journée de réflexion sur la gouvernance · 2017-11-08 · 20 décembre 2013 page 1 journée de...
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Journée de réflexion sur la gouvernance
du Barreau du Québec ayant pour thème
« Dessine-moi un Barreau! »
Notes pour l’allocution prononcée par
Me Jean Paul Dutrisac
président de l’Office des professions du Québec
Montréal, le 20 décembre 2013
(Seule l’allocution prononcée fait foi)
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Madame la Bâtonnière;
Mesdames et messieurs les bâtonnières et bâtonniers;
Mesdames et messieurs les bâtonnières et bâtonniers de
section; Mesdames et messieurs les membres du Conseil
général;
Distingués invités, mesdames et messieurs.
Je remercie la Bâtonnière, Me Johanne Brodeur, de me donner
l’occasion de vous adresser la parole au début de cette journée
de réflexion ayant pour thème : « Dessine-moi un Barreau! ».
Le rapprochement avec l’histoire du Petit Prince, racontée par
Antoine de Saint-Exupéry, aviateur et écrivain, est inévitable.
Dans le livre où il relate son aventure, l’auteur s’est retrouvé
seul, en plein désert du Sahara, après que son avion eut
atterri suite une panne de moteur. Il raconte s’être fait réveiller,
par un petit garçon, qui lui demandait, avec insistance, de lui
dessiner un mouton.
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Surpris par sa requête répétée, c’est de bonne grâce qu’il fit
quelques croquis rejetés, l’un après l’autre, par le petit garçon.
Le pilote, un peu excédé, lui a griffonné une sorte de boîte
munie de trois trous. Il lui remit ce dessin en disant : « Ça, c’est
la caisse. Le mouton que tu veux est dedans ». Le visage
illuminé, le petit garçon s’est montré satisfait, au grand
étonnement de l’auteur.
Et c’est à partir de cette image forte et parlante que votre
Bâtonnière vous invite aujourd’hui à lui dessiner un Barreau.
Je suis très heureux que vous fassiez cet important exercice qui
fait appel à votre audace et à votre créativité. L’Office attend le
résultat de vos réflexions avec beaucoup d’intérêt.
Pour ma part, je n’ai pas beaucoup de talent en dessin. Mais, en
m’inspirant de l’allégorie de Saint-Ex, je vous dirai qu’on m’a
demandé de vous brosser un tableau du contexte dans lequel
nous évoluons aujourd’hui, et des grandes orientations qui
inspirent la réforme du Code des professions, qui a été
annoncée par le ministre de la Justice, notamment celles qui
concernent la gouvernance des ordres professionnels.
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Dans cette perspective, je profite aussi de l’occasion qui m’est
donnée pour tracer à grands traits ce que pourraient être, selon
l’Office, certains éléments structurants de la gouvernance du
Barreau de demain qu’on vous invite à réinventer aujourd’hui.
D’abord, un bref retour en arrière.
Il y a à peine un an, le 14 décembre 2012, je me suis adressé
aux dirigeants des ordres professionnels, réunis par l’Office, dans
le cadre d’un dîner-conférence tenu en marge de l’assemblée des
membres du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ).
Je souhaitais rencontrer les dirigeants des ordres pour faire le
bilan de nos actions et de nos réflexions, et leur présenter les
orientations qui détermineront, pour l’avenir, le rôle de l’Office,
ses relations avec les ordres et sa vision de l’évolution du
système professionnel.
En effet, l’Office arrivait, à ce moment-là, au terme d’une
planification stratégique qui avait permis de réfléchir sur certains
des fondements de notre système professionnel, qui – je crois
important de le rappeler – soulignera dans quelques semaines
ses 40 ans d’existence.
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Cet exercice a conduit l’Office à mettre à jour le concept de
protection du public, pour lui donner une valeur plus
contemporaine, mieux adaptée aux réalités d’aujourd’hui. L’Office
a aussi redéfini son propre rôle de surveillance à la lumière de
cette nouvelle approche en matière de protection du public.
L’importance des orientations proposées m’a amené à dire aux
dirigeants des ordres que nous nous trouvions « pas loin d’un
autre véritable changement culturel » au sein du système
professionnel.
L’Office a donc décidé de faire de la prévention la pierre
angulaire de ses actions et de ses interventions en matière de
protection du public.
J’ai proposé aux ordres de nous emboîter le pas en leur
demandant de remettre la prévention au premier plan, en
revoyant leurs processus et leurs façons de faire, tout en les
assurant que nous allions les accompagner dans cette démarche.
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Tous les signaux indiquaient que les attentes du public en
matière de gouvernance et d’éthique avaient évolué, ainsi que
les exigences quant à la transparence en matière d’information
et de pratiques de gestion.
L’Office a donc invité les ordres à prioriser la prévention dans
l’accomplissement de leur mission de protection du public, et d’y
accorder une place particulière dans leurs actions, par une
gestion en amont des risques de préjudice, notamment au moyen
de programmes mieux ciblés de formation continue et
d’inspection professionnelle.
Mais on convient aussi que la perception du public fait partie
de la protection du public, car ce dernier est en droit de
croire que les ordres professionnels prennent toutes les mesures
requises pour accomplir leur mandat, comme l’a précisé la
décision de la Cour d’appel dans l’affaire Salomon, le 12 février
2001.
Voilà une bonne raison de porter une attention particulière au
niveau de confiance que les citoyens accordent aux institutions
de notre système professionnel.
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Il est bien évident que les évènements qui ont fait les
manchettes des médias tout au long de l’année 2013, dans le
sillage de la Commission Charbonneau, ne sont pas de nature à
rassurer le public.
La crédibilité de plusieurs institutions publiques est mise en doute
par ces révélations. Celle des conseils d’administration et de
leurs dirigeants est aussi mise à rude épreuve. On doit constater
que la gouvernance de nos organisations, tant publiques que
privées, est actuellement vulnérable à la critique, et c’est
pourquoi elle se retrouve sous la loupe des médias, et retient
autant l’attention du gouvernement.
La gouvernance des ordres professionnels n’échappe pas à cette
crise de confiance.
Je sais que les dirigeants du Barreau sont très sensibles à cette
question. Le débat sur la reconfiguration des structures
administratives du Barreau n’est pas nouveau, comme nous le
rappelle le Bâtonnier Doyon dans le texte présenté dans le
Cahier du participant.
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On constate que cette question est revenue périodiquement en
haut de la liste des changements à considérer, mais sans jamais
arriver à des réformes en profondeur, jusqu’à maintenant. Je
crois que le contexte actuel augmente les probabilités de voir ce
dossier connaître son dénouement.
Oui, les questions éthiques résonnent de plus en plus fort dans
l’opinion. Les dérapages sont de plus en plus visibles et
remarqués, de moins en moins tolérés. Les appels à plus de
transparence font en sorte que les institutions deviennent, de
façon sans doute irréversible, de véritables maisons de verre.
Avec l’éthique en effet, un bien grand débat s’ouvre à notre
société, non seulement sur les conséquences appréhendées de la
Commission Charbonneau, mais aussi sur la compréhension,
l’appropriation et la concrétisation des notions de morale,
d’éthique, de déontologie, de droits et de règles en général. Il y a
apparemment une large confusion.
Je suis de ceux qui croient que la société a besoin que les
institutions du système professionnel s’impliquent dans les
débats publics et que les ordres ont avantage à jouer leur rôle
sociétal pour contribuer à jalonner son évolution.
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Le Barreau a été de ceux qui ont répondu rapidement à
l’appel de l’Office à s’impliquer davantage. Car les défis sont
sérieux et les ordres peuvent, avec discernement et sagesse,
éclairer les discussions, cerner les enjeux et contribuer à rétablir
la confiance et favoriser la paix sociale.
Car il y a un lien entre l’éthique et la gouvernance.
Invité récemment dans le cadre de la Semaine des
professionnels, organisée par le CIQ, qui se tenait cette année
sous le thème de la confiance envers les ordres professionnels,
l’éthicien René Villemure affirme « qu’il est temps d’entamer
une réflexion en profondeur… Au point où on en est, l’éthique, ce
n’est plus un luxe, c’est une nécessité ».
Il ajoute que « pour parler d’éthique, il faut qu’il y ait des
valeurs morales qui émanent de la mission et qu’on les rende
claires, praticables, fortes et partagées ». Selon lui, « l’éthique
est un élément de culture et une affaire de sens ». Il propose
qu’on réintroduise le sens dans nos institutions, « car le sens,
c’est la direction et, sans direction, on s’égare ».
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Loin d’être une généralité, ces mots s’appliquent assez bien
à la réalité de notre système professionnel, et ils vont même au
cœur de notre mission de protection du public.
En effet, la valeur centrale qui sous-tend la mission de protection
du public confiée aux ordres professionnels est assurément le
bien commun.
C’est la poursuite du bien commun, et de l’intérêt public, qui
donne le sens et la direction aux actions des institutions du
système professionnel québécois.
C’est sur ce postulat que le Code des professions a été conçu;
c’est sur cette fondation que l’État et les professions ont convenu
d’établir leurs relations, en 1974.
Quarante ans plus tard, il faut réaffirmer et se réapproprier cet
objectif premier. C’est ce que l’Office a proposé aux ordres en
leur demandant de mettre la prévention au cœur de leurs actions.
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Mais c’est aussi dans le cadre de la révision du Code des
professions, amorcée au cours de l’année 2013 qui s’achève,
que l’Office entend remettre ces valeurs au centre des travaux
qui se poursuivent en vue d’une mise à jour en profondeur de
notre loi-cadre.
Depuis quelque temps déjà, on observe l’émergence de nouvelles
réalités dans les pratiques professionnelles. Stimulées par les
technologies, les connaissances évoluent à vitesse grand V.
La mondialisation a des conséquences inéluctables. Libre
circulation des biens, des services, des personnes et des
professionnels aussi. Les sociétés par actions de services
professionnels sont cotées en bourse et servent leurs clients
dans de nombreuses juridictions différentes, sur tous les
continents.
Ces nouvelles réalités font augmenter les attentes des citoyens
et rendent incontournable la modernisation du Code des
professions, qui doit passer par la révision des façons de faire, et
leur reconfiguration dans des structures plus fonctionnelles et
plus efficientes.
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Comme exemple d’une telle reconfiguration, une importante
démarche de réflexion a été initiée au sein des groupes de travail
constitués par l’Office, d’une part, et par le Conseil
interprofessionnel, d’autre part, pour revoir l’ensemble des
instances et fonctions visées par le Code des
professions : présidence, conseil d’administration, comité
exécutif, assemblée générale et comités statutaires, syndics,
secrétaires de conseil de discipline, comités de révision… pour
n’en nommer que quelques-unes.
Le projet de loi qui découlera de ces travaux devrait être
présenté au ministre au cours de l’année 2014, millésime
marquant le 40e anniversaire de l’entrée en vigueur de notre loi-
cadre.
Parmi ces groupes de travail déjà à l’œuvre, celui sur les
règles de gouvernance occupe une place centrale. Il constitue un
des principaux axes de réflexion sur les normes qui devraient
guider l’administration des institutions du système, y compris
la gestion des processus au sein même des mécanismes de
protection du public.
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Pour regagner la confiance du public, tout est scruté à la loupe,
rien n’est laissé de côté.
Ce comité est formé aussi par des représentants de plusieurs
ordres, du Conseil interprofessionnel et des représentants du
public. Le Barreau y est dignement représenté par la Bâtonnière.
D’ailleurs, je tiens à la remercier et à souligner ici l’excellence et
la générosité de sa contribution.
Le constat largement partagé est qu’il est devenu aujourd’hui
nécessaire de changer la culture qui a prévalu jusqu’ici dans
plusieurs ordres.
Pour créer la confiance, il importe aujourd’hui d’asseoir la
gouvernance de nos organisations sur des valeurs de
transparence, d’intégrité, d’imputabilité et de loyauté envers la
mission, et d’adapter les structures décisionnelles pour en assurer
l’efficience.
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Bien sûr, chaque ordre a ses contraintes particulières et ses
besoins spécifiques. Il n’y a pas de configuration unique, pas de
solution mur à mur, mais il est certainement possible d’évoluer
sans perdre de vue l’essentiel, en transformant les structures, les
coutumes et la tradition d’hier, pour qu’elles deviennent celles de
demain.
Je vous le dis clairement : le statu quo n’est pas une option
pour l’Office.
J’estime au contraire qu’il est impératif de créer les conditions
permettant d’assurer la confiance du public. Pour atteindre cet
objectif, je crois qu’il est nécessaire de repositionner le conseil
d’administration (CA), et chacun des administrateurs qui le
composent, au cœur de la mission de l’ordre.
Ma vision d’un tel conseil d’administration le place au centre de la
gouvernance.
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Je suis persuadé que les conditions d’une saine gouvernance,
légitime et crédible, passent par un conseil d’administration fort,
indépendant, branché sur sa mission de protection du public, et
sur ses fonctions de surveillance et de contrôle de l’exercice de la
profession par ses membres. Le CA est la source de la légitimité
des actions de l’Ordre.
Le CA d’un ordre est imputable de la performance des
mécanismes de protection du public qu’il est chargé de mettre en
application. Il en est de même de la direction de l’ordre, qui est
imputable devant le CA. Le lien entre la direction et le CA passe
par la présidence.
D’où la transparence indispensable que doivent démontrer la
direction et la présidence de l’ordre envers les administrateurs.
Pour que leur contribution soit efficace, une information complète
et de qualité doit être mise à leur disposition.
La transparence est le fondement de la crédibilité, car là où il
n’y a pas de transparence, il n’y a pas de confiance.
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Les administrateurs doivent aussi jouir d’une indépendance réelle
par rapport aux membres de l’ordre, à tout le moins une
indépendance suffisante pour leur permettre d’assumer
efficacement les fonctions qui leur sont dévolues, tout en
évitant qu’ils pratiquent une gestion trop éloignée des
mécanismes essentiels de protection du public que sont la
formation, l’admission, l’inspection professionnelle et la
discipline.
Pour favoriser l’émergence de ces conditions propices à une
bonne gouvernance, les membres du comité de l’Office
examinent les questions :
> de conflit de rôles;
> de cumul de fonctions;
> de l’opportunité de prévoir les fonctions de directeur général
à la loi;
> de l’éligibilité des administrateurs et du président;
> de la durée et du nombre de mandats;
> d’un code de conduite des administrateurs;
> de la possibilité de coopter des administrateurs pour obtenir
des compétences, ou des expertises recherchées;
> du nombre des administrateurs issus du public et de leur
rôle; et des compétences et expertises qu’ils devraient
détenir.
Et cette liste n’est pas exhaustive…
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L’expérience des dernières années nous montre que les ordres
ont régulièrement connu des problèmes de fonctionnement
institutionnel. Ces difficultés sont liées :
> soit au processus électoral, aux structures de représentation
des membres au conseil d’administration, à l’articulation des
rôles et des relations entre le CA, la présidence, la direction
générale, le secrétariat ou le bureau du syndic, notamment;
> soit, encore, à des difficultés liées à une gestion de
problématiques inédites ou inattendues, et à des défis de
gestion auxquels l’ordre et ses dirigeants étaient
insuffisamment préparés.
À bien des égards, le Barreau est interpellé par ces
questions lui aussi.
On peut souligner les particularités qui découlent de la
structure fédérative de votre ordre et, notamment le fait que
le Barreau soit administré par un Conseil général, formé d’un
président et d’un vice-président, tous deux élus au suffrage
universel de tous les avocats…
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… et par 31 autres avocats qui y sont délégués, après avoir été
choisis par et parmi les membres des conseils des 15 sections
distinctes et autonomes, dont la constitution, basée sur une
division territoriale, est prévue à la Loi sur le Barreau.
Il vous revient de réfléchir à ces questions. Le moment est
propice. Ces questions sont suffisamment préoccupantes dans
certains ordres pour avoir été soulevées dans le cadre des
travaux du comité de l’Office sur la gouvernance.
Certains ont même proposé d’introduire au Code des
professions une clause d’inéligibilité, pour réduire les risques
de conflit d’intérêts que, par exemple, comporte la présence,
au CA d’un ordre, d’un professionnel qui est aussi un dirigeant
d’un syndicat ou d’une association de membres de cette même
profession. Cette clause pourrait viser d’autres situations qui
pourraient s’avérer être génératrices de conflits, ou
d’apparences de conflit d’intérêts.
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On voit bien que cette question est sensible dans certains
secteurs d’activité professionnelle. Elle se pose aussi dans le
cas du Barreau lorsqu’on voit que les milieux associatifs,
regroupant les membres exerçant dans les différents secteurs
de la pratique du droit, sont présents, de manière statutaire,
en tant qu’observateurs ayant droit de parole aux
délibérations du Conseil général.
D’autre part, avec 37 membres, dont 4 sont nommés par
l’Office, le nombre d’administrateurs qui siègent au Conseil
général se situe au niveau le plus élevé parmi les ordres
professionnels … très loin devant la norme généralement
admise en matière de « bonne gouvernance », qu’on situe sous
la barre de 20 administrateurs …
Nos travaux se poursuivent en ce sens, et il nous apparaît
clairement qu’en cette matière aussi, le statu quo ne saurait
être reconduit.
Toutefois, d’autres configurations sont aussi envisagées de
manière à augmenter la présence, au sein des conseils
d’administration des ordres, des administrateurs externes
provenant du public.
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Pas plus tard que la semaine dernière, le CIQ, qui s’exprimait au
nom des ordres professionnels, réclamait « une présence accrue
d’administrateurs issus du public, et nommés par l’Office, pour
compléter l’expertise des administrateurs membres de l’ordre, et
favoriser l’indépendance et l’objectivité dans la prise de
décision ».
Pour ma part, j’estime que non seulement le nombre, mais aussi
les responsabilités des administrateurs nommés par l’Office
pourraient être accrues. Sur la question du nombre, les
proportions évoquées feraient augmenter leur nombre à un
pourcentage équivalant à au moins 25 % du total des
administrateurs.
Il est question aussi d’élargir leurs responsabilités au sein du CA
lui- même, mais aussi, toujours dans le même esprit de favoriser
l’indépendance et l’objectivité de la prise de décision,
d’augmenter leur participation dans les comités statutaires, et les
autres comités constitués par l’ordre.
Quant à la durée du mandat des délégués des sections, elle n’est
pas actuellement précisée par la loi, sauf celle du président et
du vice- président qui est fixée par règlement à un an.
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Encore ici, les normes généralement admises en matière de
« bonne gouvernance » prévoient à cet égard des mandats
d’au moins deux ans, sans limiter le nombre de
renouvellements, ce qui permettrait, notamment à un
administrateur de s’engager de manière responsable dans
l’administration de l’organisation et dans la gestion des dossiers
de longue haleine.
Appliqué dans les institutions du système professionnel, le terme
d’un an est aujourd’hui définitivement trop court. Une telle
situation constitue en effet un défi personnel pour ceux et celles
qui accèdent à la fonction d’administrateur ou de président d’un
ordre.
Il peut même constituer un obstacle à la prise en charge
efficiente des rouages complexes d’un ordre professionnel dans
l’accomplissement de sa mission de protection du public.
Dans le cas de la durée du mandat d’un président d’ordre,
j’estime en effet que, pour les motifs ci-dessus, cette charge
exige au minimum un mandat de deux ans; ce qui assurerait
une continuité plus appropriée, vu l’importance de la fonction.
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À ce sujet, j’ai pris bonne note des propos relatifs à la question
de la nécessaire continuité dans la durée des mandats du
bâtonnier et des membres du Conseil général, la continuité étant
entendue comme une condition de l’efficacité.
Le bâtonnier Doyon attribue ces affirmations au bâtonnier
Prévost, et au bâtonnier Lajoie, dans son rappel historique.
Le bâtonnier Prévost proposait, déjà en 1965, un terme
d’office de trois ans pour les membres du Conseil général et de
deux ans pour le bâtonnier. Le bâtonnier Lajoie suggérait quant à
lui, en 1969, à l’instar de la quasi-totalité des anciens
Bâtonniers, un terme d’office de deux ans pour le Bâtonnier, et
je le cite « pour assurer plus de continuité et nous avons eu à la
fin de notre terme certains sentiments que nous avions manqué
de temps pour terminer ce que nous avions entrepris » fin de la
citation.
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Rappelons qu’en 1969, le Québec était alors en plein débat sur le
rapport de la Commission Castonguay-Nepveu, qui a servi de
prélude à la réforme des relations entre l’État et les professions.
Ce bouleversement s’est concrétisé par l’adoption du Code des
professions et la constitution de l’Office des professions du
Québec.
Le bâtonnier Doyon termine son texte en citant les propos du
bâtonnier Prévost qui affirmait, en 1965, que « le gouvernement
et la société attendent du Barreau une refonte parfaitement
adaptée aux impératifs sociaux. »
Je crois qu’il n’en est pas autrement, devant la situation qui nous
interpelle aujourd’hui.
Je compte beaucoup sur le leadership du Barreau pour qu’il se
comporte aujourd’hui comme un agent de changement et qu’il se
dote de structures d’avant-garde en matière de gouvernance, de
manière à répondre aux attentes du public et à celles de l’État.
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En terminant, je ne peux faire autrement que de signaler la
contribution d’un avocat, éminent juriste, administrateur
public et juge de la Cour d’appel pendant près de 20 ans, un
humaniste convaincu qui a laissé sa marque, notamment dans
les domaines de l’organisation et de la réglementation des
professions.
C’est en effet Me René Dussault qui a coordonné la rédaction du
Code des professions, et de 21 projets de lois régissant les
professions d’exercice exclusif pour ensuite devenir le président
fondateur de l’Office des professions du Québec.
Dans le cadre d’une courte allocution prononcée devant les
syndics des ordres professionnels, réunis par le Forum des
syndics du CIQ pour un colloque, le 24 février 2011, Me
Dussault livre ses réflexions sur l’avenir du système
professionnel.
Et je le cite : « En résumé, si les ordres professionnels veulent
conserver leur rôle phare et continuer à influencer l’évolution de
la société, ils doivent savoir demeurer pertinents, au fur et à
mesure où passe le temps. Ils doivent être sensibles au
changement, et ouverts aux idées nouvelles et aux innovations.
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[…] Dans la mesure où les réformes apportées sont des réformes
de fond, plutôt que des réformes d’apparence, et où elles furent
conduites de manière ordonnée, prudente et concertée, elles ont
toutes les chances, selon moi, de s’inscrire dans la durée.
[…] L’avenir du système professionnel repose donc largement, à
son avis, sur la capacité des ordres professionnels et de leurs
leaders de recentrer constamment leur action sur la protection
du public, au fur et à mesure que l’exigeront le développement
du savoir, et la perception que des usagers beaucoup mieux
informés se feront de celle-ci.
[…] La protection du public étant la raison d’être du système
professionnel, ses dirigeants devront accentuer leur rôle de
vigie, et imaginer les voies d’un dialogue qui favoriserait chez le
public un changement d’attitude, et lui permettrait de passer de
la méfiance à la confiance, à l’égard du rôle joué par les ordres
professionnels. »
Comme on peut le constater, Me Dussault trace la voie et invite
les dirigeants du système professionnel à faire preuve
d’imagination, d’audace et de créativité.
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L’Office, le CIQ, tout autant que les ordres sont concernés. Avec
la réforme du Code des professions qui s’annonce, l’occasion nous
est donnée d’écrire ensemble un nouveau chapitre de cette
histoire.
J’espère, quant à moi, que mes propos vous auront donné le
goût de dessiner le Barreau de demain, et que le projet que
vous lui dessinerez illuminera le visage de votre Bâtonnière,
comme celui qu’a tracé Saint-Ex a éclairé le visage du Petit
Prince…
Je vous souhaite de joyeuses Fêtes et une bonne année 2014!
Je vous remercie de votre attention.
Jean Paul Dutrisac