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AVERTISSEMENT
Ce document est le fruit d'un long travail approuv par le jury de soutenance et mis disposition de l'ensemble de la communaut universitaire largie. Il est soumis la proprit intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de rfrencement lors de lutilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pnale. Contact : [email protected]
LIENS Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm
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UNIVERSITE DE LORRAINE FACULTE DE DROIT, SCIENCES ECONOMIQUES ET GESTION
ANALYSE COMPARATIVE DES SYSTMES FRANAIS ET ITALIEN
DE LUTTE CONTRE LES ABUS DE MARCH
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THESE pour lobtention du grade de
DOCTEUR EN DROIT (Doctorat nouveau rgime Mention droit priv et sciences criminelles)
prsente et soutenue publiquement le 11 dcembre 2015
par
Amlie BELLEZZA
Membres du jury
Monsieur Frdric STASIAK (Directeur de thse) Professeur de droit priv lUniversit de Lorraine Madame Antonella MARANDOLA (Directrice de thse) Professore ordinario di diritto processuale penale presso lUniversit LUM Jean Monnet di Casamassima (Bari) Madame Katia LA REGINA Professore associato di diritto processuale penale presso lUniversit Telematica Giustino Fortunato (Benevento) Monsieur Thierry BONNEAU Professeur de droit priv lUniversit Paris II (Panthon-Assas) Madame Donatella CURTOTTI (Rapporteur) Professore associato di diritto processuale penale presso lUniversit di Foggia Madame Raphale PARIZOT (Rapporteur) Professeur de droit priv lUniversit Paris Ouest Nanterre La Dfense
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LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS AJCA Actualits juridiques Contrats daffaires Concurrence -
Distribution
AJDA Actualits juridiques de Droit administratif
AJ pn. Actualits juridiques de Droit pnal
AMF Autorit des marchs financiers
Art. Article
BALO Bulletin des annonces lgales obligatoires
Banca borsa tit. cred. Banca, Borsa e Titoli di credito
Bull. civ. Bulletin des arrts des chambres civiles de la Cour de cassation
Bull. crim. Bulletin des arrts de la chambre criminelle de la Cour de cassation
Bull. Joly Bourse Bulletin Joly Bourse (et produits financiers)
Bull. Joly Socits Bulletin Joly Socits
C. civ. Code civil
C. com. Code de commerce
C. mon. fin. Code montaire et financier
C. pn. fr. Code pnal franais
C. pn. it. Code pnal italien
C. proc. civ. fr. Code de procdure civile franais
C proc. pn. fr. Code de procdure pnale franais
C. proc. pn. it. Code de procdure pnale italien
C.E.D. Centro elettronico di documentazione (Centre lectronique de documentation de la Cour de cassation italienne)
C.E.D.H. Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales
C.J.C.E Cour de justice des Communauts europennes
C.J.U.E. Cour de justice de lUnion europenne
Cass. pen. Cassazione penale
COB Commission des oprations de bourse
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Cons. const. Conseil constitutionnel
Consob Commissione nazionale per le societ e per la borsa (homologue italienne de lAutorit des marchs financiers)
Corte cost. Corte costituzionale (Cour constitutionnelle italienne)
CourE.D.H. Cour europenne des droits de lhomme
CourE.D.H., gde ch. Grande chambre de la Cour europenne des droits de lhomme
D. Recueil Dalloz
D. act. Dalloz actualit
D.lgs. Decreto legislativo (dcret lgislatif)
D.P. Ancien Recueil Dalloz priodique
D.P.R. Decreto del Presidente della Repubblica (dcret du Prsident de la Rpublique)
Dir. pen. e proc. Diritto penale e processo
Dr. soc. Revue Droit des socits (Lexisnexis)
Foro ambr. Foro ambrosiano (II)
Foro amm. Tar Foro amministrativo Tar (II)
Europe Revue Europe (Lexisnexis)
G.U. Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana (Journal officiel de la Rpublique italienne)
Giur. comm. Giurisprudenza commerciale
Giur. cost. Giurisprudenza costituzionale
Giur. merito Giurisprudenza di merito
JCP E La Semaine juridique Entreprise et affaires
JCP G La Semaine juridique Edition gnrale
J.O.C.E. Journal officiel des Communauts europennes
J.O.R.F. Journal officiel de la Rpublique franaise
J.O.U.E. Journal officiel de lUnion europenne
Le societ Rivista Le Societ (IPSOA)
L.G.D.J. Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence
LPA Les petites affiches
RD banc. et fin. Revue de droit bancaire et financier
RDF Revue de droit fiscal (lexisnexis)
RDP Revue de droit public et de la science politique en France et ltranger
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Rglement metteurs Regolamento n. 11971 della Consob del 14 maggio 1999, Regolamento recante norme di attuazione del decreto legislativo 24 febbraio 1998, n. 58 concernent la disciplina degli emittenti
Rglement Marchs Regolamento n. 16191 della Consob del 29 ott. 2007, Regolamento recante norme di attuazione del decreto legislativo 24 febbraio 1998, n. 58 in materia di mercati
Resp. civ. Responsabilit civile (http://personaedanno.it)
Resp. civ. prev. Responsabilit civile e previdenza
Rev. mens. AMF Revue mensuelle de lAutorit des marchs financiers
Rev. soc. Revue des socits (Dalloz)
RDA Revue de droit dAssas
RG AMF Rglement gnral de lAutorit des marchs financiers
Riv. dir. banc. Rivista di diritto bancario
Riv. dir. proc. pen. Rivista di diritto processuale penale
Riv. dir. trib. Rivista di diritto tributario
Riv. dottori comm. Rivista dei dottori commercialisti
Riv. it. dir. proc. pen. Rivista italiana di diritto e procedure penale
Riv. soc. Rivista delle societ (Giuffr)
Riv. trim. dir. pen. contemp. Rivista trimestrale di diritto penale contemporaneo
Riv. trim. dir. pen. ec. Rivista trimestriale di diritto penale delleconomia
RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires
RJEP Revue juridique de lconomie publique
RLC Revue Lamy de la concurrence
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
RTD fin. Revue trimestrielle de droit financier
s. Et suivant(e)s
sez. sezione (section [dune juridiction])
somm. sommaire
Thse dactyl. Thse dactylographie (non publie)
Trib. Tribunale (juridiction rpressive italienne)
Trib. Riesame Tribunale del riesame (juridiction italienne qui statue sur la lgalit des mesures de sret prononces avant procs)
Trib. corr. Tribunal correctionnel
TUF Texte unique en matire dintermdiation financire (dcret lgislatif n 58 du 24 fv. 1998)
http://personaedanno.it/
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Sauf mention contraire, les traductions des textes trangers sont de lauteur.
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PARTIE 2 LA CONVERGENCE IMPARFAITE DES RGIMES FRANAIS ET ITALIEN
DE RPRESSION DES ABUS DE MARCH
Les aspects critiques des socits au capitalisme dvelopp ne concernent plus le
patrimoine entendu dans un sens statique, mais bien les conduites structures et
complexes relatives lacquisition, la gestion et la circulation de la richesse. Dans
celles-ci, rsident les agressions les plus insidieuses pour lconomie interne et
internationale et pour la stabilit mme des bases dmocratiques de la vie
sociale []. 1
1 Texte original : Le dimensioni critiche della societ a capitalismo avanzato non concernono pi il
patrimonio staticamente inteso, bens le condotte articolate e complesse riguardanti lacquisizione, la
gestione e la circolazione della ricchezza. L si annidano le agressioni pi insidiose per leconomia
interna e internazionale e per la stessa stabilit degli assetti democratici del vivere sociale []. , in Enrico
Mario AMBROSETTI, Enrico MEZZETTI, Mauro RONCO, Diritto penale dellimpresa, Torino, Zanichelli, 3nda ed.,
2012, p. 26.
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328. Linformation financire comme objet des abus de march : Comme cela a t
dmontr tout au long de la premire partie, lobjectif de linformation financire
consiste assurer un fonctionnement transparent et efficace des marchs financiers,
afin de permettre aux divers oprateurs dagir dans des conditions quitables et de les
mettre en mesure dapprcier lopportunit deffectuer ou non une transaction
boursire. Il a galement t expliqu que linformation financire visait protger
avant tout lintrt de linvestissement, et non pas la somme des intrts des
investisseurs. Le fonctionnement efficace des marchs financiers, bas sur une
formation des prix en fonction de la loi de loffre et de la demande, et de lincorporation
des donnes diffuses dans le cours des instruments financiers, correspond galement
la valeur juridique protge par la diffusion dinformations fausses ou trompeuses et la
manipulation de march2, deux des infractions boursires les plus graves. De mme,
laccessibilit de lensemble des renseignements sur les metteurs ou leurs instruments
financiers par la communaut des investisseurs, et par consquent lefficience
informationnelle entendue comme le fait que toute linformation disponible est intgre
dans le cours des instruments financiers, reprsentent la valeur juridique protge par
lutilisation illicite dinformations privilgies3.
Plus gnralement, cest lordre public conomique que le lgislateur cherche
prserver en incriminant les abus de march. Dailleurs, linstitution dinfractions
boursires dans ce but ne constitue pas une spcificit europenne. De nombreuses
lgislations dans dautres parties du monde ont procd de faon analogue4. Les
2 Ce point sera dvelopp de faon plus dtaille ultrieurement. Nanmoins, v. pour exemple, Ciro
SANTORIELLO, Il nuovo diritto penale delle societ. Le previsioni sanzionatorie fra vecchia e nuova disciplina.
Delle societ di capitali e delle cooperative, Torino, UTET, 2003, pp. 320-322 ; Enzo MUSCO, Le frodi sul
mercato dei valori mobiliari , in Giovanni Emanuele COLOMBO, Giuseppe Benedetto PORTALE, Trattato delle
societ per azioni. Vol. 9.1 Profili internazionalprivatistici e profili penalistici, Torino, UTET, 1994, pp. 345-
346 ; Astolfo DI AMATO, Gli abusi di mercato , in (a cura di) Astolfo DI AMATO, Trattato di diritto penale
dellimpresa, vol. IX, I reati del mercato finanziari, Padova, CEDAM, 2007, p. 90. 3 Astolfo DI AMATO, Gli abusi di mercato , in (a cura di) Astolfo DI AMATO, Trattato di diritto penale
dellimpresa, vol. IX, I reati del mercato finanziari, Padova, CEDAM, 2007, p. 90 ; Enzo MUSCO, Le frodi sul
mercato dei valori mobiliari , in Giovanni Emanuele COLOMBO, Giuseppe Benedetto PORTALE, Trattato delle
societ per azioni. Vol. 9.1 Profili internazionalprivatistici e profili penalistici, Torino, UTET, 1994, pp. 345-
346. 4 titre dexemples, il est possible de citer pour les tats-Unis, l Insider Trading Sanctions Act de 1984
et l Insider Trading and Securities Fraud Enforcement Act de 1988 ou encore larticle 18-A de la loi
syrienne n 22 du 19 juin 2005 qui punit lutilisation et la communciation dinformations privilgies et la
diffusion dinformations fausses ou trompeuses (cf. Mohamad MOHYEDDIN, Les procdures appliques la
rpression des infractions boursires. Une tude compare en droit franais et syrien, 2011, spc. pp. 34 s.).
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dispositions prises en la matire visent donner toute personne la possibilit
dinvestir ou dpargner par le biais des produits financiers en toute connaissance de
cause, pour renforcer la stabilit du systme conomique et financier. Sur ce point,
Alstofo DI AMATO estime que Dans une perspective de protection [opre] par
lintgralit du droit pnal des marchs financiers, protection directement centre
sur linvestisseur individuel ou sur la collectivit des investisseurs, il pourrait tre
ajout une autre [perspective] nettement caractrise par sa nature publique,
destine mettre en avant lpargne dans sa conception dynamique, comme
composante du processus de dveloppement conomique et qui, ainsi, pourrait
correspondre lintrt dune meilleure rpartition de la richesse et lintrt dune
structure conomique plus robuste 5. De leur ct, certains auteurs europens
affirment que Pendant longtemps mconnu comme vritable branche du droit
pnal des affaires, le droit pnal de la bourse, alors, non seulement existe, mais
parat devoir se dvelopper et sarticuler toujours plus, rpondant une exigence,
dailleurs reconnue, bien quavec quelques critiques, lgard dautres domaines du
droit pnal des affaires, de protection de lconomie contre la criminalit pouvant
mettre en chec les fondements mmes de lconomie librale 6. De mme, Marie-
Paule LUCAS DE LEYSSAC et Alexis MIHMAN considrent que le dlit diniti, cest--dire
lutilisation ou la communication illicite dune information privilgie, tend protger
de faon gnrale lordre public boursier 7. La protection de lordre conomique par
les infractions constitutives dabus de march est galement reconnue par la
jurisprudence constitutionnelle italienne et franaise8, ainsi que par la jurisprudence de
5 Texte original : A questa prospettiva di tutela dellintero diritto penale del mercato finanziario, che fa
pi direttamente perno sul singolo o sulla collettivit dei risparmiatori, se ne potrebbe affiancare
unaltra di carattere pi marcatamente pubblicistico, rivolta a porre in risalto il risparmio nella sua
accezione dinamica, come componente del processo di sviluppo economico e, quindi, identificatesi con
linteresse ad una migliore allocazione della ricchezza e con linteresse ad una pi robusta struttura
economica , in Astolfo DI AMATO, Gli abusi di mercato , in (a cura di) Astolfo DI AMATO, Trattato di diritto
penale dellimpresa, vol. IX, I reati del mercato finanziari, Padova, CEDAM, 2007, p. 90. 6 Luis ARRAYO ZAPATERO, Valentine BCK, Guido CASAROLI et autres, Droit pnal des affaires en Europe, sous la
direction de Genevive GIUDICELLI-DELAGE, d. P.U.F., Coll. Thmis droit , 2006, p. 363. 7 Marie-Paule LUCAS DE LEYSSAC, Alexis MIHMAN, Droit pnal des affaires, Economica, 2009, p. 442. 8 Cf. pour la France, Cons. const., dc. n 2014-453/454 et 2014/462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et
autres (Cumul des poursuites pour dlit diniti et des poursuites pour manquement diniti), AJDA 23
mars 2015, n 10, p. 553 ; D. act. 20 mars 2015, note Jrme LASSERRE-CAPDEVILLE ; D. 23 avr. 2015, n 15,
pp. 874-875, obs. Olivier DECIMA ; ibid. pp. 894-897, obs. Anne-Valrie LE FUR, Dominique SCHMIDT ; JCP E
26 mars 2015, n 13, act. 243 ; ibid. 2 avr. 2015, n 14, act. 267 ; Dr. pn. 4 avr. 2015, n 4, comm. 56,
Florence CREUX THOMAS ; RLDA juin 2015, n 105, obs. Frdric STASIAK ; JCP G 30 mars 2015, n 13,
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la Cour de justice de lUnion europenne qui a rcemment affirm que la lutte contre les
abus de march a pour finalit dassurer lintgrit des marchs financiers de
lUnion europenne et de renforcer la confiance des investisseurs en ces marchs,
confiance qui repose, notamment, sur le fait quils seront placs sur un pied
dgalit et protgs contre lutilisation illicite dinformations privilgies 9.
Linformation financire constitue donc le moyen datteindre un fonctionnement
transparent et efficace des marchs, lequel correspond galement la valeur sociale
directement protge par les normes rprimant les abus de march, en vue dune
prservation globale de lordre conomique.
329. La rpression originelle des oprations dinitis en droit communautaire :
limage de ce qui pouvait tre observ en matire dinformation financire, les
dispositions rgissant la sanction des abus de march sont galement le fruit dune lente
harmonisation impulse lorigine par la Communaut europenne et continue, par la
suite, par les instances de lUnion europenne. Le premier texte adopt correspond la
directive n 89/592/CEE du 13 novembre 198910, qui a interdit lutilisation et la
communication dinformations privilgies, ainsi que la recommandation de raliser une
transaction boursire sur le fondement de telles donnes. Les autorits europennes
taient parties du constat selon lequel le fonctionnement efficace des marchs financiers
rsulte de la confiance que les investisseurs accordent ces derniers11 ; or, elles
faisaient observer que cette confiance repose, entre autres, sur la garantie donne aux
investisseurs quils sont placs sur un pied dgalit et quils seront protgs contre
lutilisation illicite de linformation privilgie 12 et que les oprations dinitis, en raison
du fait quelles apportent des avantages certains investisseurs par rapport aux autres,
sont de nature remettre en question cette confiance et peuvent de ce fait porter atteinte
au bon fonctionnement des marchs financiers 13. Ainsi, il ntait pas suffisant pour les
comm. 368, Frdric SUDRE ; ibid., comm. 369, Jacques-Henri ROBERT) et pour lItalie, Corte cost., 20 maggio
1976, n. 123, Foro it. 1976, n I, comm. 2081. 9 Mis en gas par nous. C.J.U.E., 2nde ch., 11 mars 2015, aff. C-628/13, Lafonta c. Autorit des marchs
financiers, spc. 21 ; Rev. sc. crim. 6 aot 2015, n 2, pp. 358-359, obs. Frdric STASIAK ; Banque et droit
mars-avr. 2015, n 160, p. 41, chron. Frida MEKOUI. 10 Directive n 89/592/CEE du Conseil du 13 nov. 1989 concernant la coordination des rglementations
relatives aux oprations dinitis, J.O.C.E. L 334 du 18 nov. 1989, pp. 30-32. 11 Considrant n 4 de la directive n 89/592/CEE du 13 nov. 1989. 12 Considrant n 5 de la mme directive. 13 Considrant n 6 de la mme directive.
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autorits europennes dassurer une diffusion de linformation susceptible dliminer les
disparits existant naturellement sur les marchs financiers ; il fallait galement
protger le public, et plus gnralement linvestissement dans les instruments
financiers, par linstitution dincriminations sanctionnant lutilisation ou la
communication illicite des donnes sensibles. Cependant, le cadre initial pos par la
Communaut europenne sest vite rvl fragmentaire du fait de lexistence dautres
infractions boursires trs graves, telles que la diffusion dinformations fausses ou
trompeuses et les manipulations des cours restes impunies dans de nombreux pays.
330. Linfluence croissante de lharmonisation en matire de sanction des abus de
march : Cesare PEDRAZZI, Luigi FOFFANI et dautres auteurs expliquaient que [...] Dans
les annes 1990 encore, la doctrine pnaliste, en se plaignant de lactivit lgislative
frntique en la matire et des discordances, lacunes et contradictions conscutives,
observait que lexpression droit pnal des marchs financiers tait seulement une
formule de complaisance utilise pour dsigner un systme normatif extrmement
htrogne 14. La directive n 2003/6/CE dite abus de march du 28 janvier 200315,
second texte adopt en la matire, tait destine largir la rpression europenne des
14 Texte original : [] ancora alla meta degli ani 90 la dottrina penalistica, lamentando la frenetica
attivit legislativa nel settore in esame e le conseguenti disarmonie, lacune e contraddizioni, osservava
come lespressione diritto penale del mercato finanziario fosse solo una formula di comodo utilizzata
per designare un sistema normativo estremamente disomogeneo , in Cesare PEDRAZZI, Alberto ALESSANDRI, Luigi FOFFANI, Sergio SEMINARA, Giuseppe SPAGNOLO, Manuale di diritto penale dellimpresa, Monduzzi
Editore, Bologna, 2nda ed. aggiornata, 2000, p. 524.
Ils expliquaient galement que La situation europenne actuelle montre que le droit des socits a
dj atteint un haut degr dharmonisation, qui nest cependant pas accompagn de la mme
homognit sur le versant de la rpression (administrative et pnale). Un rapprochement des
lgislations europennes y compris sur ce terrain est donc plus que jamais souhaitable, et nous
devons nous attendre un intrt croissant des instances communautaires pour ces aspects pnaux
qui sils devaient rester aussi divergents quils ne le sont aujourdhui entre les divers ordres
juridiques nationaux pourraient conduire un facteur dangereux de distorsion de la concurrence,
au lieu de constituer un outil de protection des intrts en jeu ; texte original : La situazione
attuale vede in Europa un diritto societario che gi ha raggiunto un alto grado di armonizzazione, non
accompagnato per da altrettanta omogeneit sul versante sanzionatorio (penale e amministrativo). Un
ravvicinamente delle legislazioni europee anche su questo terreno dunque quanto mai auspicabile, e vi
da attendersi un crescente interessamento delle istituzioni comunitarie per quei profili penali che se
dovessero rimanere cos discrepanti come oggi fra i diversi ordinamenti nazionali potrebbero risolversi,
anzich in uno strumento di tutela degli interessi in gioco, in un pericoloso fattore di distorsione della
concorrenza , op. cit., p. 218. 15 Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les oprations
dinitis et les manipulations de march (abus de march), J.O.U.E. L 96 du 12 avr. 2003, pp. 1625.
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infractions boursires en incluant les manipulations de march et en imposant la mise
en place de sanctions administratives. cette poque, il avait t constat que Le cadre
lgal communautaire existant visant protger l'intgrit du march est incomplet. Les
obligations lgales varient d'un tat membre l'autre, ce qui laisse souvent les oprateurs
conomiques dans l'incertitude quant aux concepts, aux dfinitions et leur application.
Certains tats membres ne disposent d'aucune lgislation couvrant les questions de
manipulation de cours et de diffusion d'informations trompeuses 16. Cest pourquoi cette
directive a t mise en uvre : elle a impos une rpression de nature administrative,
sans prjudice des sanctions pnales qui pouvaient exister dans les tats membres. Son
objectif tait de donner ces derniers un cadre lgal minimal comprenant la dfinition
de certains termes caractristiques des abus de march (tels que les notions d
instrument financier , d information privilgie ), la description des
comportements concerns par la rpression, ainsi que les causes dexemption. La
directive noffrait aucun quantum de sanction, mais elle estimait que pour que lintgrit
des marchs communautaires soit assure, les mesures institues par les tats membres
devaient tre effectives, proportionnes et dissuasives 17.
331. La mise en conformit des droits franais et italien la directive abus de
march du 28 janvier 2003 : Globalement, la France et lItalie ont respect les
exigences communautaires et ont adopt des dfinitions similaires pour les abus de
march et pour linformation privilgie. Par ailleurs, la directive communautaire
nayant donn aucune indication sur larticulation des sanctions administratives dont la
cration venait dtre impose et les sanctions pnales dj existantes, les deux pays ont
conserv le double systme de rpression rparti entre les juges pnaux qui connaissent
des diffrents dlits et les autorits administratives indpendantes, savoir lAutorit
des marchs financiers et la Consob, comptentes pour les manquements
correspondants. Ce systme ancien, puisque consacr en 1989 en France et en 1985 en
Italie, ne pouvait rellement satisfaire ni les justiciables, ni les juristes puisquil pouvait
donner lieu un cumul de poursuites administratives et pnales, susceptible
dengendrer le prononc de sanctions de mmes natures, toutes deux caractrises par
leur svrit. Par ailleurs, les sanctions adoptes par les deux tats se sont avres
16 Considrant n 11 de la directive n 2003/6/CE du 28 janv. 2003. 17 Art. 14 de la mme directive.
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identiques dans leur nature : il sagit de lamende et de la peine privative de libert pour
la matire pnale, et de la sanction administrative pcuniaire pour les manquements.
Cest pourquoi, il est possible de parler de convergence partielle des lgislations.
Cependant, lharmonisation entre les deux pays est loin dtre acheve puisquil existe
encore de grandes disparits. En premier lieu, la rpression italienne va au-del des
limites de la rpression franaise, puisquelle ne se cantonne pas aux instruments
financiers ngocis sur un march rglement ou sur un systme multilatral de
ngociation, mais stend aux instruments financiers non cots et changs sur les
marchs non rglements. En deuxime lieu, mme si les sanctions mises en place sont
des sanctions pcuniaires et des peines privatives de libert, il nen reste pas moins que
leurs quanta divergent amplement. En outre, dans les deux pays, la conformit au
principe de ncessit des peines de ces sanctions pnales et sanctions administratives
pcuniaires peut tre mise en doute. Ainsi, lharmonisation observable en matire de
rpression des abus de march est loin dapprocher celle qui existe en matire de
prvention des mmes infractions ralise par linformation financire.
332. Une convergence partielle des lgislations susceptible dtre explique par
lattachement des tats au droit de punir : En cas datteinte lordre public, la
possibilit dinfliger une sanction lauteur du comportement illicite relve de la
comptence exclusive de ltat, depuis lAncien rgime o la mise en place de la justice
retenue exerce par le roi, sest substitue peu peu au systme de vengeance prive qui
existait au Moyen ge. Depuis la Rvolution franaise et lentre en vigueur conscutive
du Code pnal et du Code de procdure pnale, les seules institutions susceptibles de
prononcer des sanctions pnales lencontre des auteurs dinfractions sont les
juridictions, et notamment les juridictions rpressives. La justice est exerce au nom de
ltat, qui lui seul est en mesure de rprimer les comportements illgaux. Quand bien
mme les systmes de rpression para-pnaux se sont dvelopps, comme cest le cas en
matire de concurrence, en matire fiscale ou encore dans le domaine du droit boursier,
les sanctions distribues restent lapanage de ltat, dont manent les autorits
administratives qui les appliquent. Il convient cependant de temprer cette ultime
affirmation relative aux sanctions administratives, comme le souligne Massimiliano
DOVA : Depuis longtemps dsormais, nous avons pris conscience de limpact que les
sources, mais galement la jurisprudence communautaire, exercent sur les ordres
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juridiques nationaux. Cet impact ne se limite plus de simples domaines normatifs,
mais concerne aussi des secteurs qui semblaient les plus rfractaires un processus
progressif dharmonisation. Si le droit pnal demeure toujours un systme
fortement li la dimension nationale, malgr la prsence dune influence
supranationale toujours plus pntrante, le droit punitif administratif a reprsent
le terrain privilgi pour mettre en uvre un processus dharmonisation des
sanctions, qui a pos une base minimale commune pour la protection des intrts de
rang communautaire 18.
Nanmoins, relativement au droit pnal, les valeurs sociales protges par les
infractions rprimes refltent les murs dune socit un moment donn, et par
consquent, sont intimement lies aux coutumes de ltat sur le territoire duquel elles
sont en vigueur. Lautorit lgislative a comptence pour dfinir les comportements
quelle choisit dincriminer, donc les biens ou valeurs quelle estime dignes dune
protection pnale. De ce fait, lhistoire, la tradition juridique et les murs dun pays
influent ncessairement sur sa politique criminelle. Cest pourquoi, bien que des valeurs
communes se dgagent au sein dune mme rgion, voire au niveau mondial, les tats
veulent conserver le pouvoir dont il dispose en matire pnale. Ainsi, si au sein de la
Communaut europenne puis de lUnion europenne, la volont de crer des
infractions identiques traduit un souhait unanime ou bien majoritaire des tats
membres de lutter contre certaines conduites illicites, la svrit avec laquelle ils
dsirent les sanctionner peut encore savrer bien diffrente selon les pays.
333. Le cas spcifique de la matire conomique et financire au sein de lUnion
europenne : Il convient de rappeler ici que la mondialisation de lconomie a accru la
concurrence qui pouvait exister entre les diffrentes places boursires, du fait de la
18 Texte original : Da lungo tempo , infatti, ormai maturata la consapevolezza circa linevitabile
impatto che non solo le fonti, ma anche la giurisprudenza comunitaria esercitano sugli ordinamenti
nazionali. Un impatto che non si limita pi a singoli ambiti normativi, ma coinvolge anche i settori che
sembravano pi refrattari ad un processo di graduale armonizzazione sovranazionale. Se il diritto
penale rimane ancora, pur in presenza di un sempre pi penetrante influsso di matrice ultrastatuale, un
sistema fortemente legato alla dimensione nazionale, il diritto punitivo amministrativo, specie in
materia economica, ha costituito il terreno privilegiato, nel quale realizzare un processo di
armonizzazione sanzionatoria, che ponesse un presidio minimo comune per la tutela degli interessi di
rilievo comunitario , in Massimiliano DOVA, Gli illeciti amministrativi nel codice civile, nel testo unico
bancario e nel testo unico della finanza , in Alberto ALESSANDRI (A cura di) , Reati in materia economica,
Torino Giappichelli editore, 2012, p. 243.
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circulation transnationale des titres financiers et de la multicotation qui peut
caractriser les socits. Par ailleurs, au sein de lUnion europenne, la volont dune
unit conomique toujours plus forte par la cration dun march unique europen a
incit les tats membres harmoniser leurs lgislations en matire de droit des socits
et de droit des marchs financiers ; cest pourquoi, les normes rgissant la transparence
et linformation financire sont trs proches en France et en Italie.
Cependant, comme cela a t voqu prcdemment19, bien que la rpression des abus
de march participe de la protection des investisseurs et de la prservation de lintgrit
des marchs, elle constitue lun des domaines de la politique pnale et de ce fait, les
diffrents pays ne sont pas tous enclins renoncer toute comptence propre, en
abandonnant leur souverainet au profit de la seule Union europenne, et ne plus
disposer daucune marge de manuvre quant aux sanctions infliger en cas de
commission dinfractions boursires. Toutefois, cette situation volue tant par le
dveloppement dj ancien maintenant des systmes de rpression administrative
que par lattribution rcente lUnion europenne de comptences pnales directes.
334. Les transformations opres par le Trait de Lisbonne en matire pnale au
sein de lUnion europenne : Lensemble des dispositions prises dans ce domaine par
les tats membres, sous lempire du Trait de Maastricht20, tait adopte sur le
fondement du troisime pilier de la Communaut europenne consacr la
coopration policiaire et judiciaire en matire pnale21. Larticle 29, alinas 1 et 2 de ce
texte disposait que Sans prjudice des comptences de la Communaut europenne,
l'objectif de l'Union est d'offrir aux citoyens un niveau lev de protection dans un espace
de libert, de scurit et de justice, en laborant une action en commun entre les tats
membres dans le domaine de la coopration policire et judiciaire en matire pnale, en
prvenant le racisme et la xnophobie et en luttant contre ces phnomnes. Cet objectif est
atteint par la prvention de la criminalit, organise ou autre, et la lutte contre ce
phnomne, notamment le terrorisme, la traite d'tres humains et les crimes contre des
enfants, le trafic de drogue, le trafic d'armes, la corruption et la fraude [] . Cet
embryon de politique pnale se traduisait le plus souvent par la ralisation dactions
19 Cf. 328, pp. 11-12 des prsents travaux. 20 Trait sur lUnion europenne (dit Trait de Maastricht) du 7 fv. 1992, J.O.C.E. C 191 du 29 juil. 1992,
pp. 1-110, entr en vigueur le 1er nov. 1993. 21 Titre VI du Trait sur lUnion europenne, art. 29 s.
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514
communes, par llaboration de dcisions-cadres et par ladoption de directives et de
rglements.
Nanmoins, lUnion europenne ne disposait pas de comptence propre en matire
pnale. Cet tat de fait ne pouvait conduire une harmonisation maximale des
incriminations et des sanctions existantes au sein de lUnion. Lentre en vigueur du
Trait de Lisbonne22 est venue pallier ces insuffisances : larticle 83 dudit trait dispose
que Lorsque le rapprochement des dispositions lgislatives et rglementaires des tats
membres en matire pnale s'avre indispensable pour assurer la mise en uvre efficace
d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation,
des directives peuvent tablir des rgles minimales relatives la dfinition des infractions
pnales et des sanctions dans le domaine concern. Ces directives sont adoptes selon une
procdure lgislative ordinaire ou spciale identique celle utilise pour l'adoption des
mesures d'harmonisation en question, sans prjudice de l'article 76 .
335. Les textes du 16 avril 2014 en matire dabus de march pris sur le
fondement de larticle 83, 2. du Trait de Lisbonne : Au vu des brches remarques
au sein des diffrents ordres juridiques nationaux relativement la sanction des
infractions boursires et tant donn lobjectif de dveloppement du march unique et
du renforcement de la confiance des investisseurs dans les marchs financiers, lUnion
europenne a adopt le 16 avril 2014 les premires normes sur le fondement de sa
comptence pnale : il sagit de la directive n 2014/57/UE23 et du rglement (UE)
n 596/201424 relatifs aux sanctions applicables aux abus de march. Ces textes
marquent un retour la prvalence des sanctions pnales sur les sanctions
administratives, puisque les amliorations apportes par la directive n 2003/6/CE du
28 janvier 2003 navaient pas permis deffacer toutes les distorsions qui existaient avant
22 Trait de Lisbonne modifiant le Trait sur lUnion europenne, et le Trait instituant la Communaut
europenne, 13 dcembre 2007, J.O.U.E. C 306 du 17 dc. 2007, pp. 1-271. 23 Directive 2014/57/UE du Parlement europen et du Conseil du 16 avr. 2014 relative aux sanctions
pnales applicables aux abus de march (directive relative aux abus de march), J.O.U.E. L 173 du
12 juin 2014, pp. 179-189. 24 Rglement n 596/2014 du Parlement europen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de march
(rglement relatif aux abus de march) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement europen et du
Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, J.O.U.E. L 173 du
12 juin 2014, pp. 1-61.
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515
son entre en vigueur et les mesures punitives de type administratif ont t juges
insuffisantes combattre efficacement la commission dabus de march.
Sur ce point, les instances europennes ont observ que Ladoption de sanctions
administratives par les tats membres sest rvle jusquici insuffisante pour assurer le
respect des rgles relatives la prvention et la lutte contre les abus de march 25, en
particulier parce que les tats membres navaient pas tous mis en place des sanctions
administratives pcuniaires pour les oprations dinitis et les manipulations de
march 26. Par ailleurs, elles regrettent que Les tats membres nont pas tous prvu de
sanctions pnales pour certaines formes de violation grave du droit national mettant en
uvre la directive 2003/6/CE. Les approches diffrentes des Etats membres portent
atteinte luniformit des conditions de fonctionnement dans le march intrieur et
peuvent inciter certaines personnes commettre des abus de march dans les Etats
membres qui ne prvoient pas de sanctions pnales pour ces infractions 27. Les principaux
objectifs de la directive n 2014/57/UE du 16 avril 2014 rsidaient donc dans le
renforcement de la rpression en matire dabus de march par linstitution de
sanctions pnales, mais aussi et surtout, dans la consolidation de lharmonisation en la
matire afin dviter que certains oprateurs malveillants procdent de telles
infractions au sein de territoires o la lgislation est plus complaisante, et ceci, toujours
dans le but de dvelopper le march unique europen et den assurer lefficacit.
Laggravation de la rpression des infractions boursires ne sest pas seulement
manifeste au travers de lexigence de sanctions pnales en remplacement des sanctions
administratives, du moins pour certaines infractions ; elle sest aussi traduite par un
largissement du domaine dapplication des normes dincrimination.
336. Lextension du champ dapplication de la rpression des abus de march :
Lors du bilan effectu pour valuer lefficacit de la directive n 2003/6/CE du 28
janvier 2003, lUnion europenne a constat que son champ dapplication se
concentrait sur les instruments financiers admis la ngociation sur un march
rglement ou pour lesquels une demande dadmission la ngociation sur un tel march
avait t prsente , la ngociation dinstruments financiers sur des systmes
25 Considrant n 5 de la directive n 2014/57/UE du 16 avr. 2014. 26 Considrant n 4 de la directive prcite. 27 Considrant n 7 de la mme directive.
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multilatraux de ngociation (MTF) a pris de plus en plus dimportance 28. Cest
pourquoi, dsormais, les oprations diniti et les manipulations de march peuvent tre
galement rprimes lorsquelles sont ralises sur ce type de plateforme de
ngociation. Ainsi, sont aujourdhui concerns les plateformes denchres agres en
tant que march rglement de quotas dmission ou dautres produits mis aux enchres
qui sont bass sur ces derniers 29, les contrats aux comptant sur matires premires qui
ne sont pas des produits nergtiques de gros 30, les types dinstruments financiers, y
compris les contrats drivs ou les instruments financiers drivs servant au transfert du
risque de crdit, pour lesquels la transaction, lordre, loffre ou le comportement a un effet
sur le cours ou la valeur dpendent du cours ou de la valeur de ces instruments
financiers 31, les comportement lis aux indices de rfrence 32, mais galement toute
transaction, ordre ou comportement concernant tout instrument financier 33 peine
mentionn.
337. Les victimes dinfractions boursires oublies de la lgislation europenne :
Quil sagisse de la directive du 2003/6/CE du 28 janvier 2003 ou des deux textes du
16 avril 2014, les victimes dabus de march ne sont jamais mentionnes. Aucune
disposition ne prcise les conditions de recevabilit dune ventuelle constitution de
partie civile, et par consquent, encore moins la nature des prjudices indemnisables et
selon quelles modalits. Il nest pas non plus indiqu si, le cas chant, les associations
de dfense des actionnaires ou des investisseurs pourraient tre admises demander
rparation en cas de commission doprations diniti ou de manipulations de march.
Cette lacune persistante est regrettable, puisque laction civile de ces victimes, si elle
voyait ses conditions prcisment dfinies, contribuerait largement la lutte contre les
abus de march du fait de la crainte par les auteurs potentiels des dommages-intrts
faramineux quils pourraient tre condamns verser en cas de caractrisation de
linfraction et dun prjudice en dcoulant.
28 Considrant n 8 du rglement (UE) n 596/2014 du 16 avr. 2014. 29 Art. 1er, 2) de la directive n 2014/57/UE et art. 2, 1), al. 2 du rglement (UE) n 596/2014 du
16 avr. 2014. 30 Art. 1er, 4), a) de la mme directive et art. 1er, 2), a) du mme rglement. 31 Art. 1er, 4), b) de la directive et art. 1er, 2), b) du rglement. 32 Art. 1er, 4), c) de la directive et art. 1er, 2), c) du rglement. 33 Art. 1er, 5) de la directive et art. 1er, 5) du rglement.
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517
En labsence dindication sur ce point, les juridictions des tats membres de lUnion
europenne ont construit eux-mmes le rgime dindemnisation des victimes
dinfractions boursires, de faon chaotique, sans disposition lgislative posant les
principes directeurs dans ce domaine. Par consquent, cest un rgime jurisprudentiel,
tant en France quen Italie, qui a vu le jour relativement la rparation des prjudices
drivant dinfractions boursires. Les rgles prtoriennes dgages par les magistrats
ont longtemps t incertaines et demeures compliques mettre en uvre, du fait des
difficults qui surviennent lors de lvaluation des consquences dommageables des
infractions boursires sur les marchs financiers, et plus prcisment de leur influence
sur lvolution du cours des instruments qui sont changs. Ainsi, les conditions
dindemnisation des victimes dabus de march doivent tre clarifies ; mais le rgime
de sanction de ces infractions doit galement tre repens.
338. Les cumuls franais et italien des rpressions administrative et pnale : Les
abus de march prsentent un double aspect : en premier lieu, ils peuvent constituer des
dlits pnaux sanctionns par les juridictions rpressives ; en second lieu, ils sont
susceptibles de caractriser des manquements administratifs qui relvent de la
comptence des autorits de surveillance des marchs, que sont la Consob et lAutorit
des marchs financiers. Il existe trois catgories dinfractions boursires principales : les
abus dinformation privilgie, les diffusions dinformations fausses ou trompeuses et
les manipulations de cours, ces deux formes de conduite tant dsignes tant au sein de
la lgislation europenne que dans lordre juridique italien par une mme dnomination,
savoir les manipulations de march. Or, quil sagisse du versant pnal ou du versant
administratif de ces comportements, les lments qui les constituent sont trs
ressemblants voire identiques, ce qui conduit sanctionner de deux manires
diffrentes les mmes faits. Par ailleurs, les sanctions administratives susceptibles dtre
prononces dans ces hypothses se rvlent au moins aussi svres, voire plus leves
que les peines que peuvent prononcer les juridictions rpressives. Pourtant, en France
comme en Italie, les deux types de poursuites, administratives et pnales, pouvaient tre
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518
engags et donner lieu un cumul de sanctions de mmes natures, et ce, jusqu i ly a
peu de temps encore34.
339. La rcente remise en cause europenne du double systme de rpression des
abus de march : Nanmoins, la gravit des sanctions administratives pouvant tre
infliges aux auteurs dabus de march a incit la Cour europenne des droits de
lhomme35 et la Cour de justice de lUnion europenne36 leur reconnatre une
coloration pnale, et par consquent, les assimiler aux peines prononces par les
juridictions rpressives. Ds lors, ce critre de svrit les a conduites reconnatre une
violation du principe non bis in idem (ou plutt le risque dune telle violation pour la
seconde de ces deux juridictions lorsque les sanctions administratives revtent une
coloration pnale), principe selon lequel un mme individu ne peut tre poursuivi
plusieurs fois pour des faits matriels substantiellement identiques. De ce fait, les juges
nationaux ont d revoir leur position et mettre un terme cette possibilit de cumul des
poursuites administratives et pnales, susceptible dengendrer un cumul de sanctions de
mmes natures. En France, cest le Conseil constitutionnel qui a pos linterdiction de la
double rpression, par une dcision du 18 mars 2015 dans laquelle il a galement
abrog le dlit diniti37. En Italie, la fin de lanne 201338 la premire section
34 V. pour un exemple franais : Crim., 22 janv. 2014, n 12-83.579, D. 6 fv. 2014, n 5, p. 274 ; ibid. 6 mars
2014, n 9, p. 600, N. RONTCHEVSKY ; JCP 3 fv. 2014, n 5, 131 ; D. act., 6 fvr. 2014, obs. S. FUCINI ; Dr. pn.
avr. 2014, n 4, tude 6, L. DE GRAEVE ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, obs. F. STASIAK, p. 106.
V. pour un exemple italien : Trib. Torino, sez. I, 18 marzo 2011, Gabetti e al. ; Riv. dottori comm. luglio-sett.
2011, n. 3, pp. 679-681, nota Gianmaria CHIARAVIGLIO (pp. 681-696) ; Cass. pen. ott. 2011, vol. LI, n. 10,
giurisprudenza di merito 1195, pp. 3565-3583, nota Ester MOLINARO, pp. 3584-3594. 35 CourE.D.H., 4 mars 2014, req nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et 18698/10, Grande
Stevens et autres c. Italie ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, p. 106, obs. Frdric STASIAK ; RJEP nov. 2014,
n 724, comm. 48, Gabriel ECKERT. 36 C.J.U.E., gde ch., 26 fv. 2013, n C-617/10, klagaren c. Hans kerberg Fransson : la dcision portait sur
un cumul de sanctions fiscale et pnale. 37 Cons. const., dc. n 2014-453/454 et 2014/462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et autres (Cumul des
poursuites pour dlit diniti et des poursuites pour manquement diniti), AJDA 23 mars 2015, n 10,
p. 553 ; D. act. 20 mars 2015, note Jrme LASSERRE-CAPDEVILLE ; D. 23 avr. 2015, n 15, pp. 874-875, obs.
Olivier DECIMA ; ibid. pp. 894-897, obs. Anne-Valrie LE FUR, Dominique SCHMIDT ; JCP E 26 mars 2015,
n 13, act. 243 ; ibid. 2 avr. 2015, n 14, act. 267 ; Dr. pn. 4 avr. 2015, n 4, comm. 56, Florence CREUX
THOMAS ; RLDA juin 2015, n 105, obs. Frdric STASIAK ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 368, Frdric
SUDRE ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 369, Jacques-Henri ROBERT. 38 Cass. pen. sez. I, 17 dic. 2013, dep. 4 maggio 2015, n. 19915, Grande Stevens ed altri : il sagit de la
dernire dcision rendue en Italie dans laffaire Grande Stevens, ayant donn lieu la dcision de la Cour
europenne des droits de lhomme le 4 mars 2014 (req nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et
18698/10, Grande Stevens et autres c. Italie ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, p. 106, obs. Frdric STASIAK ;
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519
criminelle de la Cour de cassation avait cart les requtes dillgitimit
constitutionnelle proposes en expliquant que lapplication de larticle 649 du Code de
procdure pnale, relatif au principe non bis in idem suppose un premier jugement
pnal de condamnation ou de relaxe, ou bien un dcret pnal pris dans le cadre de la
procdure spciale de poursuite par dcret, catgorie laquelle nappartiennent pas les
dcisions prises par la Consob ; par ailleurs, elle a ajout par rfrence la dcision
klagaren contre Fransson du 26 fvrier 2013 que le cumul navait pas t dclar en lui-
mme contraire larticle 50 de la Charte des droits fondamentaux de lUnion
europenne par la Cour de justice. Cependant, suite la dcision de la Cour europenne
des droits de lhomme du 4 mars 2014, la cinquime section pnale de la mme
juridiction a dclar pertinentes et manifestement pas mal fondes les requtes
dillgitimit constitutionnelle39 relatives larticle 649 du Code de procdure pnale
italien, qui pose le principe ne bis in idem , et larticle 187-bis du texte unique en
matire dintermdiation financire, concernant les abus dinformations privilgies
dans leur versant administratif. Les requrants proposent une lecture de cette
disposition qui engendrerait sa transformation, en passant du cumul actuel des
poursuites administrative et pnale40 une mise en uvre subsidiaire de la procdure
administrative de sanction41.
Au vu de ces transformations jurisprudentielles, il convient prsent que dans les deux
tats le lgislateur intervienne afin de de rpartir clairement les comptences entre les
autorits administratives indpendantes que sont la Consob et lAutorit des marchs
financiers et les juges rpressifs. Cependant, une telle distribution ne sannonce pas sans
difficult car la question de la lgitimit de lintervention du droit pnal en matire
dabus de march sest pose, et parce que la rpression para-pnale noffrirait pas les
mmes garanties processuelles que celles qui existent en droit pnal. Divers critres tels
que lintentionnalit du comportement ou linstitution dun seuil qui dlimiterait la
frontire entre dlit pnal et manquements administratifs ont t proposs pour
RJEP nov. 2014, n 724, comm. 48, Gabriel ECKERT), dans laquelle cette dernire a conclu une violation de
larticle 4 du protocole additionnel n 7 la Convention, qui consacre le principe non bis in idem , par le
cumul des poursuites administratives et pnales en matire boursire. 39 Cass. pen. sez. V, 10 nov. 2014, n. 1782, C.C.R. 40 Texte original : Salvo le sanzioni penali quando il fatto costituisce reato (incise de larticle 187-bis,
TUF dans sa version actuelle). 41 Texte original Salvo che il fatto costituisca reato (version de lincise de larticle 187-bis, TUF propose
par les requrants).
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attribuer chaque autorit des comptences, et la suppression de lune des deux voies
de rpression a galement t propose42.
Ainsi, il convient dans cette partie dtudier les dfinitions des infractions pnales et des
manquements administratifs constitutifs dabus de march en dterminant si la
rpression possde oui ou non le mme champ dapplication dans le droit de lUnion
europenne et dans les ordres juridiques franais et italien. De mme, lexamen des
dispositions concernes permettra de dmontrer les nombreuses imprcisions et
incohrences qui caractrisent les textes dcrivant les dlits, contraventions et
manquements administratifs (Titre 1). Dans un second temps, il parat ncessaire
danalyser lorganisation des systmes franais et italiens de rpression des abus de
march, sans oublier ltude des modalits dindemnisation des victimes de telles
infractions, ce qui permettra dinsister sur les distorsions existant au sein des deux
lgislations en dmontrant, de ce fait, le caractre inachev de lharmonisation en la
matire. Il est galement pertinent de mettre en relief les imperfections de la structure
dualiste remise en cause pour proposer une nouvelle rpartition des comptences entre
autorits administratives, juridictions pnales et civiles, susceptibles dtre mises en
uvre dans les deux pays (Titre 2).
42 Les difficults lies la rpartition des comptences entre juges rpressifs et autorits administratives,
ainsi que les solutions envisages pour les rsoudre seront tudies au sein du second titre.
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TITRE 1 LHARMONISATION INCOMPLETE DES DEFINITIONS FRANAISES ET ITALIENNES DES ABUS DE MARCHE
Le contrat social du droit de punir implique donc sa lgalit parfaite. La
rpression du crime, lgalement qualifi, doit tre certaine, uniforme et applique
chacun dans le ressort unifi de lEtat. En outre, elle deviendra universelle, ce qui
internationalise la coopration judiciaire. Les frontires politiques restent au-
dessous des lois, elles ne doivent pas assurer limpunit en bloquant la rpression.
La prvention universelle du crime dpend de cette coopration, car la conviction de
ne pas trouver le moindre coin de terre o les vritables dlits ne soient pas punis serait
un moyen efficace de les prvenir. 43
43 Michel PORRET, Beccaria. Le droit de punir, d. Michalon, Coll. Le bien commun , 2003, p. 49 citant
Cesare BECCARIA, Dei delitti e delle pene, p. 67.
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340. La rpression originelle de la spculation illicite : Si le droit pnal boursier
constitu dinfractions spcifiques destines rprimer les atteintes au fonctionnement
et lintgrit des marchs est n dans les annes 1970, la rpression des premires
formes de spculation illicite est ancienne. Le Code pnal de 1810 contenait quatre
dispositions consacres la sanction de telles conduites, au sein de ces articles 419
422. Toutefois, ntaient concerns par la rpression que les altrations frauduleuses
des cours des denres et marchandises, ainsi que des papiers et effets publics
lexclusion des valeurs mobilires44. Une loi du 3 dcembre 1926 a ajout un article 419-
2 pour inclure ces dernires dans la rpression, mais il fut malheureusement abrog par
larticle 57, alina 1er de lordonnance n 86-1243 relative la libert des prix et de la
concurrence du 1er dcembre 198645.
En Italie, on retrouve des traces de la rpression du dlit dagiotage aux articles 389 et
390 du Code pnal du Royaume de Sardaigne, dit Codice penale albertino cr en
1839, puis au sein de larticle 293 du Code pnal Zanardelli46, du nom du ministre de la
44 Larticle 419 du Code pnal de 1810 disposait que Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux sems
dessein dans le public, par des suroffres faites aux prix que demandaient les vendeurs eux-mmes, par
runions ou coalitions entre les principaux dtenteurs d'une mme marchandise ou denre, tendant ne la
pas vendre, ou ne la vendre qu' un certain prix, ou qui par des voies ou moyens frauduleux quelconques
auront opr la hausse ou la baisse du prix des denres ou marchandises ou des papiers et effets publics au-
dessus ou au-dessous des prix qu'aurait dtermins la concurrence naturelle et libre du commerce, seront
punis d'un emprisonnement d'un mois au moins, d'un an au plus, et d'une amende de cinq cents francs dix
mille francs. Les coupables pourront de plus tre mis, par l'arrt ou le jugement, sous la surveillance de la
haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus . 45 Ordonnance n 86-1243 relative la libert des prix et de la concurrence du 1er dcembre 1986, J.O.R.F.
9 dc. 1986, p. 14773. 46 Larticle 293 du Code pnal Zanardelli disposait que Quiconque, par le biais dune diffusion
dinformations fausses ou dautres moyens frauduleux, produit au sein du march public ou des bourses de
commerce une augmentation ou une diminution des prix des salaires, denres, marchandises ou titres
ngociables sur le march public ou inscrits sur les listes des bourses de commerce, est puni par la rclusion
dune dure de trois trente mois et par une amende dlictuelle de 500 lires 3000 lires.
Si le dlit est commis par un courtier public ou par un agent de change, la peine est la rclusion dune dure
dun cinq ans, linterdiction temporaire daccder la fonction publique, tendue lexercice de la
profession, lamende dlictuelle de plus de mille lires ; texte original : Chiunque, col diffondere false notizie
o con altri mezzi fraudolenti, produce sul pubblico mercato e nelle borse di commercio un aumento o una
diminuzione nei prezzi dei salari, derrate, merci o titoli negoziabili sul pubblico mercato o ammessi nelle liste
di borsa, punito con la reclusione da tre a trenta mesi e con la multa da lire 500 a lire 3000.
Se il delitto sia commesso da pubblici mediatori o da agenti di cambio, la pena della reclusione da uno a
cinque anni, della interdizione temporanea dai pubblici uffici, estesa allesercizio della professione, e della
multa oltre le mille lire . Il est possible de constater au sein de cette disposition que sont dj rprimes
les deux formes actuelles des manipulations de march, savoir la diffusion dinformations fausses et la
manipulation de cours.
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524
Justice sous lautorit duquel il a t promulgu le 30 juin 1889, pour entrer en vigueur
le 1er janvier 1890. Le dlit se trouve aujourdhui au sein dun titre consacr aux dlits
contre lconomie publique 47, larticle 501 du Code pnal Rocco publi par dcret
royal 19 octobre 1930, entr en vigueur le 1er juillet 193148.
341. Lavnement dun droit pnal spcifique aux marchs : Linstitution du dlit
diniti, infraction emblmatique du droit pnal des marchs financiers, et de la diffusion
dinformations fausses ou trompeuses est le rsultat de la loi n 70-1208 du 23
dcembre 197049, laquelle a intgr ces dlits dans lordonnance du 28 septembre
196750 qui avait cr la Commission des oprations de Bourse. En Italie, la mise en place
de la rpression de lagiotage, et donc des conduites destines modifier artificiellement
les cours, a t pour le moins chaotique. Lagiotage bancaire a t cr avec larticle 98
de la loi n 141 du 7 mars 193851, puis complt par lagiotage de larticle 2628 du Code
civil, institu par la loi n 262 du 16 mars 1942 qui a approuv ledit code52, sous la
47 Texte original : Dei delitti contro leconomia pubblica (intitul du Titre VIII art. 499-518 du Livre
second Dei delitti in particolare du Code pnal Rocco de 1930). 48 Regio decereto del 19 ott. 1930, n. 1398, G.U. n. 251 del 26 ott. 1930, pris par le Roi Vittorio Emanuele
III, le chef du gouvernement Benito Mussolini et le ministre de la Justice Alfredo Rocco. Larticle 501 du
Code pnal actuel dispose que Chiunque al fine di turbare il mercato interno dei valori o delle merci,
pubblica o altrimenti divulga notizie false, esagerate o tendenziose o adopera altri artifici atti a cagionare un
aumento o una diminuzione del prezzo delle merci, ovvero dei valori ammessi nelle liste di borsa o negoziabili
nel pubblico mercato, punito con la reclusione fino a tre anni e con la multa da euro 516 a euro 25.822. Se
l'aumento o la diminuzione del prezzo delle merci o dei valori si verifica, le pene sono aumentate.
Le pene sono raddoppiate:
1) se il fatto commesso dal cittadino per favorire interessi stranieri;
2) se dal fatto deriva un deprezzamento della valuta nazionale o dei titoli dello Stato, ovvero il rincaro di
merci di comune o largo consumo.
Le pene stabilite nelle disposizioni precedenti si applicano anche se il fatto commesso all'estero, in danno
della valuta nazionale o di titoli pubblici italiani.
La condanna importa l'interdizione dai pubblici uffici . 49 Loi n 70-1208 du 22 dc. 1970 portant modification de la loi n 66-537 du 24 juil. 1966 sur les socits
commerciales et de lordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de
Bourse et relative linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines
oprations de Bourse, J.O.R.F. du 24 dc. 1970, p. 11891. 50 Ordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de Bourse et relative
linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines oprations de Bourse,
J.O.R.F. du 29 sept., 1967 p. 9589. 51 Legge del 7 marzo 1938, n. 141, conversione in legge, con modificazioni, del regio decreto-legge 12
marzo 1936-XIV, n. 375, contenente disposizioni per la difesa del risparmio e per la disciplina della
funzione creditizia , G.U. n. 375 del 15 marzo 1938, suppl. ordinario n. 61. 52 Regio decreto del 16 marzo 1942, n. 242, Approvazione del testo del Codice civile , G.U. n. 79 del 4
apr. 1942, entrato in vigore il 19 apr. 1942.
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dsignation de Manuvres frauduleuses sur les titres de la socit 53. Lagiotage
bancaire a ensuite t rcrit larticle 138 du dcret lgislatif n 385 du 1er septembre
1993, dit Texte unique sur les lois en matire de banque et de crdit 54. Entre temps,
la loi n 157 du 17 mai 199155 dont lobjectif tait de mettre en conformit le droit
italien avec la directive n 89/592/CEE sur la coordination des lgislations en matire
doprations dinitis56, avait ajout un dlit dagiotage ayant pour objet les instruments
financiers dans son article 5, ainsi que dans ses articles 2 4, les dispositions relatives
au dlit dinsider trading consistant utiliser des informations confidentielles pour
raliser des oprations sur les marchs de valeurs mobilires. A ce moment, nombreuses
sont les critiques adresses aux dispositions relatives au droit des socits cotes.
Salvatore GRILLO dcrivait en 1993 le cadre lgislatif de la faon suivante : Nous
regrettons le dfaut de coordination entre les nouvelles normes pnales et celles qui
se situent dans le code civil et labsence de proportionnalit entre le bien juridique
protg et lintensit de la raction. Nous regrettons galement limplication
minimale du lgislateur dans la recherche dune cohrence acceptable du systme
pnal. Nous regrettons sa dsorganisation et son caractre fragmentaire, son
manque de clart et, selon certains, les peines irrflchies absence de rationnalit
dans [le choix] des minima et des maxima, le manque de correspondance entre la
gravit des violations et les intrts que lon a entendus protger 57. Les deux dlits
ont par la suite t repris aux articles 180 et 181 du texte unique en matire
53 Texte original : Manovre fraudolenti sui titoli della societ (intitul de lart. 2628, C. civ. it.). 54 Decreto legislativo del 1 sett. 1993, n. 385, Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia ,
G.U. n. 230 del 30 sett. 1993, suppl. ordinario n. 92, entrato in vigore il 1 genn. 1994. 55 Legge del 17 maggio 1991, n. 157, Norme relative all'uso di informazioni riservate nelle operazioni in
valori mobiliari e alla Commissione nazionale per le societ e la borsa , G.U. n. 116 del 20 maggio 1991. 56 Directive n 89/592/CEE du Conseil du 13 nov. 1989 concernant la coordination des rglementations
relatives aux oprations dinitis, J.O.C.E. L 334 du 18 nov. 1989, pp. 30-32. 57 Texte original : Sono stati lamentati i difetti di coordinamento delle nuove norme penali con quelle
contemplate nel codice civile e la mancata proporzionalit fra interesse tutelato e misura della reazione.
E stato pure lamentato lo scarso impegno posto dal legislatore nella ricerca di unaccettabile coerenza del
sistema penale. Si lamenta disorganicit e frammentariet, difetto di chiarezza e, nellespressione di
alcuno, rapsodicit delle pene assenza di razionalit nei minimi e nei massimi, inadeguatezza alla
gravit delle violazioni ed agli interessi che si intenderebbero tutelare , in Salvatore GRILLO, Profili
penali dei controlli sulle societ con azioni quotate in borsa , Convegni giuridici e ricerche Atti e
documenti, La disciplina penale del mercato azionario, Padova, CEDAM, 1989, p. 16.
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526
dintermdiation financire, adopt par dcret lgislatif n 58 du 24 fvrier 199858. Plus
tard, lagiotage bancaire et celui ayant pour objet les instruments financiers ont t
supprims pour tre insrs larticle 2637 du Code civil, par le dcret lgislatif n 61 du
11 avril 200259, qui avait pour but de rationaliser la rpression des diverses formes
dagiotage par la formulation dune incrimination unique ; mais dj, des imperfections
taient perceptibles puisque lancien article 2628 du Code civil a t maintenu mais
reformul pour devenir un dlit d oprations illicites sur les actions ou parts de la
socit ou de la socit-mre 60. Les rformes se sont poursuivies avec ladoption de la
loi n 62 du 18 avril 200561, destine transposer la directive n 2003/6/CE du 28
janvier 2003 sur les abus de march62, qui a rintroduit au sein du texte unique en
matire dintermdiation financire les articles 184 et 185 rprimant labus
dinformations privilgies et les manipulations de march dans leur versant pnal63.
Cest galement ce moment quapparaissent en Italie les manquements administratifs
correspondants. Aujourdhui, restent donc applicables les formes pnales dagiotage ou
de manipulation de march des articles 501 du Code pnal et 2637 du Code civil, ainsi
que larticle 185 du texte unique en matire dintermdiation financire, ce qui pose la
question du champ dapplication respectif de ces dlits.
342. Ladjonction dun systme de rpression para-pnale pour les infractions
boursires : Comme cela a t prcis juste avant, cest la loi n 62 du 18 avril 200564
qui a insr aux articles 187-bis et 187-ter du texte unique en matire dintermdiation
financire les manquements administratifs dabus dinformations privilgies et de
58 D.lgs. del 24 febbraio 1998, n. 58/98, Testo unico delle disposizioni in materia di intermediazione
finanziaria, ai sensi degli articoli 8 e 21 della legge del 6 febbraio 1996, n. 52 , G.U. n. 71 del 26 marzo
1998. 59 D.lgs. del 11 apr. 2002, n. 61 Disciplina degli illeciti penali e amministrativi riguardanti le societ
commerciali, a norma dell'articolo 11 della legge 3 ottobre 2001, n. 366 , G.U. n. 88 del 15 apr. 2004. 60 Texte original : Illecite operazioni sulle azioni o quote sociali o della societ controllante (intitul de
larticle 2628 du Code civil italien, tel que modifi par le dcret lgislatif n 61 du 11 avril 2002). 61 Legge del 18 apr. 2005, n. 62/2005, Disposizioni per l'adempimento di obblighi derivanti
dall'appartenenza dell'Italia alle Comunit europee. Legge comunitaria 2004 , G.U. n. 96 del 27 apr. 2005,
suppl. ordinario n. 76. 62 Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les oprations
dinitis et les manipulations de march (abus de march), J.O.U.E. L 96 du 12 avr. 2003, pp. 1625. 63 Les deux articles sont respectivement intituls Abuso di informazioni privilegiate (art. 184, TUF) et
Manipolazione del mercato (art. 185, TUF). 64 Legge del 18 apr. 2005, n. 62/2005 prcite.
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527
manipulations de march. Ces conduites illicites sont sanctionnes par la Consob, en
vertu de poursuites administratives susceptibles de donner lieu des sanctions de
mme nature trs svres (du fait de lexistence de mesures dinterdiction) et de par
leur quantum65, notamment depuis que ce dernier a t quintupl par la loi successive
n 262 du 28 dcembre 200566.
En 1989, la Commission des oprations de bourse a t dote dun pouvoir de sanction
par la loi n 89-531 du 2 aot 198967, qui a cre les articles 9-1 et 9-2 au sein de
lordonnance du 28 septembre 196768. La seconde de ces dispositions permettait
lautorit de sanctionner les conduites qui avaient pour effet de : fausser le
fonctionnement du march ; procurer aux intresss un avantage injustifi qu'ils
n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du march ; porter atteinte l'galit
d'information et de traitement des investisseurs ou leurs intrts ; faire bnficier les
metteurs et les investisseurs des agissements d'intermdiaires contraires leurs
obligations professionnelles 69. Les pratiques vises taient dcrites dans les rglements
de la Commission des oprations de bourse : son rglement 90-0270 lui permettait de
sanctionner les atteintes la bonne information du public, cest--dire la communication
ou la diffusion dune information inexacte, imprcise ou trompeuse 71 et son rglement
90-08 relatif lutilisation des informations privilgies72 posait lgard des dtenteurs
de telles informations une obligation de sabstenir de les exploiter ou de les
65 Cf. la sanction administrative pcuniaire de labus dinformations privilgies pouvant atteindre 15
millions deuros (art. 187-bis, al. 1, TUF) et celle des manipulations du march qui peut slever jusqu 25
millions deuros (art. 187-ter, al. 1, TUF), sachant que toutes deux peuvent tre portes au triple, voire au
dcuple du profit tir du manquement lorsque celui-ci peut tre dtermin (art. 187-bis, al. 5 et 187-ter,
mme al., TUF). 66 Legge del 28 dic. 2005, n. 262/2005, Disposizioni per la tutela del risparmio e la disciplina dei mercati
finanziari , G.U. n. 301 del 28 dic. 2005, suppl. ordinario n. 208. 67 Loi n 89-531 du 2 aot 1989, relative la scurit et la transparence du march financier, J.O.R.F. du 4
aot 1989, p. 9822. 68 Ordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de Bourse et relative
linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines oprations de Bourse,
J.O.R.F. du 29 sept. 1967, p. 9589. 69 Art. 9-1 de ladite ordonnance. 70 Rglement COB n 90-02 relatif linformation du public, homologu par arrt du 5 juil. 1990, portant
homologation de rglements de la Commission des oprations de bourse, J.O.R.F. n 166 du 20 juil. 1990, p.
8600 ; Bull. COB juin 1990, n 237, pp. 24-25. 71 Art. 3 dudit rglement. 72 Rglement COB n 90-08 relatif lutilisation dune information privilgie, homologu par arrt du 17
juil. 1990, portant homologation du rglement n 90-08 de la Commission des oprations de bourse,
J.O.R.F. n 166 du 20 juil. 1990, p. 8602 ; Bull. COB juin 1990, n 237, pp. 34-35.
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528
communiquer de faon indue. Les dispositions permettant lautorit franaise de
sanctionner ces manquements administratifs ont t reprises dans le Code montaire et
financier cr par ordonnance du 14 dcembre 200073, au sein des articles L. 621-14
pour la mention des conduites susceptibles de donner lieu une procdure
administrative de sanction et L. 621-15 pour lattribution de ce pouvoir la Commisison
des oprations de bourse, abrogeant ainsi lancienne ordonnance de 1967. Puis, la loi du
1er aot 2003, dite loi sur la scurit financire74, et son dcret dapplication du 21
novembre 2003 relatif lAutorit des marchs financiers75, transposant la directive
communautaire du 28 janvier 2003 dite abus de march76, ont supprim la Commission
des oprations de Bourse, le Conseil des marchs financiers et le Conseil de discipline de
gestion financire, pour les remplacer par lAutorit des marchs financiers. Il sagit
dune autorit publique indpendante qui dispose de la personnalit juridique, qui a
rdig son propre rglement gnral homologu par arrt du ministre de lconomie
du 12 novembre 200477, contenant la dfinition des abus de march dans leur versant
administratratif aux articles 621-1 et suivants et 632-1 et suivants. La procdure de
sanction quelle peut mettre en uvre a t modifie diverses reprises afin de
rpondre aux exigences europennes relatives aux garanties processuelles78,
notamment parce que les mesures punitives pcuniaires quelle peut prononcer, dj
73 Ordonnance n 2000-1223 du 14 dc. 2000, relative la partie Lgislative du code montaire et
financier, J.O.R.F. n 291 du 16 dc. 2000, p. 20004. 74 Loi n 2003-706 du 1er aot 2003 de scurit financire, J.O.R.F. n 177 du 2 aot 2003, p. 13220. 75 Dcret n 2003-1109 du 21 nov. 2003, relatif l'Autorit des marchs financiers, J.O.R.F. n 271 du 23
nov. 2003, p. 19904. 76 Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les oprations
dinitis et les manipulations de march (abus de march), J.O.U.E. L 96 du 12 avr. 2003, pp. 1625. 77 Arrt du 12 nov. 2004 portant homologation des livres II VI du rglement gnral de l'Autorit des
marchs financiers, J.O.R.F. n 273 du 24 nov. 2004, p. 19749. 78 Loi n 2007-1774 du 17 dc. 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire
dans les domaines conomique et financier, J.O.R.F. n 0293 du 18 dc. 2007, p. 20354 ; dcret n 2008-
893 du 2 sept. 2008 relatif la commission des sanctions de l'Autorit des marchs financiers, J.O.R.F.
n 0207 du 5 sept. 2008, p. 13919 ; ordonnance n 2009-233 du 26 fv. 2009 rformant les voies de
recours contre les visites domiciliaires et les saisies de l'Autorit des marchs financiers, J.O.R.F. n 0049
du 27 fv. 2009, p. 3486 ; loi n 2013-672 du 26 juil. 2013 de sparation et de rgulation des activits
bancaires, J.O.R.F. n 0173 du 27 juil. 2013, p. 12530.
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529
trs svres lorigine79, nont cess de voir leur quantum augmenter 10 millions
deuros80, puis 100 millions deuros81.
Ainsi, aux trois dlits pnaux dagiotage et au dlit dabus dinformations privilgies,
sajoutent en Italie un manquement du mme nom et un autre manquement constitutif
de manipulations de march. En France, les dlits dutilisation ou de communication
dune information privilgie, de diffusion dinformations fausses ou trompeuses et de
manipulation des cours sont tous doubls dun manquement homologue de nature
administrative. Toutes ces conduites illicites sont susceptibles dengendrer le prononc
de sanctions pnales et administratives qui, jusquil y a encore peu de temps82,
pouvaient se cumuler.
343. Les distorsions en matire de rpression entre les lgislations franaise et
italienne : Suite aux remarques formules dans le paragraphe prcdent, il est possible
de constater que les infractions italiennes sont beaucoup plus nombreuses. Il convient
alors de se demander deux choses. Dune part, la multiplicit de ces infractions
correspond-elle un champ dapplication de la rpression des abus de march plus large
en Italie ? Dautre part, le systme italien naurait-il pas besoin dtre simplifi afin de ne
conserver quune seule infraction limage du droit franais, ou au contraire, ces
infractions nauraient-elles pas toutes une raison dtre et dans ce cas, la lgislation
franaise ne devrait-elle pas tre complte par des infractions supplmentaires ? Nous
verrons que pour les abus dinformations privilgies, le domaine des infractions est
presque identique dans les deux pays ; en revanche, en ce qui concerne les
manipulations de march, la lgislation italienne est bien plus ample puisquelle couvre
tous les types de plateformes de ngociation, des marchs rglements aux marchs
79 Le montant originel des sanctions administratives pcuniaires, du fait de la loi du 1er aot 2003, pouvait
atteindre 1,5 million deuros. 80 Loi n 2008-776 du 4 aot 2008 de modernisation de lconomie, J.O.R.F. n 0181 du 5 aot 2008, p.
12471. 81 Loi n 2010-1249 du 22 oct. 2010 de rgulation bancaire et financire, J.O.R.F. n 0247 du 23 oct., p.
18984. 82 La Cour europenne des droits de lHomme a censur le cumul des sanctions administratives et pnales
en matire boursire, du fait que ce cumul portait atteinte au principe non bis in idem consacr larticle 4
du protocole additionnel n 7 la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des
liberts fondamentales (CourE.D.H., 4 mars 2014, req nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et
18698/10, Grande Stevens et autres c. Italie ; Rev. sc. crim. 16 juin 2014, n 1, p. 106, obs. Frdric STASIAK ;
RJEP nov. 2014, n 724, comm. 48, Gabriel ECKERT).
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530
hors cote en passant par les systmes multilatraux de ngociation. Toutefois, cette
disparit dans le champ de la rpression est amene disparatre du fait de lextension
de la rglementation en matire dabus de march opre par le rglement europen
(UE) n 596/2014 du 16 avril 201483.
Ltude des textes franais et italiens montrera que si la France avait en partie anticip
ladoption du rglement europen du 16 janvier 2014 en modifiant les dfinitions
spciales de linformation privilgie, il nen est pas de mme pour lItalie qui doit
encore mettre son droit conformit avec le nouveau texte, quil sagisse de linformation
privilgie ayant trait aux instruments drivs sur matires premires (1), de celle qui a
pour objet les quotas dmission de gaz effet de serre (2) ou enfin de celle adopte
relativement aux personnes en charge lexcution des ordres de vente dachat de titres
financiers (3). Il conviendra de terminer cette tude des dfinitions spciales de
linformation privilgie par larticle L. 465-1, alina 3 du Code montaire et financier
franais relatif la commission dun crime ou dun dlit (4).
344. Les trois formes principales dabus de march : Comme cela a t expliqu dans
le premier paragraphe de ces travaux84, la notion dabus de march est entendue comme
comprenant les oprations diniti et les manipulations de march, regroupant elles-
mmes les diffusions dinformations fausses ou trompeuses et les manipulations de
cours. Les oprations diniti sont dsignes en Italie par lexpression abus
dinformations privilgies 85 ; celles-ci consistent pour une personne qui dtient une
telle information effectuer des transactions boursires sur la base de cette dernire,
alors que le public nen a pas encore connaissance, ou communiquer cet lment des
tiers en-dehors du cadre dfini par la loi. Par consquent, comme la conduite illicite vise
tant la ralisation de transactions que la communication, la notion d abus
dinformations privilgies sera prfre celle d opration diniti , car cette
dernire suppose une intervention sur les marchs financiers et ne semble donc pas
83 Rglement n 596/2014 du Parlement europen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de march
(rglement relatif aux abus de march) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement europen et du
Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, J.O.U.E. L 173 du
12 juin 2014, pp. 1-61. 84 Cf. 1er, pp. 1-10 des prsents travaux. 85 Texte original : Abuso di informazioni privilegiate (art. 184 et 187-bis, TUF).
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inclure la communication indue des renseignements confidentiels, ni la recommandation
fournie en vertu de ces derniers. Une autre raison motive lemploi de lexpression abus
dinformations privilgies en lieu et place de l opration ou du dlit diniti :
elle rside dans le fait quaujourdhui, toute personne devient initi , ds lors quelle
possde une information et quelle a conscience de son caractre privilgi, ce qui qui
traduit une dilution trs nette de la notion, aujourdhui vide de tout consistance86.
Enfin, le terme initi nest pas utilis par la doctrine italienne. Si la forme
administrative de cet abus existe en France et en Italie, le dlit pnal est en suspens
puisque son abrogation a t programme pour le 1er septembre 2016 par la dcision du
Conseil constitutionnel franais du 18 mars 201587, lheure o les autorits
europennes prnent le retour aux sanctions pnales88.
Les manipulations de march, quant elles, sont ralises dans le but de tromper les
investisseurs par le biais de la diffusion dinformations fausses ou trompeuses, ou par
laccomplissement de manuvres susceptibles daltrer le mcanisme naturel de
formation des cours des instruments financiers. En France, les deux comportements
reprsentent deux dlits distincts, rprims aux alinas 1 et 2 de larticle L. 465-2 du
Code montaire et financier, alors quen Italie, ils correspondent aux diverses modalits
dune mme infraction. Comme le droit europen emploie galement la notion de
manipulation de march 89, elle sera utilise au sein des prsents travaux et conduira
une tude groupe des diffusions dinformations fausses ou trompeuses et des
manipulations de march. Le versant pnal des manipulations de march a donc t
maintenu dans les deux pays mais la lgislation italienne lui consacre trois textes
86 Frdric STASIAK, Lutilisation et la communication illicites dune information privilgie. Dlit et
manquement diniti , Lamy Droit pnal des affaires, 2015, 1991, p. 688. 87 Cons. const., dc. n 2014-453/454 et 2014/462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et autres (Cumul des
poursuites pour dlit diniti et des poursuites pour manquement diniti), AJDA 23 mars 2015, n 10,
p. 553 ; D. act. 20 mars 2015, note Jrme LASSERRE-CAPDEVILLE ; D. 23 avr. 2015, n 15, pp. 874-875, obs.
Olivier DECIMA ; ibid. pp. 894-897, obs. Anne-Valrie LE FUR, Dominique SCHMIDT ; JCP E 26 mars 2015,
n 13, act. 243 ; ibid. 2 avr. 2015, n 14, act. 267 ; Dr. pn. 4 avr. 2015, n 4, comm. 56, Florence CREUX
THOMAS ; RLDA juin 2015, n 105, obs. Frdric STASIAK ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 368, Frdric
SUDRE ; JCP G 30 mars 2015, n 13, comm. 369, Jacques-Henri ROBERT. 88 La directive 2014/57/UE du Parlement europen et du Conseil du 16 avr. 2014 relative aux sanctions
pnales applicables aux abus de march (directive relative aux abus de march), J.O.U.E. L 173 du 12 juin
2014, pp. 179-189 est vocatrice par son titre : elle prvoit linstitution de poursuites pnales en matire
dabus de march. 89 La directive n 2003/6/CE du 28 janvier 2003 considrait galement les deux comportements comme
diffrents aspects dune mme infraction, et il en est toujours de mme au sein de la directive
n 2014/57/UE et du rglement (UE) n 596/2014.
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dincrimination : les articles 501 du Code pnal et 2637 du Code civil, ainsi que larticle
185 du texte unique en matire dintermdiation financire. Les deux droits nationaux
contiennent galement les manquements correspondants90. En plus de confronter les
dlits et manquements franais et italiens pour valuer le degr dharmonisation des
lgislations, il est ncessaire de sassurer que lensemble des transgressions prvues par
la France et lItalie couvrent tous les marchs et instruments financiers viss par les
autorits europennes, au regard des rcentes volutions rsultant de ladoption de la
directive n 2014/57/UE91 et du rglement (UE) n 596/201492 du 16 avril 2014.
345. Les dissemblances dans les textes dincrimination des abus de march
franais et italiens : Les lments constitutifs des dlits pnaux et des manquements
administratifs peuvent diffrer quelque peu dans les deux pays. Les termes utiliss pour
dfinir ces infractions sont semblables ; seulement, il peut arriver que linterprtation
qui en est faite par la jurisprudence tende, ou linverse restreigne, leur champ
dapplication. En outre, si la rpression boursire vise des catgories analogues
dinstruments financiers, elle ne concerne pas ncessairement des plateformes de
ngociation identiques.
Il existe donc bien un rapprochement des lgislations franaise et italienne en la
matire, mais il reste imparfait quil sagisse des dfinitions des abus dinformations
privilgies (Chapitre 1) ou des manipulations de march (Chapitre 2).
90 Art. 632-1, RG AMF et 187-ter, TUF. 91 Directive 2014/57/UE du Parlement europen et du Conseil du 16 avr. 2014 relative aux sanctions
pnales applicables aux abus de march (directive relative aux abus de march), J.O.U.E. L 173 du 12 juin
2014, pp. 179-189. 92 Rglement n 596/2014 du Parlement europen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de march
(rglement relatif aux abus de march) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement europen et du
Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, J.O.U.E. L 173 du
12 juin 2014, pp. 1-61.
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533
CHAPITRE 1
LES DFINITIONS SIMILAIRES
DES ABUS DINFORMATIONS PRIVILGIES FRANAIS ET ITALIENS
346. Historique des dlits dabus dinformations privilgies : En France, la
premire incrimination connue sous la dsignation de dlit diniti (ou d insider
trading ) est issue de la loi du 22 dcembre 197093, alors quen Italie ce dlit a t cr,
bien plus tardivement, en 199194. Claude DUCOULOUX-FAVARD et Nicolas RONTCHEVSKY
dfinissent clairement et simplement cette infraction de la faon suivante : Le dlit
diniti est le fait dexploiter ou de communiquer de manire abusive une
information privilgie, en priode dobligation dabstention et de rserve 95. Dans
les deux pays, les dlits sont rassembls et insrs respectivement dans le Code
montaire et financier et dans le texte unique en matire dintermdiation financire.
Paralllement, lAutorit des marchs financiers et la Consob ont mis en place les
manquements administratifs correspondants. La directive communautaire 2003/6/CE
du 28 janvier 200396 a entran une modification importante du cadre juridique de la
rpression para-pnale : en France, les anciens articles 621-14 et 621-15 du Code
montaire et financiers ont t modifis par la loi n 2003-706 du 1er aot 2003
transposant la directive. Les pratiques de la premire de ces deux dispositions,
susceptibles dtre rprimes par la Commission des oprations de bourse, ont t
transfres au sein du rglement gnral de lAutorit des marchs financiers
homoloqu par arrt du ministre de lEconomie du 12 novembre 200497. En Italie, une
93 Loi n 70-1208 du 22 dc. 1970 portant modification de la loi n 66-537 du 24 juil. 1966 sur les socits
commerciales et de lordonnance n 67-833 du 28 sept. 1967 instituant une Commission des oprations de
Bourse et relative linformation des porteurs de valeurs mobilires et la publicit de certaines
oprations de Bourse, J.O.R.F. du 24 dc. 1970, p. 11891. 94 Legge del 17 maggio 1991, n. 157, Norme relative alluso di informazioni riservate nelle operazioni in
valori mobiliari e alla Commissione nazionale per les Societ e per la Borsa , G.U. del 20 maggio 1991. 95 Claude DUCOULOUX-FAVARD, Nicolas RONTCHEVSKY, Infractions boursires. Dlits boursiers