l'endettement des entreprises

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    Finance

    Lendettement desentreprises :

    incidence sur la

    valorisation des firmesEric SEVERIN

    Enseignant-chercheur lUniversit de Lille 2

    Ecole Suprieure des Affaires

    Rfrence e-theque : 2002A0080TISBN : 2-7496-0010-3

    e-theque2002e-theque 121 rue Chanzy 59260 Lille Hellemmes

    Toute reproduction mme partielle, par quelque procd que se soit est interdite sansautorisation. Une copie par xrographie, film, bande magntique, ou autre procd,

    constitue une contrefaon passible des peines prvues par les articles L335-2 et L335-3 du Code de la Proprit intellectuelle.

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    Page 2 Lendettement des entreprisesEric Severin pour e-theque

    Rsum

    Ce papier traite de la relation entre endettement et valeur des

    entreprises. Cette relation est loin dtre univoque. En effet lesauteurs qui se sont intresss au problme ont montr que cesdeux notions sinfluencent lune lautre. Notre propos se veut plusmodeste et se situe dans le cadre o lendettement influe sur lavaleur. Des effets contradictoires peuvent coexister (cots dedifficult financire, cots de free cash flow). A la lumire deces cots, il apparat que le choix de lendettement doit tre faiten fonction des caractristiques de la firme et des anticipationsde la conjoncture venir.

    Sommaire

    Introduction 3

    I - Les bienfaits et les mfaits de lendettement 4

    1.Lendettement source du processus de creation (destrcution) devaleur 42. La prise en compte des anticipations de la faillite par les acteurs : dubon et du mauvais stress 19

    II Lendettement comme rsultante de la valeur 24

    1. Lendettement source de rsolution de lasymtrie informationnelleex-ante : une consquence de la valeur 242. Lendettement source de rsolution de lasymtrie informationnelleex-post : une consquence de la prservation de la valeur 27

    III Le rle critique de lendettement au cours dune rcessionconomique 30

    1. Limpact de lendettement sur la performance et la valeur au coursdune rcession conomique 312. Le choix de lendettement comme compromis entre les cots de freecash flow et les cots de difficult financire 43

    Conclusion 49

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    Introduction

    Dans un entretien repris dans le journal des Echos du23/02/1999 Cess Van Lede, PDG dAkzo Nobel, insiste sur : larduction de lendettement du groupe par une politique de

    restriction dinvestissements et de cessions . Cette dcisiontait attendue cest bien en raison de la dgradation financiredu groupe que le bnfice net de lentreprise a baiss de 17%.De mme, Michel Bon PDG de France Tlcomprcisait au sein dumme journal (Les Echos du 07/12/2000) que la mise en boursedOrangepermettrait lentreprise de rduire son endettementafin que celui-ci soit un niveau comparable celui de 1999 .Ces deux exemples mettent en lumire limportance delendettement dans la politique de cration de valeur delentreprise.

    Cependant, le thme de ce travail savoir le lien entreendettement et valeur soulve demble une remarqueprliminaire. En effet, faut-il considrer que lendettement est

    lorigine du processus de cration (ou de destruction) de valeur oupenser quil en est la consquence ?

    Sintresser au lien entre endettement et valeur ncessite desinterroger sur les motifs de la prsence de lendettement. Lathorie financire fait jouer lendettement des rles divers lafois positifs et ngatifs. Lorsque surgit un choc conomiquelendettement peut avoir un rle critique au niveau desanticipations des partenaires. Peut-on alors dterminer

    lexistence dun niveau dendettement, diffrent selon lescaractristiques de lentreprise, au-del duquel celle-ci risque desubir une baisse de ses performances et au del une perte devaleur ? Dans laffirmative, peut-on vrifier cette hypothse detravail de manire empirique. Au sein de ce dernier chapitre, nousnous attacherons dterminer le lien entre endettement,performance et valeur. Ainsi si lendettement influe ngativementsur la performance et la valeur, il conviendra galement dedterminer si cette dgradation agit en retour sur le niveau

    dendettement ?

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    I - Les bienfaits et les mfaits de lendettement

    Depuis Modigliani et Miller [1958 et 1963], le rle de

    lendettement est sujet caution dans la littrature financire. Ilnous faut donc examiner ses effets. Force est de constater quedes effets bienfaiteurs et des effets nfastes coexistent. Parailleurs il conviendra de sinterroger sur la relation de causalitentre les notions dendettement et de valeur. En dautres termeslendettement est-il lorigine de la valeur ou en est-il larsultante?

    1. Lendettement source du processus de creation (destruction) de valeur

    La littrature financire a depuis longtemps cherch mesurerles vertus de lendettement. En se plaant dans un cadre desymtrie informationnelle, Modigliani et Miller ont montr quelendettement, en labsence dimposition, nagissait pas sur lavaleur [1958] mais que cette neutralit disparaissait en prsencedimposition [1963]. Lendettement tait alors source de crationde valeur. A la suite de ces travaux, de nombreux auteurs, dontles prcurseurs sont Beaver [1966] ou encore Altman [1968], ont

    mis en vidence que lexcs dendettement conduisait lafragilisation de la firme et augmentait la probabilit dedfaillance de la firme, elle-mme gnratrice de cots.

    1.1. Linfluence de lendettement sur la valeur : Neutralite ou effet de levier ?

    Modigliani et Miller [1958] dans un article rest clbre ontmontr que, sur un march parfait, la valeur dune firme taitindpendante de son taux dendettement. Les conditions devalidit de cette fameuse proposition reposent sur 2 notionsessentielles : celles de classes de risque et de marchs purs etparfaits. Admettre que les marchs sont purs et parfaits, cestconsidrer que les actifs sont parfaitement divisibles, quelinformation est sans cot et disponible pour tous les agents etquenfin il nexiste ni cot de transaction, ni fiscalit. De plus, lesauteurs supposent que les firmes sont rparties en classes derisque lintrieur desquelles le taux de rentabilit requis pourchaque socit est le mme.Le principe de raisonnement est simple et repose sur des idessur lesquelles il est ais de saccorder ou de se sparer. Comme

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    nous cherchons bien les dgager, nous insisterons sur la logiquedu raisonnement plutt que sur la formalisation mathmatique.Comme le soulignent les auteurs, ce qui dtermine la valeur de lafirme, ce sont ses cash flows futurs. Ces derniers sont le fruitdinvestissements. Ils dpendent donc des seuls actifs de

    lentreprise et non de la faon dont ils sont rpartis entreactionnaires et obligataires. Si lentreprise est non endette,lensemble des cash flows ira aux actionnaires, dans le cascontraire, seule une partie sera verse aux actionnaires aprs leremboursement des cranciers. Cest donc limportance du fluxdes cash flows qui dtermine la valeur de la firme.

    Aprs avoir montr que la structure financire na aucuneincidence sur la valeur de lentreprise, Modigliani et Miller ont

    publi un article complmentaire en 1963. En partant du mmecontexte, mais en levant lhypothse dabsence dimposition, ilsarrivent la conclusion que lavantage fiscal provenant ducaractre dductible des intrts demprunt doit conduire lesentreprises sendetter. Leffet de levier d lendettement neconcerne pas toute lentreprise mais uniquement les capitauxpropres. Lorsque le taux dendettement augmente, ceterisparibus, on constate : une augmentation de lesprance derendement des capitaux propres (ce qui est un avantage) et uneaugmentation du risque (risque total et risque non diversifiable)des capitaux propres ce qui est un inconvnient.

    En dautres termes, lorsque le taux dendettement augmente,ceteris paribus, lesprance du bnfice par action augmente. Lalittrature financire retient donc une relation positive entre ladette et la valeur de lentreprise, en raison de lavantage fiscalque reprsente la dductibilit des intrts. Cette relation nestvrifie que si le bnfice dexploitation est suprieur auxintrts demprunts, dans le cas contraire leffet de levierdevient un effet massue. Lendettement rduit le bnfice paraction.

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    Ainsi le taux dimposition et le degr de dductibilit desintrts de la dette a un impact sur la valeur de la firme.Mais ces lments peuvent tre modifis.

    * Le taux dimpt sur les socits volue dans le temps. Levasseuret Olivaux [1986] retracent lvolution de la fiscalit franaise de1926 1985. Les bnfices des socits ont t taxs 9,26% partir de 1924, 24% en 1949, et 50% en 1958. Puis ce tauxest pass 42% en 1988, 39% en 1989, 37% en 1990, 34% en1991 et enfin 33,33% en 1993.

    * Le degr de dductibilit des intrts pourrait varier, mme sile rgime fiscal des intrts demprunt des socits na pas

    volu depuis 1926 (ils ont toujours t dductibles).

    En introduisant, sur la base de ces travaux, lincertitude et lescots de liquidation, on montre que la dette, source de difficultfinancire, a un effet sur la valeur de lentreprise mais quil estrduit, car le march regarde le flux dconomie dimpt commetant sujet au risque, de la mme faon que le profit qui lui sertde base. Le risque relatif au profit des entreprises peut seretrouver considrablement accru en priode de crise

    conomique, et ce pendant plusieurs annes conscutives, au pointde restreindre, voire de faire disparatre leffet incitatif delendettement. Cet effet semble global dans la mesure o la criseaugmente le risque de tous les agents conomiques, mais certainssecteurs en difficult y seront certainement plus sensibles.

    Selon Charreaux [1987], les diffrentes recherches semblentmettre en vidence une relation entre la fiscalit et la structurede financement. Cependant, cette relation rsulte dquilibres

    complexes entre le choix dinvestisseurs statuts fiscaux trsdiffrents et les entreprises dont les situations peuvent tregalement trs diverses. Aucune relation simple et univoque nesemble se dgager. Lavantage fiscal en faveur de la dette,souvent considr comme vident, nexiste pas toujours lorsquetous les aspects du problme sont pris en compte.

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    Enfin il convient de souligner que la non prise en compte du risquede faillite1 (une des critiques majeures faites aux travaux deModigliani et Miller2) peut tre susceptible de modifier lespremiers rsultats obtenus. Notre dmarche ne consiste pas repousser le raisonnement de Modigliani et Miller mais plutt le

    complter par des adjonctions relatives la dfaillance.

    1.2. Lexcs dendettement3source de fragilisation de lentreprise et de faillite

    Lune des principales critiques faites Modigliani et Miller [1963]est la non prise en compte des cots de faillite. Si lendettementpeut, comme nous lavons vu prcdemment, tre crateur devaleur, son excs est nuisible. Les prcurseurs comme Beaver[1966] puis Altman [1968] ont montr que linsuffisance de la

    rentabilit dexploitation et lendettement jouaient un rleconsidrable dans la dfaillancedes entreprises.

    Il convient ici de bien distinguer dune part la situation dedfaillance et de faillite et dautre part la situation de dtresse(ou de difficult) financire4. Cette dernire caractrise uneentreprise dont la situation peut faire craindre une failliteprochaine. La difficult financire pourrait tre associe lanotion juridique de faillite mais les auteurs qui se sont intresss

    au problme ont montr quune telle dfinition tait troprestrictive. La difficult financire est un processus qui semanifeste par une srie de symptmes sans que lon puissedgager clairement un sens de causalit. Ainsi, la difficultfinancire est souvent associe la croissance de l'endettement,mme si on ne peut dterminer avec prcision si ce dernierphnomne en est une cause ou une consquence.

    1

    Nous reviendrons sur cette notion ultrieurement.2 Nanmoins Modigliani et Miller [1963] font remarquer que les conomies dimpts ninduisent pasforcment un comportement de maximisation de la dette. En premier lieu, parce quil peut existerdautres sources de financement (lautofinancement par exemple), en second lieu parce que la dcisiondinvestir doit correspondre une possibilit de dveloppement de la firme : la dcision nest pasfinancire et lexistence du projet lui est antrieure. Ceci rejoint lide selon laquelle la stratgiefinancire ne doit se comprendre quen la replaant dans le cadre plus large de lexpansion delentreprise. A aucun moment, Modigliani et Miller naffirment que lendettement doit tre recherchpour lui-mme.3 Lexcs dendettement est une situation de tension (ou de stress), concept sur lequel nousreviendrons ultrieurement. Un excs dendettement entrane lentreprise dans une situation de

    difficults financires qui, si elle ne constitue pas encore la dfaillance, risque fort dtre suivie parelle.4La littrature anglo-saxonne utilise traditionnellement le terme de financial distress.

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    Les chercheurs en gestion ont tent depuis longtemps dapporterune dfinition au concept de difficult financire. Labsence deconsensus sur une dfinition nous amne prsenter au sein dun

    tableau rcapitulatif (mais non exhaustif) les principalesdfinitions proposes dans les travaux antrieurs (tableau 1).

    Tableau 1 : Les principales dfinitions de la difficultfinancire.

    Auteurs Propositions de dfinition de la difficult financire

    Altman[1968 et1984]

    oment o lentreprise tombe sous le coup dune procdure deredressement judiciaire.

    Collongues[1977]

    Collongues reprend la dfinition dAltman.

    Conan et Holder[1979]

    Conan et Holder reprennent la dfinition dAltman.

    Casta[1986]

    Casta montre la ncessit dlargir la notion de difficult en ltendantaux problmes de crise de trsorerie.

    Gilson[1989]

    Gilson affine la dfinition dAltman en distinguant la difficultfinancire (cest--dire lincapacit pour lentreprise de faire face aupaiement de la dette) et la dfaillance (moment o lentreprise tombesous le coup dun redressement judiciaire ou dune liquidation).

    Wruck

    [1990]

    Lauteur propose une dfinition complte et distingue plusieurs

    lments.La difficult financire : Situation o le cash flow est insuffisant pourfaire face aux obligations financires courantes.Ces obligations incluent :Le non paiement des dettes aux fournisseurs.Le non paiement des dettes envers les salaris.

    Le non paiement des intrts de la dette et/ou du principal.Wruck prcise que la difficult financire amne toujours unerengociation.Le dfaut : Violation dune clause (covenant). Cette violation est unsymptme de difficult financire.Linsolvabilit : Elle correspond la difficult financire laquellesajoute la demande faite par les crditeurs pour engager unerestructuration.La banqueroute : Cette notion se rfre au processus de redressement

    udiciaire au cours duquel on va tenter (avec laccord des diffrentesparties prenantes) de rcrire les contrats.La liquidation : Cest la vente des actifs de la firme et la distributiondu produit aux ayants droit (plus particulirement aux cranciers).

    Datta etIskandar-Datta[1995]

    La difficult financire apparat lorsque lentreprise se dclaredfaillante.

    Denis et Denis[1995]

    La difficult financire comporte deux facettes. Elle peut tre lemoment de la restructuration de la dette pour viter un dfaut au sens

    de Wruck, o se confondre avec le moment o la firme tombe sous lecoup dune procdure de redressement judiciaire5.

    A la lecture de ce tableau, deux lments principauxapparaissent :

    5Le fait de tomber sous le coup dune procdure collective aux Etats-Unis est du ressort du chapitre11. La liquidation, quant elle, est du ressort du chapitre 7.

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    * Premirement un enrichissement de la dfinition de la difficultfinancire.A la conception traditionnelle o la difficult financire concidaitavec le redressement judiciaire [Altman, 1968 et 1984 ;Collongues, 1977 ; Conan et Holder, 1979 ; Datta et Iskandar-

    Datta, 1995] se sont progressivement ajoutes des dimensionssupplmentaires. Gilson [1989], Wruck [1990] ou encore Denis etDenis [1995] ont affin la dfinition de ce concept et ont montrque la difficult financire prcdait la dfaillance.Cela tant dit, la dfinition la plus riche est celle apporte parWruck [1990]. Lauteur dpasse le constat traditionnel et faitremarquer que la difficult financire amne toujours unerengociation. Wruck montre le caractre pluriel de la notion etinsiste sur les ractions des partenaires de la firme. En effet,

    ces derniers, de crainte de ne pas voir leurs contrats honors, nevont pas rester inactifs et vont essayer de trouver des solutionscapables de leur faire recouvrer leurs crances.

    * Deuximement lutilisation du levier comme mesure de ladifficult financire.Si les mesures utilises pour calculer le levier sont varies, ellesprennent en compte essentiellement des donnes comptableset/ou boursires [Altman, 1968 et 1984 ; Titman et Wessels,1988].

    Pour nous situer un niveau gnral nous considrerons que lasituation de dtresse financire prcde la situation dedfaillance. La situation de faillite, quant elle, est effectivelorsque la valeur de march de lentreprise est infrieure aumontant de la dette et quune autorit judiciaire, associe dautres intervenants (avocats, experts...) dirige cette opration,par essence coteuse.

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    1.3. Les consquences de la faillite

    Altman [1968 et 1984] met en vidence deux types de cots.Dune part les cots directs constitus des frais de justice (fraisdavocats, dexperts, dintermdiaires de justice, de comptables,de vrificateurs...). Ces cots comprennent aussi le cot deladministration provisoire de lentreprise avant la liquidation ouen cours de rorganisation : rmunration des syndics de faillite,des administrateurs judiciaires ou des ventes dactifs ralisesdans de mauvaises conditions...

    Les lmentsconstitutifs descots de failliteet la difficultdvaluation descots indirects

    Lorsque nous tions au creux de la vague, les

    concurrents disaient que la socit de gophysique

    tait moribonde et quil fallait cesser toutes

    relations daffaires avec nous (entretien avec le

    directeur financier de la compagnie gnrale de

    gophysique)

    Dautre part des cots indirects subis par lentrepriseconscutivement au comportement restrictif des banquiers, laprudence des fournisseurs ou encore la mfiance des clients6.De faon gnrale, les partenaires de lentreprise (clients,fournisseurs...) perdent confiance dans la capacit quelentreprise a dhonorer ses engagements. Les clients peuventcraindre une baisse de la qualit ou une disparition du serviceaprs-vente. Les fournisseurs, quant eux, prfrent tre enrelation daffaires avec des partenaires solides et fiables.

    En dfinitive, Altman estime les cots directs et indirects 20%de la valeur totale de la firme et montre que les difficultsdexploitation et la hausse de lendettement conduisentmcaniquement une dgradation des performances et de lavaleur. Cette situation fragilise lentreprise qui peut, dans les casles plus graves, tre liquide.

    A la suite dAltman, de nombreux auteurs tels que Warner [1977],Malcot [1984] ou Weiss [1990], ont cherch mesurer les cots

    directs de la faillite. Ainsi Warner, travaillant sur un chantillon

    6 Nous reviendrons ultrieurement sur cette notion.

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    de socits de chemin de fer (dont la procdure de faillite estparticulirement longue et coteuse), les value 5,3% de lavaleur de march des firmes juste avant la faillite et 1,4% de lavaleur de march constate 5 ans avant. Le tableau 2 reprend lesprincipales tudes effectues sur ce sujet.

    Tableau 27: Evaluation des cots directs (administratifs) desprocdures collectives.

    Auteurs Echantillon Evaluation

    Ang, Chua et Mc Connell, [1982] 55 firmes industrielles

    liquides entre 1963 et 1978

    7,5% de la valeur de ralisation

    Weiss[1990]

    37 firmes industrielles 2,8% de la valeur de lactif au bilan

    Sayag et Gaber[1982]

    96 firmes liquides ou enconcordat entre 1971 et 1975

    ont le passif est suprieur 3millions de francs

    685 firmes liquides ou enconcordat entre 1971 et 1975dont le passif est infrieur 3

    millions de francs et suprieur 0,5 millions de francs

    7,4% de la valeur de ralisation

    12,7% de la valeur de ralisation

    Gaber[1983]

    21 entreprises liquides 12,8% de la valeur de ralisation

    Malcot[1984]

    23 entreprises industrielles 7,84% de la valeur de ralisation

    Notons enfin que ltude rcente entreprise par Thorburn [1999]vient conforter les rsultats prcdents. Travaillant sur unchantillon de 263 entreprises sudoises ayant fait faillite,lauteur montre que les cots directs reprsentent 6,4% de lavaleur des actifs mesure avant la date de redressementjudiciaire.Toutes ces tudes mettent laccent sur la difficult dvaluer cescots. Trois sortes de cots directs sont en ralit mesurables :

    * Les cots dadministration de la faillite proprement parler.* Les cots de rchelonnement de la dette si lentreprisepoursuit son activit.* Les cots de dmantlement. Ces derniers cots ne sont pas lis la procdure de liquidation elle-mme : cest, compte tenu deschoix passs, quil est devenu trop onreux de poursuivrelactivit de lentreprise.

    7Tableau tir du cahier de recherche n9512, p 15, Malcot, Universit de Paris Dauphine.

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    Nanmoins comme le souligne Malcot [1992] ces cots nesont pas identiques pour tous. En effet, par le jeu des privilges,le crancier chirographaire na que peu de chance de rcuprer le

    montant de ses crances. Les cranciers privilgis,superprivilge des salaires, Trsor, U.R.S.S.A.F. peuvent parcontre escompter un meilleur taux de recouvrement. Dans unetude complmentaire, Malcot [1995], tenant compte de tous lescranciers, montre que le taux potentiel de recouvrement globalen cas de liquidation est de lordre de 36%. Le taux derecouvrement des crances bancaires est denviron 60% pour leseul capital ; en actualisant les flux sur la base dune estimationmoyenne de la dure du contentieux avec un taux dobtention des

    ressources de 8%, on obtient 47%. Avec les frais de procdureset en prenant en considration les intrts sur les prts, le tauxde recouvrement net actualis dune crance bancaire estdenviron 38%.

    Franks et Torous [1989] se sont galement intresss linfluence de la lgislation sur ces cots. Ltude quils mnentmontre que les cots directs (administratifs et lgaux) sontdautant plus importants que la procdure est longue.

    Dans le prolongement de ce travail ces mmes auteurs [Franks etTorous, 1994] montrent dune part, que le taux de recouvrementdes crances est influenc par la valeur de la firme au moment dela rorganisation, lordre de priorit de la crance et la valeur delactif qui vient garantir cette crance et dautre part, que letaux de recouvrement est ngativement corrl avec la taille desactifs vendus.Bien que toutes ces tudes concluent au caractre coteux de lafaillite, tous les auteurs qui se sont intresss au problme

    reconnaissent la difficult dterminer prcisment les cotsindirects.

    Une des premires tentatives pour les mesurer est l encoreluvre dAltman [1984]. Lauteur sintresse un chantillondentreprises qui ont fait faillite.Altman utilise deux mesures, la premire consiste valuer labaisse du CA de chacune des entreprises considres par rapportaux montants des ventes de lensemble du secteur industriel

    auquel elles appartiennent, la seconde value lcart entre lemontant rel des ventes et les prvisions qui en avaient t faites

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    3 ans avant la dfaillance. Les rsultats des travaux dAltmansont riches denseignement puisquils mettent en videncelimportance de ces cots (de 11 17 % de la valeur de la firme).Dautres auteurs, linstar dAltman, ont cherch prciser cescots indirects. Wruck [1990] obtient un rsultat tout fait

    intressant. Lauteur montre que ceux-ci reprsentent 9 15% dela valeur de la firme alors que les cots directs ne sont que de3,5%.Seuls Haugen et Senbet [1978 et 1988] vont lencontre de cesconclusions. Ils soutiennent que ces cots sont non seulementtrs faibles mais encore quils ne sont pas lis la dfaillancemais plutt la liquidation, deux phnomnes indpendants lun delautre. Ce rsultat dcoule dune confusion entre ces deuxphnomnes, soit dune part la liquidation qui est une procdure

    lgale, soit dautre part la dfaillance qui est un mcanisme detransfert du pouvoir dcisionnel lintrieur de la firme desactionnaires vers les cranciers [Aghion et Bolton, 1992]. Endautres termes, la dfaillance est une rorganisation de lastructure du capital : il peut y avoir mission de nouvelles actionspour payer les intrts et rembourser le principal ou transfertcomplet du patrimoine des actionnaires vers les obligataires.Cette dfinition est valide pour le cas o la liquidation, cest--dire le dmantlement des actifs, nintervient pas. Si laliquidation intervient, cest que le cot dune liquidation estinfrieur aux cots de rorganisation : sinon le comportement desagents conomiques ne serait pas rationnel. Par consquent, lescots de liquidation sont infrieurs aux cots de rorganisation,qui se ramnent des cots de transaction.Pour assurer ce rsultat, Haugen et Senbet prsententlargument suivant : si les cots taient importants, les coursdevraient reflter ces cots et les obligataires, ou nimporte quelautre groupe dindividus, auraient intrt former une socitholding, racheter les anciens titres, et par consquent, profiter des cours plus bas. Ayant procd ainsi, il ny aurait plusaucune raison de dfaillir et ils bnficieront de la diffrence devalorisation, due aux cots de dfaillance.Dapparence sduisante, largumentation de Haugen et Senbetsemble illusoire. En effet, si la dfaillance est bien par essence,un mcanisme de transfert de proprit, les cots de dfaillancene se limitent pas aux cots de transfert de proprit. La

    dfaillance nest pas provoque pas une structure inadquate ducapital mais par des rsultats bnficiaires insuffisants. La

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    dfaillance intervient parce que les projets dinvestissements negnrent pas assez de bnfices pour les rentabiliser. Afin depallier cette situation, il faudra rorganiser lensemble de

    lentreprise et non pas se contenter de modifier la structure deproprit. Si tel ntait pas le cas, on ne voit pas comment lesrsultats seraient plus favorables quelques priodes aprs.On peut opposer lanalyse de Haugen et Senbet deux autresarguments.

    Le premier porte sur la liquidation de lentreprise. La liquidationinterviendra parce que les cots de liquidation sont infrieurs auxcots de rorganisation. Mais ces derniers dpassent trs

    certainement les simples cots voqus ci-dessus. En effet, ladfaillance intervient lorsquil est impossible dassurer lepaiement des intrts et du principal de la dette. Lentreprisepour survivre, ne pourra trouver ni nouvel actionnaire, ni nouvelobligataire. Si rorganisation il y a, la plupart des cots serontsupports par les cranciers actuels car la valeur de lentreprisesera infrieure au montant actuel des intrts et de la dette. Parconsquent, si les cots de liquidation sont bornssuprieurement par les cots de poursuite de lactivit, cela nest

    pas une preuve de leur faible montant.La seconde remise en cause est luvre dAivazian et Callen[1983] et de Titman [1984]. Selon ces auteurs, la prcdenteanalyse repose sur une srie dhypothses trop restrictives.

    En effet, Haugen et Senbet considrent dune part, quil ny a pasde relation dagence lintrieur de la firme et dautre part, quela structure dinformation permet une information parfaite pourtous les acteurs intresss par la viabilit de la firme. Si ces

    conditions ne sont pas respectes, il est possible que les cots dedfaillance ne puissent tre internaliss comme le prtendentHaugen et Senbet et quils aient un impact sur le choix de lastructure du capital dune firme et surtout sur lescaractristiques des instruments financiers et de la structuredes contrats de dette.

    Que lon conclue ou non limportance des cots de faillite8, forceest de constater quils existent et quils sont prjudiciables la

    8Selon Charreaux [1987] les cots encourus par lentreprise en cas de dfaillance constituent mmeune incitation ne pas sendetter.

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    valeur des firmes9. On peut ainsi reprsenter les diffrentesargumentations au sein du schma 1.

    Schma 1 : Linsuffisance de rentabilit dexploitation et lahausse de lendettement comme sources de dfaillance.

    DIFFICULTES DEXPLOITATION

    AUGMENTATION DE LENDETTEMENT

    EN FONCTION DE :- ENDETTEMENT INITIAL- TYPE DE PROPRIETE

    - TYPE DACTIFS- RISQUES DES ACTIVITES

    SUPPORTABLE.... NON SUPPORTABLE

    DEFAILLANCE :TRADUCTION DE LA DIFFICULTE FINANCIERE

    (SITUATION DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE)

    LA DEFAILLANCE GENERE DEUX TYPES DE COUTS

    COUTS DIRECTS : COUTS INDIRECTS :FRAIS DE JUSTICE PERTE DE

    CREDIBILITECOUTS DE REECHELONNEMENT AUPRESDES CLIENTSDE LA DETTE ET DES FOURNISSEURSCOUTS DE DEMANTELEMENT

    DEGRADATION DE LA PERFORMANCE

    DESTRUCTION DE VALEUR

    9On considre que la valorisation est le rapport dune esprance de rentabilit actualise.

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    Ainsi comme lcrit Goffin [1998]10 : Si lon tient compte desimperfections du march que sont lavantage fiscal d lendettement et les cots de faillite (...) alors lendettement

    nest pas du tout neutre. Il exerce une influence sur la valeur defirme et il existe un taux dendettement optimal .Il y aurait un endettement optimal qui maximiserait la valeur de lafirme tout en vitant les cots de la difficult financire.

    Nanmoins, il est prmatur de conclure que les consquences dela faillite ne charrient que des effets nfastes. En effet, cersultat doit tre nuanc la lumire de lanalyse conomique etfinancire.

    Dans lanalyse conomique librale, la cration et la disparitiondes entreprises ne sont que deux facettes dune mme logique :celle de la croissance et du dynamisme de lactivit.La faillite lment

    de lefficacitconomique etsourcedopportunits pour

    les concurrents

    Dans cette perspective, la dfaillance est corrle avec lesphases de croissance de lconomie. Le dynamisme de lactivit estfavorable la cration de nouvelles entreprises qui sont sujettes une forte mortalit. Ainsi, une entreprise plus jeune supporte

    des cots fixes amortis sur des sries moins longues que lesentreprises dj installes. La grande entreprise aurait alors unesurvie auto-entretenue [Edwards, 1975].La dfaillance nest donc pas perue comme un vnement ngatif,bien au contraire, puisque cette notion est positivement corrleau dynamisme de lconomie.Selon le courant de pense marxiste, la dfaillance est un moyende disparition du capital, permettant de reprendre laccumulationdu capital quand celle-ci est ralentie ou stoppe du fait de taux

    de profit trop faibles. La dfaillance apparat ici corrle auxphases de rgnration de lconomie. Lorsquun secteur dactivitne gnre pas des profits jugs suffisants, les dtenteurs ducapital rorientent leurs ressources vers des secteurs plusprofitables et plus rentables. La dfaillance doit tre vue commeun moyen de rallocation optimale des ressources la dispositiondes acteurs de lconomie.

    Si lon se situe maintenant dans lanalyse financire, plusieursauteurs tels que Jensen [1986] et Wruck [1990] font valoir que la

    10Goffin, 1998, Principes de la finance moderne , Economica, p 223.

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    faillite peut obliger les dirigeants prendre des dcisions quilsauraient cherches viter sinon.Tout se passe comme si la dfaillance puis la faillite rvlaient lafaiblesse de la position concurrentielle de lentreprise. Pourrestaurer sa comptitivit, lentreprise est contrainte de prendre

    des mesures. Le fait de se trouver en priode de redressementjudiciaire lui permet dengager des actions qui lui auraient tplus difficiles dentreprendre autrement. Ainsi comme le prciseJensen [1993] les dirigeants peuvent ainsi rengocier ou casserdes contrats dits non cassables 11. Lensemble de ces mesurespermet alors la firme de restaurer ses performances et degnrer nouveau un processus de cration de valeur.

    Lannonce dune faillite, quelle soit ou non une consquence delexcs dendettement, peut galement avoir un impact sur lesconcurrents. Lang et Stulz [1992] montrent que cette faillitecharrie deux effets : un effet ngatif de contagion, un effetpositif de comptitivit. Leffet de contagion est destructeur devaleur. En effet, lannonce dune faillite convoie une informationngative sur les firmes appartenant au mme secteur et ayant lesmmes caractristiques de cash flow. Leffet de comptitivit,quant lui, est crateur dopportunits venir car la faillite dunconcurrent permet aux autres comptiteurs daugmenter leursparts et leur pouvoir de march. Mme si leffet de contagion estprdominant, leffet comptitivit est significativement positifpour les comptiteurs appartenant des secteurs fortementconcentrs. Ce rsultat est corrobor par Ferris, Jarayamam etMakhija [1997] qui soulignent cependant la faiblesse de leffetcomptitivit. Lexemple du rachat de Moulinex par Seben est unparfait exemple.En dfinitive, ltude de la faillite nous a amen constater lacoexistence de deux effets. Un effet nfaste, gnrateur decot, de destruction de valeur voire de liquidation de lentrepriseet un effet bienfaiteur, source de cration de valeur (schma 2).

    11 Par contrat non cassable, Jensen entend des contrats o lengagement est de long terme, en

    particulier les contrats de travail (type CDI). Jensen [1993] montre que la rengociation des contratsdits non cassables est facilite en priode de faillite. En effet, dans ce cadre, lexistence mme dela firme est en jeu, par consquent les partenaires sont plus enclins faire des concessions.

    http://www.seb.com/http://www.seb.com/
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    Schma 2 : Des bienfaits et des mfaits de lendettement surla valeur.

    DIFFICULTES DEXPLOITATION

    AUGMENTATION DE LENDETTEMENTET DIFFICULTE FINANCIERE

    SUPPORTABLE NON SUPPORTABLE

    REDRESSEMENT JUDICIAIRE

    RESTRUCTURATION RESTRUCTURATIONSUFFISANTE INSUFFISANTE

    RESTAURATION DE PERTE DE

    CONFIANCE CREDIBILITE

    CREATION DE DESTRUCTION DEVALEUR VALEUR

    PAS DEFFET CONTINUATION DACTIVITE LIQUIDATION

    Hypothse de Jensen [1986] et Wruck [1990]

    Hypothse dAltman [1968 et 1984]

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    A ce stade deux rsultats essentiels apparaissent :Dune part, lensemble des modles de prvision de faillitemontrent que lendettement et linsuffisance de rentabilitdexploitation augmentent la probabilit de dfaillance12.Dautre part, la faillite est lorigine de cots (directs et

    indirects) destructeurs de valeur.Ce dernier rsultat nous amne nous poser la question suivante.Si la faillite est gnratrice de cots alors ne peut-on pasimaginer que les acteurs vont chercher les viter en lesanticipant. Ds lors le problme snonce dans les termes suivants: les dirigeants et plus gnralement les partenaires delentreprise nanticiperaient-ils pas la faillite et ses effetsnfastes partir dun ensemble de signaux et en particulier partir de lendettement ?

    2. La prise en compte des anticipations de la faillite par les acteurs : du bon etdu mauvais stress

    2.1. Lexces dendettement facteur de bon stress et de creation de valeu

    Comme nous lavons soulign la faillite est gnratrice de cots.Ces cots sont prjudiciables lensemble des parties prenantes :actionnaires, cranciers, tiers dexploitation, employs etdirigeants. En cas de faillite ces derniers risquent de perdre leuremploi. Gilson [1989] montre que le turnover des dirigeants estde 52% pour les entreprises en redressement judiciaire contreseulement 19% pour les autres.

    Lendettement,

    bon ou mauvaisstress ?

    En outre, la dure ncessaire afin de retrouver un emploi pour lespremiers est de 3 ans. Le fait de tomber en faillite les signalecomme incomptents et induit une perte de revenus, de richesseet de bien tre. Comme la perte demploi affecte le dirigeant,celui-ci sera amen rorganiser la firme avant la constatation

    12Si linsuffisance de rentabilit dexploitation et lexcs dendettement conduisent trs souvent ladfaillance, ils ne sont pas les seuls lments prendre en compte. En effet Artus et Lecointe [1990]ont cherch enrichir la comprhension de la dfaillance. Ils mettent en vidence leffet du tauxdintrt qui agit comme un canal de diffusion. La hausse du taux de dfaillance rsulterait depolitiques montaires restrictives induisant une hausse des charges financires et un rationnement ducrdit. Ce dernier conduit une restriction de linvestissement qui empche lentreprise de maintenirsa comptitivit et sa position concurrentielle. Lentreprise tant incapable de satisfaire les exigences

    imposes par le march du financement externe, la dfaillance sexplique non pas par une mauvaisegestion mais par le manque de comptitivit pour satisfaire les contraintes financires. Ainsilinsuffisance de la rentabilit ne permet pas de couvrir le cot du capital support par la firme.

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    juridique de cessation de paiement [Canella, Fraser et Lee, 1995].En effet le cot dune rorganisation en amont est le plus souventmoins onreux que le cot dune restructuration chaud o la

    pression des partenaires extrieurs amne lentreprise raliserdes oprations dans lurgence qui sont bien souvent sous optimals.Afin dviter dtre licencis, les dirigeants peuvent engager desactions oprationnelles et/ou financires. Les actionsoprationnelles peuvent se traduire par une augmentation de laproductivit, une rationalisation de lorganisation. Les actionsfinancires, quant elles, peuvent porter sur desdsinvestissements, une rengociation de la dette ou unemodification de la politique de dividendes.

    En dfinitive, tout se passe comme si la crainte de la failliteagissait comme un aiguillon. La situation de difficult financire(encore appele stress financier) dans laquelle se trouvelentreprise est alors bnfique puisquelle oblige restaurer lacomptitivit.Nanmoins les dirigeants ne sont pas les seuls supporter descots de faillite. Les actionnaires peuvent galement subir uneperte de richesse au travers de la baisse du cours de laction oude la baisse de dividende. DeAngelo et DeAngelo [1990] montrent

    que la baisse des dividendes se situe en moyenne 70%. Pourrestaurer la position concurrentielle de lentreprise, un desmoyens le plus souvent utilis par les actionnaires est leremplacement du management. Hotchkiss [1995] montre quunchangement de dirigeants aura pour consquence de favoriser leprocessus de rorganisation et dliminer les gaspillages. Enconsquence, les dirigeants ne sengagent plus vers desinvestissements non rentables mais les orientent vers des projetsrentables [- free cash flow - Jensen, 1986]. Ce changement est

    dautant plus souhaitable pour les actionnaires que la procdure(le redressement judiciaire en France ou le chapitre 11 aux Etats-Unis) favorise linefficience du management qui va pouvoir seretrancher derrire le cadre lgal et le dsintressement descranciers pour conserver ses avantages alors mme quil na past capable de grer une situation de stress.Le changement du management par les actionnaires leur estdoublement profitable. Dune part le nouveau management, plusperformant, sera capable de recrer de la valeur, dautre part

    cette action peut sassimiler un signal (vers les partenaires et lemarch) de restauration des profits futurs. On voit donc se

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    dessiner une pression des actionnaires sur les dirigeants pourrestaurer le processus de cration de valeur. Cette pression peuttre galement le fait des cranciers. Brown, James etMooradian [1994] montrent galement que les cranciers peuventgalement initier des actions correctrices en rengociant la

    dette (sur la quantit ou sur les prix13) ou en incitant la ventedactifs (pression dautant plus forte lorsque les concoursbancaires sont court terme, [Diamond, 1993]). Ils vitent ainsides cots de dfaillance qui leurs sont prjudiciables. Face cette pression, la firme engage donc des actions capables derestaurer sa rentabilit. Cette pression des banquiers pour viterla dfaillance est bien du domaine de lanticipation. Cest lacrainte de ne pas voir leurs chances respectes qui les faitagir. Ltude du cas de Massey Ferguson [Baldwin et Mason, 1983]

    montre quune firme en situation de difficult financire atendance rduire ses dividendes et violer les clauses14passesavec ses partenaires financiers. Les auteurs montrent alors que,pour surmonter lensemble de ces problmes, la firme a tcontrainte de rengocier lensemble de sa dette15. Tout se passecomme si lendettement, source de bon stress, influencepositivement le processus de cration de valeur.

    2.2. Lexcs dendettement facteur de mauvais stress et de destruction de

    valeurA linverse, la crainte des partenaires peut se rvler tre unlment amplificateur des difficults prsentes et favoriser lafaillite de la firme.Si les tiers dexploitation craignent de ne pas voir leurs contratshonors, ils vont chercher mieux se couvrir et se dgagerdune relation commerciale quils estiment dangereuse car nonfiable. Ce faisant, ils vont amplifier les difficults de lentreprise.De mme les cranciers, sils ne sont pas garantis, vont retirer

    leur confiance la firme. Cela se traduira soit par des garantiesplus importantes, soit par un rationnement partiel ou total ducrdit. Ce rationnement risque dempcher lentreprise deraliser les investissements ncessaires au dveloppement (ou aumaintien) de sa position concurrentielle. Elle ne pourra investirque dans des projets compatibles avec son financement interne

    13Les banquiers peuvent tenter de rduire leurs concours ou den augmenter le cot. Nanmoins enagissant de cette faon pour viter de subir des cots de dfaillance, ils ne font quamplifier les

    problmes de lentreprise.14La littrature anglo-saxonne emploie traditionnellement le terme de covenants.15Cette rengociation a t faite de pair avec des mesures de rorganisation interne.

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    qui, dans la plupart des cas, se rvlera insuffisant pourredmarrer le processus de cration de valeur.Lexcs dendettement peut galement tre prjudiciable aux

    obligataires. Un taux dendettement excessif peut gnrer desconflits entre actionnaires et obligataires [Galai et Masulis,1976]. Dans une situation o une entreprise est sur le point defaire faillite il y a de fortes probabilits que, dans un avenirproche, la valeur de lentreprise soit abandonne aux obligataires.Les reprsentants des actionnaires ont alors tendance grerlentreprise dans leur seul intrt, au dtriment des obligataires.Ils veulent provoquer un transfert de valeur des obligataires versles actionnaires. Il en rsulte des dcisions dinvestissements

    errones : acceptation de projets trs risqus VAN ngative ouencore acceptation dinvestissements qui procurent auxactionnaires des avantages aujourdhui au dtriment de la firmede demain, cest--dire des obligataires (cot dagence de ladette). Toutes ces dcisions contribuent diminuer la valeurglobale de la firme.

    Enfin, les salaris de peur de perdre leur emploi auront latentation de chercher un emploi chez les concurrents. Cetteaction est doublement nfaste la firme. Dune part, elle perd unsavoir-faire qui lui sera coteux (surtout dans les secteurs dehaute technologie) de retrouver et dautre part, les rductionsdeffectifs engendrent le plus souvent une dmotivation chez lessalaris restants. Cette dmotivation peut se traduire par unebaisse de la qualit des biens et services vendus.Tous ces lments, ajouts lincomptence du management,peuvent alors engendrer un cycle infernal qui se traduira par unebaisse de performance, et au del par une faillite et une

    destruction de valeur. Les difficults, dans ce cadre, sont troplourdes surmonter et gnratrices de mauvais stress.Lensemble de ces rflexions dveloppes ci-dessus nous amne penser que la difficult financire rvle la fragilit delentreprise et lamne engager des actions correctrices parfoiscapables de restaurer le processus de cration de valeur (schma3).

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    DEGRADATION DE LA PERFORMANCEETDESTRUCTION DE VALEUR

    MESURES DE RESTRUCTURATION DAUTANT PLUSIMPORTANTES QUE LE NIVEAU DENDETTEMENTINITIAL EST ELEVE

    REUSSITE ECHECDES MESURES DES MESURESDE RESTRUCTURATION DE RESTRUCTURATION

    LENDETTEMENT FACTEUR LENDETTEMENT FACTEUR DEDE BON STRESS MAUVAIS STRESS

    Ainsi un endettement initial lev peut conduire les dirigeants

    rorganiser lentreprise et engager des actions capables de larendre performante. Lendettement joue alors un rledisciplinaire dautant plus lev que lon se situe en situation dercession [Jensen, 1986] (bon stress).A linverse lorsque lexcs dendettement nest plus supportable,lentreprise ne pourra plus honorer ses engagements de faonsatisfaisante. De peur quelle ne tombe en redressementjudiciaire, elle perdra la confiance de ses partenaires (mauvaisstress).

    Lensemble de ces rflexions nous permet darriver plusieursconclusions importantes.Premirement, lendettement est capable dexpliquer le processusde cration de valeur. Nanmoins les diffrents travaux ralissne vont pas dans le mme sens. En situation de difficultfinancire ou de faillite16, linfluence de lendettement sur lavaleur nest pas clairement tablie. La relation apparat brouille.

    16La situation de faillite est caractrise par le redressement judiciaire.

    Schma 3 : Lendettement source de bon stress et de mauvais stress .

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    Deuximement, toutes les tudes saccordent sur le fait quelexcs dendettement est un facteur de fragilisation de la firmeet accrot la probabilit de dfaillance.

    En dfinitive, toutes les tudes prsentes auparavantconsidrent que lendettement est lorigine du processus decration (ou de destruction) de valeur, ceteris paribus.Nanmoins, il est lgitime de sinterroger sur la nature du lien decausalit entre endettement et valeur. Ne peut-on pas penser quecest la valeur qui dtermine lendettement des firmes et non lecontraire ?

    II - Lendettement comme rsultante de la valeur

    Il est lgitime de sinterroger en quoi lendettement est utilispour signaler la valeur de la firme. Dans ce cadre, lendettementnest plus lorigine du processus de cration de valeur. Si lon sesitue dans un cadre dasymtrie informationnelle, lendettementest un lment dinformation sur la valeur de la firme. Ilsapparente un signal et permet de rsoudre lasymtrieinformationnelle et les conflits dintrts qui peuvent surgir

    entre les diffrents partenaires de lentreprise17. Cetteasymtrie dinformation peut se rvler ex-ante ou ex-post.

    La valeurconditionnelendettement

    1. Lendettement source de rsolution de lasymtrie informationnelle ex-ante :une consquence de la valeur

    Akerlof [1970] fut le premier conomiste souligner les effetsnfastes pour les marchs dune information asymtrique. Prenantlexemple des voitures doccasion18 o lasymtrie dinformationentre vendeurs et acheteurs est trs forte, lauteur montre qulquilibre, il ny a pas dchange, situation remettant en causelexistence mme du march. En dautres termes, Akerlof montreque lasymtrie dinformation peut tuer le march.Cette conclusion dcoule du fait que lasymtrie dinformation setraduit par un prix moyen unique offert pour des produits dequalit pourtant trs diffrente. Ds lors, les dtenteurs deproduits de bonne qualit refusent de vendre leur bien un prix

    17La littrature anglo-saxonne emploie le terme de stakeholders.18Akerlof [1970] distingue les voitures doccasion de mauvaise qualit (lemons) des autres. Le problmepour lacheteur est de dterminer la qualit de la voiture qui lui est propose.

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    ne correspondant pas sa qualit relle. En revanche, lesdtenteurs de biens de mauvaise qualit sont tout fait dsireuxde cder leur bien ce prix moyen inespr.

    Spence [1974] puis Riley [1975] ont prcis les conditions remplir afin datteindre lquilibre de signalisation. En effet,certaines hypothses doivent tre vrifies afin dobtenir unquilibre stable et efficient. Le cot du signal doit trengativement corrl avec la valeur relle du bien signal. Unaccroissement marginal du signal doit entraner un accroissementmarginal de la valeur signale. Pour finir, les anticipations doiventtre vrifies ex-post. Pour tre efficient, un signal doit trecoteux, et cela notamment afin de dissuader certaines firmes(en loccurrence, les mauvaises) de lutiliser.

    De nombreux travaux ont cherch dterminer le signal le plusefficace. En dautres termes, les auteurs se sont interrogs surlexistence dun signal capable de dterminer la vraie valeur de lafirme de la faon la plus pertinente.La thorie du signal repose sur lexistence dune asymtriedinformation entre les diffrents partenaires de la vie delentreprise. Il sagit ici pour linvestisseur darriver reconnatreles firmes fort potentiel de celles qui nont que peu

    dopportunits de croissance. Ainsi Ross [1977], se plaant dansune situation dasymtrie informationnelle et supposant que lesdirigeants ont un intressement aux bnfices avec toutefois unepnalit en cas de faillite, montre que seules les firmesperformantes, efficaces et rentables sont prtes supporter unendettement relativement important car elles sont en mesuredhonorer leurs engagements sans problme. Lendettement doitalors tre considr comme un signal positif sur les opportunitsdinvestissement venir.

    En dfinitive, Ross considre donc un modle dans lequel le niveaudinvestissement est fixe et o des managers adverses au risque,utilisent la proportion des projets dinvestissements finance parla dette comme signal de la qualit de lentreprise. A lquilibre,les firmes valeur leve mettront une plus grande proportionde dette que les firmes faible valeur. La dette est donc choisie partir de lvaluation quen font les dirigeants. Pour Leland etPyle [1977], la part dactions dtenue par les dirigeants, constituegalement un signal sur la qualit de lentreprise, dans la mesure

    o elle est une fonction croissante de la rentabilit attendue. Unehausse du levier dendettement traduit une volont de la part des

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    dirigeants de ne pas diluer leur part dactions et signale unehausse des bnfices futurs. L encore, dans ce cadre,lendettement est choisi en fonction de la valeur future de la

    firme.Ces premiers rsultats ont t conforts par Harris et Raviv[1991]. Ces derniers montrent que le volume de la dette au passifdes entreprises suit non seulement une fonction ngative de laprobabilit de faillite mais galement une fonction positive de savraie valeur. Lendettement constitue un signal de la qualit de lafirme. Il est conditionn par la valeur.Lensemble de ces analyses semble montrer quune bonneentreprise est celle qui sendette, qui se dclare capable de

    rembourser une chance prdtermine et qui, la dateeffective du remboursement, honore son engagement sansproblme. Ainsi on peut conclure que la dette est un indicateur dela valeur de la firme.Dautres analyses ont repris le thme central de lendettementdans un cadre dasymtrie informationnelle. Selon Myers etMajluf [1984], la prsence dinformation asymtrique entre lesactionnaires et les investisseurs relativement la valeur de lafirme entrane un sous investissement de la part des firmes. En

    effet, si les actionnaires de la firme possdent de linformationprive quant sa valeur, ils vont tre tents de financer leursprojets dinvestissements par une mission dactions si le coursest suprieur sa valeur intrinsque. La nouvelle missiondactions est alors interprte par les financiers commeprovenant dune firme dont la valeur est survalue. Lefinancement par action reprsente alors un mauvais signal sur lemarch. Les firmes ayant des projets avec une valeur prsentepositive prfreront mettre de la dette plutt que des actions

    afin de financer leurs projets. Dans le cas o le financement paractions est la seule alternative, certains projets valeur actuellenette positive pourraient tre abandonns afin dviter unedilution au dtriment des actionnaires prsents dans la firme.Dans ce contexte, il existe une hirarchie des instrumentsfinanciers domins par les fonds internes de la firme, suivie parlmission de la dette faible risque et en dernier lieu parlmission dactions. Cet ordre de prfrence de financement serfre la Pecking Order Theory (POT) [Myers, 1984]. La

    prfrence pour le financement interne vite lentreprisedaffronter le march financier, de fournir de linformation sur

    http://www.e-theque.com/documents/glossaires/pot.pdfhttp://www.e-theque.com/documents/glossaires/pot.pdf
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    ses projets, de se justifier devant les investisseurs extrieurs etvite les frais dmission.

    Signalons enfin que si lendettement est un signal, force est deconstater quil nest pas le seul moyen de vhiculer une

    information capable de rsoudre lasymtrie informationnelle. Lesentreprises ont en effet dautres moyens pour communiquer delinformation sur leurs perspectives de profits futurs et leurvaleur. Il sagit pour lessentiel des dividendes et plus rarement(tout au moins en France) des offres publiques de rachatsdactions.

    2. Lendettement moyen de rsolution de lasymtrie informationnelle ex-post :une consquence de la prservation de la valeur

    En thorie les dirigeants se doivent dagir dans lintrt desactionnaires et de maximiser la valeur de la firme. Nanmoins ilspeuvent se comporter de faon opportuniste et cela de multiplesfaons.Si lon considre que leurs revenus sont gnralement fonction dela taille de lentreprise, les dirigeants seront tents de maximiserle chiffre daffaires -CA- (et non les bnfices) pour se btir desempires propres renforcer leur prestige [Hypothse dHubrisde Roll, 1986].Les stratgies dinvestissements constituent un second moyen parlequel les dirigeants peuvent abuser de leur pouvoir. Dans lamesure o leur rmunration dpend exclusivement delentreprise qui les emploie, ils choisissent des projetsdinvestissement dont le binme rentabilit/risque estexcessivement faible [fusion de conglomrat par exemple,Amihud et Lev, 1981]. Ces effets de diversification ne vontgnralement pas dans le sens des intrts des actionnaires [Langet Stulz, 1994].Les dirigeants peuvent galement aller lencontre des intrtsdes actionnaires en sattribuant des rmunrations excessivesgrce la domination quils exercent au sein du conseildadministration.

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    Enfin les dirigeants peuvent chercher prenniser leur prsenceen affaiblissant les mcanismes capables de sanctionner leursactions19ou de les remplacer [Maati, 1994].

    Enfin les dirigeants peuvent tre tents daccrotre ladpendance des actionnaires leur gard et dlargir leur espacediscrtionnaire en ralisant des investissements spcifiques leur savoir-faire [Morck, Shleifer et Vishny, 1990]. Toutes cesactions cartent les dirigeants de lobjectif de maximisation de larichesse des actionnaires.Face ces attitudes opportunistes et en faisant valoir que lesdirigeants vitent de rmunrer les actionnaires en consacrantles disponibilits financires de la firme des activits

    improductives, Jensen [1986] montre que le moyen le plusefficace pour rduire les conflits dintrts est daugmenter ladette. En effet, la dette est un outil de pression qui oblige lesdirigeants ninvestir que dans des projets VAN positive. Ladette est alors prconise dans le but de prserver la valeuractionnariale de la firme et nest utilise quen fonction du critrede maximisation de valeur. La dette a alors deux fonctions : ellediminue le niveau de ressources libres pouvant treaccapares par les gestionnaires20, elle augmente la probabilit

    de faillite de la firme et la perte de pouvoir dcisionnel qui y estassoci21. En donnant ainsi la possibilit aux investisseurs deprendre le contrle de la firme dans les mauvais tats de lanature, la dette comme source de financement agit comme unmcanisme disciplinaire envers les gestionnaires.Ces vertus attribues la dette avaient dj t mises envidence par Jensen et Meckling [1976]. Cependant la dette peutgnrer un type de conflits entre les actionnaires et lesgestionnaires, dont les intrts sont runis pour la circonstance,

    et les cranciers. Les conflits viennent de ce que les premierspeuvent dtourner une partie de la substance de lentreprise aux

    19 Jensen et Ruback [1983] montrent que les prises de contrle jouent un rle de mcanismedisciplinaire. Si les managers ne sont pas performants, ils voient leur gestion sanctionne par unetentative de prise de contrle. En cas de prise de contrle, les actionnaires ralisent des gains alorsque le gestionnaire enregistre une perte de bien tre et parfois perd sa place.20Dans leurs travaux de 1976 Jensen et Meckling montrent que la prsence dasymtrie dinformationaffecte le comportement des actionnaires ou des gestionnaires de telle sorte que la valeur de

    lentreprise en soit rduite. Cette diminution de la valeur de la firme est appele cots dagence.21Jensen Agency costs of free cash flow, corporate finance, and takeovers , American EconomicReview, 76, mai, 1986, p 323-329. Jensen dfinit le free cash flow comme lexcdent de ressources la disposition de lentreprise aprs que tous les projets VAN>0 aient t engags.

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    dpens des cranciers et retirer des avantages supplmentairespar rapport ce que les seconds estimaient a priori.

    De manire gnrale, toute dcision, non prvue par lescranciers, qui accrot le risque de la firme a pour effet

    daugmenter la valeur des fonds propres aux dpens de la dette.Galai et Masulis [1976] ont montr par exemple quuninvestissement financ par de la trsorerie, cest--direautofinanc, illustrait ce phnomne car la dcision quivaut substituer un actif risqu, linvestissement cause de sarentabilit alatoire, un actif non risqu, la trsorerie. Cetexemple indique que toute modification de la structure financirelie un changement de taille de lentreprise influence la valeurde chaque nature des capitaux. En conclusion, le conflit vient de

    ce que les actionnaires et les dirigeants peuvent prfrerfinalement un accroissement des risques alors que les cranciersne sy attendent pas a priori. Comme les investisseurs anticipentce comportement de la part des gestionnaires, ils peuvent ragiren limitant le montant du prt ou en augmentant le rendementexig, imposant ainsi des cots dagence lmetteur de ladette22.Au regard de ces premires analyses, on remarque que le lienentre endettement et valeur est complexe. Plusieurs lments sefont jour.Premirement, dans le cadre de symtrie informationnelle, ilsemble que la dette est lorigine de la valeur alors quensituation dasymtrie informationnelle cest la valeur quidtermine le niveau de la dette.Deuximement, si lon considre que lendettement influence lavaleur, il est difficile den dterminer le sens. Pour Modigliani etMiller [1963], la dette a un effet bnfique sur la valeur, alorsque pour Altman [1968 et 1984] elle est source de faillite etgnratrice de cots. Mme si Jensen [1986] ou Wruck [1990]reconnaissent que lendettement peut tre un facteur defragilisation de la firme, ils mettent en vidence quelendettement loin dtre une source de cots est un lmentessentiel de la restauration de la comptitivit de la firme autravers de la discipline quil impose aux dirigeants.

    22Selon Jensen et Meckling [1976], la structure optimale du capital dune firme rsulte du compromisentre les cots dagence et les bnfices lis lutilisation de la dette.

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    Nanmoins, tous les auteurs saccordent sur le fait quelendettement est source de difficult financire et quil accrotla probabilit de dfaillance de la firme.

    Si tel est le cas, ce phnomne devrait tre plus marqu lorsdune rcession conomique o une entreprise fragilise risquedtre dautant plus touche dans ses performances et sonprocessus de cration de valeur.

    III - le rle critique de lendettement au cours dune rcessionconomique

    Lexistence deffets positifs et ngatifs attendus sur la valeur de

    la firme permet de suggrer dans le cadre de la STT [StaticTradeoff Theory : Harris et Raviv, 1991 ; Myers, 1993]lexistence dun optimum de financement. Si ces effets attendussur la valeur sont bien documents dun point de vue thorique, ilnen est pas de mme sur les effets raliss sur la performance.Il est clair que la sensibilit du rsultat dune entreprise est loindtre constant dans le temps. Elle est fonction du rsultat initial,de ltat de lconomie, des caractristiques de la firme ou encorede la nature de son financement.Ainsi, au regard de lensemble des travaux antrieurs23, force estde constater que lassociation entre endettement, performanceet valeur reste une question ouverte.

    Si lon se place dans lhypothse du free cash flow de Jensen[1986], on peut sattendre ce que lendettement permette unaccroissement des performances et de la valeur (endettementest alors un mcanisme de discipline sur le dirigeant).Lendettement est ici source de bon stress.

    En revanche si la prsence de lendettement rsulte dedifficults subies par la firme [Altman, 1968 et 1984 ; Opler etTitman, 1994], alors il aura pour consquence dentamer le capitalde rputation et les performances de la firme. Dans ce cadre,lendettement est source de mauvais stress.Ainsi Opler et Titman [1994] montrent que la difficultfinancire entrane une perte de confiance qui se traduit parexemple par une perte de clientle avant mme la priode deredressement judiciaire. Cependant linfluence de lendettement

    23Notons que la plupart des contributions thoriques ou empiriques sont issues dtudes ralises surle march amricain.

    http://www.e-theque.com/documents/glossaires/stt.pdfhttp://www.e-theque.com/documents/glossaires/stt.pdfhttp://www.e-theque.com/documents/glossaires/stt.pdfhttp://www.e-theque.com/documents/glossaires/stt.pdf
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    sur la performance est conditionne par une srie de facteurstels que le contexte conomique [Platt et Platt, 1994], lastructure de proprit [Charreaux, 1997], la capacit et larputation du dirigeant [Pig, 1997] ou encore le secteurdactivit [Opler et Titman, 1994].

    Au sein de cette partie, nous nous proposons de mesurerlinfluence du contexte conomique sur la relation endettement-performance.Dans un contexte dexpansion conomique, on peut sattendre ceque les effets de lendettement soient favorables la firme(effet de levier positif, discipline sur la gestion ou encore effetde signalling).En revanche dans un contexte de rcession lendettement allie

    des effets positifs (discipline sur la gestion et effet designalling) et des effets ngatifs (effet de levier ngatif etraction ngative des tiers dexploitation - clients etfournisseurs -).

    En consquence, nous chercherons, dans un premier temps, mettre en vidence linfluence de lendettement sur laperformance et la valeur de lentreprise en situation de rcessionconomique. Puis, nous nous attacherons montrer que la capacitdendettement des entreprises dpend de ses caractristiques

    propres. Enfin, nous chercherons mettre en vidence que ladifficult financire naffecte pas galement toutes les firmes.

    1. Limpact de lendettement sur la performance et la valeur au cours dunercession conomique

    Au sein de cette section, nous prsenterons en quoi la prise encompte de lendettement peut induire une dgradation desperformances au travers des anticipations des tiersdexploitation avant de prsenter les rsultats des tudes y

    affrents.

    A : La prise en compte des ractions des tiers dexploitation :position du problme

    Opler et Titman [1994], en sappuyant sur les travauxdAltman [1984], reconnaissent que lexcs dendettement, sourcede stress24financier, est lorigine des cots de dfaillance. Si

    24Notons que le stress est reprsentatif dune situation de tension qui est bienfaitrice ou nfaste.

    Cliniquement, cest une rponse dun individu ou dune organisation toute demande dadaptation ou dechangement. Autrement dit, le stress est une situation de tension qui apparat lorsque des difficultssurgissent et obligent lentreprise une ncessaire adaptation. Cette situation de tension peut tre

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    les cots directs sont mesurables, lestimation des cotsindirects reste plus problmatique Altman [1984]. Dans leprolongement de ces travaux, Opler et Titman [1994] arguent que

    les entreprises en difficult peuvent subir une baisse deperformance et dactivit avant mme une situation deredressement judiciaire. Cette rflexion avait dj t suggrepar Malcot [1984]. Ce dernier montre que les diffrents acteurspeuvent mettre des doutes quant la prennit dune entrepriselorsquelle se trouve en situation de difficult financire.

    De crainte de subir des cots dopportunit et de crdibilit[Malcot, 1984], les partenaires de lentreprise vont chercher mieux se garantir avant mme la situation de redressement

    judiciaire. Parmi ces cots, on trouvera des cots dagence ou dedlgation, portant sur la rengociation de contrats commerciauxet/ou financiers. En revanche, certains cots (appels cots aposteriori) napparaissent quune fois la dfaillance reconnue etprononce : il sagit de cots de liquidation ou de rorganisation.

    Cela conduit Malcot envisager ces cots dans un tableau partie double (tableau 3).

    Tableau 3 : Tableau illustrant la distinction entre cotsdirects/indirects et cots a priori/a posteriori25.

    Cots directs Cots indirects

    Cots administratifs Cots dimage (de crdibilit)A Priori (Avant le

    redressement judiciaire) Cots de dlgation

    Cots de dlgation Cots dopportunit26

    Cots de rorganisation

    Cots de liquidation

    A Posteriori (Pendant leredressement judiciaire)

    Cots sociaux

    Cette approche a le mrite de prendre en considration lesvnements et actions qui se passent antrieurement lasituation de redressement judiciaire. Mme si cette approche estplus riche, elle ne lve pas pour autant la difficult dvaluer lescots a priori.

    bnfique puisquelle peut amener les dirigeants agir avec plus de pragmatisme et defficacit, linverse lorsque le stress devient insoutenable les dirigeants ne sont plus capables de faire face aux

    difficults. Le stress devient alors une source de contre-performance.25Tableau tir de Malcot, 1984, Thorie financire et cots de faillite , Thse pour le doctoratdEtat, Universit de Rennes I, p 384.26Malcot prcise galement que les cots a posteriori, sont par exemple, la perte de crdits dimpts.

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    En dfinitive, Opler et Titman [1994] reprennent et dveloppentcette approche. Ils cherchent mesurer les cots indirects subispar une entreprise en difficult.

    Dans le prolongement des travaux antrieurs, les auteursestiment que lindicateur de difficult le plus pertinent est leniveau dendettement. En effet, lexcs dendettement est

    rvlateur dune situation de stress. Il peut tre peru comme unsignal ngatif par les partenaires de lentreprise, et plusparticulirement par les partenaires dexploitation. Selon laperception quils auront de lentreprise, les diffrentspartenaires peuvent anticiper des problmes venir, dautant plusque lon se trouve dans une situation de rcession conomique27.Sils estiment que lentreprise peut surmonter ses difficults, ilslui garderont leur confiance, linverse, ils peuvent convenir queles difficults ne pourront pas tre surmontes sans dommage

    pour lentreprise qui, de ce fait, perdra une partie de sacrdibilit vis--vis de ses partenaires. Cette perte de crdibilitva agir sur la performance et la valeur.

    Opler et Titman [1994] remarquent que le plus difficile ici est dedterminer prcisment la perte de crdibilit auprs des tiersdexploitation. Ils estiment quelle peut se mesurer au travers dela baisse des ventes (les auteurs parlent de perte de rputation).Cependant cette mesure reste sujette discussion car larduction du CA peut tre le fait de laction des managers, de laperte de rputation aux yeux de la clientle ou encore de lactionagressive des comptiteurs (tableau 4).

    27 Traditionnellement la science conomique parle de rcession lorsquon observe une baisse du PIB.

    Cette approche a le mrite de prendre en considration lesvnements et actions qui se passent antrieurement lasituation de redressement judiciaire. Mme si cette approche est

    plus riche, elle ne lve pas pour autant la difficult dvaluer lescots a priori.

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    Explication dudclin de la

    performance

    Explication Cetteexplication

    permet-elle deprvoir une

    baisse du CA

    Cette explicationpermet-elle

    dexpliquer une baissede la performance de

    la firme

    Autres explications

    Effet client Les clientscessent leurs

    relations avec lafirme

    Oui Oui Le dclin est plusmarqu pour les

    entreprises dont laproduction est

    spcialise

    Effet de laconcurrence

    Guerre des prixde la part desconcurrents du

    secteur afin desoctroyer des

    parts de march

    Oui Oui Le dclin risque dtreplus marqu pour les

    entreprises appartenant

    des secteursfortement concentrs

    Action des

    dirigeants

    Les dirigeantsrduisent la

    taille delentreprise

    (vente des actifsnon rentables)

    afin de dgagerdes liquidits

    pour leurs

    stratgies

    Oui Non Le dclin de laperformance pourrait

    sexpliquer par larduction de la taille de

    la firme

    Cependant ils prcisent quil est possible de dterminerlimportance relative de ces trois phnomnes.Par exemple on peut penser que le dclin dactivit est d aucomportement des concurrents lorsquon se trouve dans unsecteur oligopolistique. Les concurrents de la firme, percevant safragilit, seront amens dvelopper des stratgies dautant plusagressives en termes de guerre des prix (une des trois stratgiesgnriques dveloppes par Porter, 1986) que leurs moyensfinanciers sont importants. Sachant que les forces de raction de

    lentreprise considre sont amoindries, ils pourront soctroyerde nouvelles parts de march. Comme lentreprise fragilise nepourra pas sengager dans cette guerre des prix au risque de neplus pouvoir faire face ses chances, elle risque dobserver undclin de son CA et de ses ressources qui conduisentmcaniquement une baisse de sa performance et une haussede son endettement.

    28Cet effet de rputation a un caractre pluriel et peut trouver sa source chez les cranciers de

    lentreprise. En effet, les banquiers peuvent craindre de ne pas voir leurs crances honores. Ilsdoutent de la capacit de lentreprise faire face ses engagements. Anticipant des difficults venir, ils acclrent un processus de dgradation de comptitivit nfaste la firme (rduction desconcours bancaires, garanties demandes plus importantes) pouvant aboutir la dfaillance de celle-ci.

    Tableau 4 : Les sources de dgradation de lactivit duneentreprise. (Tir dOpler et Titman Financial distress andcorporate performance , Journal of Finance, XLIX(3), July1994, p 1018).

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    recherche et de dveloppement (R&D). La R&D serait dans ce casun indicateur de spcialisation de la production de la firme

    [Titman et Wessels, 1988 ; Titman et Opler, 1993]. En effet, laperte dun client sera dautant plus douloureusement ressentie entermes de performance que le march potentiel pour ces produitsest moins large que pour les produits grands publics. Le cot li la difficult financire sera plus important dans une relation long terme o les partenaires schangent des produitsspcifiques haute technologie.

    Enfin, le dclin du CA peut galement trouver sa source dans la

    rduction de la taille de la firme. En effet, pour surmonter ladifficult financire les managers peuvent cder une partie desactifs non stratgiques [Brown, James et Mooradian, 1994]. Enrduisant la taille de la firme, ils affaiblissent le pouvoir demarch de lentreprise et donc sa capacit trouver dans unesituation concurrentielle favorable.

    Se plaant dans une situation de rcession conomique, lesauteurs cherchent savoir dune part, si les entreprisesconnaissent une baisse de performance (et au-del de valeur)

    dautant plus marque que leur endettement initial est important,et dautre part, si la rcession conomique entrane une hausse delendettement.

    Dans un premier temps nous prsenterons la mthodologie et lesmesures employes par Opler et Titman pour mettre en videncele lien endettement-rputation et performance avant deprsenter les rsultats obtenus.

    Opler et Titman cherchent dterminer si lexistence dun

    endettement initial lev amplifie limpact dun choc conomiquesur la variation de performance de lentreprise et sur la variationde lendettement.Pour rpondre ce problme, ils prsentent leur mthodologie etleur choix de mesures de levier et de performance.

    Ils considrent tout dabord que le phnomne quils cherchent mettre en vidence sera plus marqu pour les entreprisesfortement endettes et appartenant des secteurs en

    La dfaillance sexplique non pas par une mauvaise gestion mais par un manque de comptitivit poursatisfaire aux contraintes financires. Cette analyse a t reprise par Artus et Lecointe [1990].

    Par ailleurs, laction des clients (et des fournisseurs)28 estdterminante pour les firmes qui engagent dimportants frais de

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    difficult29 (cest--dire en rcession)30. Si leurs hypothses dedpart sont justes, ils prcisent quon devrait pouvoir observerune dgradation des performances (et de la valeur)

    significativement diffrente des autres entreprises.A linverse si la hausse de lendettement joue le rle dunmcanisme disciplinaire obligeant les firmes devenir plusefficientes [Jensen, 1986], alors les firmes plus endettesdevraient connatre une performance suprieure aux autresentreprises du mme secteur.

    Laxe du temps reprsent ci-dessous permet de visualiser leurmthodologie.

    -2 -1 0 +1Choix dun levier Mesures de performance de la firme

    dans son secteur

    Ils tablissent leur dmarche en 3 temps principaux.

    Tout dabord, ils mesurent le levier ex-ante (T=-2) et observent

    la variation des ventes, du cours boursier et du rsultatdexploitation entre T=-1 et T=+1. Le choix de prendre le levier enT=-2 est guid par la prise en compte de problme dendognit.En effet, si lon considre que lendettement est un indicateur devulnrabilit et que lon choisit de le mesurer en T=-1 ou en T=0,on risque dintroduire un biais entre la variable explicative et lavariable explique. On pourrait alors observer une corrlationngative entre le levier et la performance en raison du fait queles firmes les moins performantes peuvent augmenter leur

    endettement pour couvrir leurs pertes. Leur analyse implique quele choix de lendettement (ralis en T=-2) est exogne.

    Dans un second temps, les auteurs mesurent la performanceentre T=-1 et T=+1 (lanne 0 tant lanne de base).

    29Les auteurs estiment quun secteur est en difficult quand la variation mdiane de ses ventes estngative et quand la variation mdiane de lindice sectoriel dcrot de plus de 30 %.30Leur priode dtude stend de 1972 1991.

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    Dans un dernier temps, ils utilisent une mthodologie classique : largression linaire multiple. Cette dernire prend la formesuivante31:

    Performance de la firme32(calcule entre T=-1 et T=+1)= + 1V1 +2V2 +3V3 +4V4 +5V5+6V6+ 7V7+ avec :V1 = Log des ventesV2 = Profitabilit du secteur industrielV3 = Montant des investissements industriels/actifsV4 = Montant des ventes dactifs rapport au secteur industrielV5 = Appartenance un secteur en difficult(Variable muette prenant les valeurs 0 ou 1)V6 = Entreprises haut levier(Variable muette prenant les valeurs 0 ou 1)

    V7 = Firmes haut levier appartenant des secteurs endifficult(Variable muette prenant les valeurs 0 ou 1)= Rsidus

    Le choix dutiliser une variable muette plutt quune variablecontinue pour dfinir un fort levier est justifi par le fait que lesauteurs font lhypothse que le lien entre endettement etperformance nest pas forcment linaire. La variable V1 permet

    de prendre en compte le facteur taille. Les variables V2, V3 et V4sont utilises pour rendre compte de la spcificit du secteurdans lequel volue chaque firme.Le choix de cette mthodologie les amne immdiatement prciser leurs mesures dendettement et de performances.

    Le degr de difficult financire peut tre apprci travers lelevier. Ce choix prsente lintrt de permettre des mesuresfaciles effectuer. Pour calculer le levier, nous pouvons utiliser

    des valeurs comptables ou boursires. Si lon dfinit le leviercomme le rapport de la dette sur la valeur de laction, on risquedintroduire un biais. En effet, le problme est ici de tester larelation existant entre le niveau dendettement et la dgradationde la performance. Si la performance est apprcie traverslvolution du cours boursier (mesure que les auteurs utilisent), il

    31 Lutilisation dune rgression linaire se justifie par le fait que la variable explique suit une loinormale (ou tende vers une loi normale).32

    La performance de la firme est mesure de 3 faons diffrentes : variation du CA, variation ducours boursier et variation de la performance conomique (EBIT). Nous expliquerons le choix de cesmesures page suivante.

    http://www2.univ-lille2.fr/inference/seance5.htmhttp://www2.univ-lille2.fr/inference/seance5.htmhttp://www2.univ-lille2.fr/inference/seance5.htmhttp://www2.univ-lille2.fr/inference/seance5.htm
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    peut tre dangereux dintroduire la mme variable, ici le coursboursier, dans la mesure de lendettement. Cest pourquoi lesauteurs retiennent comme mesure du levier le rapport entre la

    valeur comptable33

    des dettes et le passif total.Les mesures de performance choisies par Opler et Titman [1994]sont au nombre de trois. La variation du cours boursier et lavariation du rsultat dexploitation avant charges dintrts etamortissements (EBIT) et la variation de CA relativement auxmoyennes du secteur dans lequel chacune des firmes se trouve.La variation du cours boursier constitue un premier critre deperformance. Il prsente un intrt dans le sens o il anticipe larentabilit future de la firme et montre une variation de la

    valeur. Suivant lhypothse selon laquelle les rendementsboursiers des firmes les plus endettes sont plus sensibles unchoc conomique, les auteurs sattendent observer unecorrlation ngative entre le levier et les rendements boursiersdurant les priodes de rcession conomique.LEBIT, quant lui, ne partage pas les mmes caractristiquesque celles dcrites prcdemment pour le rendement boursier,mais il a lavantage de montrer le rendement gnr parlexploitation de lentreprise. Si cette mesure a lavantage de ne

    pas prendre en compte les dotations aux amortissements et auxprovisions, elle nest pas pour autant exempte de toute critique.En effet, les firmes peuvent manipuler temporairement leursrsultats. Cela peut se traduire par des ventes anticipes leursclients en accordant des conditions de crdit plus avantageuses.

    Lexcsdendettementsource dedgradation dela rputation etdesperformances

    La dernire mesure, la variation du CA, mesure limpact de leffetclient ou de laction de la concurrence. Cette mesure traduit laperte de confiance34 des tiers dexploitation. En effet cesderniers, de crainte de ne pas voir leurs contrats honors,

    cherchent se dgager prventivement afin dviter de subir descots de faillite.Malheureusement, linstar dOpler et Titman, nous ne pouvonspas dterminer avec prcision si le dclin de lactivit (du CA)tient laction des managers (vente dactifs et rduction duvolume dactivit), des clients (perte de confiance) ou descomptiteurs (politique agressive de guerre des prix).

    33En utilisant une mesure comptable Titman et Wessels [1988] montrent que la relation entre le levier et la profitabilit

    apparat comme substantiellement plus faible que lors de lutilisation des valeurs de march.34Cette perte de confiance est appele par Opler et Titman perte de rputation.

    http://www.vernimmen.net/http://www.vernimmen.net/
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    Malgr son imperfection, le CA reste un indicateur de rputationpour la firme. Si les firmes les plus endettes sont les moinsperformantes, on devrait observer une relation ngative entre unhaut levier et lactivit de lentreprise (perte de rputation).

    Le premier rsultat obtenu par les auteurs est dordre descriptif.Ils montrent que les entreprises appartenant des secteurs enrcession subissent une hausse de leur endettement plusimportante que les autres firmes. Si le montant des dettes(mesur, rappelons le, par le ratio comptable des dettes totalessur le total du passif) est sensiblement quivalent en T=-2 pourles deux sous populations, il est diffrent en T=0. Les entreprisesappartenant des secteurs en rcession voient leur ratio moyenpasser de 29% 34%, alors que dans le mme temps les

    entreprises appartenant des secteurs performants voient leurendettement voluer de 30% 31%.

    Ils remarquent galement que les firmes qui appartiennent dessecteurs en rcession sont en moyenne de taille plus petite. LeurCA est de 181 millions de dollars en moyenne contre 480 millionspour celles appartenant des secteurs performants.

    En utilisant une mthodologie base sur des rgressions linairesmultiples, les auteurs montrent, sur lensemble de lchantillon,que les entreprises les plus endettes (autrement dit en situationde dtresse financire - cest--dire appartenant aux deuxderniers dciles) connaissent une dgradation de leursperformances dactivit plus marque de lordre de 3% (au seuilde significativit de 1%) que les autres firmes. Cela indique queles firmes endettes perdent des parts de marchs lors dunercession conomique. En utilisant deux autres mesures deperformances, la variation du cours boursier et lEBIT, ilsmontrent que les firmes les plus endettes voient leursperformances boursires se dgrader plus fortement (de lordrede 4% un seuil de significativit de 1%) ainsi que leursperformances dexploitation (de lordre de 0,4% -nanmoins cersultat napparat pas significatif -).Les rsultats dOpler et Titman suggrent galement que si lesentreprises fort levier, se trouvant dans un secteur industrielen rcession, connaissent une dgradation de leurs performances

    significativement plus fortes que les autres. Ces entreprises endifficult subissent, comparativement aux autres, un dclin plus

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    marqu de leurs performances (13,6% pour lactivit, 11,9% pourla valorisation boursire et 6,7% pour la performance conomique- les deux premiers rsultats tant significatifs au seuil de 1% et

    le dernier au seuil de 10% -). Le schma 5 reprend de faonsynthtique les rsultats obtenus par Opler et Titman sur le lienexistant entre la difficult financire et la variation desperformances.

    Schma 4 : Influence de lendettement initial sur laperformance des firmes appartenant des secteurs enrcession.

    RECESSION ECONOMIQUE

    BAISSE DACTIVITE

    DEGRADATION DE LA PERFORMANCEDAUTANT PLUS FORTE QUE LENDETTEMENTINITIAL EST ELEVE

    DIMINUTION DES RESSOURCES

    AUGMENTATION DE LENDETTEMENT(SOURCE DACCROISSEMENT DELA DIFFICULTE FINANCIERE)

    Leurs rsultats font galement apparatre quau sein des secteurs

    en rcession les firmes trs haut levier (cest--direappartenant au dernier dcile) connaissent une croissance de leurcours boursier de 23,6% (au seuil de significativit de 1%) plusfaible que celles appartenant au premier dcile.Reprenant leurs hypothses de dpart Opler et Titman cherchent savoir si le dclin des ventes est plus marqu pour :* Les entreprises appartenant des secteurs capitalistiques.* Les entreprises appartenant des secteurs oligopolistiques.* Les entreprises de petite taille.

    Pour vrifier leurs hypothses, ils procdent de nouveau desrgressions linaires en distinguant chaque fois deux groupesdentreprises.

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    Pour dfinir le caractre capitalistique dun secteur, ils utilisentla variable des frais de recherche et de dveloppement (R&D).Titman et Wessels [1988] montrent que les frais de R&Dindiquent le degr de spcialisation de