l’enfant face à la tâche: problèmes à résoudre, difficultés à surmonter

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L‘Enfant Face à la Tâche: Problèmes à Résoudre, Difficultés à Surmonter Genéviève Sastre Université de Barcelona, Espagne Je me propose de commenter des intéressants exposés de P. Mendelsohn et G. Vergnaud sur deux points qui a mon avis ont une plus grande importance dans la généralisation des apprentissages: la recherche des cadres théoriques qui expliquent les différentes pérforman- ces dans des tâches considérées comme équivalentes; et le rôle des structures des symboles dans la compréhension et la résolution des tâches scolaires. Un des problèmes les plus brûlants de l’éducation est d’arriver à ce que les apprentissa- ges soient généralisables. Ceci ne s’obtient pas si l’on persévère à vouloir offrir des tâches qui ne permettent ni la manifestation des conceptions ni l’exercice des compétences des enfants. Selon Vergnaud, d’un des objectifs scientifiques les plus urgents est d’analyser les compé- tences scolaires de manière que l’on puisse identifier les connaissances sur lesquelles elles reposent ». On doit initier cette analyse en sachant que l’application d’une même compétence a des limites qui doivent être aussi objet de recherche. Mendelsohn au sujet de ces limites dit que (des compétences d’un élève ne peuvent pas se résumer au seul constat de la présence d’une capacité opératoire, encore faut-il diagnostiquer avec quelle efficacité opérationnelle l’enfant peut la mettre en oeuvre. Vergnaud va encore plus loin lorsqu’il affirme que les compétences opératoires ((s’appliquent à des valeurs variables de certaines situations et qu’elles génèrent une diversité d’actions». Actuellement les limites d’application d’une compétence font l’objet de nombreuses étu- des issues de différents courants psychologiques. Vergnaud propose que l’étude de filiations et de ruptures se fasse de préférence à l’intérieur d’un domaine assez grand de concepts reliés entre eux. Ses travaux ont permis de découvrir d’importants décalages dans la résolution de probkmes qui apparemment ont le même degré de complexité structurelle et apportent des possibilités de généralisation des apprentissages. Mendelsohn dit que le principal problème que pose la psychologie cognitive est la recher- che ((d’une cohérence d’ensemble dans la grande variété des conceptualisations disponibles»; et dans sa demande de cohérence il désire une intégration progressive «des différentes appro- ches dont certaines privilégient une analyse orientée-sujet et d’autres une analyse orientée- -problème. L‘intégration de ces deux pôles nous a permis (M. Moreno, G. Sastre, 1982), dans le cadre d’une série de recherches sur l’apprentissage de la classification, d’élaborer la notion de contexte opérationnel. Lors de ces expériences, nous avons pu constater que les procédures et stratégies des sujets dépendaient de la structure logique de la tâche. Des enfants qui n’avaient aucun pro- blème pour réunir tous les éléments ayant une propriété commune, échouaient lorsque nous leur demandions la construction de cette même collection dans un contexte logique plus com- plexe; et dans son échec le sujet reproduisait une succession de stratégies et procédures qu’il avait rejetées en tant que génératrices d’échecs lors de contextes plus simples. Ceci nous a permis de définir le contexte opérationnel d’un système comme l’ensemble de schèmes et d’opé-

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L‘Enfant Face à la Tâche: Problèmes à Résoudre, Difficultés à Surmonter

Genéviève Sastre Université de Barcelona, Espagne

Je me propose de commenter des intéressants exposés de P. Mendelsohn et G. Vergnaud sur deux points qui a mon avis ont une plus grande importance dans la généralisation des apprentissages: la recherche des cadres théoriques qui expliquent les différentes pérforman- ces dans des tâches considérées comme équivalentes; et le rôle des structures des symboles dans la compréhension et la résolution des tâches scolaires.

Un des problèmes les plus brûlants de l’éducation est d’arriver à ce que les apprentissa- ges soient généralisables. Ceci ne s’obtient pas si l’on persévère à vouloir offrir des tâches qui ne permettent ni la manifestation des conceptions ni l’exercice des compétences des enfants. Selon Vergnaud, d’un des objectifs scientifiques les plus urgents est d’analyser les compé- tences scolaires de manière que l’on puisse identifier les connaissances sur lesquelles elles reposent ».

On doit initier cette analyse en sachant que l’application d’une même compétence a des limites qui doivent être aussi objet de recherche. Mendelsohn au sujet de ces limites dit que (des compétences d’un élève ne peuvent pas se résumer au seul constat de la présence d’une capacité opératoire, encore faut-il diagnostiquer avec quelle efficacité opérationnelle l’enfant peut la mettre en oeuvre. Vergnaud va encore plus loin lorsqu’il affirme que les compétences opératoires ((s’appliquent à des valeurs variables de certaines situations et qu’elles génèrent une diversité d’actions».

Actuellement les limites d’application d’une compétence font l’objet de nombreuses étu- des issues de différents courants psychologiques. Vergnaud propose que l’étude de filiations et de ruptures se fasse de préférence à l’intérieur d’un domaine assez grand de concepts reliés entre eux. Ses travaux ont permis de découvrir d’importants décalages dans la résolution de probkmes qui apparemment ont le même degré de complexité structurelle et apportent des possibilités de généralisation des apprentissages.

Mendelsohn dit que le principal problème que pose la psychologie cognitive est la recher- che ((d’une cohérence d’ensemble dans la grande variété des conceptualisations disponibles»; et dans sa demande de cohérence il désire une intégration progressive «des différentes appro- ches dont certaines privilégient une analyse orientée-sujet et d’autres une analyse orientée- -problème.

L‘intégration de ces deux pôles nous a permis (M. Moreno, G. Sastre, 1982), dans le cadre d’une série de recherches sur l’apprentissage de la classification, d’élaborer la notion de contexte opérationnel.

Lors de ces expériences, nous avons pu constater que les procédures et stratégies des sujets dépendaient de la structure logique de la tâche. Des enfants qui n’avaient aucun pro- blème pour réunir tous les éléments ayant une propriété commune, échouaient lorsque nous leur demandions la construction de cette même collection dans un contexte logique plus com- plexe; et dans son échec le sujet reproduisait une succession de stratégies et procédures qu’il avait rejetées en tant que génératrices d’échecs lors de contextes plus simples. Ceci nous a permis de définir le contexte opérationnel d’un système comme l’ensemble de schèmes et d’opé-

DISCUSSION DES TEXTES 29

rations collatérales qui entourent ce système et qui peuvent en perturber le fonctionne- ment.

L‘analyse de la succession de stratégies employées par le sujet tout au long de l’appren- &sage a permis d’introduire l’analyse des tâches dans un nouveau cadre théorique qui synthé- tise en une explication d’ensemble la compétence opératoire et l’efficacité opérationnelle. La définition du contexte opérationnel inclut donc l’analyse structurelle de la tâche e t les straté- gies que le sujet emploie, en fonction de ses compétences, dans la résolution des problèmes, sans pour cela diluer la spécificité des opérations mentales dans le cadre des connaissances collatérales d’ordre très diverses.

Les études de Vergnaud et nos propres travaux montrent que les décalages, loin d’être de cas exceptionnels, sont plutôt des phénomènes constants qui se manifestent dans tout pro- cessus de géndralisation reconstructive (Moreno-Sastre, 1982). Ainsi, tout au long de diffé- rentes recherches sur l’apprentissage des opérations arithmétiques élémentaires, nous avons eu l’occasion de constater que les écoliers produisent des messages de niveau structurel très différent selon le système symbolique utilisé.

L‘évolutbon continue, lente et progressive de la capacité d’exprimer graphiquement une transformaticin quantitative (réalisée avec matériel empirique) dans des situations ouvertes et de commuiiication entre égaux, présente le développement de la pensée arithmétique comme une succession de formes de représentation et de symbolisation, de plus en plus adaptées à l’analyse et à la différentiation des propriétés qui rendent possibles les inférences arithmé- tiques. Nous pouvons citer, en tant que caractéristiques de cette évolution: la richesse et variété des systèmes symboliques, la microgénèse qui se développe à l’intérieur de chacun d’eux, et l’ordre dans lequel s’élaborent et s’accumulent les différents recours communicatifs.

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