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Les Cahiers de YERUSHALAIM N°2 Qui est Jésus ? « Pour vous, qui suis-je ? » Joël Putois avec la participation de Henri LEFEBVRE Anastasis pio christiano Représentation symbolique de la Résurrection. Sarcophage romain, datant de l'an 350 environ. Musée du Vatican - Photo chargée du site internet wikipedia Edité par l’association CŒUR C omité Œcuménique d’ U nité chrétienne pour la R epentance envers le peuple juif

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Les Cahiers de YERUSHALAIM N°2

Qui est Jésus ?

« Pour vous, qui suis-je ? »

Joël Putois avec la participation de Henri LEFEBVRE

Anastasis pio christiano

Représentation symbolique de la Résurrection. Sarcophage romain, datant de l'an 350 environ. Musée du Vatican - Photo chargée du site internet wikipedia

Edité par l ’association CŒUR

Comité Œcuménique d’Unité chrétienne pour la Repentance envers le peuple juif

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L e s C a h i e r s d e Y E R U S H A L A I M n u m é r o 2 « Q u i e s t J é s u s ? »

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SOMMAIRE

Avant-propos

Introduction Chapitre 1 S’affranchir du poids des erreurs historiques 5 Chapitre 2 Jésus , un personnage hors norme 8 Chapitre 3 Le Jésus des Évangiles 10 Chapitre 4 Les premiers témoins de Jésus ressuscité 12

1ère Partie : Jésus, Fils de l’Homme et Fils de Dieu Chapitre 5 La construction de la doctrine chrétienne dans un milieu difficile 14 Chapitre 6 Une inculturation décisive 17 Chapitre 7 Logos ou Shekhina ? 19 Chapitre 8 Philon : une philosophie récupérée par l’Église 21 Chapitre 9 La dérive doctrinale 23 Chapitre 10 L‘incarnation selon le Nouveau Testament 25

2e Partie : Jésus Messie Chapitre 11 Messie et Fils de l’Homme 27 Chapitre 12 Premier Adam et dernier Adam 30 Chapitre 13 Une re-création de l’Adam … ( et Marie, nouvelle Eve ?) 32 Chapitre 14 L’ère messianique : changement et continuité 34 Chapitre 15 La transgression d’Adam, source d’un ébranlement cosmique 36 Chapitre 16 La résurrection : pourquoi ? 39 Chapitre 17 La résurrection : pour quoi ? 43 Chapitre 18 Le Messie vient pour restaurer. 45 Chapitre 19 Identité et vocation du Messie 48 Chapitre 20 L’ère messianique : phase ultime de la Restauration-Rédemption 50

3e Partie : Jésus Sauveur-Rédempteur Chapitre 21 Jésus Sauveur Rédempteur 52 Chapitre 22 Conception traditionnelle du Salut : le Messie triomphant 55 Chapitre 23 Le Messie sauveur accidentel - homme de douleurs 58 Chapitre 24 La Parousie, « accomplissement » ultime de l’ère messianique 62 Chapitre 25 Le Messie rédempteur : étendue de sa mission 65 Chapitre 26 L’itinéraire-bis évite des erreurs de traduction 68

4e Partie : Essai de Synthèse Chapitre 27 Le ré-enseignement : un défi ! 72 Chapitre 28 Un nouveau regard sur « Jésus Dieu » ? 77 Chapitre 29 Quel accomplissement ? 83 Chapitre 30 Changer le monde : comment ? 86 Chapitre 31 Les dix paroles des Temps de la fin 88 Chapitre 32 Identité et vocation respectives des Juifs et des Chrétiens 90 Chapitre 33 La réparation : rétablir les identité et vocation respectives 93 Chapitre 34 Identités et vocations juives et chrétiennes distinctes mais convergentes 96

Postface 99

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Avant-propos Nous sommes heureux de vous présenter ici le deuxième « CAHIER DE YERUSHALAIM ». Nos lecteurs de l’association ont parfois été surpris par le sujet que nous avions choisi pour le premier Cahier. Le sujet de ce Cahier n°2 est beaucoup plus compréhensible compte tenu de notre longue quête initiée dans les 50 numéros de notre REVUE YERUSHALAIM. Il n’en est pas moins périlleux, car si les différends entre nos églises s’estompent quand nous voulons parler au monde de notre foi commune, ils se ravivent dès que nous essayons de donner un corps uni à nos différents points de vue sur la question que nous nous posons ici. Il y eut certes un certain nombre de « conciles œcuméniques » qui ont tenté de définir une doctrine commune. Nous aborderons ce sujet pour en rappeler les circonstances. Mais le consensus obtenu est loin de donner une réponse globale claire à notre question. Nous avons donc bien conscience que la question est immense, vertigineuse même, que nous ne pourrons au mieux que l’effleurer, mais qu’elle risque de bousculer un certain nombre de sensibilités. Car si la foi en Jésus est bien ce qui amène les hommes sur le seuil du Christianisme, on constate vite, dès qu’on y pénètre, de nombreuses convictions et des pratiques dissemblables qui peuvent surprendre ! Et à ce moment-là notre question peut devenir presque dérangeante… Dans la continuité de nos revues YERUSHALAIM, nous nous efforcerons de dégager les réponses que nous trouvons si nous en tenons obstinément à une lecture attentive des Ecritures, Nous voulons ainsi fournir au lecteur des éléments objectifs de discernement. Il en est de cette question comme de l'observation d'un grand tableau: à force de le contempler, on en arrive à le connaître si bien que, insensiblement, on s'en approche pour distinguer les détails. Et, ce faisant, on commence peu à peu à perdre de vue l'ensemble. Il est bon, de temps en temps , de prendre un recul suffisant pour assimiler à nouveau dans sa globalité, ce qui redonne en même temps toute son importance aux détails qui avaient focalisé notre attention. C’est cette méthode que le père Roger Telle décrit en introduction à une étude qu’il a rédigée sur le baptême :

Mettons-nous d'abord à l'écoute des textes de la Bible en cherchant à voir ce qu'ils nous disent du baptême, sans a priori, sans chercher à justifier ou critiquer nos théologies ou pratiques actuelles, mais en cherchant autant que possible à comprendre le baptême dans sa fraîcheur première comme les premières générations chrétienne le comprenaient. Nous chercherons aussi à lire ces textes pour eux-mêmes, avec un regard neuf. Cela n'est pas facile et demande un effort de désappropriation de notre vision habituelle du baptême, un effort d'objectivité. Nous avons tous vu des peintures du Moyen-Âge, représentant par exemple la

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nativité de Jésus, où les lieux, les habitations, les personnages, les attitudes, les costumes, sont ceux de l'époque du peintre. Ces peintures nous renseignent mieux sur leurs auteurs et leur époque moyenâgeuse que sur la nativité elle-même. Nous risquons de faire de même en lisant les textes bibliques avec nos images, nos conceptions, nos habitudes à propos du baptême, et de ne pas sortir de notre vision préconçue. Essayons donc de regarder les textes pour eux-mêmes, le plus objectivement possible.

C'est donc à une telle démarche que nous invitons le lecteur. C'est à une enquête que nous le convions, Bible en main, en l'invitant à s'y avancer en acceptant de jeter un regard nouveau Au pire, cette enquête emmènera peut-être l’un ou l’autre à une remise en question de conceptions qui lui paraissaient solides, et cela ne peut que l’inviter à retravailler pour lui-même les questions posées. Au mieux, il pourra en résulter un affermissement de la foi de celui qui l'aura suivi. C'est en tous cas le voeu que nous formulons.

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Introduction

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Chapitre 1

S’affranchir du poids des erreurs historiques

Il est bien clair, et il faut fortement insister à ce sujet, que le Christianisme a pris naissance au sein du Judaïsme. Jésus, ses disciples et la première église étaient juifs ! La séparation s’est rapidement opérée et ce, pour des motifs multiples et avec des torts partagés : les causes en sont innombrables et ont donné lieu à de nombreuses études. Après seulement trois ou quatre siècles, le Christianisme s’était largement répandu au sein de l’empire romain et était passé du statut de petite secte persécutée à celui de courant majeur participant au pouvoir politique, alors que le judaïsme qui était depuis longtemps implanté glissa peu à peu, avec l’assentiment des chrétiens, dans le camp des « persécutables » ! Les disciples de Jésus, ceux qui ont cru en Lui et fait confiance à ses enseignements, se sont dépêchés d'oublier le noyau de son enseignement, noyau pour lequel il est pourtant réputé dans le monde entier, celui de l'Amour ! Ils se sont conduits beaucoup trop souvent de façon opposée, se transformant dès qu'ils pouvaient accéder au pouvoir temporel, comme des adversaires, puis des persécuteurs, des oppresseurs de ceux qui ne les suivaient pas dans leurs convictions religieuses: l'histoire du christianisme est constellée d'épisodes de «conversions forcées» , sous menace, parfois même de mort ! A l’intérieur du Christianisme, les conflits de formulation de la foi dégénérèrent vite en conflits féroces : il ne faisait pas bon, pendant longtemps, de se trouver en désaccord avec la pensée officielle ; les sectaires étaient vite appelés infidèles, puis ennemis, et ennemis de l'église car « ennemis de Dieu » ! L’histoire de l’église est ponctuée de massacres et de violences que l’on a tort actuellement d’attribuer simplement à la violence des mœurs de ce temps-là: le Maître avait formellement exclu le recours à la force, même pour le défendre lui-même :

« Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prennent l’épée disparaîtront par l’épée ! » (Matthieu 26 :52)

La violence des chrétiens (ce devrait être une expression antinomique !) s’exerça même hélas sur ceux que pourtant l'apôtre Paul recommandait tout particulièrement à l’amour des disciples, ceux dont nous avons hérité la foi et les Ecritures, C’est ainsi qu’ils devinrent par une détestable inversion, le modèle même de l'infidélité : pendant des siècles, les Juifs furent considérés par l’Eglise comme les ennemis de Dieu ! On peut même dire que les Juifs constituèrent la cible la plus permanente des persécutions « chrétiennes » de sorte que, s’il y a un objet qui mérite le plus la repentance chrétienne, c’est bien ce cycle millénaire de violence de « l’église » contre les Juifs !

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On peut certes se réjouir de l’évolution considérable qui s'est dessinée depuis un siècle et des relations correctes qui ont commencé à s'établir. Après s’être violemment séparées, les composantes du christianisme ont commencé à se parler à nouveau, puis le dialogue a pu s’étendre au judaïsme. Souvenons-nous pourtant qu'en certains endroits, le temps des pogroms n'est pas terminé. C'est ainsi que, tout récemment, en fin 2009, la communauté israélite d'une petite bourgade des Balkans s'apprêtait à fêter Hanoukka en promenant en procession le traditionnel chandelier à 7 branches ; elle fut alors prise violemment à partie par un groupe de « chrétiens» du lieu qui fracassèrent le chandelier pour planter à sa place une croix! Cet incident montre combien l'antisémitisme traditionnel peut encore rester vivace, même si on peut noter avec satisfaction qu'il est en nette régression : la pression médiatique, les déclarations officielles des institutions chrétiennes et la modification de leurs enseignements, et jusqu'à l'engagement salutaire des autorités civiles ayant rangé l'antisémitisme au rang des délits graves, tout cela conduisit l'opinion publique à réviser ce jugement, et par contrecoup, l'opinion chrétienne à reconsidérer sa position. Sans pour autant que le jugement négatif ne soit encore hélas présent, mais avec un argumentaire moins directement religieux. De plus en plus de chrétiens ayant une culture biblique assez large savent bien que le Christianisme n'est pas né spontanément voici 2000 ans par l'apparition du Christ sur terre, mais ont conscience de l'immense dette qu'il a vis-à-vis du peuple juif. Ceux-là acceptent alors plus ou moins spontanément de se joindre aux exclamations de l'apôtre Paul qui célèbre la bonté et la justice de l'Eternel envers tous,

« ... gloire et honneur et paix à quiconque fait le bien, au Juif d'abord, puis au non-Juif, car, devant Dieu, il n'y a aucune distinction entre les hommes! » (Romains 2 ;10)

Ce « au Juif d’abord » sous la plume de l’apôtre nous invite à aller beaucoup plus loin encore que ces prises de position timides dans une démarche vers le peuple juif. Avec d'autres associations et mouvements, nous estimons nécessaire un rapprochement beaucoup plus net entre Christianisme et Judaïsme, et appelons de tous nos voeux que les Eglises favorisent un dialogue approfondi avec le Judaïsme. La spécificité de notre association a été de déclarer qu'une repentance chrétienne pour tous les actes d'antisémitisme était incontournable, et que nos Eglises devaient remettre en pleine lumière que la foi chrétienne est profondément et indissociablement enracinée dans la culture juive. Les racines hébraïques de la foi chrétienne sont encore très loin d'être spontanément reconnues. Les chrétiens se privent ainsi d'une richesse considérable ! L’opinion courante se résume parfois hélas à une série de pensées simplistes, telles que :

• Ancien Testament = livre de la Loi expression d'un légalisme étriqué. • Nouveau Testament = livre de la grâce, expression de l'amour divin.

Ce schéma revient à justifier l'hérésie marcionite qui parlait d'un Dieu de l'Ancien Testament, sévère, dur, exigeant, terrifiant même, et d'un autre Dieu, celui du Nouveau Testament, le Dieu d'amour, de grâce, de pardon et de félicité ! Bien que catégoriquement condamnée, cette hérésie est encore sous-jacente de nos jours chez bien des chrétiens ! (Voir à ce sujet l’étude de F.LOVSKY parue dans Yerushalaim n°3 et l‘article du père Michel REMAUD dans Yerushalaim n°50). Une autre pensée est encore bien souvent à l'origine de déviations regrettables, elle peut être résumée comme suit: Jésus nous aurait apporté la révélation totale, nous n'aurions donc plus fondamentalement besoin des textes de l'Ancien Testament ; ceux-ci ne seraient que des images, des paraboles. C'est ce qu'on appelle une conception typologique de l'Ancien Testament. Cela revient à lui enlever toute valeur directe, objective, et ne lui laisse que le rôle de « faire-valoir ». Nous avons dénoncé à ce sujet dans la revue YERUSHALAIM une édition de la Bible qui utilise cette méthode typologique dans les commentaires très développés de l’Ancien Testament. Le résultat de cette pratique est, de notre point de vue, un affadissement déplorable du texte : dans le désir annoncé de faciliter la lecture de textes difficiles, les éditeurs sont arrivés à présenter le texte comme un parcours initiatique où le lecteur est invité à en deviner le sens caché, … ce qui le dispense d’en recevoir le sens premier !

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On comprend combien une telle pensée est dangereuse pour la foi, et en particulier dans ce qu'elle ouvre la voie à toutes les interprétations possibles ! Mais, surtout, à notre avis, à ce qu'elle nous détache complètement du Judaïsme pour lequel l'Ancien Testament est concrètement la source de l'inspiration. Comment pourrions-nous avoir l'audace de rayer d'un trait de plume ce qui a forgé le peuple juif pendant des siècles ? D’ailleurs, rien, dans les Évangiles ne peut laisser croire que Jésus ait pu lire les Ecritures avec une telle « grille de lecture », alors que l’Ancien Testament constituait évidemment à ce moment-là les seules « Ecritures Saintes » existantes. Bien au contraire, Jésus n’a cessé de s’y référer directement dans ses enseignements publics ! La conception typologique de l’Ancien Testament est donc réellement une trahison de l’esprit des Évangiles et nous ne saurions trop souhaiter que le lecteur s’en affranchisse !

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Chapitre 2

Jésus Un personnage hors-norme

Qui est ce Jésus, personnage hors-norme de toute l’histoire planétaire des 20 derniers siècles ? Pourquoi a-t-il laissé tant de traces dans la pensée, la culture, la civilisation - sans même mentionner la spiritualité - de l’occident, et par là de la terre entière ? Il n’a été ni un grand savant, ni un grand lettré, ni un homme politique important, ni un chef de guerre. Il a été un pauvre, issu d’une famille de bonne lignée, mais pauvre. Pendant une courte période de sa vie, entre 30 et 33 ans, il a parcouru son pays, Judée et Galilée, suivi d’un petit groupe de disciples, rassemblant des foules, enseignant la foi, avec des résultats concrets spectaculaires, guérisons, changements de vie, ce qui lui donna un grande réputation parmi le peuple qui attendait passionnément un Messie libérateur du joug romain. Ce faisant, il a soulevé contre lui les Autorités du Temple, inquiètes de l’ascendant qu’il avait pris. Il a été condamné à mort par le Sanhédrin longtemps avant d’être exécuté sur la croix, abandonné de tous (sauf d’un disciple), et même, apparemment, de Dieu Lui-même, qu’il appela cependant jusqu’à son dernier souffle « son Père ». Face aux espoirs qu’il avait suscités chez le plus grand nombre parmi son peuple, on ne peut imaginer de plus complets désastre et échec, à vues humaines. Mais sur la croix, avant d’expirer, il a prononcé ces mots étranges, vu la situation, « Tout est accompli », dans le sens de : « Tout est réussi » ! Avait-il perdu la raison, conséquences d’un supplice affreux de cruauté ? Mais les événements ne se sont pas arrêtés là : 20 siècles après, le monde en parle encore, et avec quelle intensité, … pour ou contre… peu importe ! Il garde une place exceptionnelle, comme personnage hors norme pour les chrétiens qui ont vu en lui Dieu venu sur terre, comme prophète pour les Juifs, son peuple, et pour bien d’autres, … comme penseur et moraliste estimable pour beaucoup d’incroyants. Pourquoi cette place exceptionnelle sur la planète Terre ? Il n’a rien écrit, mais une énorme littérature n’en finit pas de s’accumuler à son sujet. Il n’a fondé ni une nouvelle philosophie, ni une nouvelle morale, ni une nouvelle religion, ni aucun système de gouvernement, ni aucun code de lois, mais ses enseignements et le témoignage de sa propre vie, exclusivement fondés sur l’amour, ont révolutionné toute la civilisation des générations suivantes. Il n’a pratiquement jamais voyagé hors de sa patrie, mais ses disciples, lamentables fuyards lors de sa Passion, mais ensuite miraculeusement illuminés, ont diffusé son message tout autour de la Terre. Et, pour ce faire, la plupart ont été jusqu’au martyre. Pourquoi cet homme a-t-il eu une telle influence sur l’humanité au point que son nom, Jésus, est connu de nos jours sous toutes les latitudes, même chez ceux qui n’ont pas adhéré au courant spirituel qui vient de lui ? Que sait-on objectivement de Jésus ? De nos jours, on a pris l'habitude de formuler une identité en résumant succinctement ce qui semble sûr : on appelle cela une « fiche de police ». Nous allons tenter ici l'expérience, à la manière d’un journaliste d’investigation qui voudrait commencer une enquête sur ce personnage. Les sources consultées sont essentiellement les textes du Nouveau Testament. Nom : Jésus appelé souvent « Jésus de Nazareth» Filiation : Fils de Joseph descendant de David, et de Marie, habitants de Nazareth (Galilée)

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Date de naissance : Au temps de Quirinus, gouverneur romain de Syrie, Lieu de naissance : Bethléem (Judée) Profession : Probablement charpentier comme son père jusque l'âge de 30 ans A ensuite été connu comme prédicateur itinérant en Galilée et Judée jusqu'à sa mort. Observations Ses enseignements accompagnés de « gestes de puissance» (nombreuses guérisons et même des résurrections) lui ont donné un tel prestige qu'il a été considéré par le peuple comme le « messie » attendu. C'est pourquoi il fut ensuite, mais après sa mort connu sous le nom de Jésus-Messie, ce qui se dit en grec «Yèsous Crestos », (ce qui a donné dans notre langue « Jésus-Christ»). Mais sa notoriété dans le pays lui valut une opposition croissante des autorités du Temple de Jérusalem. Celles-ci en arrivèrent, en dépit de l'opinion favorable du peuple à l'égard de Jésus, à prononcer une condamnation à mort pour blasphème, sanction que le Sanhédrin arriva à faire exécuter, non sans quelques réticences de sa part, par Pilate, procurateur romain, et donc autorité suprême de la puissance occupante. Date de sa mort : Au temps de Pilate, procurateur romain de Judée Renseignements complémentaires: La rumeur populaire fit état de la résurrection de Jésus de Nazareth, trois jours après sa mort : des femmes de son entourage, puis ses douze principaux disciples, et enfin un grand nombre d'autres personnes attestèrent l'avoir vu, et même touché, dans les jours qui suivirent, et ce en différents endroits. Les apôtres déclarèrent avoir assisté à son départ, vivant, vers le ciel (ascension) , quarante jours après sa mort. Puis, cent vingt disciples, hommes et femmes, furent l'objet d'une visitation divine au jour de la Pentecôte, soit 10 jours après l'ascension. On a coutume de situer là l'origine du courant religieux appelé « Christianisme». Dans sa rugosité, ce tableau résume ce que des autorités de ce temps pouvaient comprendre de la personne de Jésus. Ces autorités étaient de deux ordres, d'une part les autorités du Temple de Jérusalem qui avaient un rôle à la fois religieux et civil, d'autre part les autorités romaines d'occupation avec leurs satellites qui faisait régner à leur manière la Pax Romana sur la Judée, la Samarie, la Galilée et la Syrie. Il nous faut donc reconnaître que nos sources sont essentiellement dans le Nouveau Testament. Jésus, sa vie, sa mort, et sa résurrection n'ont pas constitué un événement considérable pour l'époque, tout au plus un fait-divers, vite oublié.

Remarque : Pour être complet, il faut signaler que Flavius Josèphe mentionne dans ses récits l’existence de ce Chrestos comme fondateur d’une secte juive de l’époque. De même, plus brièvement, Tacite et Pline le Jeune font allusion à des membres d’une secte juive fondée par ce Chrestos. Jésus n’est donc pas un personnage mythique. Son existence est attestée par l’histoire au moins succinctement.

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Chapitre 3

Le Jésus des Évangiles Savoir, comprendre, qui est Jésus, voilà ce qu’est essentiellement, la doctrine chrétienne. Elle n’aurait dû aucunement être influencée par les courants philosophiques du moment. Les Evangiles nous montrent que Jésus s’est tenu aussi souvent que possible à l'écart des discussions. La société israélienne connaissait pourtant de nombreuses tensions: on sait combien à cette époque, les courants s'opposaient, pharisiens, sadducéens, zélotes, pour ne nommer qu'eux, s'opposaient furieusement sur le plan de leurs conceptions de la foi et de la vie, ce qui allait parfois jusqu'à des violences graves quand les intérêts politiques étaient en jeu. Or, on ne voit jamais Jésus prendre parti pour un clan ou un autre. Ce qui l'intéressait, c'était l'honneur de Dieu, « son Père» , et la vie de l'autre qu'il approchait sans parti-pris. Ses références étaient les Ecritures qu'il s'efforçait de rendre proches, humaines, alors que les discussions avaient lieu sur les principes. On a toujours à l'esprit l'enseignement où il renvoyait les théoriciens de la foi dos-à-dos, déclarant avec une assurance surprenante dans le Sermon sur la Montagne (Matthieu chap.5) que l’on considère comme son programme : « Vous avez appris qu'il a été dit ... mais moi, je vous dis ... ». Cherchait-il à saper l’autorité des Ecritures? Au contraire, son enseignement conduisait à redonner aux Écritures leur pleine autorité en distinguant bien ce qui était fondé sur elles et ce qui l’était sur des traditions humaines. Toutes ses interventions restaient dans le droit fil des enseignements de la Torah, et des prophètes dont il avait une connaissance de l'intérieur : il enseignait, disait-on, « en homme qui a autorité, et non comme les scribes! » (Matthieu 7 :28-29). ). Tout en rappelant ce qui était dans les Ecritures, il mettait en garde contre leur lecture littérale, d’où son reproche adressé aux scribes :

« Vous scrutez les Ecritures parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle … » (Jean 5.39) Et c’est cette opposition frontale avec les autorités du Temple, qui plus est sur leur propre terrain celui de l’enseignement fondamental, qui conduisit à ce qu’il fût condamné à mort. Pour pouvoir exécuter cette sentence, les autorités attendaient une occasion, et l’arrivée en triomphe de Jésus à Jérusalem quelques jours avant la Pâque, l’accueil « messianique » de la foule, les rumeurs d’une éventuelle prise de pouvoir, tout cela était de nature à précipiter les événements. Les récits évangéliques montrent très bien que Jésus se savait engagé dans une confrontation décisive, et que ses disciples étaient près de penser à un avènement dans lequel ils auraient à devenir les ministres du nouveau roi. Ils allaient droit à l’épreuve de force …

REMARQUE Voici un renseignement souvent ignoré concernant les circonstances de la mort de Jésus et qui donne un relief tout particulier sur les aspects légaux, administratifs, qui ont conduit à son exécution par les soins des Romains. Nous avons publié dans notre revue Yerushalaïm N° 48 l’analyse d’un livre précieux écrit par un ami juriste (M. Olivier Krafft) sur le thème : « Les Trois Procès de Jésus ». Cet auteur a rappelé l’existence, à l’époque de l’occupation romaine de la Terre d’Israël, d’un traité liant le Sanhédrin de Jérusalem et le Sénat de Rome. En vertu de ce traité, le Sanhédrin avait liberté de condamner à mort, mais devait en remettre l’exécution au procurateur romain local. Celui-ci avait alors obligation, du fait de ce traité dit d’« exequatur », de procéder à cette exécution. Il ne lui était pas permis de contester la légitimité de la condamnation par le Sanhédrin. La condamnation à mort pour outrage et blasphème avait été décidée plusieurs mois auparavant par le Sanhédrin, lequel attendait avec impatience une occasion favorable pour faire procéder à l’exécution. La décision avait été ajournée à plusieurs reprises devant le risque de déclencher une

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émeute dans le peuple, qui en grande majorité tenait Jésus pour un grand prophète, voire le Messie fils de David. On comprend mieux aussi les réticences du procurateur Pilate à exécuter ce condamné. Il faisait surveiller en permanence par sa police tout groupe de Juifs (par exemple les zélotes) susceptibles de troubler l’ordre romain. Et rien dans le comportement de Jésus ne l’avait incité à voir dans ce Rabbi de Galilée un danger de sédition quelconque. Sinon, il n’aurait pas attendu des mois, encore moins deux ou trois ans, avant de l’éliminer ! Le danger d’un soulèvement populaire provoqué par la condamnation du Galiléen, avec un risque de dégénérer en révolte, tout cela était à ses yeux beaucoup plus préoccupant. Tout ceci rend plus cohérent ce que nous savons du contexte de la crucifixion de Jésus et met en lumière que la responsabilité de cette condamnation repose principalement sur les Autorités du Temple, en partie sur les Autorités romaines et aucunement sur le peuple juif lui-même ! L’Église aurait été bien inspirée de se souvenir de cette évidence …

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Chapitre 4

Les premiers témoins de Jésus ressuscité

On sait combien les disciples ont été comme frappés de stupeur lorsque leur Maître qui était miraculeusement revenu vivant au milieu d’eux, non sans provoquer leur plus grande stupéfaction, leur fut à nouveau enlevé. Les questions qu’ils lui avaient posées juste avant l’Ascension montrent bien qu’ils n’étaient pas du tout préparés pour ce qui les attendait.

Ceux qui s’étaient réunis lui demandaient : Seigneur, est–ce en ce temps–ci que tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? (Actes 1 :6)

Cette atmosphère est tout-à-fait rendue en quelques mots par Cléopas et son compagnon, qui s’éloignaient tristement de Jérusalem vers Emmaüs après la fête de la Pâque :

Pendant qu’ils s’entretenaient et débattaient, Jésus lui–même s’approcha et fit route avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Ils s’arrêtèrent, l’air sombre. L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es–tu le seul qui, tout en séjournant à Jérusalem, ne sache pas ce qui s’y est produit ces jours–ci ?– Quoi ? leur dit–il. Ils lui répondirent : Ce qui concerne Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour qu’il soit condamné à mort et l’ont crucifié. Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la libération à Israël, mais avec tout cela, c’est aujourd’hui le troisième jour depuis que ces événements se sont produits. (Luc 24 : 15-21)

Tout est dit déjà là : la vive attente, puis la déception, de la population juive de Jérusalem, la détermination des grands prêtres et des chefs du peuple, l’exécution par les romains. Nous avons déjà une base solide pour construire la doctrine, le kérygme, ce condensé doctrinal que l’Église est chargée d’enseigner Mais, après la Pentecôte, tout est déjà différent. Il a fallu qu’ils soient visités comme d’une Shekhina pour que Pierre, entouré des Onze (Actes 2 :14) ose proclamer ce qui devait être, ou en tous cas aurait dû toujours être, le message central de l’Église :

Hommes d’Israël, écoutez ces paroles ! Jésus le Nazoréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, les prodiges et les signes qu’il a produits par son entremise au milieu de vous, comme vous le savez vous–mêmes, cet homme, livré selon les décisions arrêtées dans la prescience de Dieu, vous l’avez supprimé en le faisant crucifier par des sans–loi. Dieu l’a relevé en le délivrant des douleurs de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il soit retenu par elle. Ce Jésus, Dieu l’a relevé ressuscité ; nous en sommes tous témoins. Elevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit-Saint qui avait été promis et il l’a répandu comme vous le voyez et l’entendez. Ce n’est pas David, en effet, qui est monté aux cieux, mais il dit lui–même : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds–toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. Que toute la maison d’Israël le sache donc bien : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié ! (Actes 2 : 15-36)

Ce discours fondamental prononcé par Pierre, et rapporté clairement au début du livre des Actes, expliquait comment Pierre considérait Jésus, son maître, et donnait explicitement à l’Église son

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ordre de mission et le cadre de l’enseignement qu’elle était chargée de diffuser, le « kérygme ». Plus tard, on a préféré utiliser l’expression « doctrine ». Il est surprenant que les détails contenus dans ces deux textes fondamentaux aient été si vite passés au second plan et que naissent, pour l’élaboration de la doctrine, des montages philosophiques et pseudo-religieux, des hypothèses basées sur des raisonnements humains, et on sait combien alors cette élaboration ne fut atteinte que dans la douleur ... Nous allons dans ce « Cahier » nous engager dans une écoute attentive des Ecritures, et comme il est bien impossible d'aborder tous les aspects, nous avons retenu quelques points essentiels pour répondre à la question centrale: 1/ Jésus s'est identifié lui-même, comme « le fils de l'Homme» et a manifesté de plus un respect filial pour Dieu à qui il s'adressait comme « Père» . Notre première recherche sera donc: « Jésus, fils de l'Homme, fils de Dieu». Si oui, qu'est-ce que cela signifie ? 2/ La grande interrogation des foules lorsqu'elles ont pris connaissance de son ministère extraordinaire, a été: « Jésus, est-il le Messie ? ». Cette question traverse les Evangiles sans que Jésus n'y ait donné plus qu'une réponse furtive. Mais tout le Nouveau Testament le reconnaît tel. Alors, s’il en est ainsi, qu'est-ce que cela signifie? 3/ La vocation fondamentale de Jésus est évidemment liée à l'appellation de « sauveur» qui lui a été reconnue par les chrétiens. Nous nous attacherons à comprendre comment Jésus est Sauveur-Rédempteur. En complétant à nouveau notre question par la remarque : et si oui, qu'est-ce que cela signifie? 4/ Et il nous faudra alors aborder la grande question, sujet de controverses et de malentendus, que nous formulerons provisoirement de la façon suivante: « Jésus, Dieu? » qui sera comme les précédentes accompagnée de notre leit-motiv: et si oui, qu'est-ce que cela signifie ? 5/ Nous terminerons ce Cahier par une méditation sur le terme « accompli », utilisé par Jésus dans son message ultime sur la croix « Tout est accompli » . Nul doute que nous avons là une parole infiniment importante pour qui veut comprendre … « qui est Jésus ». Les développements qui suivront ont déjà été pour un bon nombre publiés dans notre revue YERUSHALAIM, notamment dans les numéros 45 à 50. Le présent Cahier en présente une synthèse complétée et enrichie par d’autres commentaires encore inédits. Nous espérons que le regroupement de toutes ces études dans un seul ouvrage permettra à nos lecteurs de mieux percevoir le message global que nous voulons porter. Dans ce regroupement de plusieurs articles, nous n’avons pu éviter, sauf à procéder à des ré-écritures importantes, quelques redites, bien nécessaire de toutes façons pour la bonne compréhension de l’exposé. Nos lecteurs voudront bien ne pas nous en tenir rigueur …

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Première Partie

Jésus

Fils de l’Homme Fils de Dieu

Qu’est-ce que cela veut dire ?

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Chapitre 5

La construction de la doctrine chrétienne, mais dans un environnement bien difficile

Les premières déclarations fondant la doctrine chrétienne n’auraient pas été suffisantes pour assurer son développement planétaire. L’Éternel appela un autre israélite, Saul de Tarse, c'est-à-dire un juif de la diaspora, pour en faire « l’apôtre des non-juifs », donc celui qui serait chargé de donner les moyens-formulations de base à l’Église pour qu’elle atteigne toutes les nations afin d’y proclamer la « Bonne Nouvelle ». Il nous faut être bien conscient que les temps étaient alors bien différents de ceux que nous vivons. Le Christianisme est né dans une période très confuse sur le plan des idées, et il est important en premier lieu de comprendre cette situation afin de mieux apprécier les défis qu’il fallait alors relever. Et, pour le comprendre, il faut refaire un point d’histoire : La pensée occidentale, tout au long de cette même histoire, a été essentiellement nourrie de philosophie grecque : chez Platon , elle a puisé sa notion de l’Homme, dualiste (fait d’un corps grossier, incliné au mal et mortel, emprisonnant une âme pure et immortelle). chez Aristote, elle a tiré sa vision de la nature où le “spirituel” est radicalement séparé du “matériel”. Chez les Stoïciens, elle a reçu une morale qui n’est pas sans grandeur, mais aussi, devant le Mal de ce bas-monde, un certain fatalisme, plutôt qu’une révolte dynamique pour l’éliminer. Cette analyse est, bien sûr, sommaire, nous allons y revenir plus loin. Pour l’instant, ajoutons que cette pensée grecque a été, très tôt, mêlée de philosophie orientale, notamment hindoue. Il s’y est ajouté ensuite d’autres apports beaucoup plus ambigus, et retrouvés dans la pensée de deux grands penseurs du 6ème/5ème.siècle avant J.C. :

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� Pour Parménide, l’ETRE est éternel et immuable. L’Univers est sans changement. Les changements perçus ne sont qu’illusion des sens. L’ETRE et la PENSEE ne font qu’un.

� Pour Héraclite, L’ETRE est bien éternel et immuable, mais dans l’Univers le changement est permanent... et apparent, car tout ne change que selon les cycles d’un “Eternel Retour” de tout être et de toutes choses. Et l’ordre-harmonie, qui préside à cet éternel retour, est appelé le LOGOS

Les influences hindoues sont évidentes. Mais au 4e. siècle avant J.C. , avec l’arrivée d’Alexandre le Grand au Proche Orient, cet Hellénisme, déjà donc mêlé de courants complexes, va se trouver directement en contact avec le Judaïsme.

Dans l’ensemble du monde méditerranéen, les cultes traditionnels gréco-romains sont alors en voie de désaffection au profit de nouvelles spiritualités venues d’Orient mais de provenance moins lointaine que l’Hindouisme et le Bouddhisme. Ces spiritualités sont véhiculées par le va-et-vient permanent des légions romaines d’une extrémité à l’autre de la Méditerranée. Ce sont les cultes d’Isis, Artémis, Cybèle, Mithra, etc…

Pour les païens d’alentour, le Judaïsme et dans sa foulée le Christianisme, sont eux aussi des spiritualités orientales, qui vont être progressivement l’objet d’un attrait certain. Mais il s’agit là d’un Judaïsme en grand mouvement interne, déjà remué depuis longtemps par l’attente messianique et le développement du courant Apocalyptique. De cette période date la rédaction de plusieurs livres de la Bible, dits « livres sapientiaux » dont les principaux sont les livres des « Proverbes » et de la « Sagesse ». Le mode d’expression de ce Judaïsme semble personnaliser des attributs du Dieu Un, par exemple la ‘’Sagesse’’ qui paraît être une émanation individualisée de Dieu. Ce n’est cependant qu’un langage imagé et nullement une concession faite à un quelconque polythéisme. Disons ici brièvement qu’un tel langage est permanent chez Philon d’Alexandrie qui, lui, semble personnaliser le « Logos » emprunté à Héraclite. Il nous faudra nous attarder plus loin sur ce philosophe en raison de l’influence énorme qu’il eut sur le christianisme naissant. Mais, à dater du 3e. siècle avant J.C. un autre courant de pensée, sous la forme de multiples sectes « gnostiques », elles aussi de souche orientale, envahit le monde méditerranéen. Elles véhiculent, également, le dualisme du corps, mauvais et précaire tenant en servitude l’âme bonne et immortelle.. Mais elles introduisent une multiplicité dans la Divinité, alors que beaucoup de philosophes grecs de cette époque en étaient venus à la conviction, comme les penseurs de l’ancien Hindouisme, que cette multiplicité des dieux ne fait que manifester la plénitude des attributs de la Divinité UNE. Ces Gnoses y voient un dieu transcendant, immuable et sans relation avec l’univers. Et ce dieu a engendré un ou des “sous-dieu(x)” qui a (ont) la charge de créer (démiurge) et de maintenir l’ordre-harmonie dans la création. Comme il(s) est (sont) souvent mauvais, le monde est la proie du mal. Les Gnoses, sont, sous des formes variées, pleines de ces divinités “secondes” aux noms divers, dont le plus connu est celui d’EONS.. La divinité transcendante est donc accompagnée, ou environnée d’EONS. Ce foisonnement d’entités divines constitue vite une ambiance malsaine tant pour le Judaïsme monothéiste que, plus tard, pour le Christianisme. Car lorsque l’on parle de façon ambiguë, on risque de penser de même ! Sur le plan géopolitique, on se souvient qu’après une période faste de domination sur le bassin méditerranéen, la Grèce des successeurs d’Alexandre le Grand céda la première place à l’empire romain qui régna en maître par ses terribles légions. De cette domination grecque, le peuple juif a gardé un très mauvais souvenir, ayant été sur le point de disparaître purement et simplement lors des guerres des Macchabées. De cet épisode douloureux et prestigieux, le judaïsme garda un appel à la vigilance : si la puissance grecque avait failli avoir la victoire, elle le devait à une partie du peuple juif qui, séduit par les envahisseurs, prit le risque de l’assimilation, alors que le salut de la nation ne fut possible que grâce au sursaut de ceux qui, refusant d’entrer dans ce chemin facile, s’imposèrent les plus grands sacrifices pour sauver l’héritage des pères. On trouve dans le Nouveau Testament des traces de ce conflit de pensées entre les Juifs et les Grecs, ce dernier terme désignant par extension les non-juifs.

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On comprend alors pourquoi, après les désastres de 70 et de 135 dans la lutte contre Rome, le Judaïsme de Yavné se ressaisit et élimine de la Synagogue les multiples courants de pensée suspects de déviations. Et parmi les éliminés se trouvent les Juifs ralliés à Jésus de Nazareth. Que leur était-il reproché en réalité ? Il est difficile aujourd’hui de se prononcer. Il semble qu’au départ le principal reproche était leur refus de participer en 70 et en 135 aux deux révoltes armées contre Rome. Mais dans les génération ultérieures, le fossé s’est creusé de part et d’autre. Et là il est vraisemblable que le Judaïsme rabbinique d’après Yavné a radicalisé son refus des ambiguïtés du genre Philon et celles des Gnoses. Et par là même il a condamné le courant judéo-chrétien de plus en plus dominé en diaspora par une majorité de pagano-chrétiens de culture grecque.

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Chapitre 6

Une inculturation décisive Lorsque le Christianisme se trouve divorcé d’avec le Judaïsme, il doit se chercher ses voies propres, et donc s’en démarquer puisqu’il en est issu, mais il doit aussi éviter toute assimilation avec la multitude des cultes de toute sorte. Nous avons dit que pratiquement, nos seules sources sont dans le Nouveau testament, recueil de documents en langue grecque. Et effectivement le message du Christ a été diffusé avec une rapidité étonnante tout autour de la Méditerranée, bénéficiant des facilités de circulation dues à la « Pax Romana », et empruntant les voies d’une « inculturation » dans la culture grecque devenue dominante dans toute les provinces de l’empire.

REMARQUE La diffusion de la spiritualité chrétienne, à partir du monde méditerranéen, dans des régions du monde où règnent des cultures locales très différentes, a posé très vite et pose toujours actuellement de grands problèmes dits d’ « inculturation ». C’est le terme le plus couramment employé par les théologiens. Il a succédé à d’autres termes tels que « acculturation », qui semble déjà meilleur. Car le préfixe « in » en français exprime le plus souvent une négation. D’ailleurs de la même famille de mot, on trouve l’adjectif « inculte », c'est-à-dire « qui manque de culture ». Il y a aussi les adjectifs « invisible », « incompréhensible », etc. L’ambiguïté est à son comble par exemple dans les mots « inflammable », ou « intéressant ». Pour exprimer le contraire, on redouble le préfixe « in », pour donner «ininflammable » et « inintéressant » On fait donc se succéder deux « in » chacun des deux signifiant le contraire de l’autre ! Sans doute le choix de « enculturation », encore plus précis que « acculturation », permettrait de lever toute difficulté. C’est donc ce mot que nous adopterons ici.

C’est même une telle enculturation qui a permis cette rapidité de diffusion du message de l’Evangile. Mais elle n’a pas été sans des contreparties qui donnent à réfléchir et qui sont la source de notables divergences au sein du monde des théologiens. La doctrine officielle de la grande majorité des Eglises de nos jours est que la version en langue grecque de ces Évangiles, la seule dont nous disposions, est la version authentique originelle émanant des rédacteurs du Nouveau Testament. Les partisans de cette opinion soutiennent que c’est une rédaction tardive (fin du premier siècle), et qu’elle émane des traditions de réception et compréhension dudit message par les générations de fidèles des Eglises issues des Apôtres directs du Christ. Ceci revient à dire que les textes évangéliques ne sont pas les témoignages directs de ces mêmes Apôtres, c’est à dire de Matthieu et Jean, ou des disciples proches qu’avaient été Marc et Luc. Et que ce sont donc ces générations successives de fidèles qui ont enculturé peu à peu le message dans les modes de pensée de leur vécu. Or, on sait que depuis le drame de la destruction du Temple et de Jérusalem par Titus en 70, ces générations étaient, dans les Églises de la diaspora, de moins en moins « juives » et de plus en plus « pagano-chrétiennes », donc de culture grecque. Pourtant divers Pères de l’Église des 4e et 5e siècles mentionnent dans leurs écrits qu’il existait encore de leur temps des versions en hébreu et araméen. Eusèbe de Césarée mentionne par exemple avoir consulté un « Évangile de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ rédigé par l’apôtre Matthieu dans la langue des hébreux » et Irénée de Lyon écrit : « Matthieu a publié chez les Hébreux dans leur propre langue ». Il est donc plutôt vraisemblable que, à l’origine, pour les besoins des premiers « judéo-chrétiens », les Évangiles écrits ont commencé à être diffusés en langues sémitiques, dans une première rédaction. Et qu’ensuite ces premiers textes ont été traduits en grec, dans des versions revues et augmentées, par les méditations des générations ultérieures pagano-chrétiennes de la Diaspora.

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Divers exégètes contemporains ont soutenu cette thèse. Notamment le Père Carmignac, Claude Tresmontant, l’Abbé René Laurentin, etc. Ils ont fait valoir notamment les « hébraïsmes » fréquents dans nos Evangiles derrière le texte grec, c'est-à-dire des tournures de phrases, des choix de mots, qui apparaissent en grec comme des imperfections de style et de vocabulaire, voire de grammaire, révélant qu’il s’agit d’une traduction mot à mot d’un texte préalable en hébreu ou araméen et non d’un « premier jet » en grec. Pourquoi les originaux ont-ils disparu ? Sans doute pour plusieurs raisons, la principale étant que, du fait de la quasi disparition de fidèles de culture juive, les premiers manuscrits sémitiques n’ont plus été recopiés de génération en génération, et qu’ainsi leur contenu a été perdu. Les Communautés ecclésiales de culture grecque ont été soucieuses d’apparaître comme détenant des textes originaux de la Parole et des faits et gestes du Christ. Elles se sont efforcées d’oublier qu’elles fondaient leur foi sur des traductions. Le produit de l’enculturation du message évangélique en grec a donc été réputé comme constituant l’original de la « révélation nouvelle » en Jésus Christ. Mais à quel prix ! Car, il faut savoir que les langues sémitiques ont un vocabulaire pratiquement dépourvu de termes abstraits. Pour exprimer des abstractions, comme tout ce qui appartient au domaine spirituel, à la relation de l’homme avec la Transcendance divine, il faut employer des mots concrets, ou raconter des paraboles, et donner à tout cela par d’abondants commentaires un sens symbolique. On voit alors combien la traduction de l’hébreu ou de l’araméen en tout autre langue est une entreprise périlleuse. Car si on traduit un mot concret sémitique par un mot également concret dans une autre langue, sans transposer ce qu’il évoque au niveau symbolique qui convient, on est en total contresens, avec la bonne conscience d’une rectitude formelle, mais superficielle et donc aussi trompeuse ! Ajoutons ici que, de nos jours encore, les Autorités vaticanes sont l’objet de demandes émanant des Eglises d’Afrique, d’Asie, notamment de l’Inde, de pouvoir à leur tour enculturer dans leurs propres cultures le message chrétien qui leur a été apporté par les missionnaires européens et qui leur apparaît comme l’importation d’une religion occidentale. La hiérarchie de l’Église Catholique Romaine s’y oppose toujours. Comment pourrait-elle continuer de le refuser si elle reconnaissait que ses propres message et enseignement sont déjà le fruit d’un première enculturation dans une culture autre que celle d’origine ? Le souci du « copyright », la condamne à l’intransigeance ... Pourquoi ces précisions? N’est-ce pas un débat bien théorique, et réservé aux seuls spécialistes ? Nous croyons au contraire que ces précisions sont d’un grand intérêt : nous allons retrouver les conséquences notables de cette enculturation grecque chaque fois que nous allons aborder les différentes notions doctrinales. Nous nous efforcerons donc à chaque étape de rappeler cet aspect en soulignant ces conséquences sur le processus et les péripéties d’élaboration de la Foi chrétienne lors des premières générations de l’Eglise, concernant la personne du Christ. Nous verrons même que nous en subissons les conséquences jusque dans les traductions que nous avons en mains aujourd’hui.

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Chapitre 7

Logos ou Shekhina ? Durant les trois ou quatre siècles qui ont précédé la destruction en 70 du Temple de Jérusalem, les Maîtres et Sages d’Israël ont élaboré peu à peu ce concept de ’’ la shekhina ‘’. Il s’agit des nombreuses ‘’manifestations’’ de la ‘’Toute-Présence’’ et de la ‘’Toute-Puissance’’ de Dieu, visibles, audibles, perceptibles par les hommes dans certaines circonstances, certains lieux ou certains moments particuliers, ou dans la personne de certains hommes… Etaient « shekhina » par exemple la flamme du « buisson ardent » qui parlait à Moïse, la « nuée » qui couvrait la tente-tabernacle du désert du Sinaï, ou guidait les Hébreux durant leur Exode, ou les interventions d’anges, etc. Selon E.E. Urbach les auteurs juifs ont eu soin d’éviter toute démarche d’ esprit risquant d’évoquer l’existence de « pouvoirs » séparés ou émanés de Dieu. Les maîtres juifs se montraient ainsi soucieux de ne pas laisser le Judaïsme être envahi par les croyances gnostiques des peuples voisins selon lesquelles les dieux engendraient des ‘’sous-dieux’’ et toutes sortes d’émanations plus ou moins divines. Ce concept de shekhina apparaît fréquemment dans les Livres Sapientiaux, (Sagesse, Proverbes, etc.), littérature juive rédigée durant les deux derniers siècles avant J.C. Par exemple, dans le Livre des Proverbes est présentée ainsi la Sagesse :

‘’ Le Seigneur m’a engendrée, prémice de son activité… j’ai été sacrée depuis toujours … Je fus maître d’œuvre à son côté, objet de ses délices chaque jour … La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé ses sept colonnes … et même elle a dressé sa table …’’ (Proverbes 8.22 ss.)

Le vocabulaire est imagé mais, sous la plume d’un juif authentique, il n’y a pas là l’ombre d’un emprunt à un quelconque panthéisme ou polythéisme. Le Nouveau Testament est, à chaque instant, inspiré d’emprunts à ces Livres Sapientiaux et à la réflexion juive sur le concept de shékhina, par laquelle Dieu manifeste en permanence à l’homme sa présence et sa proximité . Mais, dans ce Nouveau Testament il n’y a jamais la moindre ambiguïté risquant d’accréditer l’idée qu’il existe des ‘’ réalités spirituelles, ou émanations divines’’ distinctes de Dieu. Ce concept de shékhina remplit donc les Livres Sapientiaux et le Nouveau Testament. Il permet au monothéisme judéo-chrétien d’enseigner que Dieu UN et Transcendant est en même temps infiniment présent à sa Création et, notamment proche de l’Homme. Ce concept de shekhina fournit une approximation commode pour entrevoir comment, pour employer un vocabulaire moderne, Dieu en permanence ‘’gère’’ personnellement son Alliance avec l’homme, sans sortir de sa Transcendance.

REMARQUE « … sans sortir de sa Transcendance » : cette expression mérite bien une explication, car il s’agit là de notions philosophiques difficilement accessibles, et cette notion va intervenir dans nos développements ultérieurs ! Disons simplement que parler de la Transcendance de Dieu, c’est exprimer, avec nos mots et en fonction de nos concepts humains, que Dieu est le « Tout Autre », car ayant créé l’univers, Il ne peut que lui être extérieur. Que, par conséquent, l’Homme ne peut d’aucune façon le connaître, à moins que Lui-même ne se révèle à l’Homme. Parler de la Transcendance de Dieu, c’est exprimer que l’on reconnaît que l’univers dans sa totalité, matérielle et non-matérielle, visible et invisible, est l’œuvre de Dieu qui « tient le tout dans Ses mains », comme l’exprimait le père Duval dans l’un de ses chants.

Mais, ne pourrait-on aller plus loin ? La Présence de la divinité en Jésus, sa Présence dite réelle dans l’Eucharistie, ne pourraient-elles pas être expliquées très simplement par ce concept de shekhina ... ?

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C’est ce que nous tenterons de développer dans cet ouvrage. Il reste que les premiers Pères de l’Eglise, de culture grecque, à la recherche d’un “statut divin” pour Jésus, ont adopté d’enthousiasme la notion de LOGOS que leur offrait Philon et l’ont comprise dans le sens d’une réalité distincte de Dieu. Ils ont très vite identifié Jésus de Nazareth, le Fils-Verbe de Dieu et le LOGOS de Philon, ‘’deuteron théon’’. L’enculturation et donc la diffusion du Christianisme dans le monde païen de l’époque en a été immensément facilitée ... mais, à quel prix ! Ce prix a été payé sous forme d’une grande dispersion d’interprétations théologiques, ressenties ici et là comme des clivages, des hérésies, des schismes ouvrant sur des anathèmes mutuels, dont notre époque a encore du mal à émerger !

REMARQUE Ajoutons, car les conséquences en ont été dramatiques, que cet alignement progressif de la pensée chrétienne sur les spéculations de Philon a été l’une des raisons majeures pour lesquelles au cours des générations ultérieures d’après la destruction du Temple en 70 et du deuxième désastre de 135, la rupture a été consommée entre la Synagogue et l’Eglise.

Il nous faudra revenir à nouveau sur cette question très importante dans le chapitre 28 « Un nouveau regard sur Jésus – Dieu ». Mais auparavant, il nous faut approfondir l’apport de ce philosophe, et découvrir comment il a influencé durablement l’Église naissante.

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Chapitre 8

Philon, une philosophie récupérée par l’Église

Curieux destin que celui de Philon, philosophe juif peu apprécié du judaïsme qu’il voulait expliquer aux grecs, et récupéré par les chrétiens qu’il ne cherchait évidemment pas à défendre, ne les ayant peut-être même pas connus ! Et d’abord, qui était ce Philon ? Entre le contexte difficile que venons de résumer et les pensées juive et chrétienne, Philon a été la plus illustre des « passerelles » qui ont tenté des synthèses, pour ne pas dire des compromis. Ce juif d’Alexandrie, contemporain de Jésus (-14 à + 54) de culture et langue grecques, d’une immense érudition en matière biblique et familier de tout ce contexte religieux et philosophique de l’époque, s’est donné pour tâche de présenter au monde païen-grec le Dieu Un des Juifs et de lui rendre compréhensible les textes du Pentateuque. Mais, dans son ardeur de “communication” avec ce monde de culture grecque, Philon a dérapé, apparemment semble-t-il, dans un syncrétisme funeste. Il est symptomatique que les innombrables Sages du Judaïsme, depuis lors jusqu’à l’époque moderne, ne fassent référence à ce Philon d’Alexandrie qu’avec une extrême prudence, beaucoup de réserves et, le plus souvent, pour s’en distancer (son oeuvre n’est évidemment pas dans le Talmud !). Pour rendre le Dieu d’Israël accessible aux grecs, Philon a adopté le langage du paganisme grec et, souvent des gnostiques. Sa description du processus de la Création est étrange, venant d’un juif, témoin du monothéisme :

‘’ ...les mots ‘’père’’, ‘’mère’’ peuvent avoir différentes significations. Par exemple, il conviendrait de dire et sans questionner davantage, que l’architecte qui fit cet univers était le père de ce qui vint à l’existence, tandis qu’en même temps la connaissance (epistémé) que possédait son créateur en était la mère. Dieu s’est uni à Sa connaissance, sur un mode différent de celui des humains, et Il engendra l’être créé. La connaissance ayant reçu la semence divine, enfanta le fils bien-aimé unique, le monde’’. (Philon : « De Ebrietate » chap. 30, cité par E.E. Urbach dans ‘’ Les Sages d’Israël’’ p. 71)

D’autre part, Philon qui conçoit donc le Monde comme le « fils bien-aimé unique », a placé à côté du Dieu Unique, le LOGOS emprunté à Héraclite, indirectement à Platon et à bien d’autres. Et ce LOGOS, Parole-Ordre Cosmique-Harmonie de l’univers, Philon l’a personnalisé, comme avaient fait nombre de penseurs grecs. Il l’a appelé “dieu second” c’est à dire “deutéron théon” en grec (puisque Philon écrivait en grec). Il est certes difficile de tirer au clair la notion que Philon s’est faite de ce LOGOS, tant ses formulations sont ambiguës. Y voyait-il une réalité divine distincte de Dieu, du genre hypostase, ou seulement une ‘’manifestation-shekhina’’ du Dieu UN ? Il est bien difficile de répondre. A cet égard, il faut tenir compte des travaux de l’exégèse contemporaine éclairée notamment par les découvertes faites dans les Manuscrits de la Mer Morte. Ceux-ci qualifient souvent les anges de « elim » ou « elohim ». A l’époque ces mots ne désignaient pas forcément le Dieu Un, de même son équivalent en grec « theos » utilisé souvent comme synonyme de « kurios » c’est à dire appliqué à un personnage important, un maître, un chef respecté, que l’on appelle « seigneur ». Un exégète contemporain, Meye-Thompson, est l’auteur d’un livre intitulé ‘’theos in John’’ qui fait prendre conscience du sens étendu de ce terme et de la façon diverse dont il pouvait être interprété à l’époque, y compris par de nombreux courants du Judaïsme authentique sans offenser le monothéisme. Ceci incite à la réserve lorsque on traduit ces deux versets de l’Evangile de Jean relatant, l’un Jésus ressuscité le matin de Pâque s’adressant à Marie de Magdala, l’autre la parole de l’apôtre Thomas d’abord incrédule quant à la résurrection du Maître, puis manifestant sa repentance devant lui :

« Va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu (theos) qui est votre Dieu (theos) » (Jean 20.17)

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« Thomas lui répondit : ‘’Mon Seigneur (kurios) et mon Dieu (theos)» (Jean 20. 28) Si on radicalise la signification de ‘’theos’’ dans la parole de Thomas, comment interpréter le même mot dans la parole du Christ destinée à ses disciples via Marie de Magdala ?

REMARQUE Claude Tresmontant considère comme évidente l’influence de ce philosophe juif sur les premières communautés chrétiennes qui étaient amenées à établir les rudiments de ce qui devint ensuite la doctrine chrétienne.. Si les conceptions, essentiellement philosophiques de Philon, semblent, comme dit ici, assez vagues, les emprunts faits à Philon ont en effet inspiré directement la pensée chrétienne : la filiation divine de Jésus, sa présentation sous forme de LOGOS, ont été reprises par les commentateurs chrétiens sous des formes analogues ! Il n’est donc pas surprenant que les penseurs juifs se soient éloignés de Philon qui avait ainsi été « récupéré » par l’Eglise naissante ! Toujours est-il que les analogies évoquées sont beaucoup plus qu’accidentelles : on retrouve ainsi jusque dans les éditions modernes de nos Bibles, l’utilisation du mot LOGOS , dans le prologue de Jean : par là, le traducteur a omis de traduire puisque c’est le mot grec du texte réputé d’origine ! On peut s’interroger sur cette pratique de la non-traduction (que l’on retrouve d’ailleurs pour le mot CHRESTOS comme nous le verrons plus loin) : on peut en effet choisir de ne pas traduire les mots propres, mais ce n’est pas le cas ici. D’ailleurs comment aujourd’hui lirions-nous aisément les noms non-traduits de Paul ou Philippe ? Mais cette pratique de non-traduction du mot LOGOS peut aussi être comprise comme un alignement sur la pensée de Philon, ce qui, on le verra aussi plus loin, a eu de bien importantes répercussions. D’autres traducteurs (TOB, Segond) préfèrent d’ailleurs traduire par « Parole », ce qui correspond plus exactement au mot grec. Mais si l’Evangile de Jean dont nous ne disposons maintenant que dans sa version grecque était, comme cela est souvent supposé, écrit à l’origine en hébreu ou araméen, on peut se demander quel était alors le mot hébreu traduit en grec par Logos ?

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Chapitre 9

La Dérive Doctrinale

Voyons maintenant comment cette dérive s’est approfondie progressivement par l’enchaînement naturel des auteurs qui se sont succédés, chacun puisant logiquement dans l’environnement de la pensée de son époque pour asseoir son discours. Les Premiers Pères de l’Eglise, dits Apologistes, ne lisent déjà plus guère les écrits de l’Apôtre Paul, le trouvant « trop juif ». Ils ne s’y réfèrent que comme « pasteur », mais non plus comme « docteur de la foi ». Eux sont tous de culture grecque.

Justin-Martyre (100-165), l’un des tout premiers Pères de l’Eglise, samaritain d’origine et philosophe de formation, a écrit que Dieu incréé demeure immuable et ineffable dans sa transcendance, qu’il ne peut se manifester en un lieu fini, ou à un homme quelconque. Les grands personnages de la Bible, Abraham, Isaac et Jacob par exemple n’ont pu voir que : « celui qui a été fait Dieu par la volonté du Père, à savoir son Fils comparable à son ange qui officie devant lui ... » Ce langage est dangereusement proche de celui de la Gnose. Ce Fils fait penser au Démiurge ou aux Eons qui peuplent les mythologies gnostiques. D’autre part, on doit se demander ce qui peut rester de l’humanité du Christ, si on le considère comme ‘’comparable à un ange qui officie devant la face de Dieu ... !

Mais, tout le judéo-christianisme tardif des dernières décennies du premier siècle et des premières du siècle suivant, même le judéo-christianisme considéré comme orthodoxe, est plein d’assimilation de Jésus à un ‘’ange’’, à un ‘’super-ange’’, par exemple à l’archange Michel ! On est en pleine gnose ! Si Marie a accouché d’un ‘’ange’’, il est logique d’en inférer que sa ‘’virginité’’ soit sortie intacte de l’opération ! Irénée (130 – 202) Il est également originaire du Proche Orient et de culture grecque, puis venu en Gaule où il devient évêque de Lyon. Sa théologie est vaste et parcourt en une vision typologique tout le Premier Testament pour le récupérer au profit de la Révélation Chrétienne.

Pour lui, le Fils de Dieu est partout semé dans les Ecritures, tantôt cherchant Adam, parlant avec Abraham et Noé, jugeant les habitants de Sodome, guidant Jacob, parlant à Moïse dans le buisson ardent. Dans l’Ancien Testament il y a à la fois descente de Dieu et montée de l’homme. Cette montée est son éducation par le Verbe. L’Ancien Testament prépare la nature divine à être unie à l’homme et réciproquement. Il est l’éducation au monothéisme et la préparation de l’Incarnation. Ces deux Testaments sont deux moments de l’éducation de l’humanité. Il faut d’abord former par une discipline extérieure, c’est la Loi ; alors l’homme formé est capable d’agir librement, c’est l’Evangile.

Il est indéniable en effet qu’une pédagogie divine est à l’œuvre à travers les deux Testaments. Mais le radicalisme d’Irénée est dramatiquement incomplet et partial. On ne peut enfermer le Judaïsme tout entier dans cette optique de discipline extérieure, pour valoriser un ‘’Christianisme de liberté’’. D’abord, les ‘’institutions chrétiennes ont vite multiplié les ‘’contraintes extérieures’’ et bâti des structures ecclésiales centralisées et rigides, peut-être inévitables en temps de persécutions, mais qui auraient du être assouplies ensuite. De plus, les grands Prophètes d’Israël ont, de la part de Dieu, commencé à intérioriser la foi du Peuple Elu, en lui enseignant que l’essentiel n’était pas à chercher dans les formes données au Sinaï, les rites du culte, la pratique de nombre d’observances, mais dans la justice, l’humilité, la compassion pour la veuve, l’orphelin, le pauvre, l’étranger, etc. Lorsque Jésus prêche une telle intériorisation, il ne fait que rappeler à ses contemporains ce que les Prophètes avaient dit dès le sixième siècle avant lui. Les Chrétiens, orgueilleux spirituels, ont vite oublié que tout cela appartenait déjà à la Première Alliance. Irénée a amorcé l’effacement des racines juives de la foi chrétienne. Il s’exprime sans ambiguïté à cet égard :

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‘’ La Loi juive, bonne un temps, est désormais révolue. Le sarment n’est pas pour lui-même, mais pour la grappe qui pousse sur lui. Lorsque la grappe est mûre, on laisse et on rejette ce qui n’est plus utile désormais. Ainsi pour Jérusalem qui portait sur elle le joug de la servitude’’.

Observons que cet enseignement, prémices des futures doctrines du rejet et de la substitution, est une navrante et négative caricature de la parabole proposée par Paul dans l’Epître aux Romains (11), celle de « l’olivier franc Israël » dont quelques rameaux ont été retranchés par Dieu pour greffer à leur place des greffons d’olivier sauvage... En conclusion de cette parabole, l’apôtre Paul recommande aux pagano-chrétiens l’humilité, le respect d’Israël qui, finalement sera sauvé en totalité, car Dieu n’a pas rejeté son Peuple. Paul avait donc dit exactement le contraire de ce qu’enseigne Irénée. Mais toute l’Eglise suivra Irénée pendant 18 siècles, et la majeure partie de la doctrine chrétienne sera hélas construite sur ces fondations dévoyées !

Hippolyte de Rome, (185-230) prêtre et martyre lui aussi, a été plus loin encore dans la voie inspirée de Philon. Il a affirmé que le LOGOS était le FILS ... et il s’est étonné que deux papes successifs (Zéphirin élu en 199 et Calixte élu en 217) le traitent de “di-théiste”, c’est à dire lui signifient qu’il était sorti du “mono-théisme” !

Mais la résistance de l’Autorité s’est estompée avec les papes suivants. Et, tous les Pères de l’Eglise se sont alignés sur Hippolyte et Philon. Par exemple, Tertulien (155-220), Origène (185-254) ont identifié le LOGOS-FILS et Jésus de Nazareth, qualifiant celui-ci de “ Deum Secundum ,” en latin et de “deutéron théon”, en grec, c'est-à-dire Dieu N° 2 (compris littéralement)

Au Proche Orient les évêques chrétiens de provenance juive criaient au scandale. On n’en tint aucun compte. Et, lorsque plus tard , au Concile de Nicée (325), Jésus Christ-LOGOS-FILS fut proclamé “homoousios”, donc “consubstantiel” à Dieu le Père, à la demande des évêques alexandrins, ces évêques juifs chrétiens étaient absents du Concile. Sans doute avaient-ils préféré s’épargner les risques que leur aurait valu un vote de protestation, en présence de l'empereur Constantin soucieux d'unanimité... Et l’Eglise n’en continua pas moins de s’intituler elle-même, “katholikos”, c’est à dire universelle… La rupture avec les racines juives du Christianisme étaient alors pratiquement consommée.

Le drame, en l’espèce, est que ce même mot « LOGOS-PAROLE » lu par un grec, même chrétien, soit compris à la manière d’Héraclite et de Platon (et sans doute Philon), à savoir comme une personne-Dieu distincte du Dieu UNIQUE, c’est à dire une “hypostase”, à quoi conduisait le “deutéron théon “ de Philon.

Comme le signale Cl. Tresmontant, la racine de cette déviation est bien facile à déceler. Elle réside dans l’impossibilité pour des hommes de culture grecque de comprendre ce que signifie véritablement le concept d’incarnation dans le Nouveau Testament , pensée et message juifs,

Les Pères grecs ont compris cette incarnation, selon les conceptions qu’avait la mythologie grecque des apparitions des dieux et déesses , sous une forme humaine parmi les hommes ! Un exemple spectaculaire en est fourni par les Actes des Apôtres (14.11 à 15) : Paul et Barnabas marchaient dans la ville de Lystres et Paul guérit un paralytique. La foule (de culture grecque) crie au miracle et clame : « les dieux se sont rendus semblables à des hommes et sont descendus vers nous. Ils appelaient Barnabas Zeus et Paul Hermès...’’ Cette foule se met en devoir de leur offrir un sacrifice, et Paul devra tout faire, sans tarder, pour l’en dissuader !

L’abîme, sur ce point, entre les pensées grecque et juive est que : • pour les pagano-chrétiens de culture grecque, Dieu s’est incarné en Jésus de Nazareth, en

sortant de sa transcendance. • pour le Nouveau Testament juif, Dieu a manifesté, en plénitude, sa Divinité, sa Puissance,

son Esprit Saint en Jésus de Nazareth sans sortir de sa transcendance, c'est-à-dire comme shekhina. C’est là notamment , on le verra plus loin, la christologie de saint Jean et de saint Paul.

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Chapitre 10

L’Incarnation selon le Nouveau Testament

Nous venons de retracer succinctement quel fut l’itinéraire suivi par l’Eglise des premiers siècles pour construire sa doctrine. La figure de Jésus, sa mission, sa personne, et donc ce que nous appelons l’incarnation, cette réalité majeure dans le plan de Salut de Dieu, tout cela a reçu une explication marquée par la philosophie grecque, dominante dans tout le bassin méditerranéen. Nous voulons maintenant aborder plus directement notre propos et proposer un autre itinéraire, que nous avons l’habitude d’appeler « itinéraire-bis », pour rendre compte des mêmes réalités en leur donnant sans doute un autre relief. Nous croyons en effet nécessaire qu’il est salutaire de s’affranchir pour un temps des présupposés gravés dans notre Christianisme par des siècles de tradition, pour tenter un autre itinéraire, résolument biblique celui-là et qui n’aura pas recours aux philosophies grecques, mais plutôt imprégné de la culture hébraïque. Et déjà concernant l’incarnation, nous constatons que, loin des montages philosophiques, les textes du Nouveau Testament sont parfaitement clairs : 1/- L’Apôtre Pierre s’exprime ainsi :

“ Israélites, écoutez mes paroles : Jésus le Nazoréen, cet homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, ( ), vous l’avez livré et supprimé… Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes tous témoins. Exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu du Père l’Esprit Saint promis et il l’a répandu, comme vous le voyez et l’entendez ...” (Actes 2 . 22)

Si Pierre avait assisté aux Conciles des siècles suivants, il aurait sans doute été stupéfait, voire scandalisé, des interminables controverses et subtilités déployées pour la difficile définition de deux natures dans le Christ ! 2/ L’Apôtre Jean rapporte les paroles mêmes du Christ, qui confirment la distance subsistant dans l’esprit de Jésus ressuscité entre sa personne et le Père des cieux :

“ Va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu ...” (Jean 20 . 17)

3/ L’Apôtre Paul dans sa Lettre aux Colossiens explique, à la manière typique des Livres Sapientiaux, la manifestation de la Divinité en Jésus :

Il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude (1 :19) En lui habite, corporellement, toute la plénitude de la divinité “ (2 :9)

Dans le premier verset ci-dessus les mots : « toute plénitude » dans la bouche d’un Juif ne peuvent être appliqués qu’à la Divinité. Et dans le second verset, le mot capital, ici, est « corporellement ». Paul exprime par là que Jésus n’est pas une âme-Dieu dans un corps-Homme. Sa divinité est manifestée par la totalité de sa « personne humaine », donc non seulement dans son âme et son esprit, mais dans son corps, aussi, (...par shekhina). Et, c’est là ce qui sépare radicalement une “incarnation de Dieu” au sens biblique du terme, d’un “avatar de Dieu” comme il en existe dans la mythologie hindoue par exemple Pour la majorité des Hindouistes, Krishna est, non pas une incarnation, mais un “avatar “ de Dieu. C’est-à-dire qu’il est dieu ayant pris temporairement un corps d’homme pour venir donner un certain message aux hommes. Il est né, il a grandi, il a délivré son message, il est mort et a rejoint le monde des dieux. L’extérieur de son personnage était un homme, mais à l’intérieur, il était dieu ...

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et c’est pourquoi il n’a pas eu besoin, lui, pour authentifier sa mission, de ressusciter. Un dieu n’a que faire d’un corps d’homme pour sa vie éternelle au Panthéon des dieux ! Et il n’est donc pas question là de ce qui est essentiel dans le Christianisme, la résurrection ! Prenant acte des ambiguïtés auxquelles ont conduit les formulations de la christologie traditionnelle, le Père François Varillon disait, il y a 40 ans :

« Sur 100 catholiques croyants et pratiquants, au moins 95 , aujourd’hui, pensent que Jésus est Dieu caché sous une apparence humaine.”.

Et il ajoutait :

“Et si on croit cela, tout est faussé dans le christianisme, l’incarnation n’est qu’une apparence, l’économie de la rédemption est dénaturée, la mission de l’Eglise, et la nature des sacrements sont faussées, etc.” »

Ajoutons que dans les deux versets ci-dessus de Paul aux Colossiens, un autre mot capital est le verbe « habite ». Il y avait dans le vocabulaire grec bien d’autres verbes plus adéquats, semble-t-il, pour affirmer la Présence de la Divinité en Jésus-Christ. Pourquoi une image comme celle du verbe « habiter ». C’est parce que Paul écrivant en grec pense en hébreu, et qu’en hébreu le verbe « habiter » est « shakhan », de la même racine que « shekhina ». Pour Paul, la divinité en Jésus est de l’ordre de la « shekhina ». D’ailleurs, dans le fameux « Prologue » de son Evangile, l’apôtre Jean, juif lui aussi, parlant de Jésus Fils de Dieu, dit :

‘’ Il a habité parmi nous …’’ (Jean 1. 14)

4/ L’Apôtre Luc enfin décrit, également le processus de cette incarnation-shékhina. Il met dans la bouche de l’ange Gabriel lors de l’Annonciation à Marie un langage totalement sapiential :

“ Tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé fils du Très Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David son père. “ “ Comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge ? L’ange lui répondit : L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu.” (Luc 1. 31 et 35)

Où voit-on, qu’en la circonstance Dieu sorte de sa transcendance ? Est-ce que SAGESSE, PAROLE, ESPRIT SAINT, etc. ne sont pas les voies-shekhina par lesquelles tout au long de l’histoire, Dieu, en permanence, incarne Sa Présence avec une plus ou moins grande intensité, dans un nombre incalculable d’événements, de lieux et d’êtres humains ? C’est ainsi qu’il l’a fait pour Jésus de Nazareth... mais, cette fois, de manière unique et en plénitude. Pour résumer ces propos assez techniques dans un langage plus accessible, disons que du 2e au 5e siècles la christologie des Pères de l’Eglise de culture grecque a suivi deux schémas :

• Dans un premier, dit « Logos + Sarx (chair-corps humain) », le Logos s’unit à une nature humaine incomplète, c'est-à-dire à un corps sans âme. Il y a donc en Jésus deux natures : une nature divine en tant que Logos et une nature humaine constituée par le corps. Mais nous avons vu que c’est là le schéma de « l’avatar » et non celui d’une « incarnation » véritable,

• Dans un deuxième schéma, dit Logos + homme, le Jésus enseigné est plus conforme au

Nouveau Testament, mais au sein de cette dualité l’unité des deux natures est inexplicable et inexpliquée. Il s’agit donc d’une explication par le mystère, dans lequel les grands Conciles des 4e et 5e siècles n’en finiront pas d’errer, semant les voies à de nombreuses variantes et hérésies, faute de pouvoir se référer au concept hébreu unifiant de la « shekhina ». Et, bien sûr, une telle christologie a approfondi le fossé séparant le Judaïsme du Christianisme naissant. Comme avait déjà commencé à le creuser la reconnaissance de Jésus comme étant le Messie attendu par la tradition d’Israël.

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N°2

Deuxième Partie

Jésus Messie

Qu’est-ce que cela veut dire ?

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Chapitre 11

«Messie» et «Fils de l’Homme» On attendait un « Messie ». Dans le cours du Nouveau Testament, Jésus est appelé tour à tour Messie, Fils de l’homme, fils de Dieu. Après sa Résurrection, il sera considéré comme Dieu lui-même. Que doit-on penser de tout cela et que voulaient dire ces différentes appellations à l’époque ? Lorsqu’il parait sous le règne de l’empereur Tibère, toute une tradition juive attend ardemment un Messie libérateur du joug romain qui a fait suite au joug grec. Et cette tradition projette qu’il s’agira d’un descendant du roi David venant rétablir la royauté en Israël libéré. Qui sera-t-il ? Nul ne le sait, Un homme bien sûr, mais pas n’importe lequel. Certains même le voyaient comme un envoyé de Dieu doué de pouvoirs exceptionnels, presque une personnalité supra-humaine, plus ou moins céleste. Lorsque commence le récit des Evangiles, ces espérances sont manifestées aussitôt visant la personne de Jésus. Dès le début de l’Evangile, Luc rapporte la visite de l’ange Gabriel qui vient annoncer à Marie le projet de l’Eternel de la rendre mère d’un fils et le décrit comme suit :

« Il sera grand et sera appelé fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David son père. Il règnera pour toujours sur la famille de Jacob … » (Luc 1.32)

La description mystérieuse que fait ensuite de Jésus Jean le Baptiste à ses propres disciples et à la foule qu’il baptise dans le Jourdain, les porte dans ce sens. Les premiers de ces disciples de Jean qui rejoignent Jésus s’expriment de cette manière ; ainsi Nathanaël, que le disciple Philippe amène à Jésus, s’adresse au Rabbi en ces termes : « Rabbi, tu es le fils de Dieu, tu es le roi d’Israël … » (Jean 1 : 49), et Jésus ne lui répond ni oui ni non, mais en se plaçant sur un tout autre plan. Tout converge donc dans l’esprit des Juifs de l’époque vers cette interprétation : Messie, et roi, et libérateur d’Israël, tel est le même personnage tant attendu. « Fils de Dieu » est l’appellation traditionnelle de l’homme, « oint de Dieu » pour être roi du Peuple Elu comme l’ont été Saül et David.

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Mais il se présente comme « Fils de l’Homme ». Jésus dans ses prédications se présente le plus souvent comme « fils de l’homme », ce qui avait des sens multiples. Dans le langage courant de l’époque ce terme signifie tout simplement « un homme », un type représentatif de l’espèce humaine. Mais le vocabulaire biblique avait élevé cette qualification de « fils de l’homme » au niveau d’une mission de très haute dignité et responsabilité dans le Plan de Dieu. Par exemple dans les citations suivantes :

« Qu’est-ce que le fils de l’homme pour que Tu prennes garde à lui ? » (Psaume 8 : 5) Le prophète Ezéchiel fait appel plusieurs fois à cette appellation :

« L’Eternel m’adressa la parole en ces termes : Fils de l’homme parle aux gens de ton peuple et dis-leur … (Ezéchiel 33 :1) Eh bien toi, fils de l’homme, je t’ai posté comme sentinelle pour la communauté d’Israël … (v.7) L’Eternel m’adressa la parole en ces termes : Fils de l’homme, prophétise au sujet des bergers d’Israël et dis-leur … (34 : 2)

On peut même penser au « fils de l’Homme » de la vision du prophète Daniel :

« Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme ; il s’avança vers l’Ancien des Jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne ; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. (Daniel 7 :13)

Il est délicat de tenter une synthèse entre toutes ces qualifications du Christ dans le langage biblique et évangélique. Une vision floue et finalement fausse de ce qui fait la spécificité de la personne et de la mission terrestre de Jésus sera celle de la foule autour de lui, des disciples et des apôtres jusqu’après la Passion et la Résurrection de Jésus. Il faut reconnaître que Jésus lui-même a été plus que discret sur sa personne et sa mission.

« Un jour, Jésus priait à l’écart, et ses disciples étaient avec lui. Alors il les interrogea : Que disent les foules à mon sujet ? Qui suis–je, d’après elles ? Ils lui répondirent : Pour les uns, tu es Jean–Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, l’un des prophètes d’autrefois qui serait ressuscité. Et vous, leur demanda–t–il alors, qui dites–vous que je suis ? Pierre prit la parole et dit : Le Messie, envoyé par Dieu ! » (Luc 9 :20)

Et, à cette vibrante déclaration de foi, Jésus va répondre d’une façon bien surprenante :

Ne le dites à personne ! (v.21) L’explication souvent donnée est qu’il s’agissait là d’une discrétion de précaution, Jésus ne souhaitant pas braver les autorités avant le temps. Il aurait, nous dit-on, encouru une arrestation immédiate, ce qui l’aurait alors empêché d’accomplir son ministère de trois années. Curieuse explication qui peut sembler plausible au premier abord, mais qui, à l’examen, ne satisfait guère car elle laisse supposer une certaine forme de dissimulation, bien peu crédible de sa part ! On peut plutôt penser que comme les termes existants à ce moment-là pour désigner « celui qu’on attendait » ne correspondaient aucunement au ministère reçu de l’Eternel, il n’a jamais voulu les assumer pour ne pas amplifier encore la confusion dans les esprits.

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« Messie », il l’était et en était évidemment conscient puisque, par sa naissance, il avait en effet reçu l’onction divine, ; celle-ci lui fut ensuite glorieusement confirmée lors de son baptême. Il savait donc que cette onction lui donnait une mission toute spéciale. Mais il savait aussi qu’il n’était pas ce « messie » tel que son peuple l’attendait, un roi terrestre doublé d’un chef de guerre qui bouterait les romains hors du pays ! D’où la précaution élémentaire de son « Ne le dites à personne », que l’on pourrait traduire par « Ne dites cela à personne » !. Et, pour confirmer clairement sa pensée, il leur explique:

Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands-prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, le troisième jour, il ressuscite. (v.22)

Et l’on sait que, en dépit de cette précaution, ce fut un constant malentendu que Jésus subit pendant toute la durée de son ministère. Il choisissait alors à dessein l’appellation de « Fils de l’Homme », alors qu’on voulait le presser de se déclarer « Messie », et « Roi » !

Par exemple, après la multiplication des pains, Jésus doit résister à l’enthousiasme de la foule « Mais Jésus, sachant qu’ils avaient l’intention de l’enlever de force, pour le proclamer roi, se retira de nouveau, tout seul, dans la montagne. (Jean 6.15)

L’insistance de Jésus a se déclarer « Fils de l’Homme » se poursuivra jusque devant le tribunal du Sanhédrin :

L’interrogatoire commença : « Si tu es le Messie, déclare-le nous ! » Jésus leur répondit : « Si je vous réponds, vous ne croirez pas, et si je vous pose des questions, vous ne répondrez pas. Mais, à partir de maintenant, le Fils de l’Homme siègera à la droite du Dieu Tout-Puissant (Luc 22 :67-68)

Malgré cela, on voit combien les deux « disciples d’Emmaüs » résument bien les rumeurs et les attentes circulant au sein de la population :

… ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth … c’était un prophète qui agissait et parlait avec puissance, devant Dieu et devant tout le peuple …nous avions espéré qu’il était celui qui devait délivrer Israël …mais hélas … (Luc 24 : 19-21)

Bien plus encore, 40 jours après la Résurrection, quelques instants avant l’Ascension, les disciples posent de nouveau à Jésus la question qui les lancine depuis le premier jour :

« Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ?» (Actes 1 : 6)

Ce ne sera finalement que 10 jours plus tard, dans l’illumination de la Pentecôte, que les disciples réaliseront que la mission « messianique » de Jésus était d’un tout autre ordre, celle de préparer ces disciples-témoins à la reconquête de l’humanité et de la Création elle-même abîmées par les séductions de l’Adversaire… et essentiellement celle d’initier une « nouvelle Alliance » ré-ouvrant pour l’ensemble de l’humanité les voies d’un Salut-Vie Eternelle, fermées par la Transgression. Le titre de « Fils de l’Homme » sonne à nos oreilles comme un rappel solennel de Jésus qui se présentait ainsi essentiellement comme partie intégrante de l’humanité, homme et pleinement homme, sans le péché. Ne voulait-il pas se déclarer ainsi comme l’homme d’avant la chute, l’homme qui était en communion directe avec l’Eternel, l’homme qui était tel que l’Eternel l’avait créé ? L’Homme, pleinement « Fils de Dieu », l’homme tel que nous le voyons dans le deuxième chapitre de la Genèse, l’homme en quelque sorte que nous sommes tous appelés à redevenir pour reprendre la place qui lui avait été assignée dans le Plan parfait de Dieu ? Comment, dès lors, poursuivre notre méditation sans nous référer au Livre de la Genèse ? C’est ce qu’il nous convient de faire en nous aidant des enseignements de l’apôtre Paul.

* * *

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Chapitre 12

Premier Adam et Dernier Adam

A première lecture, on pourrait rester interloqué devant l’audace de l’Apôtre Paul, osant comparer ADAM et le CHRIST :

Adam, figure de celui qui devait venir...” (Jésus) (Romains 5 . 14) Comme tous meurent en Adam, en Christ, tous recevront la vie’’ (1 Cor. 15 . 22) Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie ( ... ) Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel. Tel a été l’homme terrestre, tels sont aussi les terrestres et tel est l’homme céleste, tels seront les célestes “. ( 1 Corinthiens 15 . 45 /48)

Comment expliquer, pensent la plupart des chrétiens, ce rapprochement fait par Paul entre Adam qui est une créature et Jésus qui est Dieu ... ! Où Paul avait-il la tête en écrivant cela ? Puis, si l’on approfondit d’autres écrits de Paul, on constate qu’il a mis les choses à leurs places, concernant Jésus :

“ Il (Jésus) est l’image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature, car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre...( ) Tout est créé en fonction de lui et pour lui ...” (Colossiens 1 . 15 et 16 )

On est alors conduit vers une synthèse mettant en œuvre d’autres textes, notamment :

“ Et, maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi, de cette gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fut ‘’ (Jean 17.5) “ Car il faut qu’il (Jésus) règne, jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds . ( ) Et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous “ ( 1 Corinthiens 15 . 25 à 28)

Alors, l’ensemble prend corps de façon plus cohérente :

● Jésus est l’image (celle-ci ressemblante) du Dieu invisible. Adam a été créé ainsi, mais cette image fut hélas déformée. Et nous-mêmes sommes tous images, mais seulement des images plus ou moins fidèles ... !

● En Jésus, tout a été créé, c’est en pensant à lui et en vue de lui que Dieu a tout créé. Dans Colossiens 1.16, il ne faut pas traduire : « par lui tout a été créé », ce qui ferait de Jésus un dieu-démiurge (wikipedia : divinité créatrice du monde) comme il en existe dans les mythologies païennes et gnostiques. Paul a employé la préposition « dia » avec le génitif, donc avec un sens relationnel et non avec l’accusatif ce qui donnerait un sens causal. Nous traiterons plus complètement de cette question de traduction au chapitre26. Disons néanmoins déjà que c’est bien : « en fonction du Christ » que tout a été créé par Dieu.

En tant que Fils, engendré avant que le monde fût, il personnifiait la totalité du Projet divin de Création-Salut à venir. Donc, il a été présent dans ce Projet de Dieu avant toute autre créature. Il est donc bien le Premier-né et non le co-Créateur de toute créature. Il faut donc distinguer soigneusement entre:

� Le Fils « engendré avant que le monde fût », qui est dans la Pensée divine la ‘’personnification’’ du Projet de Création-Salut à venir. Etant alors « en Dieu », il partageait Sa Gloire. (Jean 17. 5) …

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� Et Jésus de Nazareth, ‘‘Dernier Adam’’ (1 Corinthiens 15. 45), créature, fils du Premier Adam pécheur. Entre le Fils engendré et Jésus de Nazareth, il y a la distance-kénose de l’Incarnation…(Philippiens Chapitre 2)

Le premier Adam, être animal doué de vie, que Paul (toujours dans 1 Cor. 15.45) a opposé au Dernier Adam, c’est le Premier Adam après la transgression. Le Dernier Adam, être spirituel donnant la vie et venant du ciel, c’est le Christ ressuscité et glorifié, Homme Nouveau, prototype de l’humanité restaurée et réintégrée (en espérance, dit Paul en Rom. 8. 24) dans le Jardin de l’Eden d’où le Premier Adam transgresseur fut chassé (Genèse 3. 23). Lorsqu’à la fin des temps la mission du Fils aura été remplie, au bénéfice de l’Humanité tout entière, le Prototype et l’Humanité seront rassemblés dans une union intime...’’ le ‘’Projet’’ divin aura été accompli, ‘’et Dieu sera tout en tous’’. (1 Cor. 15. 28) Paul a ainsi soulevé un coin du voile qui masque à nos intelligences humaines ce que pourra être le Salut, le Salut en Jésus Christ. Tout cela ne s’accorde pas aisément avec nos mentalités orientées par 20 siècles d’enseignement cartésien, mais nous introduit à une conception spirituelle bien propre à l’émerveillement et à l’adoration ! Le reste devient plus aisé à saisir, parce que plus cohérent : le Premier Adam, modelé du sol Adamah et, seul parmi toutes les créatures, rendu vivant d’une vie divine par le souffle divin “neshamah” (Gen. 2. 7), a fait mauvais usage de sa liberté et de ses pouvoirs. Mais l’Eternel, fidèle à son Plan, a gardé miséricorde envers l’Homme et noué avec lui, d’âge en âge, une alliance de plus en plus élaborée. Et, Paul précise :

” quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la Loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la Loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs. Fils vous l’êtes bien ...” (Galates 4. 4 à 6 )

Jésus est donc semblable aux hommes en toutes choses, excepté le péché.

Qui de vous me convaincra de péché ? (Jean 8 :46)

C’est à la Croix qu’il s’est fait « homme-pécheur » à notre place, donc semblable à nous, et assumant notre péché, afin que l’innocent prenne la place des pécheurs.

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Chapitre 13

Une Re-Création de l’Adam ? … et Marie, nouvelle Eve ?

Lorsque l’apôtre Paul parle comme nous venons de le lire de Jésus Nouvel Adam, il évoque évidemment une Création Nouvelle. Il ne s’agit plus, ici, comme au temps du déluge, de la création d’une autre humanité, devant prendre la suite de la précédente rejetée et détruite, mais de la même Humanité renouvelée (en grec : caïnos, non pas néos, qui signifierait : une autre). Il s’agit bien d’une « re-création » car le processus en est identique à la création du Premier Adam. Pour créer celui-ci, l’Eternel a envoyé son souffle-esprit, neshamah, sur la poussière du sol, Adamah (Genèse 2. 7), issu de la Lumière du Jour Un. Pour cette re-création du Fils-Homme Nouveau, l’Eternel a envoyé son souffle, cette fois Ruah Hakodesh, Esprit Saint en plénitude, sur une Nouvelle Adamah (personnifiant la Création déchue à restaurer) qu’il a préparée à la restauration depuis Abraham et qui est tout Israël, en la personne d’une humble jeune fille de Nazareth, Marie. (Luc 1. 35) L’Election d’Israël apparaît donc non seulement confirmée comme éternelle, mais étendue, par adoption, à “toute créature”, c’est à dire, selon la promesse faite à Abraham, d’être père d’une multitude de nations appelées à être bénies, elles-aussi, en lui. (Genèse 17. 4 et 22. 18) Cette re-Création présente tous les caractères de l’Ère Messianique. Celle-ci a été décrite de façons diverses par les prophètes et par Jésus lui-même, de façon glorieuse pour certains, douloureuse pour d’autres. Nous en traiterons ultérieurement, avec humilité car, même avec le recul de l’histoire, le mystère reste profond. . En tout état de cause, cette Ère Messianique apparaît bien prendre place dans la longue chaîne des "Création - re-Créations" qui, loin d’être une anomalie ou une étrangeté dans le Plan de Dieu, en jalonnent, au contraire, le déroulement depuis les Six Jours de la Genèse, tout au long de l’histoire du Peuple d’Israël et jusqu’à l’époque contemporaine. C’est par de telles re-créations que le Tout Puissant confirme, affermit, rajeunit, renouvelle, approfondit, élargit, fait monter en puissance son Alliance Eternelle avec son Fils Unique - l’Homme. A chaque stade de cette Création renouvelée (caïnos en grec, non pas néos), le Créateur n’innove pas, mais dévoile un peu davantage son Plan de Salut final. N’est-ce pas selon cette perspective que l’Ère Messianique initiée par Jésus peut être considérée ? En informatique, on parlerait d’une ré-initialisation. Essayons donc d’en dégager les caractères principaux qui, précisément, la rattacherait aux re-Créations déjà connues de l’histoire biblique. Comme elles, elle traduit une Continuité et implique un Changement. Une re-création nécessaire à la continuité du Plan divin : Selon toute la Bible, la re-création est permanente et la ‘’continuité’’ est manifeste à chaque stade : • La re-Création-sauvetage en Noé : La descendance d'Adam et Ève s'étant pervertie, l'Eternel songe d'abord à la détruire tout entière dans le déluge. Mais, il se ravise, épargne Noé et sa famille, puis conclut avec lui une Alliance nouvelle en sept points, déclarée par Dieu : ‘’ ...pour les générations à toujours ‘’ (Genèse 9.12), et étendue aux animaux. Cette nouvelle (caïnos) humanité issue de Noé se pervertit elle-aussi. Dieu la disperse au pied de la Tour de Babel (Genèse 11), et elle retourne au paganisme. • La re-Création-promesse en Abraham : au sein de l’humanité païenne Dieu choisit Abram, chaldéen, conclut avec lui une Alliance Nouvelle (caïnos) et lui fait une promesse double et

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doublement évolutive : une descendance innombrable, destinée à s’étendre un jour à toutes les Nations, ainsi qu’une terre, Canaan, dont on comprend qu’elle s’étendra ultérieurement à la terre entière. • La re-Création-Loi en Moïse au Sinaï : à travers la libération de l’esclavage en Egypte et l’Exode au désert, l’Eternel crée un Peuple Nouveau rassemblant dans son Election les héritiers des promesses faites à Abraham et un premier apport de Nations diverses (Exode 12. 37-38). L’Alliance prend, au pied du Sinaï, la forme d’un contrat précis avec engagements réciproques. • La re-Création-miséricorde au retour de l’exil à Babylone : à nouveau le Peuple Elu a été infidèle. Il connaît une fois encore l’esclavage, ayant perdu sa terre, son temple, sa Loi, réduit à néant en tant que nation au milieu des Nations païennes, ne conservant que la fidélité (et la shékhina) de Dieu. Cette ‘’mort’’ dure 70 ans, à l’issue desquels Cyrus, roi des Perses, est l’instrument choisi par l’Eternel pour la re-Création d’Israël, autorisant et finançant le retour du Peuple à Jérusalem, pour y reconstruire la ville, ses murailles, son temple et se re-grouper autour de la Loi, sous Esdras… Il s’agit bien d’une re-Création et ce n’est pas fortuitement que le premier récit de la Création figurant au Livre de la Genèse, date de cette époque du retour de l’exil, où Israël, réduit à néant dans sa chair et son esprit, avait pu éprouver ce que signifie pour l’Homme naître du néant par la puissance du Créateur. Et l’instrument de Dieu pour cette re-Création a été le roi Cyrus, un païen, que le texte biblique qualifie de “Messie”. •La re-Création-Alliance Nouvelle (caïnos) en Jésus et dans l’accomplissement de la Pentecôte : Depuis 20 siècles l’humanité est entrée dans une Nouvelle re-Création, prolongement des précédentes. Ni la vie, ni la mort, ni la résurrection, ni même la mission de Jésus ne se conçoivent de façon cohérente sans la Pentecôte. Il n’est pas étonnant que Luc ait rédigé le récit de la Pentecôte ( au chapitre 2 des Actes des Apôtres ) en y glissant des rappels (voilés) de la description par le Livre de l’Exode (cha- pitre 19) du don de la Torah sur le Sinaï. C’est signifier aux lecteurs des Actes que la Pentecôte a traduit de la part de l’Eternel la volonté de nouer une Alliance Nouvelle avec l’Homme, alliance « nouvelle » (caïnos) c’est-à-dire « renouvelée » en Jésus-Christ, dans le prolongement et en accomplissement de l’Alliance du Sinaï. et non pas une « autre alliance» (neos) rendant caduque la Première ... Mais il est symptomatique que dans ce récit de la Théophanie Collective du don de la Thora au Sinaï, le Livre de l’Exode (chap. 19) ne mentionne nulle intervention de l’Esprit Saint. Dans tout l’Ancien Testament, d’ailleurs, les interventions de l’Esprit Saint sont rares et limitées à quelques êtres choisis. C’est, dit la tradition juive, que cette manifestation générale de l’Esprit Saint (Ruah Hakkodesh), annoncée par le prophète Joël, sera justement le signe de l’Ere Messianique. C’est bien le discours que tient l’Apôtre Pierre à la foule de Jérusalem au sortir de la chambre haute, où les 120 disciples de Jésus, Marie et quelques saintes femmes, viennent d’être bénéficiaires, communautairement et individuellement de cette “onction de feu” de l’Esprit Saint-Théophanie Collective, qui vient de se produire. Pierre rappelle en effet à la foule, qui les croit « ivres de vin doux’ » (Actes 2. 13), la prophétie de Joël (Actes 2. 16 ss.)) :

“ Alors, dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai mon esprit sur toute chair ‘’ (Joël 3. 1) L’apôtre Luc, dans le récit qu’il fait de la première Pentecôte chrétienne (Actes 2), la présente comme une actualisation du don de la Torah sur le Sinaï. D’autre part, Luc (1. 26 ss.) relatant l’Annonciation par l’ange Gabriel à Marie, de même que Jean dans les deux premiers chapitres de son évangile, multiplient les allusions tendant à présenter Jésus comme un nouveau Moïse. Leur souci de souligner la continuité est évident.

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Chapitre 14

L’Ère Messianique changement et continuité

On peut constater que : • Chacune des Re-Créations intervient après un drame, une infidélité majeure de l’Homme, qui, à vues humaines, pourrait orienter sur une “rupture-annulation" de l’Alliance. Mais Dieu reste fidèle à son Plan originel et le poursuit par d’autres voies. • à chaque re-Création, non seulement l’Alliance avec l’Homme est maintenue, mais elle est approfondie, précisée, structurée, élargie, élevée dans son champ d’application. Chaque re-Création, comme celle des Six Jours de la Genèse, comporte son ‘’Bereshit bara ...’’. Le Créateur ne dévoile, sur le moment, que les principes généraux de son initiative. Et il laisse à l’Homme la mission d’en tirer ultérieurement les applications, d’en faire apparaître les fruits (cf.“garder et cultiver le Jardin d’Eden, nommer les animaux” Genèse 2. 15 et 19)., c’est à dire de l’accomplir.. • et à chaque re-Création, Dieu suscite un homme “oint” pour initier, présider, incarner cette mission, et recevoir les charismes nécessaires pour la mener à bien. Si l’Ecriture attribue au roi Cyrus le titre et la fonction de Messie, ne peut-on reconnaître la même qualité à Noé, à Abraham, à Moïse, et, pourquoi pas à Esdras, à David et à bien d’autres ? Après tout, Messie signifie “Oint de l’Esprit de Dieu” (Ruah) pour accomplir une mission précise dans le Plan Divin. Est-il, alors, étrange ou incongru, que le Nouveau Testament proclame Jésus « Messie » ? Il est vrai que ce Messie-là a été d’une nature inattendue à l’époque, qu’il témoigne aujourd’hui encore d’une nature et d’une envergure exceptionnelles, et que sa mission apparaît unique.

Ceci nous conduit à la deuxième caractéristique de l’Ère Messianique :

Une Re-Création implique aussi un changement :

La continuité manifestée en chaque re-Création s’avère bien évolutive. Elle progresse vers l’accomplissement du Temps. C’est par des voies nouvelles que Dieu poursuit son oeuvre, dévoile des aspects nouveaux de son Alliance avec l’Homme, et approche ainsi un peu davantage des finalités ultimes de son Plan de Création-Salut.

A chaque étape il y a changement ... dans la continuité !

Quel est donc le changement spécifique constituant l’âme de la mission confiée au Messie-Jésus ? La réponse n’est pas enveloppée de mystère, elle est esquissée en de nombreux points de la Première Alliance et de la Deuxième. Jésus lui-même a parfaitement précisé l’objet de sa mission :

...non pas abolir la Thora, mais l’accomplir (Matthieu 5. 17).

Mais que voulait-il dire par ce verbe « accomplir » ? Dès le vivant du Christ et au cours des âges depuis lors, de nombreuses interprétations en ont été données. La plupart étaient désobligeantes pour Israël et sa tradition : Jésus avait dû intervenir, disait-on, pour réaliser ce que le Peuple Elu avait négligé ou manqué. Cela ouvrait naturellement sur les fameuses pseudo-doctrines chrétiennes du rejet d’Israël par Dieu et de la substitution de l’Eglise à Israël comme Peuple Elu. A l’évidence, le sens de ce verbe « accomplir » va infiniment plus profond. C’est tout ce qu’implique la mission messianique du Christ. Il l’a définie lui-même : Accomplir le Plan-Torah de Dieu. Qu’entendait-il par là ? Sans doute ré-ouvrir dans la miséricorde de l’Eternel les voies du Salut de l’humanité compromise par la « transgression » originelle.

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Le livre de la Genèse qualifie subtilement le Plan de Dieu sur l’Homme :

“ Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance “ ( Genèse 1 . 26-27) Il n’y a pas une simple redondance de style dans la jonction des deux concepts : image et ressemblance. En effet, Dieu a placé l’Homme-Adam au Jardin de l’Eden et l’a investi d’une onction de son Esprit-Souffle, neshamah, appropriée à la mission qu’il lui confiait. Cette onction, unique au sein de la Création des Six Jours, a fait de l’Homme une “image”, une ébauche (limitée), un reflet de la lumière du Créateur. Car toute la personne de ce Premier Adam est tirée de la Lumière, qui a été la Création du Jour Un (Genèse 1. 3-6). La mission d’Adam est à comprendre selon la Genèse comme un parcours probatoire à réaliser par l’Homme guidé par une relation filiale permanente avec le Créateur. Ce parcours est situé dans un « espace » et un temps que le texte de la Genèse nomme le « Jardin » en hébreu « GAN ». Le tout est initié en vue d’un accomplissement ultérieur , qui porte un nom mystérieux : « EDEN », lequel évoque une dimension spirituelle totalement distincte de celle du Jardin-GAN. Il faut comprendre, semble-t-il, que l’Homme doit œuvrer dans le Jardin-Gan avant et afin de parvenir en Eden. Ceci correspond un peu à la notion chrétienne du Salut dans une Vie Future et un Paradis dont nos intelligences humaines ne peuvent avoir aucune idée. Dans la tradition juive, le Talmud comporte des évocations très nombreuses et très diverses du « monde à venir ». Il semble que Judaïsme et Christianisme se soient tous deux placés devant ce mystère sans tenir compte de certaines pistes de réflexion cependant contenues dans ce livre de la Genèse, comme nous allons le voir maintenant.

REMARQUE Il est une subtilité rarement soulignée dans le récit des Six Jours de la Création au livre de la Ge-nèse. Ces Six jours sont énumérés successivement : « premier jour, deuxième jour, troisième jour … » dans la quasi-totalité des traductions en langues vernaculaires. Rares sont les versions qui soulignent que pour le « premier jour » où est créée la « lumière-énergie » primordiale, le texte hébreu ne dit pas « premier jour », mais « Jour Un ». L’explication est très éclairante, c’est bien le cas de le dire ! Ce « Jour Un » dure et durera toujours. A la différence des « autres jours », la venue des jours suivants n’ a pas mis fin à ce « Jour Un ». .Et ce « Jour Un » est seul dans ce cas. L’acte créateur initial de l’Eternel est permanent et sans cette « permanence- re-création permanente », la « Lumière » initiale s’éteindrait instantanément et le Cosmos avec elle.

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Chapitre 15.

La trangression d’Adam source d’un ébranlement cosmique

Le Livre de la Genèse fait donc état d’une « transgression » commise par L’Homme. Il nous paraît nécessaire ici de procéder à une reconstitution précise des faits, à l’évaluation des responsabilités pour enfin en prévoir les conséquences pour les intéressés, leurs ayant-droit et leur environnement.

Reprenons les pièces du dossier :

1/ Au sein de la Création, Adam était unique à avoir été fait le Sixième Jour « à l’image et selon la ressemblance » du Créateur (Gen. 1. 26)… un peu comme un fils « tient de son père » !

2/ En plus, il est précisé que l’Eternel souffla dans les narines d’Adam son « haleine de vie » et que « l’Homme devint un être vivant » (Gen. 2. 7). (en hébreu, le même mot signifie : souffle, haleine, vent et esprit). Il s’agit bien de « l’haleine de vie divine ». Dieu investit donc dans l’Homme son Esprit divin, c'est-à-dire lui confère une dimension de divinité. Et lorsque le texte dit que l’Homme devint alors un « être vivant » avec en lui cet Esprit de Dieu, cela signifie que l’Adam, seul parmi les créatures, est promis à une vie éternelle-immortalité.

3/ Dieu procède en l’Homme à ce genre d’investissement exceptionnel, parce qu’Il va lui confier dans le Jardin de l’Eden une mission elle aussi exceptionnelle : « Garder et cultiver le Jardin » (Gen. 2. 15) et « nommer les vivants » (Gen. 2. 19). La première mission consiste à la fois à maintenir le Jardin conforme au Projet de Dieu et à lui faire produire les fruits que le Créateur en attend, et qu’Il s’est abstenu volontairement de faire advenir Lui-même, puisqu’Il a suspendu son œuvre créatrice le Septième Jour. La deuxième mission vise les animaux et consiste à les nommer, c'est-à-dire à fixer pour chacun sa place-vocation dans l’ensemble de la création. En hébreu, le « nom » débouche sur une « vocation ». 4/ Le mot GAN (jardin) comporte la racine qui a donné dans de nombreuses langues : gène, génétique, engendrement, génération, gendre, etc. Ce qui est confié par Dieu aux soins d’Adam est tout le laboratoire d’élaboration de la Vie, pour le « garder et lui faire porter fruits ». Adam a donc accès à « l’arbre de vie » qui est au centre du Jardin. Cet « arbre » est un peu comme le logiciel dont Adam devra en permanence s’inspirer, et même se nourrir, pour remplir sa mission. 5/ Mais, intervient la « transgression » d’Adam et Ève, car il y avait aussi dans le Jardin « l’arbre de la connaissance du bien-bonheur et du mal-malheur », dont Dieu avait dit à Adam : « du jour où tu en mangeras, tu devras mourir » (Gen. 2. 17). Il y a donc, semble-t-il, une contradiction, au moins un paradoxe, entre d’une part la décision du Créateur d’investir sa divinité-immortalité en Adam et d’autre part cet avertissement : « du jour où tu en mangeras, tu devras mourir ». Alors, Adam est-il mortel ou immortel ? Réponse : Il n’y a ni contradiction ni paradoxe, les deux sont vrais : l’immortalité est structurelle et fondamentale en Adam, le risque de mort est accessoire, accidentel et peut n’être que temporaire. Pour le comprendre il faut ressortir d’autres pièces du dossier. 6/ Certes, après leur transgression Adam et Ève sont chassés du Jardin de l’Eden et deux Chérubins à l’épée de feu sont postés à l’Orient du Jardin pour leur interdire désormais l’accès à « l’arbre de vie » (éternelle) (Gen. 3. 24) , mais paradoxe de la fidélité du Créateur à son Plan, la mission de « garder, cultiver, nommer » n’est pas ôtée à Adam et Ève. De même, ils demeurent « à l’image et selon la ressemblance de Dieu » ! Et plus surprenant et émouvant encore, « l’haleine de vie » divine soufflée dans leurs narines, et qui les rend immortels, ne leur est pas retirée ! Nous sommes là devant une énigme : les voilà à la fois immortels et destinés à la mort !?

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7/ La solution de l’énigme se trouve également dans le texte de la Genèse. Au Sixième Jour, l’Adam avait été modelé de la poussière du sol (Gen. 2. 7), lequel était lui-même fait de la « Lumière », création du Jour Un (Gen. 1. 3). Au terme de ce Sixième Jour et de Son œuvre, Dieu « vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon » (Genèse 1. 31). Le corps de l’Adam était donc un corps de lumière, ce que nous appelons un « corps glorieux ». Certains auteurs ont dit, de façon poétique : « …poussière d’étoiles ». Mais, après la « transgression », l’Eternel déclare à l’Adam : « le sol sera maudit à cause de toi » (Gen. 3. 17).. Ce ne sera plus l’environnement-sol harmonieux de lumière au sein duquel l’Homme va désormais devoir vivre et poursuivre l’accomplissement de sa mission, mais un environnement hostile, dur, où toute vie sera pénible et soumis à la mort, un environnement incompatible avec son corps de lumière. Le texte de la Genèse précise alors : « Le Seigneur fit pour Adam et sa femme des tuniques de peau et les en revêtit » (Gen. 3. 21). Dieu ne supprime pas les corps de lumière d’Adam et d’Eve, mais Il modèle pour eux de nouveaux « corps » faits de la poussière du sol maudit. Ces nouveaux corps sont conçus comme une « tunique » qui ne remplace pas les corps de lumière, mais les revêt, un peu comme un scaphandre protecteur… C’est désormais revêtus de cette « tunique de peau » que tout homme naît, vit et meurt. Ce scénario peut étonner celui qui en prend connaissance pour la première fois. Mais il est bon de préciser qu’il y a en hébreu un jeu de mot intraduisible entre « Lumière » et « Peau ». C’est le même mot « AOR », prononcé de la même manière, mais écrit différemment et qui n’a pas du tout le même sens dans les deux cas. La lettre A, pour « Lumière », est un ‘’aleph’’, nombre UN qui évoque la « Lumière » du Jour UN de la création. La lettre A, pour « Peau » est un ‘’ayin’’, nombre 70 qui évoque dans la tradition hébraïque la diversité et la fragilité humaine.

8/ Notre problème de contradiction ou paradoxe est alors résolu: le « corps de lumière » est, et demeure appelé à l’immortalité. C’est la « tunique de peau » qui est promise à la mort. L’expression « Résurrection des morts » est un terme impropre, car elle incite à penser que c’est notre corps mortel (tunique de peau) qui revient à la vie. La mort biologique correspond au contraire à la disparition définitive de cette « tunique de peau », libérant alors le corps de lumière, pour une vie qui ré-apparaît ce qu’elle n’a jamais cessé d’être, c'est-à-dire immortelle. La « résurrection » de Jésus (et la nôtre) n’est pas la « ré-animation d’un cadavre » …

* * * Voici rappelées les principales pièces du dossier. Mais, le plus important de notre enquête reste à définir, car la question essentielle demeure : Que vient faire le Messie ? Est-il le « Dernier Adam » dont parle Paul ? Mais cette expression peut avoir un double sens :

• «Dernier Adam » de la lignée des descendants d’Adam transgresseur de l’Alliance ? • «Dernier Adam » du Projet divin, signifiant qu’il est, pour employer un vocabulaire

moderne, le « dernier modèle-prototype d’une ‘’nouvelle série’’, celle d’une « nouvelle Humanité restaurée » ?

Et pourquoi pas l’un et l’autre ? Il faut donc poursuivre l’enquête …

REMARQUE Gan, en hébreu signifie jardin. Au Livre de la Genèse il s’agit de ce que nous appelons le ‘’Paradis Terrestre’’. Mais, comme nous l’avons souligné plus haut, cette racine hébraïque a donné en français (avec l’équivalent dans beaucoup de langues occidentales) : génération, engendrement, gendre, gène, génétique, etc. Ceci suggère que la mission d’Adam dans ce Jardin-GAN n’était nullement ‘’de tout repos’’ : Garder et cultiver le Jardin, nommer les êtres vivants (Genèse 2.15 et 19-20). Adam s’est vu en quelque

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sorte responsable du Laboratoire d’élaboration des espèces constituant les créatures végétales et animales, le Créateur n’en ayant créé que les principes généraux (Bereshit bara ...) . On comprend que devant l’infidélité d’Adam, se faisant l’égal de Dieu, connaissant-s’appropriant les critères du Bien et du Mal, l’Eternel l’ait immédiatement licencié du Laboratoire et coupé désormais des secrets d’élaboration de la Vie... !

* * *

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Chapitre 16

La Résurrection : pourquoi ? La croyance est majoritaire parmi les chrétiens que la foi en la résurrection des morts résulte d’un enseignement du Christ. Il est même enseigné couramment - et ce depuis pratiquement l’aube du Christianisme - que si les hommes sont appelés à cette résurrection, ils le doivent au fait que Jésus le premier a été « relevé d’entre les morts » et que c’est là une confirmation de sa divinité. Ce n’est cependant pas de cette manière que l’Ecriture pose le problème. Certes, Jésus a fait de son enseignement sur la résurrection le point-pivot de Sa Bonne Nouvelle. Si d’autres aspects du Credo et des pratiques d’Église lui ont ravi cette place et ce sommet, au profit par exemple de rites sacramentels, notamment de l’Eucharistie, c’est par une méconnaissance de l’essentiel. Tous les articles de foi et tous les sacrements, y compris et surtout l’Eucharistie, convergent vers cette Bonne Nouvelle centrale. A savoir que la vie présente de l’Homme est temporaire, qu’elle aboutit à la mort. Et que c’est même grâce à l’acceptation de ce passage par la mort que l’homme retrouve sa vocation fondamentale à l’immortalité, à la suite de Jésus appelé par Paul : « Premier-né d’entre les morts ». (Colossiens 1. 18) . Car il faut mourir pour « voir » Dieu. Si l’Eucharistie est souvent enseignée et pratiquée comme étant une manière de « potion magique du baptisé » (excusez l'expression !), il n’y a là qu’une approximation caricaturale et réductrice. Mais si elle est comprise comme l’appel du Christ à chaque fidèle de donner lui aussi son « corps » (sa Personne) et son sang (sa Vie) pour le salut du monde, alors elle est bien l’acceptation par chaque homme de « renoncer à lui-même, de prendre sa croix et de suivre le Christ ». C’est même là selon la parole de Jésus le critère majeur d’authenticité de ceux qui veulent être ses disciples. (Luc 9. 23)

Jésus est revenu bien souvent sur ce thème. Il a annoncé sa propre mort et sa résurrection le troisième jour. Personne autour de lui n’en a tenu compte. Or c’était cela aussi le point-pivot de sa mission messianique, la raison essentielle de l’incarnation-manifestation-shekhina en sa personne humaine de l’Esprit Saint et Sauveur du Père des cieux. Mais ses contemporains, ses disciples et ses apôtres même, attendaient un tout autre genre de Messie, un roi terrestre ! Ses frères en Abraham et en Moïse d’aujourd’hui, quel genre de Messie attendent-ils encore ? C’est l’un des points les plus controversés et contentieux des divers enseignements donnés par les Maîtres du Talmud et leurs héritiers.

La mort et la résurrection dans l’Alliance renouvelée en Jésus Christ

Les citations du Nouveau Testament abondent en cette matière de la mort et de la résurrection de Jésus, notamment :

‘’ Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes. Ils le tueront et le troisième jour il ressuscitera’’. (Matthieu 17. 22-23) ‘’ Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que trois jours après il ressuscite’’ (Marc 8. 31 - Luc 9. 22) ‘’ Comme ils redescendaient de la montagne, il leur recommanda de ne dire à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts’’.(Marc 9. 9) ‘’ Telle est la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle. Et moi, je le ressusciterai au dernier jour’’. (Jean 6. 40)

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La mort et la résurrection dans la Première Alliance

Mais, comme indiqué plus haut, la foi en la résurrection des morts était courante dans le Judaïsme depuis plus de deux siècles, notamment chez les Pharisiens. Et les sources en étaient nombreuses dans la Première Alliance, notamment :

‘’Les morts revivront, leurs cadavres ressusciteront. Réveillez-vous, criez de joie, vous qui demeurez dans la poussière’’. (Isaïe 26.19) ‘’Seigneur, tu m’as fait remonter des enfers, tu m’as fait revivre …’’ (Ps. 30. 4) ‘’Tu vas à nouveau nous laisser vivre, tu vas à nouveau m’élever hors des abîmes de la terre’’ . (Ps. 70. 20) ‘’Le Seigneur fait mourir et fait vivre, descendre aux enfers et remonter’’ (1 Samuel 2. 6) " Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol se réveilleront, ceux-ci pour la vie éternelle, ceux-là pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle’’. (Daniel 12. 2)

Ces citations de la Première Alliance visent essentiellement, semble-t-il, une revitalisation-réanimation du corps présent, c'est-à-dire de ce que nous avons reconnu comme étant la « tunique de peau » de la Genèse. Cependant, Job dans l’abîme de sa souffrance parait bien entrevoir, confusément d’abord et plus radicalement ensuite, un genre de résurrection tout autre :

‘’Après qu’on aura détruit cette peau qui est la mienne, c’est bien dans ma chair que je contemplerai Dieu … mes yeux le verront, lui, et il ne me sera pas étranger’’. (Job 19. 26) ‘’Je ne te connaissais que par oui-dire, maintenant mes yeux t’ont vu …’’ (Job 42. 5)

Les explications de Jésus :

Dans ce dernier verset, on voit Job annoncer prophétiquement la notion de résurrection d’entre les morts qui va être celle du Nouveau Testament, mais qui, en réalité était déjà implicitement celle du Livre de la Genèse ! Les paroles de Jésus venant « relever » son ami Lazare et adressées à sa sœur Marthe sont éclairantes :

‘’ Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera ». « Je sais , répondit-elle, qu’il ressuscitera lors de la résurrection au dernier jour ». Jésus lui dit : « Je suis la Résurrection et la Vie, celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais ». (Jean 11. 23 ss.)

On perçoit la distance qu’il y a entre, d’une part, la croyance en un relèvement d’entre les morts au dernier jour, qui était traditionnelle à l’époque et qu’exprime Marthe et, d’autre part, la réalité de la Résurrection promise par le Christ et qui va être incarnée-réalisée en lui-même peu après et qui constitue l’âme de la Bonne Nouvelle. Il ne s’agit pas du tout de la même réalité humano-spirituelle. Et Jésus qui a déjà ressuscité la fille de Jaïre et le fils de la veuve de Naïm, et qui va rappeler à une vie purement terrestre, donc elle aussi temporaire, son ami Lazare promet à Marthe tout autre chose pour ceux qui vont croire en lui et suivre ses pas … Car c’est ainsi qu’il faut comprendre les mots que Jésus emploie : « … celui qui croit en moi, même s’il meurt (dans sa tunique de peau), vivra… », et ne mourra jamais, car il vivra d’une tout autre vie, celle-là éternelle, dans son corps de lumière enfin libéré … et cela va prendre effet pour lui, Jésus, individuellement dès sa mort biologique sur la croix, sans attendre le « Jugement » au dernier jour de l’humanité globale»

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Remarque : L’explication ci-dessus de l’échange entre Jésus et Marie, sœur de Lazare, lève une ambiguïté importante. Ce texte en effet est souvent rappelé de nos jours lors des offices d’ensevelissement. Mais, en général, le commentaire qui en est donné revient à expliquer que Lazare avait une fois connu la mort, et que, par l’intervention de Jésus, il avait retrouvé miraculeusement la vie, l’attention étant dirigée vers le miracle. Et la famille du défunt en est réduite à regretter que celui-ci n’ait pas été au bénéfice d’un tel miracle ! Le grand message de la vraie résurrection est alors repoussé au second plan,

Les Enseignements de Paul :

L’apôtre Paul a lui aussi fait de la Résurrection, la vraie, le centre de gravité-noyau de la Bonne Nouvelle ; Dans son admonestation aux Corinthiens (chap. 15. 12 ss.), il commente et développe l’annonce prophétique de Jésus à Marthe :

Si l’on proclame que Christ est ressuscité des morts, comment certains d’entre vous disent-ils qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi … votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés…. Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non, Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts. En effet, puisque la mort est venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. Comme tous meurent en Adam, en Christ tous recevront la vie, mais chacun à son rang : d’abord les prémices, Christ, puis ceux qui appartiennent au Christ lors de sa venue. Ensuite viendra la fin, quand il remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute domination, autorité et puissance … Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds… alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous ». (1 Corinthiens 15 :12-28)

Voilà en ces quelques phrases de Paul la synthèse de la Bonne Nouvelle et de ce qu’est la mission spécifique du Messie, qu’aucun autre passage du nouveau Testament n’affirme et n’explicite aussi parfaitement. Car il évoque bien en la personne du Christ la Re-Création de l’Homme, sa ré-émergence au sein de la Lumière du Jour Un, la destruction du dernier ennemi, la mort, la restauration de la relation originelle de Dieu avec son Fils Unique l’Homme. Alors, « Dieu sera tout en tous » affirme Paul, ce qui est bien l’âme de la Bonne Nouvelle. Nous pouvons relire en sens inverse toutes les caractéristiques de la transgression-chute d’Adam et d’Eve, et reconstituer maintenant l’itinéraire de la voie nouvelle du Salut :

- L’Homme est réintégré dans le Jardin de l’Eden, - La mort est vaincue, car les deux Chérubins qui barraient l’accès à ‘’l’arbre de vie’’ du Jardin de l’Eden, aliment et caution de vie éternelle, sont retirés, Ils apparaissent aux saintes femmes devant le tombeau vide du matin de Pâque, pour signifier aux hommes que désormais la voie vers cet arbre de vie est libérée… (Tout est accompli, avait annoncé Jésus expirant sur la croix !)

- L’Homme, par delà sa mort biologique, est dévêtu de sa tunique de peau désormais inutile et réapparaît dans son corps de lumière originel,

- Il va pouvoir commencer à remplir sa mission de « garder, cultiver, nommer » dans le Jardin de l’Eden enfin retrouvé.

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Ce scénario peut sembler à première vue déroutant, et contraire au vécu présent du monde. Paul dans son enthousiasme prophétique en est bien conscient. Il affirme le principe du Salut promis et déjà accompli, il nuance seulement les modalités de sa venue concrète :

‘’’ Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées, voici toutes choses sont devenues nouvelles, et tout cela vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui en fonction du Christ’’. (1 Corinthiens 5. 17) ‘’ Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi’’ (Galates 2.20)

Pour lui, l’homme « en Christ » est une créature nouvelle, non pas une autre créature (en grec néos), mais la même transformée, métamorphosée, réhabilitée (en grec ‘’kainos’’) par le don du salut qui « vient de Dieu » : Ce salut est acquis en Christ, mais durant la présente vie terrestre il demeure une certitude de la foi, que Paul définit ainsi, évoquant sans la nommer la « tunique de peau » :

‘’ Nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous avons été sauvés’’. (Rom. 8. 23-24)

* * *

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Chapitre 17

La Résurrection : pour quoi ? La Résurrection est l’explicitation de la Re-Création de l’Homme qui apparaît nécessaire pour la poursuite du Plan de Dieu et sa réussite compromises par la Transgression. Nous l’avons vu, tout au long de l’histoire biblique parsemée de trahisons et ruptures d’Alliance par le fait des hommes, l’Eternel est dans la nécessité intrinsèque de demeurer fidèle à cette Alliance qui l’unit à Son Fils Unique-l’Homme dans lequel Sa Divinité est paternellement investie : Sans utiliser ce terme de Re-Création, divers grands Prophètes d’Israël en avaient suggéré les équivalents dans la pensée divine. Notamment devant l’infidélité permanente de Son Peuple Elu, l’Eternel proclame la nécessité où Il est de pardonner les transgressions. Les versets ci-dessous d’Ezéchiel évoquent le pardon de l’Eternel pour les trahisons de Son Peuple Elu, qui ont valu à ce dernier l’exil à Babylone. Et comme, conséquence de ce pardon gratuit, l’Eternel promet le rétablissement du Peuple sur sa terre où coulent le lait et le miel, rétablissement qui s’est effectivement réalisé sous Zorobabel et Esdras. Mais ces mêmes versets d’Ezéchiel peuvent être lus d’une tout autre manière, celle-là d’envergure planétaire… Pour le comprendre, il nous faut distinguer les différentes étapes de ce processus de restauration :

1/ ‘’J’ai voulu sauver l’honneur de mon saint nom, que profanait la maison d’Israël parmi les nations où elle est allée… Ce n’est pas à cause de vous que j’agis de la sorte, maison d’Israël, c’est à cause de mon saint nom que vous avez profané … 2/ ‘’Je sanctifierai mon grand nom, qui a été proclamé parmi les nations … Les nations sauront que je suis L’Eternel, quand je serai sanctifié par vous sous leurs yeux … 3/ ‘’Je vous rassemblerai de tous les pays, et je vous ramènerai dans votre pays … Je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. 4/ ‘’Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous. 5/ ‘’Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères. Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu … J’appellerai le blé et je le multiplierai. Je multiplierai le fruit des arbres et le produit des champs … 6/ ‘’Ce n’est pas à cause de vous que j’agis de la sorte, dit le Seigneur, l’Eternel, sachez-le (Ezéchiel 36 : 22 à 32)

Ces mêmes versets d’Ezéchiel peuvent, en effet, être compris aussi comme préfigurant tout le processus que Dieu compte suivre pour la restauration globale de l’ensemble de l’humanité dans le Plan de Création-Salut initié au début de la Genèse, Plan mis à mal par la transgression originelle d’Adam et Eve. Reprenons les 6 étapes ci-dessus dans cette nouvelle perspective :

1/ Devant la transgression originelle de l’Homme, Dieu avait le choix entre deux décisions.

Ou bien tout annuler et recommencer un « autre » Plan, ou bien maintenir son Plan premier et initier un processus de réparation-restauration-recréation. Selon la Genèse, Dieu a choisi cette deuxième voie. Il a donc maintenu à son Fils Unique-l’Homme, pécheur, la dignité qu’Il lui avait conférée (‘’ …créé à l’image et selon la ressemblance de Dieu, dépositaire de l’haleine de vie divine-gage d’immortalité) et de lui laisser la mission qu’Il lui avait confiée au départ (de garder et cultiver le Jardin de l’Eden et de nommer les animaux). Pour l’honneur de son Nom, Dieu ne se résigne donc pas à reconnaître

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l’échec de son Plan, il en admet seulement le retard et met en œuvre le processus de son « rattrapage ».

2/ L’Eternel est assuré de parvenir alors à l’accomplissement plénier de son Projet initial, qui

vise toute l’Humanité de tous les temps. Le déroulement de l’entreprise passera par les comportements et le libre arbitre des hommes, mais le succès final sera dû à l’Esprit Saint de Dieu investi dans chaque homme (Cf. Joël 3. 28). Car c’est aussi l’honneur de Dieu qui est en question.

3/ Cet Esprit-Grâce permettra la Purification de l’Adam-Humanité, qui sera ré-introduit

dans sa « patrie » originelle, le Jardin de l’Eden. 4/ Le cœur de pierre et le corps-tunique de peau de l’Homme seront éliminés, de même que

la malédiction du sol prononcée après la transgression. 5/ L’homme à nouveau libre de ses mouvements dans son corps de lumière accomplira sa

mission dans le Jardin de l’Eden, pour le garder des déviations toujours possibles, lui faire produire des fruits encore inédits, remettre chacun des animaux à la place qui devait être la sienne selon le Plan premier. Alors, peut-on penser, la peine de l’homme pour trouver sa subsistance, les douleurs de la femme pour enfanter auront disparu. Le loup habitera avec l’agneau et la panthère se couchera avec le chevreau… comme l’a annoncé Isaïe (11. 6)

6/ Ainsi sera restauré le Plan de Création initial. Sera-t-il « accompli » au sens d’achevé ? Nullement, semble-t-il. On pourrait même dire qu’il va seulement commencer, après son immense phase de « faux départ-restauration-recréation préalable ».

* * *

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Chapitre 18

Le Messie vient pour restaurer

Au long des siècles, bien des personnages de l’histoire ont été reconnus comme étant le Messie, au moins durant une brève période. C’est l’option chrétienne depuis 20 siècles que Jésus de Nazareth a accompli à travers tous les éléments de sa personne et de sa vie l’itinéraire parfait de la restauration de l’humanité prévu par la Pensée divine et transmise par toute la révélation biblique, depuis le début du chapitre 3 de la Genèse jusqu’à la fin de l’Apocalypse de Jean.

L’itinéraire de la Transgression

Avant de suivre l’itinéraire de la restauration , rappelons d’abord ce qu’est celui de la transgression :

1/ La transgression a été le fait de la créature humaine, 2/ Celle-ci a été faite à l’image et selon la ressemblance de Dieu, donc à la fois libre et immortel, 3/ Dieu a investi en elle le « souffle » de sa propre divinité, (Gen. 2.7) 4/ L’Homme est relié à Dieu par une «Alliance» authentique, celle qui unit un « Fils » à son Père, 5/ Mais Dieu UN et Créateur demeure « Transcendant » par rapport à ce « Fils » 6/ L’Homme est « chargé de mission » d’une importance considérable dans le Jardin de l’Eden

(Gen. 2.15), mais se voit fixer par Dieu certains limites d’action: En cas de manquement de la part de l’Homme, sa vocation à l’immortalité sera compromise (Gen. 2. 17) ,

7/ Dieu qui a doté l’Homme de pouvoirs considérables pour « accomplir » la Création, laisse L’esprit du Mal ‘’Serpent’’ « tester » la fidélité de l’Homme. (Gen. 3.1)

8/ L’Homme succombe à l’épreuve du « test ». L’Homme est chassé du Jardin de l’Eden. Lui et ses descendants connaissent la mort et, à cause de cette transgression, leur « mission » s’exerce désormais sur « le sol maudit » que n’irriguent plus le « fleuve aux quatre bras » qui émanait de l’Eden (Genèse 2.10). L’Homme va vivre cette mission « revêtu d’une tunique de peau » (Gen. 3.21) couvrant et protégeant le corps de lumière dans lequel il avait été modelé au Sixième Jour de la Création.

9/ Dieu promet néanmoins qu’au terme d’une ère de confrontation sévère entre la descendance de la femme et de celle du Serpent, une issue mystérieuse mais certaine interviendra, marquée par l’écrasement de la « tête-principe » du Mal par cette descendance de la femme. (Gen. 3.15)

L’itinéraire de la restauration-rédemption. Cet itinéraire possède une logique interne qu’il nous faut décrypter à partir des éléments

de la transgression. La cohérence du Premier Testament avec la Bonne Nouvelle de Jésus Christ permet de retrouver dans le processus de la Restauration, en sens inverse, les 9 éléments ci-dessus qui ont abouti à la Transgression.

1/ Jésus de Nazareth est une créature humaine, issu d’un acte de Dieu, parallèle dans son principe

à l’acte de création d’Adam : Souffle divin (Luc 1.35) sur la personne d’une humble fille d’Israël, peuple préparé par Dieu depuis Abraham pour amorcer le processus d’une Re-Création de l’Homme. Cet « Homme Nouveau » dont Jésus de Nazareth sera le prototype ( « Premier-né de toute créature », dit saint Paul en Coloss. 1.15). Il est bien issu de la « tunique de peau » de sa mère. C’est donc bien dans une « tunique de peau » humaine portant l’identité de Jésus de Nazareth, que Dieu a incarné Son Projet d’Homme Nouveau et totalement Accompli, Projet conçu dès avant la Création du monde,

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Si, sous prétexte d’exalter la réalité de la divinité en Jésus Christ, on minore son humanité (ce qui a été la dominante des enseignements chrétiens dès avant le Concile de Nicée en 325 et qui laissent de redoutables séquelles dans d’innombrables consciences aujourd’hui encore), tout le processus de la Restauration-Rédemption est hypothéqué… ! Tout simplement parce que le fait de l’Incarnation est dénaturé. A ce sujet, comme déjà rappelé plus haut, le Père Fr. Varillon disait, il y a 40 ans, que 95 % des catholiques contemporains croient que Jésus est Dieu sous une apparence humaine … !

2/, 3/, 4/ Jésus est donc bien un homme, de même nature que tous les hommes. Mais doté d’un

investissement de l’Esprit Saint très spécifique (Luc 1. 35 et Matthieu 3.16), qui permet à saint Paul de préciser sa christologie. Rappelons ce qu’il dit de Jésus aux Colossiens : « Il a plu à Dieu de faire habiter en lui, corporellement, toute la plénitude de la divinité ». (Coloss.1.9 et 2.9). Ces versets, rappelons-le aussi, montrent que pour Paul, la réalité de la divinité en Christ est de l’ordre de la shekhina.

5/ Jésus a toujours considéré Dieu comme Son Père (et notre Père) et s’est toujours déclaré

envoyé par Lui, inspiré par Lui pour faire sur la terre les œuvres du Père. C’est en affirmant sa totale liberté qu’il s’est montré sans cesse soumis à son Père des cieux.

6/ Lors de son baptême dans le Jourdain, Jésus est par la « voix du Père » intronisé comme Son

« envoyé en mission, doté des ‘’pleins pouvoirs’’ ». C’est le sens ici du mot grec « eudokesa » utilisé par Mathieu (3. 17). Ce sont les « mission et pouvoirs » de « garder et cultiver le Royaume de Dieu » à venir, appellation imagée du Jardin de l’Eden en vue duquel il est venu initier la ‘’Restauration-Rédemption’’ de l’Homme.

7/ Etant donné l’importance considérable de ces mission et pouvoirs, Dieu laisse « tester » par le

diable durant 40 jours la fidélité de l’homme Jésus de Nazareth. 8/ Jésus demeure fidèle, le diable se retire, provisoirement du moins. Et Jésus commence son

annonce publique du Royaume qui vient. Son thème majeur est la vie éternelle promise à ceux qui suivront ses pas en renonçant à eux-mêmes (Matthieu 16.24).

9/ Tout le ministère public de Jésus constitue non la prédication d’une nouvelle doctrine, ni d’une

nouvelle morale, mais la volonté permanente de défier et de vaincre le diable dans l’empire que depuis la Transgression originelle, il détient sur le monde. C’est dans ce « combat spirituel », annoncé par l’Eternel lors de l’expulsion d’Adam et d’Eve du Jardin de l’Eden (Gen. 3.15), que Jésus lance ses disciples à la reconquête de ce monde. Et c’est pour cette raison qu’il leur demande qu’avant de partir eux-mêmes en mission jusqu’aux extrémités de la Terre, ils attendent à Jérusalem leur Re-Création comme Hommes Nouveaux, par l’effet de la Pentecôte.

Avec le génie de concision qui le caractérise, saint Paul a résumé ces réflexions complexes en quelques versets lumineux de son Epître aux Philippiens (2. 6 à 11), qui contiennent toutes les étapes ci-dessus de la mission messianique du Christ et de l’itinéraire de la Restauration-Rédemption :

• Lui (Christ) en qui était manifestée la divinité, comme suite à sa conception par le

Souffle-Esprit de Dieu en plénitude (Ruah) (Luc 1. 35). • Il n’a pas considéré comme une proie à arracher de se faire l’égal de Dieu,

contrairement au Premier Adam séduit par le Serpent ( Gen. 3.5) • Mais il s’est dépouillé lui-même en prenant la condition d’esclave en

devenant semblable aux hommes … (Il n’a pas utilisé ses pouvoirs exceptionnels pour échapper au sort périlleux que les autorités du Temple lui réservaient)

• Il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la croix,

• C’est pourquoi aussi, Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au- dessus de tout nom, (en hébreu, le nom est indicatif de la vocation-mission. Ici, le sens est que, compte tenu de la fidélité et de l’obéissance de Jésus jusqu’à la mort, Dieu l’a établi

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« Dernier Adam », comme le dit Paul et Fils-Homme Nouveau, Prototype-Premier-Né de la Création pleinement restaurée),

• Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, c'est-à-dire : Messie. De par la volonté de l’Eternel, toute la Création - ciel, terre et toute leur armée - est rétablie dans la perspective qu’elle avait reçue au terme des Six Jours, c'est-à-dire avant la transgression,

• Le tout est à la gloire de Dieu le Père. Le plan divin de Création-Salut temporairement dévié par les séquelles de la transgression reprend son cours tel que le Créateur l’avait initié, lorsque au terme du Sixième Jour :

« Il vit tout ce qu’Il avait fait et voici, cela était très bon » (Genèse 1. 31)

* * *

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Chapitre 19

Identité et Vocation du Messie

Le monde a entamé, au long des 20 siècles écoulés de l’ère messianique, les « temps de la fin ». Mais, de la fin de quoi ? Il s’agit là de l’ère finale de la présente phase de restauration de la Création pour la ramener dans le Plan originel de Dieu. Toujours immergés dans le vécu quotidien, nous pouvons être tentés de douter de la réalité de cette présente ère messianique ouverte par la mort du Christ à la Croix.

Les prophètes qui jadis avaient annoncé la venue d’un Messie, l’avaient décrit de diverses manières : ils avaient décrit un homme de douleur méprisé, abandonné, persécuté, chargé du poids des péchés des hommes. Isaïe avait ajouté à son sujet ces précisions terribles :

« Frappé de Dieu et humilié… le châtiment qui nous donne la paix est retombé sur lui ».

Mais Isaïe avait conclu :

« Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, il verra une postérité et prolongera ses jours et l’œuvre de l’Eternel prospérera entre ses mains … par sa connaissance mon serviteur juste justifiera beaucoup d’hommes … » (Isaïe 53)

D’autres prophéties annonçaient un envoyé « oint » de Dieu vainqueur à la fois des misères humaines et de l’orgueil des puissants de la terre. Les citations à cet égard sont multiples :

« L’esprit du Seigneur est sur moi , car l’Eternel m’a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs la liberté… » (Isaïe 61). « De Sion sortira la loi et de Jérusalem la parole de l’Eternel. Il sera le juge des nations … De leurs glaives ils forgeront des socs de charrue et de leurs lances des faucilles. Une nation ne tirera plus l’épée contre une autre, et l’on n’apprendra plus l’art de la guerre » (Isaïe 2) « Un rameau sortira du tronc d’Isaï et un rejeton naîtra de ses racines, l’Esprit du Seigneur reposera sur lui, esprit de sagesse et d’intelligence, il jugera les pauvres avec équité … il frappera la terre de sa parole comme d’une verge … le loup habitera avec l’agneau et la panthère se couchera avec le chevreau …car la terre sera remplie de la connaissance de l’Eternel comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent … » (Isaïe 11).

Judaïsme et Christianisme se sont opposés dans l’interprétation de ces prophéties capitales, le Christianisme déclarant qu’elles visent le Messie-Jésus persécuté par son peuple, et le Judaïsme restant convaincu que dans ces textes se trouve la confirmation de l’Election d’Israël, véhicule des Projets de Dieu, destinataire de Sa pédagogie de Salut pour l’humanité, et perpétuellement persécuté par les nations. Il paraît évident que les deux Communautés ont à la fois raison et tort tant dans leurs thèses fondamentales que dans leur opposition. Il n’y a qu’Un Dieu et Un Plan d’accomplissement des Projets divins. Il importe que ces deux Communautés après tant de siècles de division lisent d’un même cœur ce que dit la Bible, ce manuel de pédagogie développant les phases successives au long de l’histoire humaine des étapes d’un même itinéraire de restauration de la Création blessée par la transgression et ses séquelles. Dans le Talmud, de nombreux Maîtres d’Israël ont exposé leurs vues sur la vie, la mort, la résurrection, l’après-vie, la vie éternelle, le Messie, etc. Certains de ces auteurs ont exprimé des intuitions se rapprochant étonnamment des conceptions chrétiennes. Mais la majorité a rejeté ces rapprochements comme dangereux pour l’identité d’Israël.

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De son côté le Christianisme, dont la christologie dominante est fille de la métaphysique grecque, et a été très tôt privé de sa composante juive (rappel : les évêques chrétiens de provenance juive étaient absents du Concile de Nicée !), a cédé largement aux attraits culturels, spirituels et ecclésiologiques d’une déification sommaire de Jésus. Au soir d’un colloque organisé sous les auspices de l’Alliance Israélite Universelle en 1994 sur le thème : « Y a-t-il un théologie juive du christianisme ?», (nous ferons à nouveau appel à cet événement dans la suite de ce livre) , le Président Ady Steg, a souligné l’utilité de tels colloques, disant qu’au long des siècles les Juifs s’étaient arrêtés devant les chrétiens et ne s’étaient pas réellement mis en présence du christianisme. Et nous pouvons aussi ajouter que, jusqu’à une date récente, la chrétienté a en permanence interposé la personne du Christ mourant sur la croix par le fait du « peuple déicide », entre le Premier Testament et la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, en prétendant le rejet par Dieu du peuple Elu, auquel était désormais substituée l’Eglise. Une telle prétention, aussi orgueilleuse qu’infondée, ne pouvait que fermer aussi définitivement que possible les chemins de la fraternité ! D’autant plus qu’elle s’est imposée au travers de brimades et persécutions bien peu en harmonie avec l’esprit évangélique … Il semble que si les deux Communautés, tournant dans un acte volontariste ces pages historiques si peu reluisantes, se reconnaissaient vraiment issues d’Un même Père et d’une même Révélation, elles pourraient effectuer ensemble une relecture du message biblique dans son intégralité, demandant à la prière en commun la force de réparer les crimes et de guérir les blessures de l’histoire. Ce serait non seulement faire œuvre de Justice, mais aussi hâter le retour de la Lumière divine au sein d’un monde présentement en voie d’immersion périlleuse dans un athéisme idolâtrique et violent.

* * *

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Chapitre 20

L' Ere Messianique Phase ultime de la Restauration-Rédemption

L'ère messianique n’est pas une « Parousie » où toute la Création serait miraculeusement et instantanément transformée, purifiée, sanctifiée, comme par un coup de baguette magique. Elle constitue la phase de reconquête du monde sur les forces du Mal. Jésus l’a présentée à ses disciples comme une période d’épreuves pour les nations et les hommes, car ces forces du mal livrent bataille pour conserver leur empire. Tout disciple est invité à participer à la bataille. Et Jésus a prévenu :

« Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. Cet Evangile du Royaume sera prêché dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin». (Matth.24.13. 13)

Et Jésus énumère les épreuves à venir :

… la grande abomination de la dévastation dans le temple dont a parlé le prophète Daniel (12.11), les guerres, détresses, apostasies, faux messies et faux prophètes. … Ensuite le soleil et la lune s’obscurciront, les puissances des cieux seront ébranlées. Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel et toutes les tribus de la terre se lamenteront et elles verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire » (Matthieu 24. 29 et 26. 64).

Toutes ces tribulations tant humaines que planétaires et cosmiques apparaissent comme les douleurs de l’enfantement de la Création Nouvelle Restaurée. Leur déroulement messianique prépare l’accomplissement des visions prophétiques incluses à la fin de l’Apocalypse de saint Jean lesquelles décrivent en ses différentes phases la Genèse de la Création Restaurée :

‘’ Je vis le ciel ouvert et voici un cheval blanc. Celui qui le monte s’appelle Fidèle et Véritable, il juge et combat avec justice … sur sa tête plusieurs diadèmes, Il porte un nom écrit que nul ne connaît, sinon lui, et il est vêtu d’un manteau trempé de sang. Son nom est la Parole de Dieu … De sa bouche sort une épée tranchante pour frapper les nations. Il les fera paître avec une verge de fer …’’ (Apocalypse 19. 11) ‘’ Voici, je viens bientôt et j’apporte avec moi ma rétribution pour rendre à chacun selon son œuvre. Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin . Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie et d’entrer dans les portes de la ville’’. (Apocalypse 22. 12 à 14)

Tout y est de ce qu’avait décrit Paul aux Philippiens : le nom au dessus de tout nom, le manteau trempé de sang, le Premier, conçu avant que le monde fût, le Dernier Adam des temps de la transgression et donc à la fois l’Alpha préalable à la Genèse et l’Oméga Premier-né de la Création restaurée, et de la multitude de frères, lesquels à sa suite, auront droit de réintégrer le Jardin de l’Eden au centre duquel est l’arbre de vie et dont les Chérubins ne défendent plus l’accès … Si l’on peut dire, la Création sera revenue à la case-départ, rattrapée par la miséricorde divine et l’abnégation du Messie, remise dans le droit chemin des voies de Dieu, extraite des impasses-labyrinthe où menaient la transgression originelle et ses prolongements. Dans le Jardin de l’Eden enfin retrouvé, ressuscité dans son corps de lumière glorieux enfin libéré de la tunique de peau, l’Adam Nouveau va désormais reprendre sa mission première : « Garder et cultiver le Jardin de l’Eden ». C’est une longue route, sans doute encore parsemée d’embûches. Mais avec l’expérience et de nouvelles promesses qu’esquisse encore l’Apocalypse :

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‘’ Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre, car le premier ciel et la première terre avaient disparu et la mer n’était plus. Je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, prête comme une épouse parée pour son époux. J’entendis du trône une voix forte qui disait : voici le tabernacle de Dieu avec les hommes. Il habitera avec eux, ils seront son peuple et Dieu lui-même sera avec eux’’ (Apocalypse 21. 1 à 3)

En tout état de cause, notre Torah actuelle, celle issue du Sinaï, notre Bonne Nouvelle actuelle incluse dans le Nouveau Testament, de même que toutes les tribulations qu’a vécues le monde et que l’Adam s’est infligé à lui-même, tout cela était temporaire. La Torah de l’Alliance éternelle et la Bonne Nouvelle du retour au Jardin de l’Eden vont descendre d’auprès de Dieu pour y accueillir l’Adam Nouveau dans un environnement et des conditions de vie inimaginables. Voilà qui est au dessus des voies de nos présentes intelligences humaines. Mais c’est notre espérance qui s’appelle la Foi. Là encore, l’apôtre Paul en a lumineusement tracé les perspectives :

‘’ Pour nous, notre cité est dans les cieux. De là nous attendons comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps avili en le rendant semblable à son corps glorieux par le pouvoir qu’il a de s’assujettir toutes choses’’. (Philippiens 3. 20-21)

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Troisième Partie

Jésus

Sauveur Rédempteur

Qu’est-ce que cela veut dire ?

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Chapitre 21

Jésus Sauveur-Rédempteur

Nous semblons traiter séparément la qualité de Messie et celle de Sauveur. Est-ce vraiment légitime ? L’histoire biblique est jalonnée des envois en mission d’hommes choisis et oints par Dieu pour remettre en mouvement, ou dans l’axe, son Plan temporairement mis en panne ou dévié par l’exercice des libertés humaines. Le Peuple de Dieu est ainsi périodiquement sauvé de lui-même et, à terme, des conséquences de ses actes. La fidélité à leurs missions de Noé, d’Abraham, de Joseph en Egypte, de Moïse devant Pharaon puis au désert devant l’Eternel, de David, de Cyrus, d’Esdras, etc. a bien eu, pour Israël et l’ensemble de l’humanité, un effet direct ou indirect de salut, ce terme étant pris dans des sens multiples. Un Homme nommé salut Nous avons retenu pour ce paragraphe le titre d’un livre passionnant ( Editeur François-Xavier de Guibert) d’une auteur juive, Madame Genot-Bismuth. Nous devons à la vérité que ce livre, consacré à une étude juive de l’Evangile de Jean, ne fut pas, et de loin, bien reçu par tous les milieux, malgré sa haute tenue scientifique. En voici la présentation qui y est apportée par l’éditeur :

Dans cette discipline scientifique qu'est l'exégèse critique, certaines erreurs majeures enseignées depuis des générations ont totalement faussé notre compréhension des origines chrétiennes. Depuis le début du XIXe siècle, il était communément enseigné que l'Évangile de Jean était une composition tardive sous influence hellénistique, gnostique ou iranienne... Jacqueline Genot-Bismuth établit, avec une science exceptionnelle de la plus ancienne littérature rabbinique et en exploitant les découvertes récentes, que l'Évangile de Jean est en réalité un script, la traduction en grec de notes prises en hébreu, par Yohanan qui était un Kohen. Elle rétablit le calendrier authentique de l'Évangile de Jean et éclaire le texte avec tout ce qu'elle connaît du milieu judéen dans ces années 27-30.

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Ces recherches sont aujourd'hui confirmées, à l'heure où sort cette deuxième édition par les dernières découvertes du père O'Callaghan et du Pr Thiede sur la datation des premiers manuscrits chrétiens notamment le fragment 7 Q5 de Qumran. Faisant ressortir quantité de détails que nous n'avions pas aperçus, elle démontre que l'Évangile de Jean est un recueil contemporain des actes du rabbi Yesu'a. Là où les exégètes allemands du XIXe siècle ne voyaient que roman et mythologie, elle retrouve l'histoire.

Nous nous sommes permis de prendre le titre de son livre « Un homme nommé Salut » ‘(Éditeur François-Xavier de Guibert) comme titre de ce paragraphe, et donnons ici quelques extraits de son avant-propos qui ouvrent la route à notre propos: Jésus- Yesu’a a reçu, d'une mère et d'un père légal', un nom porteur d'une charge de sens particulièrement puissante. Dans la tradition hébraïque, abondamment illustrée par les récits bibliques, le choix d'un nom par les parents marque ou signe la reconnaissance d'une destinée, ou mieux d'un dessein divin auxquels les parents rendent hommage (…).. Dans la vision d'un monde imprégné du modèle des récits scripturaires, persuadé de l'intervention divine permanente, de la finalité providentielle de tout événement, fût-il le plus banal, comme l'est une naissance, la conception d'un fils ou d'une fille, est toujours considérée comme un don de Dieu, (…) nommer l'enfant, c'est en somme adhérer à ce dessein reconnu, marquer que l'on a compris dès l'origine l'intention divine et ce qui est attendu de cette vie à son aurore ; mais ce peut être aussi susciter ce destin, attirer sur l'enfant le programme de vie dont le nom est porteur, puisqu'en tout cas il y a dans la manipulation de la nomination une valeur quasi magique, car mots et choses sont crus dans un rapport intrinsèque de nécessité ; les mots sont dangereux parce qu'ils produisent les choses. ils ne sont jamais anodins, a fortiori lorsqu'ils nomment les hommes. L'acte de nomination est donc d'une exceptionnelle solennité, il comporte toujours quelque chose, mal connu, mal défini, du pouvoir de créer que Dieu délègue en quelque sorte à la mère et au père.

Ainsi, Jésus, Yesu’a, porte en effet le nom qui correspond à son destin, à sa mission dans le monde et devant l’Eternel. Les mots “salut”, “rédemption” et, dans le vocabulaire hébreu particulièrement le mot “rachat”, “rachetés,” sont d’un usage courant dans la Bible hébraïque de même que dans le Nouveau Testament. Très fréquemment, Dieu Lui-même y est qualifié de Sauveur : Dans le Premier Testament : Psaume 18 . 47 “ Que le Dieu de mon salut soit exalté ...” Psaume 37 . 40 “ L’Eternel les délivre des méchants et les sauve” Psaume 74 . 2 “ Souviens-toi de ton peuple que tu as acquis autrefois, que tu as racheté

comme la tribu de ton héritage “ Psaume 95 . 2 “ Dieu, rocher de mon salut “ Psaume 107 .1-2 “ Louez l’Eternel car il est bon. Qu’ainsi disent les rachetés de l’Eternel Isaïe 17 . 10 “ Car tu as oublié le Dieu de ton Salut ...” Isaïe 44 . 6 “ Ainsi parle l’Eternel, roi d’Israël et son rédempteur...” Michée 7 . 7 “ Je mettrai mon espérance dans le Dieu de mon salut “

Dans le Nouveau Testament : Marie, dans le “Magnificat” s’exprime de même :

Luc 1 . 47 “ Mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur ...” Mais, la plupart du temps, Dieu sauve par le truchement d’hommes oints à cet effet, pour une action de guérison, de conversion-repentance, de libération, de délivrance, de victoire, etc. Et la notion de “Messie” rejoint donc celle de “Sauveur” Par exemple :

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2 Samuel 3 . 18 “ C’est par David, mon serviteur, que je délivrerai Israël de la main des Philistins et de tous ses ennemis ‘'

Isaïe 45 . 13 : “ C’est moi qui ai suscité Cyrus dans ma justice, et j’aplanirai toutes ses voies. Il rebâtira ma ville et libérera mes captifs “.

Il n’est donc nullement étonnant que le Nouveau Testament voie en Jésus un Messie-Sauveur. Mais, Sauveur de quoi, de quelle situation, de quel péril, de quel ennemi, etc. ? C’est bien là ce qu’il nous faut approfondir maintenant.

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Chapitre 22

Conception Traditionnelle du Salut :

Le Messie triomphant … La doctrine la plus usuellement répandue dans la chrétienté, au long des siècles, sur ce sujet, peut se résumer comme suit : En Jésus, Dieu a pris une chair d’homme pour venir expier le péché de l’Homme sous toutes ses formes et en premier lieu le péché originel. Ce péché, et la déchéance de l’Homme, étaient immenses et au delà du pouvoir de repentance-réparation de l’Homme. Il était donc nécessaire que Dieu, en la personne du Fils, vienne lui-même sur la terre l’expier pour l’effacer... Certes, les théologiens s’expriment habituellement de façon plus subtile. Mais, c’est bien le schéma global qui git au fond des consciences de la majorité des fidèles, déroutés par diverses ambiguïtés. Certains Pères de l’Eglise, même, ont confondu plusieurs aspects de la personnalité de Jésus Messie-Sauveur. La question suivante a été posée maintes fois aux théologiens : Si le péché originel n’avait pas été commis, engendrant les conséquences que l’on sait, Dieu aurait-il dû néanmoins envoyer un Messie ? Saint Thomas d’Aquin a répondu : ‘’ On ne peut pas le savoir...’’ ! Mais Dun Scot, son contemporain à une génération près, a répondu : ‘’ oui.’’, et c’est, bien sûr, Dun Scot qui avait raison ! Certes, la mort du Christ a présenté un caractère expiatoire du péché de l’humanité (sous les réserves et précisions que nous énoncerons plus loin) mais ce n’est pas la fonction fondamentale du Messie-Sauveur Jésus dans le Plan général de Salut de Dieu visant l’Homme. Ce n’est, si l’on peut dire, qu’une fonction accidentelle... Il convient donc, de distinguer en Jésus-Messie deux missions de Sauveur-Rédempteur et c’est bien à juste titre, comme nous l’avons vu plus haut, que l’Ecriture présente de ce Messie deux des-criptions étrangement contradictoires, en apparence du moins : � celle, d’abord, d’un roi de gloire victorieux recevant autorité sur les Nations, les brisant avec

une verge de fer” (Psaume 2 . 9) ... � et celle du serviteur souffrant, de l’homme de douleurs annoncé par Isaïe :“...ce sont nos souf-

frances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé ... c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris...” (Isaïe 53 : 4 et 5)

Il nous faut donc analyser ces deux fonctions de Sauveur-Rédempteur : Triomphant … et "Ressemblant". C’est celui que l’Ecriture, dans son langage parabolique, présente comme le roi de gloire triomphant.. Il faut bien que des mots humains soient utilisés pour décrire l’indicible de l’Accomplissement final du Plan de Dieu visant toute la Création : Ce sont les mots de roi, de gloire, de bris des nations, d’harmonie et de justice universelles, de royaume, selon l’expression fréquente de Jésus. C’est ainsi qu’est suggéré l’aboutissement eschatologique-Salut du monde qui verra les Elus-fidèles réunis à leur Source Première, parvenus en Dieu pour une vie éternelle et une plénitude inimaginable. L’apôtre Paul en recommande l’espérance, qu’il présente comme une certitude de foi, aux fidèles de l’Eglise de Colosse :

« Vous êtes morts et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Colossiens 3.3).

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Et il revient sur ce thème dans l’Epître aux Ephésiens : « Dieu Est riche en miséricorde … Il nous a donné la vie avec le Christ. C’est par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui il nous a ressuscités et fait asseoir dans les cieux en Jésus-Christ » (Ephésiens 2. 5 -6)

C’est ce ‘’mystère’’ qu’il nous faut explorer autant qu’il se peut: Ainsi Paul décrit-il la mission fondamentale de Jésus: Incarner la Bonne Nouvelle. C'est-à-dire la ‘’Bonne Nouvelle des temps de la fin’’ ... Mais de quel genre de ‘’Bonne Nouvelle’’ s’agit-il ? Car dans l’esprit de la majorité des chrétiens, le contenu de cette Bonne Nouvelle est bien vague, même si on précise qu’il s’agit de la Bonne Nouvelle du Salut ...Mais, pour beaucoup la notion de Salut est enveloppée de nuages. C’est la réouverture d’un Paradis futur conçu un peu comme un ‘’Paradis Terrestre N°2’’ , une sorte de ‘’Club-Med’’ spirituel dans une autre dimension, ( … où l’éternité risque de sembler bien longue, disent les moqueurs !) L’intuition que suggère le langage de Paul est tout autre. C’est l’annonce de la décision du Créateur d’accueillir au sein même de sa Majesté Divine l’Homme Nouveau dont le Christ a été le ‘’prototype’’ et le modèle. C’est chaque homme désormais qui est appelé en Jésus (et, dès cette vie terrestre, "en espérance") à franchir la distance infinie qui nous sépare de la Transcendance Divine, à rejoindre Dieu, si l’on peut dire, au sein même de Sa Transcendance, pour être uni à Lui en une union éternelle dont la consistance ne peut être sondée par notre intelligence humaine. Ce projet d’Union intime est celui conçu par Dieu dès avant la fondation du monde. De toute éternité, une initiative divine était décidée par Dieu pour cette divinisation ultime de l’Homme. et de toute éternité la décision était prise d’incarner ce Projet dans un Homme-Nouveau , celui que Paul appelle le Dernier Adam et que la foi chrétienne nomme le Fils ‘’engendré avant que le monde fût’’. L’apôtre Paul a esquissé ce projet de Dieu :

« Dieu nous a choisis en lui (Jésus) dès avant la fondation du monde » (Ephésiens 1. 4)

N’en déplaise à Thomas d’Aquin, en tout état de cause, et quel que fut le comportement des hommes dans leur liberté, la venue de ce Dernier Adam-Messie de Gloire-Parousie-Divinisation était décidée par l’Eternel de toute éternité.

Il faut bien comprendre ce dont il s’agit dans ce Projet de Dieu en rapport avec Sa Transcendance. Celle-ci n’est pas seulement l’abîme infini et donc indéfinissable qui sépare Dieu de l’Homme-pécheur (depuis Adam). Mais, c’est déjà la distance, elle aussi indéfinissable, qui, dans l’acte de création même, a été établi entre le Créateur et l’Homme-Créature (...et, bien sûr, a fortiori, tout le reste de la création).

Combler, effacer cet abîme, n’est évidemment pas dans la possibilité d’un homme, ni de l’ensemble de l’humanité ! Seule une initiative divine peut décider, dans une pure miséricorde et Amour paternel, et initier un tel franchissement pour l’Homme de ces distances et abîme infinis qui le séparent ‘’ontologiquement et métaphysiquement ’’ de la Majesté Divine et Transcendante.

En soufflant dans ses narines Son haleine de vie (neshamah) le Créateur avait conçu Adam ‘’à son image’’...pour l’appeler à accéder à la fin des temps “à sa ressemblance”. C’est ce dernier mot, un peu énigmatique, de ressemblance qui évoque l’Accomplissement final du Plan divin concernant l’Homme. Et, c’est cet "homme ressemblant", Homme Accompli (“dernier Adam”, comme le dit l’Apôtre Paul, (1 Corinthiens 15), que Dieu a créé, à cet effet, en soufflant-incarnant son Esprit Saint en plénitude (non plus seulement "neshamah", mais "ruah") dans le sein d’une fille de Nazareth personnifiant et assumant tout Israël-Adamah Nouvelle des temps de la fin. (Luc 1.30 à 35) Homme Accompli, parce que l’Esprit Saint l’a conçu directement à la ressemblance de Dieu, lui conférant, donc, la mission et le charisme d’être à la fois l’Archétype, le “Prototype” de l’Homme Nouveau, le ‘’premier de cordée’’ de la multitude des hommes ‘’accomplis’’, y compris ceux des « Nations » intégrés dans l’Alliance par adoption.

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Il fallait cet ‘’homme nouveau’’ pour incarner, selon le Projet du Créateur, ce passage métaphysique de l’image à la ressemblance, Un “homme nouveau,”, libre et fidèle, qui assume en sa personne cette re-Création de l’Humanité-Homme Nouveau. Celui-ci ne pouvait être, pour la cohérence du Plan de Dieu, que le fils, héritier, émanation du Peuple d’Israël qui avait accepté au Sinaï d’assumer son exemplarité vis à vis des Nations, afin qu’au temps voulu, celles-ci soient, elles aussi, conduites au Salut. Jésus, fils d’Israël, “dernier Adam”, est demeuré par son humilité dans l’axe de sa mission, au bénéfice de toute l’humanité. Il a ouvert à l’ensemble de celle-ci l’accès personnel à l’intimité de Dieu, au franchissement de l’abîme qui sépare l’homme de la Transcendance divine. Il mérite bien, à ce titre, d’être reconnu comme personnifiant le Salut Fondamental de l’Humanité. Mais, dans la pratique, si l’on peut dire, les choses ne se sont pas passées selon ce Plan d’origine. L’abîme métaphysique séparant le Créateur de sa créature humaine s’est doublé, aggravé, creusé, dramatisé, par la survenance d’un abîme supplémentaire. La “mission probatoire” d’Adam-Humanité a dégénéré loin de l’attente que le Créateur avait investie en elle. Cet Adam originel a rompu l'Alliance du Sixième Jour de la Création. Dès lors, l’arrivée du Messie-Sauveur Fondamental, Roi de Gloire, triomphant, et "Ressemblant", ne pouvait plus se faire dans l’éclat du pur “passage métaphysique” de l'image à la ressemblance, décidé par l’Eternel de toute éternité. Pour prendre une expression familière, le”tapis rouge” n’était plus envisageable, pour l’arrivée de cet hôte royal...étant donné les circonstances et l’ampleur de l’accident que constituait la rupture de l'Alliance originelle du fait d’Adam et Eve !

REMARQUE La venue d’un Messie est, d’ailleurs, apparue très tôt dans la tradition d’Israël. Un très ancien Midrash décrit les Sept éléments, que nous pourrions appeler ‘’jalons’’ du Plan, que Dieu avait dans sa Pensée avant de commencer à créer. Ce sont : Le Jardin de l’Eden, la Torah, le Trône de Gloire, le Saint des Saints, la Géhenne, la Repentance et le Nom du Messie. La liste de ces Sept jalons comporte bien d’abord le Jardin de l’Eden avec ‘’le Premier Adam’’ et se clôt avec le Nom (c’est à dire : la fonction, le rôle, la vocation, etc.) du Messie que l’apôtre Paul appelle le ‘’Dernier Adam’’, Homme ‘’accompli’’. Dans la pensée juive de Paul, le Messie est bien celui qui vient clore, ou mieux, mener à son « accomplissement » l’histoire de la Création telle que nous la connaissons. En harmonie avec cette même tradition juive, Jésus, peu de temps avant sa Passion, rappelle devant ses disciples, la Gloire qu’il avait auprès de Dieu ‘’avant que le monde fût’’. (Jean 17.5). En lui le Septième élément réalise ce qu’avait esquissé le Premier nommé « Jardin de l’Eden ». Et, l’Apôtre Paul précise, qu’en cette fin-accomplissement des temps de l’histoire humaine, l’Homme rejoindra bien sa Source originelle, à savoir la Personne même de Dieu, mais Paul précise aussi qu’il ne s’agira pas d’une « fusion –absorption », comme celle que semblent suggérer certaines spiritualités orientales, car le même Paul ajoute : « le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous » (1 Corinthiens 15. 28)

* * *

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Chapitre 23

Sauveur accidentel

Le Messie - Homme de douleurs Donc, en se mettant en travers du déroulement de ce Plan Divin, l’Homme, dans son péché d’orgueil, selon la séduction-mensonge du Serpent, a cherché à parvenir à ce genre de Divinisation promise, unilatéralement, immédiatement et non au terme d’une période probatoire. C’est à dire que l'homme a voulu rompre toute relation de dépendance à l’égard du Créateur. Cette révolte d’Adam n’a nullement remis en cause le principe ni la finalité du Plan Divin, de Divinisation de l’Homme, mais en a compliqué et dramatisé le processus. Avant que ce processus, ou plutôt cette perspective, ne reprenne son cours, un préalable était nécessaire: ce qu’avait brisé le Premier Adam dans la désobéissance et l’orgueil, devait être renoué dans l’obéissance et l’humilité par un Adam Nouveau, au bénéfice de l’Humanité entière, et ... pour l’Honneur-Gloire de Dieu ! Toute la Bible est l’histoire en langage mythique, au sens le plus élevé du terme, de cette SAGA du Salut. Premier Testament et Nouveau Testament sont inséparables pour en dérouler les étapes, en révéler la finalité et en esquisser les perspectives. Mais là, se trouve l’un des points qui séparent le plus la pensée chrétienne de la pensée juive, du moins telle qu’elle ressort de l’immense et complexe éventail des dires et écrits des Sages d’Israël au long des siècles. Cette pensée juive semble relativiser l’importance de ce que le Christianisme appelle “le péché originel” et ses conséquences Il n’y a là pour le Judaïsme, semble-t-il, qu’un incident de parcours n’ayant pas sensiblement détérioré la relation mutuelle entre le Créateur et sa création. Or, ce que nous lisons de l’Ecriture, Première Alliance et Nouveau Testament, incite, au contraire, à penser que ce qui est décrit en termes voilés, au Livre de la Genèse, correspond à un cataclysme à la fois métaphysique, cosmique, biologique et spirituel.

REMARQUE Ce thème d’un ‘’ fil brisé ‘’, qui doit être ‘’renoué’’, pour que le Plan de Salut de Dieu reprenne son cours est excellemment esquissé par Jésus dans sa parabole du Fils Prodigue, qu’il vaut mieux appeler parabole du Fils Retrouvé. Pour exprimer la joie du père au retour de son fils, Jésus met dans la bouche de ce père une parole étrange, a priori contradictoire, qu’il répète deux fois pour bien montrer que c’est là qu’est la finalité pédagogique de la parabole : ‘’ Mangeons et réjouissons-nous, parce que mon fils que voici était mort et qu’il est revenu à la vie, parce qu’il était perdu et qu’il est retrouvé ... ‘’ Il fallait bien se réjouir et s’égayer parce que ton frère que voilà était mort et qu’il est revenu à la vie, parce qu’il était perdu et qu’il est retrouvé . (Luc 15. 24 et 32) Le père dit à juste titre que son fils était perdu et qu’il est retrouvé. Mais pourquoi dit-il d’abord qu’il était mort. Cela semble une exagération superflue. Ce fils n’était ‘’mort’’, ni en fait, puisqu’il est revenu, ni dans l’esprit même du père, puisque celui-ci attendait et même guettait le retour de ce fils chaque jour ! L’explication est bien simple. Il ne s’agit pas dans les paroles du père traduites par Jésus, d’une mort biologique du fils, mais d’une mort-disqualification spirituelle. Ce fils était bien ‘’mort’’ à l’héritage final que le père lui réservait pour l’ « à venir ». Jésus donne là un enseignement sur la vie future que le Père du Ciel réserve à tous ses enfants-les hommes. Il s’agit de l’héritage du Salut en Dieu, dont Paul dit que nous sommes héritiers de Dieu et co-héritiers du Christ (Romains 8.17). Le Christ est bien lui-aussi « héritier de Dieu », dans la pensée de Paul.

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Mais le Père, s’il plaide devant son fils aîné pour justifier sa miséricorde envers le cadet, ne méconnaît pas ce qui l’unit à cet aîné : « Tu étais toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi », rappel-confirmation d’une alliance indélébile et unique …

Sans nous étendre sur ce point, qui fait problème entre Judaïsme et Christianisme, il nous faut résumer brièvement les pièces de ce dossier :

Le Drame de la Chute et ses Séquelles

Le texte de la Torah au Livre de la Genèse fournit de nombreux éléments suggérant l’ampleur de l’effondrement survenu comme conséquence de l’orgueil d’Adam et Eve :

a/ Ils sont chassés du Jardin GAN et se retrouvent dans les ”champs”, niveau de “vie” des animaux, sans être eux-mêmes réduits à la condition animale. Car le ‘’neshamah’’ leur est conservé. Ils demeurent “à l’image et selon la ressemblance de Dieu”.

b/ Le sol-Adamah est maudit à cause d’Adam, devenant par lui-même stérile et ingrat ne donnant plus ses fruits gratuitement, mais contre labeur et peine.

c/ A la différence du Jardin - GAN Eden - ce nouvel environnement n’est pas irrigué par les ‘’Quatre bras du Fleuve” (4 éléments fondamentaux, matière première de la Création issue des Six Jours ).

d/ Le corps de l’Homme est revêtu de “peau” par l’Eternel, signe, d’une part, de dégradation spirituelle et d’épaississement matériel et, d’autre part, de protection adaptée au nouvel environnement. (A comparer en hébreu : AOR peau et AOR lumière) .

e/ Les animaux créés herbivores, deviennent pour la plupart carnivores ... La vie du monde vivant, la chaîne de la vie, devient un système écologique féroce… , dans lequel, au grand scandale de beaucoup, c’est le fort qui se nourrit du petit ( la « chaîne alimentaire »). Devant cette situation, le Créateur ne peut plus dire, comme au terme du Sixième Jour : Voilà c’est très bon ». (Gen 1.31)

f/ La mort est introduite dans l’horizon de l’Homme à l’image de ce qu’elle est dans l’ensemble du règne animal. La violence va suivre bientôt ...

g/ Le Serpent, test de fidélité/infidélité de l’Homme, est maudit et condamné à faire partie de cet environnement hostile, jusqu’à ce qu’un jour, sa tête-principe soit écrasée par “la postérité de la femme”.

REMARQUES Etonnante convergence que celle que l’on peut relever entre ces Quatre bras du Fleuve qui irriguent le Jardin-Gan et les Quatre Champs de forces mystérieuses dont les combinaison-interactions, au dire de la Physique moderne, forment la matière première de l’ensemble du Cosmos. Et, la Physique ajoute que seule une extraordinaire précision, lors du milliardième de seconde du départ (Big Bang), dans le réglage des intensités respectives de ces Quatre Champs, a pu permettre à ceux-ci de ne pas s’auto-neutraliser mutuellement et donc s’est traduite par l’engendrement effectif du Cosmos. Lorsqu’Adam a été chassé du Jardin-GAN irrigué par ces Quatre bras du Fleuve, et s’est trouvé placé dans l’environnement des animaux, où le règlage des ‘’Forces’’ est tout autre, c’est à dire, dur, stérile, sujet à la mort, peut-on douter qu’il y ait là pour Adam, et peut-être pour une partie du Cosmos, un gigantesque effondrement de niveau... ? « Le sol sera maudit à cause de toi ... » ! (Genèse 3.17)

Il nous faut revenir sur ce qui a été dit plus haut : La première initiative de l’Eternel, expulsant Adam et Eve du Jardin-GAN et les plaçant dans l’environnement des animaux, a été de leur faire des habits de peau et de les en recouvrir. Voilà une précision mystérieuse. Mais il faut comprendre qu’au Jardin-GAN le corps d’Adam avait été fait d’un ‘’sol subtil’’, issu de la lumière originelle et transparent à la lumière directe du

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Créateur. Chassé du Jardin-GAN leur corps doit être masqué-protégé d’un revêtement de peau. Ce dernier mot en hébreu est AOR. Le mot ‘’lumière’’ est également AOR. Mais cet AOR-Lumière s’écrit avec un A-Aleph lettre représentative de Dieu, de l’Unité, alors que AOR- Peau s’écrit avec un A-Ayin lettre symbolisant la condition humaine dans sa multiplicité et sa complexité (70). Il est à noter que Dieu ne prive pas Adam et Eve de leur corps de lumière originel, il le recouvre seulement d’un corps de peau, issu cette fois du ‘’sol maudit’’. Ce n’est pas un châtiment éternel, c’est bien davantage une protection qui ménage l’avenir. Car l’Eternel annonce concernant cet avenir des retournements : selon Genèse 3.15, une inimitié sera mise par Dieu entre la postérité du Serpent maudit et la postérité de la femme. L’Eternel ne mentionne pas la postérité de l’homme, ni même du couple humain. Doit-on en conclure que dans la déchéance de l’humanité, une responsabilité majeure est attribuée à la femme face aux ruses permanentes du Serpent ( en hébreu, le même mot signifie talon et ruse) , mais qu’un rôle plus important sera également le sien dans le retournement ?

Le Nouveau Testament présente Jésus , de sa naissance à sa mort, confronté en permanence à ce Serpent, personnifié en Satan, qu’il dénonce comme étant “ dès le commencement, meurtrier et père du mensonge” (Jean 8 . 44) Là est, pour le Chrétien, à la fois la réalité spirituelle en filigrane constante dans le Texte et la clé de compréhension de la mission de Jésus-Messie Accidentel-Homme de Douleurs. L’accident majeur et catastrophique, ainsi survenu par la faute de l’Homme, n’a pas remis en question le Plan Divin, mais en a rendu le déroulement infiniment plus complexe. L’infidélité commise par ce Premier Adam-Homme, ( et dont la conséquence principale, la mort, a été étendue à toute l’humanité) devait être réparée par un Adam Nouveau-Homme, celui-là totalement fidèle, avant que l’accès au Salut en Dieu puisse être ré-ouvert. Jésus a assumé cette fonction réparatrice préalable (effaçant la mort au bénéfice de toute l’humanité). C'est la fonction de "rachat" (goël) bien connue dans la spiritualité juive.

La mission du Messie a donc été dédoublée par la force des choses. Le Messie de Gloire-Divinisation devait être précédé du Messie Rédempteur-Victime, qui offre librement sa Personne et sa Vie en rachat du péché de l’Homme. C’est ce que l’Apôtre Paul résume en deux versets d’une admirable concision, que nous avons déjà cité, mais qu’il faut rappeler :

“ Lui (Jésus) qui était de condition divine, n’a pas considéré comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même (...), il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la croix “. “ C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le Nom qui est au dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux et sur la terre et sous la terre et que toute langue confesse que Jésus-Messie est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.“. ( Philippiens 2 . 6 à 11)

Selon l’intuition de Paul, c’est parce que le Messie-Homme de douleurs (d’Isaïe), a librement accepté de passer d’abord par la mort (infâmante) de la croix, (et de s’abaisser au lieu de se faire l’égal de Dieu, (comme a cru pouvoir le devenir l’Adam séduit par le Serpent) , que le Créateur, l’a élevé souverainement et que, dans sa miséricorde, il l’a proclamé Messie-Triomphant, Roi reconnu comme Seigneur par toute la Création restaurée (re-Créée). Et Paul précise bien qu’il ne s’agit pas là d’un exploit à la gloire du Messie mais de l’Accomplissement du Plan Divin à la Gloire de Dieu le Père. Avec son génie de la concision, Paul synthétise le mystère du Salut universel en Jésus-deux fois Messie. C’est dans cet esprit que Paul réunit bien les deux versets ci-dessus, par les mots “c’est pourquoi aussi”, qui sont d’une importance capitale. Là est la clé de l’annonce de la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ.

Paul précise bien qu’entre cette proclamation du Messie Souverain et Divinisé (recevant le NOM qui est au dessus de tout nom), et le Salut de chaque homme jusqu’à la fin des temps, il faut le déroulement de l’histoire humaine, il faut la conversion personnelle de chaque homme, et, comme le dit Paul de façon imagée aux Philippiens (2 :10), il faut :

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‘’ que tout genou fléchisse dans les cieux et sur la terre et sous la terre et que toute langue confesse que Jésus-Messie est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.“.

Le Messie ayant passé, dans sa totale liberté de décision, par le sacrifice de lui-même et par la mort, est souverainement élevé pour appeler tous les hommes à la conversion. A la fin des temps interviendra son Avènement Glorieux, qui sera à la fois sa venue dans la Gloire et le signe d’Accomplissement de sa Mission (double). A ce terme seulement le Plan de Dieu sera porté à sa plénitude, car l'Homme sera alors à la fois :

• parvenu à la "Ressemblance" de Dieu, • réintégré dans le Jardin de l’Eden, d’où il fut chassé, et où il pourra, alors commencer à

remplir sa mission originelle de « garder et cultiver » ce « Jardin de l’Eden ». C’est bien ce qu’évoque l’Apocalypse de Jean annonçant la venue d’un « ciel nouveau et d’une terre nouvelle » ainsi que la descente d’auprès de Dieu de « la cité sainte, la Jérusalem nouvelle ». (Apocalypse 21. 1-2)

Par cette Gloire-Divinisation du Fils, c’est celle de tout homme qui est annoncée et signifiée, si sa conduite terrestre est conforme à l’attente de Dieu. et digne de sa délivrance messianique. Les citations en ce sens abondent :

Dieu nous a ressuscités ensemble et fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Christ-Jésus ( Ephésiens 2 . 6) Si nous sommes enfants de Dieu, nous sommes aussi héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être aussi glorifiés avec lui”. (Romains 8 . 17)

Mais, entre le temps de la Résurrection-Glorification personnelle de Jésus-Messie (il y a vingt siècles) et le temps de la Résurrection-Glorification globale de l’ensemble de l’humanité, qui sera le temps de l’ Accomplissement-Parousie du Plan Divin, il faut que s’écoule le reste de l’histoire humaine qui s’appelle l’Ere Messianique.

Et c’est là que se posent de nombreuses questions sur les conditions et modalités pratiques de cet itinéraire en direction du Salut.

* * *

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Chapitre 24

La Parousie, « accomplissement » ultime de l’ère messianique

Contrairement à l’idée communément reçue dans le Judaïsme et dans certaines parts de la Chrétienté, cette ère messianique n’est nullement un temps d’euphorie ou de paix, mais de tribulations et de combat. Jésus, après l’avoir assumé en sa personne, en a bien prévenu ses disciples :

‘’ Prenez garde que personne ne vous égare, car beaucoup viendront en prenant mon nom. Ils diront : C’est moi, le Messie, et ils égareront bien des gens ...Ne vous alarmez pas, il faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin. Car on se dressera nation contre nation, il y aura en divers endroits des famines, des tremblements de terre. Et tout cela sera le commencement des douleurs de l’enfantement ...Alors, on vous livrera à la détresse, on vous tuera, vous serez haïs de tous les païens à cause de mon nom... ‘’ (Matthieu 24.4 à 9)

‘’ Je vous ai dit tout cela afin que vous ne succombiez pas à l’épreuve. On vous exclura des synagogues. Bien plus, l’heure vient où celui qui vous fera périr croira présenter un sacrifice à Dieu’’ (Jean 16.1 et 2) ‘’ Vous serez haïs de tous à cause de mon nom, mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous sauverez vos vies’’ (Luc 21.17 à 19) ‘’ Ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’Homme. Où que soit le cadavre, là se rassembleront les vautours. Aussitôt après la détresse de ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne brillera plus, les étoiles tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées. ( Matthieu 24. 27 à 29)

C’est bien ce que l’apôtre Paul décrit de cette ère messianique :

‘’ La création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement …Nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance» (Romains 8. 22-24)

C’est seulement au terme de cette gestation douloureuse que sera accomplie le rétablissement total de la création dans son harmonie originelle et de l’homme dans son corps de lumière. Alors seulement se réalisera ce que les prophètes ont annoncé, à savoir que :

‘’ Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau… le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux » (Isaïe 11.6)

…et ce que Jésus lui-même confirme ainsi :

‘’ Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’Homme. Alors toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine et elles verront le Fils de l’Homme venir sur les nuées du ciel dans la plénitude de la puissance et de la gloire ...’’ (Matthieu 24.27 à 30)

Il s’agira là de la Parousie, retour cette fois en gloire du Messie, qu’il ne faut pas confondre avec l’ère messianique, épreuve préalable de purification et de tribulations annoncée par Jésus à ses disciples. Il a même précisé peu de temps avant sa Passion, où se trouve la source réelle de ces tribulations et combats :

‘’ Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous secouer dans un crible comme on fait pour le blé. Mais j’ai prié pour toi afin que ta foi ne disparaisse pas.’ (Luc 22. 31 et 32)

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C’est pour permettre à ses disciples de tenir ferme dans ces épreuves multiples que Jésus les a assurés du secours permanent que le Père va leur envoyer, le secours de l’Esprit Saint :

‘’ Je prierai le Père. Il vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours .. Je ne vous laisserai pas orphelins ... (Jean 14.16 à 18) ‘’...vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre.’’ (Actes 1. 8)

Si la mission essentielle qu’il leur confie était la prédication de nouvelles doctrine et morale, la mise en pratique de la Torah, renouvelée-accomplie par les enseignements de Jésus reprenant les enseignements des grands prophètes d’Israël, aurait pu leur suffire. Mais leur mission sera, comme l’a été largement la sienne, l’exercice permanent du combat spirituel contre les’’ pouvoirs de ténèbres’’ sur la terre et l’empire ‘’des esprits du Mal dans les lieux célestes’’, selon l’expression imagée de Paul (Ephésiens 6.12), Et, pour cela, le secours également permanent de l’Esprit Saint leur sera nécessaire, comme il l’a été pour Jésus lui-même. Car il ne s’agira pas là d’un simple comportement éthique de la part des hommes, mais d’une intervention spécifiquement divine seule capable d’éliminer tous les aspects de la Création déviée et du « sol maudit à cause d’Adam », caractéristiques et conséquences de la Transgression. Seule, en effet, une intervention spécifiquement divine est capable de conduire à une telle « restauration en plénitude-Parousie » de la Création et de l’Homme, C’est « compte tenu » du comportement de l’Adam dans la Transgression que Dieu a décidé des conséquences à en tirer et des voies ultérieures de salut à ménager. C’est de même et seulement « compte tenu » du comportement de l’Homme Nouveau, Jésus de Nazareth, Fils et incarnation de l’Election-Vocation du Peuple Elu et paradigme-prototype de l’Humanité renouvelée, qu’il revient à Dieu de décider d’effacer les hypothèques et séquelles de cette Transgression. Il faudra bien, par exemple, ré-intégrer l’homme dans le Jardin de l’Eden, ôter les Chérubins qui gardent l’accès à l’arbre vie, conditions de la victoire sur la mort, etc. tous domaines qui trouvent leur source dans la Transcendance divine, pas seulement dans les capacités éthiques de l’homme... Et devant ce comportement de l’Homme, Dieu est souverainement libre de ses décisions. Ceci nous conduit à d’incontournables réflexions sur les voies suivies dans le processus de ré-ouverture des voies du Salut en Christ. En effet le Christianisme traditionnel, tel qu’il est compris par la grande majorité des fidèles, présente Jésus-Messie-Sauveur comme victime expiatoire offerte à Dieu, pour obtenir le pardon divin à l’humanité. Et, il justifie ce sacrifice expiatoire de Jésus, Fils de Dieu et Dieu lui-même, comme répondant à la volonté du Père. Il y a là deux questions, qu’il est bon de clarifier pour bien saisir comment la mort de Jésus a pu être salvatrice pour le monde. Jésus Victime Expiatoire : Qu’est-ce que cela veut dire ? Jésus a-t-il été un kamikaze de Dieu, dont la mort sacrificielle était nécessaire, dont le sang devait être versé, pour obtenir le pardon de Dieu à l’humanité ? Il semble que l’appellation de Jésus , Agneau de Dieu, Agneau Pascal Nouveau, ait orienté la pensée chrétienne des premiers siècles, de source juive mais émigrée dans un univers de culture païenne, vers une vue inexacte des sacrifices d’animaux offerts dans le Temple de Jérusalem. Et cette vue inexacte assimilait ces sacrifices à ceux, apparemment similaires, offerts dans les temples païens de l’époque. Dans ces derniers, l’homme offrait à Jupiter, par exemple, un boeuf et, en échange, attendait du dieu une faveur, une protection, un bienfait quelconque. C’était le

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système du “donnant-donnant”, totalement étranger à toute relation filiale ou autre entre l’homme et le dieu. Les sacrifices du Temple de Jérusalem répondaient à une tout autre démarche. Ils étaient dans l’ensemble de deux sortes : - soit un hommage de louange de l’homme reconnaissant que lui-même et toutes choses appartiennent à Dieu, notamment la terre et tous ses produits, - soit une offrande de substitution, de rachat. Abraham sur la montagne a finalement sacrifié le bélier à la place de son fils Isaac. Mais, dans son coeur, il avait consenti à offrir ce fils chéri à Dieu, si Dieu le lui redemandait. Abraham a pu ainsi “racheter” son fils à Dieu, mais a toujours reconnu que ce fils appartenait en fait à Dieu, était un don gratuit de Dieu, l’instrument d’une relation personnelle intime entre Dieu et Abraham. Dans cette optique, tout juif se reconnaissait (et se reconnaît toujours) redevable à l’Eternel de tous les biens, bénédictions, enfants, spécialement de tout fils premier-né, etc. Et, par animal sacrifié interposé et “substitué”, c’est lui-même, ou ce qu’il avait de plus cher, qu’il offrait spirituellement à Dieu. Cela n’avait rien du “donnant-donnant” ! Car tout reposait sur l’Amour et la Miséricorde de l’Eternel, c'est-à-dire sur l’Alliance. C’est bien en ce sens que Jésus a été victime expiatoire-rédemptrice, mais en un genre très exceptionnel, qu’il faut expliciter.

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Chap. 25

Le Messie rédempteur : étendue de sa mission

Jésus est toujours demeuré un homme libre, vis à vis du Père, comme vis à vis des hommes. Aucunement kamikaze contraint , ni fanatique. Il l’a déclaré maintes fois. :

“ Il n’y a pour personne de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ‘’ (Jean 15. 13) “ Le Père m’aime, parce que je donne ma vie afin de la reprendre. Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre. Tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père’’. (Jean 10 . 17-18)

Mais l’ensemble du Nouveau Testament le confirme sans ambiguïté. Le texte grec est formel à cet égard. Il y a en grec trois mots pour exprimer la volonté, le commandement, l’ordre donné : boulè, entholè et thélèma. Les deux premiers traduisent une volonté contraignante pour ceux qui y sont soumis ; au contraire, thélèma ne traduit plus “je veux”, mais seulement “je voudrais bien, j’espère, je souhaite, j’attends que “. Lorsque Jésus parle de sa relation filiale avec son Père et de la mission que ce Père lui a confiée, c’est toujours et sans aucune exception ce mot thélèma qui est employé Les exemples abondent :

‘’ Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé ‘’ (Jean 5 . 30) ‘’ Voici la volonté de celui qui m’a envoyé’’ . (Jean 6 . 39)

Même, et surtout lors de la Passion, à Gethsémani :

“ Père, si tu le veux (boulei), éloigne de moi cette coupe. Toutefois, non pas ma volonté (thélèma) , mais que la tienne soit faite “. (Luc 22.42)

REMARQUE Le Nouveau Testament emploie rarement le mot “boulè” et seulement pour exprimer la volonté de Dieu que son Plan global de Salut de l’humanité poursuive son cours, ou, s’il s’agit d’un homme en particulier, cette volonté de Dieu se manifeste en faveur de cet homme, jamais au dépens de sa liberté. Le mot “entholè” est plus fréquent dans le Nouveau Testament, pour traduire la volonté de Dieu., ses commandements essentiels et éternels. Par exemple lorsque Jésus rappelle les Dix Paroles du Sinaï (Matthieu 22 .3 à 36), ou la promesse de Salut de Dieu (Jean 12.50). De même, Jésus emploie ce mot lorsqu’il donne ses instructions personnelles à ses disciples en vertu des “pleins pouvoirs” qu’il a reçus du Père, par exemple : ‘’Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés”.(Jean 13.34).

Quel Genre d’Expiation ? Fallait-il que le sang d’un “Dernier Adam” coule pour apaiser le courroux de Dieu consécutif à l’infidélité du “Premier Adam” ? Le Dieu de la Bible est-il, comme Baal, Moloch, ou Mithra un dieu assoiffé de sang ? C’est ce que, inconsciemment, un grand nombre de chrétiens ne sont pas loin de penser, sur la base d’un enseignement séculaire ambigu.

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Selon cet enseignement, Dieu aurait attendu un tel sacrifice, et Jésus Messie-Kamikaze se serait offert pour cette mission de mort certaine. Et, même, circonstance aggravante, Jésus-Fils aurait été envoyé délibérément à cette mort, sacrifié par la volonté de Dieu son Père, que l’on présente, néanmoins, comme un Dieu d’Amour ! La réalité est tout autre et, jamais le Nouveau Testament n’oriente sur une telle interprétation. Jésus a été effectivement “envoyé” et “oint” par Dieu pour apporter un message nouveau (kaïnos), déjà en majeure partie esquissé par les Prophètes, mais prophétiquement révolutionnaire et scandaleux pour l’époque. On peut le résumer brièvement comme suit : - Le Temple et le sacerdoce lévitique sont près de disparaître. (Jean 4. 21) - Le culte que Dieu attend désormais, est un culte “en esprit, en vérité”. L’axe essentiel en sera l’amour fraternel et la sainteté de vie. Isaïe avait déjà dit de la part de l’Eternel des choses sinon analogues, du moins très approchantes, pour dénoncer la multiplicité des offrandes et cérémonies du Temple, coexistant avec tant d’injustices, de violences et d’impuretés . (Isaïe 58) - L’Election et l’Alliance seront annoncées aux hommes de toutes nations qui l’accueilleront en venant à repentance, comme l’ont fait, en leurs temps, les habitants de Ninive et la reine de Saba. (Matthieu 12. 41-42) - Tout homme est appelé à une relation personnelle avec son Créateur. Comme Jésus l’avait an-noncé à la Samaritaine, (Jean 4. 14). Dieu va envoyer l’onction plénière de son Esprit Saint sur ‘’toute chair’’ (‘Joël 3. 1) qui recevra, alors, dès cette vie terrestre, les arrhes de la vie éternelle. - Jésus se présente comme cet “ homme accompli ”, pleinement Fils de Dieu, mais il ajoute aussi-tôt, à l’adresse de ses contradicteurs scandalisés, : “ N’est-il pas écrit dans votre Loi (Ps. 82 . 6) , vous êtes tous des dieux, des fils du Très Haut”. Tous ces points étaient effectivement de nature à faire scandale, à inquiéter les Autorités et à décevoir le peuple qui attendait un tout autre genre de Messie, c’est à dire un chef puissant qui chasse les Romains, restaure à son profit le trône de David, et établit la prospérité, la justice et l’harmonie terrestres. Durant toute sa vie publique Jésus a été confronté aux risques de son message et harcelé en permanence par Satan, en vue, soit d’édulcorer sa mission, soit de céder, pour la remplir, aux trois séductions qu’il avait repoussées au désert après son baptême dans le Jourdain, à savoir : user d’un pouvoir “magique” sur les choses, employer la contrainte sur les hommes et, la pire : “tenter” Dieu (Matthieu 4). Dans l’exercice de son ministère, il s’est gardé de tout cela, donnant authentiquement son message, tel qu’il le recevait de Dieu et quels que soient les risques de la fidélité. Il est donc mort parce que des hommes de pouvoir en ont décidé ainsi et non parce que Dieu l’a voulu. Au Golgotha même, par la bouche de railleurs, Satan lui a lancé le défi de descendre de la croix et de terrasser ses ennemis en les subjuguant par ce prodige. Jésus a tenu bon jusqu’au dernier soupir. Il n’avait pas été oint pour convaincre autrement que par le coeur, ni pour exercer sa Royauté par la contrainte sur les hommes et les institutions, mais seulement par l’amour de chaque homme. Dieu a pris acte de cette fidélité jusqu’à la mort incluse, d’un homme , de cet Homme Accompli, investi de son Esprit Saint. Il a jugé ce prototype d’Homme Nouveau fiable, face aux entreprises du Mal, et a, donc, décidé d’en étendre l’expérience et le bénéfice à l’ensemble de l’humanité, ainsi relevée, en Jésus, de l’échec du Premier Adam. En Jésus ressuscité et « glorieux », l’humanité a reçu les arrhes de sa ré-intégration dans le Jardin de l’Eden. Et donc, la « mort » est vaincue (en espérance, dit Saint Paul).

REMARQUE Comme il vient d’être dit, dans la tradition chrétienne, on a le plus souvent assimilé Jésus à un nouvel « agneau pascal » dont le sang était nécessaire au Salut de l’humanité, comme au temps de la Sortie d’Egypte sous Moïse pour la délivrance des Hébreux.

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Et à l’appui de cette tradition durant des siècles, on a célébré le Sacrement de l’Eucharistie comme un « renouvellement du sacrifice du Golghota ». Le « sacrifice du sang » était considéré comme nécessaire à l’expiation. Depuis le Concile Vatican II, on fait silence sur une telle interprétation. Et bien des théologiens ont fait remarquer à cet égard que celle-ci traduisait un amalgame regrettable entre « renouvellement » et « mémorial ». Ils soulignent que « faire mémoire » d’un événement n’est pas en célébrer une « reconstitution historique ». Jésus est mort une fois pour toute dans l’histoire humaine et cela suffit dans le Plan de Salut-Pardon de Dieu dans l’histoire humaine. Ce sujet a été traité dans le Cahier Yerushalaïm N° 1 (p. 113 à 126), citant notamment les enseignements du Père Xavier Léon-Dufour: les paroles de Jésus présentant son « corps » et son « sang » pour le salut du monde sont à recevoir en un sens symbolique, conforme d’ailleurs aux sens multiples qu’ont ces mots en hébreu et araméen : le mot « corps » (basar) signifie aussi la « personne humaine » intégrale, faite d’un corps, d’une âme et d’un esprit. Et le mot « sang » évoque également la « vie ». Ceci invite à « dé-chosifier » de leur sens littéral les paroles de Jésus à la Dernière Cène retenues par la tradition comme « consécratoires » des « espèces » pain et vin. Et dans ce « sacramentellement symbolique », gardons-nous d’évacuer le réel, car il présente une dimension cosmique : toute la création-matière est réellement Son Corps et toutes les vies humaines sont réellement Son Sang… récapitulant tout en lui-même : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et Christ est à Dieu », dit Paul aux Corinthiens ( 1 Cor. 3. 23)

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Chapitre 26

L’itinéraire-bis évite des erreurs de traduction Nous avons employé dans cette étude l’expression « Itinéraire-bis » pour désigner la démarche qui consiste à revisiter les grandes déclarations de la théologie et à mettre en regard les différentes références bibliques qui y font référence. Les développements qui précèdent ont probablement été sources de questionnements, certains passages bibliques semblant s’opposer à nos conclusions. Il n’est pas inutile de revenir ici sur un certain nombre de ces passages en les examinant attentivement. Ils semblent en effet conforter les thèses classiques concernant notre question « Qui est Jésus ? » mais comportent pourtant une bizarrerie grammaticale de traduction en français et, semble-t-il, en toutes langues vernaculaires, du grec du Nouveau Testament. Il est difficile de penser qu’elle est fortuite, tant elle est générale. Et elle sert, à la fois, à étayer la présentation de Jésus comme étant Dieu venu dans la chair, ce qui peut être mal compris, et la Théologie “Christo-centrique” qui a prévalu dans la chrétienté durant des siècles et demeure sous-jacente aujourd’hui dans tant d’enseignements , de pratiques, de spiritualités, etc. Nous avons relevé en effet qu’une simple préposition « dia » est traduite dans ces passages en admettant qu’il y a là une exception. On sait que cette préposition peut gouverner, soit l’accusatif avec un sens causal, soit le génitif avec un sens relationnel. Dans le texte grec du Nouveau Testament, sur dix emplois de “dia”, huit au moins sont suivis du génitif. Or, dans la grande majorité de ces cas de génitif, la traduction est faite en un sens causal ! Il semble (mais c’est une simple hypothèse de notre part !) que les traducteurs ont été amenés à forcer quelque peu le texte pour l’amener à exprimer ce qui était la conviction dominante.

Prenons ici un exemple , le verset 16 du 1er chapitre de la lettre de Paul aux Colossiens : nous lisons dans la version TOB :

“ ...en lui (Jésus) ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre ( ). Tout a été créé par lui et pour lui”.

Cette traduction nous présente donc ici Jésus comme Dieu, co-Créateur avec le Père (Démiurge). Or, si nous respectons la règle grammaticale de base telle que rappelée ci-dessus, nous arrivons à une formulation un peu différente: voici la traduction que nous proposons : “ ...en lui (Jésus) ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre. ( ). Tout a été créé en fonction de lui et en vue de lui". Jésus nous est alors présenté comme le centre d’attention de Dieu le créateur qui ordonne la créa-tion en vue du ministère qu’il aura à accomplir. On comprend tout de suite qu’il s’agit là de bien plus qu’une querelle de spécialistes grammairiens ! Et, comme nous venons de le dire, il y a d’autres textes du Nouveau Testament qui présentent les mêmes caractéristiques-anomalies de traduction, et tous ces textes se réfèrent au statut de Jésus dans le Plan de Salut. Nous les citons ci-dessous en indiquant d’abord la traduction usuelle et ensuite une traduction proposée qui nous paraît plus conforme à la grammaire :

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Hébreux 1 : 2 Traduction usuelle : “ Dieu l’a établi (Jésus) héritier de toutes choses. Par lui il a aussi créé l’univers “. Traduction proposée : “ Dieu l’a établi (Jésus) héritier de toutes choses. En fonction (ou en vue) de lui, il a aussi créé l’univers “. Colossiens 1 : 19-20-21 Traduction usuelle : “ Dieu a voulu par lui (Jésus) tout réconcilier avec Lui-même ( ) , en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix … Vous qui étiez autrefois étrangers et ennemis ( ) , il vous a maintenant réconciliés par sa mort “. Traduction proposée : “ Dieu a voulu compte tenu de lui (Jésus) tout réconcilier avec Lui-même ( ), en faisant la paix compte tenu de lui et du sang de sa croix “. “Vous qui étiez autrefois étrangers et ennemis ( ) , il vous a réconciliés en tenant compte de sa mort “. Ephésiens 2 . 18 Traduction usuelle : “ ... par lui (Jésus) les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père, dans un même Esprit” Traduction proposée :“ … compte tenu ( et/ou par l’intermédiaire ) de lui (Jésus), les uns et les autres nous avons accès auprès du Père dans un même Esprit”. Romains 5 . 9 Traduction usuelle : “ ...à plus forte raison, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui (Jésus) de la “.colère ‘’. Traduction proposée : “ ..à plus forte raison, maintenant que nous sommes justifiés compte tenu de son sang, serons-nous sauvés compte tenu de lui (Jésus) de la colère “. Galates 3 . 26 Traduction usuelle : “ Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ “. Traduction proposée : “Vous êtes tous fils de Dieu compte tenu de votre foi en Jésus-Christ“. Nous avons constaté que d’autres « erreurs de traduction » apparaissent couramment, par exem-ple celle-ci qui ne correspond pas à une traduction de la préposition « dia » : Romains 3 . 21 Traduction usuelle : « Mais, maintenant, sans la loi est manifestée la justice de Dieu, attestée dans la loi et les prophètes, justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ… » Traduction proposée « … la foi de Jésus Christ ». A noter que la traduction anglaise « Nestle » traduit bien « by the faifth of Jesus-Christ », c’est-à-dire « par la foi de Jésus-Christ ». C’est en effet en raison et grâce à la foi de Jésus, persévérant jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’accomplissement ultime, que nous pouvons-pourrons accéder à la grâce de Dieu notre Sauveur. Et c’est pourquoi nous posons la question : ces « erreurs de traduction » apparentes, sont-elles l’effet de l’inadvertance ? Ou traduisent-elles plutôt le souci de bien des traducteurs de s’aligner,

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peut-être inconsciemment, sur la ligne générale prônant le dogme de la divinité du Christ, et ce en prenant le risque de s’éloigner des enseignements même de l’apôtre Paul ? Certes, nos traductions “proposées,” à la place des traductions usuelles, ne donnent pas un fran-çais élégant ! Nous ne prétendons pas avoir la capacité voulue pour un travail aussi délicat. Mais elles expriment le processus, l’économie (pour utiliser un vocabulaire théologique) du Salut en Jésus-Christ. Et, elles au moins, sont conformes à la grammaire, donc à la pensée du rédacteur ! Les traductions usuelles donnent de la Rédemption par Jésus, une version “mécaniste”, une expli-cation par un “donnant-donnant” entre le sang et la mort de Jésus, d’une part, et le pardon du Père, d’autre part. Or, Dieu n’a pas été contraint de pardonner à l’humanité, parce que Jésus était mort sur la croix, Dieu n’a pas posé les termes d’un marché invraisemblable envoyant Jésus comme victime-kamikaze dans un donnant-donnant sur le mode « tu meurs pour qu’ils vivent » !! Dieu, dans ce pardon est resté aussi libre que Jésus l’a été devant les risques mortels de sa mission. Ce n’est pas parce que Jésus a laissé sa vie et versé son sang sur une croix, que tout homme est désormais sauvé. C’est parce que Dieu en a décidé ainsi, compte tenu de l’humilité et de la fidélité sans faille dont Jésus a fait preuve, au risque de la mort et jusqu’à cette mort incluse. Jésus s’est révélé ainsi l’homme parfait, car aimant jusqu’à la mort ! A parler strictement, le SAUVEUR de l’humanité est Dieu le Père, seul évidemment à pouvoir grâ-cier, effacer, sauver Ses créatures. Jésus « Dernier Adam » a été, par sa rectitude filiale, rachetant et effaçant la révolte filiale du « Premier Adam », le “motif” qui a entraîné la décision de pardon du Père. Parce que ce Père est un Dieu de toute Miséricorde. On peut donc établir clairement qu’en stricte doctrine, l’homme n’est pas sauvé par Jésus, mais en Jésus. Peut-être, nous dira-t-on, que cela revient largement au même, et il ne sert donc à rien d’épiloguer sur ce point ! Nous tenions à le souligner ici, car l’enjeu profond du débat ouvert ici, et notamment sur la traduction des ‘’dia’’, est la cohérence de la doctrine dite de la “Trinité Divine”. Il est en effet difficile de définir Jésus à la fois comme : Auteur du Salut : C’est ce que le texte grec du Nouveau Testament prend bien soin d’éviter de dire, comme nous venons de l’expliquer à propos des traductions de la préposition dia. Dieu lui-même : Jésus, nous l’avons souligné, a bien précisé qu’il était : inférieur au Père (Matt. 24.36) Soumis au Père, (Jean 6.38 - 8.28 et 29 - 14.10 - Matthieu 26.39)( 1 Corinthiens 15.28) et Jésus (ressuscité au matin de Pâque) a dit très clairement que le Père était « son Dieu ...et notre Dieu » (Jean 20.17) Co-Auteur de la Création : Jésus de Nazareth est l’incarnation au sein de la création du ‘’Fils en-gendré (et partageant la Gloire de Dieu) avant que le monde fût". Mais entre ce Fils et Jésus, il y a la distance de la Transcendance divine. Jésus de Nazareth, fils de Marie, est né créature et sujet de la Loi du Sinaï (Galates 4.4). Jésus de Nazareth n’a été ni le Démiurge ni l’Eon du Dieu UN et Transcendant. De plus, si Dieu lui-même est venu sur terre expier la faute de l’humanité, voilà un salut octroyé unilatéralement par Dieu. Or, jamais la Bible ne montre l’Eternel épargnant aux hommes les conséquences de leurs conduites mauvaises. Ces conséquences sont inéluctables et c’est là moins leur châtiment, que l’agent de leur repentance et de leur rachat. En Jésus, le processus est bien clair : � un Homme (Actes 2.22), « Fils de l’Homme » � revêtu de la plénitude de l’onction de l’Esprit de Dieu (Luc 1.35 et Actes 2.33) � ayant reçu une onction qui a fait ‘’habiter’’ en lui corporellement la plénitude de la divinité (Co-

lossiens 2.9) � ayant été investi de la mission messianique et royale de ré-ouvrir à l’Homme-Créature l’accès à

une vie éternelle (Jardin de l’Eden, voie du Salut). (Jean 6.40 et 14.6) � laquelle mission impliquait, au préalable, le rachat du péché de l’Homme par un homme, non

pas comme un nouveau bouc émissaire, mais en totale liberté (Jean 10. 17 et 18) et par amour de Dieu et des hommes. (Jean 15.13)

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Ce salut en Jésus peut être comparé à un insondable et inépuisable trésor de grâce et de miséri-corde que Dieu a ouvert au bénéfice de tous les hommes de toutes nations et de tous les temps, pour “racheter” leur vie présente et leur donner dès cette vie terrestre les arrhes de la vie éternelle dans l’Esprit (Rom. 8.23). Ce bénéfice appartient, selon Jésus lui-même, à tout être humain qui veut bien puiser à ce trésor, en y conformant la conduite de sa vie. Et, tout cela, même s’il ne connaît pas, ou ne reconnaît pas, Jésus-Messie. (Matthieu 25 . 31 à 46), C’est acquit, dit l’Apôtre Paul, mais ce n’est pas “automatique”, ni de l'ordre du “donnant-donnant”. C’est du domaine de l’amour de Dieu et des hommes et c’est matière à persévérance. Car, Paul ajoute, nous l’avons vu, « nous sommes sauvés, mais c’est “en espérance”... » (Romains 8 . 24) Ceci implique que ce Salut, offert à chaque homme comme une définitive re-Création per-sonnelle, suit le processus de toute re-Création, celui du Bereshit bara.... Le Principe en est annon-cé, c’est à dire promis par Dieu, compte tenu du Messie-Jésus. Ensuite, il faut que l’homme “garde et cultive” ponctuellement ce Jardin-Royaume de l’Eden qui lui est à nouveau confié... L’espérance dont parle Paul, c’est la certitude dans la foi que l’Accomplissement-Noces Eternelles de chacun avec Dieu sera bien au terme du parcours...

Remarque : Selon la tradition juive : « C’est le fait d’avoir été créé à l’image de Dieu qui donne sa valeur incomparable à l’homme, à tout homme. S’il n’y a eu à l’origine qu’un seul homme, c’est pour nous apprendre que celui qui détruit un seul être, la Tora le considère comme s’il avait détruit tout un monde, et que celui qui fait vivre un seul être, la Tora le considère comme s’il faisait vivre tout un monde. (Michna Sanhédrin IV, 5). La tradition juive rabbinique souligne donc la nécessité vitale pour le peuple juif de la mise en pratique des commandements de la Tora. Notamment à l’occasion des fêtes de Rosch Haschana et Kippour c’est le thème de la Teschouva qui est au centre de la démarche personnelle de chaque individu. La communauté qui prie constitue l’ensemble des individus dont chacun assume les fautes de tous (voir la prière de la Confession des pêchés dans la liturgie de Yom Kippour). Réciproquement, les sages de la période rabbinique disent que tant qu’on ne pourra pas trouver un seul homme sur terre qui, une journée durant, vivrait selon les commandements inscrits dans la Tora, l’humanité ne sera pas sauvée et chaque année Yom Kippour sera à recommencer. Car le monde futur , le « Olam ha ba » dépend justement de l’accomplissement de la Tora Selon la foi chrétienne, basée sur la parole de Jésus dans l’Evangile de Matthieu « Je ne suis pas venu abolir la Loi (la Tora) et les Prophètes, mais accomplir », le Messie, Fils de l’Homme, a véritablement et totalement accompli tous les commandements de la Tora. C’est l’application exacte de cette parole de la tradition juive : « Pour une personne qui s’est repentie, il est pardonné à la terre entière » (Talmud Yoma 86 a) Et c’est précisément ce qu’exprime aussi l’apôtre Paul lorsqu’il écrit : « … de même que par la désobéissance d’un seul homme, la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul, la multitude sera-t-elle rendue juste ». (Rom. 5. 19) C’est donc en conformité avec la meilleure tradition juive que Paul peut affirmer que pour un seul homme, Jésus, qui fait réellement repentance (teschouva et tikkun), Dieu pardonne à l’ensemble de l’humanité et la restaure.

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Les Cahiers de YERUSHALAIM N°2

Quatrième Partie

Essai de Synthèse

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Chapitre 27

Le ré-enseignement, un défi ! Au cours des années passées, dans de multiples numéros de la Revue Yerushalaïm, nous avons entraîné nos lecteurs dans d’abondantes méditations convergeant sur le thème « Qui est Jésus ? ». Nous avons alors recueilli quelques réflexions manifestant une certaine inquiétude. Celle-ci était bien compréhensible d'ailleurs, car nous étions amenés à revisiter certaines notions apprises, et tellement assimilées que, en général, nous n'avions jamais pensé à les remettre en question sauf à frôler, et nous ne le voulons absolument pas, les rivages dangereux de l'hérésie. L'un de nos lecteurs, ayant très honnêtement attendu l'édition du dernier volet annoncé de l'étude, intitulé « Jésus, sauveur-rédempteur », (Yerushalaïm N° 49) nous interpella franchement car, à ses yeux, nous en étions arrivés à de tels écarts par rapport à l'enseignement classique des Églises, qu'il nous fallait nous reprendre, et rectifier. La question ne nous avait pas échappé : nous nous sommes souvent et longuement demandés si, au travers de cette recherche approfondie et de l'analyse rigoureuse des textes, nous n'étions pas entraînés dans une déviation susceptible de déstabiliser la foi de plusieurs. Cette interrogation donne parfois le vertige : étions-nous autorisés, intellectuellement parlant, de faire courir des risques majeurs à ceux qui nous liraient ? Bien évidemment nous étions bien conscients que déjà nous prenions pour nous-mêmes un certain risque : il n'y en aurait aucun si nous restions bien sagement entre les limites du consensus. Mais la passion de la parole vraie, de l’authenticité absolue, nous invitait à nous risquer hors des chemins battus. Et jamais, dans cette aventure, nous n’avons éprouvé un affadissement de notre foi, confiante et joyeuse, en Celui qui a toujours voulu se faire comprendre de l’Humanité. Nous avons même éprouvé tout au long de ce chemin, tel que nous l’avons parcouru jusqu’à maintenant, une sérénité accrue : la Parole de Dieu est un socle solide. La Parole, oui, les Écritures saintes évidemment, mais pas forcément ce que les hommes avant nous en ont tiré, déduit, parfois avec le secours de la sagesse humaine, parfois en prenant l’appui des Institutions qui, on le sait bien, ont toujours la crainte de voir remettre en question ce qu’elles ont affirmé auparavant. Ce qui nous semble important, et qui nous conforte dans notre démarche, c’est que, loin de défigurer les Écritures, ou de les mettre en question, le parcours proposé (ce que nous avons désigné sous l’appellation « itinéraire-bis » !) s’inscrit dans une attention méticuleuse et vigilante au texte. Et, si ce parcours aboutit à des conclusions différentes de celles d’autres avant nous, ne pouvions-nous pas le proposer très simplement à l’Église comme une contribution, au milieu de tant d’autres, à la quête universelle qui rassemble les hommes de bonne volonté ? Sans vanité qui serait évidemment bien déplacée, sans désir d’introduire «une autre vérité» (le pourrions-nous

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d’ailleurs ?), nous apportons ces lignes comme étant une pièce de plus à un débat qui ne sera jamais clos, débat dont le titre pourrait être « Jésus–Dieu ? »

D’ailleurs, la « Foi » est-elle un fauteuil confortable pour s’y asseoir et s’y reposer, ou un pèlerinage qui oblige au mouvement, à l’avancée permanente jour après jour ? La « Foi » est-elle statique, la fidélité est-elle synonyme d’immobilité ? La réponse nous semble évidente : Dans la culture hébraïque « s’asseoir » est synonyme de « renoncer », d’ « abandonner », ce qui est prophétique et pédagogique : Celui qui en montagne ou dans le désert s’assied, celui-là se condamne à mort, il gèle ou se dessèche sur place … Un ré-enseignement du peuple chrétien … Car, au long des siècles passés, nos Institutions ont exprimé les vérités fondamentales de la Foi dans un langage et un contexte historique de leur époque qui, l'un et l'autre ne sont plus ceux d'aujourd'hui. Souvent depuis lors le sens des mots et concepts alors utilisés, a changé radicalement. La fidélité aux textes risque donc d'être une conformité littérale qui trahit l'esprit. Ceci est un premier volet de notre problématique. En voici un deuxième volet: lorsque, pour revenir plus profondément au message d'origine, nous traduisons ces vérités fondamentales dans des expressions nouvelles, nous sommes certes susceptibles de blesser les convictions traditionnelles et héréditaires de beaucoup de chrétiens. Mais si, par peur de ce risque, nous hésitons devant toute compréhension nouvelle de ces textes, un autre danger nous guette, qui stériliserait la vocation de notre Association C.OE.U.R. Cette vocation est, d'une part, de manifester la repentance chrétienne pour la persécution des juifs dans les générations passées et, d'autre part, selon le vœu exprimé par le Cardinal Lustiger lors de la constitution de C.OE.U.R. en 1991, de nous voir contribuer à « ré-enseigner le peuple chrétien concernant les racines juives de la foi chrétienne ». Une question majeure est alors incontournable et nous la prenons très au sérieux: «Que voulait dire le Cardinal en formulant ce vœu? ». Si dans nos efforts pour répondre à cette attente, nous déconcertons certains de nos lecteurs, nous leur recommandons de lire le livre du Cardinal intitulé « La Promesse ». Ils mesureront l'ampleur des reformulations apportées par l’auteur pour les introduire dans nos consciences chrétiennes d'aujourd'hui et donc d'abord dans la compréhension de nos textes fondamentaux; ce plaidoyer vigoureux n’était destiné qu’à nous ramener à une fidélité fondamentale à l'esprit que leur a insufflé le Christ au travers de ses paroles, de ses actes et de toute sa personne. Par une telle lecture de « La Promesse », nous comprendrons combien il nous est interdit de dormir sur des apparences de fidélités en confondant tradition et conformisme. Et cette évidence apparaîtra indépendamment des clivages ecclésiastiques. Toutes les Confessions se trouvent devant le même dilemme. Nous avons lu dans ce livre à la fois les appels fermes à une véritable repentance théologique et doctrinale, et les remontrances adressées par le Cardinal aux autorités civiles et religieuses de notre histoire chrétienne, pour avoir « défiguré » la personne du Christ. Que l’on nous permette de citer quelques passages de ce livre :

« Hérode dit aux scribes : « Donnez-moi toutes les indications pour que moi aussi j’aille l’adorer (Mt. 2. 8). Il prétend vouloir reconnaître le Messie. Mais en réalité, il fait massacrer les enfants de Bethléem. Il démasque qui il est : un menteur… Et de même on peut dire que l’attitude concrète des pagano-chrétiens à l’égard du peuple d’Israël est le symptôme de leur infidélité réelle au Christ ou de leur mensonge dans leur pseudo-fidélité au Christ. C’est l’aveu involontaire de leur paganisme et de leur péché. En l’occurrence, il s’agit bien d’un péché très particulier, d’un péché qui touche à Dieu… » « … Si l’on a osé parler de déicide à propos d’Israël et du Christ, il faudrait parler de déicide à propos des peuples dits chrétiens d’Occident et du sort qu’ils ont réservé au peuple

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juif. Car dans ce cas ce qui s’applique à l’un s’applique à l’autre : refus du Christ tel qu’il se donne, refus de l’élection telle que Dieu la donne. C’est le test du mensonge dans la fidélité à l’égard de Dieu. C’est donc le péché… » « … prendre part à la Passion du Christ qui porte la souffrance de son peuple et travaille à la rédemption du monde… Cette prière est une prière pour les païens, pour que le pardon du Christ leur soit donné, pour les païens qui peuvent porter le nom de chrétiens, mais qui, s’étant emparé du christianisme pour en faire leur religion, l’ont défiguré. Un père jésuite, missionnaire en Amérique Latine exprimait ainsi cette défiguration : « Ils ont pris notre Christ, ils en ont fait leur dieu ». La puissance assimilatrice des civilisations et des peuples réduit la foi prêchée au contenu des religions archaïques… » « … L’Eglise, là où elle s’est pratiquement identifiée à un pagano-christianisme, voit celui-ci s’effondrer sous ses propres critiques et perd de vue sa propre identité chrétienne. La raison qui l’explique en partie est qu’elle s’est coupée de sa racine juive en faisant du Christ la forme de son propre paganisme, un dieu des païens… » « … Le péché des pagano-chrétiens, que ce soient les hommes d’Eglise ou les princes ou les peuples, fut de s’emparer du Christ en le défigurant, puis de faire leur dieu de cette défiguration… Leur méconnaissance d’Israël est le test de leur méconnaissance du Christ qu’ils prétendent servir… »

Jamais, de notre propre initiative, nous n'aurions osé adresser à l'Église de l’histoire des reproches aussi sévères et directs. Dès lors, est-il concevable que nos autorités couvrent d'éloges le Cardinal lors de ses obsèques et négligent de donner suite à ses paroles ? Peut-on à la fois louer l'homme et ensevelir dans le silence et l'oubli ses remontrances prophétiques ? Ou alors, si ces dernières sont estimées inadéquates, elles devraient être sanctionnées. Il a suffi de bien moins que cela pour que d'éminents serviteurs de l'Église, dont certains sont toujours vivants, soient interdits d'enseignement, voire mis à l'Index.

REMARQUE La question qui nous habite ne concerne pas seulement le domaine du langage officiel : qu’en est-il du sentiment profond de la masse des fidèles ? La tradition chrétienne a-t-elle vraiment nettoyé ce qui est structurellement anti-juif dans les théologies, les enseignements donnés au peuple des croyants et ce qui gît au fond des consciences. Qu’en est-il de la formation des futurs prêtres dans les séminaires ? Qu’en est-il de la vie courante de la communauté chrétienne ? Quelques exemples récents incitent à poser ces questions : Dans les ‘’années 80’’ un jeune vicaire, ayant fait son séminaire 15 ans après Vatican II, a dit au cours d’un prêche : « C’est Jésus qui nous a appris à considérer Dieu comme notre Père … », négligeant ainsi tout l’enseignement de la Première Alliance sur le sujet, et toutes les paroles actuelles de la liturgie juive qui nomme Dieu « Abouna », ce qui est proche de « Papa » ! Autre exemple : au sein d’un groupe de réflexion biblique, le curé d’une grande paroisse de Paris a dit, montrant sa Bible : « Là-dedans, tout ce qui précède Jésus Christ, cela ne nous concerne pas … ». Plus récemment encore, le curé d’une autre paroisse de Paris commentant dans son homélie l’Evangile de la pêche miraculeuse a osé déclarer : « … la barque stérile et le filet vide de la veille, c’est Israël. La barque qui ploie et le filet qui craque, c’est la barque de Pierre, notre Eglise… »

On ne peut qu’être abasourdi devant de tels propos : quels enseignements ont pu être donnés dans les séminaires pour en arriver là, dans le diocèse même de Paris dont le responsable en était ce même cardinal Lustiger que nous venons de citer? Et voici maintenant un troisième volet de notre problématique, implicite et incontournable, lui-aussi, lié aux deux premiers. C’est que nos vérités à croire se trouvent formulées depuis 17 siècles dans des termes qui sont souvent, sur des points essentiels, éloignés des racines et de la signification juives de notre Nouveau Testament.

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Ceci constitue un obstacle de plus sur les pas de nos frères juifs, qui les empêche de considérer leur frère Jésus de Nazareth comme un homme authentique envoyé de Dieu, appelé à ouvrir une ère messianique conçue non comme une immédiate Parousie de paix et d'harmonie universelles, mais au contraire comme la phase de gestation douloureuse des temps de la fin, c'est-à-dire de la fin de ce monde maudit à cause de la transgression du Premier Adam (Genèse 3.17 et 1Corinthiens.15. 45).

Cette Parousie, elle, ne viendra qu'ensuite, annoncée par la Première Alliance:

« Le loup habitera avec l'agneau, le léopard se couchera près du chevreau, etc. (Isaïe 11. 6)

et par le Nouveau Testament:

«Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n'est plus. Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle,je la vis qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, etc. (Apocalypse 11.1-2).

Tout cela appelle la créature humaine à ce que l'apôtre Paul nomme la « mort du Vieil Homme» et la naissance de «l'Homme Nouveau» accompli à la suite du Christ et par la grâce de Dieu. Nous pensons donc, et c'est cette conviction qui nous a stimulés au cours des 50 numéros de la Revue Yerushalaïm, qu'il est urgent pour la chrétienté d'aborder une relecture du Nouveau Testament. Cette relecture, que nous poursuivons nous-mêmes dans le cadre du « ré-enseignement », nous amène à prendre conscience du fait que les constructions théologiques qui en ont été tirées jadis lors des premiers siècles, étaient basées, non sur les conceptions hébraïques des auteurs de ce Nouveau Testament, mais sur des bases philosophiques grecques et dans l'ambiance périlleuse de l'intense compétition entre la Synagogue et l'Église dans l'effort de conquête de prosélytes issus des nations païennes. Ce sont bien ces constructions erronées qui conduisirent à une persécution opiniâtre des juifs par l'Église, appuyée sur le pouvoir civil. Nous nous sentons donc en devoir d'effectuer cette relecture dans le cadre de ce ré-enseignement, qui fait partie intrinsèque de la vocation de C.OE.U.R. Et il est, par conséquent inévitable que nous soulevions certaines questions au sujet de l'évolution de la doctrine chrétienne. C'est un préalable évident à toute ouverture d'un dialogue sérieux avec les juifs, nos frères aînés dans la foi. Nous devons à nouveau rappeler le témoignage émouvant mentionné plus haut, qui en a été donné il y a quelques années (1993) par Ady Steg, Président de l'Alliance Israélite Universelle, au soir d'un colloque organisé entre Juifs et Chrétiens sur le thème: « Y a-t-il une pensée juive du christianisme? ». Ady Steg a déclaré, faisant allusion à ce thème et aux débats de la journée :

« Cette forme interrogative pouvait laisser supposer que nos maîtres pendant des millénaires de cohabitation parfois sereine, parfois conflictuelle ou même tragique avec les chrétiens, n'avaient pas analysé ni conceptualisé le christianisme. Nous avons vu, d'après les communications que nous avons entendues au cours de cette journée, que ce n'était pas tout à fait le cas. Néanmoins, on ne peut pas ne pas être frappé par la rareté des commentaires explicites sur le christianisme dans les textes traditionnels et par leur caractère plutôt sibyllin, allusif, souvent ésotérique. Et l'on peut se demander pourquoi. L'une des réponses est peut-être que, durant leur histoire, les juifs ont été confrontés davantage aux chrétiens qu'au christianisme. Le vécu existentiel avec les chrétiens était peu propice à la réflexion doctrinale. Pendant des siècles en effet, les juifs ont vu, entendu, subi les chrétiens, mais ils n'ont pas nécessairement pensé le christianisme... »

Et, après divers commentaires, Ady Steg conclut:

« Il nous faut développer avec nos frères chrétiens un dialogue qui nous permette de retrouver ce qui nous est commun et essentiel, chacun apportant sa contribution avec droiture, sans ambiguïté, sans volonté de conversion ... »

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C'est en vue de ce dialogue, qui ne pourra être conduit que dans la vérité des textes de part et d'autre, que nous avons proposé les différentes études publiées jusqu'ici dans YERUSHALAIM. C’est dans ce même espoir que nous avons publié le présent « Cahier ».

* * *

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Chapitre 28

Un nouveau regard sur « Jésus - Dieu »

nouveau regard sur r Jé6U6· Dieu? Comment comprendre la nature même de cette question et comment y répondre? Voilà un débat qui a franchi les siècles et apporté tant de divisions parmi les Chrétiens, entre Chrétiens et Juifs, entre Chrétiens et Musulmans, pour ne retenir que les spiritualités monothéistes ! Que dit le Nouveau Testament à cet égard ? Et que dit la Bible hébraïque concernant la relation fondamentale entre Dieu et l'Homme ? Le malheur est que ces textes sont inévitablement complexes et que les interprétations qui en ont été données au long des générations ont été le fait de cultures différentes, juive d'abord, puis grecque, pour lesquels les mêmes mots utilisés avaient des sens différents ou, plus subtilement, ont changé de sens (parfois radicalement) avec le temps. Ces textes sont donc la source de malentendus inextricables. Si on ne se résigne pas à ce gâchis, on est condamné à remonter aux textes originels, à les réinsérer dans leur culture de l'époque, pour tenter de démêler l'écheveau. Bible Hébraïque La Tradition Juive est d'une rigueur inflexible pour souligner la Transcendance de Dieu par rapport à la Création qu'Il a émanée de Lui-même par sa Parole durant les Six Jours de la Genèse, et en particulier par rapport à l'Homme-Adam. Le livre de la Genèse précise tout de suite que cet Homme, seul de toutes les créatures, a été créé « à l'image et selon la ressemblance de Dieu» (Gen 1. 26). Ceci réduit déjà la «distance» entre le Créateur et l'Homme. Mais la Genèse ajoute que l'Eternel « insuffla dans les narines d'Adam l'haleine de vie et l'homme devint un être vivant» (Gen. 2.7) Que veut dire cela? En hébreu le mot « haleine» signifie également « esprit ». C'est le mot utilisé pour évoquer l'Esprit Saint, c'est-à-dire « Dieu-Esprit qui agit ». Il en résulterait donc en langage actuel que Dieu a investi son Esprit Saint en l'Homme et a donc fait de celui-ci un être vivant d'une vie éternelle. Le Judaïsme affirme donc qu'il y a dans tout homme une dimension divine authentique, une étincelle. En tout homme, il y a une « présence-manifestation» divine qui imprègne de façon indélébile à la fois son corps, son âme et son esprit. Comment alors comprendre la Transcendance de Dieu par rapport à l'Homme? Ne serait-ce pas comme le proposent certains d’une question de « degré» plus que de « nature ». Et n'est-ce pas, concernant la personne du Christ vis-à-vis des hommes, ce qu'ont voulu dire la grande majorité des Pères de l'Église: «Dieu s'est fait homme, pour que l'homme soit fait Dieu» ! Voilà qui rend encore plus mystérieuse la Transcendance de Dieu. D'ailleurs notre foi chrétienne en la résurrection nous promet que nous vivrons alors de la « vie même de Dieu » et ceci éternellement ! Nouveau Testament Bien des ambiguïtés viennent de ce que la tradition chrétienne a interprété selon les modes de pensée de la culture grecque le Nouveau Testament exprimé, pensé et vécu par des hébreux, c'est-à-dire dans les modes de pensée de la culture hébraïque. La culture grecque est animée par une logique démonstrative qui cherche à préciser « l'être » de toute chose, y compris de Dieu et de la Divinité. La culture hébraïque est au contraire intuitive-symbolique et considère comme blasphématoire de s'interroger sur l'Être de Dieu! Qui est Dieu? voilà pour un juif, une folie, une stupidité, et même

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un blasphème. Dieu n'a jamais révélé « Qui» il est. Jésus n'en a donné aucune définition, aucune théologie, mais seulement a confirmé que nous avons à Le considérer comme Notre Père. Il n'en a pas dit plus que ce qu'avait obtenu, devant le «buisson ardent », Moïse qui demandait à Dieu: « Quel est ton Nom? », pour le communiquer au peuple. La réponse a été :

« Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : Le Seigneur, Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob m'a envoyé vers vous. C'est là mon nom à jamais, c'est ainsi qu'on m'invoquera d'âge en âge ». (Exode 3.15)

Le Dieu de la Bible est connu et se fait connaître par ses Paroles, Actes, Manifestations et non en révélant quel est son « Être ». A la limite (intuitive), la question: «Jésus est-il Dieu ou non ? » est dénuée de sens, car quelle que soit la réponse, on ne sera pas plus avancé puisque, justement, on ne peut pas de toute façon savoir «Qui» est Dieu ? Et le Nouveau Testament ne va pas plus loin dans la réponse à la question « Qui est Jésus? » Divers textes nous renseignent, dans des termes typiquement hébreux, par exemple dans le récit de l'Annonciation de l'ange Gabriel à Marie:

« L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre, c'est pourquoi celui qui naîtra sera saint et sera appelé Fils de Dieu ». (Luc 1. 35)

Voilà un parallèle avec ce qui a été exprimé pour l'Homme-Adam par le livre de la Genèse, dans la citation de Genèse 2.7 rappelée plus haut. Sous une forme imagée, en utilisant d'autres expressions, l'intervention de l'Esprit Saint pour la conception de Jésus est du même ordre que pour celle d’Adam, c'est-à-dire non plus dans les narines d'Adam, mais dans le « sein» de Marie fille « d’Israël-nouvelle Adamah ». Mais l'effet est parallèle, évoquant la « configuration» de l'Adam Nouveau qu'est Jésus le Christ. Un croyant de culture grecque, et c'est le fait de la grande majorité des chrétiens même s'ils l'ignorent, se demande: « Comment Jésus homme est-il également Dieu dans son « Être» ? » Un croyant de culture juive et c'est, ou ce devrait être la position de tous ceux qui font attention à ce que dit le Nouveau Testament qui a été écrit par des Juifs, se demande: « Comment l'Esprit Saint, c'est-à-dire la Puissance de Dieu, peuvent-ils se manifester dans un homme ?». Est-ce que cela change le fond des choses? Il est préférable de répondre: non! En tout état de cause, la « christologie» de Saint Paul est nette. L'apôtre a gardé le mode d'expression juif . Il n'entre dans aucune théologie ou métaphysique sur «l'Être» de Jésus, il écrit seulement:

«En lui (Jésus) habite corporellement toute la plénitude de la divinité» ( Colossiens 2. 9) S'exprimant en grec, puisqu'il écrit à des Colossiens de culture grecque, il pense néanmoins en hébreu, il emploie en effet un verbe imagé « habite », un peu insolite vue la nature du mystère de l'Incarnation. Mais en hébreu le verbe habiter est « shakhan », de la même racine que « shekhina ». Et ce concept de « shekhina » fait partie de la tradition juive pour exprimer la manière qu'a Dieu d'être Présent dans sa Création, d'agir, de parler, de se manifester concrètement parmi les hommes, et dans les hommes, sans sortir de sa Transcendance. Voici quelques exemples admis généralement de « shekhina » :

� l'intervention d'un ange qui parle ou agit de la part de Dieu, � la nuée qui guidait le peuple hébreu au désert du Sinaï, � la nuée qui descendait sur la Tente du Tabernacle, � l'inspiration d'un Prophète envoyé par Dieu comme porteur de sa Parole, etc. � la forme de « colombe » pour rendre visible aux hommes l’Esprit Saint, � les langues de feu de la Pentecôte,

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� les « charismes » de l’Esprit manifestés dans des êtres humains, etc. Dans le Prologue de son Evangile, l'apôtre Jean emploie aussi, en grec, le verbe « habiter» :

« Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous» (Jean 1. 14) Théologie Chrétienne Traditionnelle : Les Paroles du Christ Les interprétations théologiques au long des siècles de Chrétienté ont été variables. La vision qui a été développée de l'Incarnation a fait l'objet, dès les premiers siècles, de divergences et de schismes. Et les enseignements plus récents n'ont guère éclairci les ambiguïtés. Les textes du Nouveau Testament ont été dans de nombreux domaines interprétés de façon littérale, ce qui, exprimé en langues occidentales, faussait ce qui avait été écrit en langues sémitiques. Nous l’avons déjà dit : Il faut savoir que les langues sémitiques ont un vocabulaire pratiquement dépourvu de termes abstraits. Pour exprimer des abstractions, comme tout ce qui appartient au domaine spirituel, à la relation de l'homme avec la Transcendance divine, il faut employer des mots concrets, ou raconter des paraboles, et donner à tout cela par d'abondants commentaires un sens symbolique. On voit alors combien la traduction de l'hébreu ou de l'araméen en tout autre langue est une entreprise périlleuse. Car si on traduit un mot concret sémitique par un mot également concret dans une autre langue, sans transposer ce qu'il évoque au niveau symbolique qui convient, on est en total contresens, avec la bonne conscience d'une rectitude formelle! Lorsque Jésus dit: « Qui croit en moi, ce n'est pas en moi qu'il croit, mais en Celui qui m'a envoyé» , ne s’agit-il pas là de paroles d'un « ambassadeur» qui parle et agit au nom du Souverain qui l'a envoyé ? Et lorsque Jésus poursuit : « Celui qui me voit, voit aussi Celui qui m'a envoyé. » (Jean 12.45), cela veut-il dire qu'il est "interchangeable" avec Celui qui l'a envoyé ? Ou, au contraire, qu'il veut être "transparent", et non "écran", entre Dieu et les hommes? Toutes les affirmations d'humilité et d'obéissance de Jésus vis-à-vis du Père montrent que c'est cette dernière interprétation qui s'impose. Un "écran" entre Dieu et les hommes, cela s'appelle une idole. Le cardinal Lustiger fait allusion dans son livre « la Promesse» à une telle transformation de Jésus en idole et ce, du fait des "pagano-chrétiens (cf p.28 § "Identité et vocation de l'Eglise ... face à Israël" - dernier alinéa) Autre citation, à l'appui de ce qui vient d'être dit :

« Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme, vous connaîtrez que je suis et que je ne fais rien de moi-même. Je dis ce que le Père m'a enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi, il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plait» (Jean 8. 28-29)

C'est le décalque exact de ce que l'Eternel a dit à Moïse en l'envoyant en mission vers Pharaon et vers les Anciens d'Israël: « Je suis - Je serai avec toi» (Exode 3.12-15) Quant à la célèbre expression: « Je suis» pour désigner Dieu et appliquée à Jésus, et ainsi le faire Dieu, c'est le type même de l'hébraïsme sorti de son contexte et transposé sans réserve dans le langage de la culture grecque. «Je Suis» n'est pas la définition de Dieu pour deux raisons: Dieu est « l'Indéfinissable». Et en hébreu le verbe « être» n'est jamais employé sur un mode intransitif. Il lui faut toujours, exprimé ou sous-entendu, un attribut, un qualificatif, un complément. Concernant Dieu, il faut lire: Je suis avec toi, avec vous, Je suis l'Eternel, le Tout Puissant, le rocher du Salut, le Père, etc.

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Et dans notre présente méditation concernant Jésus et le «je suis» inclus dans la citation ci-dessus de Jean 8.28, si on ne sort pas ces mots «je suis» de leur contexte, veulent-ils dire: « Je suis Dieu» ou « Je suis l'envoyé de Dieu» ??? Et il y a également cette autre parole de Jésus:

« Moi et le Père, nous sommes un» (Jean 10. 30) Si on lit ces mots dans le contexte où les a placés le Christ, on les comprend selon leur signification hébraïque: Rappelons donc le contexte :

« Mes brebis écoutent ma voix ... Mon Père qui me les a données est plus grand que tout et nul n'a le pouvoir d'arracher quelque chose de la main du Père. Moi et le Père nous sommes un ».

Cette parole : «Moi et le Père nous sommes un» veut-elle dire, de la part de Jésus: «Je suis Dieu moi aussi» ? Ce serait une interprétation grecque cherchant à définir « l'être ». Ou veut-elle dire plutôt, selon une interprétation hébraïque cherchant à exprimer l'acte-manifestation (shekhina): «Je suis l'envoyé du Père» ... qui m'a confié les brebis et, par conséquent: « Le Père est avec moi », et «Je suis uni au Père dans tout ce qu'Il fait » ? Cette « unité » implique une « communion d’amour totale entre le Père et le Fils » Les Pères de l’Eglise Les formulations de la Tradition Chrétienne ont extrait nombre d'enseignements du Nouveau Testament hors de leur contexte de culture juive. Dès la seconde moitié du Deuxième Siècle, les grands penseurs du Christianisme de culture et langue grecque et latine cessaient de lire Saint Paul, le trouvant trop juif. Leurs citations des Epîtres de Paul dans leurs œuvres sont rares. Ils méditaient selon les fibres culturelles du néo-platonisme et ont été très marqués par la lecture de Philon d'Alexandrie. Ce dernier, immense docteur du Judaïsme de l'époque du Christ et des Disciples, et grand connaisseur de la philosophie grecque, s'était donné pour tâche de familiariser les intellectuels grecs païens avec le Dieu d'Abraham. Et pour ce faire il a utilisé tous les modes de pensée et des formulations issues de l'hellénisme, comme nous l’avons exposé déjà (cf le chapitre 8 , page 39) Et, dans les théologies des siècles ultérieurs, les dites formulations ont été l'objet d'interminables péripéties, dont elles ne sont toujours pas sorties. On reste perplexe devant les complexités et divergences constatées entre les textes bibliques d'une part et les interprétations, variables d'ailleurs au cours des âges qui en ont été données. Et on ne peut sous-estimer l'influence ces interprétations sur les traducteurs successifs des Ecritures. Des trésors oubliés de la Tradition Chrétienne L'un des problèmes-clés de la foi chrétienne concerne le mystère de l'Incarnation, débouchant sur le dogme de la Trinité. Chaque croyant contemporain sait ce qu'on lui a enseigné en la matière dès le catéchisme de son enfance. Or, les écrits de Saint Thomas d'Aquin, qui sont en soi l'un des piliers de formulation de la doctrine chrétienne, semblent avoir été lus de façon aléatoire par les rédacteurs de ce catéchisme : voici comment Saint Thomas d'Aquin formule ainsi, en latin, sa vision du mystère de l'Incarnation :

« Hoc autem quod dicitur, verbum caro factum est non aliquam mutationem in verbo, sed solum in natura assumpta de novo in unitatem personae naturae ». (Sum. Theol. III, q. 16, a. 6) Et ideo, cum dicitur Deus factus est homo, non intelligitur aliqua mutatio ex parte Dei, sed solum ex parte humanae naturae".

Ce qui peut se traduire:

« Mais quand nous disons "le verbe s'est fait chair", il n'y a aucune espèce de mutation dans le verbe, mais seulement dans la nature humaine transformée dans l'unité de cette personne humaine. Et quand on dit que Dieu s'est fait homme, on ne le comprend pas comme une

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quelconque transformation de la part de Dieu, mais seulement de la part de la nature humaine».

Le théologien franciscain Jean Duns Scot, contemporain de Thomas d’Aquin, explique de même que l’incarnation est une « union », c’est à dire une certaine relation entre Dieu et la nature humaine assumée. Il précise :

« Cette relation entre Dieu qui assume et la nature humaine assumée est réelle prise du côté de la nature humaine assumée, elle est "de pure raison" prise du côté de Dieu qui assume ».

Et tout ceci rejoint exactement la citation suivante du Père F. Marlière, dans son livre que nous avons déjà cité" Et leurs yeux s'ouvrent" p. 234 :

« Bien que Jésus soit venu parmi nous en notre horizontalité existentielle, ce n'est pas le Verbe, rigoureusement parlant, qui est descendu dans sa nature humaine, mais c'est elle (en sa réalité ontologique) qui a été élevée à la verticalité divine. L'incarnation est donc une assomption qui exalte la nature humaine à un tel point de perfection qu'elle en est divinisée» « C’est de là que vient le scandale de l’Evangile. D’une part, en effet, cette assomption ne concerne pas seulement la nature personnelle de Jésus, mais la nôtre aussi, avec son péché, ses misères, sa souffrance et sa mort. Elle n’apparaît, d’autre part, que dans sa manifestation sensible, donc discursive ou progressive, à travers les faits et gestes du Christ ...’’

Alors, si l’on affirme que Jésus est « vrai Dieu et vrai Homme », il convient d’ajouter : Il est le « vrai Homme selon le Projet de Dieu ». Et un fidèle de l’Eglise paulinienne de Colosse, ayant bien lu l’Epître de Paul, ajouterait : « … vrai Homme parce qu’en lui corporellement habite toute la divinité en plénitude »

Comment, alors, faire une synthèse cohérente entre tout ceci et les formules abstraites des grands Conciles Oecuméniques des 4e. et 5e. siècles, notamment les définitions du Fils comme « consubstantiel » au Père, et plus tard l’adjonction au Credo du fameux « filioque » qui, de façon indéfendable, divise inutilement les Eglises. Assurément : «Jésus est-il Dieu ?» est une bonne question. Mais pour la poser comme il faut, il conviendrait donc de la compléter par celle-ci : «Et qu'en est-il de chaque homme pour qui Dieu est Père? ».

Si nous pouvions aujourd’hui questionner l’apôtre Paul sur ce point, comme ont dû le faire les Colossiens de jadis, sans doute nous répondrait-il, en se paraphrasant lui-même :

La divinité habite corporellement en chacun de vous,

comme en moi-même, mais, hélas, pas encore

en toute plénitude !

REMARQUE L’ensevelissement de la foi chrétienne dans les modes de pensée de la philosophie néo-platonicienne, qui a été le fait des Pères grecs des premiers siècles, a orienté la croyance et l’enseignement de l’Eglise en suivant un sens inverse de ce qu’impliquait le Nouveau Testament.

Celui-ci, en donnant témoignage de ce qu’avait été Jésus de Nazareth, vivant, mort, ressuscité et glorifié a voulu nous faire comprendre, ou plutôt rappeler à l’humanité tout entière, ce qu’est « l’Homme », le vrai, c'est-à-dire l’Adam restauré, le « Dernier Adam », l’image de Dieu… selon le Plan de L’Eternel, éternellement fidèle à ce Plan.

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Par contre, les Pères grecs ont ressenti, et enseigné que Jésus-Christ était venu pour nous permettre de découvrir qui « Est » Dieu… Contre-sens fondamental … qui n’en finit pas de scandaliser, à juste titre, nos frères Juifs.

Redisons ici clairement notre conviction : Jésus est venu pour nous faire re-découvrir qui est l’Homme … le Vrai !

* * *

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Chapitre 29

Quel accomplissement ? Ce verbe ‘’accomplir’’ a été prononcé nombre de fois par Jésus durant sa vie terrestre, lorsqu’il voulait expliciter la mission dont le Père l’avait investi. Et chaque fois ce même verbe a engendré de grands malentendus entre Jésus et ses auditeurs et après lui au long des siècles entre Judaïsme et Christianisme. Car, disaient certains chrétiens, ce que Jésus a dû « accomplir », c'est initier une «Nouvelle Alliance », parce que la « Première Alliance » n’avait pas porté les fruits attendus. La pseudo doctrine chrétienne du rejet d’Israël par Dieu comme Peuple Elu et de la substitution de l’Eglise à Israël comme « nouveau » Peuple Elu est issue de cette opinion. Et en parlant ici de « pseudo-doctrine chrétienne », il nous faut bien souligner avec force qu’il s’agit d’une doctrine qui a été déclarée «hérétique » dès les premiers siècles, et donc que tous les développements qui en découlent ne peuvent être considérés que comme erronés, sans base biblique et de nature à pervertir dangereusement la foi chrétienne : d’une source polluée ne peut couler une eau pure ! Or, ce qu’il était venu « accomplir », au contraire, Jésus l’a bien esquissé à diverses reprises, et sans la moindre équivoque dès le tout début de sa mission terrestre, lors de son baptême par Jean le Baptiste, baptême d’une utilité non évidente a priori. Puis, il a confirmé le sens de cette mission lors de sa prédication dans la synagogue de Nazareth, qui a fait scandale, puis encore lors de son enseignement dit des « Béatitudes », qui a déstabilisé ses auditeurs, enfin peu avant d’expirer sur la croix, par ces mots « Tout est accompli », eux aussi apparemment déconcertants… Rappelons brièvement ces différents événements, que nous avons déjà commentés dans les chapitres précédents : - Lors de son baptême, Jésus dit à Jean le Baptiste : « … Il convient maintenant que nous accomplissions ainsi toute justice » (Matthieu 3. 15). Voilà donc un pluriel, qui associe Jean le Baptiste à ce que Jésus va « accomplir » désormais. Or Jean le Baptiste, que l’on peut considérer comme le dernier prophète de la Première Alliance, appelle prophétiquement le peuple juif à une conversion profonde dans l’attente de la venue imminente du Messie d’Israël, qui ‘’ôte le péché du monde’’ (Jean 1. 29). Si, en la circonstance une Alliance est suggérée, c’est bien celle de tout Israël qui se magnifie et s’étend à la dimension du monde entier. C’est une Alliance « nouvelle » dans ses formes et ses étendues d’application, mais ce n’est pas une « autre » Alliance. - Dans la synagogue de Nazareth, où il vient de lire les prophéties messianiques d’Isaïe, (61) Jésus ajoute : « Aujourd’hui, cette parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, est accomplie » (Luc 4. 21). Il s’agit donc bien, selon Jésus, d’un accomplissement au sein du peuple d’Israël. - Dans son enseignement des « Béatitudes », l’ampleur des exigences spirituelles et morales impliquée par les paroles de Jésus choque le plus grand nombre des auditeurs, qui se demandent quelle « nouvelle » religion le Rabbi est en train de prêcher, car jamais Moïse n’avait demandé tout cela. En fait, l’intégralité de ces Dix Paroles de Jésus est tirée et inspirée des Psaumes ou des discours des grands prophètes d’Israël, que les générations depuis lors avaient oubliés ou minorés. Et Jésus comprenant le malaise de ses auditeurs précise : « Je ne suis pas venu abroger la Loi ou les Prophètes, je ne suis pas venu abroger, mais accomplir ». (Matth. 5.17). Nous allons revenir sur ce point dans les pages qui viennent. - Enfin, ce que dit Jésus expirant sur la croix : « Tout est accompli », (Jean 19.30), inoubliable et paradoxale parole, vu le désastre par lequel, à vues humaines, se termine la mission de Jésus, abandonné de tous.

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REMARQUE La TOB traduit malheureusement cette dernière parole de Jésus expirant par : « Tout est achevé », ce qui pourrait signifier que Jésus reconnaîtrait que sa vie et sa mission ont pris fin, alors qu’au contraire vient l’essentiel ! Cette expression malheureuse pourrait ainsi effacer que cette mort du Christ en croix est dans le Plan de Dieu une victoire sur la Mort. Ce verbe « Accomplir » a ici un sens noble, le sens d’une plénitude, d’une réussite totale de la mission de Salut-Vie Eternelle, dont ce Fils avait été investi par le Père … Là encore nous pouvons déplorer que les versions des Evangiles en langues sémitiques ne nous soient pas parvenues. Quel mot « accomplir » Jésus a-t-il réellement prononcé ? Nous ne le savons pas. Mais si cet Evangile écrit initialement en hébreu ne nous est parvenu que dans une traduction en grec, cette traduction même nous apporte par le choix des mots employés des éclaircissements précieux ; le mystère y est en partie levé. Car, il y a en grec deux verbes pour exprimer ce sens d’ « accomplir ». Un premier verbe est : « plèroô », qui signifie une entreprise en cours d’exécution et d’accomplissement. C’est le verbe mis dans la bouche de Jésus dans les trois premières circonstances rappelées ci-dessus du baptême, de la synagogue de Nazareth et des Béatitudes. Jésus exprime par là ce qu’est la mission, qu’il « accomplit » chaque jour dans ses enseignements et son témoignage personnel, mission qu’il va donc poursuivre. Par contre, pour traduire le cri de Jésus expirant sur la croix, la traduction en grec emploie un autre verbe : « téléô », qui a précisément ce sens noble, celui d’une plénitude, d’une œuvre « parfaite », c'est-à-dire menée au stade d’une réussite totale … Le mystère de cette parole paradoxale est donc en voie d’éclaircissement. La confirmation de la victoire sur la Mort, en sera donnée de façon éclatante par la résurrection de Jésus au matin de Pâque et, en la personne de ses disciples, pour les temps de la fin, par la théophanie de la Pentecôte. Mais ce texte de l’Evangile de Jean en grec donne une précision supplémentaire. Car, quelques versets plus bas Jean ajoute : « Ceci est arrivé pour que l’Ecriture soit accomplie… » (Jean 19. 36) Et, à nouveau le texte en grec comporte le verbe « pléroô » et non plus « téléô ». La victoire du Christ sur la mort est définitive dans le Plan de Dieu mais n’est encore effective pour chaque homme que « … en espérance », comme le suggère le verset bien connu de Paul aux Romains (8. 24) « Nous sommes sauvés, mais c’est en espérance ».

Cette victoire sur la mort accomplie par le Christ ne met fin à l’histoire du monde et de l’humanité qu’au-delà de la mort, à la fois franchie par chaque homme à la suite du Christ dans le renoncement à soi-même et vaincue dans le don que Dieu nous fait de la résurrection à une vie éternelle au Jardin de l’Eden re-trouvé. Lorsque Jésus parle ainsi de sa mission d’ « accomplir », il ne fait, d’ailleurs, que poursuivre la mission dont tous les envoyés de Dieu au long de l’histoire biblique ont été investis tour à tour, à commencer par le premier de tous : Adam.

Comme nous l’avons déjà rappelé dans notre lecture du Livre de la Genèse, L’Eternel n’a créé Lui-même que les « principes » du ciel et de la terre. Et au terme du Sixième Jour il a laissé à l’Adam le soin, la charge, la mission, de garder et cultiver le Jardin de l’Eden, de nommer les « vivants ». C'est-à-dire d’« accomplir » tout le contenu du « programme » de Création, et donc d’en faire éclore les fruits, les prolongements, les développements. Dans la traduction de la Bible hébraïque en français les premiers mots de la Genèse : « Bereshith bara Elohim et hashamaïm ve et haaretz… » sont généralement rendus par : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre… ». Ce n’est pas le sens le plus évident, qui est bien davantage, dans une première version : « C’est le commencement du ciel et de la terre que Dieu créa … ». Car dans ce début du livre de la Genèse en hébreu, il y a une anomalie voulue de construction grammaticale. Le verbe « créa » n’est pas placé en tête de la phrase, contrairement à la règle. C’est précisément pour souligner l’importance majeure du mot « Bereshith». Dans une version plus exacte et pour tenir compte des sens multiples du mot « … reshith » il faudrait alors traduire : « Ce sont les commencements-principes du ciel et de la terre que Dieu créa… ». Et Adam est chargé précisément d’ « accomplir » ce que l’Eternel a volontairement laissé à l’état global de « principes » et ce serait bien le cas de préciser : … de « principes liminaires ». Il s’agit donc d’une véritable « délégation de pouvoir » faite par le Créateur à l’Adam. Mission redoutable d’initiative et de responsabilité de cet Adam, mission à « accomplir » par lui dans l’exercice de sa liberté, mais en « Alliance » permanente avec l’Eternel.

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Et tout au long de l’histoire biblique, il en sera de même, à chaque stade d’élaboration et d’accomplissement de la Création, à chaque génération d’ « Adams » chargée de poursuivre, de mener plus loin l’œuvre d’ « accomplissement », de faire apparaître de nouveaux « fruits » dans la Jardin de l’Eternel… Noé, par exemple, a été chargé d’ « accomplir » ce que le Premier Adam n’a pu « mener à bien » lui-même, pour toutes les raisons que l’on sait. Abraham a reçu la mission d’« accomplir » l’œuvre que Noé a été chargé d’initier. Moïse a reçu mission d’ « accomplir », à savoir de mener à un stade plus élaboré l’œuvre confiée par l’Eternel à Abraham. Et ainsi de suite, au long des temps, pour ce qui est de la mission confiée à David, aux grands prophètes d’Israël. Chacun a reçu sa mission spécifique et dans la « chaîne » que représentent tous ces « accomplissements » successifs, chaque maillon se trouve structurellement « porté » par tous les maillons précédents et « porteur » lui-même de tous les maillons ultérieurs. Chacun est et demeure indispensable à tous les autres. C’est ainsi que « fonctionne » depuis l’origine la « pédagogie » créatrice et évolutive de l’Eternel à l’égard de son « Fils Unique » l’Humanité. Si l’un des maillons s’avisait de renier l’un des maillons qui le portent, il romprait la chaîne, qui le porte, et se mettrait ainsi lui-même en chute libre vers le néant. Et bien sûr, dans l’optique chrétienne, Jésus prend place comme « Dernier Adam », selon le verset de Saint Paul (1 Cor. 15.45), dans la chaîne des « accomplissements-accomplisseurs ». Et il n’a jamais renié l’un quelconque des maillons dont il est le continuateur-accomplisseur au sein de l’histoire et de la vocation d’Israël.

REMARQUE La langue hébraïque dans sa pauvreté de vocabulaire et en raison même de cette pauvreté, est douée d’une exceptionnelle richesse de signification. Car un même mot a le plus souvent plusieurs sens. Et dans l’interprétation d’une phrase, aucun des multiples sens ne doit être écarté … Par exemple, en français, l’Histoire que l’on enseigne en classe, est essentiellement le rappel d’« événements », de faits, notamment les chroniques des empires, des royaumes, des batailles, des traités, etc. En hébreu le mot « Histoire » est « toledot ». Mais, c’est un pluriel, car le sens principal est : « la succession, ou mieux, la chaîne ininterrompue des générations, qui relie chaque homme à tous les maillons qui l’ont précédés en remontant jusqu’à Dieu, et à tous les maillons qui émaneront de lui ensuite. En français, l’Histoire, ce sont des faits. En hébreu, l’Histoire ce sont des hommes ayant pour mission l’ « accomplissement » de la Création confié par Dieu à la succession des générations, d’où l’importance donnée aux « généalogies » dans la Bible hébraïque. Et la finalité des « accomplissements », la vocation des « accomplisseurs » est la restauration dans son harmonie première du monde abîmé par la Transgression originelle. Car ce monde, cet environnement d’« espace » et de « temps » du Cosmos où nous vivons depuis l’aube des siècles est notre patrie provisoire, une patrie d’exil, que l’apôtre Paul a parfaitement qualifiée : « … la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre personne humaine … » (Rom 8.22)

Au sein de toute la « chaîne », le stade actuel des « accomplissements » en Jésus n’est pas le dernier. Ce n’est qu’un stade temporaire, celui de l’Ere messianique, temps d’épreuves préparatoires et expiatoires. Les Juifs attendent toujours le Messie qui doit venir, les Chrétiens attendent son retour, cette fois dans la Gloire, et c’est le même, le Messie d’Israël, pour « accomplir » encore l’histoire du Plan divin de Création-Salut.

La Torah déjà révélée, la Bonne Nouvelle du Christ déjà proclamée, constituent des messages-promesses provisoires pour cet espace et ce temps d’exil. Les véritables Torah et Bonne Nouvelle sont encore inconnues de nous, parce qu’elles sont encore à recevoir de Dieu, et parce qu’elles sont encore à « vivre » par nous, au-delà de la mort biologique, ressuscités à une Vie Eternelle dans le Jardin de l’Eden. Et sans doute y aura-t-il encore au-delà un ultime « accomplissement » vers « l’Eden » Lui-même…

Voilà qui devrait remplir d’humilité toutes les Institutions religieuses de la terre dans leurs tentations de s’ « approprier » la Parole créatrice de l’Eternel en la figeant dans des textes …

* * *

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Chapitre. 30

Changer le Monde, comment ? Dans notre histoire occidentale, deux Juifs célèbres ont voulu « changer le monde » et donc restaurer pour les hommes des conditions de vie plus dignes, plus justes, plus harmonieuses, en un mot, plus humaines … bref, a-t-on pensé, de hâter la venue d’un Paradis sur la terre. Ces hommes étaient tous deux pénétrés d’un souci messianique. Ce sont le Christ et Karl Marx. Que l’on nous pardonne le rapprochement, sans doute un peu inattendu, que nous faisons de ces deux personnages. Leurs préoccupations étaient convergentes pour le bien de l’humanité. Mais, le moins que l’on puisse dire, et que l’on doive préciser, est que les voies que chacun d’eux a recommandées pour parvenir à concrétiser leur idéal, étaient opposées et même incompatibles entre elles. Karl Marx, pour changer le monde, a prêché une « révolution » à opérer dans le système sociologique, économique et politique de l’occident capitaliste. Il a demandé de changer radicalement les lois, les habitudes, les mœurs, les articulations de la société. Il a précisé que cette révolution ne pourrait s’opérer que dans la contrainte exercée tant à l’égard des citoyens, que des pouvoirs politiques et économiques en place et que lorsque ce sera fait les hommes n’auront plus besoin de « gouvernements établis ». Toutes les aliénations en vigueur actuellement seront abolies, l’homme sera donc libre et comblé dans un « non-système » d’anarchie, au sens étymologique du terme. La philosophie du système était que lorsque toutes ces « choses » auront été changées, les hommes seront bien amenés à changer (de comportement). Alors, le problème sera résolu ! Jésus pour changer le monde a recommandé un itinéraire totalement inverse. Il n’a pas demandé de changer le cadre extérieur de la vie des hommes, ni les lois, ni le mode de gouvernement, ni les classes sociales. Il n’a pas exigé de dépouiller les riches pour répartir leurs biens entre les pauvres … Il a demandé aux hommes, riches et pauvres, de changer leur cœur, de renoncer à la part d’égoïsme qui est en chacun, de renoncer à eux-mêmes, ascèse qui est sans limite certes, mais qui exclut toute contrainte extérieure. C’est à chacun, riche et pauvre, mais tous deux pécheurs, de convertir leur cœur à l’amour du prochain, pour l’amour et dans l’amour de leur Père du ciel. Alors, et alors seulement, si le cœur de l’homme change, les lois, les systèmes politiques, sociaux, économiques changeront spontanément et par voie de conséquence, sans contrainte autre que celle de la conscience personnelle et intime de chacun … Le Messie attendu par Israël au long des siècles était-il, est-il encore aujourd’hui, du type Marx ou du type Jésus ? Telle qu’a été l’histoire du Peuple Juif il y a 20 siècles et telle qu’elle est encore de nos jours, ce Messie-là n’était et n’est toujours pas apparemment du type Jésus. Mais la même question est incontournable en ce qui concerne le Christianisme, tant en matière de doctrine que de comportement des Institutions ecclésiales qui l’ont incarné. A-t-on toujours respecté les libertés individuelles, l’abstention de toute voie de contrainte ? A-t-on enseigné comme base élémentaire du catéchisme, le renoncement à soi-même et la mort librement acceptée du Vieil Homme ? Quel exemple représentatif de tout cela a été donné aux peuples par les Autorités tant civiles que religieuses ? A-t-on toujours rendu à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, comme l’avait demandé Jésus ? La Conversion du Cœur Autre verbe sujet à malentendus et à ambiguïtés : « convertir » et « se convertir ». Le sens le plus couramment attribué en la matière est : « changer de religion ». Ce n’est qu’un sens « dévié » pour ne pas dire « dévoyé ». Le sens majeur est : « Changer de direction, revenir, faire demi-tour ».

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C’est précisément le sens du mot hébreu « teshuva », qui implique un « retour du pécheur à Dieu dans un repentir ouvrant sur le Pardon du Père ». Toute la pédagogie divine à l’égard de l’homme est axée sur ce concept de la « teshuva » et des applications que Jésus a reçu mission de répandre et développer parmi les hommes dans ces temps de la fin. Et, en cela Jésus et tout le Nouveau Testament demeurent typiquement Juifs et dans la tradition d’Israël. Se convertir, ce n’est pas changer de religion, c’est se repentir, revenir à Dieu, abandonner les mauvaises voies dans lesquelles on s’était éloigné de Lui, se remettre en mouvement vers Lui si on s’était arrêté … C’est là l’essentiel de ce que Jésus a demandé à ceux qu’il appelait à sa suite vers la Vie Eternelle. C’est ainsi qu’il a précisé à quelle condition il était possible d’être ou de ne pas être son disciple. Il n’a pas mis en avant des rites, des observances, des sacrifices célébrés dans le Temple ou ailleurs, ni même des articles de foi … Ce qu’il a présenté comme l’essentiel, c’est le renoncement à soi-même et aux attachements charnels qui détournent l’homme de Dieu … et de son prochain. Les paroles de Jésus abondent dans cette voie, notamment :

« De grandes foules faisaient route avec Jésus. Il se retourna et leur dit : ‘’ Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple…Quiconque ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peut être mon disciple » (Luc 14. 25-33) « Qui aime son père ou sa mère ou son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi. Qui ne se charge pas de sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi. Qui aura assuré sa vie la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi, l’assurera » (Matthieu 10. 37)

Là aussi, il ne faut pas se méprendre sur le sens que Jésus a donné aux paroles ci-dessus. C’est un sens symboliquement spirituel. Il ne recommande nullement de mettre ses parents dans un hospice de vieillards, de répudier sa femme, d’abandonner ses enfants dans un orphelinat. Dans l’Evangile de Marc Jésus donne des précisions fondamentales :

« En vérité, je vous le déclare, personne n’aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Evangile, sans recevoir au centuple maintenant, en ce temps-ci, maisons, frères, sœurs, mère, enfants et champs, avec des persécutions, et dans le monde à venir la vie éternelle » (Marc 10. 29)

Ce ne sont pas des abandons de parents, ni d’enfants, ni des répudiations de femme que Jésus demande, ni même par principe la liquidation de tous les biens matériels, comme les maisons ou les champs. C’est une « désappropriation spirituelle » de tout cela à quoi l’homme est invité à consentir, pour reconnaître en tout un don de Dieu et cesser d’en user comme d’une « propriété » personnelle possédée pour son seul agrément personnel. Et Jésus précise que si l’homme accepte de reconnaître en tout le don de Dieu, il conservera, dès cette présente vie terrestre, ces maisons, champs, père, mère, femme et enfants … mais en en usant tout autrement que de façon égoïste et charnelle, c'est-à-dire pour la Gloire de Dieu et le bien commun. Et, c’est ainsi seulement qu’il peut être disciple du Christ. Alors bien sûr, comme ce n’est pas ainsi que le « monde » charnel et pécheur fonctionne, qu’il définit la « propriété individuelle », qu’il mène sa vie au sein des choses et de la société, l’homme revenu à Dieu dans la manière dont il fait usage de tout cela, doit s’attendre à être persécuté par le « système » en place … Mais, là aussi, à celui qui tiendra jusqu’au bout, Jésus promet consolation, force et victoire finale. Ceci nous conduit à l’enseignement de Jésus dit des « Béatitudes », déjà mentionné dans les pages qui précèdent, mais que nous devons redécouvrir ici pour l’essentiel.

* * *

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Chapitre 31

Les Dix Paroles des Temps de la Fin

L’apôtre Matthieu rapporte en Dix propositions dites des « Béatitudes » cet itinéraire-clé proposé par Jésus et menant à la Vie Eternelle. Est-ce là une coïncidence fortuite, ou est-ce une référence aux Dix Paroles du Sinaï qui ont tracé au Peuple d’Israël la voie de l’Election et de la Terre Promise ? Il nous semble évident que la seconde hypothèse est la bonne, traduisant là encore les étapes que suit tout au long de la Révélation biblique la pédagogie d’ « accomplissement » de l’Eternel pour amener l’Homme dans la perspective du Jardin de l’Eden et inlassablement pour l’y ramener lorsqu’il s’en est évadé. Le même Matthieu dans son Evangile rapporte une autre Parole de Jésus qui corrobore ces Dix Béatitudes. De même que l’Ere Messianique n’a pas été décrite par Jésus comme un temps de paix et d’harmonie, mais un temps d’épreuves purificatrices, de même la voie que trace ces Dix nouvelles Paroles n’est pas pavée de « facilités ». Les termes employés sont bien clairs :

« Entrez par la porte étroite. Large est la porte et spacieux le chemin qui mène à la perdition et nombreux sont ceux qui s’y engagent. Combien étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie et peu nombreux ceux qui le trouvent » (Matthieu 7.14-14)

Il convient de redire ici que la sévérité et le niveau apparemment démesuré des exigences spirituelles proposées par le Christ dans ces Dix Béatitudes ont choqué et déstabilisé ses auditeurs habitués depuis des siècles aux enseignements et observances de Moïse, bien plus simples, semblait-il. Quelle nouvelle religion prêche-t-il là, se demandait le public ? Jésus a tenu immédiatement à les rassurer … et à mettre son propos à sa juste place :

« N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes. Je ne suis pas venu abroger mais accomplir. Car en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un « i », pas un point sur l’ « i » ne passera de la Loi, que tout ne soit arrivé » (Matthieu 5.17)

Dans ces Dix Béatitudes, Jésus précise comment il faut entendre le sens et la portée de ce verbe « accomplir ». Il n’implique nullement un rejet, ni une substitution visant les stades d’ « accomplissement » antérieurs. Au contraire, c’est dévoiler une part encore non comprise par les hommes de ce qui leur avait déjà été révélé précédemment dans les « principes ». Et c’est bien le cas pour chacune de Dix Paroles de Jésus dites des Béatitudes. Toutes, sans exception, ont été puisées par Jésus dans les Psaumes et les Prophètes d’Israël, mais que le peuple, et ceux qui étaient en charge de l’enseigner, avaient oublié ou dédaigné dans la hiérarchie de leurs priorités de vie et de foi et de culte. La routine du temps qui passe est le ver rongeur et la mite de toutes les Traditions Religieuses. Que l’on en juge dans la lecture du Tableau donné sur la page qui suit :

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Les Paroles de Jésus (Matthieu chap.5 : 3-12) et leurs sources bibliques

v.3 Heureux les

pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux

Sophonie 2.3: Recherchez le Seigneur, vous tous les humbles de la terre, peut-être serez-vous à l'abri au jour de la colère du Seigneur.

v.4 Heureux les doux, ils auront la terre en partage

Psaume 37.11: Les humbles possèderont le pays.

v.5 Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés

Psaume 126.5: Qui a semé dans les larmes moissonne dans la joie. II s'en va pleurant, chargé du sac de semence, il revient avec joie chargé de ses gerbes

v.6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés.

Isaïe 51.1-3: Ecoutez-moi, vous qui êtes en quête de justice, vous qui cherchez l'Eternel. Regardez Abraham votre père et Sara qui vous a enfantés. Il était seul quand le l'ai appelé, mais je l'ai béni et multiplié

v.7: Heureux les miséricordieux: il leur sera fait miséricorde.

Exode 33.19: J'accorde ma bienveillance à qui je l'accorde, je fais miséricorde à qui je fais miséricorde Siracide 4.8-10: Prête l'oreille au pauvre ... , sois pour les orphelins un père ... , et tu seras comme un fils du Très-Haut qui t'aimera plus que ne fait ta mère. Isaïe 58.7-10: Si tu es miséricordieux, si tu partages ton pain avec l'affamé, si tu héberges le pauvre sans abri, ... alors tu appelleras et le Seigneur te répondra, tu hèleras et il dira « Me voici»

v.8 Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu.

Psaume 24.4-5: L'homme aux mains innocentes et au cœur pur obtient la bénédiction de l'Eternel et la justice du Dieu de son salut. Psaume 11.7: Le Seigneur est juste ... , et les hommes droits le regardent en face.

v.9 Heureux ceux qui font œuvre de paix, ils seront appelés fils de Dieu.

Proverbes 14.26-27: Il y a une puissante assurance dans la crainte du Seigneur; pour ses enfants, il est un abri.

v.l0 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux.

Psaume 34.20: Le juste a beaucoup de malheurs, mais le Seigneur le délivre de tous.

v11 Heureux êtes-vous lorsqu'on vous insulte, lorsqu'on vous persécute et que l'on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.

Psaume 69.10-30-31: Ils t'insultent, (oh Dieu, ) leurs insultes retombent sur moi Et moi, courbé, et blessé, humilié, c'est ton salut, mon Dieu qui me met hors d'atteinte. Et je pourrai louer ton Nom par un cantique et le glorifier par mes louanges !

v.12 Soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux.

Isaïe 49.4: Et moi, je disais: serait-ce en vain que j'ai peiné, pour du vent que j'ai épuisé mon énergie? En fait, mon droit m'attendait auprès du Seigneur, ma récompense auprès de mon Dieu

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Chapitre 32

Identité et Vocation respectives des Juifs et des Chrétiens

Nous avons déjà cité plus haut cette parole d’Ady Steg, président de l’Alliance Israélite Universelle, un soir de 1993 à l’issue d’un colloque entre Juifs et Chrétiens sur le thème : « Y a-t-il une pensée juive du christianisme ?». Nous devons la reproduire ici. Dans son propos Ady Steg évoque la rareté des commentaires explicites sur le Christianisme dans les textes traditionnels du Judaïsme. Et il ajoute :

« … On peut se demander pourquoi. L’une des réponses est peut-être que, durant leur histoire les juifs ont été confrontés davantage aux chrétiens qu’au christianisme. Le vécu existentiel avec les chrétiens était peu propice à la réflexion doctrinale. Pendant des siècles en effet, les juifs ont vu, entendu, subi les chrétiens, mais ils n’ont pas nécessairement pensé le christianisme… ».

Ady Steg avait parfaitement raison en rappelant ce point. Mais on pourrait ajouter que la réciproque est aussi vraie de la part des chrétiens, qui ont été durant des siècles dans leur immense majorité totalement, non seulement ignorants de ce qu’est le Judaïsme, mais coupés également de l’étude de l’Ecriture Sainte (Bible hébraïque et Nouveau Testament) et par conséquent coupés en même temps et sans doute à dessein des racines juives de leur foi et de leur adhésion à Jésus-Christ ! Grâce à Dieu ces temps d’ignorance totale et réciproque ne sont plus. Il a fallu dans la chrétienté la prise de conscience des horreurs de la Shoah, séquelle d’un antisémitisme héréditaire de l’Occident chrétien, pour qu’un état d’esprit nouveau puisse naître entre ces frères séparés que sont juifs et chrétiens. L’ouverture d’un dialogue vrai au fond par lequel chacun des deux partenaires accepterait de « penser » la spiritualité de l’autre, d’ouvrir une réflexion doctrinale, pour reprendre les formules d’Ady Steg, n’est pas encore en vue. Les préoccupations identitaires respectives sont encore trop vives entre Première et Nouvelle Alliances. Il faut bien prendre conscience qu’elles sont encore dominantes entre Eglises chrétiennes ! Cependant Jésus de Nazareth est celui que nous tous, Juifs et Chrétiens, avons en commun, qui nous réunit dans un même Plan divin de Salut et il est en même temps celui qui nous divise … par les théologies et christologies qui ont été développées au long des siècles à son sujet. Notre Association C.OE.U.R. en est inconsolable. Voilà pourquoi sa vocation majeure, explicitée par le Cardinal Lustiger, comme nous l’avons déjà rappelé plus haut, est le ré-enseignement du peuple chrétien quant aux racines juives de la foi chrétienne. Tant que ces racines juives n’auront pas été rétablies comme base fondamentale des développements théologiques et dans les catéchèses destinées aux jeunes générations – et elles ne le sont pas encore sérieusement -- le venin de l’antisémitisme doctrinal multiséculaire continuera de polluer les consciences. L’accusation de peuple « déicide » a disparu des expressions officielles, mais son contenu gît toujours au fond des psychismes comme un cancer interne et, hélas, comme beaucoup de cancers, temporairement indolore. Nous ne pouvons donc clore cette méditation sur « Qui est Jésus ? » autrement qu’en rappelant les identités et vocations respectives, distinctes mais inséparables des Juifs et des Chrétiens. Et pour ce faire, il nous faut brièvement remonter le cours de l’histoire, une histoire dramatique, dont, Juifs et Chrétiens, nous portons tous la responsabilité planétaire.

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Israël et les Nations … Le texte biblique insiste fréquemment sur le souci de l’Eternel de manifester sa miséricorde à l’ensemble de l’humanité, même s’Il propose à chaque composante de cette humanité une vocation spécifique. Dieu le rappelle plusieurs fois à Abraham, père du Peuple de l’Election, mais aussi d’un grand nombre de nations :

« Tu deviendras père d’une multitude de nations » (Genèse 17.4) « Abraham doit devenir une nation grande et puissante en qui seront bénies toutes les nations de la terre » (Genèse 18.18) « Ta descendance occupera la porte de ses ennemis. C’est en elle que se béniront toutes les nations de la terre parce que tu as écouté ma voix » (Genèse 22.18)

Sous diverses formes l’Eternel le confirme à Moïse et aux descendants d’Abraham évadés d’Egypte. Ceux-ci sont accompagnés d’une avant-garde des nations qui recevront donc elles aussi le don de la Torah sur le Mont Sinaï :

« Les fils d’Israël partirent de Ramsès pour Soukkoth au nombre de six cent milliers … Tout un ramassis de gens monta avec eux. (Exode 12. 37)

Lorsque le peuple parvenu à la lisière de la Terre Promise et doutant de la protection de l’Eternel, refuse d’y entrer et préfère retourner en Egypte, Dieu dit :

« Aussi vrai que je suis vivant … aucun de ces hommes qui ont vu ma gloire … et qui m’ont mis à l’épreuve dix fois déjà en ne m’écoutant pas, aucun d’eux ne verra le pays que j’ai promis à leurs pères … Mais mon serviteur Caleb, parce qu’un autre esprit l’habite et qu’il m’a suivi sans hésitation, je le mènerai dans le pays où il est allé, ses descendants en prendront possession … (Nombres 14. 21 à 24)

Tous les hommes qui étaient sortis adultes d’Egypte périrent dans le désert. Et seuls Josué et Caleb demeurés fidèles à l’Eternel, entrèrent plus tard en Terre Promise. Or, Caleb était un homme des nations, ce ramassis de gens qui étaient « montés » d’Egypte avec les descendants d’Abraham. Il faut comprendre ce que cela veut dire. La porte d’entrée de l’Election n’est pas seulement dans les gènes héréditaires, elle est aussi à l’intérieur du cœur de l’homme … Israël peuple saint, c’est-à-dire mis à part … jusqu’aux extrémités de la terre. Au pied du Sinaï l’Eternel a proposé son Alliance au Peuple nouveau qu’il a ainsi constitué de toutes pièces avec les fils d’Abraham et cette avant-garde des nations. Il leur a dit à tous :

« … Si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples, puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre, et vous serez un royaume de prêtres, une nation sainte » (Exode 19.5-6)

En manifestant son « Election » en faveur d’Israël parmi tous les peuples, l’Eternel prend soin de lui rappeler que « toute la terre lui appartient », donc tous les peuples aussi et qu’Il n’entend faire son deuil d’aucun d’eux. Quant à la proclamation de l’Election d’Israël, ni Jésus, ni ses disciples directs, ni le Nouveau Testament ne l’ont jamais contestée, bien au contraire. Jésus non seulement ne l’a pas mise en doute, mais il l’a « accomplie » d’abord en sa propre personne, puis en envoyant ses disciples, tous juifs comme lui, comme témoins de la Bonne Nouvelle de la Résurrection, « Nouvelle Terre Promise » jusqu’aux extrémités de la planète. Aux fidèles des Eglises de la diaspora l’apôtre Pierre écrit :

« … vous aussi comme des pierres vivantes vous êtes édifiés en maison spirituelle pour constituer une sainte communauté sacerdotale, pour offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu… (1 Pierre 2. 5)

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Les hommes des nations ralliés au Messie-Jésus, ne sont pas étrangers au peuple de l’Election du Sinaï, même si n’étant pas « Elus » héréditairement, ces hommes des nations sont devenus par adoption, ou par greffe comme le dit Paul (Rom. 11.17), eux aussi peuple « saint », donc « séparé des autres peuples » et lui aussi peuple de prêtres. Le divorce entre Judaïsme et Christianisme Le divorce intervenu ensuite entre Judaïsme et Christianisme n’est pas le fait d’un choix de l’Eternel, mais de l’endurcissement du coeur de l’homme. Il importe d’en prendre conscience (Teshuva) et d’en faire réparation (Tiqun). Ce divorce n’est d’ailleurs intervenu que peu à peu à partir de la première génération apostolique et pas pour des raisons de doctrine. Flavius Josèphe raconte, à cet égard, qu’en 62 se produisit une vacance de fait de l’autorité romaine en Judée, entre la mort du procurateur Festus et l’arrivée de son successeur Albinus. Le Grand Prêtre Anne en profita pour faire juger par le Sanhédrin et condamner à mort Jacques le frère du Seigneur, chef de l’Eglise de Jérusalem et quelques autres membres de l’Eglise, qui furent exécutés par lapidation. Mais, dès la prise de ses fonctions par Albinus, des notables pharisiens, sans doute membres du Sanhédrin, protestèrent auprès du nouveau procurateur et du roi Agrippa, contre cette décision du Grand Prêtre Anne, lequel fut jugé pour abus de pouvoir et déposé après seulement 3 mois d’exercice de sa charge. Cet éclairage historique permet de redresser certaines opinions simplistes intégrées dans les traditions juive aussi bien que chrétienne, que nous pouvons ici résumer. Il y avait bien au sein du Judaïsme en l’an 62, c'est-à-dire entre 25 et 30 ans après la mort du Christ, une grande diversité de courants de pensées et de conceptions religieuses en Israël, comme le confirment maintenant les manuscrits de Qumran. Les querelles doctrinales et les oppositions de tendances entre juifs étaient nombreuses et souvent violentes. Et l’épisode en question montre que des notables pharisiens n’hésitèrent pas à prendre le parti de l’Eglise naissante auprès des autorités civiles et religieuses contre ce meurtre de Jacques et de ses compagnons. L’accusation chrétienne ultérieure faisant porter à l’ensemble du peuple juif la responsabilité de la persécution contre la Communauté, qui se réclamait de Jésus de Nazareth, est donc doublement infondée. Puisque même parmi les notables pharisiens réagissaient des partisans déterminés de la tolérance à observer à l’égard du courant chrétien. Ce n’est que plus tard, après la destruction du Temple en 70 et plus encore après l’écrasement de la révolte juive de 135, que les maîtres juifs de Yavné réduisirent considérablement le nombre de courants divers admis au sein du judaïsme et firent en sorte notamment que les Juifs ayant adhéré à Jésus de Nazareth soient expulsés des synagogues. Lorsqu’on mesure les conséquences de cette décision au cours des siècles suivants jusqu’à nous, on prend conscience de l’erreur tragique qu’elle représente.

* * *

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Chapitre 33

La réparation : rétablir les Identité et Vocation respectives

Durant la période initiale de leur divorce les hiérarchies dirigeantes du Judaïsme et de l’Eglise ont mis tout leur soin à construire leurs identité et vocation respectives de manière à s’exclure mutuellement dans le contact inévitable de chacun d’eux avec les autorités de l’empire romain alentour et dans leur compétition pour convertir à leurs spiritualités et communautés respectives le maximum de païens. Et le plus souvent l’ardeur polémique a conduit chacun d’eux à opérer une confusion, voir une interversion entre leur identité et leur vocation. Nous ne pouvons nous étendre longuement sur ce point cependant capital, que nous souhaitons traiter dans une publication à venir. Bornons-nous pour l’instant au minimum en résumant comment chacune des deux religions sœurs se définit elle-même, et comment chacune d’elle se situe dans une perspective messianique. Dans l’histoire, toutes deux se sont séparées et heurtées dans des compréhensions multiples et divergentes de leurs identités et de leurs vocations propres. Loin de nous la témérité d’en tenter un inventaire si sommaire soit-il ! Bornons-nous à présenter sur ce sujet la pensée de deux grands spirituels contemporains, tous deux décédés il y a quelques années, l’un Juif, l’autre Chrétien. Ensuite, peut-être pourrons-nous tenter quelques pas de synthèse. Comment le Judaïsme s’identifie-t-il ? Une Pensée Juive : Léon Askénazi Il s’identifie lui-même généralement comme le « Peuple de la mémoire » ou « Peuple de la Torah ». L’âme de la foi juive est en effet la Torah. Elle était présente, dit la Tradition, auprès de Dieu lorsqu’il créait l’univers et n’a cessé d’être à l’œuvre depuis lors. Il est intéressant de noter la manière qu’a Léon Askénazi d’expliquer la genèse de l’identité juive, telle qu’il l’expose dans le recueil de ses enseignements : « La Parole et l’Ecrit » (Albin Michel), p. 28 et ss. Selon lui :

« le Sage de la tradition juive ne pense pas comme un philosophe ou un théologien. Cependant, il ne pense pas non plus autrement que selon la Raison, mais celle-ci n’opère qu’à partir d’un langage qui est celui de l’histoire humaine, dont les Sages d’Israël ont reçu par filiation de la tradition hébraïque puis judéenne, le sens et la signification. C’est la certitude de cette évidence qui, seule, peut faire de la pensée d’un juif une pensée juive.

Pour L. Askénazi, ( nous avons soin de reprendre quasiment ses propres termes de peur de déformer sa pensée en tentant de la résumer) : le Judaïsme n’est donc ni une philosophie, ni une théologie, mais …

« une Sagesse anonyme issue de l’exégèse de l’Ecriture. La référence au contenu de savoir impliqué par cette Ecriture est le critère de contrôle de la pensée propre du Sage juif. Cette Sagesse juive, issue d’une Ecriture « révélée », passe ainsi, au long des siècles, de maître inspiré en disciple candidat à l’inspiration. Elle se distingue donc du discours du philosophe, lequel parle en l’absence de Dieu ou dans le silence de Dieu, que le philosophe croie ou non en son existence.

Mais l’Ecriture-Torah identifiée à la « Révélation » a-t-elle été ‘’dictée’’ au départ à des hommes hébreux, ou seulement leur a-t-elle été « inspirée » à charge pour eux de l’exprimer, de la mettre en forme et de l’insérer dans la culture de leur époque ? Léon Askénazi donne une réponse complexe. Il remarque que la naissance de la pensée philosophique est contemporaine de la fin de la révélation biblique :

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« Socrate commence à enseigner, à dégager la pensée grecque de l’univers mythique, quand en Israël le dernier Prophète se tait. Cette époque est celle de l’apparition du « judaïsme » tel qu’il se fonde au temps des maîtres de la Grande Assemblée, singulièrement au temps d’Ezra et Mardochée … La cause de la naissance du judaïsme est précisément la fin de la Révélation et la façon différente dont cet ‘’événement’’ affecte l’humanité, en Israël et hors de lui, en Israël par la religion juive fondée par Ezra, et hors d’Israël par la philosophie grecque fondée par Socrate’’.

Ainsi Léon Askénazi expose-t-il sa conception de l’identité juive. Mais comment voit-il la vocation du Peuple d’Israël ? Il donne à cet égard des précisions originales, relevées elles aussi dans le même recueil de ses enseignements (p. 333 et ss.) et que nous reproduisons quasiment là encore dans les termes mêmes : Il rappelle que le nom d’Isaac, fils de la Promesse, comporte les quatre lettres qui forment les mots : « haï » (vie) et « qets » (fin, dans le sens d’achèvement et de finalité). Son nom réunit donc les deux dimensions. Toute la religion d’Isaac est polarisée, dit-il, sur le symbole du « qets-fin » comme condition de la messianité, alors que toute la religion des Juifs est polarisée sur la dimension de « haï-vie » comme messianique. De là, pensons-nous, l’importance primordiale attachée par le Judaïsme historique aux 613 mitsvot qui règlent les conditions de « haï-vie quotidienne ». Mais le souci du « qets-fin » de l’histoire s’est estompé. Et L. Askénazi précise encore :

‘’ …sur le plan de l’accomplissement de notre vocation de messianité, nous sommes défaillants. Nous en parlons, mais, en fait, nous ne croyons pas que notre devoir soit de faire que s’accomplisse le sens de l’histoire. Nous sommes plutôt les hommes de l’élan de l’histoire que de la réalisation de ce que nous avons projeté de faire de cet élan. Selon le Midrash, il manque donc à l’identité juive – je ne dis pas à Israël -- la dimension désespérément messianique qui a été celle de l’Israël antique.’’ .

Une Pensée Chrétienne : Claude Tresmontant Comment identité et vocation sont elles distinctes et unies ? Claude Tresmontant, philosophe, théologien, exégète chrétien contemporain, dans un remarquable petit livre (« La Christologie du Bienheureux Jean Duns Scot » - Ed. F-X. de Guibert 1996) réfléchissant sur ce que nous pouvons comprendre des processus de la Création, développe une pensée qui unit en un même élan évolutif l’identité et la vocation du Judaïsme et du Christianisme. Il propose, à cet égard, l’idée originale que :

« dans toute l’histoire de l’univers, de la matière, de la nature jusqu’à l’apparition de l’homme, toute création de nouveauté s’effectue ou se réalise par ‘’communication d’information ». Et il poursuit par : « Au commencement était l’information créatrice. Tout a été créé par elle et sans elle rien n’a été créé »

Il est évident qu’il y a là une explicitation originale du fameux Prologue de l’évangile de Jean. Mais, notre auteur va plus loin :

« Jusqu’à l’apparition de l’Homme, l’information créatrice nouvelle était communiquée aux gènes, inscrite dans le patrimoine génétique. Le système continue en ce moment même. Mais quelque chose de nouveau est apparu. Cet être que nos amis paléontologistes appellent avec trop de bienveillance Homo sapiens sapiens, est un être foncièrement inachevé. Il va recevoir de l’information créatrice pour pouvoir coopérer activement et intelligemment à son propre achèvement. Mais cette nouvelle information créatrice n’est plus communiquée aux gènes ni inscrite dans le patrimoine génétique. Elle est communiquée à la pensée, à l’intelligence, à la liberté de l’Homme créé, et créé inachevé. Elle peut être conservée et transmise par la mémoire, par la parole et par l’écrit…’’

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Tresmontant voit dans la Révélation abrahamique et ses suites une manière d’Information créatrice et il poursuit :

« Le peuple hébreu n’est pas un peuple choisi arbitrairement parmi d’autres peuples préexistants. Il est une nouvelle étape dans l’histoire de la Création … C’est à l’intérieur d’une zone germinale qui est le peuple hébreu, que s’effectue ou se réalise progressivement cette communication d’information nouvelle nécessaire pour survivre, continuer et achever l’anthropogenèse. Le peuple hébreu a donc une fonction , un rôle et une place dans l’histoire de la Création… C’est une nouvelle souche , une nouvelle espèce d’humanité, un nouveau phylum. Le peuple hébreu est ce que les naturalistes, zoologistes, paléontologistes appellent un « mutant ».

Et Tresmontant poursuit encore en disant ...

« … qu’à l’intérieur du peuple hébreu depuis Abraham jusqu’à Iohanan, qui plongeait les pénitents dans le Jourdain, la Création se continue. C’est l’humanité nouvelle, et véritable, qui est en formation, celle que le Créateur vise et envisage depuis les origines ou avant les origines de l’univers. C’est l’Homme Nouveau qui est en train d’être façonné ».

Sans doute pourrait-on rappeler avec cette clé de compréhension la troisième promesse faite par l’Eternel à Abraham :

« C’est en ta descendance que se béniront toutes les nations de la terre’’ (Genèse 22. 18)

Tresmontant explicite ainsi l’Unité du Plan de Dieu tout au long de son dévoilement progressif à travers le Judaïsme dont le Christianisme paraît, alors, être une manière de zone terminale, par suite d’un complément d’Information Créatrice destinée à mener l’anthropogenèse vers son « accomplissement ». Ce complément est ce que le Christianisme appelle l’Incarnation, qui est la création de l’Homme Nouveau, conçu-engendré dans le Projet divin avant que le monde fût, et incarné par étapes au long de l’immense « phylum » de tous les Adam de l’histoire humaine … et transmis jusqu’à nous par Israël. Nous avons déjà abordé plus haut ce point clé. Redisons ici que jamais, pour être fidèles à leurs identités respectives, distinctes mais inséparables, et à leurs vocations propres, spécifiques mais vitales l’une pour l’autre, le Judaïsme et le Christianisme n’auraient dû devenir deux religions séparées et encore moins hostiles. Or, le Christianisme a nié, pire, a renié son identité juive, et le Judaïsme, selon L. Askénazi, a éloigné de lui dans les brumes du mythe sa vocation messianique, ne retenant, pour l’essentiel, de sa messianité qu’un aspect identitaire ... Confusion entre identité et vocation !

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Chapitre 34

Identités et vocations juives et chrétiennes : distinctes mais convergentes.

De nos jours le paganisme n’est plus vraiment affaire de faux dieux, comme ceux de l’antiquité. Il est affaire de pensée et manière de vivre et surtout une tendance généralisée à l’appropriation de toutes choses. L’Eternel avait cependant dit à son Peuple Elu, visant la Terre Promise, mais ce peut être étendu à la planète et à l’humanité toute entière :

« le pays est à moi. Vous n’êtes chez moi que des émigrés et des hôtes » (Lévitique 25.23) L’Homme n’est que le « fondé de pouvoir » chargé d’accomplir la Création selon les voies prévues par le Créateur. Et ces voies pour Israël ont été précisées dès l’origine par l’Eternel selon des règles sabbatiques et jubilaires énoncées dans ce même livre du Lévitique. Au long des péripéties souvent dramatiques de l’histoire d’Israël, notamment au retour de l’exil à Babylone, de nombreuses règles fixées par Dieu ont été délaissées, des accommodements ont été pris l’égard d’autres, par exemple le repos sabbatique des terres, le retour des propriétés vendues à leurs anciens détenteurs, la remise des dettes, la libération des esclaves. Que l’on ne dise pas que tout cela est ancien et démodé … ! Nous pouvons déplorer qu’il y a 20 siècles le Peuple d’Israël n’ait pu être en mesure de transmettre au christianisme de telles règles -observances fondamentales. Car les conséquences de ces abandons sont aujourd’hui l'épuisement des terres, la pollution généralisée, la perturbation des climats et l'accumulation des servitudes que certains hommes font peser sur d'autres de génération en génération. Elles sont aussi le blasphème que représente, envers la Majesté Divine, le despotisme de tant d'empires, de pouvoirs et de ''systèmes'' en tous genres, de même que le gouffre béant de l'endettement global, dont la "bulle financière", follement gonflée durant plus de 25 ans, a fini par (ou commencer à) éclater, menaçant chaque jour d'engloutir ce qui reste de l'ordre socio-économique mondial. Méditons cette triste énumération. Nous tous, frères juifs de tous courants du Judaïsme et frères chrétiens de toutes confessions chrétiennes, nous avons tous reçu la mission exaltante et redoutable d'accomplir le monde et la Création, c'est à dire de "garder et cultiver le jardin, nommer-appeler les vivants " (Genèse 2.15 et 19). Ceci ne vise pas seulement l'Adam du ''Paradis Terrestre'', mais concerne chacun de nous aujourd'hui. L'accomplissement du Plan Divin est placé très concrètement par Dieu entre nos mains. Nous ne le ferons pas sans relation intime avec Lui et il a décidé de ne pas le faire sans nous, ni à notre place. Vous, Juifs, avez conçu ce concept génial du « Tsimtsoum »" qui devrait illuminer chaque jour la prière et la lecture chrétienne de la Bible. L'acte de création représente de la part du Créateur un retrait volontaire d'une part de son ETRE pour donner naissance à des " êtres " distincts de Lui. Il nous semble avoir compris, de plus, qu'au soir du Sixième jour, l'Eternel s'en est tenu aux grands commencements-principes (Bereshit) qu'Il a créés du ciel et de la terre et a laissé tout l'accomplissement ultérieur aux risques et périls de la liberté humaine. Et il a béni ce Septième jour pour que cela se fasse dans une relation paternelle-filiale entre Lui et l'Homme. Et toute la Bible nous apprend ce qu'il est advenu de la tendresse manifestée par Dieu à l'homme fidèle. Mais elle nous rappelle aussi les défaillances, trahisons et appropriations de l'Homme, ses retours à l'idolâtrie, sous des formes grossières ou subtiles. Et Dieu inlassablement pardonne, parce que les hommes sont ses fils et, comme le dit Ezéchiel, pour l'honneur et la sainteté de son grand Nom. Bien sûr, toute l'histoire de l'Eglise depuis 20 siècles n'échappe pas à cette ligne et est également pleine de sainteté, de trahisons et de pardons !

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Un ami juif a dit, un jour devant nous , en manière de résumé synthétique, que la Torah invitait l'homme à rétablir partout les équilibres détruits dans la Création par le péché sous toutes ses formes. Et une voix chrétienne a ajouté que Jésus, juif, avait confirmé ce point de vue lorsqu'il a parlé (Matthieu 25) des justes qui ont vêtu ceux qui étaient nus, donné à manger aux affamés, visité ceux qui étaient malades ou en prison, etc. Aux hommes qui l'écoutaient, et ce sont nos pères à tous, Jésus a dit que nous aurons à répondre devant Dieu à ces questions élémentaires : ''Comment avez-vous vécu parmi les hommes ? Quel soin avez-vous pris de votre prochain dans l'épreuve ? Pensez-vous être quitte avec lui et avec Dieu, si vous vous abstenez seulement de nuire personnellement à tel ou tel, mais en le laissant crever de faim, de solitude, de désespoir ... ?’’ … sous prétexte que l’Etat et la Sécurité Sociale sont mandatés pour s’en soucier … ! Juifs et Chrétiens ont à œuvrer ensemble pour des initiatives concrètes sur tous les continents où la dignité de l'Homme est bafouée, dans tous les combats où elle est mise en question sur les plans social, économique et politique. Mais, les périls qui menacent ce 21° siècle commençant, sont tels que nos retrouvailles doivent aller beaucoup plus loin que ces seuls plans, pour corriger la trajectoire inquiétante des évolutions en cours, qui nous concernent tous, nous et nos enfants. Il nous faut énumérer différents domaines de réflexions à cet égard: certes, le 20° siècle a apporté, au moins dans le monde occidental, d'inestimables progrès dans les modes de vie modernes, en matière d'habitat, d'alimentation, de transport et communication, de médecine, etc. auxquels il faut ajouter la manifestation, depuis 50 ans, d'une nette promotion de la femme et d'une certaine conscience morale mondiale, phénomènes positifs, même si leurs applications sont encore souvent fragiles et aléatoires. Mais, comme nous l'avons vu plus haut, moins du quart de la population mondiale a réellement bénéficié de tout cela. Ne revenons pas sur les deux guerres mondiales et la terreur de la dissuasion nucléaire, ni sur les multiples guerres locales ethniques et ethnico-religieuses, ni sur les intégrismes identitaires, qui continuent d'ensanglanter presque tous les continents. Mais il faut insister sur la dégénérescence qui affecte tout le système occidental, sous la forme subtile d'un détournement caricatural des droits de l'homme.

Les progrès accomplis dans l'intelligence de la nature et de la création sont détournés en recherche de puissance et de confort matériel ; voilà plus d'un siècle, la Science a amplement basculé dans le scientisme et conduit certains esprits à proclamer la mort de Dieu, d'autres à soutenir que Dieu est désormais une hypothèse inutile pour expliquer le monde et donner un sens à la destinée des hommes. L’homme est proclamé sauveur de lui-même. La liberté a engendré l'individualisme et l'égalité s'est muée en un nivellement égalitariste, qui mine le sens de l'effort. l'Etat-providence sert bien souvent d'alibi à chaque citoyen, pour se désintéresser du sort de son prochain, en toute bonne conscience, et inocule dans les masses le virus d'un assistanat désormais considéré comme l'un des Droits de l'Homme. L'argent et l'ambition effrénée du succès ont amplement et de diverses manières corrompu les activités dites ''gratuites'' de l'homme, telles que l'art et le sport, comme en d'autres temps ils avaient perverti la vie religieuse. Quel peuple, élu ou non, échappe à la tyrannie du sexe et aux phantasmes de l'évasion dans la drogue ? Certains groupes saisis de vertige devant ces effondrements de valeurs se défoulent dans l'intégrisme et parfois la violence terroriste. Quiconque regarde l'Histoire, que ce soit celle du Peuple hébreu installé sur sa Terre où ruisselaient le lait et le miel et rappelé à l'ordre par les Prophètes de génération en génération, ou que ce soit celle de la société chrétienne de l'époque de Constantin, ou de la Renaissance, doit se sentir personnellement interpellé, à la fois dans son humilité et sa foi en la victoire qui sera finalement celle de Dieu. Mais, le Très-Haut ne se manifeste ni dans les ouragans ni dans le feu ni dans les cataclysmes quotidiens, mais seulement dans la douceur d'un souffle qui murmure au cœur de l’homme de bonne volonté. A tout orgueilleux de sa propre vertu ou de celle de son clan, comme à tout découragé, s'adresse cette parole de l'Eternel :

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« Je laisserai en Israël sept mille hommes, tous ceux qui n'ont pas fléchi le genou devant Baal “ (1 Rois 19. 18)

Quelle civilisation, quelle nation, quelle confession, quelle Eglise peut se vanter de détenir à elle seule la totalité de ces sept mille, ou même la majorité d'entre eux … ? Ils sont partout où un homme peut se bénir et bénir l'Eternel en la descendance d'Abraham. Et, qui sait ? Ils sont sans doute aussi ailleurs, incognito ! Devant nos indignités respectives, entre lesquelles il n'y a aucune comparaison à opérer, et face à l'ampleur des périls communs, pouvons-nous, Juifs et Chrétiens, méconnaître que l'origine du Mal qui nous atteint tous, comme la peste de La Fontaine, est surtout spirituelle. Comment la conversion - teshouva et la réparation – tiqun ne le seraient-elles pas aussi d'abord ? Car les tribulations présentes du monde ne forment que la face visible de ce Mal. L'essentiel, pressentait Saint Exupéry, est invisible aux yeux !

Moïse proche de sa mort exprimait des craintes semblables devant son peuple près d’entrer dans la société de consommation de la Terre Promise. Près de quitter ce monde, Jésus soupirait, apparemment sans grande illusion :

Le Fils de l'homme, lorsqu'il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (Luc 18. 8)

Parlait-il du Peuple d'Israël, son peuple, ou discernait-il à l'avance tous ceux qui se présenteraient un jour en son nom ? Sans doute pensait-il à tous. Et nous le voyons aujourd'hui, la désaffection du plus grand nombre atteint le Judaïsme comme le Christianisme des pays occidentaux. Est-ce que cela ne signifie pas quelque chose que nous avons à prendre au sérieux ? Pouvons-nous continuer à fonder nos identités respectives et nos relations mutuelles sur la conscience des blessures de l'Histoire, et en rester là ?

Ou bien, face au néo-paganisme envahissant, ne nous faut-il pas témoigner ensemble de notre Foi au Dieu Un, Vivant, Transcendant et Immanent, et témoigner du dedans de notre Foi, même si elle s'exprime selon nos culture et langage propre. Pour sauver ce qui peut encore l'être du ''système'' occidental dans le déluge qui vient, sera-t-il suffisant de changer des textes de lois, de réformer des institutions et des structures politiques ou financières, d'élire de nouveaux parlements, de confier le pouvoir à d'autres gouvernements, etc. ? Il semble bien qu'à considérer la racine du Mal, il nous faut changer d'abord le cœur de l'homme. Le reste n'est certes pas inutile, au besoin, mais viendra de soi ensuite … Alors, nous Juifs et Chrétiens, pouvons-nous limiter notre dialogue à militer côte à côte pour les Droits de l'Homme ou la remise des dettes du Tiers-Monde, sans toucher à ce qui fait nos ignorances et malentendus réciproques et tragiques depuis vingt siècles ? Et puis, durant ce 21° siècle en Europe et notamment en France, nous allons avoir à accueillir comme il se doit Ismaël, qui est aussi notre frère, du moins notre demi-frère en Abraham et qui prend parmi nous une place croissante. Pourrons-nous le faire autrement qu'ensemble ?

Nous sommes tous envoyés en mission au sein de cette terre pillée, gaspillée, profanée, polluée, surpeuplée et au milieu de cette humanité paganisée, déchirée, bafouée, pour remettre toute cette Création sacrée dans l'axe du Plan Divin. Et nous ne pouvons le faire qu'unis, car ce Plan Divin qui passe à travers nous tous est " Un ". Bereshit et Tsimtsoum sont liés l'un à l'autre. Dieu n'accomplira pas Sa Création à notre place. Et, ce que nous aurons fait ou pas fait, ou mal fait, le Messie qui vient et revient va nous en demander compte.

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Postface Que restera-t-il de ce travail que nous présentons ici ? C’est toujours l’interrogation d’un auteur au moment où il remet son ouvrage au soin de l’éditeur et de l’imprimeur ? Des questions fondamentales ont été abordées, après de multiples hésitations et rectifications. Quand on suit un itinéraire, fol serait celui qui s’imaginerait qu’il n’en est pas d’autres ! Nous n’avons fait ici qu’apporter quelques éclaircissement sur une portion de ce chemin qui conduit à la Vie. Avec le souci d’objectivité et de cohérence, attachés autant que nous le pouvions au « langage de la Croix », revendiqué par Paul au début de sa lettre aux Corinthiens :

Car Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Evangile, et sans recourir à la sagesse du discours, pour ne pas réduire à néant la croix du Christ. Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu. Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages et j’anéantirai l’intelligence des intelligents. Où est le sage ? Où est le docteur de la loi ? Où est le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a–t–il pas rendue folle la sagesse du monde ? En effet, puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Les Juifs demandent des signes, et les Grecs recherchent la sagesse ; mais nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l’appel de Dieu : il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin qu’aucune créature ne puisse s’enorgueillir devant Dieu. C’est par Lui que vous êtes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et délivrance, afin, comme dit l’Ecriture, que celui qui s’enorgueillit, s’enorgueillisse dans le Seigneur. (1 Corinthiens 1 : 17-31)

Nous serions heureux que nos lecteurs y trouvent quelque encouragement et lumière. Et si l’un d’eux a le désir d’y apporter remarque, objection ou complément, nous nous ferions une joie de poursuivre avec lui cette réflexion. Cette aide sera d’autant plus la bienvenue que notre Cahier N° 3 est déjà en cours d’étude, sur un thème en prolongement incontournable de celui-ci, mais encore plus vaste et plus difficile ….

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