le ritalin est-il la solution? · • confusion due possiblement à l’influence française...
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Éthique et responsabilité sociale
dans le domaine de la santé:
quelles sont les influences qui
affectent la qualité
de la démarche réflexive?
Université Laval, jeudi 14 octobre 2010
1. Introduction
2. Démarche réflexive
(1ère partie):
premiers bilans
3. Responsabilité et
R&D en biotech
4. Responsabilité et
pratique clinique
5. Démarche réflexive
(2e partie):
un 3e axe d’analyse
6. Conclusion
Éthique et responsabilité sociale
Université Laval, jeudi 14 octobre 2010
Joël Monzée, Ph.D. [email protected] www.mrj-utopia.com
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Introduction• Formations:
– 1er cycle en Enseignement (Theux)
– 2e cycle clinique en thérapie psychomotrice (Liège)
– 2e cycle recherche en neurokinésiologie (Sherbrooke)
– 3e cycle en neurophysiologie (Montréal)
– Post-doc en éthique biomédicale (INRS-ENAP)
– Diverses formations cliniques en psychothérapie
• Fonctions actuelles:– Directeur, Institut du dév. de l’enfant et de la famille
– Professeur associé, dépt de pédiatrie, Sherbrooke
– Chercheur, Laboratoire Santé, Éducation & SiH, Montpellier
• Recherches actuelles:– Évaluation des effets d’un programme de développement
psychomoteur au Lac St-Jean
– Problématiques éthiques de la « mésutilisation » de
médicaments et du bris du secret médical
– La fatigue de compassion
Introduction
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Éthique Déontologie Droit Mœurs Morale
Autorégulation Hétérorégulation
Émergence Prescription
Démarche réflexive
• Boisvert et al. (2003) : outil d’analyse des
comportements professionnels dans la domaine de
l’administration publique.
• Objectifs:
clarification des concepts (instrumentalisation);
observation des comportements (archétypes) pour déterminer la
forme de régulation actuelle dans un milieu et les opportunités pour
développer une démarche éthique adaptée à ce milieu.
Hiérarchie Consensus
Éthique
Déontologie
Règles
Contrôle
Obéissance
Règles et normes
Discipline et obéissance
Résultats
Autonomie
Responsabilisation
Valeurs
Responsabilité
Transparence
Adapté de Boisvert et al. (2003)
Contrôle
prescrit
Régulation
émergente
Hypothèse
Démarche réflexive
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Démarche réflexive
• R&D en biotechnologies
– Bio-ingénierie: transgénèse (CRSH – L. Létourneau, U. Laval)
– Biotechnologies (produits et méthodes) et performances sportives
(Gouvernement du Québec – Y. Boisvert, ENAP)
• Neuroéthique
– Neurosciences et neurotechnologies (CEST)
– TDAH et neuropharmacologie (IRSC)
– Nanotechnologie et santé du cerveau (IIREB)
– Neuropsychologie et généticisation (IIREB)
• Éthique clinique en santé mentale
– Enjeux éthiques de l’adéquation entre « interventions cliniques » et
« amélioration des performances humaines » (IRSC et IDEF)
– La régulation des comportements des professionnels de la santé
dans des dossiers sensibles: «mésutilisation» des médicaments,
confidentialité, etc. (IRSC et IDEF).
Démarche réflexive• Méthodologie:
– 20 à 30 acteurs du milieu étudié, regroupé en 5 catégories
• R&D: 20 répondants/secteur – chercheurs (universitaires et industriels), régulateurs,
promoteurs et « autres »;
• Interface: 30 répondants/secteur – médecins (famille et spécialistes), pharmaciens,
psychologues, diététiste, autres professionnels de la santé, journalistes, ministères et ordres
professionnels, enseignants ou entraîneurs.
– Entrevues semi-dirigées articulées autour de six grandes questions
(anonymat):
(1) Qu’est-ce que l’éthique, la morale et la déontologie?
(2) Qu’est-ce que la responsabilité sociale?
(3) Quels sont les enjeux spécifiques du thème abordé?
(4-6) Quels sont les comportements encouragés, à risque et à promouvoir?
– Enregistrement, retranscription et détermination des archétypes, des
perceptions, des croyances, des modes de fonctionnements objectifs et
subjectifs, des risques de fragilités, etc.;
– analyse en fonction de l’outil développé par Boisvert et coll. (2003).
– Certificats d’éthique (U. Laval, INRS, ENAP et U. Montréal).
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Responsabilité et R&D en biotech• Principaux résultats (1):
– Il existe une grande confusion autour des concepts d’éthique, de morale et
de déontologie:
• manque de formation, même si les acteurs rencontrés respectent les fondements
de ces concepts,
• confusion due possiblement à l’influence française (greco-latine) et anglaise;
– Le concept de responsabilité sociale est très bien accueilli par les
répondants:
• transcender les valeurs éthiques et les principes moraux qui guident les acteurs
au long du processus de R&D et de transfert de connaissance,
• aborder plus facilement les questionnements éthiques dans un contexte
d’application concrète (opérationnel),
• offrir une meilleure compréhension du sens de la réflexion sur les
comportements personnels et professionnels dans le milieu de la R&D
biomédicale.
– Hors milieu universitaire, il y a une méconnaissance des « structures
d’évaluation éthique » concernant les recherches universitaires chez l’être
humain (CER), les animaux (CBSA) ou les plantes (?).
• Principaux résultats (2):– Globalement, nous avons apprécié l’intégrité des répondants:
• ceux qui travaillent dans des « secteurs hors normes » se sont donnés un cadre
de référence malgré l’absence de directives institutionnelles;
• les entreprises dérivées gérées par des universitaires semblent plus soucieuses
de la réflexion éthique;
• paradoxalement, la plupart affirment attendre les normes ou se baser sur les
directives si elles existent (approche déontologique);
– Comment expliquent-ils les risques de « dérive » du milieu?
• « publish or perish », alors que les résultats négatifs ne sont pas publiés (impact
sur l’actionnariat et refus des revues);
• rentabilité du laboratoire ou de l’entreprise face à la concurrence;
• pression pour séduire (recapitalisation), puis satisfaire les actionnaires;
• absence et craintes de normes claires (fédéral);
• isolation des acteurs et départementalisation des institutions;
• croyance que l’éthique « va de soi » dans le milieu universitaire;
• faible reconnaissance et soutien institutionnels pour la réflexion éthique;
• rôle ambigu des agences gouvernementales (promotion vs protection).
Responsabilité et R&D en biotech
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• Principaux résultats (3):– Quelle responsabilité pour les acteurs de la R&D?
• une mésutilisation de leurs découvertes les consterne, car ce n’était pas leur
intention initiale…;
• certains affirment n’avoir aucune responsabilité, car ils sont loin de la
commercialisation et de l’utilisation des produits;
• d’autres estiment qu’ils ont leur part de responsabilité à l’endroit où ils agissent,
car la recherche comporte des risques qu’ils ont à assumer;
• publier tous les résultats pourraient être leur part de responsabilité.
– La prise excessive de médicaments inquiètent les acteurs:
• malaises: « le recours à la médication, alors qu’on est en santé, reflète l’impact
du stress de notre société actuelle »; « tous les médicaments sont dopants si on
est pas malades »; « je suis mal à l’aise devant les publicités présentant les
produits »; « le budget marketing m’effraie »…;
• banalisation des effets secondaires, trop grande vulgarisation, effets à long
terme inconnus;
• crainte d’une culture encourageant la performance à tout prix, alors que le
patient demande une solution « rapide et sans effort »;
• questionnements quant au rôle des médecins et des compagnies.
Responsabilité et R&D en biotech
• Principaux résultats (4):– malgré les réticences initiales (temps consacré), de nombreux répondants
sont favorables à la réflexion multidisciplinaire sur les enjeux éthiques
touchés par leurs recherches:
• ceux qui y ont participé nomment que la démarche les a enrichis,
• plusieurs répondants nous ont remerciés après l’entrevue, car rien que de
répondre aux questions, cela les avait interpellés,
• souhait que plus d’informations puissent circuler de manière à mieux comprendre
les multiples enjeux (sortir de la polarisation des débats);
– besoin d’outils concrets pour sensibiliser et améliorer la réflexion éthique et
le sens de la responsabilité sociale;
– la protection de l’image pourrait encourager une réflexion éthique plus large,
voire un fonctionnement type « parties prenantes », certaines divulgations
(ex. CERA), etc.;
– accroître les moyens pour les structures CER et CBSA;
– internationaliser les débats, de manière à ce qu’il y ait une convergence des
directives données aux différents acteurs (ex. lutte contre le dopage
sportif)…
Responsabilité et R&D en biotech
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Éthique Déontologie Droit Mœurs Morale
Autorégulation Hétérorégulation
Émergence Prescription
Pouvons-nous remettre en question
nos interventions cliniques?
Quels seraient les points de repères?
Quelles sont les moeurs au niveau de
l’intervention?
Québec vs Canada
International
Au niveau de l’intervention, la plupart
des débats sont polarisés (bien vs
mal) – comment en sortir?
Existe-t-il des faiblesses dans nos
choix d’intervention thérapeutique?
Aspect légaux
Aspects déontologiques
Responsabilité et pratique clinique
Responsabilité et pratique clinique• Le bris du secret thérapeutique chez les enfants:
– Quelles sont les tendances internationales?
– Quelles sont les comportements observés à propos des enfants?
– Quelles sont les différences entre le milieu éducatif et le milieu de la
santé?
• Le rôle des professionnels de la santé dans processus
d’évaluation diagnostique, de prescription de médicaments
et d’orientation de l’intervention thérapeutique:
– Quelles sont les perceptions, les croyances et les archétypes qui
limitent ou facilitent la réflexion éthique quant à l’utilisation des
biotechnologies en santé mentale?
– Quelles sont les responsabilités du milieu clinique quant à la
mésutilisation des produits biotechnologiques?
– Quelle est la part de responsabilité des compagnies et du public?
– Quel est l’impact de l’organisation sociale actuelle, où
l’individualisme, la concurrence et la performance sont priorisés
(modulation de l’offre et de la demande)?
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Responsabilité et pratique clinique• Principales pistes de réflexion:
– Les professionnels sont-ils suffisamment bien formés?
• la formation de base à l’université est-elle adéquate?
• est-il normal que la formation continue implique fréquemment les
compagnies pharmaceutiques (ex. délégués commerciaux)?
• comment réduire la complexité de l’analyse et de l’intégration des
études scientifiques parfois contradictoires?
– Quel est l’impact de la structure du système de santé?
– Quel est l’impact de la surcharge du système de santé et des
services sociaux?
– Quel est l’impact de la volonté de maintenir des services médicaux
« gratuits »?
– Quelles sont les difficultés qui ralentissent les remise en question de
nos interventions professionnelles?
– Quel est l’impact de l’utilisation du DSM-IV vs le PDM?
– Quel est l’impact du vécu, des fragilités, des croyances et des
perceptions des professionnels de la santé?
Adapté de Fougeyrollas et al. (1996), SCCIDIH (1998) et Monzée (2010)
Habitudes de vieParticipation sociale ou situation de handicap
Facteurs personnels
Facteurs de risque
Facteurs
environnementaux
Causes
Système
organique
Intégrité ou
déficience
Aptitudes
Capacité ou
incapacité
Facilitateurs ou
obstacles
?
Responsabilité et pratique clinique
Thérapie ou dopage?
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Aux USA:
- 3 millions d’enfants étaient sous psychostimulants en 2004, 5 millions en 2007 et 8 millions en 2009;
- la proportion d’enfants sous antidépresseurs est passée de 3,5% à 7% entre 2001 et 2004.
Mondial:
- La chiffre d’affaires annuel de la vente de psychostimulants atteint 4,5 milliards US.
Évolution relative de la consommation
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Po
urc
en
tag
e
Provinces anglophones Québec
Nombre de prescriptions au Canada
0
500000
1000000
1500000
2000000
2500000
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
No
mb
re d
e p
rescri
pti
on
s (
/an
)
Provinces anglophones QuébecIMS-Canada
Responsabilité et pratique clinique
Effets inhibiteurs du Ritalin
Responsabilité et pratique clinique
10
1
23
+-
Ritalin
Amphétaminiques
Adderall
Responsabilité et pratique clinique
• L’utilisation des biotechnologies, jusqu’où est-ce acceptable?
• Trois niveaux (McGee et Maguire 2001):– implantation de prothèses sensorielles (surdité ou
cécité) et motrices (Parkinson),
– implantation de systèmes électrobiophysiques(tétraplégie, hémiplégie, etc.),
– implantation pour stimuler des fonctions en santé.
• Démarche réflexive sur nos pratiques (Monzée 2007, 2010):– si cela semble acceptable pour les deux premiers
niveaux, qu’en est-il du troisième?
– peut-on comparer ce 3e niveau au dopage?
– est-ce que médicamenter un enfant pour des difficultés d’ordre psychosocial (axe 4 du DSM-IV) ne serait pas une forme de dopage?
– est-ce que médicamenter un enfant pour répondre à la pression parentale et scolaire est acceptable?
– quand franchissons-nous la ligne de l’inacceptable?
Responsabilité et pratique clinique
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Adapté de Fougeyrollas et al. (1996), SCCIDIH (1998) et Monzée (2010)
Habitudes de vieParticipation sociale ou situation de handicap
Facteurs personnels
Facteurs de risque
Facteurs
environnementaux
Causes
Système
organique
Intégrité ou
déficience
Aptitudes
Capacité ou
incapacité
Facilitateurs ou
obstacles
? Axe 4
Démarche réflexive
• Les fragilités des organisations publiques et privées:– le fonctionnement départementalisé;
– la courte ou longue durée des projets de recherche;
– la méconnaissance des autres expertises;
– la diabolisation de ceux qui portent un regard critique;
– le « publish or perish » ou le refus de publier les résultats négatifs;
– la structure de financement;
– les doubles chapeaux;
– le non-renouvellement des médicaments « blockbusters »;
– la crise économique;
– etc.
• Les fragilités des individus:– l’individualisme, plutôt que le sens commun;
– la performance, plutôt que l’implication;
– la concurrence, plutôt que la collaboration saine;
– la reconnaissance du groupe, plutôt que l’auto-valorisation;
– le conformisme, plutôt que le regard critique;
– etc.
Démarche réflexive
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Hiérarchie Consensus
Éthique
Déontologie
Démarche réflexive
Démarche réflexive
Structure organisationnelle
Hiérarchie Consensus
Éthique
Déontologie
Faible mentalisation
Psychopathologies
Mentalisation optimale
Santé psychique optimale
M208
M201
Démarche réflexive
3e axe:
capacité de se
responsabiliser
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Conclusion
• « Ce n’est pas la connaissance
qui est dangereuse,
mais l’usage que l’on en fait.
Les scientifiques, et désormais
la société toute entière, ont
entre leur mains la
responsabilité qui découle de
ce constat. » (Mattéi, 1994)
• On parle d’éthique et de
déontologie, mais que faire
lorsque les structures
institutionnelles sont
dysfonctionnelles et qu’elles
contribuent à stimuler les
pathologies individuelles?
Éthique et responsabilité sociale
dans le domaine de la santé :
quelles sont les influences qui
affectent la qualité
de la démarche réflexive ?
Université Laval, jeudi 14 octobre 2010