagogie différenciée (suite)

9. Deuxième partie - Autonomie des élèves

10. Deuxième partie - Évaluation formative

11. Deuxième partie - Équipe pédagogique

12. Deuxième partie - Année supplémentaire dans la scolarité

13. Deuxième partie - Groupement des élèves et organisation du travail enseignant

14. Deuxième partie - Groupement des élèves et organisation du travail enseignant (suite)

15. Notes complémentaires

 

Le décret du 14 mars 1995 prévoit, dans l’enseignement fondamental, l’organisation de la scolarité en cycles de deux ou trois années consécutives. Les cycles sont eux-mêmes regroupés en deux étapes. Le redoublement à l’intérieur d’une étape n’est pas autorisé.

Le présent guide veut aider les équipes d’école à mettre en place et à faire fonctionner au mieux cette nouvelle organisation des apprentissages scolaires. Pour cela les auteurs ont tenté de réunir et de structurer l’expérience d’un certain nombre d’écoles qui ont installé cette structure.

Les propositions faites dans ce guide proviennent de trois sources :

1. Elles partent des indications données dans les textes officiels; 2. Elles mettent en œuvre les résultats de la recherche actuelle en pédagogie et en didactique, non

seulement sur les cycles, mais aussi sur la continuité et la différenciation pédagogique (pédagogie différenciée et évaluation formative);

3. Elles sont surtout le fruit de l’expérience d’un nombre significatif d’équipes d’écoles qui se sont engagées résolument dans la mise en place des cycles et des étapes.

Le présent guide comporte trois parties que le lecteur peut aborder dans l’ordre qui lui convient le mieux à ce qu’il cherche :

Une première partie présente les cycles et les étapes. Il s’agit d’une vision panoramique qui tente de dire l’essentiel, mais sans entrer dans les détails

La deuxième partie présente en détails des indications sur les principaux problèmes pédagogiques impliqués par la mise en place des cycles et des étapes

La troisième partie propose une démarche de réflexion pour entrer dans une organisation en cycles. Elle tente de répondre à la question : Comment s’y prendre pour s’engager progressivement dans une organisation en cycles et en étapes? Et, surtout, comment un enseignant ou une équipe peut-il faire sans heurt ni remise en cause brutale de son expérience pédagogique? Cette partie étant composée de questionnaires ne sera pas traité dans le présent résumé.

Première partie - Les cycles

Qu’est-ce que ne sont pas les cycles?

Les cycles ne sont pas nécessairement un enseignant qui suit sa classe durant deux années.

Les cycles, ce n’est pas nécessairement un enseignant qui assure dans une classe les mathématiques, tandis qu’un autre y donne le français.

Les cycles, ce n’est pas nécessairement des classes constituées d’élèves de deux niveaux.

Ces formes d’organisations peuvent jouer un rôle positif sur les cycles mais aucune ne constitue, par elle-même, l’essentiel des cycles. Car l’essentiel, c’est que tous les élèves acquièrent en un cycle les compétences prévues à leur terme. Pour cela, ce qui compte ce sont plus les choix pédagogiques et la détermination des enseignants que les formes d’organisation.

En vue des cycles, devons-nous changer notre pédagogie?Il ne faut pas tout changer. Pour la plupart d’entre nous, les nouveautés à introduire concernent trois domaines :

la continuité des apprentissages

C’est, pour chaque enseignant, savoir précisément les méthodes pédagogiques utilisées avec les élèves durant l’année précédente. C’est aussi, pour chaque enseignant, connaître la progression selon laquelle les savoirs ont été présentés dans les années précédentes. L’idéal

serait même d’élaborer les progressions pour toute la durée de l’étape et de conserver les mêmes méthodes pédagogiques, les mêmes règles et les mêmes habitudes de travail pour les élèves.

la pédagogie différenciée

C’est prévoir des cheminements d’apprentissage différents selon les élèves. Mais attention! Il faut que ces cheminements différents conduisent aux mêmes compétences pour tous les élèves. Quand un élève est en difficulté dans l’acquisition d’une compétence, il peut être utile de prévoir à son intention certaines tâches particulières pour qu’il surmonte sa difficulté. C’est la pédagogie différenciée à tendance remédiatrice. La meilleure pédagogie différenciée est préventive : elle consiste à proposer le plus souvent possible plusieurs entrées vers l’acquisition d’une compétence, de façon à ce que chaque élève puisse trouver celle qui lui convient le mieux.

l’évaluation formative

C’est d’abord ne pas mettre systématiquement les élèves en concurrence les uns avec les autres. Plus généralement, une évaluation formative ne consiste jamais à comparer la performance d’un élève aux performances des autres. Car le but est que l’élève prenne conscience de l’endroit où il en est dans son cheminement d’apprentissage. Pour cela, il s’agit de situer la performance de l’élève à la fois par rapport à lui-même (c’est-à-dire ses performances antérieures) et par rapport aux critères de la performance réussie. Dans cette perspective, il est intéressant, chaque fois que c’est possible, de mettre en place un dispositif où l’élève s’évalue lui-même dans le cadre d’un dialogue avec l’enseignant. L’évaluation formative sert la différenciation pédagogique.

3/3 Première partie - Les cycles (suite)

Quelle forme d’organisation faut-il choisir?

La classe «pluri-âge» incite automatiquement l’enseignant à différencier sa pédagogie. En plus, il est moins difficile que dans d’autres formes, d’y intégrer un élève en année complémentaire. Elle peut apparaître comme la forme «naturelle» d’une classe de cycle.

La «montée» de l’enseignant avec sa classe (autrement dit le fait qu’un enseignant conserve le même groupe d’élèves durant toute la durée du cycle) permet évidemment une bonne continuité. Mais elle encourage parfois moins au travail en équipe.

L’intervention régulière de plusieurs maîtres dans une même classe (qu’on appelle souvent «assouplissement du titulariat» conduit à une sorte de spécialisation par matière : un instituteur donne le français, un autre les mathématiques, etc. Cette formule permet parfois au maître de mieux dominer la didactique de la matière; elle encourage aussi un travail en équipe. Cette organisation doit impérativement s’accompagner d’une importante collaboration entre enseignants et une sérieuse réflexion d’équipe sur la continuité des apprentissages. Pour ne pas prendre le risque d’un cloisonnement des disciplines enseignées, certains réseaux ont décidé d’interdire ce type d’organisation à leurs équipes enseignantes.

La pratique des «décloisonnements» (c’est-à-dire des moments où l’on regroupe des élèves venant de plusieurs classes) permet de rassembler, pour une activité remédiatrice, des élèves qui ont le même type de difficulté.

- Enfin, il faut souligner qu’on peut très bien «être en cycle» sans adopter aucune des quatre formes qui précèdent, mais en gardant la forme traditionnelle de l’enseignement fondamental : un enseignant unique, avec des élèves tous de la même année scolaire, pendant un an. Encore faut-il, dans ce cas, avoir des pratiques de concertation très

solides de façon à assurer la continuité, pratiques la pédagogie différenciée et l’évaluation formative pour amener TOUS les élèves à acquérir les compétences prévues. En outre, une telle organisation n’incite pas au travail en équipe, lequel permet de garantir la continuité et entraîne souvent une plus grande inventivité pédagogique.

Que devons-nous changer dans les relations que nous avons avec nos collègues?

Il faut travailler en équipe. Dans ce travail d’équipe, l’essentiel c’est :

d’assurer la continuité des progressions, des méthodes, des règles et des habitudes de travail des élèves d’une année à la suivante dans le cycle;

d’échanger avec les collègues afin d’être, ensemble, plus inventifs dans les méthodes pédagogiques (en vue de faire acquérir les compétences par les élèves).

Que devons-nous changer dans nos têtes?

L’idée d’amener TOUS les élèves à maîtriser certaines compétences en fin de cycle n’avait jamais été affirmée avec autant de force qu’aujourd’hui. Il faudrait que nous arrivions tous à nous convaincre :

que l’école fondamentale n’est pas faite pour sélectionner les meilleurs élèves, mais pour conduire tous les élèves à un ensemble de compétences minimales;

que chaque élève, sans exception, est capable d’acquérir ces compétences;

qu’un climat de compétition entre les élèves n’est pas source de motivation;

qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des affinités relationnelles ou culturelles avec ses collègues pour travailler avec eux en équipe de cycle;

que les élèves ne sont pas spontanément autonomes, mais qu’on peut leur apprendre à l’être;

qu’une classe très hétérogène n’est pas impossible à faire fonctionner;

etc.

4/4 Deuxième partie - Compétences

La compétence est une «aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir faire et d’attitudes permettant d’accomplir un certain nombre de tâches».

À partir de cette définition, on peut voir que :

un ensemble de savoirs, savoir faire et attitudes sous-tend chaque compétence

il ne suffit pas que l’élève possède cet ensemble de savoirs, savoir-faire et attitudes, il faut encore qu’il soit capable de s’en servir pour accomplir une tâche. Dès lors, ce que l’élève doit acquérir, ce ne sont pas des énoncés (ce qu’on appelait souvent «savoirs» mais des capacités d’actions (compétences)

on est passé d’une logique de savoirs à une logique de compétences. Ou plutôt un vrai savoir, ce n’est jamais une série d’énoncés mémorisés, c’est la

 

capacité de s’en servir dans des activités intellectuelles, et donc c’est un ensemble de compétences.

Quel rapport y-a-t-il entre les compétences et les cycles?

Apprendre, ce n’est pas seulement enregistrer des énoncés, c’est devenir capable d’accomplir des tâches intellectuelles nouvelles. Un véritable apprentissages est une transformation profonde de la manière de penser et d’agir de l’élève. Cette transformation exige du temps.

Le passage aux cycles apporte d’abord du temps pour faire apprendre. Car la définition de la plupart des compétences attendues, pour l’ensemble des cycles, prend en compte le fait qu’elles se construisent sur une longue période de temps (qui se réduit rarement à une année scolaire).

5/5 Deuxième partie - Égalité des résultats

Se mettre en cycle et en étape, c’est s’engager à amener chaque élève à la maîtrise des compétences prévues et c’est passer d’une intention d’égalité des chances à une intention d’égalité des résultats. Une école démocratique ne peut plus être fondée seulement sur le principe méritocratique : il ne suffit pas de donner la même chose à tous les élèves pour que les plus méritants réussissent. Les travaux des sociologues montrent que le seul mérite ne suffit pas pour réussir à l’école fondamentale. En conséquence, donner la même chose à tout le monde ne suffit pas ou plus. Il faut donner aux élèves en fonction de leurs besoins cognitifs avec comme objectif de les amener tous à la maîtrise des compétences.

6/6 Deuxième partie - Continuité des apprentissages

La continuité des apprentissages est un axe pédagogique au service de la réussite de chaque élève. Cette continuité découle :

1. de la recherche d’une meilleure cohérence de méthodes entre les enseignants d’un même cycle, d’une même école;

2. de l’élaboration d’une programmation et d’une progression cohérentes à l’intérieur d’un cycle. Cette harmonisation des points de vue des enseignants sur les savoirs à enseigner permet aux élèves de se rendre compte qu’ils apprennent dans un processus continu de développement de compétences.

La continuité est une notion qui recouvre deux aspects de l’acte d’enseigner : celui de la méthode (cohérence) et celui de la progression et des contenus enseignés (harmonisation des savoirs).

Sur quoi s’établit une meilleure cohérence entre enseignants?

Principalement autour de leurs conceptions de l’apprentissage et des dispositifs d’enseignement qu’ils mettent en œuvre. Jour après jour, les pratiques des enseignants contribuent ainsi à modeler le contrat didactique qui influe lui-même sur les productions des élèves et leurs comportements.

Ces pratiques sont, elles-mêmes, influencées par les conceptions de l’enseignant sur la matière (Qu’est-ce que le français, les sciences…? Qu’est-ce que faire du français, des sciences…?)

Ces pratiques sont, elles-mêmes, influencées par les conceptions de l’enseignant sur l’apprentissage de la matière (Comment les élèves apprennent-ils le français, les sciences…?)

Ces pratiques sont, elles-mêmes, influencées par les conceptions de l’enseignant sur son enseignement (Quelles activités faut-il mettre en place pour favoriser l’apprentissage?)

Pour travailler la continuité en cycle, il faut nécessairement réfléchir et échanger en équipe de cycle et d’école sur les différents points mentionnés précédemment et d’autres encore :

Faut-il proposer aux élèves des situations complexes?

Quelle place faut-il faire à l’erreur, aux conceptions et obstacles qu’elle révèle par rapport à tel ou tel concept?

Quelle place et quel rôle donner aux échanges entre élèves?

Etc.

7/7 Deuxième partie - Pédagogie différenciée

Tout comme la continuité des apprentissages, la pédagogie différenciée est un axe pédagogique au service de la réussite de chaque élève. Faire réussir chacun des élèves, c’est-à-dire les amener tous à la maîtrise des compétences, c’est leur assurer un enseignement –apprentissage adapté à chacun d’entre eux, c’est-à-dire leur faire suivre un cheminement différencié pour arriver au même but : celui de la maîtrise des compétences.

Différencier, c’est différencier le parcours et non les objectifs à atteindre. On vise les mêmes acquis de base à la fin de ces parcours. Dans la logique des cycles, les objectifs sont fixés à suffisamment longue échéance pour que tous les élèves aient une chance de les atteindre par des cheminements variés.

Différencier l’enseignement-apprentissage n’implique pas forcément, et en tout cas pas à tout moment, des modifications dans l’organisation de la classe, ni même une individualisation de l’enseignement. Le travail dans le cadre du groupe-classe semble important pour l’élève. Cependant, différencier l’enseignement-apprentissage implique le regard attentif et bienveillant de l’enseignant sur chacun des élèves : pour comprendre où il en est, repérer le plus précisément possible ses besoins et l’aider à surmonter ce qui fait obstacle. L’enseignant doit alors pouvoir se donner les moyens de ce regard.

Les dispositifs de différenciation apparaissent d’autant plus intéressants (car efficaces et équitables) qu’ils sont proposés et mis en œuvre très tôt dans l’apprentissage : tôt dans la scolarité mais aussi tôt dans la démarche d’apprentissage du savoir lui-même, au moment où l’on aborde un nouveau savoir. Ainsi on peut distinguer des dispositifs de différenciation « a priori» et d’autres «a posteriori», l’un n’excluant pas l’autre, puisque les deux peuvent se pratiquer dans une classe successivement, mais aussi parallèlement.

Qu’est-ce que la pédagogie différenciée «a priori»?

C’est une pédagogie de différenciation mise en place au moment où l’élève aborde un nouveau savoir, acquière une nouvelle compétence. C’est une différenciation par la sitaution didactique. Dans ce cadre là, l’enseignant peut différencier de différentes manières :

Différenciation par les démarches :

Il peut s’agir des démarches propres à chaque élève pour trouver la solution d’un problème;

Il peut s’agir aussi de démarches didactiques élaborées par les didacticiens de chaque discipline. Ces démarches sont proposées aux élèves lors de l’entrée dans un apprentissage.

Différenciation par les obstacles :

Il s’agit dans ce cas, après recueil et analyse des représentations des élèves, de constituer des groupes de recherche en fonction des représentations des élèves. Leurs représentations constituent la plupart du temps des obstacles au nouveau savoir que l’enseignant veut leur faire apprendre. Ce dernier peut donc constituer soit des groupes qui auront des représentations différentes, soit des groupes qui auront des représentations semblables.

Différenciation par les rôles :

Dans certaines activités, on peut attribuer aux élèves des rôles différents les uns des autres : bien entendu, les rôles sont donnés en fonction des besoins, des obstacles cognitifs que rencontrent les élèves. Il ne s’agit pas de faire faire aux élèves ce qu’ils savent le mieux faire ou de donner les rôles secondaires aux plus faibles.

Différenciation par les ressources disponibles et les contraintes imposées :

Le matériel mis à la disposition des élèves et les exigences au regard de la tâche (niveau de complexité plus grand) peuvent différer selon les élèves. Le cap est le même pour tous les élèves à la fin du cycle : développer les compétences attendues. Mais il faut donner à tous le temps nécessaire, à l’intérieur du cycle, pour parvenir à les développer selon les acquis de chacun au moment où un nouveau savoir est abordé.

8/8 Deuxième partie - Pédagogie différenciée (suite)

Qu’est-ce que la pédagogie différenciée « a posteriori»?

C’est un ou des dispositifs de différenciation mis en place après qu’il y ait eu une première phase d’apprentissage d’un savoir donné. Elle peut être appelée également différenciation par la tâche, puisque la tâche scolaire attribuée à chaque élève sera déterminée par ses besoins (Charnay, 1995). À l’extrême cela peut^être de la pédagogie de remédiation.

Cette pédagogie différenciée peut avoir différentes formes :

groupes de besoin; travail sur fichiers; travail sur contrat; tutorat, etc.

Groupes de besoin :

Les regroupements d’élèves se font en fonction de leurs besoins cognitifs précis. Il faut donc que ces besoins aient été repérés préalablement par l’enseignant, à l’occasion d’activités antérieures. Ces groupes de besoins peuvent être constitués à l’intérieur d’une classe, avec un titulaire seul ou aidé d’un autre adulte. Ils peuvent également être décloisonnés, les élèves d’un même cycle étant répartis en différents groupes et gérés par l’équipe de cycle.

Travail sur fichiers :

C’est une modalité de travail très répandue dans les classes de l’enseignement fondamental et dans les organisations de classe les plus variées. Les fichiers sont la plupart du temps autocorrectifs. Il est préférable que le travail sur fichiers, destiné à l’entraînement aux procédures de base, n’intervienne qu’après la confrontation des élèves à des problèmes plus

globaux : c’est en s’affrontant à des problèmes complexes qu’ils ressentiront la nécessité d’automatiser des procédures de base.Ensuite, l’autocorrection n’implique pas nécessairement que l’élève soit capable, seul, de donner du sens à ce qu’il a fait, comprendre ce qu’il sait faire et ne sait pas encore faire, bref donne une dimension diagnostique à sa performance et à la correction qu’il en a fait. L’enseignant doit nécessairement intervenir auprès de certains élèves, pendant le travail sur fichier ou «après-coup» (selon l’organisation de la classe), pour les aider à mettre des mots et du sens sur le travail qu’ils ont fait.

Travail sur contrat :

Dès qu’il y a relation pédagogique, il y a contrat. Dans le cas du travail sur contrat individualisé, les exigences de l’enseignant sont explicitées : elles sont le fruit d’un bilan d’acquisition de compétences dressé avec l’élève. Sur base de son contrat, l’élève peut avoir à travailler des procédures de base, mais il peut aussi devoir s’engager dans une tâche plus complexe : par exemple, produire un exposé, écrire un texte, prendre en charge le suivi d’une expérience de sciences, etc.

Tutorat :

On parle communément de tutorat quand un élève plus grand ou plus avancé en aide un autre et quand cette aide n’est pas ponctuelle mais s’étale dans le temps. Dans les situations de tutorat, il faut cependant être attentif à ne pas pérenniser le statut du tutoré, car à la longue elle peut inscrire la personne dans un statut de dépendance et lui conférer un statut social moins valorisant. Il est donc important que le statut de tutoré soit provisoire, seulement lié à une expérience spécifique ou à une situation particulière.

9/9 Deuxième partie - Autonomie des élèves

Dans le cadre de la pédagogie différenciée, il est souvent utile que les élèves puissent à certains moments travailler seuls. Dans la pratique, cette autonomie est souvent évoquée par les enseignants comme étant une condition sine qua non de la pédagogie différenciée. Mais l’autonomie est aujourd’hui envisagée comme une compétence qui se construit progressivement à l’école primaire. D’une part, la capacité d’être autonome des élèves est de toute évidence liée à l’existence de règles explicites qui permettent de libérer les élèves de la dépendance personnelle exclusive à l’égard de l’enseignant. En effet, si l’enseignant n’explicite pas les consignes, les règles et les objectifs visés, il n’instaure pas un système dans lequel les élèves sauront, sans avoir à le demander, s’ils ont le droit de faire telle ou telle chose. Leur degré d’autonomie serait dès lors réduit à zéro. Par conséquent une des conditions pour que les élèves deviennent progressivement autonomes est la plus grande explicitation possible des règles.

Pour l’enseignant, il s’agit donc d’instaurer un rapport moins «directif» aux élèves qui permet à ceux-ci de s’approprier le savoir : ils doivent se poser des questions, aller chercher des informations dans un livre, un manuel, un dictionnaire. On peut donc parler de responsabilisation de l’enfant dans les tâches qui lui sont conférées. À ce propos, il semble important d’insister sur le fait que l’autonomie s’acquiert progressivement et qu’à la fois l’élève et l’enseignant ont un rôle à jouer dans ce processus : l’élève doit pouvoir progressivement développer sa capacité à travailler seul, tandis que l’enseignant doit pouvoir assurer à la fois une présence suffisante soutenant l’effort de l’élève et un espace libre pour que celui-ci puisse s’aventurer dans la découverte et la conquête d’un savoir autonome.

10/10 Deuxième partie - Évaluation formative

Étant envisagée comme «l’appréciation d’un travail en progrès» elle remplit une double fonction.

Au niveau de l’élève, elle a pour fonction de lui permettre de se situer dans le processus

d’apprentissage par rapport à un but à atteindre. L’évaluation formative fait également prendre conscience à l’élève de son avancement, de ses réussites et des obstacles qu’il a encore à franchir pour atteindre l’objectif visé. La prise de conscience de son avancement dépend également de la possibilité pour l’élève de dialoguer avec l’enseignant. Il s’agit, dans ce contexte d’un dialogue formatif qui vise à faire parler l’élève de son apprentissage et des difficultés qu’il y rencontre. C’est notamment l’aspect métacognitif de l’évaluation formative.

Au niveau de l’enseignant, l’évaluation formative a pour fonction de l’aider à réguler les processus d’apprentissage des élèves. Cette évaluation devient formative puisqu’elle a comme but de former les enfants au type de raisonnement qu’il faut avoir pour réussir l’épreuve et ceci indépendamment du nombre de fois qu’ils doivent la refaire durant le cycle en question. On pourrait dire que c’est une des manières, pour l’enseignant, d’ajuster sa didactique et d’adapter les travaux à donner en fonction des erreurs commises par les élèves.

L’évaluation formative et la pédagogie différenciée sont deux volets d’une même action de différenciation pédagogique bien conduite.

11/11 Deuxième partie - Équipe pédagogique

Afin d’assurer un fonctionnement en équipe optimal pour la réalisation d’une école de la réussite et d’éviter que des relations interpersonnelles devenues problématiques aient des répercussions négatives sur la qualité de travail des enseignants, il faut veiller au respect de deux règles fondamentales :

Le professionnalisme : il est important pour les enseignants faisant partie d’une équipe pédagogique d’instaurer des rapports professionnels, c’est-à-dire soumis à un but pédagogique commun. Cette attitude est indispensable dans la relation aux élèves (Rey, 1998)

Un but pédagogique commun : ce but pédagogique partagé par tous les enseignants est celui de faire réussir tous les élèves en accordant leurs efforts pour y parvenir. La cohérence des équipes pédagogiques est souvent tributaire de la coordination entre les enseignants d’un même cycle. Cette coordination exige la mise en place de concertations intra-cycles et extra-cycles afin de définir la spécificité de chaque cycle et de garantir la continuité des apprentissages tout au long du processus éducatif.

Les enseignants rencontrés ont relevé un certain nombre de points décisifs qui ont fait de leur temps de concertations de cycle l’outil d’un authentique travail d’équipe : l’organisation des concertations, l’organisation des groupes d’élèves et du travail enseignant. Par ailleurs, les enseignants disent qu’ils ont beaucoup gagné dans ce travail en équipe en mutualisant leurs efforts et en s’épaulant pour mieux surmonter les difficultés.

12/12 Deuxième partie - Année supplémentaire dans la scolarité

Que se passe-t-il quand un élève, malgré tous les efforts des enseignants, n’a pas atteint, en fin de cycle les compétences prévues? On sait bien la solution qui est apportée par le fonctionnement traditionnel de l’école : c’est le redoublement. Or précisément, la mise en place des cycles voudrait éviter ce moyen.

D’une part, le passage de l’unité temporelle scolaire de une année à plusieurs signifie qu’on ne fait pas doubler des élèves en cours de cycle. Mais il faudrait aussi éviter le redoublement en fin de scolarité. En effet, les recherches en pédagogie tendent à montrer que le redoublement n’est pas le meilleur moyen de réduire les difficultés scolaires d’un élève. Le redoublement n’est pas un moyen pédagogiquement économique : un élève qui doit redoubler n’a, en général, pas un bilan totalement nul : il a acquis certaines des compétences prévues. Et pourtant c’est l’ensemble des enseignements qu’on lui fait reprendre, alors qu’il vaudrait mieux qu’il ne recommence pas ce qu’il maîtrise bien et qu’il puisse consacrer plus de temps à la construction des compétences qu’il ne possède pas encore.

C’est pour faire face à ce problème que les textes officiels prévoient la possibilité d’une année supplémentaire dans la scolarité (appelée communément «l’année complémentaire»). Sa différence avec le redoublement tient à ce que l’élève en année supplémentaire va recevoir un programme qui évitera la répétition de ce qu’il a déjà suivi et qui sera spécialement adapté à ses besoins d’apprentissage.

Dans la pratique on peut identifier deux obstacles, à la mise en place de cette année, fréquemment évoqués par les enseignants :

une difficulté d’organisation d’un tel dispositif

une certaine croyance dans l’efficacité d’un redoublement, et c’est là peut-être l’obstacle majeur. Car, comment trouver des solutions organisationnelles lorsqu’on n’y croit pas vraiment?

Il semblerait pourtant qu’il soit possible d’organiser l’année supplémentaire dans le cycle et que certains types d’organisation soient plus favorables au bon fonctionnement d’un tel dispositif : l’organisation en classes pluri-âge et la concordance des horaires de certaines disciplines.  

13/13 Deuxième partie - Groupement des élèves et organisation du travail enseignant

Dans les faits, on distingue plusieurs grands types d’organisation, ou regroupement des élèves :

La classe «pluri-âge» (ou verticale) c’est-à-dire la classe composée d’élèves des deux âges du cycle. Les classes verticales, parce qu’elles sont clairement hétérogènes, incitent les enseignants à pratiquer la pédagogie différenciée, ce qui est positif. Il est moins difficile qu’ailleurs d’accueillir un élève qui fait une année supplémentaire : la fréquence et la variété des activités individuelles et en sous-groupes permettent plus facilement de lui constituer un programme sur mesure.

En ce qui concerne les effets positifs du mélange des âges, il y a d’abord les effets cognitifs : les discussions entre enfants de niveaux différents sur une situation-problème peuvent contribuer à faire progresser certains d’entre eux (conflit socio-cognitif). D’autre part, une classe verticale contribue certainement à développer les capacités socio-affectives des enfants, grâce aux interactions plus riches et plus complexes que celles qu’on trouve dans une classe «uni-âge».

La classe où l’enseignant monte avec ses élèves, c’est-à-dire la classe que l’enseignant suit pendant toute la durée du cycle (on dit couramment qu’il «monte» avec sa classe). Le maintien du même maître devant un groupe d’élèves durant deux ans est évidemment favorable à assurer la continuité. L’inconvénient est qu’un tel fonctionnement ne garantit pas la continuité dans la scolarité et entre les cycles car il n’exige pas absolument le travail des enseignants en équipe.

La classe où se pratiquent des décloisonnements c’est-à-dire que les groupes de base, ou classes, de tous les élèves d’un même cycle sont à certains moments de la semaine, voire de la journée, redéfinis et modifiés en fonction de critères décidés par l’équipe de cycle : besoins, projets, tutorat, etc. C’est évidemment un bon moyen de pratiquer la pédagogie différenciée, quand on constitue les groupes sur la base de besoins cognitifs semblables. Elle permet en outre de construire un programme individualisé pour un élève en année complémentaire.

La classe avec spécialisation des instituteurs c’est-à-dire que l’équipe de cycle se répartit les compétences à enseigner. Autrement dit, devant les élèves d’une classe, plusieurs enseignants se succèdent pour y enseigner différentes choses. On appelle parfois cette organisation «assouplissement du titulariat». Cette répartition peut être disciplinaire, c’est-à-dire qu’un enseignant va se spécialiser dans certaines disciplines qu’il enseignera à tous les élèves du cycle. Toutefois, le fait pour un instituteur d’avoir à enseigner l’ensemble des disciplines à une

classe permet une meilleure intégration des disciplines les unes aux autres. C’est là un aspect important de l’approche par compétences. À cause de ce fait, certains réseaux ont choisi d’interdire ce type d’organisation du travail enseignant. Dans la classe avec spécialisation, la répartition peut également être transdisciplinaire, c’est-à-dire que les enseignants se spécialiseront dans l’enseignement de certaines compétences prises dans plusieurs disciplines : un enseignant gérera un atelier «mesures» pour l’ensemble des élèves du cycle, un autre encadrera un «atelier de textes narratifs», un autre s’occupera d’un atelier «expérimentation scientifique». Cette façon de faire ne nuit pas à la construction d’activités intégrées et elle offre aussi l’avantage que plusieurs enseignants «partagent» les mêmes élèves ce qui facilite le contact entre enseignants et donc le travail en équipe.

La classe «d’allure plus traditionnelle» dans laquelle des enfants de même âge sont pris en charge chaque année par un titulaire différent. Cela n’empêche pas de respecter la continuité des apprentissages, pratiquer la pédagogie différenciée et l’évaluation formative. Mais assurer la continuité exige, dans ce cas, un travail d’équipe et de concertation très étroit.

14/14 Deuxième partie - Groupement des élèves et organisation du travail enseignant (suite)

Points de vigilance pour se mettre en cycle

Rassurer les parents. Chaque parent, attendant de l’école le meilleur pour son enfant, scrute les moindres évolutions de l’école. On sait bien que les pratiques scolaires innovantes, parce qu’elles ne correspondent pas à ce qu’ont connu les parents dans leur passé scolaire, peuvent les déstabiliser. Qu’est-ce qui peut déconcerter les parents? Le groupe pluri-âge, l’incompatibilité entre l’objectif des cycles et une logique de note et de classement.

Cette fonction d’assurance peut également être liée à des moments de rencontre entre les parents et tous les enseignants du cycle co-responsables de l’apprentissage de leurs enfants. Le travail en cycle permet l’enseignement-apprentissage de compétences de haut niveau. C’est ce qu’il faut parfois rappeler aux parents pour les rassurer.

Tenir compte du degré d’engagement de chacun. Certaines équipes éprouvent quelques difficultés à fonctionner collectivement et donc, à se mettre en cycle. Or pour travailler  en cycle, et par conséquent en équipe, il faut en avoir envie. Le travail en équipe ne se décrète pas. Tout au plus, il peut exister des obligations légales de réunions et de rencontres. L’important est de ne pas rester sur un blocage total, faire un petit pas pour entrer dans les cycles, c’est déjà être en cycles. Par contre, attendre que tous les enseignants soient au même degré d’engagement, c’est risquer de ne jamais être en cycles.

Rentrer progressivement. Parfois les enseignants ne se sentent pas assez formés pour travailler en cycles, c’est-à-dire enseigner non plus des savoirs, mais des compétences, construire une continuité pédagogique avec les autres enseignants, pratiquer une pédagogie différenciée ainsi qu’une évaluation formative, penser l’année complémentaire, etc. et faire réussir tous les élèves et chacun d’entre eux. Si on présente les choses ainsi, on peut effectivement avoir l’impression que seuls des êtres d’exception pourraient réussir la mission : l’immensité de la tâche donne plutôt envie de baisser les bras.

Car se mettre en cycle, ce n’est pas changer radicalement tout ce que l’on a fait jusqu’à présent. Tout comme leurs élèves, les enseignants ont besoin de continuité. Les équipes d’école qui ont participé à la recherche sont arrivées très progressivement au fonctionnement de cycle qu’elles ont à présent et elles cherchent encore à l’améliorer. Mais elles disent presque toutes qu’il leur serait très difficile de revenir en arrière.

15/15 Notes complémentaires

Les modalités de regroupement des élèves ne constituent pas l’essentiel d’une organisation en cycle destinée à la promotion d’une école de la réussite.

Continuité des apprentissages, pédagogie différenciée et évaluation formative constituent les axes pédagogiques tandis que le fonctionnement en équipes, l’organisation en cycles, l’année complémentaire et le groupement des élèves constituent des dispositifs.

La pédagogie différenciée implique un renversement de la façon de penser l’école et les apprentissages. Il ne s’agit plus de penser les élèves comme semblables mais de reconnaître leurs différences. Ces différences proviennent de leurs acquis scolaires, de leurs codes culturels, de leurs expériences vécues, de leurs habitudes éducatives venant de la famille mais aussi du mode de socialisation influencé par le groupe de pairs, de leurs styles cognitifs… Les élèves sont différents. Par conséquent les parcours d’apprentissage peuvent être différents d’un élève à l’autre et aboutir cependant à l’acquisition de la même compétence. L’idée que les individus ne fonctionnent pas tous de la même manière, sans qu’il y ait de hiérarchie entre les manières de faire, est d’ailleurs un des axes fort de la pédagogie différenciée (Zakhartchouk, 2001)

L’idée d’égalité des chances est en train de se renverser au profit de celle d’une égalité de résultats : tous les élèves doivent atteindre les compétences listées dans les programmes de la scolarité obligatoire. La pédagogie différenciée s’inscrit dans cette dynamique. Elle n’est pas une pédagogie de remédiation des échecs d’une autre pédagogie, voire un prétexte pour ne rien changer dans cette autre pédagogie. Elle est une toute autre façon de penser l’école et la classe.

La pédagogie implique un certains nombre de choix éthiques et pratiques de la part des professionnels de l’enseignement

Le choix du pari d’éducabilité : un enseignant ne peut pas pratiquer une pédagogie différenciée sans la solide conviction que chacun de ses élèves peut réussir à maîtriser les objectifs des programmes.

Le choix du pari de l’hétérogénéité des élèves. De nombreuses recherches montrent que les élèves en difficulté tirent profit de l’hétérogénéité et qu’ils pâtissent par contre beaucoup de l’homogénéité.

Le choix d’une certaines «hygiène du travail en équipe» avec des concertations principalement axées sur la problématique de la gestion différenciée des itinéraires d’apprentissage des élèves.

Le choix d’une certaines hygiène de son propre regard pédagogique : ne plus penser les différences en termes d’inégalités socio-culturelles. Être différent, dans le cadre de la pédagogie différenciée, ce n’est pas être inférieur ou supérieur. Ne plus penser les différences en termes d’inégalités cognitives mais plutôt de spécificité cognitive, de parcours d’apprentissage. Ainsi, tout comme Charnay (1995) nous prônons que les élèves adoptent leurs propres procédures (dans la résolution d’un problème mathématique, par exemple) sans nécessairement établir de hiérarchie entre les différentes procédures apparues dans la classe. Si l’enseignant n’établit pas de hiérarchie entre les différentes procédures qui se sont révélées intéressantes dans la résolution d’un problème, il peut inciter en revanche certains élèves à utiliser d’autres procédures que les leurs si celles-ci se révèlent plus efficaces, voire à abandonner leur procédure ou au moins à débattre de celles des autres.

Certains élèves «agacent» : ils sont «impertinents», «passifs», «instables», sentent mauvais, ont en permanence des poux, n’ont jamais leur matériel, leurs parents ne viennent pas aux réunions…Penser ainsi des élèves, c’est penser en termes moralisateurs. Faire le choix de la pédagogie différenciée, c’est faire le choix de ne plus rendre légitime ce genre de regard sur l’élève. Le regard qui doit être porté sur lui est principalement centré autour de ses apprentissages.

Différencier, c’est différencier le parcours et non les objectifs à atteindre. On vise les mêmes acquis de base à la fin de ces parcours. Dans la logique des cycles, les

objectifs sont fixés à suffisamment longue échéance pour que tous les élèves aient une chance de les atteindre par des cheminements variés.

J. Michel Zakhartchouk«Au risque de la pédagogie différenciée», dans Cahiers pédagogiques, spécial

Pédagogie différenciée, Institut national de recherche pédagogique, 2000 1. Résumé

2. D'où vient la pédagogie différenciée ? 3. Qu'est-ce qui différencie les élèves ?

4. Que faire de ces différences ? Comment «faire avec» ? 5. La pédagogie différenciée entretient des liens avec :

6. Objections et critiques 7. On ne doit donc pas la mettre en place!

8. La pédagogie différenciée renforce-t-elle l'exclusion ? 9. Les contenus et la pédagogie différenciée

10. Exigences cognitives 11. Enfermements ou enrichissements

12. Indispensable différenciation 13. Quelques pistes pour gérer l’hétérogénéité au quotidien L’hétérogénéité des

acquis scolaires et des niveaux d’acquisition 14. Quelques pistes pour gérer l’hétérogénéité au quotidien L’hétérogénéité des

rythmes et du temps nécessaire pour apprendre : 15. Quelques pistes pour gérer l’hétérogénéité au quotidien

Trois verbes-clés : 16. La formation à la pédagogie différenciée

Des objectifs possibles : 17. La formation à la pédagogie différenciée

Des moyens pour les atteindre :  

Dans ce document l’auteur observe un grand plan autour du concept de pédagogie différenciée. Selon lui, on semble confondre celle-ci avec une pédagogie à deux vitesses, c’est-à-dire une pédagogie « différenciatrice ». Pour lui, il s’agit bien de trouver des chemins tout à fait différents, en prenant en compte la réalité des « différences », que celles-ci soient des problèmes, mais aussi des richesses. De manière plus complexe, il s’agit de dépasser les différences tout en les intégrant comme ressource, de rassembler sans normaliser ni uniformiser.

Dans ce texte, l’auteur propose d’explorer quelques éléments de la genèse de la pédagogie différenciée, de dresser un inventaire des multiples composantes de la « différenciation » et de répondre ensuite à quelques objections quant à son application.

2/2 D'où vient la pédagogie différenciée ?

On peut trouver des sources multiples1 :

1. L’héritage américain : le développement des potentialités de chacun renvoie à une conception très individualiste de la différenciation qui consiste à tenir compte de la personnalité de chacun et à imaginer des parcours personnels : on la retrouve dans les pays anglo-saxons et au Canada.

2. Les influences de l’éducation nouvelle se situent dans une vision sociale et politique; la dimension collective, la coopération sont mises en avant en rupture avec la pédagogie traditionnelle où règne la relation très hiérarchisée maître-élève.

3. Le rôle de la pédagogie par objectifs et de la « pédagogie de maîtrise » : la pédagogie différenciée se veut alors et surtout un outil pour apprendre : insistance sur la rigueur des parcours, sur l’aspect quasi scientifique de l’organisation du cours, sur la réponse à trouver aux besoins de chacun pour que chacun puisse progresser.

4. Les apports de la psychologie différentielle et des sciences cognitives : la prise en compte des différences est nécessaire pour que chacun puisse apprendre, en raison des différences entre chacun.

5. La pédagogie de soutien, pour élèves en « grande » difficulté. La pédagogie différenciée est alors conçue comme moyen de faire face à l’échec scolaire.

6. L’éclairage sociologique (le rapport au savoir) : avec les recherches sur les différents rapports face au savoir des élèves dans différents milieux, la pédagogie différenciée doit s’intéresser aux contenus et à la manière de les appréhender.

Zakhartchouk mentionne que toutes les multiples entrées, sans être contradictoires, sont des portes ouvertes pour toutes les ambiguïtés et qu’il faut être conscient de ce poids historique…

__________1 Voir texte original p. 34 -36 (retour au texte)

3/3 Qu'est-ce qui différencie les élèves ?

Il convient d’abord d’élargir le champ des différences possibles et de dépasser la fameuse dichotomie « bons/pas bons ».

À partir des énoncés suivants, l’auteur s’interroge sur ce qui conduit à la différenciation et se demande au regard de chacun quels sont les bons moyens de transformer ces différences en quelque chose d’utile pour mieux apprendre ensemble.

Les élèves sont différents parce que :

ils n’ont pas les mêmes acquis scolaires; ils n’ont pas les mêmes codes culturels; ils n’ont pas les mêmes expériences vécues; ils n’ont pas les mêmes habitudes éducatives; ils n’ont pas le même style cognitif, les mêmes stratégies d’apprentissage; ils ne sont pas du même sexe; ils ne sont pas motivés de la même manière; chacun a son histoire personnelle.

4/4 Que faire de ces différences ? Comment «faire avec» ?

varier les outils d’apprentissage2 ; alterner différentes démarches et situations d’apprentissage;3 combiner des formes différentes de guidage (aide/autonomie); prendre en compte la place du relationnel, en se méfiant des dérives; gérer le temps de manière souple; trouver des manières différentes de mobiliser les élèves (valorisation/stimulation;

sécurisation/déstabilisation, …); organiser des répartitions d’élèves souples, y compris à l’intérieur de la classe;4 diversifier les outils d’évaluation;5 garder le cap de la culture commune, des compétences communes essentielles, mais à

travers plus de variété dans le choix des contenus (l’enseignant, passeur culturel).

En résumé, tout ce qui est évoqué brièvement ci-dessus et qui est explicité davantage dans le document de Zakhartchouk aux pages 35 à 43, concerne à la fois le travail en classe complète et le travail en groupes plus restreints (les expériences en différenciation s’attardent plus au deuxième cas). On s’essaie certes à une pédagogie « différente » mais « différente de quoi »?,

si l’on n’accepte pas que la norme, le modèle est forcément la pédagogie « moyenne » pratiquée dans les établissements du secondaire.

En troisième lieu, parlons des « partenaires » de la pédagogie différenciée, c’est-à-dire des approches, des démarches qui sont autant d’entrées diverses dans l’acte pédagogique et qui sont en fait des composantes de la différenciation ou qui interagissent avec elle.

__________2 Voir texte original p. 35-393 Voir texte original p. 39-404 Voir texte original p 35-38 et p. 415 Voir texte original p. 42

5/5 La pédagogie différenciée entretient des liens avec :

l’approche par objectif : sans objectifs précis, la pédagogie différenciée va aboutir à une baisse des exigences ou à la confusion. La notion d’objectif réfère aussi à l’idée de contrat.

L’évaluation formative (formatrice) : puisque la pédagogie différenciée a besoin de régulations, c’est-à-dire qu’il faut faire des retours fréquents, accorder des moments de « feedback ». L’évaluation se doit donc d’être au service de l’apprentissage.

La pédagogie de projet : l’individualisation, la prise en compte de l’élève « tel qu’il est » font mettre l’accent sur le projet personnel. Cela pose toutefois un problème d’articulation avec un projet plus collectif, avec la coopération avec les autres.

L’interdisciplinarité : si on se centre davantage sur le processus d’apprentissage, le décloisonnement, les interactions entre disciplines prennent de l’importance et permettent d’offrir une grande diversité de mises en situation et de redonner du sens aux savoirs disciplinaires.

L’aide individualisée : la prise en compte efficace des apprenants, la réflexion sur la relation d’aide, sur les procédures, sur l’analyse des erreurs sont bien présentes dans la pédagogie différenciée.

6/6 Objections et critiques

Parlons maintenant des objections et des critiques faites contre l’idée de différencier. Zakhartchouk nous mentionne qu’elles sont particulièrement utiles, parce qu’elles nous obligent à réfléchir, à affiner nos propositions pédagogiques. D’autres, par contre, sont de l’ordre de la polémique et de la mauvaise foi.

Elle est utopique ou difficile à mettre en œuvre

Elle serait trop coûteuse en temps, en énergie, en moyens nécessaires. S’il est possible certes de diversifier quelque peu sa pratique, il paraîtrait difficile d’organiser des dispositifs complexes de groupes, d’individualiser, sans moyens adéquats.

Elle n’est pas possible sans une mobilisation de tout l’établissement. Les initiatives isolées restent des coups d’épée dans l’eau.

Elle n’est pas compatible avec les programmes actuels, trop lourds, qui rendent impossibles des pratiques qui demandent du temps, surtout si l’on veut concilier moments de différenciation et moments de synthèse, si on veut faire des élèves de vrais acteurs de leur apprentissage.

Elle demande un effort de formation très important. Il serait vain de se lancer dans le changement de pratiques sans cette formation massive et qui, elle aussi, demande du temps et des moyens.

Elle implique un grand volontarisme politique. Les institutions veulent de la rentabilité immédiate, mais craignent les lobbies, les corporatismes.

On ne peut donc pas la mettre en place!

À cela, Zakhartchouk répond que le maximalisme est le plus grand allié du conservatisme. Si on en reste dans le « tout ou rien », si on refuse à priori le « réformisme pédagogique », les « petits pas », alors rien ne sera possible. Or, les expérimentations montrent que bien des choses sont possibles, sans forcément qu’il y ait bouleversements. Elles ont besoin d’un appui du côté de l’institution et d’un renforcement du côté de la formation et de la recherche, en favorisant les échanges d’expériences et la mise en œuvre de pratiques de différenciation au sein même des dispositifs de formation…

D'ores et déjà, il est possible de « différencier » sans discriminer, sans renoncer aux ambitions, aux exigences.

Mais une autre série d’objections est faite à la pédagogie différenciée, plus radicales sans doute.

La pédagogie différenciée est dangereuse!

Elle renforce les « différences » au lieu de produire de l’unité « universaliste »;

elle exalte l’individu contre le collectif, elle est un instrument du libéralisme individualiste;

elle propage le culte de l’enfant-roi ou du « jeunisme » sous prétexte de « respect » de chacun;

elle met au second plan les savoirs et serait un agent d’une école « light »;

elle a un aspect totalitaire (« la barbarie douce ») que des administratifs alliés aux pédagogues mystifiés ou mystificateurs tentent d’imposer au détriment de la liberté d’enseigner.

7/7 On ne doit donc pas la mettre en place!

Répondre à ces objections revient à mieux préciser le concept, à accepter d’examiner toutes ces dérives possibles, qui sont autant de limites de la différenciation. Elles nous aident à être plus rigoureux. Par exemple :

À bien se garder, en constituant des groupes, à penser aux moments de mise en commun, à ne pas enfermer les élèves plus faibles dans des activités trop « faciles » où certes ils réussiraient, mais à quel prix?

À rester fermes sur les contenus communs à tous, ce qui implique de définir les compétences fondamentales que tous doivent acquérir, même si certains peuvent aller plus loin et iront forcément plus loin. L’important est dès lors que l’école ne renforce pas les inégalités, mais là où elle est, dans ses limites, soit un lieu de progrès possible pour chacun. L’hétérogénéité semble à cet égard meilleure pour atteindre cet objectif.

À ne pas séparer la réflexion pédagogique de la réflexion didactique : c’est dans chaque discipline qu’il faut se préoccuper de la différenciation, et en travaillant sur les

démarches appropriées tout autant qu’en s’interrogeant sur le sens des savoirs scolaires.

Mais surtout, la réponse à ces objections est dans la mise en avant nécessaire d’une pensée complexe, systémique, qui ne s’enferme pas dans des oppositions binaires, ces oppositions qui si souvent stérilisent tout débat sur l’école (Instruction/éducation; savoir/pédagogie; nécessité de la transmission/nécessité de l’appropriation; rôle essentiel de la maîtrise de la discipline/rôle essentiel de la capacité à communiquer et à gérer une classe, etc.). La pédagogie différenciée est d’abord un outil qui n’a de sens que dans une société démocratique, où le respect des particularités et des personnes doit se conjuguer – et c’est bien difficile! - avec la recherche de règles communes, toujours réinventées, en tout cas jamais figées, avec ce qu’on appelle « citoyenneté » mais là encore, la clarification du concept serait nécessaire.

Enfin, contre les objections de « totalitarisme », il est indispensable que les partisans d’une pédagogie plus différenciée restent modestes, à l’écoute des doutes, des hésitations, des résistances, parfois fondées et légitimes, qu’ils ne croient pas disposer de méthodes miraculeuses, « scientifiquement prouvées ». Il est certain que parfois, des responsables institutionnels « donneurs de leçons » ou des militants tentés par un certain vertige prosélyte font plus de mal que de bien à de « grandes idées » pédagogiques ou autres.

8/8 La pédagogie différenciée renforce-t-elle l'exclusion ?

Question iconoclaste sans doute. L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. La pédagogie différenciée, conçue comme le contraire d’une pédagogie élitiste et excluante, n’est-elle pas en fait une subtile auxiliaire de l’exclusion?

L’interpellation a le mérite de contraindre aux clarifications nécessaires…

À lire certains écrits, vouloir pratiquer la « pédagogie différenciée » sera le signe d’un renoncement inadmissible à notre mission d’instruction, d’élévation de tous à un haut niveau; chacun y perdrait quelque chose : les bons élèves parce qu’ils seraient entraînés vers le bas, les plus en difficulté parce qu’on leur offrirait un sous-enseignement, une sous-culture, en les trompant et en les berçant d’illusions. À force d’insister sur les différences, on oublierait ce qui rassemble, l’universalité du savoir, qui nécessite exigences et efforts. La pédagogie différenciée serait au fond comme une drogue qui endormirait les élèves sous prétexte que chacun devrait suivre son rythme propre, que l’on devrait respecter la particularité de chaque élève.

Qu’en est-il de la pertinence de ces critiques? Plutôt que de les balayer d’un revers de manche, prenons-les comme une occasion d’affiner nos conceptions et de lutter contre les dérives toujours menaçantes de toute « bonne idée ».

9/9 Les contenus et la pédagogie différenciée

La pédagogie différenciée implique-t-elle un rabaissement des contenus cognitifs et culturels de l’école? Avant de répondre, rappelons que ce qui importe, c’est l’appropriation réelle par les élèves de ces contenus, et non ce qui est enseigné. Ce qui compte, c’est de savoir par exemple si à la fin de la sixième, tous les élèves auront acquis une connaissance des grands mythes fondateurs de l’Antiquité ou de la Bible. Pour y parvenir, bien des moyens sont possibles : utilisation des versions jeunesse des textes, recours à une imagination pédagogique foisonnante, récupération d’œuvres télévisées familières aux enfants, etc. Camper par exemple sur des positions pures et dures comme l’interdiction de sortir des textes grecs originaires équivaut à exclure les deux tiers des élèves pour le moins. On peut citer mille exemples du même acabit. Quand enfin, dans les débats sur l’école, arrêtera-t-on de considérer qu’il suffit d’enseigner pour que les élèves apprennent? Quand considérera-t-on que toute communication pédagogique implique qu’un récepteur ait compris le message de l’émetteur et qu’il est du devoir de cet « émetteur » de s’en assurer? J’ai l’impression d’affirmer des banalités, mais malheureusement, nous sommes contraints sans cesse de les réitérer.

En même temps, il nous faut sans doute nous interroger sur les contenus précisément, sans tabous. Ainsi, qu’est-ce qui est le plus formateur aujourd’hui : savoir décoder les messages des médias ou devoir s’extasier comme nous le faisions jadis devant telle œuvre classique? Savoir naviguer dans un hypertexte ou pratiquer une lecture non linéaire d’un document informatif vaut bien la reconnaissance de l’attribut du sujet. Ceci dit, l’exclusion, c’est aussi interdire l’accès aux grandes œuvres culturelles à nombre d’élèves, tout à fait d’accord. Mais il y a deux manières de le faire : préférer la sortie à Disneyland à la visite du Louvre, soit, mais aussi rendre inaccessible le Louvre, en faire un lieu austère de « culte » plus que de « culture », ce qui donnera le même résultat que l’attitude démagogique précédente. La pédagogie différenciée propose de trouver des chemins, des itinéraires verts pour des accès parfois inattendus aux œuvres et aux savoirs les plus difficiles, ce qui, en même temps ne nous empêche pas de réfléchir sur ce que peut être la culture, à ce que doit être le « savoir minimum culturel », notion rejetée trop facilement avec mépris.

10/10 Exigences cognitives

D’autre part, en différenciant la pédagogie, empêche-t-on l’accès à l’abstraction des élèves qui en sont encore très éloignés? On proposerait à ceux-ci des activités ludiques, des découpages et des bricolages au lieu de les confronter directement au seul savoir qui vaille? L’abstraction, la pensée déductive!

Là encore la réponse est double.

Oui, des dérives existent, lorsqu’on oublie qu’il s’agit bien de trouver un chemin vers cette abstraction, qui d’ailleurs ne se confond pas avec la seule déduction. Mais justement, « un » chemin, et non « le » chemin, puisqu’il y en a plusieurs. Il est tout à fait clair que si on renonce pour certains élèves aux exigences intellectuelles, on exclut. Mais c’est tout aussi vrai lorsqu’on ignore la complexité de la pensée humaine, lorsqu’on oublie sa dimension concrète, lorsqu’on n’a que mépris au fond pour « la technique » ou pour le corporel (dans l’enseignement des sciences ou dans celui des lettres). Différencier, c’est bien, à objectif constant, faire appel à des ressources vastes, à une pluralité d’approches pour atteindre des capacités de pensée plus justes, impliquant des dimensions multiples.

11/11 Enfermements ou enrichissements

Troisième reproche fait à la pédagogie différenciée : elle enfermerait les individus dans leurs particularismes, les excluant donc du coup de l’universalité. Excluant surtout ceux qui sont déjà prisonniers d’un certain « communautarisme ». Là encore, il s’agit bien d’un danger réel. Tous les « pères fondateurs » de la pédagogie différenciée ont souligné que le respect des différences devait déboucher sur un enrichissement réciproque et non sur des ghettoïsations. Il s’agit bien de dénoncer l’« illusion identitaire », en montrant par exemple aux élèves les échanges qui s’opèrent historiquement ou géographiquement d’une culture à une autre. Les modes musicales, vestimentaires ou alimentaires en sont un témoignage éclatant. Mais précisément, les échanges ne peuvent s’opérer que si on ne s’enferme pas d’avance dans un faux universel, qui en réalité a les couleurs occidentales. Les plus grands auteurs délivrent un message universel, mais sont aussi insérés profondément dans la culture de leur temps. L’accès à l’universel n’est pas seulement cet « arrachement » dont parlent certains : il invite à conjuguer, dans le plaisir comme dans la douleur, les identités multiples comme ces élèves qui se revendiquent « arabes », mais sont aussi des supporters des footballeurs français, drapeau tricolore brandi, et des adeptes de la culture made in USA (mais aussi des garçons et des filles, mais aussi des membres de familles rien moins qu’uniformes, etc.). Le pari de la pédagogie différenciée est de ne pas ignorer les différences, de prendre le risque de les confronter, pas n’importe comment, de façon organisée, médiatisée par le savoir scolaire, parce qu’il n’y a pas d’autre issue pour parvenir au dépassement de ces différences, à leur relativisation qui ne signifie pas abandon. Zakhartchouk est toujours étonné de voir combien certains chercheurs, qui par ailleurs nous apportent beaucoup par leur réflexion fine, ont tendance à durcir les positions dites « différencialistes », alors que celles-ci sur le terrain n’existent guère sous la

forme qu’ils dénoncent et comme si la prise en compte de différences (par exemple l’enseignement des langues d’origine) équivalait à je ne sais quel enfermement communautaire.

12/12 Indispensable différenciation

On peut reprocher à la notion de pédagogie différenciée de rester floue et parfois confuse, ce qui autorise détournements et incompréhensions. Il faut sans doute rappeler inlassablement qu’elle n’a de sens que comme alternative à une pédagogie « différenciatrice », à des pratiques qui, de fait, excluent et creusent les différences. Les critiques que nous avons évoquées doivent nous inciter à davantage de rigueur pour ne pas la réduire à une pédagogie du pauvre qui serait une bien pauvre pédagogie, ni en faire une finalité alors qu’elle est un moyen d’action pour réduire les écarts, si possible « par le haut ». Elle est nécessairement corrélée à un choix ferme en faveur de l’hétérogène et du brassage socialo-scolaire. La pédagogie différenciée doit se démarquer avec force de ses contrefaçons : n’a-t-on pas vu parfois des établissements baptiser « classes à pédagogie différenciée » des structures particulières pour élèves en difficulté ou des responsables appeler « pédagogie différenciée » les pratiques d’aide en études dirigées? Or, si elle peut prendre les formes les plus variées, elle est d’abord un moyen de réduire l’hétérogénéité lorsque celle-ci est un obstacle et une source d’inégalité et de la prendre en compte lorsqu’elle est richesse et élargissement, lorsqu’elle est non pas un enfermement dans sa différence mais dialogue, interactions et conjugaison des différences…

13/13 Quelques pistes pour gérer l’hétérogénéité au quotidien L’hétérogénéité des acquis

scolaires et des niveaux d’acquisition

1. Chercher à connaître les acquis et les démarches des élèves au-delà des « impressions », donc utiliser des pratiques d’évaluation qui donnent assez d’informations (courtes évaluations bien ciblées ou évaluation de plusieurs compétences (chiffrées ou non) au sein d’un même devoir);

2. Organiser régulièrement des séances en groupes tantôt homogènes, tantôt hétérogènes (groupes pour s’entraider, groupes pour s’entraîner, groupes pour approfondir certains points…);

3. Lors d’une correction de devoir, penser à donner des tâches différentes pour les élèves ayant réussi (et qui n’ont pas besoin de la correction donc !);

4. Prendre en compte les erreurs commises, les confronter et les analyser pour repérer l’obstacle, puis retravailler les points cruciaux du devoir sans en faire systématiquement une correction complète. Faire travailler sur l’erreur selon des dispositifs précis;

5. Proposer des devoirs de « reprise » pour les plus faibles ou pour ceux qui sont motivés pour le refaire (noté ou « gratifié » d’un bonus);

6. Proposer un coup de pouce occasionnel en dehors du cours (certes limité, mais on peut trouver des opportunités pour cela);

7. Pour un élève en réel décalage, après en avoir discuté avec lui, alterner les moments où il participe au travail commun et d’autres où il travaille sur un point non encore acquis (sous forme de fiche individuelle);

8. Proposer des évaluations où on peut choisir le niveau de difficulté (et la note en conséquence). La différence de difficulté peut venir du degré d’explication par exemple ou de la longueur de la tâche ou de la complexité (plusieurs choses à gérer);

9. Distinguer un niveau d’exigence minimale et un niveau d’excellence. Ainsi pour certains, il faudra déjà que le récit produit soit clair, compréhensible, pour d’autres, on demandera en plus qu’il soit « intéressant », vivant, qu’il ait un vocabulaire riche…;

14/14 Quelques pistes pour gérer l’hétérogénéité au quotidien L’hétérogénéité des rythmes et

du temps nécessaire pour apprendre :

1. Organiser la chronologie d’une séquence pour privilégier au maximum sa propre disponibilité avec les élèves et surtout les plus lents (à certains moments, les élèves vont travailler de façon autonome, ce qui permettra de se consacrer à certains – le préciser avant la classe)

1. Afin de laisser le temps aux plus lents de s’exercer, prévoir du travail supplémentaire pour les plus rapides (qui ne sont pas toujours ceux qui réussissent le mieux). Ils auront par exemple davantage de questions sur un texte que d’autres…;

2. Permettre une remédiation entre élèves dans certains travaux. Permettre à certains moments à des élèves plus faibles d’aider d’autres (que chacun se trouve de temps en temps en position d’aidant et pas seulement d’aidé);

3. Aménager dans certaines séquences des temps très organisés de prise de parole pour ne pas exclure les plus lents ou les plus faibles (utilisation de l’écrit, tirage au sort, obligation de reformulation…).

15/15 Quelques pistes pour gérer l’hétérogénéité au quotidien

Trois verbes-clés :

rassurer, sécuriser : tout le monde est capable d’atteindre un certain niveau, il y a un cadre pour y parvenir (qui passe par des séances d’aide aux travaux personnels hors classe par exemple);

valoriser : en particulier, montrer que « le travail paie », que personne n’est « nul », que « être bon en français » ne signifie rien en soi...;

stimuler, dynamiser en faisant participer à un projet commun de classe.

16/16 La formation à la pédagogie différenciée

Des objectifs possibles :

Élargir la notion d’hétérogénéité, dans toutes ses composantes (pourquoi les élèves sont-ils différents?)

Comprendre que la pédagogie différenciée n’est pas une « méthode », mais une articulation de diverses manières de faire apprendre.

Apprendre à construire des cours dans la tension entre visée universalisante, recherche du « commun » et prise en compte des différences, individuelles et collectives.

S’approprier un type de raisonnement selon lequel toute dérive est forcément inscrite dans toute pratique : ce peut être un obstacle fécond qui nous oblige à ne pas nous endormir dans nos certitudes.

Se construire des outils, mais les passer au crible de l’analyse critique.

Réfléchir à la multiplicité des rôles de l’enseignant. En s’entraînant à analyser des séquences, on acquiert des « schèmes » qui permettront ensuite de prendre de « bonnes décisions ».

S’interroger sur l’évaluation (qu’est-ce qui est évalué?) Connaissances et compétences? Savoirs et savoir-faire? Quelle part de l’évaluation formative/sommative; évaluation « juste » / évaluation « motivante »…

17/17 La formation à la pédagogie différenciée

Des moyens pour les atteindre :

Les mises en situation : se rendre compte des différences qui existent dans les manières d’apprendre au sein même d’un groupe de « formés ».

L’autoréflexion, l’analyse de pratiques professionnelles, la métacognition à l’intérieur du groupe de formés (en espérant le transfert en classe).

La diversification des supports, en cassant les évidences sur leur utilisation stéréotypée, en mettant en évidence la pluralité de leur usage (un film peut illustrer une leçon de civilisation, être au point de départ d’une leçon de grammaire, peut servir de test évaluatif, de recherche linguistique, etc.).

L’analyse de séquences avec élèves (en vidéo, mais aussi « en vrai », pendant le stage); il est important que des enseignants se retrouvent à cette occasion en position d’observateurs (ce qu’ils sont trop rarement).

Une attitude particulière du formateur : ouverture aux différences précisément, écoute, mais aussi capacité à bousculer les certitudes. Concilier bienveillance et exigence, sécurisation et déstabilisation.

Enseignants

Attitude

Autonomie

Distance culturelle

Formation continue

Travail en équipe

 

Martine Leclerc«Au pays des gitans», Chenelière-McGraw-Hill, Montréal, 2001, 240 p.

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Enfin, l'enseignante ou l'enseignant ne doit pas mettre l'accent uniquement sur l'évaluation des apprentissages et négliger le développement personnel et social qui font de l'élève un être entier21. On accordera donc une grande importance aux compétences transdisciplinaires telles que la communication, l'autonomie et la participation au sein de l'équipe.

Vers le succès

Les approches présentées dans cette section favorisent la différenciation et mènent à de nouvelles façons de faire et de voir l'école. Leur objectif principal est que les élèves développent des compétences plutôt que de simplement acquérir des connaissances.

Si on compare une approche traditionnelle à une approche qui est centrée sur le respect des différences, on constate de nombreuses disparités. L'encadré 7.3 permet de visualiser cette comparaison.

Il devient primordial d'établir des liens entre les différents champs d'étude et de considérer leur utilisation dans la vraie vie. L'enseignement ne peut plus être compartimenté. On se doit de s'orienter vers l'interdisciplinarité. «Chacun a aujourd'hui le sentiment, plus qu'hier, que les problèmes de société ne sont pas des problèmes unidisciplinaires mais pluridisciplinaires [...1. Ii suffirait de citer l'importance des questions écologiques, de santé, de transport, les problèmes socioéconomicofinanciers ou de justice pour s'en convaincre. Le risque d'une école incapable de prendre en compte la complexité du monde à travers ses programmes, se contentant de découpages disciplinaires, est de s'écarter de plus en plus de ce pourquoi en partie elle a été constituée: permettre de se comprendre, de comprendre les autres et de comprendre le monde22 . »

On doit également s'ouvrir à des projets authentiques qui mènent à une réalisation concrète. «L'école doit aussi cesser de faire tout seule et elle doit miser davantage sur la collaboration avec les parents, les CLSC, les municipalités, les groupes communautaires ou autres, afin d'établir autour des enfants de véritables communautés éducatives23.»

__________21. Collectif MorissettePérusset, op. cit. (retour au texte)

22. M. Develay, 2025, Et si demain c'était d'abord aujourd'hui, Lyon, Université Lumière, août 1997, P. 10.

23. J. Roy, «L'intégration scolaire des élèves handicapés ou en difficulté», Vie pédagogique, n° 104, septembre-octobre 1997, p. 48.

Encadré 7.3Comparaison entre les approches

Évaluation des apprentissages

Évaluation

Évaluation diagnostique

Évaluation formative

Évaluation sommative

 

Planification

Compétences

Groupement

Outils d'apprentissage

Programmes d'études

Situations d'apprentissage

Transfert des apprentissages

Stratégies

Didactique

Métacognition

Pédagogie de contrat

Pédagogie de coopération

Pédagogie de maîtrise

Pédagogie de projet

Pédagogie de soutien

En décembre 2004, à la suite du colloque de l’ACSQ traitant de la différenciation pédagogique, la commission professionnelle des services éducatifs avait invité les

personnes et les organismes scolaires à concevoir, élaborer, piloter, évaluer, réguler, faire vivre et réussir des projets d’opérationalisation de différenciation pédagogique. Dès le départ, l’intention de la commission professionnelle n’était pas d’évaluer ni

même de porter un jugement sur la qualité des expériences poursuivies, mais bien plutôt de s’informer mutuellement et d’échanger sur des façons de faire ou des démarches

innovantes à divers niveaux.

Aux dires de plusieurs intervenants en éducation, tout aurait été à peu près dit ou écrit sur le sujet de la différenciation pédagogique, mais tout n’a pas été nécessairement fait. Alors, à partir des informations

obtenues lors du colloque 2004, la CPSE a contacté et sollicité quelques organismes scolaires et pédagogues qui s’étaient déjà lancés sur des pistes d’expérimentation; par le biais d’un questionnaire

d’entrevue, l’ACSQ a tenté de recueillir l’essentiel des différentes interventions poursuivies sur le terrain au regard de la différenciation pédagogique, afin d’en dégager les caractéristiques propres et de présenter une synthèse susceptible de guider, d’alimenter et d’inciter les autres organismes en attente à s’engager

sur la voie de la différenciation.

Rassurons-nous! Tout n’a pas encore été fait; les expériences relatées n’ont pas toute la même teneur : d’aucunes présentent une structure à mettre en place pour faire vivre la différenciation en salle de classe,

d’autres traitent d’expériences réelles en salle de classe avec de vrais élèves au prise avec de vraies difficultés d’apprentissage afin de contrer le redoublement; d’autres encore entendent solutionner un

problème d’organisation scolaire (fermeture d’école et de transfert d’élèves) en mettant en place le cycle d’apprentissage avec des groupes d’élèves d’âges différents.

On peut concevoir que d’autres milieux et d’autres expériences auraient pu être présentées pour enrichir cette banque d’informations, mais ce n’est que partie remise, car la CPSE entend faire une priorité de ce

partage de savoirs et de compétences relatifs à la conception, au pilotage et l’accompagnement du changement planifié à l’échelle des équipes de travail, des écoles et des organismes scolaires. Cette

problématique s’ajoute à la nécessaire prise en compte du travail de formation, de perfectionnement et d’organisation suscité par une réforme, à laquelle la CPSE souscrit et collabore depuis le début, puisqu’il

s’agit là d’enjeux majeurs.

C’est donc à travers ces études de cas de réussites, ces récits d’expériences diversifiées, de protocoles et d’enregistrements vidéos, d’implantation de structures et d’organisations dynamiques que l’ACSQ pourra

faire évoluer le concept de différenciation pédagogique et inciter les intervenants scolaires à s’engager sur la voie de la formation continue, de la créativité et de la collaboration. La réussite de tous nous tient à

cœur! Bonne lecture!

Accès aux projets

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http://www.acsq.qc.ca/differenciation/auteurs/index.asp, consulta de 2 de Janeiro de 2010

 

Encadré 7.3 (suite)

Approche traditionnelle Approche respectant les différencesCroyance que les principes pédagogiques sont là pour être appris; on espère que l'élève découvrira un lour à quoi ils servent.

Préoccupation à rattacher à la vraie vie les principes pédagogiques à l'étude.

L'enseignante ou l'enseignant dirige la classe et impose les thèmes et les activités.

L'élève participe activement à la planification des thèmes et des activités.

Les élèves sont passives ou passifs. Tout est décidé d'avance. Elles ou ils se font « nourrir».

Responsabilisation de l'élève quant à son apprentissage.

On compare l'élève aux autres élèves. On compare l'élève à luimême (on relève ses progressions par rapport aux défis qu'elle ou qu'il s'est fixés).

Ce n'est qu'en développant une compétence à travailler en équipe et à collaborer que l'élève maîtrisera les compétences fondamentales permettant de s'approprier les notions essentielles, et de le faire selon des méthodes différentes. Parfois, le fait de se faire expliquer une notion dans un langage d'enfant, par un membre de son équipe, permet à l'élève d'accéder au savoir qu'elle ou qu'il ne parvenait pas à intégrer en dépit des explications de l'enseignante ou de l'enseignant.

Enfin, la réalisation de projets, les activités ouvertes, l'utilisation du multimédia, l'approche coopérative et les approches qui respectent les intelligences multiples amorcent un processus qui amène l'élève à se créer des outils pour apprendre. Le pouvoir que l'élève se donne dans ses apprentissages se reflète dans la fierté et la satisfaction apparentes qu'elle ou qu'il en retire.

On en arrive donc à transformer sa pédagogie en fonction de sa vision de l'élève. D'une pédagogie centrée sur le programme, on en arrive à une pédagogie centrée sur l'élève, en respectant son rythme d'apprentissage, en cherchant à développer son potentiel et surtout en l'imaginant comme une personne épanouie.

Lintégration de l'élève en difficulté exige une attitude positive, un esprit ouvert et un comportement chaleureux et bienveillant. L'encadré 7.4 présente un résumé des pensées, des actions et des aménagements qui favorisent ou défavorisent l'intégration. L'enseignante ou l'enseignant pourra s'y référer pour évaluer et comprendre son évolution.