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1LA GRAVITATION DE NEWTON
I HISTORIQUE
1- Le problème de la rotation de la Terre sur elle-même
La Renaissance est apparue en premier en Italie, par le bouillonnement culturelcausé par l’arrivée des intellectuels de l’Empire romain d’orient fuyant en Italie lors dela chute de Constantinople en 1453.
Galilée naît à une époque où le monde du Moyen Âge refuse encore demourir et résiste obstinément aux apports de la Renaissance. L’Église avaitadopté les doctrines d’Aristote. En particulier, deux systèmes s’opposaient : lesystème de Ptolémée, la Terre est fixe et au centre du monde et tous lesautres corps ont des mouvements compliqués et composés autour d’elle ; lesystème de Copernic : le Soleil est fixe au centre du monde et les planètestournent autour du Soleil. Or, l’utilisation de la lunette par Galilée
confirme de plus en plus le système de Copernic : phases et taille apparente deVénus, satellites de Jupiter etc. Dans le cadre de ce débat se pose le problème dela rotation de la Terre sur elle-même. Faut-il admettre que tout le reste du mondetourne en 24 h autour de la Terre d’est en ouest, ou plutôt que c’est la Terre quitourne sur elle-même d’ouest en est. Pour Galilée, dans le cadre du système deCopernic, la Terre étant une planète parmi d’autres, il est plus simple depenser que c’est la Terre qui tourne sur elle-même, en opposition avec la doctrine del’église.
2- La résistance forcenée de l’église
Le 17 février 1600, à Rome, Giordano Bruno est brûlé vif. Il professait quetoutes les étoiles sont des soleils comme le nôtre, donc la pluralité des mondes, quela Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil, et également l’existence du videet des atomes. L’existence des atomes est en contradiction avec le dogme Eucharistiquerejeté par la religion protestante naissante. Si ce qui fait le vin, c’est un certainregroupement des atomes, il est impossible que ce vin se transforme en le sang duChrist. Il défend le système héliocentrique de Copernic qui date de 1505. Pour lui,Dieu est immanent au monde, il est la force spirituelle qui anime la matière et secache en son sein. Dieu n’est pas séparé du monde, il est en lui.
En Angleterre, la religion anglicane prendra ses distances avec l’Eucharistie et latranssubstantiation du pain et du vin dans le corps du Christ. Elle ne verra donc pasd’opposition à la théorie atomique. En Angleterre, il y a une étroite collaborationentre savants et théologiens. Les savants se sentent libres.
Le principal reproche qui fut fait à Galilée fut en fait de soutenir la théorie desatomes. C’est grâce à une amitié avec le pape Urbain VIII permettant une
Pierre BOUTELOUP
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mise en scène que ce reproche fut remplacé par celui, moins grave, de la rotationde la Terre sur elle-même. Cette accusation le fit condamner le 22 juin 1633 à lamise en résidence surveillée à vie.
Au dix-septième siècle, les jésuites sont acharnés contre l’existence du videcontraire à la physique d’Aristote. Si le vide existe, la lumière se propagedans le vide. Voilà alors une apparence (accident) sans substance, ce qui estégalement contraire au miracle eucharistique où Dieu sépare les accidents dupain de leur substance. Le vide est donc hérétique. Si un accident (apparence)comme la lumière peut exister dans le vide naturellement sans substance, c’estalors un phénomène naturel où Dieu n’intervient pas, que l’apparence du painse fixe sur la chair du Christ. En mathématiques, le calcul infinitésimal tropproche de la théorie atomique est également considéré comme hérétique.
II DESCARTES
1- La physique de Descartes
Descartes est terrorisé par ce qui est arrivé à Bruno et Galilée. Cetteterreur a pu obscurcir son entendement.
Pour se protéger de la religion qu’ils craignent, les physiciens ou philosophescatholiques dont Descartes présentent leurs théories comme de pures hypo-thèses d’explication des apparences. Ils sont conduits à éliminer toute explica-tion de type causal. Ils ne répondent donc plus au pourquoi mais simplementau comment. Ils sont amenés à éliminer Dieu de leurs théories ainsi que toutemétaphysique, de façon à séparer le plus possible la religion de la science.
Le monde est une machine certes créée par Dieu, mais qui fonctionne touteseule par ses lois propres. Le monde est un automate fonctionnant en dehors detoute intervention divine, c’est la physique mécaniste.
Ce mécanisme s’inspire des mouvements d’horlogerie ayant atteint un hautdegré de perfection à cette époque. Les différents mouvements des engrenagess’obtiennent par des contacts entre des dents qui sont immobiles les unes par rap-port aux autres. Dans cette mécanique, il n’y a donc que des forces de contact. Onpeut même oublier ces forces et considérer qu’il n’y a que mouvement et emboî-tement de pièces voisines. Le contact et l’impénétrabilité ramènent la mécaniqueuniquement à des propriétés géométriques. Le fonctionnement d’une horloge avecses engrenages est complètement décrit par la géométrie des engrenages. Ainsi,pour Descartes : Le mouvement est le transport d’une partie de la matière ou
d’un corps, depuis le voisinage des corps qui le touchent immédiatement et sont
considérés comme au repos, dans le voisinage d’autres corps.
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La nature a caché ses ressorts comme au théâtre on dissimule les machines.Dans les machines que la nature présente à nos yeux, les cordes sont parfaitementbien cachées. Supposons qu’ils voyaient le vol de Phaéton que les vents enlèvent,qu’ils ne pouvaient découvrir les cordes, et qu’ils ne savaient point comment lederrière du théâtre était disposé, l’un d’eux dirait c’est une certaine vertu secrètequi enlève Phaéton. De la même manière que le soulèvement d’une feuille mortemet en évidence l’air, la chute des corps met en évidence un éther qui agit parcontact.
Les phénomènes doivent donc s’expliquer uniquement par la figure et lemouvement des parties de la matière, comme on explique les effets deshorloges, et les corps ne doivent agir l’un sur l’autre qu’au contact, par pressionou par choc. La pesanteur doit s’expliquer par la disposition et le mouvementd’une certaine matière. De même les étonnantes vertus de la lumière doiventtenir à un mouvement : la lumière. Les atomes n’existent pas. Nous voilàtranquille avec la religion. Le vide non plus n’existe pas. Ce que l’on pensaitêtre le vide est constitué de matière invisible et cachée.
2- Descartes, le premier positiviste
Le Discours de la méthode de Descartes appliqué à la physique, rejettetoute métaphysique, puisqu’il ne veut construire le savoir qu’à partir de petitséléments certains qu’on assemble. On aboutit avec cette méthode à une sciencepositiviste inductive, où on collectionne les faits certains, comme on collectionneles papillons. Aucun concept nouveau ne peut apparaître. Seule l’analogie estencore autorisée par extension d’un phénomène connu, donc par induction. Cen’est pas comme cela que la physique se construit, et ce n’est pas un hasard sitoutes les grandes théories physiques se sont construites ailleurs qu’en France,en Angleterre ou en Allemagne par exemple. Citons Einstein dans sa lettre àMaurice Solovine datée du 24 avril 1920 “Aucune méthode inductive ne peutconduire aux concepts fondamentaux de la physique. L’incapacité à le comprendreest la plus grave erreur philosophique de nombreux penseurs du XIX° siècle.”
On peut donc dire que le désastre de la philosophie positiviste en sciencecommence avec Descartes. Ce désastre laisse encore des traces en europecontinentale aujourd’hui : la science ne peut être acte de foi. Elle doit êtreprouvée avec une certitude absolue. Descartes recherche en effet la certitudeabsolue ne laissant place à aucun doute. Or, selon la démarche scientifiqueparfaitement comprise par Newton, et merveilleusement appliquée dans sontexte sur le célèbre phénomène des couleurs, le scientifique fait des hypothèsesqu’il teste. Un test négatif prouve logiquement qu’il y a une erreur quelque part,mais un test positif ne prouve rien, et ne peut que mener, progressivement,surtout grâce à des mesures numériques précises, à l’intime conviction que lathéorie est vraie. Le philosophe anglo-saxon Karl Popper a bien précisé celaavec sa théorie de la falsifiabilité des théories scientifiques.
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La recherche impossible d’une preuve absolue inaccessible, mène l’Académiedes sciences française en 2015 à perdre son temps, en étant la risée de toutela communauté scientifique mondiale, à débattre de la vérité ou non de l’in-fluence de l’homme sur le réchauffement climatique. La commission européenneen 2016, demande un niveau de preuve impossible à atteindre pour classer unesubstance comme perturbateur endocrinien, sans doute influencée par des lobbysindustriels, mais peut-être aussi à cause de son état d’esprit positiviste.
Les positivistes dans leur rejet virulent de la religion et de la métaphysique,ne se rendent pas compte qu’ils sont justement les produits de cette religion quiles a rejetés. Ils sont les créatures hors sol de la religion qu’ils détestent.
Le classement de la psychanalyse comme un conte pour enfants par absencede preuve par certains, est sans doute aussi une conséquence de cet état d’espritdestructeur positiviste. À une époque, l’existence des atomes que personne nepouvait voir, ou même des microbes, étaient des contes pour enfants. L’idéed’atome ne pouvait pas se construire suivant la méthode de Descartes. Cetteidée nécessite une ontologie.
3- L’astronomie de Descartes
Descartes est uniquement un mathématicien. Il n’a pas les qualités d’es-prit, l’audace et l’intuition d’un physicien. Il n’a rien compris à la démarchescientifique. Paradoxalement, vu son amour des mathématiques, la physique deDescartes est purement qualitative. Son système du monde est un mélangeinextricable d’éléments mécanistes, le tout déduit à partir de quelques principessimplistes.
Sa physique est mécaniste. Les qualités occultes des scolastiques sont rejetées.Il prétend tout expliquer à partir de trois concepts géométriques : étendue, figuregéométrique et mouvement. C’est de la physique de mathématicien réduite à dela pure géométrie. Il n’y a ni vide ni atome. Si le liquide ne s’écoule pas d’uneampoule n’ayant pas d’orifice supérieur, c’est qu’il n’y pas de place pour lui àl’extérieur. Si un orifice est créé en haut, le liquide s’écoule car l’air qui rentrelaisse de la place dehors.
La théorie des tourbillons de Descartes du mouvement des corps dans unespace où le vide n’existe pas est basée sur une analogie avec les tourbillons dansune rivière. Le Système solaire est donc un gigantesque tourbillon où les planètesproches du Soleil vont plus vite que celles qui sont éloignées comme pour les par-ticules dans un tourbillon de rivière qui vont plus vite près du centre. De pluspetits tourbillons peuvent exister à l’intérieur d’un grand. Ainsi le système Terre
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Lune est en lui-même un tourbillon. Descartes arrive à concilier le systèmecopernicien avec l’interdiction par l’église du mouvement de la Terre en disantque la Terre tourne autour du Soleil en étant emporté par ce gigantesque tour-billon centré sur le Soleil, mais comme elle est immobile par rapport à la matièrede ce tourbillon, on peut considérer qu’elle ne bouge pas. Le mouvement pourlui, n’est en effet que le déplacement l’un par rapport à l’autre de deux objets encontact. Croit-il à cette théorie ? Si c’est le cas il est complètement dans l’erreurdans un modèle abracadabrant. S’il n’y croit pas, il est de mauvaise foi, ce quiest un comble pour quelqu’un qui promeut la raison et la découverte de la vérité.Newton voit tout de suite que le mouvement des comètes est contradictoireavec ce bel agencement.
L’image ci-dessous représente le Système solaire dans le cadre de la théoriedes tourbillons de Descartes.
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III GALILÉE
1- L’expérience de pensée du bateau
L’hypothèse de la Terre qui tourne sur elle-même pose problème dans le cadrede la mécanique d’Aristote où le mouvement a un caractère absolu et a desconséquences sensibles. Ceci est bien décrit dans l’extrait ci-dessous du « Dia-logue sur les deux grands systèmes du monde » publié en 1632 par Galilée.Simplicio y joue le rôle du défenseur de la mécanique d’Aristote.
SALVIATI - Vous dites : « Lorsque le navire est immobile, la pierre tombeau pied du mât et lorsqu’il est en mouvement, la pierre tombe loin du pied ;donc, réciproquement, si la pierre tombe au pied, vous concluez que le navire estimmobile, et si elle tombe loin, qu’il se meut. Et puisque ce qui arrive au naviredoit pareillement arriver à la Terre, si la pierre tombe au pied de la tour, on doitnécessairement conclure à l’immobilité du globe terrestre ? » C’est bien là votreraisonnement ?
SIMPLICIO - C’est exactement cela, brièvement dit, ce qui le rend facile àcomprendre.
SALVIATI - Très bien. Avez-vous fait l’expérience du navire ?
SIMPLICIO - Je ne l’ai pas faite, mais je crois vraiment que les auteurs quil’ont produite l’ont soigneusement observée. De plus, la cause de la différenceest si exactement connue qu’il n’y a place pour aucun doute.
SALVIATI - Qu’il puisse se faire que les auteurs la rapportent sans l’avoir faite,vous-même en êtes un bon témoin, puisque sans l’avoir faite vous l’admettezcomme certaine et vous vous en remettez à la bonne foi de leur dire. De même, ilne me semble pas seulement possible, mais certain, qu’ils aient eux aussi fait lamême chose, je veux dire de s’en remettre à leurs prédécesseurs, sans qu’on puissejamais arriver à quelqu’un qui l’ait faite. Car quiconque la ferait trouverait quel’expérience montre tout le contraire de ce que l’on trouve écrit : à savoir que lapierre tombe toujours au même endroit du navire, qu’il soit immobile ou qu’il semeuve avec une vitesse quelconque. Et comme la même raison vaut autant pourla Terre que pour le navire, on ne peut rien conclure quant au mouvement ou àl’immobilité de la Terre du fait que la pierre tombe verticalement, et au pied dela tour.
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2- Le principe de relativité de Galilée
Commençons par citer un autre extrait du livre de Galilée.SALVIATI - Donc, un navire qui serait en mouvement par mer calme est un
de ces mobiles qui parcourt une surface qui ne monte ni ne descend. Si tousles obstacles accidentels et externes étaient supprimés et l’impulsion une foisdonnée, il serait disposé à se mouvoir incessament et uniformément.
SIMPLICIO - Il me semble qu’il devrait en être ainsi.
SALVIATI - Et cette pierre qui se trouve au sommet du mât, est-ce qu’elle nese meut pas, portée par le navire, suivant la circonférence d’un cercle autour ducentre, et, par conséquent, n’a-t-elle pas ce mouvement incessant et uniforme, sitous les obstacles extérieurs sont supprimés ? Ce mouvement n’est-il pas aussirapide que celui du bateau ?
SIMPLICIO - Jusqu’ici tout va bien. mais après ?
SALVIATI -Tirez-en vous-même la dernière conséquence puisque par vous-même vous avez trouvé les prémisses.
SIMPLICIO - Vous voulez dire, comme dernière conclusion, que la pierre étantmue du mouvemement inextinguible qui lui a été communiqué, elle ne quitterapas le navire, elle le suivra au contraire pour tomber enfin au même endroit oùelle tombe lorsque le navire est immobile
On en tire le principe de relativité de Galilée : Les lois de la mécanique, vuesdepuis le bateau, sont les mêmes que le bateau soit en mouvement ou immobile.Le mouvement de translation rectiligne uniforme est donc relatif au référentiel
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choisi conventionnellement comme fixe. Du point de vue des lois de la mécanique,il n’y a pas de référentiel absolument fixe.
Une deuxième conséquence, est la séparation du mouvement de translationhorizontal de la pierre de son mouvement de chute vertical. ces deux mouvementssont totalement indépendants.
Considérons deux boulets de canon. L’un est tiré horizontalement du hautd’un rempart de château fort, tandis que l’autre, au même instant, est lâchésans vitesse du haut de ce même rempart, pour tomber suivant la verticale. Lesdeux boulets frappent le sol au même instant. Le temps de chute étant connupour un objet qui tombe suivant une verticale, de la distance parcourue par leboulet tiré par le canon, on en déduit sa vitesse horizontale.
3- Loi de l’inertie de Galilée
Un objet soumis à aucune force, est vu, depuis un référentiel fixe, soit immo-bile, soit avançant en ligne droite à vitesse constante.
IV NEWTON, LES PRODIGES
1- Comparaison des concepts entre Newton et Descartes
Descartes Newton
Dieu Dieu n’intervient pas Dieu est omniprésentVide N’existe pas Élement premier identifié à l’espace absolu
Atomes N’existent pas Constituent la matièreMatière Élément premier géométrique Vide rendu impénétrable par DieuForces De contact À distance
Religion Peur panique BienveillanteMouvement Relatif à l’agent en contact Absolu par rapport au vide
2- Utilisation par Newton des découvertes de Galilée
Pour un objet dans le vide, soumis à la gravitation d’un autre corps, on peuttoujours pendant un court instant dt, l’observer depuis un vaisseau spatial quiva en ligne droite à vitesse constante, tel qu’à l’instant initial t = 0, l’objet soitimmobile. Dans ce vaisseau, on observe alors pour l’objet, le pur mouvement dechute libre. La hauteur de chute est celle trouvée par Galilée h = 1
2g t2. g est
l’accélération de la gravité à cet endroit, et t la durée de chute, depuis le tempst = 0, où l’objet est immobile.
Newton en déduit la propriété suivante : Toute trajectoire d’un corps dansun champ de gravité, peut être décomposée en une suite infinie de durées infini-tésimales dt. Pendant chaque durée dt, le mouvement peut être décomposé en un
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petit mouvement de translation en ligne droite, le même, qu’il aurait par inertiesi la gravité était annulée, suivi d’un mouvement de chute comme chuterait àcet endroit là (où au point de départ de la durée choisie dt) un objet immobile.
3- Application au mouvement de la Lune autour de la Terre
L’été 1666, Newton a 23 ans. Il fuit Cambridge où il y a une épidémie depeste. Il se retrouve dans la maison de sa mère à la campagne au manoir deWoolsthorpe à Grantham dans le Lincolshire. Alors qu’il est assis d’une manièrecontemplative dans le jardin, il voit une pomme tomber. Là lui vient l’idéegéniale que la Lune tombe pour cette même raison vers la Terre. La Lune resteà distance constante de la Terre, emportée par son élan tangentiel. Il racontecet épisode à son ami Stukeley le soir, après dîner, le 15 avril 1726, un an etdemi avant sa mort, à un moment où il est avec son ami dans le jardin à prendrele thé auprès d’un pommier à Kensington près de Londres. Lors de l’épisode dela pomme, il a tout de suite l’idée de la gravitation universelle. Tous les objetsmatériels s’attirent en raison de leurs masses, et de l’inverse du carré de leursdistances.
En 1728, Newton publie A Treatise Of The System Of The World, un livrede vulgarisation pour faire comprendre ses idées sur la gravitation sans calculs.On y trouve le célèbre dessin ci-dessous où on voit qu’en lançant un objet d’unetour en l’élançant à l’horizontal, en supposant qu’il n’y ai pas le frottement del’air, l’objet a une trajectoire de moins en moins courbée, jusqu’à ce que, pourune certaine vitesse initiale, la courbure épouse comme il faut la courbure de lasurface terrestre, pour que l’objet soit satellisé à altitude constante.
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Lors de l’épisode de la pomme, Newton fait tout de suite le calcul. Mais ilne trouve pas la bonne durée de révolution de la Lune car il n’a pas la bonnevaleur de la taille de la Terre, donc de la distance de la pomme au centre dela Terre. D’autre part, à l’époque, la théorie des tourbillons de Descartes estadmise et respectée par beaucoup de savants. D’autre part rien ne prouve quela Terre dans son ensemble attire la Lune comme si toute sa masse était en soncentre, ce qui fut démontré par Newton au printemps 1685. Or, la taille de laTerre n’est pas négligeable devant la distance Terre-Lune.
Cependant en prenant les bonnes dimensions de la Terre, le calcul marche par-faitement. Mais Newton est parfaitement conscient que la vérification d’unethéorie sur une observation et une mesure n’est pas une preuve. De plus, la tra-jectoire de la Lune est connue comme elliptique et n’est pas circulaire. Newton
trouve tout de même que son application numérique fonctionne « pretty nearly ».
Il n’a que 23 ans. Comment lui, jeune étudiant de 23 ans peut-il prétendre,sur un cas, celui de la Lune, détrôner le célèbre Descartes. Il ne publie passon résultat et laisse tomber la gravitation pendant de nombreuses années.
Le calcul de 1666 de Newton est présenté ci-dessous. Le calcul est basésur le manuscrit original de 1666 de Newton présenté à la page suivante. Cemanuscrit fut vu par David Gregory lors d’une visite chez Newton en 1694.
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AB = vt BD =1
2gLt2 =
1
2gT
(R
dL
)2
t2 v =AB
t= AB
√gT
2BD
R
dL
(CD + DB)2 = AB2 + AC2 CD2 + 2 CD × DB ≃ CD2 + AB2
AB2 = 2 CD DBAB√2BD
=√
CD
v =√
gT × CDR
dL
=
√gT
dL
R
T =2πdL
v=
2πdL
R
√
dL
gT
T = 2π
(384400 103
)3
2
6370 103
1√9, 81
× 1
24× 1
3600= 27, 47 jours
Au lieu de 27, 32 jours.
On retrouve également la troisième loi de Kepler qui régit par exemple lespériodes de révolution autour du Soleil des différentes planètes :
T 2
d3
L
donne pour les planètes =T 2
a3= constante
4- De motu corporum in gyrum ; du mouvement des corps en révo-lution
Christopher Wren l’architecte, Robert Hooke l’inventeur et Edmund Halley
l’astronome faisaient partie de la Royal Society. Ces trois personnes se posent laquestion de savoir si la trajectoire des planètes n’est pas causée par une loi deforce en l’inverse du carré de la distance au Soleil. Si par exemple un flux de par-ticules venant du Soleil était l’agent d’une telle force, sont intensité diminueraitbien comme l’inverse du carré de la distance, comme l’intensité d’une source lu-mineuse qui correspond au flux de photons. Notons que dans la quantification dela gravitation en champ faible, donc dans le cadre de l’approximation linéaire, lagravitation est bien associée à un flux de gravitons qui diminue comme l’inversedu carré de la distance. Isaac Newton tenait à cette époque la chaire de ma-thématiques à Cambridge. L’idée semble venir de Halley qui l’a communiquée
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à ses amis en janvier lors d’une conversation devant le feu de bois. 40 shillingssont promis à celui qui arrivera à démontrer cela. Au mois d’août suivant, en1684, Halley va rendre visite à Newton à Cambridge.
Newton répond toute de suite à Halley qu’une telle loi de force mène bienà des trajectoires elliptiques car il l’a démontré en décembre 1679. Mais il neretrouve pas le papier de son calcul. Il promet à Halley de le chercher et delui envoyer.
Newton reprend tous ses calculs et rédige le traité de 9 pages De motu qu’ilenvoie à Halley en novembre 1684. Halley persuade Newton de publierce livre. Newton est maintenant un mathématicien et un physicien reconnu.Il se rend compte que ses idées sur la gravitation universelle sont partagéespar d’autres et créent l’effervescence dans les milieux intellectuels de Londres.Détruire la physique de Descartes ne lui fait plus peur. Il est effectivementtemps de publier.
Ce traité précède la sortie en juillet 1687 de philosophiae naturalis princi-pia mathematica, l’œuvre géniale de Newton. C’est un livre de 550 pages oùNewton traite de l’aplatissement de la Terre aux pôles et des variations dela pesanteur qui en résultent, des marées, de la précession des équinoxes, desperturbations du mouvement de la Lune causées par le Soleil. Il traite aussi dumouvement du son dans l’air et de la propagation des vagues dans l’eau.
Cet ouvrage fait de Newton, sans conteste, le plus grand physicien de tousles temps.
Certaines découvertes mathématiques de Newton dans les principia ne furentcomprises que 200 ans plus tard par les mathématiciens. On peut citer parexemple la preuve topologique de la transcendance des intégrales abéliennes( Arnold and Vasil’ev Notices of the American Mathematical Society Vol.38, 1148, 1989).
Tous les calculs qui suivent sont tirés du livre De motu de Newton.
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5- Les prodiges de Newton
a- Une force centrale obéit à la loi des aires
Considérons un centre attracteur en S. Considérons une particule allant de A
en B pendant la durée infinitésimale dt.
Par la loi de l’inertie, si elle n’était soumise à aucune force, pendant la duréesuivante dt, elle irait en C sur la droite AB tel que AB = BC.
Mais, d’après l’indépendance du mouvement par inertie et du mouvement dechute vers l’astre attracteur S, pendant cette même durée infinitésimale, ellechute de C en Q tel que CQ soit porté par (∆)‖(D).
L’angle BSC est en effet infiniment petit, et SC est pratiquement parallèle àSB. Donc tomber le long de SC n’est pas distinguable de tomber suivant (∆).Plus précisément, l’erreur que l’on fait lorsque l’on confond les directions de SC(ou tout autre droite SM, M étant un point de BC), et de SB, est du secondordre, et son influence lors d’une intégration sur une durée finie est nulle.
Ceci étant :
S A
B
CQ
H
(D)
( )∆
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aire(ASB) = aire(BSC) = 1
2SH × AB.
aire(BSC) = aire(BSQ) = 1
2SB× distance de (D) à (∆).
Donc aire(ASB) = aire(BSQ) et les aires balayées pendant des durées infini-ment petites égales, sont égales. Par sommation sur ces durées infiniment petiteségales, et en même temps, par sommation sur les aires balayées, il en résulte quepour un mouvement à force attractive centrale, la deuxième loi de Kepler estvraie. Les aires balayées par un point matériel soumis à une force centrale, sontproportionnelles aux temps.
b- Mesure géométrique de la force d’attraction
Considérons alors la figure ci-dessous, où la trajectoire de A à F est décom-posée ainsi en une infinité de segments infiniments petits.
L’aire totale balayée ASF mesure le temps pour aller de A à F .
Cette propriété est tout de suite utilisée dans la Proposition 6 (qui suit im-médiatement) du premier livre des Principia, pour en déduire une mesure de laforce centrale sous l’action de laquelle une orbite donnée est parcourue autourd’un centre de force donné.
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Si l’accélération f(SP ) due à la force qui agit pendant que la particule par-court l’arc infinitésimal PQ pendant le temps dt, produit une déviation RQ parrapport au chemin inertiel (la tangente PR à l’orbite en P ), et si QT est la dis-tance de Q à la droite SP , alors RQ = 1
2f(SP ) dt2. Mais la durée dt est, grâce au
théorème précédent prouvé par Newton, proportionnelle à l’aire infinitésimalebalayée PSQ = 1
2SP ×QT . RQ est proportionnel à f(SP )×SP 2×QT 2, donc
le rapport RQ
SP 2×QT 2 mesure, quand Q tend vers P , l’accélération de la gravitationau point P , donc la force au point P .
F ∝ RQ
SP 2 × QT 2
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c- Si la force de gravitation du Soleil est proportionnelle à l’inversedu carré de la distance, les trajectoires des planètes sont des ellipses
•
PREMIÈRE RELATION
C
G’
P’V’
Q’
R θ
G’V’ V’P’
Q’V’2=
(R + R cos θ) (R − R cos θ)
(R sin θ)2=
(1 + cos θ) (1 − cos θ)
sin2θ
=1 − cos2θ
sin2θ= 1
Considérons maintenant (voir figure à la page suivante) l’affinité orthogonaletransformant le cercle en ellipse.
L’équation du cercle : x′2 + y′2 = R2 se transforme en effet, en posant y =y′
k
enx2
R2+
y2
(R2
k2
) = 1 qui est bien l’équation d’une ellipse. Sur la figure, les
dimensions verticales sont multipliées par 0, 7.
G V cos α = G’ V’ cos α′ ⇒ G V = G’ V’cosα′
cos αidem pour VP avec V’P’ et CP avec CP’
On a les mêmes relations pour les couples (CD et CD’) et (QV et Q’V’) enremplaçant α par θ.
CP = CP’cos α′
cos αet CD = CD’
cos θ′
cos θ
Il vient :
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GV VP
QV2=
G’V’cos α′
cos αV’P’
cosα′
cos α
Q’V’2(
cos θ′
cos θ
)2=
G’V’ V’P’
Q’V’2
(cos α′
cos α
)2
(cos θ′
cos θ
)2
GV VP
QV2=
CP2
R2
R2
CD2=
CP2
CD2
GV VP
QV2=
CP2
CD2
G
G’
D
D’
C
Q’
Q
V’
V
P’
P
K’
K
θ′
α
α′
θ
θ
θ′
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GK
CS
D
F
E
P
R
Q
T
H
I
X
V
Z
A
B
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DEUXIÈME RELATION
Soit S le foyer de l’ellipse où est l’astre attracteur par la gravitation universelle.Traçons SP qui coupe le diamètre DK de l’ellipse (DK parallèle à la tangenteen P ) en E et la ligne QV en X, et complétons le parallélogramme QXPR.
H étant le deuxième foyer, HI‖EC.
CS = CH ⇒ ES = EI (théorème de Thalès) ⇒ EP =SP + IP
2
D’autre part : IPR = HPZ (propriété de l’ellipse) ⇒ HIP = IHP (anglesalternes-internes).
Le triangle IPH est alors isocèle, d’où :
EP =SP + PH
2= AC (propriété de l’ellipse)
EP = AC
QRPV
=PXPV
=PEPC
(PXV semblable à PEC) =ACPC
QRPV
=ACPC
TROISIÈME RELATION
Les triangles QXT et PEF sont semblables. Donc :
QXQT
=PEPF
=CAPF
L’aire du triangle CP’K’ est d’une manière évidente constante. Donc, paraffinité, l’aire de CPK est aussi une constante. Les aires sont en effet dans lerapport contant de l’affinité, comme somme infinie d’aires de petits carrés, quidonnent tous des petits rectangles dont une dimension, donc l’aire est dans lerapport d’affinité. Donc :
CK × PF = CD × PF = CB × AC
et finalement :QXQT
=CDCB
Ces trois relations sont exactes sans aucune approximation.
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Appliquons le principe d’indépendance du mouvement en ligne droite parinertie et du mouvement de chute libre vers l’astre attracteur en S, découvertpar Galilée.
Pour voir comment évolue l’objet attiré, initialement en P , sur une duréeinfinitésimale, on mène sur une longueur proportionnelle au temps la tangenteen P à la trajectoire, de façon à arriver en R, puis on trace le mouvement dechute libre, parallèlement à la direction de l’astre attracteur en P , suivant RQ
parallèle à PS.On est obligé de prendre une durée infinitésimale, donc une longueur PR
infiniment petite, pour que la direction de la vitesse, c’est à dire la directionde la tangente en P puisse être considérée comme constante, mais aussi pourque l’objet se déplace suffisamment peu pour que la direction PS de l’astreattracteur puisse être considérée comme constante.
On a PR = V t, t étant le temps et V la vitesse, et RQ = 1
2
F
mt2,
F
métant
l’accélération de la gravité en P , F étant la force subie par la particule en P , demasse m.
F
m=
GMS
SP2
Le symbole ∝ signifiant proportionnel à, nous avons vu que :
F ∝ QR
SP2 × QT2
Pour montrer qu’une trajectoire elliptique, pour une force toujours dirigéevers un des deux foyers de l’ellipse, implique une loi de force en l’inverse du
carré de la distance, il suffit donc de montrer que QRQT2 est une constante.
QV − QX = XV ∝ QR ∝ dt2 QX = RP ∝ dt
QV
QX=
λ dt2 + QX
QX=
λ dt2 + µdt
µ dt∼ 1
QR
QT2≃
≃1︷︸︸︷
QX2
QV2
GV × VP
QT2
1
GV︸︷︷︸
≃GP×VP
QRPV
PV
=CD2
CB2
CP2
CD2
ACPC
1
GP=
CP × AC
CB2 × GP=
AC
CB2
1
2= constante
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6- Animation
On observe bien que, sur l’animation dont le lien est ci-dessous, quand le pasde temps tend vers zéro, la trajectoire, et le mouvement sur cette trajectoire,tendent vers le mouvement classique sur une ellipse, dont un des foyers est lecentre attracteur, et parcourue par la loi des aires.
L’astre attracteur de masse M est en O. La constante de la gravitation uni-verselle est G.
La particule va en ligne droite par inertie à vitesse constante, dans un dépla-cement qui est donc proportionnel au temps, de A en B pendant la durée t. Puisla particule, tombe à partir de B, comme si elle était immobile en B. Elle tombeavec exactement la même loi de chute libre qu’un objet qui serait immobile enA. C’est à dire que la direction de chute est parallèle à la droite AO. La particulearrive alors en C.
La loi de chute de B à C est telle qu’elle tombe d’une hauteur h avec :
h =GM
OA2t2 On a alors :
−−→BC = h
−→AO
AO
Le coup suivant, pendant la même durée t, elle arrive d’abord en ligne droiteen B1 tel que
−−→CB1 =
−→AC puis ensuite, tombe pendant la durée t, avec le
protocole défini ci-dessus, pour arriver en C1.
Attention en effet tout de même, comme on prolonge le mouvement par inertieà partir de la sécante PA, et pas à partir de la tangente, l’écartement avant lachute, par rapport à la courbe théorique, est le double. Il faut donc faire tomberla particule de gt2 et non pas de 1
2gt2 comme dans le cas de Newton, qui
prolongeait le mouvement par inertie à partir de la tangente.
g est l’accélération de la pesanteur en ce point, donc g = GMOA2 .
Sur l’animation, nous avons tracé, en bleu vert, l’ellipse théorique correspon-dant aux mêmes conditions initiales (point de départ et vitesse initiale).
Son équation en coordonnées polaires est :
r =p
1 + e cos θ
Le paramètre p est obtenu par :(
dθ
dt
)
apogée=
√pGM
r2
apogée
On simule par ordinateur, le mouvement sous l’action d’un astre attracteur,décomposé suivant la méthode de Newton. On utilise cinq pas de temps dedurées t variables.
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La vitesse angulaire à l’apogée est déterminée par v = r θ, en se donnant lavitesse initiale à l’apogée.
L’excentricité e est obtenue par rapogée =p
1 − e.
On voit que le fait de prendre systématiquement le mouvement de chute àpartir de la direction de chute au point de départ du mouvement par inertie,entraîne une lente dérive, qui tend vers zéro quand le pas de temps tend verszéro.
AB
C
O
P
.
+OM
A
B
C
h
B1
C1
Lien vers l'animation
1
2gt2
1
2gt2
g = GMOA2 .
Le premier coup, en partant de A suivant la tangente avec la vitesse initiale,
on prend juste 1
2gt2 .
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7- Jeu
Cette séparation, du mouvement par inertie et du mouvement dû à une accé-lération, de Newton, est à l’origine d’un jeu de course sur papier quadrillé.
On dispose d’un papier à petits carreaux. On trace une piste de course. Lesjoueurs ont une voiture caractérisée par un point coloré. Au départ, le pointest immobile en J1 par exemple (joueur numéro 1). Le joueur, à son tour, aalors la possibilité de mettre comme nouvelle position de sa voiture tout point àune distance de un pas de quadrillage au plus de son point d’origine, en J2 parexemple (voir image ci-dessous). On fait alors le symétrique de J1 par rapportà J2. Le joueur a le droit de mettre comme nouvelle position tout point duquadrillage à une distance de 1 pas de quadrillage au plus (dans deux directionssi il le veut) du point ainsi trouvé. Autrement dit, on peut accélérer ou freiner,ou accélérer vers la droite ou vers la gauche, mais pas plus d’une accélérationqui provoquerait un déplacement de un carré pendant le pas de temps. On peutaussi continuer par inertie sur le symétrique.
Le joueur qui gagne est celui qui franchit la ligne d’arrivée en premier. Si onquitte la route, on repart avec une vitesse nulle du point où on a quitté la route.
On fait ensuite le symétrique de J2 par rapport à J3 est ainsi de suite.
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V- Philosophie des sciences
1- Voltaire
Citons ci-dessous le début de la lettre de Voltaire sur Newton et Descartes de 1728 :
LETTRE XIV. 1728 Sur Descartes et Newton.
Un français qui arrive à Londres trouve les choses bien changées en philosophie comme dans tout le reste. Il a laissé le monde plein, il le trouve vide. A Paris, on voit l’univers composé de tourbillons de matière subtile ; à Londres on ne voit rien de tout cela. Chez nous c’est la pression de la lune qui cause le flux de la mer ; chez les Anglais c’est la mer qui gravite vers la lune; de façon que, quand vous croyez que la lune devrait nous donner marée haute, ces messieurs croient qu’on doit avoir marée basse ; ce qui malheureusement ne peut se vérifier, car il aurait fallu, pour s’en éclaircir, examiner la lune et les marées au premier instant de la création.
Vous remarquerez encore que le soleil, qui en France n’entre pour rien dans cette affaire, y contribue ici environ pour son quart. Chez vos cartésiens tout se fait par une impulsion qu’on ne comprend guère ; chez M. Newton c’est par une attraction dont on ne connaît pas mieux la cause. A Paris vous vous figurez la terre faite comme un melon ; à Londres elle est aplatie des deux côtés. La lumière pour un cartésien existe dans l’air ; pour un newtonien elle vient du soleil en six minutes et demie. Votre chimie fait toutes ses opérations avec des acides, des alcalis, et de la matière subtile : l’attraction domine jusque dans la chimie anglaise.
L’essence même des choses a totalement changé. Vous ne vous accordez ni sur la définition de l’âme, ni sur celle de la matière. Descartes assure que l’âme est la même chose que la pensée, et Locke lui prouve assez bien le contraire. Descartes assure encore que l’étendue seule fait la matière, Newton y ajoute la solidité.
Voilà de sérieuses contrariétés.
Non nostrum inter vos tantas componere lites. (VIRG.)
2- La vérité en sciences
Nous savons maintenant que Descartes avait tort et que Newton avait raison. Newton a
découvert la vérité de la gravitation universelle. Le but de la science est donc la recherche de
la vérité. Cette vérité est unique et éternelle. Le relativisme culturel ne s’applique donc pas à
la science. Dans la philosophie réaliste des sciences, la science découvre la structure de
l’Univers, et la réalité est unique. Contrairement à ce que pense Aurélien Barrau, le savoir
scientifique est donc totalement indépendant du contexte historique et culturel. Citons à
ce sujet Heisenberg dans Physique et philosophie 1958 : « Il est une caractéristique de la
science qui la rend plus appropriée que tout autre chose à créer le premier lien solide
entre traditions culturelles différentes : c’est le fait que la décision ultime sur la valeur d’un
travail scientifique donné, sur ce qui est exact ou faux dans un travail, ne dépend d’aucune
autorité humaine. Il faut parfois bien des années avant que l’on connaisse la solution
d’un problème, avant de pouvoir distinguer entre la vérité et l’erreur, mais en définitive,
les questions se décideront et les décisions seront prises non par un quelconque groupe
scientifique, mais par la Nature. C’est pourquoi les idées scientifiques se répandent parmi
ceux qui se passionnent pour elles d’une manière qui diffère entièrement de la propagation
des idées politiques.
Alors que les idées politiques peuvent prendre une grande influence sur les masses populaires
simplement parce qu’elles correspondent ou semble correspondre aux intérêts primordiaux
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du peuple, les idées scientifiques ne se répandent que parce qu’elles sont justes. Il existe des
critères objectifs et décisifs nous assurant qu’une affirmation scientifique est exacte. »
3‐ Éternité des théories
Les positivistes soutiennent que les théories sont déconstruites, donc détruites par une
nouvelle théorie qui apparaît. Ainsi la relativité générale d’Einstein aurait déconstruit la
mécanique Newtonienne. C’est faux. Au contraire, la relativité générale d’Einstein redonne
totalement la mécanique newtonienne pour les vitesses faibles devant celle de la lumière, et
des masses pas trop importantes. Mais c’est la première condition pour que l’on puisse croire
à la relativité générale, qu’elle redonne comme cas limite la mécanique newtonienne. La
relativité générale ne détruit pas la notion de force. On peut parfaitement intégrer ce concept
dans le formalisme de la relativité générale. Cette théorie montre alors que le fait que la force
de gravitation soit en l’inverse du carré de la distance est une nécessité qui découle du
principe d’équivalence entre l’inertie et la gravitation. Là où le coefficient 2 dans la loi en 1/r2
dans la théorie de Newton est purement phénoménologique, la puissance de r vaut
nécessairement 2 en relativité générale. La relativité générale explique donc la mécanique
newtonienne, et valide cette théorie pour son domaine d’application des vitesses faibles
devant celle de la lumière et des masses pas trop fortes. La relativité générale prouve que la
mécanique newtonienne est vraie !
De la même manière, la mécanique quantique fut totalement admise par les physiciens grâce
au théorème d’Ehrenfest en 1927, qui prouve que pour des objets macroscopiques, la
mécanique quantique redonne la loi fondamentale de la mécanique F = m a de Newton.
4‐ Unicité des théories
Au début de la mécanique quantique, deux théories concurrentes s’affrontèrent, la
mécanique des matrices de Heisenberg et la théorie ondulatoire de Schrödinger. Mais
Schrödinger montra que ces deux théories sont équivalentes, c’est‐à‐dire que leurs
formalismes mathématiques sont isomorphes. Il démontra cela dans : On the relation between
the quantum mechanics of Heisenberg, Born and Jordan, and that of Schrödinger, reçu par
Annalen der Physik le 18 mars 1926. Heisenberg raisonne directement dans l’espace de Hilbert
des états quantiques, tandis que Schrödinger prend comme base de cet espace les fonctions
d’ondes d’une particule localisée en un point. La mécanique quantique est donc unique.
Pour prendre une analogie, il y a une seule géométrie euclidienne, mais on peut faire des
raisonnements en géométrie pure, qui correspond à la position de Heisenberg, tandis que l’on
peut démontrer des propriétés géométriques par le calcul avec la géométrie analytique, qui
correspond au point de vue de Schrödinger. La vérité en science est donc unique.
Lamb passa toute la seconde guerre mondiale à travailler sur les radars. Il réalisa grâce à ces
nouvelles techniques développées, qu’il pouvait faire des mesures d’une très grande précision
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sur les micro‐ondes. Il découvrit qu’il y avait une très petite différence d’énergie entre les
niveaux 2 s et 2 P1/2 de l’atome d’hydrogène, le niveau 2 s étant légèrement au‐dessus. La
différence d’énergie est de 1057,8 MHz. C’est le Lamb shift. Alors que l’équation de Dirac
donne la même énergie pour ces deux niveaux. L’explication et le calcul théorique du Lamb
shift a mené à la théorie la plus précise de toute la physique, l’électrodynamique quantique
avec la renormalisation.
Schwinger avec un calcul monstrueux, disons un calcul qui prend une année à être mené au
bout, d’une manière rigoureuse par rapport aux principes de la mécanique quantique, réussi à
calculer ce nombre par la théorie. En même temps Feynman avec une méthode ad hoc de
calcul qui paraissait à l’époque totalement délirante, absolument pas rigoureuse, avec des
électrons qui remontent le temps vers le passé, par magie, trouva le même nombre avec un
calcul qui demande seulement une nuit. À la conférence de Shelter Island du 30 mars au 2
avril 1948, chacun des deux exposa sa méthode. Personne ne crût à celle de Feynman qui fut
prît pour un rigolo. Il restait tout de même un mystère, comment, avec sa théorie totalement
différente, pouvait‐il trouver au bout le même nombre, et avec un calcul beaucoup plus
simple ? Dyson, dans son célèbre article publié dans : Physical Review, vol. 75, pp. 486, 1736
(1949), montra que les deux méthodes sont mathématiquement équivalentes, et qu’on peut
démontrer la validité de la méthode intuitive de Feynman avec les principes de la mécanique
quantique. Feynman interprète l’action de deux particules chargées électriquement l’une sur
l’autre par l’échange de photons. Plus personne maintenant n’utilise la méthode de Schwinger
et les diagrammes de Feynman sont devenus le standard de la théorie quantique des champs.
Schwinger, Tomonaga et Feynman sont prix Nobel 1965 pour leur découverte de
l’électrodynamique quantique. L’électrodynamique quantique est donc unique. On sait
maintenant que toute force correspond à un échange de particule.
L’unification de la physique est donc son but principal. Cet aspect des choses n’est pas évident
pour les enfants. Ainsi, montrant à des enfants que pour des objets tous à peu près de même
volume, ce sont les plus lourds qui coulent au fond de l’eau, j’ai ensuite amené une grosse
bûche en bois très lourde en espérant faire sentir une contradiction. Mais les enfants me
dirent tout de suite qu’elle flottait parce qu’elle était en bois, sans voir l’impossibilité
conceptuelle d’avoir deux théories disjointes pour le même phénomène : le type de matériau
et le poids. C’est le fait que la bûche a un très gros volume et est donc soumise à une très
forte poussée d’Archimède qui résout la contradiction. La poussée d’Archimède est en effet
proportionnelle au volume. On voit que l’idée d’accepter des théories différentes à choisir à
loisir bloque définitivement le progrès de la science, car les situations problèmes
s’évanouissent. Quelqu’un qui ne croît pas à l’unification de la physique, ne peut donc pas
faire de découverte fructueuse et est certainement un mauvais physicien. Ainsi, c’est par sa
volonté d’unifier la thermodynamique et la mécanique, que Boltzmann crut à l’existence de
l’atome et construisit la thermodynamique statistique.
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Enfin la démarche scientifique aussi est unique : une activité est scientifique si elle est
falsifiable au sens de Karl Popper, c’est‐à‐dire si l’on peut imaginer un test qui peut donner un
résultat en contradiction avec ce à quoi on s’attendait.
5- Preuve que la relativité générale ne détruit pas la notion de force
Certains argumentent en effet que la Relativité Générale détruit le concept deforce de la Mécanique newtonienne, par le fait qu’on peut par exemple trouver lesorbites des planètes autour du Soleil sans utiliser ce concept. Ceci dit, c’est déjà lecas dans la version lagrangienne ou hamiltonienne de la mécanique newtonienne.
Regardons cependant, par exemple, comment sont détectées les ondes gravi-tationnelles, qui n’existent pas en mécanique newtonienne. Ces ondes consistenten la propagation à la vitesse de la lumière d’un effet de marée transversal :
http://www.tapir.caltech.edu/~teviet/Waves/gwave.html
Il y a deux états de polarisations de bases possibles, qui sont la rotation decet effet de marée dans un sens ou dans l’autre par rapport à la direction depropagation. Deux masses situées à une certaine distance l’une de l’autre sontdonc alternativement accélérées l’une vers l’autre, et ensuite soumises à uneaccélération qui tend à les éloigner.
Une possibilité de détection est donc de prendre deux masses m identiquesreliées par un ressort et de chercher une résonance éventuelle au passage del’onde.
Pour une onde de polarisation de type h+ et d’amplitude h se propageant dansla direction de l’axe des z vers les z > 0, on obtient une accélération relative desdeux masses séparées par la distance L de la figure ci-dessus, lorsqu’elles sontlibres (pas de ressort), de valeur :
y
z
θ
ϕ
x
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¨ξ = −
ω2
2hLe−iωt sin2θ cos 2ϕ
C’est l’équation (9.95) page 178, du livre Theory of Gravitational Interactionsde Maurizio Gasperini Springer.
Maintenant, l’oscillateur libre (avec ressort) vérifie l’équation, µ = m
2étant la
masse réduite et k la raideur du ressort :
µξ = −f ξ − kξ
ξ = 0 correspond au ressort ni comprimé ni tendu.Et bien, lorsqu’il y a à la fois la présence de l’onde gravitationnelle et du
ressort, on dit que la présence de l’onde correspond à une force
µξ = −µω2
2hLe−iωt sin2θ cos 2ϕ
ce qui veut dire que les deux masses sont soumises à deux forces opposées, àcause du passage de l’onde gravitationnelle. ξ < 0 quand les deux masses serapprochent. Celle du dessus est donc soumise à la force µξ et celle du dessousà −µ¨
ξ pour l’axe reliant les deux boules orienté comme z pour θ = 0.
On ajoute ainsi les forces de la mécanique newtonienne pour écrire finalement :
µξ = −f ξ − kξ − µω2
2hLe−iωt sin2θ cos 2ϕ
Le fait qu’on utilise le concept de force et l’ajout de plusieurs forces au cœur de lamécanique newtonienne, pour détecter, ce qui est le plus éloigné de la mécaniquenewtonienne, les ondes gravitationnelles, prouve bien que la relativité générale ne détruitpas le concept de force de la mécanique newtonienne qui reste pleinement utile et utilisé.
6‐ Conclusion
En conclusion, malheureusement, la pensée philosophique, particulièrement en France, est
complètement imbibée de positivisme. Cela a fondamentalement commencé avec Descartes, puis ce
philosophe étant vénéré par ses successeurs, la catastrophe a continué. Tout scientifique qui dit que la
science ne découvre pas des vérités certaines et éternelles, soit ment pour ne pas être censuré, soit
est un positiviste.
Jean‐Paul Sartre, se réclame de Descartes. Il est complètement nul en physique et est un
positiviste pur et dur. Dans l’existentialisme est un humanisme, il dit :
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« Il ne peut y avoir de vérité autre, au point de départ que celle‐ci : je pense donc je suis, c’est là la
vérité absolue de la conscience s’atteignant elle‐même. Toute théorie qui prend l’homme en dehors
de ce moment où il s’atteint lui‐même est d’abord une théorie qui supprime la vérité, car, en dehors
de ce cogito cartésien, tous les objets sont seulement probables, et une doctrine de probabilités, qui
n’est pas suspendue à une vérité, s’effondre dans le néant ; pour définir le probable, il faut posséder
le vrai. Donc pour qu’il y ait une vérité quelconque, il faut une vérité absolue ; et celle‐ci est simple,
facile à atteindre, elle est à la portée de tout le monde ; elle consiste à se saisir sans intermédiaire. ».
Il va de soi dans ce contexte qu’il n’y a pas de vérité en physique, il n’y a que des probabilités. Il va
jusqu’à dire qu’il n’y a pas de causalité en physique : question de M. Naville « Cependant, vous
admettrez que les sciences utilisent la notion de causalité ? » Réponse de Sartre « Absolument pas.
Les sciences sont abstraites, elles étudient les variations de facteurs abstraits également et non la
causalité réelle. ».
Dans ce contexte, cela n’a pas de sens de dire que les ondes gravitationnelles détectées le 14
septembre 2015 à 9h50 dans le détecteur de Livingston sont la conséquence d’une cause, 1,3 milliard
d’années auparavant : la fusion de deux trous noirs de masses 29 et 36 masses solaires, pour former
un trou noir unique de 62 masses solaires, avec une perte de masse de 3 masses solaires par
émission d’ondes gravitationnelles.
C’est Sartre qui s’effondre dans le néant avec ce discours.
La polémique entre le grand philosophe des sciences britannique Bertrand Russell et le
mathématicien Henri Poincaré, principalement de 1899 à 1900, sur le statut de la géométrie
est à ce sujet édifiante. Ils ne réussirent jamais à se mettre d’accord, et cessèrent d’en parler.
Bertrand Russell pense que la géométrie fait partie de la physique, et que le problème de
savoir si l’espace physique à trois dimensions dans lequel nous somme immergé est euclidien
ou non, est une question appartenant à la physique, susceptible d’avoir une réponse
expérimentale. Au contraire, Henri Poincaré, pense que la géométrie est une affaire de
convention, et que, puisque la géométrie euclidienne est la plus commode, elle sera toujours
utilisée.
Citons Henri Poincaré dans son livre : la science et l’hypothèse.
…Dès lors, que doit‐on penser de cette question : La géométrie euclidienne est‐elle vraie ? Elle
n’a aucun sens. … Une géométrie ne peut pas être plus vraie qu’une autre ; elle peut
seulement être plus commode. Or la géométrie euclidienne est et restera la plus commode.
…La géométrie euclidienne n’a donc rien à craindre d’expériences nouvelles.
… Aucune expérience ne sera jamais en contradiction avec le postulatum d’Euclide.
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Einstein en 1915 avec sa théorie de la relativité générale montrant que l’espace a une
courbure qu’il s’agit de déterminer expérimentalement, montra définitivement que Bertrand
Russel avait raison, et que Henri Poincaré avait tort. Mais dès la Relativité restreinte d’Einstein
de 1905, on connaissait le phénomène de contraction des longueurs. À l’intérieur d’un disque
en rotation, à cause de la contraction des étalons de longueurs parallèles à la vitesse, et
l’absence de contraction pour des étalons de longueurs perpendiculaires à la vitesse, on à, C
étant la circonférence, et r le rayon : C > 2 r. La géométrie n’y est donc pas euclidienne. Le
fait que Poincaré n’ait pas compris cela et ait persisté à penser que la géométrie est une
convention, montre qu’il n’a jamais rien compris à la Relativité restreinte d’Einstein. Poincaré
était totalement positiviste.
D’où viennent les racines du positivisme ? On peut peut‐être les trouver dans les hérésies
chrétiennes des gnostiques et du millénarisme qui placent l’homme au‐dessus de la nature, et
même hors de la nature. L’homme peut ainsi imposer son point de vue à la nature, et décider
que la nature est une convention. L’idée centrale des gnostiques de primauté de l’esprit sur la
matière vile venant sans doute du philosophe grec Platon. Le mythe de la caverne
est d’inspiration positiviste. Comme le dit Henri-Irénée Marrou, “Le péril dualiste est une des
tentations pérennes de l’esprit humain”. Le dualisme entre le cogito de Descartes et sa théorie
de l’animal-machine est un dualisme gnostique.
Citons Nietzsche dans La généalogie de la morale : Rien n’est vrai, tout est permis.
Le positivisme mène au totalitarisme où au minimum à la post‐vérité où les faits objectifs
comptent moins que l’émotion pour modeler l’opinion publique. Citons ci‐dessous des
passages du livre 1984 de George Orwell :
Troisième partie, chapitre 2
La réalité existe dans l’esprit humain et nulle part ailleurs.
Ce que le parti tient pour vrai est la vérité.
Deux et deux font quatre. –Parfois Winston. Parfois ils font cinq.
Deux et deux auraient pu faire trois aussi bien que cinq si cela avait été nécessaire.
La Terre est aussi vieille que nous, pas plus vieille. Comment pourrait‐elle être plus âgée ? Rien
n’existe que par la conscience humaine.
Quand nous naviguons sur l’océan, ou quand nous prédisons une éclipse, il est souvent
commode de penser que la terre tourne autour du soleil et que les étoiles sont à des millions
de millions de kilomètres. Et puis après ? Supposez‐vous qu’il soit au‐dessus de notre pouvoir
de mettre sur pied un double système d’astronomie ? Les étoiles peuvent être proches ou
distantes selon nos besoins. Croyez‐vous que nos mathématiciens ne soient pas à la hauteur
de cette dualité ? Avez‐vous oublié la doublepensée ?
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Dans 1984 d’Orwell, la novlangue joue un rôle essentiel dans la domination de la pensée. En
interdisant certains mots, la réalité qui leur est attachée n’existe plus.
Dans le langage artificiel des positivistes du cercle de Vienne, tous les énoncés métaphysiques
sont interdits, en contradiction avec les deux fameux théorèmes d’incomplétude de
Gödel.
Les positivistes sont donc tentés de modifier la langue à leur convenance. L’écriture inclusive est donc la dernière création des positivistes millénaristes.
Tom WOLFE est un écrivain célèbre et adulé. C’est un positiviste athée. Dans son dernier livre : “Le règne du langage”, il se place dans le cadre d’un renouveau du créationnisme, plus particulièrement dans l’intelligent design (dessein intelligent). Il remet en cause la théorie de l’évolution des espèces de Darwin alors qu’il est nul en science, puisqu’il affirme à tort que c’est Einstein qui a découvert la vitesse de la lumière. Les bras nous en tombent devant tant de bêtise. Mais une croyance religieuse, consciente ou inconsciente peut mener au positivisme. Notons que pour le christianisme, c’est une perversion, puisqu’il n’y a plus harmonie entre la contemplation et le déchiffrage. Tel est pourtant le cas du physicien français Pierre Duhem (1861-1916) très religieux, qui ne croyait pas aux atomes et a fait prendre à la chimie française un siècle de retard sur l’Angleterre.Pour certains croyants, ce ne peut être l’évolution qui a donné le langage à l’homme, c’estDieu, faisant ainsi de l ’homme, un animal non pas quantitativement différent des animaux, mais qualitativement. C’est amusant parce qu’à la fin, on en revient au début, c’est à dire à Descartes et à sa théorie de l’animal machine.
Ainsi dans le livre Sapiens de Yuval Noah Harari, l’auteur considère, en contradiction avec tous les faits scientifiques, que l’homme de Néandertal ne possédait pas le langage. On sent que pour lui, inconsciemment, le saut qualitatif entre l’homme et la bête a eu lieu au passage à l’Homo Sapiens qui seul a reçu l’étincelle divine. On voit donc que Harari se place dans le cadre de la fausse science de l’intelligent design.
En Allemagne, Leibniz, un contemporain de Newton, en opposition avec Newton, ne croit pas que l’espace, contrairement à la matière, existe réellement (Standford Encyclopedia of Philosophy 2014, Newton’s Philosophy page 51). “L’espace a besoin de l’esprit humain pour exister”. Bel exemple de positivisme !http://plato.stanford.edu/archives/sum2014/entries/newton-philosophy
Il ne croit donc pas au vide, ni donc à la théorie atomique, car dans cette théorie, le vide est aussi important que les atomes. A cette époque, il n’y a donc qu’en Angleterre que les atomes ont le statut de réalité physique vraie.
Ainsi, à cette époque là, en Angleterre, les idées théoriques sur la Nature, ont pris une immense avance sur le reste du monde. Voilà qui explique pourquoi c’est en Angleterre que la révolution industrielle est apparue.
33/83
7‐ La religion et la science dans l’Angleterre de cette époque
Il ne faut pas confondre le dualisme gnostique entre l’esprit divin et la matière vile, et le
dualisme chrétien entre le spirituel et le temporel. Ce dernier s’exprime par les deux phrases :
« Le royaume de Dieu n’est pas de ce monde » ; « Il faut rendre à César ce qui est à César ». Il
s’agit d’un dualisme juridique. C’est aux hommes de déterminer les lois. Dieu ne se mêle pas
du monde terrestre, ce qui donne une grande liberté.
Le gnostique se sent plongé dans un monde matériel hostile et incompréhensible qui n’a pas
été créé par Dieu. Seul l’esprit possède une étincelle divine. Au contraire dans le
Christianisme, Dieu a créé l’esprit humain et le monde matériel. La matière est valorisée, par
exemple par la résurrection de la chair. Ce dualisme à l’origine du Christianisme, donc de la
science provient de la rencontre entre la pensée grecque contemplative de la matière, et la
religion juive de la divinité absente (Heinz Wismann) La Science en jeu Actes Sud 2010.
Ainsi Newton ne doute pas, contrairement au mythe de la caverne de Platon, que l’homme
puisse avoir accès à la totale connaissance et compréhension de la Nature. Citons Newton :
« Dans tous les cas, la marche de la Nature est donc très simple et toujours conforme à elle‐même : puisqu’elle produit tous les grands mouvements des corps célestes, par la gravitation ou l’attraction réciproque de ces corps et presque tous les petits mouvements des particules des corps, par d’autres forces attractives et répulsives, réciproques entre ces particules (...). Les petites particules des corps n’ont‐elles pas certaines puissances, vertus, ou forces par lesquelles elles agissent à distance (...) les unes sur les autres pour produire une grande partie des phénomènes de la Nature? Car il est bien connu que les corps agissent les uns sur les autres par les attractions de la gravitation, du magnétisme et de l’électricité, et ces instances montrent la trame et le cours de la Nature. Aussi n’est‐il pas improbable qu’il y ait d’autres forces attractives en plus de celles‐ci. Car la Nature est très conséquente et très conforme à elle‐même » Certes, l’Eucharistie a bloqué la théorie atomique en Europe continentale. Mais en imposant ainsi sur ce cas une loi à la Nature par le dogme, on peut penser qu’elle s’éloigne du dualisme. L’Anglicanisme, en repoussant explicitement la doctrine de la transsubstantiation a créé un état d’esprit de confiance dans la compréhension de la Nature, et de liberté, favorable au développement de la science. D’ailleurs, les échanges entre Newton et le théologien Richard Bentley furent très fructueux, et dans un climat de confiance et de liberté. Citons un extrait de leur correspondance disponible dans The NEWTON Project de l’Université de Cambridge : Isaac Newton en réponse à la lettre de Richard Bentley datée du 18 février 1693 dit qu’il est d’accord avec Richard Bentley en modifiant toutefois la phrase dont il parle. Isaac Newton dit alors : « Il est inconcevable que la matière inanimée brute puisse, sans la médiation de quelque chose d’autre qui n’est pas matériel, agir et affecter une autre matière, sans un contact mutuel. » On voit là encore le génie de Newton, puisqu’on sait maintenant que les forces sont la conséquence de l’échange de bosons d’interaction, dont le photon pour l’électromagnétisme, de spins entiers, donc qui ne sont pas de la matière.
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8‐ Saint Augustin
L’église Anglicane et d’une manière générale le protestantisme, s’est beaucoup inspirée de
Saint Augustin. Né en 354. Il meut en 430 dans Hippone assiégée par les Vandales.
Luther a été un membre de l’ordre de Saint‐Augustin. L’archevêque de Cantorbéry est, après
le monarque du Royaume Uni, le chef de l’Église d’Angleterre. Il est le successeur de Saint
Augustin de Cantorbéry, premier archevêque, de 597 à 605.
Citons ci‐dessous des passages des écrits de Saint Augustin, tirés du livre : L’Église et la science
de Georges Minois de saint Augustin à Galilée chez Fayard.
« Il arrive en effet très souvent qu’un homme même non chrétien possède sur la terre, le ciel,
les autres éléments de ce monde, le mouvement, la révolution, la grandeur même et les
intervalles des astres, les éclipses de soleil et de lune, le mouvement des années et des temps,
la nature des animaux, des plantes, des pierres et mille autres choses semblables des
connaissances telles qu’il les tienne pour très certainement démontrées par la raison et
l’expérience. Or ils serait très honteux, pernicieux même, et on doit l’éviter par‐dessus tout,
qu’un infidèle, en entendant un chrétien parler de ces choses, comme s’il en parlait selon les
saintes Écritures, et en le voyant se tromper sur ces matières, comme on dit, de toute la
distance qui sépare le ciel de la terre, ne pût s’empêcher d’en rire. …
…Car lorsque ces savants infidèles surprennent un chrétien dans l’erreur sur des matières qui
lui sont parfaitement connues, et le voient affirmer ce qu’il avance comme étant tiré de nos
livres, pourront‐ils croire en ces livres qui nous parlent de la résurrection des morts …
Donc, s’il se présente des certitudes scientifiques contraires à la lettre de la Bible, c’est à nous
de réétudier l’interprétation de l’Écriture, pour en déterminer le vrai sens, car il ne saurait y
avoir contradiction entre vérité scientifique et vérité biblique.
… La science purement et proprement dite, qui s’acquiert par la raison et l’intelligence,
comment pourrait‐elle être mauvaise ? La raison, appuyée sur les sens, peut nous faire
atteindre la connaissance, et les sceptiques ont tort : Car sur les vérités qu’elle comprend
d’esprit et de raison, quoique peut‐être elle n’ait qu’une science restreinte, à cause de ce
corps corruptible qui appesantit l’âme, et parce que, suivant la parole de l’Apôtre, « nous ne
connaissons qu’en partie », cependant cette science est on ne peut plus certaine. »
C’est d’ailleurs cette façon de voir les choses qui a fait que Saint Augustin a quitté le
manichéisme. « On m’enjoignait bien de « croire » ; mais cette croyance ne concordait
nullement avec ces calculs méthodiques, que confirmait le témoignage de mes yeux ; elle en
était même absolument différente. »
On voit l’importance accordée à la science par Saint Augustin. La science apporte des vérités
certaines, et la religion doit s’incliner devant ces vérités. L’œuvre de Saint Augustin est donc
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toute entière tournée vers cette volonté d’unifier et de rendre cohérents, les deux aspects du
dualisme chrétien : le divin, et l’explication du monde matériel par la science. Pour Saint
Augustin, puisque Dieu s’est fait homme et est venu puis est reparti, il a dû laisser un code
pour comprendre la nature. Pour Galilée, les mathématiques sont le langage de l’Univers. On
retrouve cette croyance en la possibilité de déchiffrement par les mathématiques de l’univers
matériel, qui a une existence propre totalement indépendante de l’homme, chez Kepler avec
ses trois lois, puis chez Newton. Tandis que par exemple dans le zen qui constitue la version la
plus intellectuelle du bouddhisme, le réel est non‐lisible. Dans le concept de vacuité du
bouddhisme, il n’existe pas de réalité intrinsèque des phénomènes. La conscience est l’unique
réalité. Cela constitue la version extrême du positivisme qui correspond à ce qu’on appelle
l’idéalisme philosophique. L’émergence de la science est impossible dans un tel contexte.
9‐ Le confucianisme
Prenons également par exemple le confucianisme en Chine. C’est une doctrine ou domine la
hiérarchie d’origine naturelle, ne laissant donc aucune place à l’esprit critique. Le
néoconfucianisme donne une explication totale et totalitaire du monde. Il lui est associé une
idée grossière et absconse d’une cohérence totale de l’univers qui empêchait toute
connaissance scientifique de l’univers, laissant la place à un animisme magique. Jacques
Pimpaneau dit que les Chinois se sont heurtés à l’incapacité de distinguer la concomitance de
la causalité. Une excellente maîtrise de la causalité est nécessaire pour le développement
d’une société industrielle.
10‐ De l’inégalité des sociétés
Le géographe Jared Diamond dans son livre « De l’inégalité parmi les sociétés » veut attribuer
ces inégalités de développement à des causes purement géographiques. La supériorité
occidentale viendrait de la présence d’animaux domestiques, des épidémies associées, et des
céréales. Cela ne tient pas la route une seconde. Il y a toujours eu plein de vaches en Indes. La
culture du riz se développe d’abord en Chine. Quant aux épidémies, l’Europe n’est
certainement pas en tête. La peste vient de l’Asie, et le continent où il y a le plus de maladies
est certainement l’Afrique. Dans les comptoirs portugais en Afrique, en un an, la moitié d’une
garnison disparaissait de maladies. Pour les céréales, au Mexique il y avait le maïs.
Sur le fait qu’il n’y a pratiquement qu’en eurasie qu’il y a des animaux domestiques, Jared
Diamond renverse la causalité. Les vaches proviennent par la sélection imposée par la
domestication humaine d’aurochs qui étaient des animaux aussi violents que les bisons. Dire
que les civilisations humaines ont pu se créer grâce aux animaux domestiques créés par les
civilisations humaines est un raisonnement en boucle.
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11‐ Auguste Comte
Le mot positiviste employé dans ce texte renvoie à la philosophie positive d’Auguste Comte.
Qu’on le veuille ou non, tout emploi de l’adjectif positiviste, aujourd’hui en France, renvoie
inéluctablement à la philosophie d’Auguste Comte.
Pour démarquer totalement la science de la religion, Auguste Comte veut éliminer toute
croyance à l’intérieur de la science. Pourtant, comme l’a bien vu Karl Popper, en science, une
preuve absolue est logiquement impossible. Il y a donc une croyance dans le fait qu’on pense
qu’une théorie est vraie, et pourtant, elle l’est !
On peut prendre une analogie avec le théorème de Gödel, qui dit qu’à l’intérieur de
l’axiomatique de l’arithmétique, par exemple, des théorèmes sont vrais mais non démontrables.
Le programme d’Auguste Comte est donc d’éliminer toute métaphysique de la science. Or, Karl
Popper a bien montré que c’est impossible. Un nouveau concept en science, passe toujours par
un moment métaphysique, avant d’être testable, et la ligne de démarcation séparant les énoncés
métaphysiques de ceux qui ne le sont pas est floue est sans intérêt. Les positivistes du cercle de
Vienne voulaient débarrasser le langage de toute métaphysique. Leur programme étant proche
de celui d’Auguste Comte, ils sont appelés pour cette raison néopositivistes.
Auguste Comte a été une catastrophe pour la science, donc pour l’industrie en France. Parmi ses
innombrables erreurs, on peut citer par exemple le fait qu’il ait dit en 1835 qu’on ne pourrait
jamais connaître la composition chimique des étoiles, vu qu’on ne pourrait jamais y aller avec un
tube à essai. La composition chimique des étoiles était donc pour lui un concept métaphysique.
30 ans après, en 1865, Robert Bunsen et Gustav Kirchhoff en analysant la lumière du Soleil
purent déterminer sa composition chimique.
Auguste Comte fut le secrétaire particulier puis le collaborateur du Comte de Saint‐Simon. Une
certaine gauche se revendique de Saint‐Simon. Pourtant si l’on ne pouvait accuser Auguste
Comte que de bêtise, cela ne serait peut‐être pas si grave. Mais il a montré du mépris et du
cynisme envers la classe ouvrière. Pour montrer cela il suffit de citer le passage suivant :
Auguste Comte Traité philosophique d’Astronomie Populaire paru en 1844. Fayard 1985.
Discours préliminaire sur l’esprit positif. Page 92 :
« Quand ces différentes tendances, mentales et morales, auront convenablement agi, c’est donc
parmi les prolétaires que devra le mieux se réaliser cette universelle propagation de l’instruction
positive, condition indispensable à l’accomplissement graduel de la rénovation philosophique.
C’est aussi chez eux que le caractère continu d’une telle étude pourra devenir le plus purement
spéculatif parce qu’elle s’y trouvera mieux exempte de ces vues intéressées qu’y apportent plus
ou moins directement, les classes supérieures, presque toujours préoccupées de calculs avides
ou ambitieux.
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Après y avoir d’abord cherché le fondement universel de toute sagesse humaine, ils y viendront
puiser ensuite, comme dans les beaux‐arts, une douce diversion habituelle à l’ensemble de leurs
peines journalières. Leur inévitable condition sociale devant leur rendre beaucoup plus précieuse
une telle diversion, soit scientifique, soit esthétique. Il serait étrange que les classes dirigeantes
voulussent y voir, au contraire un motif fondamental de les en tenir essentiellement privés, en
refusant systématiquement la seule satisfaction qui puisse être indéfiniment partagée à ceux‐là
même qui doivent sagement renoncer aux jouissances les moins communicables.
Pour justifier un tel refus, trop souvent dicté par l’égoïsme et l’irréflexion, on a quelque fois
objecté, il est vrai, que cette vulgarisation spéculative tendrait à aggraver profondément le
désordre actuel, en développant la funeste disposition, déjà trop prononcée, au déclassement
universel. Mais cette crainte naturelle, unique objection sérieuse qui, à ce sujet, méritât une
vraie discussion, résulte aujourd’hui, dans la plupart des cas de bonne foi, d’une irrationnelle
confusion de l’instruction positive, à la fois esthétique et scientifique, avec l’instruction
métaphysique et littéraire, seule maintenant organisée. Celle‐ci, en effet, que nous avons déjà
reconnue exercer une action sociale très perturbatrice chez les classes lettrées, deviendrait
beaucoup plus dangereuse, si on l’étendait aux prolétaires, où elle développerait, outre le dégoût
des occupations matérielles, d’exorbitantes ambitions.
Mais, heureusement, ils sont, en général, encore moins bien disposés à la demander qu’on ne le
serait à la leur accorder. Quant aux études positives, sagement conçues et convenablement
dirigées, elles ne comportent nullement une telle influence : s’alliant et s’appliquant, par leur
nature, à tous les travaux pratiques, elles tendent, au contraire, à en confirmer ou même inspirer
le goût, soit en anoblissant leur caractère habituel, soit en adoucissant leurs pénibles
conséquences ; conduisant d’ailleurs à une saine appréciation des diverses positions sociales et
des nécessités correspondantes, elles disposent à sentir que le bonheur réel est compatible avec
toutes les conditions quelconques, pourvu qu’elles soient honorablement remplies, et
raisonnablement acceptées. »
Le positiviste a besoin de nier l’existence d’une réalité extérieure indépendante de l’homme, de
nier la possibilité d’une connaissance vraie de cette réalité, et de nier l’existence de la nature
humaine, pour mettre en œuvre son entreprise totalitaire. En effet, s’il n’y a pas de vérité ni de
nature humaine, sur quoi peut‐on prendre appui pour se révolter contre un ordre artificiel
imposé par la propagande ? On retrouve cela page 80 du même texte :
«Pour l’esprit positif, l’homme proprement dit n’existe pas, il ne peut exister que l’humanité,
puisque tout notre développement est dû à la société, sous quelque rapport qu’on l’envisage.»
Auguste Comte est l’inventeur du mot altruisme. On comprend ce que signifie pour lui ce mot :
l’ouvrier doit être altruiste en ne cherchant pas à sortir de sa classe sociale.
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12‐ Le positivisme est un totalitarisme
Si la science ne découvre pas des vérités certaines et éternelles mais bricole dans l’incertitude
le hasard et la probabilité, il ne faut pas s’étonner que les gens ne se fassent pas vacciner
contre la grippe. Il ne faut pas s’étonner que les gens refusent les 11 vaccins pour les enfants.
Il ne faut pas s’étonner que des gens soient contre le nucléaire. Comment faire confiance à
des scientifiques qui bricolent avec une machine aussi dangereuse qu’une centrale nucléaire,
sans avoir la certitude qu’il soit définitivement vrai que les atomes existent et existeront
toujours ? Sans être certains que la mécanique quantique est définitivement vraie ? Sans être
certains que la loi d’Einstein E = m C2 est définitivement vraie ? Comment ne pas avoir peur
des apprentis sorciers du LHC, l’accélérateur de particules au C.E.R.N. à Genève qui bricolent
avec des énergies qui peuvent fabriquer des mini‐trous noirs, sans être certains que ces trous
noirs, qui peuvent être créés immobiles, contrairement à ceux qui viennent de l’espace, ne
vont pas engloutir le Terre ? Ceci alors qu’on ne possède pas une théorie quantique de la
gravitation. Pourquoi investir autant d’argent sur la fusion contrôlée avec ITER à Cadarache
alors qu’en science on n’est sûr de rien ?
Pourquoi prendre le risque de développer ainsi une société obscurantiste où peut se répandre
la parole climato‐sceptique, alors qu’avec le réchauffement climatique causé par l’homme,
l’humanité court un danger mortel ? Les climato‐sceptiques utilisent tous les arguments du
positivisme pour développer leur fausse science. Ils sont l’archétype du positiviste. La langue de
bois positiviste des météorologues professionnels à chaque fois qu’ils sont interrogés sur
les évènements extrêmes, et qu’ils nient l’évidence de la responsabilité du réchauffement
climatique, est à ce sujet catastrophique pour l’opinion. En tout cas, la conséquence de ces
faits est d’instaurer un totalitarisme de la pensée où la science est réservée aux experts et où
le profane n’a pas son mot à dire dans les décisions qui le concerne. Les avantages de ce
totalitarisme sont considérés comme supérieurs aux terribles inconvénients du positivisme.
On voit un tel totalitarisme se manifester dans la construction européenne.
On voit apparaître cette volonté de structure totalitaire de la société dès le saint‐simonisme.
On a des informations sur cela dans le livre : l’ère des tyrannies d’Élie Halévy : on préconise que
le recrutement des élites, même celles qui gouvernent, soit fait par cooptation et non pas par
élection. L’idée d’élites initiées est typiquement gnostique. Le mot gnose signifie en Grec
connaissance, savoir. L’être pneumatique est l’homme parfait par excellence ; il possède la
gnose. Le principe métaphysique de la liberté de conscience est considéré comme inutile. On
peut citer cette phrase d’Auguste Comte écrite dans l’Organisateur : « Pour l’établissement
définitif du nouveau système, le peuple a été éliminé de la question. C’est pour le peuple que
la question se résoudra, mais il y restera extérieur et passif (Œuvres de Saint‐Simon vol. IV
page 158) … S’il arrive en France, et plus encore en Angleterre, que les ouvriers se laissent
séduire par la prédication démocratique, c’est la faute des métaphysiciens et des légistes,
inventeurs de la théorie de la souveraineté du peuple, dont l’utilité, toute négative, fut
de servir à détruire la théorie féodale de droit divin. »
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Exp. de la doctrine, I, 127 : « L’école Saint‐simonienne attache aux idées critiques (donc
à l’esprit critique) une valeur négative, une valeur de destruction. »
Élie Halévy dit page 91 de son livre : « Les Saint‐Simoniens ont déclaré la guerre avec une
sorte d’ostentation au dogme métaphysique de la liberté. » Page 92 : « L’école positiviste
d’Auguste Comte n’est pas autre chose qu’une secte dissidente de l’Église saint‐simonienne. »
Auguste Comte en 1852 a publié le Catéchisme positiviste où en particulier il développe la
morale positiviste.
L’escroquerie de la philosophie positiviste est alors la suivante :
Si l’organisation de la société ne peut pas reposer sur une adéquation la meilleure possible, et
celle qui cause le moins de souffrance, à la réalité objective dans laquelle nous vivons, et à la
réalité objective que nous sommes, puisque cette réalité est inaccessible à une connaissance
vraie, alors cette organisation reposera sur une morale imposée par une élite d’initiés.
Ces initiés sont les seuls, en tant qu’experts, à pouvoir tirer des informations utiles, d’une
démarche scientifique extrêmement complexe, qui ne peut jamais apporter des vérités
certaines et éternelles, et qui est donc inaccessible aux profanes.
Ils seront en permanence sollicités pour diffuser au peuple leurs conclusions qui ne peuvent
être discutées, puisqu’elles proviennent d’experts possédant la gnose.
Cette morale sera imposée par la loi, et par une propagande permanente diffusée par les
médias. Propagande amplifiée par une multitude d’idiots utiles utilisant tous les nouveaux
moyens numériques de diffusions à leurs dispositions. Cela créera une ambiance d’effroi
permanente. Les journalistes qui font un faux pas seront immédiatement licenciés.
On n’hésitera pas à modifier le passé en modifiant ou effaçant les œuvres d’art ou de
littérature du passé qui ne respectent pas cette morale, et qui pourraient donc avoir une
influence néfaste sur le peuple. Pour ce faire, on s’inspirera du travail de Winston, héros du
roman 1984 de George Orwell, au ministère de la Vérité, où il réécrit le passé en fonction des
nouveaux impératifs moraux du présent.
Les informations qui sont contraires à cette morale, seront définies comme fausses, et
interdites de diffusion dans les médias. Le présent, comme le passé, n’ayant pas d’existence
réelle vraie, puisqu’une telle vérité est inaccessible, cela ne pose aucun problème scientifique.
Tout cela assurera une grande stabilité au régime politique en place, ce qui sera bon pour le
peuple.
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Citons pour conclure deux extraits du livre « De la démocratie en Amérique » d’Alexis de
Tocqueville. Le premier extrait vient du Tome 2 paru en 1840 : quatrième partie, chapitre 6,
quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre.
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le
monde : je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans
repos sur eux‐mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur
âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses
enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine ; quant au demeurant
de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ;
il n'existe qu'en lui‐même et pour lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du
moins qu'il n'a plus de patrie.
Au‐dessus de ceux‐là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur
jouissance et de veiller sur leur sort. II est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il
ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les
hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans
l'enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il
travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre ; il
pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs
principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne
peut‐il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?
C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre ; qu'il
renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoyen
jusqu'à l'usage de lui‐même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a
disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.
Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à
sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d'un
réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les
esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour
dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige, mais il
s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise
point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à
n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le
berger.
Le deuxième extrait vient du Tome 1 paru le 23 janvier 1835 : deuxième partie, chapitre 7, du
pouvoir qu’exerce la majorité en Amérique sur la pensée.
… mais dans les républiques démocratiques, ce n'est point ainsi que procède la tyrannie ; elle
laisse le corps et va droit à l'âme. Le maître n'y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous 41/83
mourrez; il dit : Vous êtes libres de ne point penser ainsi que moi; votre vie, vos biens, tout
vous reste ; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à
la cité, mais ils vous deviendront inutiles ; car si vous briguez le choix de vos concitoyens, ils ne
vous l'accorderont point, et si vous ne demandez que leur estime, ils feindront encore de vous
la refuser. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l'humanité. Quand
vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur ; et ceux qui
croient à votre innocence, ceux‐là mêmes vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour.
Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort.
13‐ Un exemple
Un bon exemple est le cas d’Aurélien Barrau, philosophe et physicien, très présent dans les
médias. Ce qui est écrit ici est inspiré par le texte : L’épistémologie dans le trou noir de
Vincent Debierre et Nadji Lahcene : http://zilsel.hypotheses.org/2704
Aurélien Barrau commence par déconstruire la science façon Derrida :
Extrait de « de la VÉRITÉ dans les SCIENCES », page 87 : Suivre aveuglément la vérité (qui est
nécessairement celle d’une culture, d’une époque, d’une civilisation, d’un système de
croyance, d’un choix de rapports spécifiques au réel …) sans questionner ce qui l’établit peut
être aussi dangereux que de l’ignorer. La science est une manière de faire un monde, parmi
d’autres possibles. Elle est cohérente et convaincante, elle est belle et rationnelle, mais
n’entretient pas nécessairement de lien privilégié avec la vérité ou avec l’en‐soi du réel.
Puis Aurélien Barrau déconstruit la logique :
Extrait de sa thèse « Anomies » page 74 : Levinas, par l’expérience de l’autre, ébranle ce qu’il
nomme la logique formelle – c’est‐à‐dire la logique de non contradiction dans toute l’étendue
de sa froideur et parfois de sa hideur.
Ayant déconstruit la logique de non contradiction, Aurélien Barrau peut alors dire dans son
livre « de la VÉRITÉ … » page 68 :
Est‐il insensé de conjecturer, comme nous l’évoquions précédemment, que des théories
différentes ‐ voir divergentes ‐ puissent être simultanément justes ?
Puis Aurélien Barrau déconstruit la clarté dans « Anomies » page 197 : Mais, de plus, même à
supposer qu’elle soit définie, la clarté est‐elle souhaitable ? Est‐elle toujours souhaitable ? S’il
s’agit de donner de nouvelles clés d’exploration du monde et donc de création de mondes,
pourquoi faudrait‐il s’en tenir au limpide ?
Citons Nicolas Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire
viennent aisément. » On peut penser qu’une prose abstruse est faite pour s’adresser à un
cercle d’initiés, ce qui relève de la gnose, et est obscurantiste.
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Puis avec surprise, on voit revenir la vérité « Anomies » page 15 : Quelle qu’en soit
l’archéologie ou la généalogie, la vérité est un impératif. Quand bien même elle demeurerait
indéfinissable ou ambivalente, il la faut. Ce n’est ni une règle, ni une convention, c’est une
« loi ».
On cherche alors des exemples de vérité façon Aurélien Barrau. On le voit alors dans une
conférence visible sur internet : https://www.youtube.com/watch?v=XTWDGCyiiPI entamer
un vigoureux plaidoyer contre le réchauffement climatique qui fait disparaître de nombreuses
espèces animales. Ce plaidoyer prend la forme d’une leçon de morale aux étudiants, d’autant
plus que l’intervention sur le malheur des animaux est une attitude profondément morale,
quand on sait à quel point Aurélien Barrau défend la cause animale. Aurélien Barrau dit
alors dans cette conférence :
Le réchauffement climatique est un fait, ce n’est pas une croyance, ce n’est pas un modèle.
L’origine humaine ne fait aucun doute, c’est un fait.
Pourtant dans un éditorial dans une revue Suisse :
https://blogs.futura‐sciences.com/barrau/2017/07/31/science‐et‐verite‐encore/
le même Aurélien Barrau dit :
L’idée même de fait pur est délicate à manier. Il n’y a aucun doute que des « choses »
adviennent indépendamment de nos conventions et de nos actes de langages. Mais il n’est
pas évident que nous puissions rendre compte de ces advenues de façon indépendante de
tout système relevant au moins partiellement d’une construction.
Si on fait confiance à ce qu’il vient de dire, les faits dont il parle à propos du réchauffement
climatique viennent d’un système qui relève d’une construction. Il devient alors évident que
cette construction est une construction morale. Donc c’est au nom de la morale qu’Aurélien
Barrau est convaincu du réchauffement climatique. Ainsi, puisque toute source de vérité a été
déconstruite, la seule source de vérité fiable est la morale, la morale d’Aurélien Barrau !
Mais Aurélien Barrau s’est pris les pieds dans le tapis de son relativisme. Le réchauffement
climatique n’est pas un fait. Les climato‐sceptiques prennent prétexte de la vague de froid
exceptionnelle aux USA l’hiver 2017‐2018 pour contester le réchauffement climatique. Il faut
une théorie très complexe (et c’est une découverte des chercheurs de Météo France), pour
expliquer qu’au contraire c’est une conséquence du réchauffement climatique : Du fait de la
plus faible différence de température entre le pôle et l’équateur, le courant jet polaire fait
plus de méandres, ce qui peut provoquer de violentes descentes d’air arctique.
Les positivistes climato‐sceptiques disent même que la moyenne sur toute la Terre des
températures n’a pas de sens scientifique. La cause humaine du réchauffement climatique
n’est pas non plus un fait. Il faut vérifier au préalable entre autres qu’il n’est pas causé par
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exemple par une augmentation du rayonnement du Soleil, où par une variation des courants
marins, ce qui nécessite une théorie et de nombreuses mesures et de nombreux calculs, qui
ont été faits par le GIEC. Il faut vérifier la corrélation précise entre l’augmentation du CO2
causée par l’homme et ce réchauffement avec des modèles très sophistiqués.
Dans cette vidéo, le scientifique Aurélien Barrau, pendant un cours de science, n’utilise pas
une argumentation scientifique pour convaincre ses étudiants de la réalité du réchauffement
climatique, tout simplement parce que pour lui, la science n’apporte pas de vérité. Il utilise
donc un argument moral. Le réchauffement climatique est vrai, parce que ceux qui le nient
sont des salauds (personne sans moralité) et des débiles de l’extrême droite américaine. Les
termes extrême et Amérique devant amplifier l’horreur ; ceci étant admis par définition, que la
gauche c’est le bien et que la droite c’est le mal.
C’est tout simplement manipuler les faits dans une vision manichéenne du monde. En effet,
Claude Allègre qui siège à l’Académie des sciences de France, ministre de l’Éducation
nationale, de la Recherche et de la Technologie du gouvernement de Lionel Jospin de 1997 à
2000, donc d’un gouvernement de gauche, est un climato‐sceptique convaincu et militant. Il a
écrit l’ouvrage « L’imposture climatique ou la fausse écologie » qui remet en cause le
réchauffement climatique. De plus d’autres éminents membres de l’Académie des sciences
française et qui ne sont pas d’extrême droite, sont des militants climato‐sceptiques. Il en est
ainsi de Vincent Courtillot, géophysicien. En janvier 2015, un des deux secrétaires perpétuels
de l’institution, Catherine Bréchignac, n’hésite pas à affirmer à la revue scientifique la
Recherche au détour d’une conversation sur le rôle de l’Académie que « les températures
globales n’ont pas bougé depuis dix‐sept ans ». Voir :
http://www.larecherche.fr/ev%C3%A9nement‐climat/les‐climato‐sceptiques‐%C3%A0‐
lassaut‐de‐lacad%C3%A9mie‐des‐sciences
Donc Aurélien Barrau manipule les faits. Mais il s’y autorise, puisqu’il dit que les faits sont
dans un système qui relève d’une construction. Dans une autre morale que la sienne (une
morale de droite ?) on appellerait cela de la malhonnêteté intellectuelle.
Suit dans la vidéo un argument comme quoi le réchauffement climatique est évident, puisque
quand on ferme la porte dans une maison et qu’on augmente le chauffage, la température
s’élève. Cette analogie est ridicule. En effet, la physique de l’atmosphère est beaucoup plus
compliquée que cela ; une analogie ne prouve jamais rien. Elle peut avoir des vertus
heuristiques, ou aider à la mémorisation d’un concept. Une analogie peut servir aussi à la
vulgarisation, mais là on est en maternelle petite section ! En tout cas, la rigueur est
nécessaire aussi dans la vulgarisation. L’augmentation de l’effet de serre qui bloque le
rayonnement infrarouge vers l’espace correspond bien à une porte qui se ferme ; mais il
n’augmente pas le chauffage. Donc cette analogie est fausse. Mais peu importe puisque dans
le relativisme d’Aurélien Barrau, de toute façon la vérité est inaccessible.
44/83
Mais revenons sur le début de la vidéo. Aurélien Barrau dit : Sur le dérèglement climatique : la
situation en ce moment est catastrophique ; l’extinction des espèces qui a lieu en ce moment
sur terre est catastrophique. Aurélien Barrau sous‐entend donc que le réchauffement
climatique est le seul responsable de l’extinction des espèces. Soit il ment pour influencer ses
étudiants, soit il est complètement incompétent sur le sujet dont il parle. En effet, à part les
ours polaires qui souffrent de la diminution de la banquise, le réchauffement climatique actuel
n’est pas responsable de la disparition des espèces. Les causes sont : la destruction des
habitats, en particulier la déforestation ; le braconnage ; la pêche intensive ; les espèces
envahissantes apportées par le commerce mondial ; la pollution des océans (plastiques), des
eaux, des terres agricoles (pesticides) ; disparition des oiseaux par famine, du fait de la
disparition des espèces animales dans les sols agricoles, à cause des pesticides. En tout cas,
dire que l’extrême droite américaine est la seule responsable de tous ces maux est un
mensonge éhonté. On comprend alors pourquoi il dit qu’il n’y a pas de faits purs et que les
faits relèvent d’une construction. Mais il prend son cas personnel d’ignorance ou de mauvaise
foi pour une généralité. On voit donc sur cet exemple, qu’une fois qu’on a posé que la science
n’amène pas de vérité, tous les dérapages de la propagande, au nom d’une morale, se
produisent automatiquement.
On voit encore intervenir la morale (totalement subjective pour le compte) comme preuve de
vérité par la comparaison de traitement des cultures dites primitives, et de la culture des
créationnistes de droite aux USA. Premier extrait tiré d’un entretien avec Philippe Cazier ;
Pluriréalisme et vérité : Entetien avec Aurélien Barrau Diacritik, 22 avril 2016
https://diacritik.com/2016/04/22/plurirealisme‐et‐verite‐‐entretien‐avec‐aurelien‐barrau/
Les univers des indiens, des aborigènes et des dogons doivent‐ils être balayés d’un revers de la
main parce qu’ils ne satisfont pas à la méthode dite scientifique, aussi diffuse soit‐elle comme
nous venons de le rappeler ? Rien ne serait plus inepte.
Puis « de la VÉRITÉ » page 49 :
Cette belle tolérance, ce sain appel à l’ouverture, peut aussi se muer en creuset des
obscurantismes et des totalitarismes. Considérons en effet l’exemple créationniste.
Au sujet du créationnisme, dans un livre sur la vérité en science, « de la VÉRITÉ » page 51,
Aurélien Barrau dit : fonder le déni du créationnisme et donc la caducité de son
enseignement, sur sa nullité scientifique, n’est pas une réponse adaptée.
Plus loin il dit, page 52 : il n’y a ‐ je crois – aucun monde viable où le créationnisme peut se
revendiquer comme une posture cohérente, honnête et rigoureuse.
On a du mal à comprendre, mais le mot honnête nous guide. Il s’agit d’un argument moral. Et
le je et crois montre que c’est une croyance morale personnelle d’Aurélien Barrau. Donc, pour
réfuter le créationnisme, Aurélien Barrau nous demande tout simplement de faire confiance à 45/83
sa croyance personnelle en une morale ! D’ailleurs page 50 il disait : la posture créationniste
est éthiquement très dangereuse. Évidemment, Aurélien ne peut pas argumenter que c’est
une théorie contradictoire avec la théorie de Darwin qui est vraie, vu qu’il accepte l’idée que
deux théories contradictoires puissent être simultanément justes, ce qui est exactement la
doublepensée de 1984 de George Orwell. On voit qu’une fois toute vérité déconstruite, il ne
reste plus que la morale pour diriger une société, on est donc en plein totalitarisme. D’autre
part on peut penser qu’il préconiserait de largement enseigner et diffuser une théorie fausse,
du moment que lui, Aurélien Barrau a la croyance qu’elle est morale.
Nous avons alors l’échange suivant : interviewé par Jean‐Philippe Cazier, Aurélien Barrau
approuve sans équivoque l’opportunisme épistémologique de son interlocuteur. M. Cazier
ouvre l’interview par :
« Je ne sais pas si cela fait partie de ton projet mais ton livre, De la vérité dans les sciences, est
publié à un moment où la référence à la science est omniprésente dans les débats et discours.
On utilise volontiers cette référence pour chercher à dévaloriser telle ou telle position
qualifiée de non scientifique, comme par exemple lorsque l’on s’attaque en France aux gender
studies. Dans cette façon de penser la science, celle‐ci serait supposée offrir des évidences,
des vérités simples et indépassables qui rendraient immédiatement caduques des tentatives
de proposer des approches nouvelles parfois paradoxales. Parallèlement, on peut aussi
constater le mouvement inverse, celui d’une dévalorisation du discours scientifique au profit
du discours idéologique ou religieux, comme dans le cas du créationnisme que tu évoques
dans ton livre. »
Aurélien Barrau répond : « Je ne saurais mieux analyser la situation qu’en les termes que tu
viens d’utiliser. »
On décode : Le créationnisme dévalorise la science, et la science dévalorise les gender studies.
Donc le déni de la biologie dépasse les vérités simples quand il vient de gauche, mais est
dangereux et dévalorisant quand il vient de la droite.
Donc : on arrive au théorème qui s’exprime par la double inégalité :
Pseudo‐sciences de droite < Sciences < Pseudo‐sciences de gauche
Enfin on voit tout l’intérêt pour Aurélien Barrau d’avoir déconstruit la logique de non
contradiction, puisque dans la vidéo ci‐dessus il traite ses adversaires climato‐sceptiques de
salauds, tandis que dans la vidéo de ce lien, il dit qu’il ne faut jamais traiter ses adversaires de
salauds.
46/83
14‐ Les positivistes et les atomes
Pour se faire une idée de la catastrophe, il suffit de citer Claude Allègre dans son livre :
« Un peu de science pour tout le monde ». Et pourtant dans son attitude climato‐
sceptique, Claude allègre a adopté une attitude positiviste.
Les réactions à l'hypothèse atomique
Au cours de cette seconde partie du XIXe siècle, tandis que progresse à pas de géant cette
merveilleuse science qu'est la Chimie, n'imaginons pas cependant que chaque nouvelle
avancée dans la connaissance des atomes ait été accueillie par des salves
d'applaudissements. La Science n'est décidément pas un long fleuve tranquille, et l'on ne
convainc pas si facilement, même les plus grands esprits ! Les idées nouvelles, c'est
tellement dérangeant...
Les philosophes se scindèrent en deux camps : les atomistes d'un côté et les anti‐
atomistes de l'autre.
Ceux qui « soutenaient » les atomes étaient peu nombreux : Nietzsche, Marx et Engels,
Bergson. Ceux, en revanche, qui étaient opposés » aux atomes, comme Hegel,
Schopenhauer (violemment contre), Kant (surprenant !), et puis bien sûr Auguste Comte
(dont nous allons bientôt reparler) étaient fort nombreux. Plus étonnant, il y avait aussi
des chimistes et des physiciens parmi eux.
En Allemagne, l'opposition fut menée par Ernst Mach (l'inventeur du mur du son) et
Ostwald (qui fut cependant un temps un ami de Boltzmann, atomiste convaincu et
militant dont nous reparlerons). La critique était tellement virulente que Max Planck lui‐
même avoua dans ses Mémoires qu'il était resté longtemps réticent vis‐à‐vis de la théorie
atomique, alors qu'il fut l'un des pionniers de la théorie corpusculaire quantique. En
Angleterre, grâce aux travaux de Dalton puis de Faraday et Maxwell, la théorie atomique
s'imposa très vite. En France, l'opposition fut le fait de savants éminents : Henri Sainte‐
Claire Deville, Claude‐Louis Berthollet (qui disait : « Qui a jamais vu une molécule gazeuse
ou un atome ? »), et surtout le plus grand, le plus puissant, le plus acharné, le plus
nuisible de tous : Marcellin Berthelot.
Positivement nuisibles
Le drame pour la France fut le lien qui se noua entre le mouvement positiviste d'Auguste
Comte et d'Ernest Renan avec les grands chimistes anti‐atomistes regroupés autour de
Marcellin Berthelot. Ils étaient rationnels, laïques, républicains et positivistes.
Le panache blanc de leur rassemblement fut leur opposition aux atomes. Le malheur
était que ces gens étaient puissants. Marcellin Berthelot, professeur au Collège de
»
47/83
France, fut aussi secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences sur laquelle il régna dix
ans. Dix années pendant lesquelles le mot atome fut interdit de séjour à l'Académie !
Auparavant Il avait été ministre de l'Instruction publique, et à ce titre avait interdit qu'on
parlât d'atomes dans les programmes d'enseignement.
Les dégâts commis par cette « clique » furent considérables. Auguste Comte et Ernest
Renan, les « penseurs », se renvoient la balle avec Berthelot et Sainte‐Claire Deville, les
« savants ». Leurs opinions étaient d'autant plus écoutées qu'ils pensaient fonder une
« Religion de la science », comme l'écrira Renan, avec son dogme et ses prêtres. En
matière de sciences, c'étaient eux la référence. Un républicanisme laïque intransigeant
cimentait cela, et c'est ainsi que les « dîners républicains » se multiplièrent contre « la
fausse science » — dîners auxquels participa notamment le jeune normalien Jean Jaurès.
Et au cours de ces agapes savantes, on y allait vraiment de bon cœur. Car II ne faut pas
croire que les atomes étaient les seuls condamnés. On bannissait aussi l'emploi du
microscope en Biologie, du télescope en Astronomie (car l'Instrument déforme la vision,
Il n'est pas naturel), du calcul des probabilités (car la Nature ne pouvait être que
déterministe !).
Pourtant ces gens n'étaient ni stupides, ni ignorants. Berthelot était un grand chimiste,
Sainte‐Claire Deville aussi. Ils firent des découvertes Importantes. Renan fut un grand
écrivain. J'ai moins de faiblesse pour Auguste Comte, qui ajouta à ses méfaits une
classification des sciences dont le dégât dans les esprits fait encore des ravages
aujourd'hui.
Cette conviction anti‐atomique eut la vie dure en France. J'ai même connu un professeur
de Chimie de la Sorbonne qui au milieu des années 1950, refusait encore de parler
d'atomes dans son cours, sous prétexte que personne n'en avait vu (comme Berthollet) !
Je regrette vraiment de n'avoir pas réussi, lorsque J'étais ministre, à faire enlever la
statue d'Auguste Comte de la place de la Sorbonne et à la remplacer par celles de Victor
Hugo et de Louis Pasteur. Nous nous sommes contentés de lui faire subir une rotation :
désormais, Il tourne presque le dos à la Sorbonne.
Marcellin Berthelot dit dans sa lettre à Ernest Renan (Revue des Deux Mondes 1863) :
« C’est un des principes de la science positive qu’aucune réalité ne peut être établie par
le raisonnement. Le monde ne saurait être deviné. » Et pourtant, pour ne prendre qu’un
seul exemple, l’existence du boson de Higgs a été établie par un raisonnement
théorique, donc devinée, en 1964. Cette découverte fut confirmée expérimentalement
dans le LHC, l’accélérateur de protons du C.E.R.N. à Genève en 2012. Pour cette
découverte, François Englert et Peter Higgs ont eu le prix Nobel de Physique en 2013
48/83
15‐ Les sociologues
Certains littéraires philosophes‐sociologues complètement nuls en science de l’université de
Nanterre pour ne pas la nommer soutiennent que le refus de la théorie atomique en France (qui
a fait prendre un siècle de retard à la chimie française sur la chimie anglaise) n’a rien à voir avec
le positivisme d’Auguste Comte qui adorait la théorie atomique. En bon positivistes qu’ils sont
eux‐mêmes, ils en restent à la surface des phénomènes et des mots. Ils citent la phrase
d’Auguste Comte :
Aussitôt que l’illustre M. Dalton eût dirigé ses méditations vers cette face de la science
chimique, son génie éminemment philosophique le poussa à embrasser, dans une seule
conception générale, l’ensemble de cet important sujet, quoique l’étude en fût, pour ainsi dire
naissante. Ses heureux effets produisirent la célèbre théorie atomistique.
Mais ils ne vont pas plus loin dans le texte du cours de philosophie positive. Plus loin on lit :
… les travaux remarquables de l’illustre Wollaston… Nous ne devons pas ici considérer
principalement sa transformation, d’ailleurs très heureuse, de la théorie atomistique
proprement dite en celle des équivalens chimiques, qui offre un énoncé bien plus positif, et tend
à préserver des enquêtes radicalement inaccessibles auxquelles la première peut donner lieu,
quand elle n’est pas judicieusement dirigée : cette substitution constituerait, sans doute, une
amélioration capitale, si elle ne se réduisait point à un simple artifice de langage, la pensée
réelle étant restée essentiellement identique.
Que signifie ce texte ? Qu’il est préférable de ne pas utiliser le mot atome, car on pourrait
s’égarer à lui donner une signification métaphysique, au‐delà de la simple théorie des
équivalents (rapport des masses dans les réactions chimiques). Un tel égarement pourrait avoir
lieu si ces enquêtes, à partir de la théorie atomique, n’étaient pas judicieusement dirigées en
interdisant de telles spéculations métaphysiques. Mais immergé dans son système de pensée à
ras des faits expérimentaux, Auguste Comte est tellement convaincu que derrière le mot
atome, il ne pourra jamais y avoir autre chose que ces rapports de masses, que finalement il
trouve que, même si ce mot atome est à interdire, ce n’est pas si grave que cela de l’utiliser.
C’est donc juste un problème de langage, et donc ce n’est pas si grave. Auguste Comte se
comporte bien ainsi en bon positiviste assimilant la physique et la chimie à un pur langage qui
permet de collectionner les faits expérimentaux.
Ses collègues, amis, disciples et successeurs, obéiront scrupuleusement à cette injonction
d’Auguste Comte d’éviter tout contenu métaphysique au mot atome, et pour s’assurer
définitivement de cela d’éliminer définitivement ce mot. L’élimination d’un mot du langage
permettant d’éliminer définitivement une réalité objective éventuelle du monde matériel
associée à ce mot.
Wollaston décida d’assigner la masse de 100 à l’élément oxygène, contrairement à Dalton qui en
attribuant la masse de 1 au plus léger des éléments, l’atome d’hydrogène dont le noyau est
49/83
juste constitué d’un proton allait permettre justement de deviner le monde. Pourquoi l’oxygène
choisi comme référence avec le nombre de 100 ? Mais tout simplement parce que en bon
positiviste, pour Wollaston, la nature se réduit à l’homme qui respire de l’oxygène !
Toute ontologie et métaphysique associée au mot atome, et qui allait permettre justement de
deviner le monde fut ainsi éliminée de la chimie française sur l’injonction d’Auguste Comte.
Ce contenu métaphysique allait dans un feu d’artifice où la France fût totalement absente à
cause d’Auguste Comte, nous donner la thermodynamique statistique, le spectre des atomes
permettant de déterminer la température et la composition chimique des étoiles, la géométrie
des molécules expliquant leur stabilité et leur réactivité, l’explication du sens des réactions avec
justement l’entropie associée à la géométrie des molécules, mais aussi l’énergie par
l’électronégativité des éléments, donc aussi les réactions d’oxydo‐réduction …
Mais tout cela échappe totalement à nos littéraires philosophes‐sociologues de Nanterre
totalement positivistes eux‐mêmes (mais sans s’en rendre compte) et nuls en science (mais sans
le savoir car ils ne connaissent rien à la science). Tout cela est pitoyable.
Mais leur influence destructrice n’est pas à négliger, car ils ont pignon sur rue, et croyant à la
classification des sciences d’Auguste Comte, ils considèrent que la sociologie est la reine des
sciences et a un droit de regard sur la physique.
Dans un article d’une mauvaise foi stupéfiante, on peut lire à propos du passage ci‐dessus sur
Wollaston : Comte, toujours en alerte devant les risques de dérapages métaphysiques, ne prend
pas au sérieux le danger d’une régression causé par la théorie atomistique. Sans comprendre
que Comte est influencé par le fait qu’il n’a pas l’idée de mettre autre chose que la théorie des
équivalents derrière l’atome. L’influence du positivisme ambiant en France sur la science est
qualifiée de cliché historique qui résulte de la mauvaise foi, et de la volonté des chercheurs
d’avoir plus de crédits ; sans vouloir voir la pression intellectuelle gigantesque sur les savants du
fait qu’un ministre de l’Instruction publique, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences
soit le pire des positivistes, dans le contexte politique extrêmement tendu du début de la
troisième république. On peut lire : Au bilan de ce parcours, il apparaît que la prétendue
influence du positivisme sur la science française est un fantôme qui entretient la paresse
intellectuelle. Elle dissimule, en effet, un polymorphisme d’attitudes épistémiques… Cela signifie
qu’il est considéré qu’il y a plusieurs positivismes différents qui n’ont rien à voir les uns avec les
autres. L’argumentation est par exemple une lettre de Marcellin Berthelot à Wurtz où il exprime
vigoureusement son positivisme. On dit alors : Ce positivisme hâtivement fourbi dans une
controverse est un positivisme de circonstance que j’appellerai « polémique ». La dictature
intellectuelle de Marcellin Berthelot pendant très longtemps en France est ainsi qualifiée de
positivisme polémique ! Il y a un autre positivisme qui apparaît, le positivisme scolaire, qui est
censé ne rien avoir avec les autres. Mais on ne dit pas que Marcellin Berthelot a été ministre de
l’Instruction publique.
50/83
VI‐ Le positivisme et la physique moderne
1‐ Introduction
Qu’en est‐il du positivisme dans la physique moderne, en particulier parmi les
chercheurs ? On a déjà la réponse à la question avec Aurélien Barrau. Mais reste‐il,
comme le dernier des Mohicans, des physiciens réalistes ?
On peut également se poser la question du caractère nuisible du positivisme sur la
progression de la physique. Est‐il un frein à la découverte de théories nouvelles, comme
la gravitation quantique ?
2‐ Des physiciens positivistes, comment les reconnaître ?
Dans le livre : Introduction to Cosmology, second edition (2017) de l’américaine Barbara
Ryden, Cambridge University Press, on peut lire page 27 « Dans ce livre, je vais souvent
adopter le point de vue de Newton sur la gravité, parce que, dans beaucoup d’occasions,
il est mathématiquement plus simple, et plus familier au niveau des concepts. La
question de pourquoi il est possible de permuter dans un sens ou dans l’autre entre les
deux points de vue très différents de Newton et d’Einstein, est intrigante, et mérite une
investigation. »
Cette phrase est positiviste, en particulier le fait de dire que les deux points de vue sont
très différents. La relativité générale redonne totalement la mécanique newtonienne
comme cas limite. Dans ces deux théories, un rôle fondamental est joué par la masse.
Même en mécanique newtonienne, on peut considérer l’espace‐temps comme une
variable dynamique, mais sa dynamique est triviale. L’espace‐temps newtonien agit sur
les particules, en leur imposant d’aller en ligne droite à vitesse constante quand elles
sont libres, mais les particules n’agissent pas en retour sur l’espace‐temps, à part en
créant instantanément le champ gravitationnel. En relativité générale, les particules
agissent vraiment sur l’espace‐temps en le courbant. De plus l’espace‐temps agit sur lui‐
même, dans le cas de la propagation d’une onde gravitationnelle par exemple. La
proximité conceptuelle des deux théories est en fait très grande.
Prenons un autre exemple : Carlo Rovelli est un chercheur en gravitation quantique. Dans
son livre Par‐delà le visible (2015) Chez Odile Jacob, page 128 il dit « Selon moi,
l’obscurité de la théorie quantique n’est pas due à la mécanique quantique, mais à notre
faculté d’imagination limitée. Lorsque nous essayons de voir le monde quantique, nous
sommes comme de petites taupes aveugles qui vivent sous terre et à qui on essaye
d’expliquer comment sont faites les chaînes de l’Himalaya. Ou comme les hommes
enchaînés au fond de la caverne du mythe de Platon. » La référence sans équivoque au
mythe de la caverne de Platon signe un positiviste affirmé. Il dit aussi page 122
51/83
« L’important, c’est que tout se passe comme si l’électron pour aller de A en B
empruntait toutes les trajectoires possibles. » Le mot comme si montre qu’il ne croît pas
à ce qu’il dit. Sa conception d’une émergence thermodynamique du temps n’est pas
convaincante, car elle brise la symétrie entre l’espace et le temps de la Relativité
générale. Le fait que ce soient des chercheurs positivistes qui essayent d’unifier la
gravitation et la théorie quantique peut nuire à la découverte d’une théorie quantique de
la gravitation.
3‐ Feynman
Sans conteste, il faut classer Richard P. Feynman, prix Nobel de physique 1965 pour
l’électrodynamique quantique, parmi les physiciens réalistes. Dans son livre : QED The
Strange Theory of Light and Matter, il emploie un langage réaliste.
Page 85, il dit : « …toutes les particules dans la nature… se comportent de cette manière
quantique.
Donc maintenant, je vais vous présenter les trois mécanismes de base, à partir desquels
tous les phénomènes mettant en jeu la lumière et les électrons se produisent :
Action 1 ; un photon va d’un endroit à un autre ; Action 2 ; un électron va d’un endroit à
un autre ; Action 3 ; un électron émet ou absorbe un photon. »
Dans ce livre, il n’hésite pas à dire que les antiparticules sont des particules qui
remontent le temps, se dirigeant du futur vers le passé. On voit aussi qu’il est réaliste par
le fait que pour lui la réalité ultime, ce sont les particules, tandis que pour les positivistes,
en théorie quantique des champs, la réalité ultime, si elle existe, ce sont les champs
quantiques. Pour un physicien réaliste, la réalité ce sont les particules, et les champs
quantiques décrivent simplement le comportement des particules.
On retrouve cette conception réaliste dans beaucoup de livres de physique anglais
actuels. Ainsi dans le livre Modern Particle Physics de Mark Thomson Cambridge
University Press 2013, page 5, l’auteur n’hésite pas à citer la phrase de Newton « Il est
inconcevable que la matière inanimée brute puisse, sans la médiation de quelque chose
d’autre qui n’est pas matériel, agir et affecter une autre matière, sans un contact
mutuel. »
Il dit alors : « En décrivant une force en termes d’échanges de particules, il n’y a plus de
mystérieuse action à distance. »
Ceci dit, pour couper court à toute discussion avec les positivistes, Feynman est connu
pour avoir fait des déclarations opportunistes positivistes comme la fameuse phrase :
« D’un autre côté, je pense que je peux dire sans risque que personne ne comprend la
52/83
mécanique quantique» ; page 129, chapitre 6, The Character of Physical Law, Richard
Feynman, The M.I.T. Press 1967. En voulant être gentil avec les nuls, il a ainsi prononcé
une phrase assez grave, puisque étant lui‐même un génie en physique, toute personne
qui vient après et dit qu’elle est à l’aise avec les concepts de la mécanique quantique et
comprend la mécanique quantique est ridicule.
En conclusion tout de même, on peut affirmer que la géniale méthode des diagrammes
de Feynman en physique quantique est bien l’œuvre d’un physicien réaliste qui croyait
que les particules se comportaient réellement comme il le décrivait.
4‐ Weinberg
Steven Weinberg est prix Nobel de physique 1979 pour l’unification électrofaible. Il est
aussi un physicien réaliste. Dans son livre Dreams of a Final Theory, Hutchinson Radius
1993, dans le chapitre 7 Against Philosophy, il développe un vigoureux plaidoyer contre la
philosophie positiviste qui est pour lui catastrophique pour la physique.
Page 133 il dit qu’il croît en une réalité objective découverte par la physique.
Page 139 il affirme que la métaphysique est nécessaire à la physique et défend l’idée que
la physique peut faire appel à des objets non observables.
Page 141 il donne un exemple de l’influence néfaste de la philosophie positiviste sur le
développement de la science. Il cite l’expérience de J.J. Thomson faite en 1897 sur les
rayons cathodiques, déviés par un champ magnétique, qui permit à J.J. Thomson de
découvrir l’électron, sa charge et sa masse, et qui mena rapidement à un premier modèle
de la structure de l’atome. Cette découverte mena également à la compréhension du
courant électrique comme déplacement d’électrons. Thomson s’inscrivait dans la
philosophie réaliste anglaise de l’époque croyant aux corpuscules élémentaires depuis
Newton. À la même époque exactement, en Allemagne, Walter Kaufmann qui était
positiviste, fit exactement la même expérience, et ne sut rien en tirer.
Page 143 il cite une conversation entre Heisenberg et Einstein en 1926 où Einstein dit
que la philosophie positiviste est absurde et qu’on ne peut pas réduire la physique à
l’étude de quantités observables.
Page 144 il dit que des tentatives positivistes, avec Geoffrey Chew en 1960 à Berkeley
essayèrent de se passer du formalisme de la théorie quantique des champs pour ne se
référer qu’à des quantités observables, c’est‐à‐dire à la matrice S de diffusion. Ce
programme fut un échec lamentable.
Il entre ensuite, à partir de la page 146, dans un vigoureux plaidoyer contre les
sociologues, qui comme le français Bruno Latour et l’anglais Steve Woolgar, dévalorisent
53/83
la physique (et la science en général) et affirment que c’est une activité sociale comme
une autre sans lien avec le réel. Il en vient page 151 à la conclusion que l’origine d’un
regain actuel du positivisme, dévalorisant la science, est liée à un dénigrement par les
intellectuels de la civilisation occidentale symbolisée par la physique, puisque c’est cette
civilisation qui a mené à la physique moderne.
5‐ Les quarks
Lorsque j’étais élève à l’École Polytechnique, Gell‐Mann codécouvreur des quarks avec
George Zweig vint faire une conférence dans cette école sur les quarks. On voyait que les
quarks avaient une grande importance. Pour lui c’étaient juste des objets
mathématiques : les représentations irréductibles des groupes de symétrie des hadrons.
Il a bien insisté sur le fait que ce n’étaient pas des particules réelles. Pour moi, tout de
suite, j’ai pensé que la seule solution était que c’étaient des particules réelles dont les
hadrons étaient constitués. Mais impressionné par Gell‐Mann, je me disais que je me
trompais. Mais je n’arrivais plus alors à avoir une vision cohérente et satisfaisante des
choses. On avait alors une entité mathématique précise, clairement identifiée, qui ne
correspondait à rien de précis dans la réalité. Je me rappelle encore avoir eu à l’époque
un très profond malaise intellectuel. C’est beaucoup plus tard que j’ai appris qu’à cette
époque, l’autre découvreur, mais bien moins en vue, George Zweig, était convaincu que
les quarks étaient réels, et que les débats entre ces deux points de vue étaient
extrêmement violents. En effet, Gell‐Mann disait que ceux qui pensaient que les quarks
étaient réels étaient des crétins (page 234 The Infinity Puzzle de Frank Close Basic Books
Perseus Books). Certes, il fallait accepter l’idée de charges électriques fractionnaires, et le
fait qu’il est impossible d’observer un quark libre du fait de la nature de l’interaction
forte.
Lorsqu’il fut avéré que les quarks étaient bien réels, mais ce ne fut pas cette fois‐ci
l’œuvre de Gell‐Mann, ce dernier alla claironner partout qu’ils étaient réels sans jamais
s’excuser, en faisant comme s’il y avait toujours cru !
En 1968 Gell‐Mann continuait à affirmer que les quarks n’étaient pas réels. Pourtant
Bjorken dans son célèbre article de 1966 dans Physical Review, vol 148, p. 1467 indiquait
le moyen de prouver que les quarks existaient vraiment.
En 1968, l’expérience du SLAC montra qu’il y avait beaucoup plus d’électrons diffusés en
grands‐angles que prévu (sauf par Bjorken) par une cible matérielle. Kendall ne savait pas
exploiter les données obtenues. C’est Bjorken qui montra à Kendall comment redessiner
les résultats pour mettre en évidence la structure interne du proton. Une fois retourné à
son bureau, Kendall suivit les consignes de Bjorken, et vit soudain apparaître les quarks
comme entités réelles. Il s’agit d’une expérience analogue à celle de Rutherford pour
54/83
examiner l’intérieur de l’atome, mais à beaucoup plus haute énergie, pour avoir la
résolution suffisante pour scruter l’intérieur du proton. En effet = h/p, or il faut que la longueur d’onde soit inférieure à taille de la structure que l’on étudie, donc il faut que la quantité de mouvement p = m v soit suffisante.
En 1990 Taylor, Kendall et Friedman les leaders de l’expérience qui mit en évidence les
quarks partagèrent le prix Nobel de Physique. Bjorken attend toujours …
Ainsi la découverte de la réalité des quarks fut l’œuvre d’un physicien réaliste qui ne
reçut aucun prix. Aujourd’hui encore, si l’on tape le nom de quark dans un moteur de
recherche sur internet, le premier nom qui vient est celui du physicien positiviste Gell‐
Mann qui ne croyait pas à leur réalité. Certes, c’est bien Gell‐Mann qui a donné le nom de
quark, mais dans le positivisme justement, c’est bien le nom qui compte.
6‐ Le boson de Higgs
En physique, on a une vision unifiée des interactions. Ce sont toutes des théories de
Yang‐Mills, c’est‐à‐dire des théories de jauges qui correspondent à des connexions sur
des espaces fibrés. Une symétrie globale est transformée en symétrie locale, et il
apparaît ainsi une telle connexion. Un espace fibré est par exemple une tête avec ses
cheveux. En chaque point de la tête il y a un cheveu. La connexion permet d’associer à
une longueur d’un cheveu, par continuité, une longueur sur le cheveu à côté.
Comme le prédisait Newton, l’interaction est alors assurée par l’échange d’une particule
qui n’est pas de la matière, appelée boson d’interaction. Mais dans les théories de
symétries de jauge, le boson a forcément une masse nulle, ainsi d’ailleurs que les
fermions particules de matière, pour que le Lagrangien soit invariant par un changement
de jauge local. Ainsi, l’interaction faible s’exerce sur les fermions d’une certaine hélicité,
mais pas de l’autre. L’hélicité de l’électron par exemple, doit donc être invariante, ce qui
impose qu’il va à la vitesse de la lumière et a donc une masse nulle. Or, l’interaction
faible est à très courte portée, ce qui implique que les bosons correspondants sont
massiques. En effet d étant la portée de l’interaction :
L’idée est que les bosons de l’interaction faible correspondants W et Z acquiert une
masse par brisure de symétrie, comme le fond d’une bouteille avec le point le plus bas au
centre qui devient le fond d’une bouteille de vin avec une bosse au centre. L’idée vient
du physicien Philip Anderson dans l’étude des supraconducteurs où avec l’effet Meissner,
le photon devient massique par interaction avec les paires de Cooper d’électrons. Il
apparaît alors la possibilité d’une vibration le long du cercle des points les plus bas auquel
et le boson virtuel assurant l’interaction peut apparaître.
∆E ∆t ≥~
2d = C ∆t ≤
~
2mC⇒
1
∆t≥
2mC2
~⇒ ∆E ≥
~
2∆t≥ mC
2
55/83
correspond un boson de masse nulle, car la vibration peut être de fréquence aussi basse
qu’on veut. C’est le boson de Goldstone dont l’existence vient du théorème de
Goldstone. Par contre, en mode radial, on a un oscillateur harmonique d’énergie de point
zéro non nulle, donc massique. Il lui correspond un boson massique, le boson de Higgs. Le
boson de Goldstone va à la vitesse de la lumière, mais est absorbé par le boson de jauge
qui devient massique. En effet, en Relativité restreinte, si on enferme dans une boîte de
masse nulle, une particule de masse nulle qui va à la vitesse de la lumière en
rebondissant à l’infini sur les parois, la boîte a alors une masse non nulle.
L’été 1964 Peter Higgs envoya un manuscrit à Physics Letters qui fut refusé. Il était en
effet écrit dans le langage de la théorie quantique des champs qui n’avait plus la cote du
fait que les positivistes de l’époque préféraient la matrice S plus phénoménologique.
Finalement, ce fut un bien, car Higgs ajouta à son texte les conséquences pratiques de sa
théorie dont l’existence du boson de Higgs. Il envoya son manuscrit à une autre revue,
Physical Review Letters le 31 août 1964. Il n’avait pas mentionné l’existence du Higgs
dans son premier papier, car dans le contexte d’une telle théorie, pour tous les
physiciens, c’était évident. Il est amusant de voir que c’est parce que des referees
positivistes étaient à ras des phénomènes que Higgs fut le premier à écrire noir sur blanc
l’existence de cette particule, dont la découverte lui fut donc attribuée et qui prit donc
son nom.
Steven Weinberg en 1967 utilisa cette théorie de Higgs pour unifier l’interaction
électromagnétique avec l’interaction faible. Pour cette unification, il eut le prix Nobel en
1979 avec Glashow et Salam.
À ce niveau, pour voir si une théorie est renormalisable, c’est‐à‐dire si on peut faire les
calculs avec des diagrammes de Feynman faisant intervenir un nombre aussi grand qu’on
veut d’états intermédiaires virtuels, les intégrales divergentes associées pouvant être
éliminées en utilisant les paramètres physiques mesurables, comme les charges et les
masses, il faut faire des milliers de calculs et ce n’est plus faisable à la main.
Tini Veltman inventa un programme informatique capable de calculer les amplitudes de
tous ces diagrammes de Feynman automatiquement. Un étudiant de Veltman, Gerard ‘t
Hooft entrepris alors de démontrer la renormalisabilité de la théorie électrofaible
utilisant le boson de Higgs pour obtenir des particules massives.
Il montra d’abord que si les bosons de l’interaction ont une masse nulle, la théorie est
renormalisable. Puis il montra que si on met les masses à la main, comme le faisait
Feynman (modèle de Glashow), ce n’est plus le cas. L’ajout des masses à la main, brise en
effet l’invariance de jauge. Mais si les masses s’obtiennent par interaction avec un boson
scalaire, d’une manière incroyable, ce n’est plus pareil, et la théorie est renormalisable.
56/83
Les physiciens disent que ce qu’il a fait est aussi beau que la démonstration du théorème
de Fermat, car on arrive à un miracle mathématique. Des milliers de termes qui divergent
arrivent à s’éliminer les uns les autres par magie. Il est donc vrai que le boson de Higgs
existe, parce qu’en faisant appel à lui, la théorie est renormalisable, toutes les prédictions
théoriques de durées de vies de particules et de sections efficaces de diffusions étant en
accord avec l’expérience.
Il est à noter que ‘t Hooft utilise la technique des intégrales suivant les chemins (path
integrals) de Feynman, qui est la version la plus réaliste de la mécanique quantique,
puisque tout est exprimé en fonction de particules, et qui était très peu utilisée à
l’époque. À chaque comportement de la particule, et à chaque chemin possible suivi,
correspond une amplitude, et on somme les amplitudes.
Gerard ‘t Hooft et Veltman sont prix Nobel de physique 1999 pour leurs travaux sur la
théorie électrofaible et la brisure spontanée de symétrie.
En conclusion, c’est en utilisant une méthode très concrète et très originale, découverte
par un physicien réaliste, Feynman (path integrals), que ‘t Hooft a réussi à démontrer que
la théorie électrofaible est renormalisable. D’autre part, on voit qu’on a affaire à des
mathématiques très compliquées mais contraintes, et que c’est à l’issue d’un miracle
mathématique sorti d’un ordinateur que le fait que la théorie soit renormalisable, donc
qu’elle est viable, soit démontré. On voit donc que les physiciens travaillent avec des
théories très contraintes. Il est impossible de bricoler des théories fumeuses analogues
aux épicycles de Ptolémée. Si cela marche, c’est forcément que la théorie est vraie.
Comme dit Einstein, c’est qu’on a touché la queue du Lion. Le formalisme actuel très
rigide du modèle standard de la physique des particules le met donc à l’abri d’une
certaine manière des dégâts que pourraient causer les positivistes. On voit aussi que,
systématiquement, ce sont les physiciens réalistes, et utilisant des théories ou méthodes
venant du réalisme, qui font avancer la physique.
On peut craindre que ce ne soit pas le cas pour la théorie des cordes, ou la gravitation
quantique à boucle, qui sont peut‐être des théories moins contraintes, et où de
nombreux physiciens positivistes sont présents.
7‐ La cosmologie
On pourrait craindre que la cosmologie actuelle soit une théorie fumeuse positiviste, où à
chaque difficulté, on invente une hypothèse ad hoc pour la résoudre : on invente le Big
Bang pour expliquer le rayonnement fossile ; l’inflation pour expliquer l’homogénéité de
l’Univers ; la matière noire pour expliquer la courbe de vitesse des étoiles dans les
galaxies ; l’énergie noire pour expliquer l’accélération de l’Univers ; ceci d’autant plus
57/83
qu’on voit que des cosmologistes en vue comme Aurélien Barrau sont totalement
positivistes. On serait ainsi dans une logique de super épicycles complètement fausses.
Tel n’est pourtant pas le cas :
L’hypothèse de la matière noire est là pour sauver la Relativité générale qui est vraie et
son hypothèse se place donc dans une démarche réaliste. Une piste est donnée par les
trous noirs primordiaux apparus juste après le Big Bang.
En Relativité générale, il ne peut pas exister de masses négatives. En effet, le principe
d’équivalence implique que toutes les masses accélèrent de la même façon devant un
objet attracteur. Il en est donc ainsi des masses négatives. Donc une masse négative est
attirée par une masse positive. Par contre, pour ce qui est de la création de la gravitation
par une masse, avec l’équation du champ, le signe compte. Donc une masse négative
repousse toutes les masses. La loi des signes pour les attractions répulsions des masses
est donc : + attire + et ‐ ; ‐ repousse + et ‐. Imaginons alors sur une ligne, une masse
positive à droite et une masse négative à gauche. La masse négative repousse la masse
positive qui accélère vers la droite, tandis que la masse positive attire la masse négative
qui prend la même accélération vers la droite. L’ensemble des deux masses accélère avec
la même accélération vers la droite, sa quantité de mouvement totale restant nulle. Un
tel mouvement s’amplifiant à l’infini est absurde.
Par contre la constante cosmologique s’introduit naturellement pour expliquer
l’accélération de l’expansion de l’Univers. Dans son équation du champ, Einstein cherche
à relier linéairement, une caractéristique de la courbure de l’espace‐temps au tenseur
d’impulsion‐énergie qui caractérise d’une manière covariante, l’ensemble des masses‐
énergie attirant. Le tenseur d’impulsion‐énergie ayant une divergence nulle, il faut aussi
un tenseur ayant une divergence nulle. Tel est le cas du tenseur d’Einstein :
G = R ‐ g R ; R est le tenseur de Ricci, et g est le tenseur métrique. Ce dernier
tenseur a lui aussi une divergence nulle. Le tenseur : R ‐ g R + g convient donc
également.
On peut donc écrire l’équation du champ :
R ‐ g R + g = ‐ ^
T soit R ‐ g R = ‐ ^ T +
^
g )
Le terme ^
g est alors considéré comme le tenseur d’impulsion‐énergie du vide.
Comme dans un référentiel galiléen, le tenseur métrique est diagonal de termes
1 ‐ 1 ‐ 1 ‐ 1, il se comporte comme un fluide de densité volumique d’énergie C^2 et de pression p telle que C^2 = ‐ p. On a donc une masse volumique positive et une pression
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négative, c’est‐à‐dire une tension. Comme il y a trois termes de pression et un terme de
densité d’énergie, et que toutes les composantes du tenseur d’impulsion‐énergie
agissent gravitationnellement, l’effet global est répulsif, et, même s’il est très faible, à
grande échelle, il explique l’accélération de l’expansion de l’Univers. Un tel terme du
tenseur d’impulsion‐énergie du vide explique aussi naturellement les phases d’inflation
au début de l’Univers. La tension étant la même en tous les points de l’Univers, est
indétectable.
8‐ Conclusion
En conclusion, la physique actuelle, malgré certains effets faibles de ralentissement des
découvertes, n’a pas eu à souffrir du positivisme, parce qu’il y a beaucoup de physiciens
réalistes, et parce que la physique actuelle est très contrainte par la Nature, les
vérifications expérimentales étant nombreuses, et les théories mathématiques
correspondantes étant très rigides.
Il n’est pas évident que ce soit le cas pour les tentatives de gravitation quantique que
sont la théorie des cordes ou la gravitation quantique à boucle, ni également pour les
théories de super‐symétries essayant d’unifier l’interaction forte avec l’interaction
électrofaible. Mais bien sûr, c’est au‐delà de mes compétences de pouvoir donner un avis
sur ces théories.
Quand on voit que Carlo Rovelli, ami d’Aurélien Barrau, dans son livre : Reality is not
what it seems, dit « Les électrons n’existent pas toujours. Ils existent quand ils
interagissent : ils se matérialisent en un endroit quand ils entrent en collision avec
quelque chose d’autre. Le saut quantique d’une orbite à une autre constitue leur moyen
d’être réel : un électron est une combinaison de sauts d’une interaction à une autre. »
Tout ceci étant complètement positiviste, j’ai du mal à croire qu’il sortira quelque chose
de valable de la théorie de la gravitation quantique à boucle sur laquelle il travaille.
Carlo Rovelli fait des conférences avec le philosophe Michel Bitbol. Ce dernier affirme
que le Bouddhisme est très utile pour arriver à se convaincre qu’il n’y a rien à
comprendre à la mécanique quantique qui est une théorie purement phénoménologique
des faits expérimentaux. Dans un tel état d’esprit, aucune progression de la physique ne
peut avoir lieu : c’est signer la mort de la physique.
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Dans une de ses conférences avec Michel Bitbol, Carlo Rovelli argumente longuement sur
le schéma ci‐dessous où il y a un double passage au macroscopique :
C’est totalement contradictoire avec la théorie de la décohérence, qui est vraie dans le
cadre de la mécanique quantique qui est vraie. Il suppose que l’observateur le plus
macroscopique à droite peut voir le petit observateur macroscopique dans la
superposition de deux états des deux observations différentes de l’état quantique. C’est‐
à‐dire que si la particule est dans un état quantique |a> + |b>, il suppose que pour le grand observateur à droite, le petit observateur est dans la superposition :
|petit observateur observe a > + |petit observateur observe b >
Or la théorie de la décohérence montre que dans le premier passage au macroscopique,
la superposition des états disparaît. L’argument de Carlo Rovelli pour démontrer qu’il n’y
a pas de réalité objective en mécanique quantique, puisque la réalité observée dépend
de l’observateur est donc faux. Mais non seulement cette théorie de la mécanique
quantique relationnelle est théoriquement fausse, mais elle est falsifiable. Considérons
en effet l’expérience suivante :
Electron
Ecran
Laser
60/83
Un électron dans un état combinaison linéaire de spin en haut et de spin en bas, par
exemple parce que son spin est horizontal, arrive dans une boîte où il y a un appareil de
mesure. Si l’appareil mesure le spin en haut, la lampe rouge s’allume, et si l’appareil
mesure le spin en bas, la lampe verte s’allume. Un observateur humain à l’intérieur de la
boîte abaisse alors le miroir du dessous pour laisser passer le faisceau laser si c’est la
lampe rouge qui s’allume. Le faisceau laser sort alors par le trou du bas. Si c’est la lampe
verte qui s’allume, l’observateur laisse le miroir, et le faisceau laser sort par le trou du
haut. Si comme l’affirme Carlo Rovelli, pour un observateur extérieur à la boîte, la
superposition des états existe encore, il verra de la lumière laser sortir par les deux trous,
et verra une figure d’interférence se former sur l’écran. Nul doute que Carlo Rovelli se
trompe, et qu’on verra la lumière sortir par un seul trou.
Finalement, donc, j’ai plus confiance en la théorie des cordes où il y a beaucoup de
physiciens réalistes, comme la physicienne Lisa Randall, qui croît qu’il y a une réalité
objective décrite par la fonction d’onde.
VII‐ Critique de l’interprétation relationnelle de la mécanique quantique
1‐ L’interprétation relationnelle
En 1994 Carlo Rovelli présente une interprétation relationnelle de la mécanique
quantique basée sur l’idée que l’état quantique d’un système n’est pas une réalité
objective indépendante de l’observateur, mais que chaque observateur décrit un état
quantique relatif à sa vision des choses. L’idée vient sans doute de la gravitation
quantique à boucle sur laquelle il travaille :
http://chaours.rv.pagesperso‐orange.fr/physique/Quant/qgrav.htm
où le temps émerge par des relations causales relationnelles entre des quantas d’espace
voisins. Il décrit très bien son interprétation dans son article :
https://arxiv.org/pdf/quant‐ph/9609002.pdf
Il dit page 1 : La notion ici rejetée est la notion d’état d’un système, absolu, c’est‐à‐dire
indépendant de l’observateur. Il pense que cette façon de voir les choses résout
définitivement les paradoxes et les problèmes d’interprétation de la mécanique
quantique, en particulier le problème de la mesure.
2‐ L’analogie avec la relativité restreinte
a) L’analogie. Il affirme page 2 qu’il y a une profonde analogie entre cette démarche et
celle d’Einstein qui dit que le temps n’est plus un absolu, mais est relatif au référentiel
choisi pour le mesurer. Mais il y a même une analogie avec la physique de Galilée, où la
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vitesse d’un objet n’est pas absolue, mais est relative au référentiel conventionnellement
choisi comme fixe, pour la mesurer.
b) Cette analogie est fausse. Je pense que cette analogie est fausse et est associée
inconsciemment à une conception aristotélicienne du mouvement où on attribue à
l’objet lui‐même cette qualité de mouvement. La réalité de l’objet dépend alors du
référentiel choisi pour la décrire.
Mais en réalité, vu de l’intérieur d’un objet, cette vitesse est toujours ressentie comme
nulle, et tout le monde est d’accord pour dire cela. De la même manière, tout le monde
est d’accord sur ce que signifie le temps propre mesuré par une horloge solidaire de
l’objet, et ce temps propre est une réalité objective indépendante de l’observateur. De la
même manière, tout le monde donne la même accélération ressentie par un passager à
l’intérieur d’un vaisseau spatial, cette accélération étant causée par une accélération de
ce vaisseau par rapport à un référentiel galiléen local. On voit donc que dans la relativité
d’Einstein, la réalité objective de l’objet, indépendamment de l’observation faite existe.
On sait parfaitement ce que ressent la personne étudiée, et tout le monde est d’accord
sur ce ressenti.
Au contraire, ce relativisme de Carlo Rovelli ne s’applique pas uniquement à des
grandeurs dès le départ relatives entre l’objet et l’observateur, mais va jusqu’aux
propriétés propres de l’objet, comme le fait pour un chat d’être mort ou vivant. Ainsi ce
que ressent le chat, c’est‐à‐dire le fait d’être vivant ou mort, ou une combinaison linéaire
des deux, dépend de l’observateur choisi pour le décrire. On va voir dans le paragraphe
suivant, que toute réalité objective disparaît ainsi définitivement et que l’on arrive
immanquablement à la philosophie du solipsisme, c’est‐à‐dire qu’il n’y a pour le sujet
pensant, pas d’autre certitude que sa propre existence.
Il y a eu beaucoup d’échanges dans les deux sens entre les philosophies et religions
occidentales et orientales, et sans doute que le bouddhisme provient en fait des hérésies
chrétiennes gnostiques, par l’intermédiaire du manichéisme.
3‐ Cette interprétation est un solipsisme
Carlo Rovelli prend l’exemple d’un système quantique S dans l’état quantique
|1> + |2>. Un observateur O peut alors lors d’une mesure trouver pour résultat 1 et
ensuite, le système S est nécessairement dans l’état |1>. Un observateur P peut alors
On rejoint le cogito de Descartes, et la religion gnostique, c’est‐à‐dire un positivisme
absolu. Il ne faut pas nous étonner que Carlo Rovelli, et le philosophe Michel Bitbol nous
recommandent le bouddhisme zen pour nous mettre à l’aise avec cette interprétation.
On sait que le bouddhisme zen est un solipsisme, c’est‐à‐dire un idéalisme philosophique.
62/83
décrire l’interaction entre les systèmes S et O, et voit l’ensemble de ces deux systèmes,
après interaction, dans l’état de superposition |1> |O1> + |2> |O2>. L’état |O1>
signifie : l’observateur O ayant trouvé le système S dans l’état |1> suite à la valeur 1
comme résultat de la mesure. Donc l’observateur O voit un chat mort par exemple,
tandis qu’un autre, P, décrit le monde comme constitué de la combinaison linéaire d’un
chat mort et d’un chat vivant. Cela implique que si ultérieurement P, fait une mesure
pour savoir si le chat est mort ou vivant, il peut le trouver vivant, et O étant d’accord avec
ce fait. Mais alors, quand l’observateur O voyait le chat mort, c’était une illusion.
Page 4 de son article, Carlo Rovelli fait une hypothèse fondamentale : Hypothèse 1 : Tous
les systèmes sont équivalents : Rien ne distingue à priori les systèmes macroscopiques
des systèmes quantiques. Si l’observateur O peut donner une description quantique du
système S, alors il est aussi légitime pour un observateur P de donner une description
quantique du système formé par l’observateur O. Page 5 il affirme alors : Les résultats de
mesures sont le contenu physique de la théorie. … En accord avec ce point de vue,
n’importe quoi entre deux résultats de mesures est comme la « non existante »
trajectoire des électrons.
Ci‐dessus page 59 Carlo Rovelli disait les électrons n’existent pas toujours. Or, comme
l’hypothèse 1 l’affirme, il ne fait pas de distinction du point de vue quantique, entre un
électron et un être humain. Cela veut dire que lorsque je ne vois pas la personne A par
exemple, parce qu’elle est partie en vacances, je peux considérer qu’elle n’existe pas. En
particulier, la question : « Où est cette personne sur la Terre en ce moment à l’instant t
de ses vacances ? » n’a pas de sens. Cela est bien la philosophie du solipsisme.
4‐ Contradiction avec la décohérence
Carlo Rovelli a bien perçu le problème que pose la décohérence. J’avais pensé à ce
problème avant de lire son article. Quand j’ai cherché, dans un premier temps sur
internet, une critique de l’interprétation relationnelle de la mécanique quantique, malgré
des heures de recherche, je n’ai rien trouvé. C’est finalement en tombant sur son article,
dans un deuxième temps, que j’ai vu qu’il avait fait une partie sur les objections qu’on
pouvait faire à sa théorie. Il faut donc reconnaître à Carlo Rovelli d’être le seul à émettre
des critiques potentielles sur sa théorie.
Page 5 il dit : Objection 5 : Suite à l’effet de décohérence lors de l’interaction entre S et O,
les interférences deviennent infiniment petites. Si elles sont suffisamment petites, elles
sont inobservables, et donc, la variable q mesurée vaut 1, et cela devient une propriété
absolue de S qui est vraie et absolument déterminée, même si elle est inconnue de P, qui
pourra la mesurer n’importe quand, et ne verra pas d’effet d’interférence.
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C’est exactement mon objection.
Mais il dit aussitôt que : c’est faux, car l’effet de décohérence dépend de l’observation
future que P fera.
Il suppose donc que la décohérence produite par P est indépendante de celle produite
par O. C’est là je pense, qu’il se trompe. Tant que P n’interagit pas ni avec S ni avec O, il
peut bien considérer que l’ensemble des deux est dans l’état |1> |O1> + |2>
Que se passe‐t‐il s’il cherche à interagir avec S et O pour faire une mesure ? Il interagit
avec deux systèmes totalement intriqués quantiquement par la décohérence ; et il est lui‐
même, avec une vitesse foudroyante, totalement intriqué quantiquement par cette
décohérence. Cela veut dire que la décohérence qui a donné le résultat 1 lors de la
mesure de O, lui est pratiquement instantanément transmise, dès qu’il essaye d’interagir
avec S et O. P ne pourra trouver que le résultat 1 et O1 ! Si l’on croît en une réalité
objective, le système après décohérence avec O est dans l’état |1> |O1>, et P ne
pourra rien faire d’autre que constater cela.
Autrement dit, la décohérence de P n’est pas indépendante de celle de O. Extrêmement
rapidement, la décohérence provoquée par O et ayant donné le résultat 1 se propage et
se transmet à P, qu’il le veuille ou non, et sans qu’il ne s’en rende compte. O et S étant
macroscopiques, ne sont pas séparables.
Ainsi, aucune expérience ne pourra plus jamais faire voir par P que S et O sont dans un
état de combinaison linéaire |1> |O1> + |2> |O2>, puisque la décohérence ayant
fait disparaître les interférences correspondantes est immédiatement transmise à P lors
d’une interaction avec P, si P cherche à faire une mesure sur S et O. Il ne correspondra
donc plus jamais aucun élément de réalité à cette combinaison linéaire. Donc c’est une
certitude théorique que l’état |1> |O1> + |2> |O2> est indétectable par P. Il reste
que Carlo Rovelli peut toujours dire que dans un premier temps, O a mesuré 1, puis que
quand P arrive et mesure, il trouve 2 et O2, puisque la décohérence n’explique pas
l’unicité des faits. Mais c’est une affirmation non testable, et pas plus plausible du point
de vue de la pure théorie que le fait que P trouve 1 et O1, et qui permet juste de sauver le
solipsisme.
La conclusion de tout cela est que, dans l’exemple ci‐dessus page 60, de la boîte avec le
laser, P ne pourra pas observer d’interférences sur l’écran, puisque l’intrication
quantique entre l’électron et la boîte détruisant de telles interférences lui est transmise
|O2>, mais prenant Carlo Rovelli au pied de la lettre, puisqu’il n’interagit pas avec
l’ensemble de S et de O, ce qu’il peut bien dire sur S et O n’a à ce moment aucun sens et
aucun intérêt.
64/83
lorsqu’il essaye de faire la moindre mesure. On pourra juste dire pour sauver le
solipsisme, que la lampe rouge s’est allumée, puis que quand P arrive pour regarder
l’écran, tout permute et que c’est la lampe verte qui s’est allumée. Mais on est dans la
pure philosophie.
Je pense donc que l’hypothèse 1 de Carlo Rovelli est fausse. Tous les systèmes
quantiques ne sont pas équivalents. Il y a des systèmes quantiques microscopiques,
comme un photon traversant des fentes d’Young lors d’une expérience d’interférence, et
qui ne sont donc pas soumis à la décohérence, et des systèmes macroscopiques soumis à
la décohérence, et qui dès qu’ils entrent en interaction donnent le même résultat de
mesure, puisqu’ils sont traversés par la même décohérence. Et tout cela est quantifiable,
puisqu’on peut donner des temps de décohérence.
C’est cette hypothèse 1 qui mène au solipsisme et qui est à mon avis contradictoire avec
la décohérence qui est déduite rigoureusement du formalisme de la mécanique
quantique.
En tout cas, elle est contradictoire avec la réduction du paquet d’onde par un objet
macroscopique dans l’interprétation de Bohr, interprétation dite de Copenhague. Dans
cette interprétation, il n’est jamais question de la réduction du paquet d’onde d’un objet
macroscopique, comme l’état précédent intriqué |1> |O1> + |2> |O2>.
Page 4 de son article, Carlo Rovelli dit : Bien sûr, je n’ai pas de preuve de l’hypothèse 1.
Carlo Rovelli nous laisse donc libre de rejeter cette hypothèse, ce que je fais, et donc de
considérer que l’interprétation relationnelle de la mécanique quantique est fausse.
5‐ Quelques précisions
Ce paragraphe s’inspire de ce qui est dit dans le livre de Roland Omnès : Comprendre la
mécanique quantique, édition EDP sciences 2000.
Carlo Rovelli ne fait pas la différence entre les mesures réelles, et les mesures idéales à la
von Neumann. C’est normal, puisque Carlo Rovelli n’est pas réaliste, mais idéaliste, c’est‐
à‐dire adepte de la philosophie du solipsisme.
Dans une mesure idéale, on considère qu’après la première mesure, l’état quantique est
bien |1> |O1> + |2> |O2>. Mais il faut tenir compte de l’intrication quantique avec
l’environnement. Donc l’état quantique est en fait |1> |O1> |environnement1> + |2>
|O2> |environnement2>. von Neumann, ainsi d’ailleurs que Schrödinger, considère
que l’opérateur densité associé à cet état est accessible à une mesure. Dans ce cas, oui,
les interférences existent encore. Mais en réalité, seul l’opérateur densité réduit où
l’environnement n’intervient pas est accessible à une mesure, et cet opérateur devient
65/83
Bell (1975) considérait que les mesures idéales étaient possibles, et donc que la
décohérence n’apporte pas la solution au problème de la mesure. Il en est ainsi de
d’Espagnat (1994).
Une quantité physique, comme les composantes de l’opérateur densité total, système +
environnement, n’a de sens que si elle peut être mesurée. Cette phrase n’est pas
positiviste. Elle ne nie pas l’existence de concepts non reliés directement à l’expérience.
Mais ce ne sont pas les symboles mathématiques qui ont le dernier mot, c’est la réalité.
Un concept mathématique à l’intérieur d’une théorie peut décrocher de la réalité. En
effet, de toute façon, la réalité est plus complexe que toute description mathématique de
cette dernière. Il n’y a donc jamais isomorphisme absolu et total entre la réalité et les
mathématiques. Ici, le concept qui décroche de la réalité est celui d’état pur intriqué avec
l’environnement. Un tel état est non mesurable comme nous allons le voir, et il ne lui
correspond plus aucun élément de réalité.
L’objection de Bell et d’Espagnat (et Carlo Rovelli) au fait que la décohérence résout
définitivement le problème de la mesure est suivant Omnès la suivante :
Supposons qu’un système macroscopique, composé d’un objet quantique à mesurer et
d’un appareil de mesure, soit initialement dans un état pur. La théorie de la décohérence
montre bien qu’aucune interférence macroscopique détectable ne subsiste après la
mesure. Bell et d’Espagnat ne contestent pas la validité pratique de cette conclusion,
mais ils nient son caractère fondamental. … Bell et d’Espagnat font remarquer que l’état
pur initial du système (mesuré + mesurant) reste nécessairement pur, d’après la linéarité
de la dynamique quantique. Ils notent qu’il est toujours mathématiquement possible
d’identifier un état pur |> comme étant effectivement pur. Il suffit pour cela, par
exemple, de tester si la propriété du projecteur |><| a la probabilité 1. Si l’on admet
avec von Neumann que toute observable est mesurable en principe, la mesure de ce
projecteur révélera la survivance de la pureté initiale. … Ceux qui contestent cet
argument (dont le présent auteur) font remarquer les points suivants.
Un objet macroscopique ne peut jamais être dans un état pur…
Il est faux que tout observable soit mesurable, car une mesure repose sur les
interactions existantes entre particules élémentaires, ce qui est extrêmement restrictif.
diagonal par la décohérence, et tout effet d’interférence disparaît. Si l’on fait une
nouvelle mesure, on repart de l’état quantique défini par cet opérateur, où on a laissé le
résultat de la mesure seul. Tout a été oublié des interférences d’avant la décohérence, ce
qui correspond bien à la réduction du paquet d’onde selon l’interprétation de
Copenhague.
66/83
Quand on essaie de concrétiser l’idée de Bell en considérant un système
macroscopique S ayant N degrés de liberté, soumis à une mesure effectuée par un
appareil S’ ayant N’ degrés de liberté, la suppression des effets de décohérence exige que
N’ croisse exponentiellement avec N (Roland Omnès : The Interpretation of Quantum
Mechanics ; Princeton Series in Physics ; 1994 ; Chapitre 7 ; paragraphe 8 ; One Cannot
Circumvent Decoherence ; page 307). On se retrouve donc très vite dans le cas des
appareils plus grands que l’univers …
. … L’existence d’un domaine classique, interprétable par le sens commun, apparaît
comme inséparable de l’abondance de matière dans l’univers où nous sommes.
Une autre réponse a été donnée par Asher Peres (1980). Il montre que le
fonctionnement d’un appareil extérieur qui restaurerait un état pur après la première
mesure devrait violer le second principe de la thermodynamique.
6‐ La question de l’objectification
Ce qui est dit ici est encore tiré du livre d’Omnès. La question de l’objectification est la
suivante : comment expliquer que le résultat concret d’une mesure soit unique, alors que
la théorie ne peut que mettre tous les résultats possibles sur le même pied ?
Un aspect évident mais souvent oublié de la réalité est que son existence et son unicité
ne résulte jamais de la théorie. Même en physique classique, l’unicité de la réalité doit
être postulée, ce que fait Newton par exemple, quand il pose l’existence de l’espace
absolu. Il faut ensuite postuler l’existence d’une réalité unique, ne serait‐ce qu’à un
instant initial.
Deux données distinctes ne peuvent pas résulter simultanément d’une mesure quand
elles sont décrites par des propriétés classiques mutuellement exclusives.
Il n’y a donc pas à expliquer pourquoi une seule donnée apparaît, à l’issue d’une mesure,
car la logique même de l’interprétation ne pourrait rien énoncer d’autre.
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VIII Expérience de la gomme quantique à choix retardé
1- Le problème du temps
Quand on cherche à quantifier directement la théorie de la Relativité généraled’Einstein, on est obligé de prendre le formalisme hamiltonien. Mais le temps doitêtre une variable dynamique, ce ne peut être un paramètre, comme dans la théo-rie quantique des champs. L’équation de base est alors l’équation de Wheeler-deWitt H|ψ >= 0 où le temps n’intervient pas. Il n’y a plus que deux options :soit dire que le temps est une illusion, soit essayer de voir comment le tempspeut émerger de la théorie. Carlo Rovelli dans ses livres et dans ses interviewsdans les médias et dans les journaux choisit la première option et affirme quec’est une certitude acquise que le temps est une illusion.
Ainsi dans le Figaro du jeudi 22 mars 2018, il y a un grand titre :
Carlo Rovelli : “La notion de présent n’a pas vraiment de sens ”. Alors qu’onpeut penser d’un point de vue réaliste, que l’Univers n’existe localement, qu’auprésent local.
Carlo Rovelli doit alors nous dire comment construire une machine pour dia-loguer avec Vercingétorix, ou Ramsès II ! Ou alors, il pense que l’existence deces personnages relève d’une illusion. Mais alors c’est pire que le point de vuedes créationnistes qui disent que les fossiles sont une illusion.
À la question : Quelle place le temps occupe-t-il en mécanique quantique ? Ilrépond : “D’une certaine manière, aucune. Les équations qui décrivent les échellesles plus petites ne comportent aucune dimension temporelle. ”
On peut faire deux reproches à Carlo Rovelli :
1) Il affirme comme une certitude, ce qui n’est qu’une interprétation parmid’autres de la gravitation quantique à boucle, qui est une théorie non achevée.
2) Cette théorie n’est qu’hypothétique à l’heure actuelle, puisqu’elle n’est pasconfirmée par l’expérience, et en plus, il y a des théories concurrentes, comme lathéorie des cordes, et la géométrie non commutative. Il n’y a donc pas à prendretrès au sérieux ce que dit Carlo Rovelli.
Plus intéressant dans ce domaine est le paradoxe de l’expérience de la gommequantique à choix retardé, en anglais : Delayed choice quantum eraser, juste-ment parce qu’il s’agit d’une expérience réellement faite. Cela fait l’objet duparagraphe suivant.
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2- Description de l’expérience
Il y a plusieurs dispositifs expérimentaux de gomme quantique à choix retardé.Historiquement, le premier a été proposé par les physiciens M.O. Scully and K.Drühl (Phys. Rev. A 25, 2208 1982 quantum eraser) en 1982. Différents dispo-sitifs existent, en faisant des interférences avec des atomes ou des photons. Jepropose ici une expérience avec des photons, facile à comprendre, car elle utilisela polarisation de la lumière qui est un concept facile à comprendre en physiqueclassique. Il est tiré de l’article : Double-slit quantum eraser S.P. Walborn, M.O.Terra Cunha, S . Padua, and C. H. Monken 2000 ; 2002 The American PhysicalSociety.
On va complexifier l’expérience peu à peu. Dans un premier temps, on consi-dère l’expérience classique d’interférence des fentes d’Young qu’on trouve audébut de tous les livres de mécanique quantique.
On éclaire en incidence normale avec de la lumière polarisée rectilignement,le champ électrique étant dirigé suivant une verticale, un plan vertical où il ya deux fentes d’Young. La lumière se propage horizontalement. Les deux fentesd’Young ont des directions des fentes verticales, et les milieux de ces fentes sontsur la même horizontale. On observe sur un écran derrière, la figure classiqued’interférence.
Lorsque l’on regarde dans la direction de la lumière qui arrive, et qu’on voitla lumière venir vers nous suivant une horizontale, on définit dans un plan ver-tical perpendiculaire à l’arrivée de la lumière, un axe d’abscisse horizontal versla droite appelé H, et un axe vertical appelé V . On appelle alors A la pre-mière bissectrice qui fait un angle de π
4avec l’axe H, et B l’axe directement
perpendiculaire, qui fait donc un angle de π4
+ π2
avec l’axe A.
En regardant dans la direction d’où la lumière vient, on met alors juste devantla fente de gauche, une lame quart d’onde, dont l’axe rapide est porté par A,et dont l’axe lent est porté par B. Elle transforme la lumière polarisée recti-lignement en lumière polarisée circulairement gauche. Devant l’autre fente, onmet une lame quart d’onde avec l’axe rapide porté par B, et l’axe lent portépar A. Elle transforme la lumière polarisée rectilignement qui arrive en lumièrepolarisée cirulairement droite.
Le figure d’interférence disparaît. En effet, considérons un point de l’écran. Ily a deux champs électriques de mêmes normes E qui tournent à la même vitesseangulaire mais en sens inverse. La direction où ils se confondent dépend du pointde l’écran choisi, en fonction du déphasage des deux ondes associées, mais leur
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somme vectorielle, qui est alors toujours dans la direction ainsi définie, oscillesinusoïdalement dans cette direction avec une amplitude égale à 2E. Il n’y apas variation de cette intensité en fonction du déphasage des deux ondes, doncpas d’interférence.
Faisons maintenant une interprétation quantique de ce qui se passe en termesde photons. On peut savoir par quelle fente est passé le photon. En effet, mettonsun polariseur circulaire gauche sur l’écran. Si la lumière passe, c’est que le photonest passé par la fente de gauche. Si la lumière ne passe pas, c’est que le photonest passé par la fente de droite, en prenant ainsi une polarisation circulaire droitede spin −~.
Il est donc possible si on le veut, à partir du moment où on a mis les deux lamesquart d’ondes, de savoir par où le photon est passé. Donc le photon s’est comportécomme une particule, et selon le principe de complémentarité de Bohr, il estimpossible de voir se manifester un aspect ondulatoire.
3- Gomme quantique à choix retardé
Mettons devant tout l’écran, contre cet écran, une grande feuille qui est unpolariseur rectiligne qui polarise dans la direction A. Là où le déphasage des deuxondes polarisées circulairement est tel que la somme vectorielle des deux champsélectriques est portée par la première bissectrice, on aura une forte intensité. Maislà où le déphasage des deux ondes fait que la somme vectorielle des deux champsélectriques tournants est portée par la deuxième bissectrice, l’intensité aprèstraversée du polariseur sera nulle. On revoit donc apparaître les interférences.
Interprétons quantiquement ce qui se passe : le photon est passé par les deuxfentes, puisqu’il y a des interférences. S’il y a une très grande distance entre lesfentes et l’écran, quand le photon passe les fentes, il n’y a pas encore le polariseurdevant l’écran. On décide ou non de le mettre, suivant notre libre arbitre, aprèsque le photon ait traversé les fentes. Donc le photon sait qu’on va le mettre,car il passe par les deux fentes. Il y a donc action du présent (quand on metle polariseur) sur le passé (quand le photon traverse les fentes). Mais on peutdire aussi que le polariseur a gommé l’information qui était : par quelle fente estpassé le photon.
Depuis le présent, on peut donc modifier le passé.
Soit le temps est alors une illusion, soit la physique ne peut pas parler de laréalité en dehors ponctuellement d’une mesure lors d’une interaction. On arrivealors donc à l’une ou à l’autre des deux conclusions de Carlo Rovelli (lui fait
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les deux !). Soit les photons n’existent pas en dehors de leurs détections, soit letemps est une illusion. Donc soit on n’est pas réaliste, mais si on l’est, le tempsest une illusion.
4- Influence du futur sur le passé
C’est là que les choses vont devenir remarquables. On produit deux photonsintriqués quantiquement par le processus de conversion paramétrique descen-dante spontanée (spontaneous parametric down conversion). On produit deuxphotons, dont l’un a une polarisation rectiligne suivant H, et l’autre suivantV , mais on ne sait pas lequel des deux est suivant H. Et ce n’est pas qu’onne connait pas cette information, mais qu’elle n’existe pas. La vérification del’inégalité de Bell montre qu’il n’y a pas de variables cachées en mécaniquequantique, et que lors d’une mesure sur un des photons, le fait de trouver pourla polarisation H ou V est un phénomène aléatoire sans cause. Mais bien sûr, sion trouve H pour un photon, on trouvera V sur l’autre.
On suppose, ce qui n’est pas vrai dans la réalité, mais ne pose pas de pro-blème pour la discussion de l’expérience, que le photon qui donnera lieu à lafigure d’interférence se propage dans une direction vers la droite en allant versle système des fentes, et que l’autre photon se déplace dans la même direction,mais en sens inverse vers la gauche. On suppose alors que le photon qui va versla droite touche l’écran un an avant que le photon qui va vers la gauche soit dé-tecté. Mais on met un compteur à coïncidences où les deux capteurs sont reliéspar des fils électriques, et on est capable de savoir que les deux photons faisaientbien partie de la même paire intriquée.
On décide, et on a un an pour le décider, si le détecteur du photon de gaucheest à une année lumière de l’interféromètre, si on met le polariseur rectiligne quiva polariser le photon de gauche suivant A ou B, ou si on détecte le photon degauche sans mettre de polariseur. Ce que l’on constate est que lorsqu’on associe,grâce à un détecteur de coïncidence, les détections des photons de droite avecles détections des photons de gauche qu’on a polarisés rectilignement suivant A,on a une figure d’interférence. On a une figure d’interférence décalée d’une demilonguer d’onde si on polarise suivant B, et on n’a pas de figure d’interférence sion détecte le photon de gauche sans le polariser.
Cela veut dire que le futur peut influencer le passé. En effet, l’action de choisirde mettre le polariseur ou non dans un an, modifie la position de l’impact surl’écran du photon de droite un an avant. Donc le futur influence le passé, et lesmêmes conclusions sur la disparition du temps ou sur l’absence de réalité qu’auparagraphe précédent en découlent.
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5- Résolution du paradoxe
On résout le paradoxe dans ce pararagraphe. Le procédé mathématique seraitle même pour la résolution du paradoxe du paragraphe d’avant. Nous allons voirque la réalité existe bien, que le présent ne peut pas influencer le passé, et quele futur ne peut pas influencer le passé. C’est juste que le comportement desparticules intriquées en mécanique quantique est un peu bizarre selon notre senscommun, et que la décohérence d’un système quantique intriqué peut n’être quepartielle. De plus, en fait, le photon passe toujours par les deux fentes.
Les indices d et g indiquent s’il s’agit du photon de droite ou du photonde gauche, et H et V désignent l’état de polarisation rectiligne. Au départ,l’état quantique intriqué du système des deux photons peut être pris, pour undéphasage adéquat des deux photons, sous la forme :
|Ψ >=1√2
(|H >d ⊗|V >g −|V >d ⊗|H >g)
Dans la suite, les indices 1 et 2 indiquent si le photon passe par la fente degauche (1) ou de droite (2).
|ψ1 >=1√2
(|ψ1H > ⊗|V >g −|ψ1V > ⊗|H >g)
|ψ2 >=1√2
(|ψ2H > ⊗|V >g −|ψ2V > ⊗|H >g)
ψ1H signifie : fonction d’onde du photon ayant passé par la fente 1 (fente degauche en regardant la lumière qui arrive), et de polarisation rectiligne parallèleà l’axe horizontal H. |V >g signifie état quantique du photon de gauche polarisérectilignement verticalement.
Les deux états quantiques |H > et |V > sont orthogonaux ; donc |V > g • |H >g= 0.
‖Ψ(x)‖2 = ‖ < x| (|ψ1 > +|ψ2 >) ‖2 =1
2‖ (< x|ψ1H > + < x|ψ2H >) |V >g
− (< x|ψ1V > + < x|ψ2V >) |H >g ‖2
=1
2‖ [ψ1H(x) + ψ2H(x)] |V >g − [ψ1V (x) + ψ2V (x)] |H >g ‖2
=1
2
[‖ψ1H(x) + ψ2H(x)‖2 + ‖ψ1V (x) + ψ2V (x)‖2
]= ‖ψ1(x)+ψ2(x)‖2 ⇒ interférences
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Regardons ce qui se passe quand on met les lames quart d’ondes.
On a pour l’indice i = 1 ou i = 2, A et B désignant les états de polarisationsrectilignes suivant la première et la seconde bissectrice :
|ψiH >=1√2
(|ψiA > −|ψiB >) |ψiV >=1√2
(|ψiA > +|ψiB >)
|H >g=1√2
(|A > −|B >) |V >g=1√2
(|A > +|B >)
Le signe ∝ signifiant proportionnel à, on a :
|ψ1 > +|ψ2 >∝ (|ψ1A > −|ψ1B >)⊗(|A > +|B >)−(|ψ1A > +|ψ1B >)⊗(|A > −|B >)
+ (|ψ2A > −|ψ2B >)⊗(|A > +|B >)−(|ψ2A > +|ψ2B >)⊗(|A > −|B >)
Après le passage par les lames quart d’ondes qu’on peut mettre juste derrièreles fentes, plutôt que juste devant, on a, avec i2 = −1, l’état quantique :
i|ψ1A > ⊗|A > +i|ψ1A > ⊗|B > − |ψ1B > ⊗|A >− |ψ1B > ⊗|B >
−i|ψ1A > ⊗|A > +i|ψ1A > ⊗|B > − |ψ1B > ⊗|A >+ |ψ1B > ⊗|B >
|ψ2A > ⊗|A > + |ψ2A > ⊗|B > −i|ψ2B > ⊗|A >− i|ψ2B > ⊗|B >
−|ψ2A > ⊗|A > + |ψ2A > ⊗|B > −i|ψ2B > ⊗|A >+ i|ψ2B > ⊗|B >
Juste avant l’impact sur l’écran du photon de droite, et avant la détection duphoton de gauche, l’ensemble des deux photons est dans l’état quantique :
∝< x| [(i|ψ1A > +|ψ2A >) ⊗ |B > − (|ψ1B > +i|ψ2B >) ⊗ |A >]
=[
ψ1A(ϕ+π
2, x) + ψ2A(ϕ, x)
]
|B > −[
ψ1B(ϕ, x) + ψ2B(ϕ+π
2, x)
]
|A >
On voit donc que de toute façon, le photon passe par les deux fentes.Il y a alors trois interprétations différentes de cette formule, suivant le dispo-
sitif expérimental :
Première interprétation : on ne détecte jamais le photon de gauche
On a |A > •|B >= 0. Donc :
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‖[
ψ1A(ϕ+π
2, x) + ψ2A(ϕ, x)
]
|B > −[
ψ1B(ϕ, x) + ψ2B(ϕ+π
2, x)
]
|A > ‖2
= ‖ψ1A(ϕ+π
2, x)+ψ2A(ϕ, x)‖2+‖ψ1B(ϕ, x)+ψ2B(ϕ+
π
2, x)‖2 = 1+ cos δ+1− cos δ ∝ 1
et il n’y a pas d’interférences, bien que le photon soit passé par les deux trous.
Deuxième interprétation : on détecte le photon de gauche avant lephoton de droite
Si on détecte le photon de gauche dans l’état |B >, alors avant l’impact, lafonction d’onde du photon de droite se projette sur l’état
ψ1A(ϕ+π
2, x) + ψ2A(ϕ, x)
Si le détecteur de coïncidences repère bien l’impact sur l’écran du photoncorrélé avec le photon de gauche détecté à distance avec la polarisation indiquée,on voit qu’il se positionne sur l’écran, sur la figure d’interférence décrite par cetteformule.
La frange centrale est décalée d’un quart de longueur d’onde vers la droite,pour compenser l’avance de phase de un quart de longueur d’onde de l’ondepassant par la fente 1.
Si on détecte le photon de gauche dans l’état |A >, alors juste avant l’impact,de la même manière, le photon de droite est dans l’état
ψ1B(ϕ, x) + ψ2B(ϕ+π
2, x)
le système des franges est cette fois-ci décalé vers la gauche d’un quart de lon-gueur d’onde. On dit qu’on a des antifranges.
Troisième interprétation : l’impact sur l’écran du photon de droitea lieu avant la détection du photon de gauche
Pour un impact à la position x, la probabilité que plus tard le photon degauche soit détecté avec la polarisation |B > est alors proportionnelle à :
‖ψ1A(ϕ+π
2, x) + ψ2A(ϕ, x)‖2
tandis que la probabilité qu’il soit détecté dans la polarisation |A > est propor-tionnelle à :
‖ψ1B(ϕ, x) + ψ2B(ϕ+π
2, x)‖2
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Dans la base {|A > |B >}, l’opérateur densité du photon de gauche est alors :
‖ψ1B(ϕ, x) + ψ2B(ϕ+ π2, x)‖2 0
0 ‖ψ1A(ϕ+ π2, x) + ψ2A(ϕ, x)‖2
Pour ce photon, il y a donc une décohérence partielle de polarisation provoquéepar l’impact en x du photon de droite et transmise instantanément à distancepar l’intrication quantique. Cette décohérence est totale sur l’état |A > ou l’état|B > suivant que x est tel que le premier ou le deuxième terme diagonal del’opérateur densité soit nul. Dans un tel cas, l’impact du photon de droite surl’écran, polarise totalement et instantanément le photon de gauche.
Colorons alors en bleu par exemple, les impacts de photons sur l’écran détectésen coïncidences avec ultérieurement le photon de gauche détecté polarisé suivant|B >. Ils seront répartis, à cause de la loi de probabilité définie par l’opérateurdensité, suivant le système de franges définis par :
‖ψ1A(ϕ+π
2, x) + ψ2A(ϕ, x)‖2
en effet, lorsque la fonction ci-dessus vaut par exemple 0, cette probabilité estnulle, l’état quantique du photon de gauche étant alors avec certitude |A >. Onne pourra jamais détecter un photon de gauche dans l’état quantique |B >, etle détecteur ne détectera aucune coïncidence, et il n’y aura aucun impact coloréen bleu à cet endroit. Réciproquement, si cette fonction de x est maximale, lephoton est dans le pur état quantique |B >, et il y aura un très grand nombred’impacts colorés en bleu avec des détections de photons gauches avec cettepolarisation. Le nombre de coïncidences détectées, suivant la valeur de x, estdonc bien décrit par cette fonction.
On aurait exactement la même discussion avec les antifranges colorées enrouge par exemple, avec la détection du photon de gauche dans l’état |A >.
La figure à la page suivante résume les différentes solutions.
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En conclusion, le paradoxe est résolu, l’option réaliste est possible, le tempsexiste et il n’y a pas de rétroaction du futur sur le passé.
Pas de détection du photon de gauche
Franges
Antifranges
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IX‐ D’autres manifestations du positivisme
1‐ Ludwik Fleck
Thomas Kuhn avec sa théorie des paradigmes, s’est inspiré de Ludwik Fleck. Fleck fit des
études de médecine et fut particulièrement un bactériologiste. Il publia son livre en
allemand en 1935. Il est traduit en français chez Champs sciences, Flammarion 2008 :
Genèse et développement d’un fait scientifique.
Il développe le concept de collectif de pensée. Ainsi il dit page 52 :
De la même manière, nous ne pouvons décider, pour ce qui concerne d’autres idées
originelles, par exemple la pré‐idée grecque d’atome ou la pré‐idée d’élément, si elles
furent, à leur époque, justes ou fausses, car elles correspondent à d’autres collectifs de
pensée, à d’autres styles de pensée. Elles ne sont pas adaptées aux pensées scientifiques
d’aujourd’hui, tandis que pour leurs créateurs elles étaient, à n’en pas douter, justes.
Remarquons déjà, pour dévaloriser les Grecs, l’utilisation du mot pré‐idée qui n’existe pas
dans le dictionnaire. Cet emploi systématique de mots dévalorisants pour parler
d’opinions de gens avec lesquels on n’est pas d’accord est abondamment utilisé en
politique à l’heure actuelle, et place l’auteur de ces propos en dehors du champ de la
pensée rationnelle comme l’a bien vu Karl Popper.
D’autre part il est affirmé qu’on ne peut pas trancher à notre époque, sur le caractère
vrai ou faux de cette idée grecque d’atome, car elle correspond à un autre collectif de
pensée. Même si les Grecs ne firent pas d’expériences pour valider expérimentalement
leur idée d’atome. Il s’agit bien pour le physicien d’une idée vraie et géniale. Cette idée
fut reprise par Newton. Citons le encore ici :
Toutes ces Choses étant considérées, il me semble probable que Dieu au commencement
forma la Matière avec des Particules solides, massives, dures, impénétrables et mobiles,
de telles Tailles et Formes, et avec d’autres Propriétés, et avec une telle Proportion avec
l’Espace, pour arriver aux Fins pour lesquelles Il les forma ; et que ces Particules
primitives étant Solides et incomparablement plus dures que n’importe quel Corps
poreux composé de ces particules ; même si dures, qu’elles ne peuvent se déformer où
se briser en Morceaux ; aucun Pouvoir ordinaire ne pouvant diviser ce que Dieu lui‐même
fit en premier lors de la Création… Et ainsi, que la Nature peut durer, le Changement des
Choses ordinaires étant causé uniquement par des Séparations et nouvelles Associations
et Mouvements de ces particules permanentes.
Et le concept d’atome est bien apparu pour résoudre le paradoxe et la contradiction
relevés par le grec Héraclite, du changement et de la persistance. Comment expliquer en
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effet, que des substances, comme l’eau par exemple, restent identiques à elles‐mêmes
quels que soient les traitements subis, alors qu’en particulier, les substances organiques
se dégradent. Mais par contre, les espèces vivantes, gardent leurs formes, malgré de
lents changements évolutifs, au fil des générations. Le concept d’atome à nombre de
degrés de liberté fini, résout également le paradoxe de Boltzmann. En effet, avec le
théorème d’équipartition de l’énergie qui affecte kB T pour chaque degré de liberté,
pour avoir une capacité thermique finie, il faut un nombre fini de degrés de liberté
excitable, donc en particulier un atome indéformable à basse énergie.
Cette théorie des Grecs Démocrite et Épicure est reprise (début du livre deuxième) dans
le livre De la Nature (De Natura Rerum) du poète et philosophe romain Lucrèce (98‐55
avant Jésus Christ), où on voit d’ailleurs un lien avec l’expérience apparaître :
Si tu penses que les atomes, principes des choses, peuvent trouver le repos et dans ce
repos engendrer toujours de nouveaux mouvements, tu te trompes et t’égares loin de la
vérité. Puisqu’ils errent dans le vide, il faut qu’ils soient tous emportés, soit par leur
pesanteur propre, soit par le choc d’un autre corps. Car s’il leur arrive dans leur agitation
de se rencontrer avec choc, aussitôt ils rebondissent en sens opposés : ce qui n’a rien
d’étonnant puisqu’ils sont corps très durs, pesants, denses, et que rien derrière eux ne
les arrête.
Ce que veut dire ici Lucrèce, c’est que pour des particules pesantes dans le vide, le
mouvement est une nécessité logique. Cela me fait penser à une question d’un enfant de
CM2 : Pourquoi tout l’air ne tombe‐t‐il pas par terre ? On voit donc que ce que Fleck
nomme pré‐idée ni vraie ni fausse est donc déjà une théorie complète et cohérente qui
implique logiquement l’agitation thermique ! Quel mépris pour ces géniaux anciens !
Une autre raison d’observer attentivement les corpuscules qui s’agitent en désordre dans
un rayon de soleil, c’est qu’une telle agitation nous révèle les mouvements invisibles
auxquels sont entraînés les éléments de la matière. Car souvent tu verras beaucoup de
ces poussières, sous l’impulsion sans doute de chocs imperceptibles, changer de
direction, rebrousser chemin, tantôt à droite, tantôt à gauche et dans tous les sens. Or,
leur mobilité tient évidemment à celle de leurs principes
Il s’agit là d’un raisonnement tout à fait identique à celui correspondant au mouvement
Brownien, où des grains de pollens vus au microscope, sont animés d’un mouvement
incessant par le choc des molécules. Même si le mouvement réel des poussières est plus
dû aux mouvements de convection, l’idée est totalement géniale, d’autant plus qu’au
bout du compte, la convection est associée à la température, donc à l’agitation
thermique des molécules.
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Pour revenir à ce que dit Fleck et qui est faux, les Grecs ont vu juste. Mais cette théorie
positiviste du concept de collectif de pensée, met définitivement à l’abri un groupe de
pensée, d’une critique venant de l’extérieur de ce groupe, donc ne faisant pas partie du
collectif de pensée. Cette conception fausse de la science mène à une dérive sectaire de
la pensée en se plaçant définitivement à l’abri d’une pensée critique venant de l’extérieur
du groupe.
On peut citer aussi page 43 du livre de Fleck ou, suite à un texte disant que les erreurs
passées sont importantes, Fleck dit à quelqu’un qui pense que ces erreurs sont
surmontables et qu’elles ne sont d’aucunes importances :
À celui‐là doit être premièrement rétorqué qu’il n’y a vraisemblablement aucune erreur
qui soit totale, de même qu’il n’existe pas de vérités sans lacunes. Tôt ou tard un
remaniement de la loi de la conservation de l’énergie se révélera nécessaire.
Où il dit trois choses fausses en trois lignes. En particulier c’est en voulant à tout prix
préserver la loi de la conservation de l’énergie dans les désintégrations bêta, que
Wolfang Pauli en 1930 proposa l’existence du neutrino.
Citons aussi les stupidités page 44 :
‐Que nous le voulions ou non, nous ne pouvons parvenir à nous libérer du passé.
‐La syphilis ne doit pas être définie comme la maladie engendrée par la spiroch pallida.
2‐ La chute de l’Empire romain
Une des caractéristiques du positivisme est que l’on ne cherche pas à comprendre les
choses, mais simplement à les décrire. On veut tout ramener au formalisme. On est ainsi
rendu à penser que le formalisme suffit. Tel est le cas du néopositivisme du cercle de
Vienne qui voulait créer une novlangue automatique dans laquelle toute métaphysique
aurait disparu, en contradiction avec les deux théorèmes d’incomplétude de Gödel.
Il se trouve que l’économie se prête assez bien à un codage mathématique, là où la
psychologie, la culture et la description des civilisations sont beaucoup plus difficiles à
coder en langage mathématique. Pour l’évolution des sociétés humaines, la dérive
positiviste est alors de vouloir tout ramener à des causes économiques.
Prenons l’exemple de la chute de l’Empire romain. Deux explications antinomiques sont
possibles : une explication positiviste purement économique, donc une cause interne.
L’Empire romain serait devenu trop grand compte tenu des ressources énergétiques et
des moyens de communication et se serait effondré de lui‐même. L’arrivée des barbares
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étant accessoire et pacifique. L’autre explication fait appel à des causes externes.
L’Empire romain était parfaitement stable et viable, mais un concours de circonstances
dans l’évolution des peuples barbares aux frontières rendit leur invasion invincible.
La cause fut l’arrivée soudaine en Europe centrale dans les années 370 des Huns terrifiant
ces peuples et les forçant à migrer à l’intérieur de l’Empire romain.
Cela étant, des siècles de commerce avec l’Empire romain et de transfert de
technologies, en particulier guerrières, avaient profondément transformé les barbares
aux frontières, entraînant principalement une expansion démographique, et une
structuration politique en entités plus vastes et plus coordonnées, les rendant plus
dangereux pour l’Empire.
Relatons donc la première manifestation de l’arrivé des Huns, bien avant qu’Attila
n’attaque, dans une invasion massive, directement l’Empire romain au printemps 451, en
passant par la Gaule, avec, selon Jordanès, 500 000 combattants, pillant et saccageant
tout sur leur chemin. Cela se manifesta en premier en 376 (première vague : 376‐380),
par l’arrivée sur la rive nord du Danube de 200 000 réfugiés Goths fuyant les Huns, en
deux groupes comprenant chacun 10 000 guerriers et demandant l’asile. Ils ne
s’intégrèrent jamais politiquement à l’Empire romain, gardant leurs armes et leurs
structures politiques et culturelles. En complète rupture avec la politique habituelle de
Rome, ils furent ainsi autorisés à entrer sans le moindre contrôle. En fait l’Empire romain
fut submergé par cette vague massive et inattendue d’immigrants qu’il ne réussit pas à
gérer, la plus grande partie de l’armée étant mobilisée pour la lutte contre L’Empire
Perse en orient. Ces Goths se révoltèrent et deux ans plus tard, tuèrent l’Empereur
Valens, celui‐là même qui les avait reçus, à la bataille d’Andrinople. Ils furent finalement
placés pendant une période de reconquête romaine, par l’empereur Constantius, en 418,
entre Toulouse et Bordeaux, le long de la Garonne, et devinrent les Wisigoths. D’autres
invasions d’immigrants, dans une deuxième vague en 405‐408, dont les Vandales, fuyants
les Huns, allaient mener à l’effondrement de L’Empire romain cent ans plus tard le 4
septembre 476.
Ce qui distingue la première théorie de la seconde, est que la seconde est une histoire de
violence, de pillages, de destructions et de meurtre de populations entières.
La première théorie est par exemple défendue par Joseph A. Tainter dans son livre
L’effondrement des sociétés complexes. La seconde est défendue par Peter Heather dans
son livre The fall of the Roman Empire A new History Pan Books 2005. Ce livre a été
traduit en français le 5 octobre 2017 sous le titre : ROME et les BARBARES Histoire
nouvelle de la chute de l’Empire, Alma Éditeur.
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Joseph A. Tainter est anthropologue. Peter Heather est historien. Il est professeur au
King’s college de Londres et a été professeur à Oxford. L’histoire est une discipline ardue,
c’est une affaire de professionnels. Je fais donc plus confiance à Heather. Mais sur
Internet, on trouve beaucoup plus de fiches de lectures et de publicités pour le livre de
Tainter plus politiquement correct.
3‐ Un exemple de médicament, la théophylline
De par son origine gnostique, le positivisme est manichéen, c’est‐à‐dire qu’il pose des
jugements péremptoires sur tout sans aucune nuance. Il y a le bien et le mal. En science,
un positiviste affirme que la science étant une production humaine n’amène aucune
vérité.
On retrouve ces jugements sans nuances pour les médicaments. La théophylline est une
substance naturelle qu’on trouve dans le thé. C’est un très bon médicament contre
l’asthme. Ainsi, Proust soignait son asthme en buvant beaucoup de thé.
Pour les asthmes légers, l’effet commence dès 50 mg de théophylline par jour. Il n’y a
aucune accoutumance. On peut aller jusqu’à 400 mg de théophylline par jour sans aucun
risque. Au‐delà, il faut doser la théophylline, car une trop forte concentration dans le
sang donne de la tachycardie pouvant aller jusqu’à un arrêt cardiaque. La théophylline
est un psychostimulant léger, comme la caféine. D’ailleurs, ces deux molécules sont très
voisines. Ce sont des bases xanthiques.
J’ai connu un enfant, qui faisait des bronchites asthmatiformes avec de la toux nocturne.
Cette toux était stoppée définitivement en une demi‐heure avec 50 mg de théophylline.
Même pour les asthmes plus graves nécessitant des médicaments plus puissants, la
théophylline est une aide en complément. Et pourtant il est très difficile de trouver un
médecin qui accepte de prescrire ce médicament qui est devenu sous ordonnance depuis
quelques années. Il est à craindre que cet excellent médicament disparaisse de la
pharmacopée.
Citons Bernard Debré qui dans son livre Guide des 4000 médicaments, fabriqué à la va‐
vite, écrit sur la théophylline : … la dose thérapeutique est très proche de la dose
toxique…elle n’a plus sa place aujourd’hui.
Alors qu’il y a un facteur 10 entre le début de la dose thérapeutique, et la dose qui peut
commencer à devenir toxique et qui demande une surveillance. Heureusement, les
auteurs ont été sanctionnés par l’ordre des médecins pour les nombreuses bêtises écrites
dans ce livre.
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4‐ La Nature humaine
On reconnaît tout de suite un positiviste par le fait qu’il dit que la science ne découvre
pas de vérités. Mais on le reconnaît également aussitôt, quand il dit qu’il n’y a pas de
nature humaine.
Cette affirmation est nécessaire par exemple, pour pouvoir décider de fabriquer
industriellement des enfants sans pères.
L’humain ne serait ainsi pas un animal comme les autres. Il aurait définitivement
surmonté le déterminisme biologique et génétique pour le fonctionnement de son
cerveau qui ne serait pas un organe comme les autres. Il aurait ainsi atteint un libre
arbitre absolu dans le choix de sa vie et des conditions qui le rendent épanoui et heureux.
Il s’agit d’un créationnisme mental ou néocréationnisme. L’homme aurait évolué depuis
les premiers primates jusqu’à obtenir un saut qualitatif, où le fonctionnement de son
cerveau serait totalement dégagé des contingences matérielles qu’il l’ont fait naître par
l’évolution. Il n’y aurait aucun déterminisme biologique ni génétique dans les modes de
vie qui rendent heureux, épanoui, qui facilitent l’apprentissage, manuel et intellectuel.
Citons le primatologue Franz de Waal :
« …notre esprit est si original qu’il est absurde de le comparer à d’autres… »
« Cette idée est née de la conviction qu’un évènement majeur a dû survenir après notre
séparation d’avec les singes : un changement miraculeux opéré ces quelques derniers
millions d’années, si ce n’est plus récemment encore. À l’évidence, aucun savant
contemporain n’osera parler d’étincelle divine, et encore moins de création, mais difficile
de nier l’assise religieuse de cette position. »
Mais on voit apparaître cette conviction permettant de façonner les hommes comme on
le désir et suivant l’intérêt du jour, dans un régime totalitaire, dès Auguste Comte. Citons
le une nouvelle fois, page 80, Auguste Comte Traité philosophique d’Astronomie
Populaire paru en 1844. Fayard 1985. Discours préliminaire sur l’esprit positif.
«Pour l’esprit positif, l’homme proprement dit n’existe pas, il ne peut exister que
l’humanité, puisque tout notre développement est dû à la société, sous quelque rapport
qu’on l’envisage.»
On peut se poser la question de l’effondrement d’un communisme où tous les moyens de
production et toutes les activités humaines sont organisés par l’état, parce que cela serait
contraire à la nature humaine.
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5‐ Les positivistes et les débats
Pour le positiviste, il n’y a de vérité que sociologique. D’ailleurs, pour Auguste Comte, la
première et la reine des sciences qui domine toutes les autres est la sociologie.
Pour le positiviste, tout émerge donc des relations sociales, en particulier la vérité, même
si pour lui, elle reste toujours partielle et relative. Elle n’est jamais découverte par une
personne seule. Pour le positiviste historien des sciences, ou philosophe des sciences, il
est donc fondamental de détruire par la propagande dans les revues scientifiques, l’idée
du génie solitaire. Et pourtant, le meilleur exemple en est Albert Einstein qui découvrit
tout seul la théorie de la Relativité générale de 1905 à 1915, en dehors de tout fait
d’expérience et de toute aide, à part celle du mathématicien Marcel Grossmann son ami
qu’il l’aida pour les connaissances mathématiques nécessaires.
Un grand nombre de personnes qui échangent une foule d’idées sur une multitude de
points de détails feront, dans cette conception, émerger de grands principes de vérités
théoriques. Ces grands principes émergent spontanément, d’une manière inconsciente
pour les participants, le tout étant qualitativement différent de la partie, sans qu’il soit
besoin à aucun moment d’élaborer ou d’utiliser une théorie préalable.
On retrouve cette idée fausse en pédagogie, que le savoir émerge spontanément d’une
activité aléatoire, sans qu’il soit nécessaire qu’une théorie construite soit préalablement
donnée magistralement. Ainsi un enfant qui barbote pendant des heures dans l’eau
apprendra spontanément à nager. L’expérience prouve le contraire.
Mais en fait, la raison profonde inconsciente de ces débats n’est pas d’obtenir la vérité. Il
s’agit de la version humaine des toilettages mutuels des grands singes pour se réconcilier
après une bagarre. C’est le mâle ou la femelle alpha qui organise spontanément ces
débats.
Comme quoi, plus on nie l’existence de la nature humaine, plus elle se rappelle à nous !
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