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Actes de la recherche ensciences sociales
Making nonsense of Marx [Le marxisme revu parl'individualisme mthodologique]
Le marxisme revu par l'individualisme mthodologique
Monsieur Michael Burawoy
Citer ce document Cite this document :
Burawoy Michael. Making nonsense of Marx [Le marxisme revu par l'individualisme mthodologique]. In: Actes de larecherche en sciences sociales. Vol. 78, juin 1989. Lamour des noms. pp. 61-63.
doi : 10.3406/arss.1989.2893
http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893
Document gnr le 15/10/2015
http://www.persee.fr/collection/arsshttp://www.persee.fr/collection/arsshttp://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://www.persee.fr/author/auteur_arss_433http://dx.doi.org/10.3406/arss.1989.2893http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://dx.doi.org/10.3406/arss.1989.2893http://www.persee.fr/author/auteur_arss_433http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_78_1_2893http://www.persee.fr/collection/arsshttp://www.persee.fr/collection/arsshttp://www.persee.fr/ -
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lire
61
M KING
NONSENSE
OF M RX
LE MARXISMEREVU PAR
INDIVIDUALISMEETHODOLOGIQUE
raductione Jean-Louis
Fabiani
II
y
a vingt ans,
la
sociologie critique,u'elle ft
radicale ou
plutt
modre,'avait pas
de mots
assez durs
pour
ttaquer le cadre conceptuel alorsominant du
structuro-fonction-
alisme. Elle avait deux
cibles
: leonctionnalisme (le
prsuppos
selon
equel les
socits tendent
l'quilibre)
t
la tlologie (le
prsuppos
selonequel le progrs s'achve avec leapitalisme et la mission du pass
est
'amener le prsent). Le
marxismeournissait les
munitions pour
l'assautes
remparts du
structuro-fonction-alisme.
Le
centre d'intrt
s'est alorsplac
de
l'harmonie et
de
la
stabilit
ers le
conflit
et le changement. La
eprsentation
du capitalisme comme
in de
l'histoire
a
fait
place
une
ritique
humaniste du capitalisme.ontre un futur
conu
commeamlioration du
prsent,
la
sociologieritique a construit
la
reprsentation'un
futur au-del du capitalisme,
dansequel
ses maux
seraient
abolis.
on statut d'arme de
la
critique
valu
au marxisme d'tre
reconnuomme un cadre conceptuel
part
ntire
en
sociologie.
Aujourd'hui,
e
marxisme est souvent mis dans
le
me sac
que le
structuro-fonction-
alisme.
Marx
et le
marxisme
ont
teconnus
coupables
de
fonctionnalismet
de
tlologie.
Ces
vieilles critiques
iennent
maintenant
deouveaux
lieux
l'individualismethodologique et,
plus prcisment,
les
odles
d'explication de
l'action en
ermes de
choix
rationnel.
Cette
ritique
du
marxisme a t prsentevec
le plus
de
force
au
sein
mme
du
arxisme
: elle
a
trouv son expressiona plus
acheve dans l'ouvrage de
Jon
lster, Making Sense
of Marx. Dans ceivre
complexe
l'rudition
xtraordinaire, Elster accuse Marx de
rendreompte
de
la
cause partir
des
cons-
* Essai critique sur l'ouvrage de J.
lster,
Making
Sense of
Marx, Cambridge,
Cambridge
University Press,
1985,
paru
dans
Contemporary Sociology, vol. 15, n. 5,
sept.
1986,
pp. 704-707.
quences, sous deux formes : une forme
synchronique
dans laquelle
une
institution (par exemple
l'tat) est
explique par ses effets (ici, la reproduction
du
capitalisme),
et une
forme dia-
chronique, dans laquelle un futur
hypothtique
(par
exemple,
le
communisme)
explique le
pass
ou le
prsent
(la mission de la bourgeoisie
est
de crer
les
bases
matrielles
et
sociales du communisme). Elster tente
de dpouiller Marx de sa mtaphysique,
en
sauvant la seule
forme de
causalit
dont
nous puissions tre srs
: les
consquences
de l'action
individuelle.
L'individualisme mthodologique
est
la
doctrine selon
laquelle
tous
les
phnomnes
sociaux
leur structure
et leurs
transformations
sont
en
principe explicables au
moyen
d lments
qui n'impliquent
que des
individus : leurs proprits, leurs buts,
leurs
croyances
et leurs
actes
(p. 5).
Comme
l'a
affirm
rcemment
Stinchcombe,
la
macrosociologie
est
la
sociologie
qui
porte
sur
des
millions
de
gens.
Elster
prsente une
liste
impressionnante
de
tout
ce
qu'on doit
abandonner chez Marx. Sa thorie
conomique appartient au muse du
savoir. A
la source du
problme se
trouve la loi de la valeur, qui est au
mieux
inutile,
et au
pire
qui
est
frquent
dangereuse et trompeuse
(p.
120).
Ces critiques ont un accent
familier :
pourquoi
donc Elster, qui
est
philosophe,
prouve
-t
-il
le
besoin
de
prsenter
ses
rflexions sur
la
thorie
conomique
de Marx
?
La
source
de
son
irritation est
chercher, semble-t-il,
du ct
des
prtentions ontologiques
de
la loi
de
la
valeur.
Dans la
mesure
o la seule causalit
relle est
constitue
par
l'action individuelle, il
n'a
pas se
proccuper
des structures
sous-jacentes,
des
essences (comme la
valeur) dissimules sous les apparences
(prix, profits, etc.). En
fait,
il
interprte la distinction entre essence et
apparence non
pas
comme
une
diffrence
ontologique, mais comme la
projection
errone
d'un
point
de
vue
local
au niveau global. Ici,
l individualisme
mthodologique
devient un
individualisme ontologique
: l'individu
est la seule ralit dont nous sommes
srs.
De la
thorie conomique de
la production capitaliste Elster passe
au matrialisme historique, la
philosophie
marxiste
de l'histoire.
Il
essaie
alors
de construire
l'interprtation la
plus plausible pour rendre
compte
du
fait que
les rapports de production qui,
dans une premire phase, stimulent
la
croissance des forces de
production,
finissent
par
les
entraver,
et
du
fait
que
les
rapports
de production doivent par
consquent laisser
la place d'autres
relations.
On retrouve ici le problme de
la
tlologie marxiste.
Les
stades
antrieurs de l'histoire tendent
irrsistiblement
devenir les conditions
ncessaires
des stades
postrieurs :
cette attitude
n'engendre
pas
simplement la confusion dans l'ordre
intellectuel,
mais elle
est aussi l'origine
de dsastres politiques
comme le
stalinisme
ou la rvolution culturelle
:
Nous devrions garder le respect pour
l'individu qui
est
au cur
de la
thorie
marxiste
du communisme, mais
pas
pour la philosophie de l'histoire qui
autorise considrer les
individus
pr
-communistes
comme
autant de
btes promises
l'abattoir
(p.
118).
Selon
Elster, une
autre
conception
de
l'histoire
est difficilement
compatible
avec
le
principe
du
dveloppement
inluctable
des
forces
de
production
: c'est l'histoire considre
comme l'histoire de la lutte des classes.
L'observation
n'a rien
de
neuf, mais
elle fournit une
ouverture
l individualiste
mthodologique (devenu
un
tenant
de la
thorie des
jeux)
pour
offrir
des
lumires
nouvelles sur le
problme
de l'action collective et
sur
celui de
la constitution
d'un
acteur
collectif. Elster prsente
une discussion
sur les
obstacles
l'action collective :
les risques de l'engagement solitaire
(les cots de l'action
unilatrale)
et
les avantages de l'abstention
pour
l'individu qui
laisse
les
autres
entreprendre
une action collective (le
problme du
passager
clandestin). De
l'autre
ct,
il y a les gains que
l'individu peut esprer
retirer
de la
coopration.
Ces
facteurs
doivent
tre
rapports aux conditions cognitives de
l'action collective.
L'auteur se
tourne
ensuite vers
des dterminants
secondaires de
l'action
collective, comme la
taille
du
groupe
considr, la distance entre
les
membres du groupe, le renouvellement
de son recrutement, son
degr
d homognit
et l'tat de la technologie
tout ce
que
Durkheim
mettait sous la
notion
de
densit morale. En
traitant
ces lments comme
des forces
sociales
non
expliques, Elster succombe au
collectivisme mthodologique,
travers
l'assertion selon
laquelle
il existe des
entits supra-individuelles qui
prcdent les individus
dans
l'ordre de
l'explication (p. 6). Elster peut
bien
affirmer qu'il s'agit l d'un expdient
temporaire
;
en
pratique, chaque fois
qu'il explique un phnomne social en
termes
de proprits individuelles, il
est contraint
de recourir au
collectivisme mthodologique. Est-il alors
possible l'individualisme
mthodologique de dire
des
choses socio-
logiquement
pertinentes
sans violer ses
propres postulats ?
On retrouve
ici
une
vieille
histoire
:
prenant
les
intrts
individuels
comme
point de dpart, les modles de
l'acteur rationnel ont du
mal
expliquer le
caractre
omniprsent
de
l'action collective et
des
mouvements
sociaux. Sous ce rapport, Elster a
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lus, livres
lire
l'ingniosit
de fournir des
explications
ad
hoc
de l'action
collective
dilemmes
du prisonnier itratifs pour
l'action des capitalistes
et
exter-
nalits pour
l'action de
la classe
ouvrire.
Bien que ces
tentatives
fournissent
un cadre qui peut tre
utile
pour poser la
question, elles
laissent
trop de choses sans
explication.
En
fait,
Elster reconnat
demi-mot le
caractre
inadquat
des
solutions qu'il propose quand il en
arrive l'analyse de la politique : il
doit
alors suspendre son
adhsion
l'individualisme
mthodologique pour
considrer que les classes sont
des
acteurs collectifs. Il
montre
comment
la pense de Marx
est
passe d'une
vision instrumentale de
l'tat
(simple
instrument aux
mains
de
la classe
capitaliste)
une
vision
qui fait
place
une autonomie relative de l'tat.
Mais,
soutient
Elster, Marx ne pouvait
pas
expliquer
l'autonomie de
l'tat,
sinon
en
affirmant
qu'une
telle
autonomie
servait les
intrts
de la classe
capitaliste. Elster
juge plus
satisfaisante
une
thorie alternative de
l'tat fonde
sur
Pquilibre des classes,
qui fait
merger l'autonomie de
l'tat
du
conflit entre
le
capital et
le
travail.
En
principe, le fait
de
constituer le
capital,
le travail et l'tat
comme trois acteurs
rationnels
devrait
apporter de nouveaux lments
d explication des relations entre le politique
et
l'conomique. En
pratique
cette
tentative est
une
illustration des
limites
de la
thorie des
jeux
qui
a
dj
suffisamment
de
difficults
traiter de
deux acteurs, pour
ne
rien dire de trois.
Mais
il
y
a
plus
grave
que
les
dficiences
techniques
de
la
thorie des
jeux
: il
s'agit de ses limites
conceptuelles.
Elster dfinit la classe comme
un
groupe de gens qui, en vertu de ce
qu'ils possdent,
sont
contraints de
s'engager dans les
mmes activits
s'ils
veulent
utiliser au
mieux
les
ressources
dont ils sont dots (p.
331).
On peut
supposer
que
l'tat doit tre dfini de
la
mme
faon.
Mais
une telle
dfinition
laisse de ct ou plutt prend
comme
allant
de
soi
la
dtermin tion de ces ressources et les buts
que
les acteurs vont poursuivre. La thorie
des
jeux
en
tant que telle ne peut
pas
expliquer les ordres de prfrence
ou
la distribution
des
ressources. En dpit
des courageux efforts d'Elster pour
montrer
comment les rsultats des
jeux
peuvent
avoir des
effets
en
retour
et
transformer des ordres de
prfrence, l'entreprise
n'a aucun
caractre systmatique. Ces efforts
sont suggestifs,
mais ne
permettent
pas de construire
une
macro-sociologie
sur
de
micro-fondations.
D'autre
part,
la
beaut
de la
thorie
marxiste
rside
dans
la conception relationnelle
de
la
classe
:
c'est ce
caractre
relationnel
qui fonde la fois les ressources et les
buts de
ses
membres.
Au titre de principe
mthodologique et de point de dpart,
la
thorie des jeux peut tre utile pour
l'analyse du
communisme,
tat
dans
lequel les personnes
s'engagent
volonta irement dans des
rapports sociaux
et dans
lequel
l'histoire est faite
collectivement et consciemment.
Dans
les
socits
de
classes,
au
sein
desquelles
les
rapports
sociaux
centraux
prexistent
aux individus, l'histoire se fait
dans
notre
dos. Aucune
acrobatie
avec
les concepts de force et de coercition
ne
peut
permettre
d'chapper
au
postulat
marxiste de l'antriorit des
rapports sociaux qui sont ncessaires
et indpendants
de notre volont .
Il est vrai
qu'avec le
capitalisme,
le
domaine du choix
individuel
est
en
continuelle
expansion. Nous devons
choisir des employeurs, des coles,
des tlviseurs, des
maisons,
des
docteurs,
des
prsidents, du
dentifrice,
des ordinateurs domestiques et des
lessives.
Forcs de
nous
engager dans
de
telles stratgies,
nous
tendons
avoir
l'obsession
des incertitudes
et
des diffrences qui portent sur les
rsultats : en consquence, les
condit ions
qui structurent nos dispositions
choisir ainsi que l'espace
des
possibles
restent
dans
l'obscurit ou sont
naturalises au point de devenir
invitables.
Rduire l'explication des
phnomnes sociaux l'action
stratgique individuelle, c'est ftichiser
les effets,
confondre cause et
consquence : c'est exactement le pch
dont Elster accable
Marx.
En fait la
thorie des
jeux et
l'individualisme
mthodologique
sont
l'exacte antithse du
projet
marxien.
Il
n'est pas surprenant de ce
fait que
les
remarques
les
plus
pertinentes
d'Elster
n'aient
pas grand chose
voir
avec
ses
noncs programmatiques
:
par
moments,
il
semble
mme rompre
explicitement avec
l'individualisme
mthodolog ique
quand
il affirme
que
les
rapports
sociaux
prexistent
aux
individus (pp.
94-95).
Il succombe
l'occasion un manque de discipline
intellectuelle
.
A
la
fin de l'entreprise d'Elster,
il
ne
reste
plus
grand
chose
de Marx.
Sa
thorie
de
l'histoire, sa
thorie
conomique et
sa
thorie politique
sont juges dficientes. Les ambiguts
de l'uvre sont
mises
au
jour,
les
inconsistances sont
dnonces comme
des
signes de confusion ou comme une
manire de prendre ses dsirs pour la
ralit.
Le
combat
intellectuel que
Marx menait en faisant apparatre au
sein
du
prsent
des forces susceptibles
de jouer un rle
-cl dans
l'mergence
du futur, ainsi
que
son intrt pour la
polmique
politique et pour
le dfi
aux traditions intellectuelles
passent
la
trappe.
Au
lieu
de
replacer Marxdans
le
contexte
d'une
lutte
intellectuelle
mene
sur plusieurs fronts
et de
rapporter
ses biais et ses
passions
sa
position
sociale, Elster
spare les crits de l'individu et
construit un Marx fictif.
A
cette fin, il
rassemble laborieusement les
extraits
les
plus
disparates de l'uvre de Marx,
mettant
sur le
mme
plan d'obscurs
passages
des
Thories de la plus-value
et de la Sainte famille et ses textes
publis.
C'est peut-tre
la
tche
du
philosophe : purger
une uvre
de
ses
contradictions
et
de
ses
ambiguts.
Mais une
telle
entreprise interdit
de
saisir le
vritable
sens du travail de
Marx,
qui
tait
conomiste, sociologue,
historien autant
que
philosophe. Saisir
le
sens des
crits
de Marx
suppose
qu'on
les envisage
comme une
conversation avec d'autres auteurs aussi
bien
que comme
un
monologue intrieur.
On ne peut
ainsi assimiler
le dialogue
de Marx avec
Hegel
celui
qu'il
entretient avec
Smith
:
une
pareille
rduction impose un holisme erron.
Les contradictions et les anomalies
qu'on
peut
relever dans les
travaux
de
Marx sont
le
produit
de
son
effort
pour
rendre
compte des
tr nsform tions et des processus de
diffrenciation l'uvre dans
le
monde
rel
et sont
l'expression d'un
dfi
lanc
divers courants intellectuels. De plus,
ces contradictions et ces anomalies
ont
t
le
cur mme
et la source
d'inspiration
de
la
tradition marxiste.
Les
abolir
quivaut
abolir cette
tradition.
Elster prive Marx de son
vritable sens. A
moi
maintenant de
donner
son sens l'entreprise d'Elster.
On
peut pour cela
procder en deux
tapes
:
en
faisant
la
liste
de
ce
qui
a
du sens dans ses critiques, et en
situant
son travail. On peut
s'accorder avec
Elster
sur la critique
de
la
tlologie
et du fonctionnalisme
,
sans
pour
autant
les
troquer contre
l'individualisme
mthodologique. La philosophie de
l'histoire de Marx peut avoir cess
d'tre convaincante, elle n'en
continue
pas moins
de fournir
une liste
spcifique de
questions.
Si le communisme
n'est pas invitable, est-il possible
?
Est-il une
socit viable
?
Elster a sur
ce point
des choses intressantes
dire, qui sont toutes fondes sur les
contradictions
d'une
socit dont
la
raison
d'tre
est
la
ralisation
individuelle. Et si cette socit est viable,
comment peut-on y parvenir ?
Et si
c'est le cas,
partir
de quelle socit
la
transition
vers l communisme est-
elle possible
? Comment
une telle
transition pourrait-elle avoir lieu
?
Quels sont
les futurs
possibles du
capitalisme et du socialisme d'tat ?
Dans
la
thorie marxiste de
l'tat, le fonctionnalisme reste un
point de dpart essentiel. Selon Cohen,
il est
important
de distinguer entre
caractre fonctionnel
et
explication
fonctionnelle. Ainsi, c'est une chose
d'affirmer que l'tat
prsente
un
caractre fonctionnel pour le
capitalisme (en ce
qu'il
contribue
sa
reproduction),
affirmation
que
Marx
et
les
marxistes
ont soutenue
contre tous
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Livres lus,
livres
lire
63
ceux qui
ne
voient pas dans
le
capitalisme
un systme
gros
de
contradictions,
de conflits
et
de tendances
la crise. C'est une
autre
chose
d expliquer
comment l'tat contribue la
reproduction
du capitalisme. Bien
que
cela
ne
se trouve pas dans
le
livre
d'Elster,
cette dernire
question
a
fourni les bases du dbat sur les
thories marxistes
de
l'tat.
Si la leon
de mthode
que
nous pouvons
tirer
du
livre
d'Elster
est
une leon
de
prudence
propos
de
l'explication causale,
sa
contribution la
plus
substantielle est constitue par ses
commentaires sur
la
thorie marxiste
de
l'idologie et
par
la
reconstruction
qu'il en propose. Il
postule l'existence
d'un
certain nombre
de mcanismes,
qu'on
peut
trouver chez Marx, par
lesquels les individus finissent par avoir
des images dformes
du
monde.
Esclaves de leurs produits, les hommes
dont
la principale
proccupation
est
la
cration
d'ides
croient que les ides
gouvernent
le monde, tandis que
d'autres, cause de
leur
situation
misrable, sont conduits inventer un
tre transcendant. Par ces
mcanismes
d'abstraction
et
de projection est
produite une image
inverse
du
monde.
Le fait de
prendre
ses dsirs pour des
ralits
constitue un second
mcanisme : on en trouve une illustration,
par
exemple,
dans
la prtention
d'une
classe faire de
ses
intrts
propres
l'expression de l'intrt
gnral. Un
troisime mcanisme, dont Elster
souligne l'originalit
particulire chezMarx,
est
constitu par
la
omprhension de
la
totalit partir
du point
de
vue de la
partie,
dfinie comme
erreur de composition.
Parce qu'ils
ne dpendent pas d'un capitaliste en
particulier, les
travailleurs
pensent
qu'ils
sont indpendants
de tous les
capitalistes. (En est-il
ainsi
?). Les
capitalistes pensent que le
choix
qui
s'ouvre
un capitaliste
est
simultanment ouvert tous, ce qui les
conduit
la
vision fallacieuse
selon
laquelle
l'argent engendre
le profit
indpendamment de la production.
Au
fondement
de
plusieurs
points
de
vue d'Elster sur la
construct ion de l'idologie,
on
trouve le
postulat d'une vrit par rapport
laquelle on peut mesurer des
distorsions. Elster
dplore
rgulirement
le
fait que
les passions de
Marx
aient
alourdi son uvre de
biais,
de
compromis, d'exhortations et d'illusions.
Elster chappe
vraisemblablement
aux
biais
et
aux prjugs par
la
pense
claire. Elster
se
peint
comme
il
peint
Marx
:
abstrait
de tout contexte
institutionnel. L'individualisme
mthodologique
fait
cho
au
dsir
illusoire
que
les intellectuels
ont
de
pouvoir
s'chapper de
la
structure sociale
qui
emprisonne tous les
autres
individus.
L'individualisme mthodologique
devient un dualisme mthodologique :
les travailleurs
et
les capitalistes,
du
fait
de
leurs fonctions
objectives, des
ordres
de
prfrence
et
des
ressources
dont ils sont dots, sont conduits
dvelopper des images dformes des
processus
sociaux, alors que
les
universitaires,
pour peu qu'ils
vitent
de
tomber
dans les
piges du
fonctionnalisme et de la tlologie, sont
capables
d'atteindre
la
vrit.
Un
tel
dualisme
est
l'expression
de
l isolement
des universitaires dans
le monde,
qui
les
conduit
construire
une
vision
globale du monde partir d'un point
de vue
local
(le leur) : c'est ce qu'on
pourrait appeler l'erreur de
dcomposition.
Elster est victime d'une
autre
de ses propres distorsions idologiques,
l'imprialisme
conceptuel. Marx
accusait les
conomistes bourgeois
d'universaliser les effets idologiques
du capitalisme en adhrant
l individualisme mthodologique : on
peut
adresser
le
mme reproche
Elster.
L'individualisme mthodologique n'est
pas
plus
applicable l'histoire de
l'humanit que
le
ftichisme de
la
marchandise.
Elster se trompe s'il croit
qu'il
suffit
de
rendre
un arrt
sur ce qui
reste intressant
chez Marx pour se
librer de la prison de l'histoire. Il n'y
a pas de lecture
innocente
de Marx,
pas de Marx purifi. Ce qui vaut
la
peine
d'tre
sauv chez
Marx,
un
moment donn de l'histoire,
dpend
des
problmes du moment et de la
position
sociale
de
celui
qui
cherche
la
rponse.
Tous
les marxistes
ont
de
l'intrt
pour la dcouverte de ce qui
est vrai et
important
chez Marx, mais
cet intrt
est
relatif au contexte
historique et social. C'est
le
sens mme
de la tradition marxiste. La vrit n'est
pas rductible
la
correspondance
avec
les
faits et la cohrence interne
mais elle dpend d'une tradition de
pense.
Le livre d'Elster
ne constitue
qu'une rponse
au
reflux
des
mouvements
sociaux
et
au
repli du marxisme.
Il
est
gn par les bagages
mtaphysiques
qui
retardent
le
train
marxiste.
Mais
en dchargeant
le
train,
il
n'a laiss qu'un fragile
emballage,
qui
ressemble
encore moins au modle
original.
Elster
doit
choisir
:
marxisme
ou
individualisme
mthodologique.
Adam
Przeworski
Capitalism and SocialDemocracy
Cambridge, Cambridge
University Press et Paris, Editions
de
la
Maison
des
sciences
de l'homme,
1985.
Dans la mesure o la participation la comptition
lectorale force les partis socialistes rechercher
des alliances
multi-classes
et
donc dsorganiser la classe ouvrire
qu'ils
reprsentent,
la social- dmocratie constitue pour
cette dernire
un compromis rationnel.
Przeworski
mobilise analyse historique et modlisation mathmatique afin
de montrer comment,
sous rgime
capitaliste
et sous
hypothse
de
rationalit
individuelle,
la
structure des
choix
conduit la
solution
social-dmocrate et
il
recense
les
transformations possibles laquelle celle-ci conduit.
L.J.W.
Norbert Elias
Die
Gesellschaft
der
Individuen
Francfort,
Suhrkamp, 1987.
A l'occasion de son 80e anniversaire, Norbert Elias, le
grand outsider de la sociologie allemande, nous offre
une
publication
bien
tardive de textes remontant jusqu aux
annes
30 (I. La socit des individus)
et
aux annes 40 (II. La
conscience
de soi et l'image de l'homme), complte
par
une
ractualisation de sa thorie de la civilisation termine
en
1987 (III.
Transformations
de l'quilibre entre le nous
et le
moi ).
Dans
le
premier de
ces
trois
textes
sociologiques,
l'origine
conu comme un
chapitre supplmentaire
La socit des moeurs, Elias tente d'esquisser
une
rponse la question sociologique
par excellence,
qu'est-ce
que
la
socit ? , en poursuivant
une
dmarche dsubstan-
tialisante : selon
sa
thorie
des
figurations sociales , ce
sont
les
interdpendances des fonctions qu'assurent
les
individus
les
uns pour
les
autres qui constituent la socit.
Le
texte
suivant donne
une analyse
des
conditions
socio-
historiques de la gense
d'une
reprsentation de l'homme
fonde
sur l'opposition entre individu et socit . Le
caractre
individualis et individualisant de l'homme
civilis y
est interprt comme
le produit de l'intriorisation
des fonctions de contrle des comportements, en relation
avec
une centralisation tatique
croissante
des
mcanismes
de
rgulation
de
la
vie
sociale.
Le
dernier
des
trois
textes
esquisse un largissement
des analyses
socio-gntiques relatives aux transformations sociales des
civilisations occidentales face
une
intgration croissante entre
Etats nationaux.
F.S.