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La nutrition entérale
Nelson Lourenço
Introduction
- La dénutrition est une cause importante de morbidité et de mortalité chez les patients hospitalisés
- La nutrition de ces patients va donc prendre une part extrêmement importante dans la prise globale de leur maladie
- Plusieurs voies de nutrition sont disponibles …
… et de nombreuses gammes de produits sont à notre disposition
Indications
- Cancer
- Maladies neurologiques:(troubles déglutition): AVC, SEP, SLA, myopathies
- En gastroentérologie: maladie de Crohn de l’enfant, pancréatites aigues …
- Psychiatrie: anorexie mentale, dépression sévère …
- Patients en réanimation
- Préopératoire
Malade dénutri ou à risque de dénutrition, ayant un tube digestif fonctionnel, incapable de couvrir ces besoins protéino-énergétiques par voie orale
Gut – Guidelines for enteral feeding 2003
Nutrition entérale / parentérale? (1)
- Méta-analyse de Marik et Al, BMJ, 2004:
. Comparaison de la nutrition parentérale versus la nutrition entérale dans la prise en charge des pancréatites aigues
. Méta-analyse, 6 études, n=263
RR=0.45, p<0.05
RR=0.61, p>0.05
RR= 0.48, p<0.05
RR= 0.66, p>0.05
Risque relatif de développer une infection
Lenght of hospital stay: mean reduction of 2.9 days p<0.0001
Nutrition entérale / parentérale? (2)
- De nombreuses études ont été publiées sur ce sujet montrant une baisse du risque d’infections ou de durée de séjour liée à la nutrition entérale (comparée à la nutrition parentérale (NP))
> Hypothèse: - atrophie de la muqueuse digestive lors de la NP augmentant le risque de translocation bactérienne?
- Néanmoins …
… certains auteurs recentrent actuellement le débat des complications associées au support nutritionnel plutôt sur une meilleure capacité de contrôle des apports énergétiques et de la glycémie liée à la voie entérale:
> Une des hypothèses: la voie entérale permettrait un meilleur contrôle de la glycémie (en particulier chez les patient avec une intolérance aux hydrates de carbone ou un diabète) diminuant ainsi la morbidité … Khursheed Jeejeebhoy, Nature clinical practice, 2007
Le débat reste donc d’actualité …
Quel abord digestif choisir?
Nasogastrique ?
Gastrostomie ?
Nasojéjunal ?
Jéjunostomie ?
Radiologique?
Endoscopique?
Chirurgicale
Nasogastrique?
- Voie d’administration de « référence »
- Sondes de petit calibre (5 à 8F): meilleur tolérance
- Vérification radiologique: l’ASP est impératif
- Doit être changée toutes les 4 à 6 semaines
- Complications locales: épistaxis, ulcérations nasales, irritation ORL avec dysphagie, otites, sinusites …
- Complications à distance: RGO, œsophagite, fausse route, perforation œsophagienne, pneumothorax, pneumomediastin …
Généralement: pour des NE inférieures à 1mois
Gut – Guidelines for enteral feeding, 2003
Sonde naso-jéjunale?
- Facteurs de risque majeurs d’inhalation: ATCD d’inhalation, RGO, maladies neuromusculaires, anomalies anatomiques des VADS, vomissements intermittents, …)
- Le contrôle radiologique est impératif
- Inconvénients: absence de réservoir gastrique, pas de possibilité de bolus, pas d’activité anti bactéricide du suc gastrique
- Il n’y a pas d’indication de pose de sonde naso-jéjunale en cas de pancréatite aigue: il faut privilégier la sonde naso-gastrique
- Le site duodénale n’est plus utilisé (effets secondaires importants: diarrhée, risque de reflux persistant, perte du frein pylorique …)
Patients avec un risque important d’inhalation bronchique, durée < 1mois
Gut – Guidelines for enteral feeding, 2003
Gastrostomie?
- Voie endoscopique, radiologique, chirurgicale
- Procédure à haut risque infectieux
- Procédure invasive: bien peser l’indication
- Contre indications: HTP, Δ coagulation, carcinose, néoplasie gastrique, ATCD de chirurgie gastrique, ascite abondante, occlusion
- Complications: hématome de paroi, douleurs, fuites péristomiales, nécroses cutanées, inflammation ou infection locale, pneumopéritoine, péritonites, décès (1%)
NE au long cours > 4 – 6 semaines, Δ déglutition
Gastroenterol Hepatol 2000; Gut – Guidelines for enteral feeding, 2003
Endoscopie (PEG)? Radiologie (PR)? Chirurgie?
- Wollman & Al, Radiology, 1995:
. Méta-analyse, comparaison voie endo./radio./chirurgicale (4194/837/721)
P<0,001
Gastrostomie / jéjunostomie chirurgicale ?
- Les indications en sont limitées:
. Si une intervention chirurgicale prévue
. En cas de contre indication à une gastro ou jéjunostomie percutanée
. En cas d’échec de la pose par radiologie ou endoscopie
Nutriments utilisés
- Il y a de nombreuses présentations commerciales permettant de s’adapter aux situations cliniques diverses
- Polymériques
Nutriments entiers peu dégradés:
> Protéines entières > Lipides sous forme de triglycérides à chaine longue > Glucides complexes > +/- fibres (prévention diarrhée et constipation)
- Les semi-élémentaires
Nutriments de poids moléculaire intermédiaire permettant une meilleure absorption si le grêle et/ou le côlon sont pathologiques
Melchior JP, SOR 2005
L’immunonutrition
- Nutriments qui stimulent ou modulent l’immunité et qui contrôlent les phénomènes d’oxydation
- Composés supplémentés en: . AGPI (Omega3) . Glutamine . Arginine . Nucléotides . Taurine
Immunonutrition: indications (1)
. Chirurgie majeure
. Réanimation: résultats controversés
Immunonutrition: indications (2) - Étude de Braga et Al, Arch Surg, 1999:
. But: évaluer l’effet d’une immunonutrition péri opératoire sur le taux d’infections postopératoires de patients ayant une chirurgie majeure pour néoplasie digestive (colon, pancréas ou estomac) . Étude prospective, randomisée en double aveugle, n=206 . 1 groupe contrôle (nutriments normocaloriques) et 1 groupe avec une immunonutrition
P<0.05
Immunonutrition: indications (3)
- Etude de Gianotti et Al, Gastroenterology 2002 . Étude prospective, randomisée, n=305 . But: évaluation de l’effet d’une immunonutrition préopératoire par rapport à une
immunonutrition périopératoire et à un traitement conventionnel sans nutrition artificielle chez des patients présentant un cancer digestif, non dénutris
Complications infectieuses
p<0.05
Preoperative Perioperative
Control
Immunothérapie: indications (4)
Ce qui est préconisé en cas de chirurgie oncologique majeure:
> Immunonutrition en préopératoire chez tous les patients
> Immunonutrition entérale en postopératoire chez les patients présentant une dénutrition
HAS, 2005
Immunonutrition : indications (4)
- Indications:
. Chirurgie majeure
. Réanimation: résultats controversés
Les apports (1)
- 30 kcal/kg/J (1Kcal/ml) pour l’adulte en situation stable - Apports hydriques: 40ml/kg/J
- Adapter la galénique et le mode d’administration des médicaments à la nutrition entérale
- Le débit doit être adapté de façon progressive suivant la tolérance, l’état nutritionnel et la pathologie du patient
SOR 2005, Gut – Guidelines for enteral feeding, 2003
Les apports (2)
• Bolus: passage de 200 à 400cc sur 15 à 60 minutes à intervalles réguliers
Inconvénients: peut causer une diarrhée, un dumping syndrome, un ballonnement et ne peut être réalisé que en site gastrique jamais en jéjunal
• Intermittente: la plus utilisée avec des intervalles libres de 6 heures
• Continue: en site jéjunal, diminue le risque de diarrhée et de dumping syndrome, mais augmente le PH intra gastrique et local qui pourrait favoriser une pullulation microbienne
Gut – Guidelines for enteral feeding, 2003
Administration continue, intermittente ou en bolus
Les apports (3)
- Débuter par des apports volumétriques faibles puis augmenter le débit par paliers
- Il faut une surveillance rapprochée de l’hydratation du patient, la glycémie et prévenir les troubles électrolytiques (Na+, K+, P, Mg, Ca)
- L’utilisation d’une pompe est recommandée: diminue significativement le risque de vomissements, d’inhalation, de régurgitation et de diarrhée Shang & Al, JPEN J Parenter Enteral Nutr. 2004
JP Melchior; Gut Guidelines for enteral feeding, 2003; SOR
Complications de la NP et leur prise en charge
• Nausées, vomissements: passer la nutrition en position demi-assise puis laisser le patient demi-assis pendant 30 minutes. Vérifier que la sonde n’est pas déplacée, passer à un débit plus lent ou fractionner les apports
• Diarrhée: ralentir ou arrêter l’alimentation, réduire l’osmolarité du mélange et penser à corriger les troubles hydro électrolytiques +/- fibres
• Troubles métaboliques: hypophosphorémie, hypernatrémie …
• Obstruction : rechercher la cause: mauvais rinçage? médicaments? débit trop lent? type du mélange utilisé? > essayer désobstruction sinon remplacer la sonde
• Constipation: augmenter les apports en eau et augmenter l’exercice physique
• Pesanteur abdominale: ralentir la vitesse de passage, fractionner les apports
Gut – Guidelines forenteral feeding, 2003; SOR
« Soins et surveillance des abords digestifs pour l’alimentation entérale chez l’adulte
en hospitalisation et à domicile »
ANAES, Mai 2000
1° - Informer le patient (nécessité, bénéfices et inconvénients, préférences du patient?)
2° - Prescription complète (qualitative, quantitative, hydratation, matériau de la sonde, site d’instillation, +/- anesthésie de contact, surveillance)
3° - Pose de la sonde (IDE ou médecin pour NG; NJ par un médecin)
5° - Vérification de la position de la sonde: par un contrôle radiologique
6° - Fixer la sonde (vérifier sa position tous les jours et avant chaque instillation)
7° - Soins d’hygiène et de confort: dépister l’escarre de l’aile du nez
8° - Rincer la sonde (avec de l’eau) à chaque utilisation
9° - Administration des médicaments (respect de la galénique, le site d’absorption du médicament; rincer avant et après l’administration du médicament)
10° - Changement de la sonde (pas de fréquence recommandée par l’ANAES)
11° - Education du patient et de son entourage précocement
12° - Surveillance quotidienne de la tolérance digestive
13° - Surveillance hebdomadaire du poids
14° - Consultation spécialisée au 3ème mois pour une ré évaluation nutritionnelle
Conclusion
- La NE doit être privilégiée à la NP dés que cela est possible
- La sonde nasogastrique est à privilégier si la durée de la nutrition est évaluée à moins de 4 semaines sinon il faut penser à la gastrostomie
- Utiliser les composés polymériques de préférence en adaptant la valeur énergétique et protéique du produit aux besoins du patient
- Indication d’une immunothérapie entérale post opératoire chez tous les patients dénutris ayant subit une chirurgie oncologique majeure
- Dépister précocement les complications liées à la nutrition entérale, en particulier les troubles hydro-éléctrolytiques