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L’obésité : une pathologie du 21ème siècle
spécificités de l’anesthésie. Dr Dominique LACROSSE Chef de clinique adjoint Anesthésiologie Responsable Unité Transversale Nutrition Site Godinne
Définition… • L’obésité est une maladie
chronique • La prise de poids est liée à des
facteurs comportementaux et environnementaux, dont l’impact dépend des facteurs de prédisposition biologiques.
• L’évolution de la maladie est marquée par le développement d’une pathologie inflammatoire d’organe qui concerne les adipocytes et les autres constituants du tissu adipeux.
• Ces altérations entraînent des conséquences sur le bien être physique, psychologique et social.
Caractère multidisciplinaire de la prise en charge
Une pathologie du 21ème siècle…
Une pathologie du 21ème siècle… • L’OMS parle maintenant d’une véritable « EPIDEMIE »
d’obésité.
• L’obésité se propage dans le monde entier sur le mode épidémique…
• Plus d’un milliard de personnes sont en surcharge pondérale (IMC entre 25 et 30 kg/m²)
• 300 millions sont obèses (IMC > 30 kg/m²). • En 1995, on recensait 200 millions de personnes obèses.
• De manière générale, la prévalence de l’obésité a augmenté de
trois fois ou plus depuis 1980 dans certaines régions d’Amérique du Nord, du Royaume-Uni , d’Australie, du Moyen-Orient, des Iles du Pacifique, en Chine et dans les pays de l’Europe de l’Est.
Une pathologie du 21ème siècle… • USA :
• cancer prevention study : • Un million d’USA suivis durant 14 années. • 2000 : 60% des adultes répondaient aux critères OMS du surpoids
et de l’obésité • 30.5% des patients sont obèses (2000 ; population entre 20
et 74 années)
• Europe : • En retard par rapport aux USA • …Mais la progression de l’obésité varie de 10 à 40% selon
les pays (taux obésité de 15% en général).
Une pathologie du 21ème siècle… • France :
• Surpoids et obésité concernent maintenant 35% des adultes. • Etude ObEpi 2003
• Augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité • Obésité :
• 1997 : 8.2% • 2000 : 9.6% • 2003 : 11.3%
• Surpoids : 30.3% • Obésité morbide (x2)
• 1997 : 0.3% • 2000 : 0.6%
• Prévalence attendue : 20% en 2020.
Une pathologie du 21ème siècle… • Belgique :
• Évolution de la part de la population en situation d’obésité : • 10.8% en 1997 • 13.8% en 2008 (13.1% des hommes et 14.4% des femmes) • La prévalence augmente avec l’âge : 2008 : 21.2% des personnes âgées de
55 à 64 ans étaient obèses.
• Suisse : • 2002 : surcharge pondérale = 1/3 de la population et l’obésité
7.7% • 2001 : les coûts totaux engendrés par l’obésité et la surcharge
pondérale en Suisse s’élevaient à CHF 2.690 milliards. • 98.4% des dépenses : complications de l’obésité • 1.6% : traitement de l’obésité sans complication.
Une pathologie du 21ème siècle… • Enfants :
• L’obésité est en constante et rapide progression. • 1990 : 31 millions (5%) des enfants de moins de 5 ans dans le
monde présentaient un excès pondéral ou une obésité. • 2012 : environ 44 millions (6.7%) des enfants de moins de 5 ans
dans le monde présentaient un excès pondéral ou une obésité • Dans la région africaine de l’OMS, le nombre des enfants
présentant un excès pondéral est passé de 4 à 10 millions sur la même période.
• …de plus : « La mortalité liée à la surcharge pondérale augmente d’autant plus que l’obésité survient plus tôt dans la vie adulte ».
L’OMS définit donc l’obésité comme l’épidémie du
XXI siècle.
Spécificité de l’anesthésie…
Logistique
• Personnel en nombre suffisant • Matériel adapté au patient obèse disponible ?
• Au niveau anesthésique ? • Au niveau chirurgical ?
• Table adaptée • Quel poids supporte-t-elle ? • Allonge latérale , appuis adaptés,… ?
Consultation pré-anesthésique : objectifs poursuivis
• Garantir à l’opéré les meilleures conditions de sécurité et de qualité des soins
• Permettre une meilleure détection des situations à risque
• Permettre une prescription raisonnée des examens complémentaires destinés à parfaire l’évaluation
• Permettre une préparation adéquate pour optimiser la condition du patient
• Permettre l’élaboration d’une stratégie anesthésique adapté à l’état du patient et à l’intervention
• La consultation est également l’instant privilégié de la délivrance de l’information.
H. Bricard La prise en charge des opérés est-elle modifié par la consultation d’anesthésie ? Daelens
Rappel
• 5 comorbidités majeures sont associées à l’obésité. • La maladie coronarienne • L’hypertension artérielle • Le diabète • Le SAS • La maladie thrombo-embolique
• la stratégie de l’évaluation préopératoire repose sur l’estimation des risques associés à ces 5 comorbidités majeures
G. Dhonneur
Evaluation préopératoire du patient obèse morbide
Journée monothématique de la SFAR 2009
Notre consultation s’attachera donc… • I. la mise au point cardiovasculaire • II. La mise au point respiratoire • III. Le risque thrombo-embolique • IV. le diabète et ses complications • V. Reconnaître et prévoir l’intubation difficile • VI. La prémédication • VII. Elaborer le plan d’anesthésie
Mise au point cardio-vasculaire
Mise au point respiratoire : SAS
En somme, on peut regrouper les complications opératoires
du sujet apnéique en deux principaux volets :
1- l’intubation difficile 2- épisodes d’obstruction postopératoire
sévère des VAS
Mise au point respiratoire : SAS
Le risque thrombo-embolique • Facteurs de risque patient : • Immobilité, alitement, paralysie des membres • Cancer et traitement du cancer (hormonal, chimiothérapie, or radiothérapie) • Antécédents d’évènement thrombo-embolique veineux • Age> 40 ans • Contraception orale contenant des oestrogènes ou hormonothérapie substitutive • Traitements modulateurs des récepteurs aux oestrogènes • Pathologie médicale aigue • Insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire • Maladies inflammatoires de l’intestin • Syndrôme néphrotique • Syndrôme myeloprolofératif • Hemoglobinurie paroxystique nocturne • Obésité (IMC>30) • Tabagisme • Varices • Cathéter veineux central • Thrombophilie congénitale ou acquise
Incidence de la maladie thrombo-embolique + élevé en cas d’IMC > 25 Risque quasiment triplé en cas d’IMC > 40
1ère cause de mortalité postopératoire immédiate après chirurgie bariatrique
• Prévoir schéma de prophylaxie • L’emploi de moyens mécaniques doit accompagner la
prophylaxie médicamenteuse et sont à prévoir dès la consultation
• Bas de contention. • Compression pneumatique intermittente.
Le risque thrombo-embolique
Le patient diabétique et ses complications. • Risque opératoire essentiellement lié aux complications
dégénératives du diabète
• Système cardiovasculaire • Rigidité articulaire • Néphropathie diabétique • Le système nerveux autonome Michel M, Roucoules M
Anesthésie du patient obèse MAPAR 2010
Poursuite des médications usuelles en respect des guidelines habituelles
Sédatifs ? Pas de contre-indication formelle Mais, avec parcimonie ! risque de dépression respiratoire Benzodiazépines de courte durée d’action (Midazolam,
Lorazepam) SAS!! Penser a la Clonidine
Nexiam
Anticholinergique si suspicion iot difficile
glycopyrrolate, im 0.2 à 0.4 mg (soit 1-2 ml, soit 0.004 à 0.005 mg/kg avec un maximum de 0.4 mg avant induction de l’anesthésie)
Prémédication…
Le patient arrive en salle Installation correcte avec l’aide du patient
Équipe nombreuse
Utilisation de technique ergonomique
Faire participer le patient à son installation : Il doit être installé sur la table d’opération avant induction Évite donc les mobilisations de patients endormis Signale également les endroits où il ressent une gène
Vérifier la présence de bas TED ou des bottes à pression
étagées.
Position adéquate de la table : anti trendelenbourg.
Monitoring Dicté par le résultat de la collecte des données pré-opératroires
Obésité ne doit pas être synonyme de monitoring invasif SYSTEMATIQUE.
ECG, NIBP, SaO2, analyseur de gaz La prise de tension artérielle peut poser un problème malgré
l’utilisation de brassard adapté Surestimation de 20-30% par rapport à l’IBP
Donc si : Intervention longue Soins-intensifs post-opératoires Autre indications ( cfr physiopathologie) = IBP
Monitoring de la curarisation
Voie Veineuse Périphérique
• Peut être difficile voir impossible
• La mise en place d’une VVC peut donc s’imposer
• Prévoir repérage échographique si vous en disposez.
le choix des drogues.
• Ce choix est d’abord dicté par les données collectées lors de l’examen préopératoire
• Il faut tenir compte également des modifications • des compositions des compartiments de l’organisme • Des organes impliqués au niveau de la distribution et de
l’élimination des médicaments.
• Il faut donc veiller à la dose administrée… • Comment la calculer ? • Se fier sur …
• Ideal Body Weigt = • Homme = taille (cm) – 100 • Femme = taille (cm) – 105
• Ou le poids corrigé = IBW + ( 0.4 * surpoids)
• Ou le Total Body Weight
Propofol
Induction IBW Maintenance TBW or IBW +0.4 x excess weight
Kirby, Redfern, Gepts Servin Gepts
Thiopental
7.5 mg/kg IBW TBW
Buckley Jung
Midazolam
TBW for initial dose IBW for continous dose
Greenblatt Reves
Vecuronium Atracurium Cisatracurium Rocuronium
IBW TBW Initial dose 0.15/kg – 2.3mg/10kg>70kg Supplemental dose 0.15 mg/kg – 0.7 mg/10kg > 70kg TBW IBW IBW
Schwartz Varin, Weistein Kirkegaard Nielsen Schmitz, Kisor Leykin Puhringer, Leykin
i
TBW >140 kg : max of 120-140 mg
Cooper, Brodsky
Mivacurium Néostigmine
TBW TBW
Pino, Patel Kierkegaard-Nielsen Alfentanil
IBW IBW +0.4 x excess weight TBW
Bentley Salihoglu Maître Sufentanil
TBW IBW + 0.4 x excess weight if BMI > 40
Schwartz, Gepts Schlepchenko
Remifentanil
IBW
Minto, Egan
La préoxygénation Deux personnes compétentes doivent être présentes à ce moment.
On sait que
Majoration de la consommation en O2 Diminution du VRE, CRF DONC : en cas d’apnée, chute plus rapide de la paO2 Diminution significative de la tolérance à l’apnée corrélée à l’IMC : BMI 22 = SaO2 > 90% 6min d’apnée BMI 32 = SaO2 > 90% 4min d’apnée BMI 43 = SaO2 > 90% 2min d’apnée
D’où PRE-OXYGENATION SOIGNEUSE
Comment pré-oxygéner ? Soit FiO2 100% pendant 3-5 minutes Soit technique des 4 capacités vitales
Mais toujours…
Bien suivre Fe02 Application d’une peep de 10 cmH20
« Prevention of atelectasis forming during the induction of general
anesthesia in morbidly obese patients » Anesth. Analg. 2004 ; 98 : 1491-5 Préoxygénation effectuée en pression positive continue à 10 cmH2O Puis, VMA avec peep de 10 cmH2O Cette technique est associée, chez l’obèse, à un allongement de plus
d’une minute de la durée d’apnée sans hypoxie Couplée à tomodensitométrie thoracique avant et après induction :
amélioration due à la quasi absence d’atélectasie au niveau des bases pulmonaires
• Crush ou pas ? Sellick ou pas ? • Ce qui nous inquiète = risque d’inhalation • Prévention numéro 1 = NEXIAM + mise en anti-trendelenbourg • De plus :
• Volume du liquide gastrique pas augmenté • Le ph n’est pas plus acide
• En l’absence de RGO, le gradient de pression au niveau du bas œsophage est identique à celui des patients non obèses.
• De plus, • Sellick systématique = fausse protection • Qui peut être délétère en ce qui concerne d’autres variables.
• Ventilation • Qualité de laryngoscopie.
Induction de l’anesthésie générale. Vitesse d’induction à adapter à la clinique du patient
! La défaillance myocardique survient généralement juste après
l’induction
! Défaillance du VG per-opératoire Remplissage trop abondant/trop rapide Effet inotrope négatif des drogues anesthésiques Augmentation de la pression artérielle pulmonaire
! Si neuropathie diabétique dysautonomique
Diminution plus importante de la tension artérielle lors de l’induction Risque maximal de bradycardie et d’hypotension dans les minutes qui
suivent l’intubation
Prise en charge des voies aériennes
• VMA et IOT difficile + fréquente chez l’obèse
Étiologie : Graisse face et joues Volume des seins Cou court Grosse langue Augmentation du palais Augmentation de la muqueuse pharyngée Larynx haut situé Limitation de l’ouverture de la bouche Limitation de mobilité du rachis cervical
S’y préparer = Dépister les situations à risque
Existence d’un SAS Circonférence du cou Facteurs communs aux autres patients ATCD d’IOT difficile et les techniques alternatives
utilisées
Pour s’y préparer…
• Installation correcte du patient… • Bricolage
• Coussin gonflable
• Safety bird
Safety bird • Poche trapézoïde de
parentérale reliée à une poire de manchette à pression
• Grande base en direction du siège, petite base en direction des omoplates.
• Ne doit pas dépasser les épaules
• Gonflé à l’induction,augmente la distance sterno-mandibulaire
Safety bird
« Easier intubation conditions for morbid obese patients using the inflatable intubation pillow (safety bird) » Évaluation des conditions d’intubation chez le patient
obèse Mesure du temps nécessaire pour réalisation de l’intubation
40 patients avec IMC> 40 ; utilisation du safety bird chez 20 des ces patients
Réalisation de l’intubation par anesthésiste expérimenté ( >10 ans d’expérience)
Ccl : temps d’intubation significativement plus élevé et échecs plus fréquents dans le groupe où le safety bird n’a pas été utilisé.
• Charriot IOT difficile en salle
• Matériel adapté au patient obèse
• En cas d’échec, • Application de l’algorythme d’IOT difficile • Rapide appel à l’aide car désaturation plus rapide
• Dès que le patient est intubé, • Manœuvre de ré-expansion • D’où recrutement alvéolaire • Diminue atélectasie…
• Procédure à répéter en cours de procédure.
Installation sur la table d’opération.
• On finalise ce qui a été débuté AVANT l’induction
• Attention toute particulière à la protection des points d’appui et des zones d’appui • Surtout chez le patient obèse diabétique avec complication
neurologique sensitivo-motrice.
• Disposer de matériel spécifique
Et l’anesthésie locorégionale ?
• Avantages : • Maintien de la conscience • Suppression des risques inhérents à l’anesthésie générale • Analgésie post-opératoire
• Inconvénients :
• PROBLEMES TECHNIQUES
• Taille des aiguilles insuffisantes • Graisse masque les repères osseux
• Donc,
• Mise en position assise • Écarter les plis graisseux par des bandes adhésives • Longues aiguilles
TAKE HOME MESSAGE
• L’obésité est une maladie chronique – caractère multidisciplinaire de sa prise en charge
• L’obésité se propage dans le monde entier sur le mode épidémique… • De facto, l’obèse sera de plus en plus présent dans nos blocs pour une
prise en charge chirurgicale de sa pathologie ou pour tout autre chirurgie.
• S’adapter = garantir une sécurité optimale pour le patient • L’adaptation débute dès la consultation préanesthésique
• Identifier et prendre en charge les comorbidités principales (maladie cardio-vasculaire, SAS, Diabète, maladie thrombo-embolique,…)
• Chaque étape de l’anesthésie nécessite une adaptation (installation, induction, préoxygénation, intubation,…) et une collaboration entre tous.