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Université Stendhal Grenoble 3
UFR des Lettres et Arts
Master 2 Littératures parcours Métiers des Bibliothèques
L’impact du développement de l’e-book sur
l’organisation des bibliothèques et le métier de
bibliothécaire
Mémoire de recherche pour le Master Lettres et Arts, spécialité « Littératures »
parcours « Métiers des Bibliothèques »
Présenté par : Directeur de recherches :
Tiphaine GAUQUELIN Mme Cécile MEYNARD
Maître de Conférences
Année universitaire 2010-2011
1
Université Stendhal Grenoble 3
UFR des Lettres et Arts
Master 2 Littératures parcours Métiers des Bibliothèques
L’impact du développement de l’e-book sur
l’organisation des bibliothèques et le métier de
bibliothécaire
Mémoire de recherche pour le Master Lettres et Arts, spécialité « Littératures »
parcours « Métiers des Bibliothèques »
Présenté par : Directeur de recherches :
Tiphaine GAUQUELIN Mme Cécile MEYNARD
Maître de Conférences
Année universitaire 2010-2011
2
Table des matières
Introduction ........................................................................................................... 5
Première partie : Le développement de l’e-book et son impact sur les pratiques
de lecture ............................................................................................................... 8
I. Le développement de l’e-book et les dernières évolutions ......................... 8
1. Une définition difficile : entre contenant et contenu ........................... 8
2. L’échec des premiers livres électroniques ......................................... 10
3. Un nouvel essor à la fin des années 2000 .......................................... 13
II. Evolution ou révolution ? ...................................................................... 17
1. Temps court et temps long ................................................................ 17
2. De Gutenberg 1.0 à Gutenberg 2.0 .................................................... 19
3. Si révolution il y a, elle réside dans de nouvelles perspectives
d’écriture et de lecture ................................................................................. 22
III. L’impact de ce changement sur les pratiques de lecture ....................... 24
1. Les publics concernés et l’attrait de la modernité ............................. 24
2. Lecture loisir ...................................................................................... 27
3. Lecture professionnelle ou de recherche ........................................... 30
Deuxième partie : L’intégration de collections de livres numériques dans des
fonds de bibliothèques ........................................................................................ 33
I. Les bibliothèques municipales : comparaison de différents modèles ....... 33
1. Les bibliothèques municipales de Grenoble : le choix de Numilog .. 33
2. La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux : la première à expérimenter
le prêt de liseuses électroniques .................................................................. 36
3. La médiathèque de Troyes : un service couplé contenant-contenu ... 39
II. Les bibliothèques universitaires : comparaison de différents modèles . 42
1. Le SICD1 de Grenoble : l’investissement dans de multiples bases .. 42
3
2. Le SICD2 de Grenoble : la difficulté à trouver un modèle
satisfaisant.... ............................................................................................... 45
3. La bibliothèque universitaire d’Angers : pionnière dans le prêt de
liseuses électroniques en bibliothèque universitaire.................................... 47
Troisième partie : Bibliothèques et bibliothécaires 2.0....................................... 50
I. Bibliothèques et collections ...................................................................... 50
1. Acquisition et gestion des collections ............................................... 50
2. Mise à disposition et conservation du patrimoine et des collections . 54
3. Nouveau statut du document et nouveaux usages ............................. 57
II. Bibliothèques et public .......................................................................... 59
1. Signalement, signalétique et valorisation .......................................... 59
2. Formation et médiation ...................................................................... 62
3. De nouvelles perspectives en termes d’animation et de services au
public...............................................................................................................65
III. Nouveaux rôles et nouvelles organisations ........................................... 68
1. La relation de la bibliothèque aux autres établissements : le rôle
central de la bibliothèque dans la définition d’un modèle ........................... 68
2. La bibliothèque face à de nouveaux acteurs ...................................... 71
3. Une réflexion nécessaire en interne ................................................... 73
Conclusion .......................................................................................................... 77
Annexe 1 : Entretien avec Marie-Jeanne ............................................................ 79
Annexe 2 : Entretien avec Pierre ......................................................................... 82
Annexe 3 : Entretien avec Christine Carrier, Directrice des Bibliothèques
Municipales de Grenoble .................................................................................... 85
Annexe 4 : Entretien avec Estelle Lenormand, service des ressources
électroniques du SICD1 de Grenoble .................................................................. 90
Annexe 5 : Entretien avec Héloïse Faivre-Jupile, service des ressources
électroniques au SICD2 de Grenoble .................................................................. 98
4
Annexe 6 : Entretien avec Thomas Lebarbé, enseigant-chercheur à l’Université
Stendhal de Grenoble (laboratoire LIDILEM) .................................................. 105
Annexe 7 : Bilan 2010 du prêt de livres numériques et de tablettes de lecture à la
Médiathèque de Troyes ..................................................................................... 109
Lexique.............................................................................................................. 113
Abréviations .............................................................................................. 113
Termes techniques ..................................................................................... 113
Bibliographie ..................................................................................................... 116
Monographies................................................................................................ 116
Rapports et actes de colloques ...................................................................... 117
Ouvrages sur support électronique ................................................................ 117
Articles de périodiques .............................................................................. 117
Rapports et actes de colloques ................................................................... 120
Articles sur sites web ................................................................................. 120
Autres supports ............................................................................................. 122
Sitographie .................................................................................................... 122
Sites réservoirs d’e-books : ....................................................................... 122
Sites communautaires autour du livre : ..................................................... 122
Sites consacrés au numérique : .................................................................. 122
5
Introduction
En 1956, Raymond Queneau écrivait dans l’avant-propos de son livre Pour une
bibliothèque idéale1 : « Ces petits objets parallélépipédiques, feuilletés et plus ou moins
encrés, vont peut-être bientôt disparaître de l’usage courant. Mais, inscrits sur disques,
bandes magnétiques, microfilms ou autrement, il en restera toujours quelque chose,
encore pour quelque temps. Nous en reparlerons en l’an 2000. » Conscient que le livre
dans sa forme traditionnelle allait évoluer, Raymond Queneau voyait dans les années
2000 une échéance à ce changement. Or, à l’aube de la décennie 2010, il apparaît de
plus en plus clairement que le livre dans sa forme papier est voué à évoluer.
Avec l’avènement du numérique, ce sont toutes sortes d’activités qui sont
amenées à changer : la musique et les vidéos au format numérique se développent de
plus en plus, et ce au détriment de l’analogique. Les bibliothèques, largement
confrontées au numérique concernant leurs collections musicale et vidéo, semblent
aujourd’hui plus que jamais sommées de s’interroger sur leur avenir. Avec le
développement du livre électronique, c’est en effet tout le secteur du livre qui est en
mutation. L’ensemble des métiers du livre est touché par cette évolution et on comprend
aisément que l’apparition de nouveaux types de documents ait des répercussions
importantes sur les bibliothèques.
C’est parce que le numérique – et a fortiori le livre électronique – me semble
être une composante majeure du futur des bibliothèques que j’ai souhaité m’interroger
sur son évolution et ses possibles mises en place dans ces établissements. Qu’en est-il
du livre électronique aujourd’hui ? Que peut-on préjuger de son avenir et de celui des
bibliothèques au vu de ses dernières évolutions ?
Dans un premier temps, j’ai effectué un certain nombre de lectures théoriques
sur le sujet. S’agissant de nouvelles technologies et donc d’un paysage en pleine
mutation, il m’a fallu opérer des sélections dans mes lectures et surtout renoncer à
certaines d’entre elles, car la littérature sur cette thématique est très abondante. Par la
suite, je me suis tournée vers des professionnels afin de connaître leur ressenti sur le
1 Raymond QUENEAU, Pour une bibliothèque idéale, Gallimard, 1956, p.11.
6
sujet. J’ai également interrogé différentes personnes, autant de potentiels lecteurs de
livres électroniques, pour qu’ils m’expliquent leur relation à l’objet livre et qu’ils me
donnent leurs avis sur une éventuelle lecture d’e-books. Enfin, je me suis aussi appuyée
sur ma propre expérience en tant qu’utilisatrice et lectrice de livres électroniques.
Il apparaît que celui-ci, objet complexe s’il en est, est matière à des définitions
extrêmement variées. Dans un souci de clarté, nous établirons toutefois une distinction
entre « livre électronique » et « livre numérique ». Tout au long de ce travail, nous
emploierons donc indifféremment les termes de « livre électronique » et d’«e-book »,
comme termes génériques. Par contre, nous emploierons celui de « livre numérique »
pour faire expressément référence au livre en tant que fichier informatique, que nous
pouvons d’ores et déjà définir comme un « livre dématérialisé, par opposition au livre
sur support papier. Il s’agit d’un fichier informatique que l’on peut lire sur un écran (ou
éventuellement écouter), par exemple sur un ordinateur, un téléphone, un terminal
dédié... »2. Nous nous contenterons dans un premier de temps de cette définition donnée
par le Centre National du Livre (CNL) dans l’une de ses enquêtes, mais reviendrons sur
cette question de façon plus détaillée au cours de notre développement.
Par ailleurs, nous n’étudierons pas au cours de ce travail la question des revues
électroniques et celle des librairies face au livre électronique. En effet, même si elles
peuvent sembler très liées à la question du livre numérique, ces problématiques sont
suffisamment différentes pour faire l’objet de développements distincts et de travaux à
part entière.
Lorsqu’on s’interroge sur l’impact du livre électronique sur les bibliothèques et
le métier de bibliothécaire, il apparaît indispensable de commencer par analyser la façon
dont il a évolué et le contexte dans lequel cela s’est fait. Nous étudierons donc dans un
premier temps le développement de l’e-book et l’impact de celui-ci sur les pratiques de
lecture. Nous nous appuierons ensuite sur des exemples d’intégration de collections de
livres numériques tant en bibliothèques municipales qu’en bibliothèques universitaires.
Ces différents exemples nous permettront enfin d’établir des propositions d’ordre plus
général sur l’avenir des bibliothèques et des bibliothécaires, en termes de relations aux
2 Centre national du livre, « Résultats qualitatifs », in Le livre sera-t-il numérique ?, enquête réalisée en
2009 et 2010, disponible sur Internet < http://www.centrenationaldulivre.fr/?Le-livre-sera-t-il-
numerique>
7
collections ainsi qu’au public, mais aussi en termes de nouvelles organisations et de
nouveaux rôles occasionnés.
8
Première partie : Le développement de l’e-book et son impact sur les pratiques de lecture
I. Le développement de l’e-book et les dernières évolutions
1. Une définition difficile : entre contenant et contenu
Les livres électroniques, s’ils semblent chaque jour s’inviter un peu plus dans
notre quotidien – par le biais d’Internet, mais aussi désormais des tablettes – constituent
pourtant une technologie récente, dont la définition ne semble pas encore bien fixée. En
effet, derrière ces termes de « livre électronique », « livre numérique » ou encore d’« e-
books » se cachent des réalités bien plus complexes qu’il n’y paraît.
Ces technologies, récentes, on l’a dit, ne font pas encore l’objet de définitions
claires et surtout partagées. Aussi, chaque auteur s’exprimant sur le sujet y va-t-il de sa
définition. Les avis divergent notamment sur l’opposition entre contenant et contenu. En
effet, lorsqu’on parle de « livre électronique », comment savoir s’il est question du
texte, en tant que fichier numérique, ou bien du support sur lequel ce texte peut être lu ?
Aucune indication n’existe réellement puisque le terme fait tantôt référence au
contenant, tantôt au contenu. Par ailleurs, cette définition est encore rendue plus
complexe par le fait qu’il s’agit d’un terme anglo-saxon – « e-book » - que l’on souhaite
traduire et pour lequel on cherche à trouver un équivalent en français. Des tentatives
d’équivalence de type « livrel », calqué sur le terme « e-book » et contraction de « livre
électronique », ou encore « liseuse », destinées à désigner le support de lecture
numérique ne semblent pas avoir été réellement adoptées et sont à ce jour très peu
employées.
Lise Vieira, auteur d’un ouvrage intitulé L’édition électronique : de l’imprimé
au numérique : évolutions et stratégies3 propose par exemple de différencier les termes
de « livre numérique » et de « livre électronique ». Elle voit en effet dans le premier une
référence au contenu, alors que le second désignerait l’« objet technologique de pointe,
[...] ordinateur de poche dédié à la lecture. »4 Contrairement à Lise Vieira, Alain
3 Lise VIEIRA, L’édition électronique : de l’imprimé au numérique : évolutions et stratégies, Presses
Universitaires de Bordeaux, 2004. 4 Ibid., p.114.
9
Jacquesson et Alexis Rivier, dans leur ouvrage Bibliothèques et documents numériques5
proposent une définition du terme « e-book » qui ne s’appuie que sur la notion de
contenu. En effet, selon eux, « les e-books désignent ainsi presque toujours des
collections de textes électroniques (appelés aussi e-texts dans le contexte académique),
sans préjuger du support informatique de lecture. »6
Lorenzo Soccavo, auteur d’un ouvrage intitulé Gutenberg 2.0 : le futur du livre7,
se pose également la question de cette distinction entre contenant et contenu. Après
avoir évoqué les notions de « livre électronique », de « livrel » et d’« e-book », il
explique que « tous ces termes néanmoins peuvent entretenir une certaine confusion
entre contenant et contenu, entre livre électronique et texte numérisé.»8 Selon lui, « il
faut en tous cas bien distinguer les appareils de lecture, des fichiers de textes numérisés,
appelés aussi parfois abusivement e-books. »9 A travers ces trois exemples, on voit bien
à quel point, faute d’une définition claire qui émanerait d’une institution et serait donc
reconnue par l’ensemble de la population et des chercheurs sur le sujet, un consensus
quant à une possible définition commune est difficile. C’est pourquoi, comme évoqué
précédemment, nous utiliserons indifféremment les deux termes de livre électronique et
e-book, et nous retiendrons la définition donnée par le CNL rappelée en introduction,
qui semble à ce jour la plus claire.
La question de la distinction entre contenant et contenu ne semble, en soi, pas
totalement détachée du livre traditionnel. En effet, lorsqu’on parle de livre, on fait à la
fois référence aux deux aspects. Lorsqu’on demande « as-tu lu l’Assommoir de Zola? »
on fait non seulement référence au texte écrit par Zola, mais aussi au support physique,
sur lequel est imprimé ce texte. Si, lorsqu’on parle de livre, la question de la référence
au contenu ou au contenant ne se pose pas, c’est bien parce que les deux ne sont pas
dissociables : avec le livre imprimé, texte et support physique ne vont pas l’un sans
l’autre. Lorsqu’il est question du livre électronique, le rapport est tout différent
puisqu’un même fichier informatique peut se lire sur différents supports. En effet, il
n’est pas rare aujourd’hui qu’un même livre numérique soit lisible non seulement sur
5 Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Bibliothèques et documents numériques : concepts,
composantes, techniques et enjeux, Editions du Cercle de la Librairie, 2005. 6 Ibid., p.158.
7 Lorenzo SOCCAVO, Gutenberg 2.0 : le futur du livre : six siècles après Gutenberg une nouvelle
révolution va changer votre façon de lire ..., M21 Ed., 2008. 8 Ibid., p.36.
9 Ibid., p.36.
10
ordinateur, mais aussi, sur liseuse, tablette, console de jeu, ou encore smartphone. C’est
dire si contenant et contenu sont dissociables à l’heure du numérique.
2. L’échec des premiers livres électroniques
Si aujourd’hui les livres électroniques semblent bel et bien partis pour se
développer et se faire une place sur le marché des livres et de la lecture, il n’en a pas
toujours été ainsi. En effet, au début des années 2000, Cytale, une société française,
concevait le premier modèle d’e-book. Pourtant, commercialisé pour la première fois en
2001, le Cybook de Cytale n’a pas su trouver son public, et le premier livre électronique
fut un véritable échec. Il semble aujourd’hui tout à fait possible pour les constructeurs
de livres électroniques de tirer des leçons de ce premier insuccès et de proposer un
nouveau modèle, à la lumière des erreurs du premier.
Destiné au grand public, le Cybook de Cytale était surtout pensé comme un objet
pouvant accompagner l’individu n’importe où et surtout lui permettre de « voyager
léger » en transportant néanmoins une grande partie de sa bibliothèque. Auteur d’un
ouvrage sur l’échec de ce premier livre électronique, Dominique Nauroy évoque la
figure du « nomade » : « Le « nomade » faisait partie du panel idéal des clients que
Cytale avait défini peu avant le lancement commercial de sa solution. Le Cybook était
une tablette électronique de lecture, qui devait l’accompagner en lui offrant une
« bibliothèque en permanence mise à jour ». »10
Par ailleurs, Cytale voyait dans le livre
électronique le moyen de fournir un nouvel accès à la lecture, et non pas une nouvelle
méthode de lecture. En effet, en soi, rien ne différenciait la lecture sur livre imprimé de
la lecture sur livre électronique, si ce n’est qu’elle se faisait sur un écran, et non pas sur
du papier. Ainsi, il s’agissait d’une lecture linéaire, pour lequel l’utilisateur était appelé
à appuyer sur un bouton pour tourner les pages, tout comme il l’aurait fait sur un livre
traditionnel. Dominique Nauroy explique ainsi que « le projet de Cytale n’est pas de
nous inviter à lire autrement, mais plutôt à lire plus, de rendre plus aisé l’accès à la
lecture. »11
On peut voir dans cette conception du livre électronique l’une des raisons
principales de l’échec. Or aujourd’hui, si les livres électroniques reproduisent largement
des gestes induits par la lecture traditionnelle tels que tourner les pages, on note tout de
10
Dominique NAUROY, « Une proposition de mutation des pratiques de lecture mise en échec : le
Cybook de Citale, 1998-2002 », in Etudes de communication, 29| 2006, p.2. Disponible sur Internet :
<http://edc.revues.org/index407.html> 11
Ibid., p3.
11
même de plus en plus la recherche d’un modèle différent, axé davantage sur les
possibilités de navigation et de multimédia offertes par le numérique.
D’autres raisons qui ont contribué à ce premier insuccès du livre électronique
étaient d’ordre plus pratique : doté d’un écran rétro-éclairé il offrait un confort de
lecture très insuffisant et pesait environ 1 kilo. Relativement onéreux, il était associé à
une offre de livres numériques jugée très pauvre. Par ailleurs, l’un des principaux
reproches faits au Cybook de Cytale d’après Dominique Nauroy est que les gens ne
savaient pas vraiment à quoi ils avaient affaire. S’agissait-il d’un ordinateur ? D’un
livre ? Même « les distributeurs, qui ont un rôle déterminant dans la perception des
dispositifs et dans la reconnaissance de leurs qualités, éprouvent certaines difficultés à
positionner ce produit, qui n’a sa place nulle part, ni en librairie, ni au rayon des PDA,
ni même indépendamment au sein d’un « linéaire » e-book qui n’aurait de sens que dans
le cas d’une concurrence. »12
L’un des reproches majeurs également formulé à l’encontre des premiers livres
électroniques était le manque d’intuitivité et la difficulté pour l’utilisateur de s’y
retrouver dans la navigation. A l’époque, aucune véritable possibilité d’annotation ou de
prise de notes n’était offerte aux utilisateurs. A ce sujet, les auteurs de Bibliothèques et
documents numériques expliquent :
Pour pallier cet inconvénient, diverses astuces ont été développées,
comme la fonction d’historique qui rappelle dans sa chronologie le
cheminement parcouru, ou les signets (bookmarks) que le lecteur peut
insérer aux endroits choisis. Des annotations peuvent être également
apportées et sauvegardées, offrant une possibilité supplémentaire de
« s’approprier » le volume consulté [...].13
Enfin, selon Dominique Nauroy, si tous les premiers livres électroniques ont
essuyé un échec, c’est parce que Cytale a voulu reprendre un marché existant, là où elle
aurait dû construire un marché nouveau. En effet, à travers les exemples de reproches
précédemment cités, on voit bien à quel point la société a souhaité s’en tenir au modèle
de lecture existant, et n’a pas voulu proposer un mode de lecture innovant, qui aurait tiré
parti des technologies récentes à disposition. Qui plus est, afin de maîtriser parfaitement
l’utilisation qui pouvait être faite de ce nouvel objet, Cytale a instauré des usages définis
et très réglementés. Aussi, le livre électronique faisait-il l’objet de nombreuses
contraintes par rapport au livre traditionnel. Il n’était par exemple pas possible de prêter
12
Ibid., p3. 13
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.160.
12
ou d’échanger les livres numériques que l’on pouvait lire sur ces machines. Dominique
Nauroy voit dans ces nombreuses contraintes une raison non-négligeable à l’échec qu’a
connu Cytale :
Rappelons ici que la solution de distribution et de consommation des
œuvres mise en place par Cytale se caractérise à la fois par la non-
malléabilité de l’œuvre, alors que la nature même du numérique la rendrait
possible, et par la non-malléabilité de la machine, qui empêche toute
transgression de l’usage canonique. Pourtant, le succès d’une innovation
peut se trouver dans les pratiques non prévues par les concepteurs [...].14
A travers ces reproches émis à l’encontre des premiers livres électroniques, il
semble possible de noter une orientation générale aux causes de cet échec. Face au livre
imprimé, technologie éprouvée depuis des siècles et dont le succès n’était plus à
démontrer, l’e-book du début des années 2000 présentait un trop grand nombre de
défauts, qui en faisaient une technologie jeune et pas suffisamment au point. Lorenzo
Soccavo, dans son ouvrage Gutenberg 2.0, résume les raisons de cet échec :
Si en l’an 2000 les premiers livres électroniques n’ont pas connu le
succès, c’est pour des raisons précises : une technique qui restait encore à
développer, un modèle économique qui restait à préciser, et, surtout, à
l’époque, une demande à créer de toute pièce. [...] De plus, la nécessité
commerciale pour les acteurs de la chaîne du livre était encore moins
évidente, ou moins pressante, qu’elle peut être à l’approche des années
2010.15
En effet, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, il n’existait pas alors de
réel besoin ni de réelle demande en matière de livres électroniques. Au début des années
2000, le développement des nouvelles technologies liées au numérique était amorcé,
mais il n’en était pas au stade actuel. Aujourd’hui, dans une société où l’on peut accéder
à tout moment à n’importe quel titre de musique ou encore à n’importe quel film, il était
logique qu’une demande émerge de la même façon pour les livres. Or, au début des
années 2000, le numérique n’avait pas tant pénétré nos sociétés. Depuis sont nés les
« digital natives », pour qui l’instantané et la rapidité sont les modes d’accès normaux à
toute forme de produit culturel.
14
Dominique NAUROY, Op. Cit., p.6. 15
Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit., pp.30-31.
13
3. Un nouvel essor à la fin des années 2000
Depuis la fin des années 2000 et surtout depuis 2010, on constate donc le
développement d’une offre beaucoup plus conséquente, tant en termes de supports que
de contenus.
En effet, de nombreux distributeurs existants, tels que la Fnac ou encore
Amazon, proposent aujourd’hui un service de téléchargement de livres numériques.
Face à eux, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition sur le marché du livre
électronique. Bruno Patino, auteur d’un rapport sur le livre numérique remis au
Ministère de la Culture en 2008 explique ce phénomène : « Numilog et Cyberlibris, qui
sont deux agrégateurs numériques jouant à la fois le rôle de diffuseur et de distributeur,
proposent par ailleurs des abonnements thématiques s’adressant prioritairement aux
bibliothèques et aux entreprises. »16
Ces nouveaux acteurs sont à ce jour de plus en plus
nombreux à proposer une offre payante de livres numériques, dont nous étudierons les
différentes caractéristiques ultérieurement, dans une partie intitulée « Acquisition et
gestion des collections ». Face à ces distributeurs proposant un accès à une offre légale
payante, se développent également des offres légales gratuites, constituées
majoritairement d’œuvres tombées dans le domaine public, c’est-à-dire dont l’auteur est
décédé depuis plus de soixante-dix ans. C’est le cas par exemple du « Projet
Gutenberg » dont le site Internet17
propose un accès gratuit à des livres numériques dans
différentes langues, mais aussi de sites tels que « Ebooks libres et gratuits »18
, dont les
ouvrages libres de droit sont scannés ou OCRisés par des membres bénévoles. De
nombreux autres sites fonctionnant sur ce système proposent ainsi le téléchargement
gratuit sous différents formats de livres entrés dans le domaine public.
La question des formats est quant à elle l’un des grands enjeux de ce nouvel
essor de l’e-book de la fin des années 2000. Dans son rapport remis à Mme Christine
Albanel, Bruno Patino évoquait cette problématique de la diversité des formats
disponibles : « Il est particulièrement important que ces formats soient harmonisés,
lisibles par le grand nombre possible de logiciels de lecture et de machines. En
favorisant l’interopérabilité, deux objectifs sont atteints : la satisfaction des
16
Bruno PATINO, Rapport sur le livre numérique, disponible sur le site du Centre National du Livre,
<http://www.centrenationaldulivre.fr/?Rapport-de-Bruno-Patino-relatif-au> (consulté le 15.03.2011). 17
Projet Gutenberg <http://www.gutenberg.org/wiki/Main_Page> (consulté le 15.03.2011). 18
Ebooks libres et gratuits <http://www.ebooksgratuits.com/> (consulté le 15.03.2011).
14
consommateurs et la difficulté pour un acteur d’acquérir une position dominante. »19
Or,
il existe à ce jour trois formats principaux – les formats PDF, ePub et Mobipocket –
lisibles par la plupart des lecteurs.
Il semble aujourd’hui possible de dresser une typologie des livres numériques,
assez significative de l’évolution qu’ils ont connu depuis le début des années 2000. On
distingue en effet aujourd’hui deux types de livres électroniques : ceux conçus
spécialement pour le numérique et ceux qui sont le résultat de numérisation et sont donc
des livres papiers transposés. Dans un article intitulé « Le livre numérique en France :
état des lieux et perspectives de développement du marché », François Nawrocki
propose cette distinction entre les deux formes de livres numériques et évoque les
nouvelles possibilités offertes par le « livre augmenté ». Selon lui, « cela posera
forcément la question de la redéfinition du livre : dans l’univers numérique, celui-ci
pourra alors prendre la forme d’une application exécutable ou d’un site web mobile,
mettant en jeu des technologies et des modes d’accès très éloignés des fondamentaux du
monde de l’édition. »20
Avec cette forme de livre électronique, on songe notamment au
projet de feuilleton interactif initié par Alexandre Jardin, qui voit dans le numérique
l’occasion de donner naissance à une nouvelle forme d’écriture. En effet, on constate
que certains auteurs souhaitent apprivoiser cette nouvelle technologie afin d’en tirer de
nouvelles possibilités. C’est le cas d’Alexandre Jardin qui a décidé d’écrire un ouvrage
à paraître au format numérique seulement et utilisant de nouvelles formes d’écritures,
induites par le numérique. Des éditeurs se sont d’ores et déjà emparés de cette nouvelle
forme d’écriture, à l’instar de Storylab21
, « premier label numérique de séries
littéraires ». Par ailleurs, d’autres applications de livre augmenté existent déjà,
notamment en littérature de jeunesse, avec des livres mêlant texte, son, image, ou
encore animations. On pourrait même imaginer des formes totalement novatrices
d’écriture, grâce à la possibilité d’insérer des images notamment. Par exemple, on
pourrait imaginer que l’écrivain les utilise à la place de descriptions, qu’il s’agisse de
paysages ou encore de personnages. On voit bien à ce moment-là que le processus
d’écriture mais aussi de lecture s’en verrait complètement bouleversé : aucune place ne
19
Bruno PATINO, Op. Cit., p.35. 20
François NAWROCKI, « Le livre numérique en France : état des lieux et perspectives de
développement du marché », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47, ADBS, disponible en
ligne, <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm.> (consulté le
15.01.2011). 21
Storylab <http://www.storylab.fr/> (consulté le 03.04.2011).
15
serait plus laissée au lecteur dans la façon de percevoir telle scène ou de s’imaginer tel
paysage. Comme une adaptation cinématographique modifie toujours la perception que
l’on avait d’un livre, cette nouvelle forme d’écriture viendrait imposer à chaque signifié
une représentation bien définie. Face au livre augmenté, produit du numérique, on
retrouve ce que François Nawrocki nomme « livre homothétique » et qui est une
transposition numérique du livre papier. Cette forme de livre numérique se développe
également énormément, pour des raisons de conservation notamment, que nous
évoquerons plus particulièrement quand nous nous intéresserons à la mise à disposition
et à la conservation du patrimoine et des collections.
Le développement de cette offre de livres numériques s’accompagne également
d’une multiplication des supports de lecture. En effet, à ce jour cohabitent deux formes
majeures d’e-books à côté des supports plus mineurs de type smartphone ou console de
jeux (sur lesquels il est possible de lire des livres numériques, même si cela ne constitue
pas une de leurs fonctions principales). Les e-books, sur le modèle du Cybook de Cytale
et donc uniquement dédiés à la lecture se sont développés et se sont multipliés. Ils
offrent aujourd’hui un confort de lecture tout autre, puisqu’ils sont dotés d’écrans qui ne
sont plus rétro-éclairés. Ils utilisent la technologie de l’e-ink, ou encre électronique,
c’est-à-dire que le matériau utilisé pour former l’écran est comme une page
réinscriptible, qui ne consomme pas d’énergie sauf au moment de changer de page.
Parmi ces livres électroniques, on peut citer le Kindle d’Amazon, qui inclut un clavier et
permet donc les annotations, mais aussi le Sony Reader Pocket ou encore le Cybook de
Bookeen. Tous offrent un confort de lecture semblable à la lecture sur papier puisqu’ils
sont équipés de la technologie e-ink.
Face à ce type de modèle se développent aussi très largement depuis 2010 des
« tablettes numériques », qui sont en fait des outils multifonctions qui permettent
notamment de lire des livres électroniques. Le premier à avoir proposé ce type de
produit est Apple, avec l’Ipad, sorti en Mai 2010, et très rapidement d’autres
constructeurs se sont mis à commercialiser ce type de modèle. Ils se présentent sous la
forme d’écrans tactiles, sur lesquels il est possible de s’adonner à tous types d’activités
multimédia, et notamment la lecture. Néanmoins, ils n’offrent pas la même technologie
e-ink que les e-books car contrairement à eux, ils proposent une image en couleur. Par
contre, les tablettes numériques permettent de mêler image, texte, son et vidéo. A
travers ces deux modèles – celui de la tablette et celui du livre électronique – on
16
retrouve les caractéristiques des deux types de livres numériques. En effet, il semblerait
que là où l’e-book en tant que support permet la lecture de « livres homothétiques », les
tablettes offrent quant à elles la possibilité de lire des « livres augmentés », c’est-à-dire
des livres mêlant texte, son, image et vidéo.
Cet état des lieux de l’offre d’e-books, tant en tant que support que contenu, à
l’aube des années 2010, doit cependant être envisagé dans le cas strictement français.
En effet, on peut constater de grandes différences en termes de mentalités d’un pays à
un autre, et toutes les sociétés ne sont pas à même d’accueillir le livre électronique
aujourd’hui. On constate par exemple qu’au Japon, le développement s’est opéré
beaucoup plus rapidement qu’en France, mais il y a au moins deux explications à cela.
Non seulement les Japonais sont réputés pour être friands de nouvelles technologies, ce
qui explique déjà largement l’engouement suscité par la lecture de livres électroniques,
mais en plus on constate que les mangas, genre très apprécié des Japonais,
s’accommodent très bien de ce type de lecture. En effet, la lecture de mangas est très
facilement fragmentable (puisqu’à l’unité qu’est la page vient s’ajouter celle de la case)
et peut donc très facilement s’envisager sur de petits écrans de type smartphone par
exemple. En ce qui concerne les pays latins, et notamment la France, on constate que les
gens envisagent mal de payer pour du numérique (qu’il s’agisse d’un film ou d’un
livre), là où des Américains semblent beaucoup plus enclins à le faire. Il apparaît en
effet aujourd’hui que si 13% des Français déclaraient en 2010 avoir déjà téléchargé un
livre, dans seulement un cas sur quatre il s’agissait d’un livre payant. Dans un article
publié en février 2011 sur le site Internet « Numerama », l’auteur cite un institut de
mesure qui explique ces résultats :
La France est le pays qui souffre le plus du mythe de la gratuité
d'Internet. Là où d'autres pays, USA et Europe du Nord en tête, ont su
expliquer à leurs opinions publiques que Internet était un nouvel accès à
l'information et aux contenus, mais pas un nouvel écosystème, la France n'a
pas su faire passer le message à ses internautes.22
Après quelques ratés au début des années 2000, le livre électronique semble
donc aujourd’hui avoir trouvé la voie du développement en France comme dans
d’autres pays. Reste néanmoins à savoir quel impact l’arrivée de ce nouveau modèle
aura sur les pratiques de lecture.
22
Numerama, « La France encore réfractaire à l’achat de livres électroniques »,
<http://www.numerama.com/magazine/18055-la-france-encore-refractaire-a-l-achat-de-livres-
electroniques.html> (consulté le 15.03.2011).
17
II. Evolution ou révolution ?
1. Temps court et temps long
Si le développement de l’e-book ne semble plus à démontrer aujourd’hui, nous
sommes toutefois en droit de nous demander quel est l’impact de celui-ci sur notre
rapport à la lecture. A ce titre, on peut s’interroger sur la nature de ce changement. Doit-
on parler d’évolution ou de révolution ? En d’autres termes, doit-on considérer l’arrivée
du numérique dans les pratiques de lecture comme une forme de rupture avec les
pratiques acquises ?
Sur ce point, il semble tout d’abord important d’apporter une nuance. En effet, il
paraît pertinent ici de distinguer temps long et temps court. Dans le temps court, le livre
sous sa forme traditionnelle, c’est-à-dire le livre imprimé, nous semble irremplaçable
pour la simple raison qu’il nous semble avoir toujours existé. Depuis l’invention par
Gutenberg de l’imprimerie aux alentours de 1454, il apparaît en effet que le modèle n’a
pas tellement évolué. Depuis cette époque, le livre imprimé se présente en effet sous la
forme d’un objet formé de cahiers, eux-mêmes constitués de pages et divisés en
différentes sections. La lecture proposée est – tout au moins dans la majeure partie des
cas – une lecture linéaire, qui commence à la première page et se termine à la dernière.
Sur la page, cette lecture se traduit à la fois par un mouvement vertical – du haut vers le
bas – et un mouvement horizontal – de gauche à droite. Depuis l’invention de
l’imprimerie, on voit bien que le modèle n’a guère évolué, si ce n’est quelques
adaptations, avec la naissance du livre de poche par exemple. Le fait que ce modèle de
livre existe depuis le XVème
siècle, en fait à nos yeux un exemple de stabilité. Si l’on se
place dans le temps court, le livre imprimé nous semble effectivement être une
technologie éprouvée et irremplaçable.
Par contre, si l’on se place dans le temps long, c’est-à-dire si l’on réfléchit au
contexte dans lequel il s’est développé et à ce qui l’a précédé, on se rend bien compte
que le livre imprimé n’est qu’une étape dans un processus bien plus long. En effet,
avant de prendre l’aspect que nous lui connaissons, le livre avait la forme du volumen,
c’est-à-dire qu’il se présentait comme un rouleau que l’on déroulait au fil de la lecture.
Par la suite, entre les IIème
et IVème
siècles, le volumen a cédé sa place au codex, qui se
présentait quant à lui comme un assemblage de cahiers cousus ensemble. Bruno
Blasselle, auteur d’un ouvrage sur l’histoire du livre évoque l’impact d’un tel
18
changement : « Le rapport à l’homme s’en trouve modifié, fixant les usages dont nous
sommes les héritiers, principalement dans l’organisation des textes : foliotation, division
en chapitres, titres, tables des matières, séparation des mots viendront progressivement
structurer le codex antique. »23
Le passage du volumen au codex, suivi ensuite du livre
imprimé témoignent bien d’une évolution. La lecture telle qu’on la connaît et qu’on la
pratique aujourd’hui n’a pas toujours revêtu cette forme. Qui plus est, on peut constater
que l’imprimerie dans le modèle de livre qu’elle offre, constitue bel et bien une
révolution, mais pas une rupture dans la forme du livre. C’est ce que souligne Bruno
Blasselle dans son ouvrage : « Aussi révolutionnaire que soit la découverte de
l’imprimerie, elle ne constitue pas, du point de vue de la forme du livre, une rupture.
Dans le livre imprimé comme dans le livre manuscrit, les volumes se composent de
cahiers, formés de feuilles pliées, reliés ensemble. La mise en page reste la même. »24
Dans cette optique d’un temps long, une évolution de la forme du livre telle que
nous la connaissons semble donc tout à fait légitime et logique. Pour Lucien Xavier
Polastron25
, le développement de livres numériques semble même inévitable, car il
s’agit d’une évolution qui arrange tout le monde, riches et moins riches. En effet, selon
lui, le développement du livre numérique présente un grand avantage pour les plus
démunis qui ont accès via les bibliothèques numériques à des ouvrages qu’ils n’auraient
pas pu consulter près de chez eux. L’intérêt pour les plus riches réside dans le fait que
selon Lucien Xavier Polastron, depuis l’an 2000, nous en sommes arrivés à un point
proche de la saturation concernant la production de livres papier. Avec le numérique, le
stockage des ouvrages, et notamment de ceux issus du dépôt légal, devrait se voir
facilité.
Enfin, Bruno Patino, dans son rapport remis au Ministre de la Culture, partage
également l’idée selon laquelle le développement de l’imprimé constitue une évolution
plus qu’une révolution.
Dans les secteurs où le basculement s’est produit de façon
significative – l’édition scientifique, technique et juridique d’une part, les
dictionnaires et encyclopédies d’autre part – l’entrée dans l’univers
numérique s’est faite de façon naturelle, sans rupture apparente. Elle n’a
23
Bruno BLASSELLE, Histoire du livre, Vol. 1, A pleines pages, Gallimard, 1999, pp.16-17. 24
Ibid., p.66. 25
Lucien Xavier POLASTRON, La grande numérisation : y a-t-il une pensée après le papier ?, Denoël,
2006.
19
remis en cause ni le modèle commercial, ni la relation avec les auteurs, ni les
usages des lecteurs.26
Par ailleurs, il explique qu’il est plus pertinent de parler d’évolution car le livre
numérique s’installe sur des écrans qui existaient déjà avant ou tout au moins qui n’ont
pas été conçus spécialement pour lui. Nous verrons par la suite que contrairement aux
idées avancées par Bruno Patino, l’arrivée du livre électronique a tout de même remis
en cause certains modèles commerciaux et certains usages. On peut néanmoins
considérer qu’il s’agit là d’une évolution dans le sens où, comme évoqué
précédemment, certains usages et certaines pratiques demeurent, avec le développement
du livre homothétique notamment.
2. De Gutenberg 1.0 à Gutenberg 2.0
Lorenzo Soccavo dans son ouvrage Gutenberg 2.027
, voit également dans
l’arrivée du livre numérique une évolution, plus qu’une révolution. Il utilise pour
illustrer cette idée deux formules : celles de « Gutenberg 1.0 » et de « Gutenberg 2.0 ».
En effet, selon lui il est tout à fait pertinent de comparer ce passage de l’imprimé au
numérique à celui du volumen au codex. En ce sens, il s’agit bien d’une évolution d’un
modèle à un autre et les termes qu’il utilise dénotent un changement majeur. Les notions
de « 1.0 » et « 2.0 » font en effet référence aux domaines de l’informatique et de
l’Internet, puisqu’on les utilise notamment pour évoquer le passage du « web 1.0 » au
« web 2.0 ». Cette terminologie issue de l’informatique est à l’origine utilisée pour
signaler le passage pour un logiciel d’une version à une autre plus développée. Cette
analogie avec les logiciels dénote donc bien une évolution, puisque l’idée sous-jacente
est le passage d’un modèle à un autre amélioré. Dans le cas présent, l’idée défendue par
Lorenzo Soccavo repose sur le fait que l’invention de l’imprimerie serait une version
améliorée du codex et que le livre numérique serait lui-même une version améliorée du
livre imprimé.
Par ailleurs, on peut noter de nombreuses similarités du livre électronique avec
ses « ancêtres », qui apportent une certaine cohérence. On pense notamment au terme de
« tablette » utilisé pour désigner ce nouveau support de lecture numérique. Comment ne
pas y voir un lien avec les tablettes mésopotamiennes, qui étaient elles-mêmes des
supports d’écriture et par là même de lecture ? En cire ou en argile, ces tablettes
26
Bruno PATINO, Op. Cit., p.23. 27
Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit.
20
permettaient d’écrire et elles pouvaient être effacées pour réécrire dessus. Or, qu’est-ce-
que les tablettes numériques, si ce n’est des tablettes d’argile ou de cire très
améliorées ? Qui plus est, on l’a vu, le livre électronique aujourd’hui ne cherche pas à
se détacher totalement de son modèle traditionnel. Qu’il s’agisse des liseuses ou des
tablettes, le format reste très proche de celui des livres traditionnels, que l’on cherche
très clairement à imiter (en termes de structure, de pagination, etc.). Pour Alain
Jacquesson et Alexis Rivier dans Bibliothèques et documents numériques, la fonction
principale de l’e-book demeure la même que celle du livre papier : « La fonction
première des écrans est d’être une interface avec les utilisateurs. La surface de l’écran
est parfaitement comparable à un support de l’écrit plus traditionnel. »28
A ce stade, on
voit donc bien qu’en ce qui concerne le livre homothétique tout au moins, la cohérence
avec ce qui l’a précédé est un des points majeurs, qui permettent de parler d’évolution,
plus que de révolution.
Dans le même ordre d’idées, certains auteurs poussent l’analogie avec les
ancêtres du livre traditionnel tel que nous le connaissons encore plus loin, et n’hésitent
pas à parler de « codex numérique » pour évoquer le livre électronique. Aussi dans un
article publié dans le Bulletin des Bibliothèques de France en 2000, Christian
Vandendorpe voit-il dans le livre électronique l’idéal du codex enrichi :
En intégrant l’hypertexte à la mise en page du codex ou du
magazine, on enrichit l’expérience de lecture en lui donnant plus de fluidité :
l’hypertexte n’est pas envisagé ici comme un dépassement du livre, mais
comme un raffinement dans son organisation tabulaire.29
Qui plus est, le livre électronique pousse également à son paroxysme l’idéal de
portabilité tel qu’il est envisagé avec le codex. En permettant de transporter un très
grand nombre d’ouvrages avec un encombrement minimum, le livre électronique va en
effet dans le même sens que le codex qui, en remplaçant le volumen, devait rendre les
ouvrages plus facilement transportables.
On peut également noter que même dans sa législation, le livre numérique suit
un destin assez similaire à celui du livre imprimé. En effet, la proposition de loi selon
laquelle le livre numérique se verrait appliquer la loi Lang, qui concerne à l’origine les
livres imprimés, a été adoptée par l’assemblée nationale le 15 février 2011 avant de
28
Alain JACQUESSON et Alexis RIVIER, Op. Cit., p.158. 29
Christian VANDENDORPE, « Livre virtuel ou codex électronique ?, les nouveaux prétendants »,
Bulletin des Bibliothèques de France, t.45, n°6, 2000, p.20.
21
partir en deuxième lecture au sénat. Cette loi datant du 10 août 1981 prévoit en effet que
chaque livre ait un prix unique fixé par l’éditeur. Cette disposition a pour but de
protéger les petites librairies face aux grandes surfaces du livre. Appliquée au livre
numérique, elle devrait poursuivre le même objectif. Cependant, de nombreuses voix se
sont élevées car un amendement prévoyait que cette disposition ne s’applique qu’aux
livres dont les éditeurs étaient basés en France. De nombreux professionnels du secteur
du livre voyaient dans cet amendement un risque de dumping particulièrement élevé,
puisqu’il prévoyait que les plates-formes de téléchargement situées à l’étranger ne
soient pas concernées par la loi sur le prix unique du livre. Si le 9 mars 2011, la
commission de la culture du Sénat, certainement consciente du problème occasionné, a
réintroduit la clause d’extraterritorialité, la situation demeure assez complexe. En effet,
le 7 avril 2011, les députés ont à nouveau supprimé la clause d’extraterritorialité, mais
ont rajouté un alinéa : « Est nul et réputé non écrit toute contrat ou toute clause
autorisant la vente d’un livre numérique à un prix de vente inférieur à celui fixé dans les
conditions déterminées au même article 2. »30
Ceci vise à « renforcer le contrat de
mandat régissant les relations entre les éditeurs et les revendeurs installés à l’étranger. »
selon un article du Magazine littéraire.31
Le texte devra enfin être approuvé le 5 mai par
les deux chambres.
L’autre pan de la législation concernant le livre numérique et en particulier le
livre homothétique se rapproche également des dispositions propres au livre imprimé,
puisque comme ce dernier, il devrait se voir appliquer une TVA réduite à 5.5% au 1er
janvier 2012. Cependant une fois encore de nombreuses voix s’élèvent contre cette
disposition. Dans un article intitulé « La TVA à 5.5% sur le livre numérique repoussée
au 1er
janvier 2012 » publié sur le site eBouquin, l’auteur s’interroge sur la pertinence
d’une telle disposition. En effet, selon lui, à l’horizon 2012, le livre numérique aura
continué d’évoluer et il se demande donc si le modèle du livre homothétique sera
toujours aussi pertinent : « Une TVA à 5,5% sera-t-elle toujours utile en janvier 2012?
Certes, le livre homothétique n’aura pas disparu, mais la définition même de livre
numérique aura sûrement changé : livre-web, livre animé, livre-application, livre-
30
Assemblée nationale, Texte adopté n°644, disponible en ligne <http://www.assemblee-
nationale.fr/13/ta/ta0644.asp> (consulté le 15.04.2011). 31
« Accord en vue pour la loi sur le prix du livre numérique, Le Magazine littéraire, en ligne
<http://www.magazine-litteraire.com/content/breves/article?id=18980> (consulté le 15.04.2011).
22
multimédia etc. »32
Toutefois, si l’on met de côté le fait que cette disposition puisse
arriver un peu tardivement, on voit bien qu’elle fait partie d’un dispositif législatif plus
global qui vise au développement du livre numérique dans un sens analogue à celui du
livre imprimé.
A travers toutes ces ressemblances et toutes ces mesures, on voit donc bien
comment le livre électronique évolue dans le même sens que le livre imprimé. En effet,
avec le livre homothétique il s’apparente beaucoup au livre traditionnel et se joue de
cette ressemblance, en utilisant des termes qui tissent des liens directs avec les ancêtres
du livre tel que nous le connaissons aujourd’hui.
3. Si révolution il y a, elle réside dans de nouvelles perspectives
d’écriture et de lecture
Pour autant, il semble assez utile, voire nécessaire de nuancer tout cela. En effet,
il est important de noter que jusque-là, on s’est surtout intéressé aux changements
occasionnés par le livre homothétique. Or, ceux découlant du livre augmenté tel qu’on
l’a défini précédemment semblent assez différents. On peut effectivement penser que
s’il est aujourd’hui possible de parler de révolution en ce qui concerne le
développement du livre électronique en France, c’est bien du fait des nouvelles
perspectives qu’il offre en termes d’écriture et de lecture.
Lucien Xavier Polastron que l’on a déjà évoqué précédemment, parle de fait de
révolution. Selon lui, celle-ci est à relier au passage du volumen au codex. En ce sens, il
rejoint donc la vision de Lorenzo Soccavo rappelée dans la partie précédente.
Cependant, là où ce-dernier utilise l’expression de « Gutenberg 2.0 » pour dénoter une
évolution et souligner une idée de continuité, Lucien Xavier Polastron utilise clairement
le terme de révolution. En effet, dans La grande numérisation, il écarte dès le départ
toute comparaison avec le passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée. Par
contre, en reliant ce changement au passage du volumen au codex, il parle franchement
de révolution : « La révolution avec laquelle cousine le bouleversement contemporain
s’était produite bien plus tôt et elle a duré deux siècles : c’est le formidable transfert des
textes inscrits sur un rouleau – volumen ou rotulus suivant que l’œil y défile
32
eBouquin, « La TVA à 5.5% sur le livre numérique repoussée au 1er
janvier 2012 »,
<http://www.ebouquin.fr/2010/12/13/la-tva-a-55-sur-le-livre-numerique-repoussee-au-1er-janvier-2012/>
(consulté le 17.03.2012).
23
latéralement ou de haut en bas – vers le codex, qui se fit aux alentours de l’an 300. »33
La révolution telle qu’il l’évoque, réside dans le fait qu’il y a un changement de lectures
et de pratiques occasionnées. En effet, on voit bien qu’avec le passage du manuscrit à
l’imprimé, il n’y a pas de véritable bouleversement dans les pratiques, si ce n’est que
cela permet une plus grande production d’écrits. Avec le passage du volumen au codex,
on l’a déjà évoqué, on assiste par contre à une véritable révolution dans les pratiques de
lecture. Or, c’est également ce qui se passe avec le passage du livre imprimé au livre
numérique, tout au moins quand il est question du livre augmenté, c’est-à-dire du livre
qui tire profit des nouvelles possibilités offertes par le numérique, notamment en termes
de multimédia.
Lise Vieira partage également cet avis, puisque selon elle, la véritable révolution
en soi ne réside pas dans le nouveau format ou la nouvelle matérialité du livre, mais
plutôt dans l’hypertexte et les nouvelles possibilités de navigation induites. En effet, le
fait que le livre numérique se présente sous la forme d’un écran, tactile ou non, avec des
boutons ou non, ne constitue pas un véritable bouleversement en soi. Par contre, le fait
que le livre évolue dans les possibilités d’écriture et de lecture qu’il offre en fait un outil
révolutionnaire. On rejoint donc bien ici la notion de livre augmenté évoquée
précédemment : il est question d’un livre qui combine le texte à d’autres ressources
multimédias (son, image, vidéo), ce qui ouvre totalement le champ des perspectives
offertes par celui-ci. A ce propos, Lise Vieira explique que « l’ère de l’électronique est
ouverte, et ses premières réactions laissent entrevoir que le territoire couvert par ces
nouvelles formes d’édition sera une extension beaucoup plus vaste que celui de
l’imprimé. »34
On peut également songer aux multiples possibilités offertes par
l’hypertexte. En effet, il est aujourd’hui possible avec un livre numérique de cliquer sur
un mot pour obtenir sa définition par exemple. L’hypertexte – qui est non seulement
l’un des produits d’Internet mais aussi la parfaite illustration des possibilités de
navigation qu’il offre – se voit adapté et relié aux problématiques de lecture. Le livre
donne effectivement des moyens diversifiés d’accès aux éléments du texte, rompant
avec la linéarité traditionnelle : les hyperliens permettent une lecture « rhizomatique »,
c’est-à-dire fragmentaire et totalement personnelle. En effet, plus personne ne suit le
même « chemin » de lecture et chaque lecteur peut donc construire son livre. Et selon
Lise Vieira, « c’est ce nouveau moyen de naviguer dans le savoir qui constitue la
33
Lucien Xavier POLASTRON, Op. Cit., p.122. 34
Lise VIEIRA, Op. Cit., p.20.
24
véritable novation culturelle [...]. Le changement de support doit bien être compris
comme une manière nouvelle de conception et de diffusion des contenus et non comme
un simple transport du papier vers l’électronique. »35
A travers ces différents avis, on voit bien qu’en réalité, tous ces auteurs
partagent une même idée de changement. En effet, tous reconnaissent et soulignent
celui-ci, seulement, certains y voient un bouleversement plus profond que d’autres.
Nombreux sont ceux qui font le lien avec le passage du volumen au codex et évoquent
les multiples similitudes entre les deux évolutions. Toutefois, la distinction entre livre
homothétique et livre augmenté semble d’autant plus justifiée ici que l’on remarque
bien que les deux types de livres ne vont pas engendrer les mêmes pratiques de lecture
et ne vont donc pas avoir le même impact sur notre rapport au livre et à la lecture. L’un
apparaît effectivement plus révolutionnaire que l’autre, par la multitude et la diversité
des nouvelles possibilités qu’il offre à son lecteur.
III. L’impact de ce changement sur les pratiques de lecture
1. Les publics concernés et l’attrait de la modernité
Maintenant que l’on a étudié la façon dont le livre électronique s’est développé
ces dernières années et que l’on s’est interrogé sur l’outil révolutionnaire qu’il
représentait ou non, il semble important de s’intéresser aux différents impacts qu’il peut
avoir sur les pratiques de lecture. En effet, il semble déjà possible d’avancer que toutes
les tranches de la population ne sont pas concernées de la même façon par le
développement du livre électronique.
L’étude du CNL menée de 2009 à 2010 intitulée Le livre sera-t-il numérique ?36
s’intéresse particulièrement aux différents publics touchés par cette question. Au travers
de questionnaires et d’entretiens, le CNL tente ici de dresser un premier portrait des
utilisateurs d’e-books, des personnes potentiellement intéressées par ceux-ci et de ceux
qui, au contraire, ne voient aucun intérêt dans ce nouvel outil. A l’issue de cette étude,
le CNL distingue trois profils, chacun plus ou moins intéressé par le livre électronique :
les « affectifs », les « pragmatiques » et les « distants ».
35
Ibid., pp.44-45. 36
Centre National du Livre, Op. Cit.
25
Les « affectifs » et les « pragmatiques » appartiennent à la catégorie des moyens
ou des gros lecteurs, mais leur rapport à la lecture et à l’objet livre est assez différent.
Les « affectifs » ont une relation jugée boulimique à la lecture et à l’objet livre et la
lecture fait partie intégrante de leur quotidien. Les « pragmatiques », s’ils ont une
relation forte à la lecture, présentent par contre une relation ambivalente à l’objet livre.
Contrairement aux « affectifs », la relation sensuelle et sensorielle au livre peut être
évoquée, mais c’est par habitude. La relation physique au livre ne constitue pas une
dimension structurelle dans l’expérience de lecture. Enfin, les « distants » sont de petits
lecteurs et leurs représentations associées au livre sont assez négatives. De plus, ils sont
nombreux à évoquer un certain sentiment d’exclusion vis-à-vis du livre et de la lecture.
En ce qui concerne la lecture de livres électroniques, le public désigné dans
l’étude comme le « public intéressé » (c’est-à-dire celui constitué de lecteurs de livres
électroniques) est surtout constitué de « pragmatiques » et de quelques « affectifs » qui
ont recours à la lecture électronique surtout pour gérer des contraintes budgétaires. Un
premier profil de lecteurs d’e-books se dessine donc déjà : ce sont pour la majorité
d’entre eux des personnes pour qui la lecture est une activité importante mais pour qui
le contact avec l’objet livre ne constitue pas un élément indispensable à l’acte de
lecture. Cette description semble d’ailleurs se confirmer par la suite en ce qui concerne
les personnes qui ne lisent pas encore de livres électroniques. En effet, les « affectifs »
ne voient aucun intérêt pour eux-mêmes dans la lecture d’e-books, alors que pour les
« pragmatiques » ceux-ci pourraient représenter un outil pratique et permettre un gain
de place. Les premiers y voient effectivement un sacrifice plus grand dans la perte du
papier comparé aux bénéfices occasionnés par le numérique. Ils évoquent également la
peur d’être dépassés par la technologie. Les seconds sont quant à eux attirés par la
possibilité de choisir ses livres en situation de mobilité et par la recherche
d’optimisation du contenu rendue possible, notamment en termes d’actualisation et
d’interactivité. Les « distants » quant à eux voient dans le livre électronique un nouveau
support séduisant, à même de redynamiser leur intérêt pour le livre, car rendu plus
accessible et plus ludique.
Si l’étude du CNL distingue les différents publics sur la base de leur relation au
livre, il semble également possible de noter des différences de points de vue liées à
l’âge et aux différences de générations. En effet, après avoir interrogé différentes
personnes qui semblaient constituer un public potentiel, il a été possible de se rendre
26
compte que les personnes âgées et les plus jeunes n’abordaient pas du tout la lecture
électronique de la même façon. Marie-Jeanne37
, retraitée, ne connaît pas le livre
électronique. Même une fois défini, l’e-book semble lui faire plutôt peur et elle y voit
beaucoup d’inconvénients. Elle se représente la lecture électronique principalement sur
ordinateur et y voit de sérieux désavantages. En effet, comparée à la lecture classique, la
lecture électronique éveille en elle un certain nombre de soucis d’ordre matériel : lire
sur ordinateur sous-entend dépendre d’une machine et donc devoir l’allumer et
l’éteindre à chaque utilisation. Cela sous-entend également de rester assis sur une chaise
devant son ordinateur, là où avec un livre papier on peut lire dans différentes positions.
Si on peut objecter que la lecture sur ordinateur n’est qu’une possibilité parmi d’autres,
il semble tout à fait significatif de noter que l’ordinateur est également cité comme le
support principal dans l’étude du CNL évoquée ci-dessus. Toutefois, il est jugé inadapté
par tous ceux qui l’évoquent en raison de l’inconfort qu’il suscite et aussi du fait de la
gestuelle liée à la lecture qu’il ne reproduit pas.
Pierre38
, un adolescent de seize ans également interrogé sur la lecture
électronique, offre une vision des choses tout à fait différente. En effet, le numérique ne
lui fait pas peur, lui qui fait partie de la génération qu’on appelle les « digital natives »
et qui a déjà eu l’occasion de lire des extraits de livre électronique sur un Ipad. Il voit au
contraire dans l’électronique un attrait plus important que dans le livre papier. Il
explique même que s’il avait à choisir entre un même ouvrage sous format papier ou
sous format électronique, il choisirait certainement ce dernier. La modernité l’attire,
mais il reste toutefois très pragmatique : un livre reste un livre et même si l’enveloppe
change, le contenu et le nombre de pages restent les mêmes. Si dans un premier temps
l’aspect innovant et novateur peut lui donner envie de lire un livre, il admet que cela ne
le fera pas lire plus. Il est par ailleurs conscient des avantages offerts par le papier et la
possibilité de se créer sa propre bibliothèque notamment. L’idéal consisterait selon à lui
à pouvoir concilier les deux : constituer sa bibliothèque de livres papier, mais aussi
avoir la possibilité de constituer sa bibliothèque électronique et pouvoir l’emmener
partout.
Enfin, il semble également important de noter que l’offre induit aussi les
pratiques. Or, certains secteurs et certains domaines sont clairement plus amenés à se
37
Cf. entretien en annexe n° 1. 38
Cf. entretien en annexe n° 2.
27
développer que d’autres. Bruno Patino, dans son rapport adressé au Ministre de la
Culture notait en 2008 que « ces diverses offres sont donc essentiellement concentrées
dans les secteurs des livres pratiques et de la littérature professionnelle. »39
On
comprend donc bien que tous les publics ne sont pas touchés par ces types de lecture et
surtout on voit bien à quel point une distinction entre deux types de pratiques – lecture
loisir et lecture professionnelle – s’impose.
2. Lecture loisir
Selon Brigitte Simonnot lors de son intervention intitulée « Médiation et
médiateurs de la lecture numérique » au colloque sur les « Métamorphoses numériques
du livre », « on ne devrait pas parler de la lecture numérique, mais des lectures
numériques. »40
En effet, on comprend bien qu’il existe autant de lectures numériques
qu’il y a non seulement de types de textes (on songe notamment à la lecture de livres
pratiques, d’ouvrages de littérature, etc.), mais aussi qu’il y a d’écrans et de supports
différents. En effet, il semble assez logique de penser que l’on ne va pas aborder de la
même façon la lecture d’un chapitre dans un guide de voyage sur une tablette et la
lecture dans son intégralité d’un classique de la littérature sur un écran d’ordinateur.
Néanmoins, il semble possible de distinguer entre lecture loisir et lecture
professionnelle ou érudite. En effet, là où la première est une lecture pour le plaisir et
n’a pas vocation à une véritable réflexion sur le texte, la seconde au contraire peut
amener à une prise de notes ou à un surlignage du texte avec par exemple pour objectif
de le commenter.
A l’intérieur même de cette catégorie que constitue la lecture loisir, il est
également possible de distinguer deux grands types de lecture : la lecture de livres
pratiques et la lecture littéraire. Cette distinction n’est par ailleurs pas propre à la lecture
numérique, puisqu’on la retrouve également avec les ouvrages imprimés. Cependant, il
apparaît que chaque catégorie présente des caractéristiques particulières qui font que
leur lecture sous forme numérique s’en trouve modifiée. L’un des traits principaux que
l’on peut noter à propos de la lecture numérique c’est qu’elle appelle surtout une lecture
fragmentée. En effet, si l’on songe notamment à la lecture sur un écran d’ordinateur,
39
Bruno PATINO, Op. Cit., p.23. 40
Brigitte SIMONNOT, « Médiation et médiateurs de la lecture numérique ». In Actes de colloque Les
métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction
d’Alain Giffard, pp.53-61. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-
MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).
28
dans le cadre d’une lecture pour le plaisir, on se rend bien compte qu’on va avoir
tendance à aller consulter ponctuellement telle partie ou tel chapitre d’un ouvrage, bien
plus qu’on ne va le lire dans son intégralité, du début à la fin. Là où on évoquait en effet
précédemment que la lecture en position assise devant un écran d’ordinateur pouvait se
révéler fastidieuse, le recours ponctuel à cette forme de lecture pour, par exemple,
consulter une recette de cuisine ou un chapitre dans un ouvrage sur le bricolage semble
nettement plus envisageable. Or, on comprend aisément pourquoi les livres pratiques
répondent parfaitement à ce type de lecture. Pour reprendre l’exemple du livre de
recettes, il ne s’agit pas d’un ouvrage que l’on va lire de la première à la dernière page,
tout comme on ne va pas lire dans son intégralité un guide de voyages. En ce sens, on
voit bien que la lecture numérique, surtout lorsqu’elle s’effectue sur un écran
d’ordinateur, ou même sur une tablette, répond aux différentes caractéristiques de la
lecture de livres pratiques.
Par ailleurs, cette tendance se confirme nettement lorsqu’on s’intéresse aux
livres les plus téléchargés. Une étude réalisée par le MOtif41
, l’observatoire du livre et
de l’écrit en Ile de France, porte sur l’offre illégale de livres numériques en France en
2010. On peut penser qu’une étude sur le téléchargement illégal est assez représentative
des pratiques de lecture numérique, puisqu’on voit bien à travers ces titres les plus
piratés quelles sont les grandes tendances en termes de livres numériques. Or, ce que
l’on constate à la lecture de cette étude c’est que 44.8% des livres piratés sont des livres
de littérature et que juste derrière on retrouve les livres pratiques, qui représentent
37.7% des livres piratés. Par ailleurs, Tout couscous42
, le deuxième livre le plus présent
sur les réseaux pirates – derrière Apocalypse Bébé43
de Virginie Despentes – en France
sur Internet, est un livre de recettes, ce qui va bel et bien dans le sens de l’analyse que
l’on a pu proposer sur cette forme ponctuelle de lecture numérique.
Toutefois, le titre le plus présent sur les réseaux pirates est un roman, ce qui nous
amène à la deuxième forme de lecture loisir. En effet, on peut constater que bon nombre
des auteurs les plus présents sur ces réseaux sont des auteurs de romans contemporains,
ce qui nous laisse penser que la lecture numérique d’ouvrages littéraires est une pratique
répandue. Cette tendance est par ailleurs confirmée par l’étude du CNL qui rappelle que
41
MOtif, « Etude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2010 », disponible en
ligne <http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/242/fichier_fichier_le.motif.ebookz.2.pdf> (consulté le
21.03.2011). 42
Sophie BRISSAUD, Tout couscous, Minerva, 2009. 43
Virginie DESPENTES, Apocalypse Bébé, Grasset, 2010.
29
« la littérature classique, les livres scientifiques et les livres pratiques sont les
principaux genres de livres lus au format numérique. »44
A côté du téléchargement
illégal d’œuvres littéraires récentes, on note surtout beaucoup de téléchargements
gratuits de classiques ou de livres tombés dans le domaine public. Ce constat,
qu’effectue également le CNL dans son enquête, puisqu’il évoque le téléchargement
gratuit comme étant le principal moyen de se procurer des livres numériques pour le
public actuel, montre bien que la lecture loisir demeure l’une des principales raisons de
recours à la lecture numérique. Toutefois, l’étude du CNL souligne une caractéristique
de cette lecture d’œuvres littéraires au format numérique : « Si la lecture de livres
numériques reste pour eux principalement une activité de loisir, elle se fait de manière
plus fractionnée que celle des livres papiers. »45
Cette lecture fragmentée, que l’on
évoquait précédemment concernant les livres pratiques, serait donc une caractéristique
plus large de la lecture numérique. Or, c’est cet aspect qui amène certains auteurs à
s’interroger. En effet, Hervé Le Crosnier lors de son intervention au colloque sur les
« Métamorphoses numériques du livre » évoquait les nouvelles pratiques de lecture
induites par le numérique. Selon lui, si avant, avec le livre imprimé, on lisait un roman
du début à la fin, aujourd’hui le modèle qui se profile est tout autre : « Ce modèle est en
train de se transformer en une relation de communication où lire signifie parler des
livres, recommander des livres. »46
Or, pour parler des livres, nul besoin de les avoir lus
de bout en bout. En témoigne d’ailleurs la récente parution d’un livre intitulé Comment
parler des livres que l’on n’a pas lus ?47
. Cette idée est également partagée par
Françoise Benhamou qui, lors du même colloque, évoquait la possibilité d’un
développement de nouveaux modèles économiques en fonction de cette nouvelle forme
de lecture fragmentée. Elle songe notamment à des achats de textes intégraux, mais
aussi des achats d’« un ou plusieurs morceaux de textes pris dans des ouvrages
différents. »48
44
Centre national du livre, « Résultats quantitatifs », in Le livre sera-t-il numérique ?, p.16. Enquête
réalisée en 2009 et 2010, disponible sur Internet < http://www.centrenationaldulivre.fr/?Le-livre-sera-t-il-
numerique>. 45
Ibid., p.16. 46
Hervé LE CROSNIER, « Pratiques de lecture à l’ère de l’ubiquité, de la communication et du partage
de la connaissance». In Actes de colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence
Régionale du Livre PACA, sous la direction d’Alain Giffard, pp.7-16. Disponible en ligne :
<http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011). 47
Pierre BAYARD, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?, Editions de Minuit, 2007. 48
Françoise BENHAMOU, « Livre numérique : quel modèle économique pour un changement de
paradigme ? ». In Actes de colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence
30
La lecture loisir, de textes pratiques comme de textes littéraires, est donc une des
possibilités offertes par la lecture numérique. Toutefois, la lecture numérique de loisir,
si elle présente de nombreuses similitudes avec la lecture de loisir sur papier, présente
un certain nombre de caractéristiques qui lui sont propres et qui suggèrent de nouvelles
perspectives de développement.
3. Lecture professionnelle ou de recherche
On l’a vu, à côté de la lecture de loisir cohabite un autre type de lecture, que
d’aucuns disent encore plus adapté à la lecture numérique : il s’agit de la lecture
professionnelle ou de recherche. En effet, l’étude du CNL montre que parmi le public
des utilisateurs actuels d’e-books, les « affectifs » ont recours aux livres électroniques
dans le cadre de lectures professionnelles uniquement et les « pragmatiques » les
utilisent également majoritairement dans ce même contexte. Ces personnes auraient
donc adopté le livre numérique dans le cadre de leur travail, mais pas pour leurs lectures
personnelles. Lorsqu’on fait ainsi référence aux « lectures professionnelles », il peut
être question de lectures plus ou moins ponctuelles et surtout plus ou moins longues
selon qu’il s’agit de l’étude d’une œuvre littéraire dans le cadre d’un travail de
recherche par exemple, ou de la lecture d’un document plus court au format
numérique. Dans tous les cas, il s’agit néanmoins d’une lecture que l’on peut qualifier
d’active, c’est-à-dire qui amène son lecteur à réfléchir à ce qu’il lit et peut appeler une
activité de surlignage ou de prise de notes en marge du texte.
Dans le cadre de rencontres avec des utilisateurs potentiels d’e-books, nous nous
sommes entretenus avec Thomas Lebarbé49
, enseignant-chercheur à l’Université
Stendhal de Grenoble (laboratoire LIDILEM). Son profil et son ressenti vis-à-vis de la
lecture d’e-books semblent assez représentatifs du phénomène que l’on vient d’évoquer.
En effet, celui-ci voit un grand intérêt dans le recours à la lecture numérique dans le
cadre de son travail, mais pas du tout dans le cadre de ses lectures personnelles. En tant
que chercheur en informatique et linguistique, il a largement recours à ce type de lecture
et possède d’ailleurs un Ipad. Il l’utilise dans le cadre de ses recherches et lors de notre
entretien, il a par exemple évoqué une version numérique d’Alice au pays des merveilles
sur laquelle il travaillait. Pour autant, il n’appréhende pas du tout de la même façon la
Régionale du Livre PACA, sous la direction d’Alain Giffard, pp.17-26. Disponible en ligne :
<http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011). 49
Cf. entretien en annexe n°6.
31
lecture personnelle et n’envisage absolument pas de lire sur son Ipad dans un autre
contexte que le contexte professionnel.
Il semble donc à ce stade pertinent de s’interroger sur les raisons pour lesquelles
la lecture professionnelle – et notamment la lecture de recherche – se prête bien à la
lecture numérique. Comme on l’a vu précédemment, le livre numérique permet une
lecture sélective, très pratique pour le chercheur ou l’étudiant. En effet, celui-ci peut très
facilement se procurer une partie d’un ouvrage. La technologie de l’hypertexte permet
quant à elle de naviguer plus facilement, non seulement à l’intérieur du texte, mais aussi
entre différents textes. Cependant, cette possibilité offerte par le livre numérique amène
Lise Vieira à s’interroger sur le nouveau comportement du lecteur, occasionné par une
telle pratique. Elle redoute en effet que ne se développe un comportement « zappeur »,
surtout chez les jeunes, à l’image de l’internaute et du téléspectateur qui, face à
l’abondance de l’information et la facilité à l’obtenir, peuvent se permettre ce type de
comportement. Elle évoque notamment une « fâcheuse tendance à « zapper » dans le
texte en évitant les descriptions jugées trop longues. »50
Qui plus est, dans la plupart des
textes électroniques et notamment dans les documents numérisés en mode texte, il est
tout à fait possible d’effectuer des recherches à l’intérieur même du texte (recherche de
l’occurrence d’un même mot, etc.). Dans leur ouvrage Bibliothèques et documents
numériques, Alain Jacquesson et Alexis Rivier regroupent ces différentes possibilités
sous la notion d’«exploration linguistique »51
. Il s’agit notamment d’analyse
morphosyntaxique, d’analyse sémantique, ou encore de statistique linguistique et de
comparaison de versions. On voit donc bien à travers ces différentes notions à quel
point dans le cadre d’une lecture professionnelle et surtout d’une lecture de recherche, le
livre numérique offre un certain nombre de possibilités qui n’étaient pas envisageables
avec l’imprimé, ou qui se révélaient en tous cas très fastidieuses.
De nombreuses autres fonctionnalités s’offrent au lecteur actif avec le livre
électronique. En effet, aujourd’hui la plupart des supports (qu’il s’agisse des ordinateurs
ou des supports dédiés) offrent des fonctions d’annotation, de surlignage ou de signets,
qui permettent d’enrichir la lecture. A l’image des annotations qui fleurissaient dans les
marges au Moyen Age, il est aujourd’hui possible de prendre des notes sur les textes
numériques, ce qui laisse imaginer de possibles passages d’annotations entre lecteurs,
50
Lise VIEIRA, Op. Cit., p.130. 51
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit.
32
ou encore la création de mots clés pour relier des passages distants entre eux. Des outils
tels que LibraryThing52
ou Delicious53
permettent d’ores et déjà de partager des
annotations, des notes de lecture, etc. Dans Bibliothèques et documents numériques, les
auteurs évoquent également une nouvelle possibilité offerte par les livres numériques et
notamment les bibliothèques numériques. Il s’agit de la création de corpus personnels :
« Les bibliothèques numériques sont éclatées, disséminées aux quatre coins d’Internet.
Des possibilités de transfert simples permettent à chacun de faire venir à soi des
quantités de savoirs inimaginables auparavant. Les chercheurs, en particulier,
constituent sur leur poste de travail des corpus personnels. »54
En effet, on voit bien
avec les textes numériques à quel point la notion de corpus prend toute son importance.
Jean Clément, dans son ouvrage La littérature au risque du numérique, évoque même
l’idée selon laquelle le livre ne serait plus l’unité de lecture, mais que ce serait le
corpus. En effet, avec la lecture sur écran on peut en quelques instants avoir accès à
toute l’œuvre de Chateaubriand et c’est ce qui fait tout son intérêt. C’est ce qui amène
Jean Clément à penser que « le corpus remplace le livre. Constitué des textes d’un
même auteur ou de ceux d’un ensemble plus large (une anthologie d’un genre littéraire,
une collection des ouvrages publiés dans une période donnée, etc.), le corpus est la
nouvelle unité de lecture sur support électronique. »55
A l’aube de la décennie 2010, le développement du livre électronique semble
plus qu’amorcé et même si les modèles semblent prompts à continuer d’évoluer, on peut
d’ores et déjà noter l’émergence de deux types de livres électroniques, à savoir le livre
homothétique et le livre augmenté. Chacun avec leurs caractéristiques, ces livres
électroniques sont à l’origine de nouvelles pratiques de lecture, tant en ce qui concerne
la lecture personnelle de loisir que la lecture professionnelle de recherche. Reste
maintenant à s’interroger sur l’impact de ces nouvelles formes de livre et de lecture sur
l’organisation des bibliothèques. Quels sont à ce jour les changements occasionnés dans
les bibliothèques de lecture publique et dans les bibliothèques universitaires ? Et quelles
perspectives de développement le livre et la lecture numériques offrent-ils à ces mêmes
bibliothèques ?
52
LibraryThing < http://www.librarything.fr/> (consulté le 23.03.2011). 53
Delicious < http://www.delicious.com/>, (consulté le 23.03.2011). 54
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., pp.398-399. 55
Jean CLEMENT, « La littérature au risque du numérique ». Document numérique, 2001 /1-2, vol.5.
Disponible en ligne, <www.cairn.info> (consulté le 31.01.2010).
33
Deuxième partie : L’intégration de collections de livres numériques dans des fonds de bibliothèques
I. Les bibliothèques municipales : comparaison de
différents modèles
1. Les bibliothèques municipales de Grenoble : le choix de Numilog
Nous allons à présent nous appuyer sur différents exemples de bibliothèques
ayant intégré – à des degrés divers – des fonds de livres numériques dans leurs
collections. Ces différents cas nous permettront par la suite d’élargir à des
considérations d’ordre plus général concernant la position des bibliothèques
municipales et bibliothèques universitaires. Toutefois, nous ne traiterons pas ici les cas
particuliers que représentent la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque
Publique d’Information (BPI) et les bibliothèques départementales de prêt. En effet, la
BPI et la BnF présentent des caractéristiques qui ne sont propres qu’à elles-mêmes et ne
permettraient pas de tirer de conclusions générales de leurs expériences. Les
bibliothèques départementales de prêt semblent quant à elles à ce jour moins prompts à
proposer des services de prêt de livres électroniques étant donné qu’elles ne sont pas
directement en contact avec le public. Nous étudierons donc comment les bibliothèques
ouvertes à différents types de public que sont les bibliothèques municipales et les
bibliothèques universitaires réagissent et décident d’agir face au développement du livre
électronique.
Le premier exemple que nous allons étudier est celui des bibliothèques
municipales de Grenoble. Elles sont organisées en un réseau de quatorze bibliothèques,
dont trois grandes et un certain nombre de bibliothèques de quartier et de bibliothèques
spécialisées et associées. En ce qui concerne leur offre de livres électroniques, les
bibliothèques municipales de Grenoble proposent à ce jour un accès à Numilog, que les
usagers peuvent atteindre directement de chez eux via le site des bibliothèques. Pour les
usagers qui possèdent un abonnement au réseau et qui souhaitent accéder à ce service de
prêt de livres numériques, il est nécessaire de faire une demande auprès des
bibliothécaires afin de s’enregistrer. Il s’agit donc bien d’une démarche que l’usager
34
doit faire en plus de son abonnement, toutefois ce service est compris dans celui-ci et ne
lui coûte rien de plus.
Sur le site de Numilog, l’usager a alors accès à un catalogue de 480 titres56
dans
divers domaines (des livres pratiques aux essais, en passant par les romans et la poésie)
et il peut emprunter simultanément deux ouvrages pour une durée de quatre semaines,
c’est-à-dire comme pour les documents imprimés de type livres ou revues. A la fin de
cette période de prêt, l’ouvrage disparaît directement du support sur lequel il est stocké,
qu’il s’agisse d’un ordinateur ou d’un e-book. Il existe également un autre type d’accès
à ces documents. En effet, l’usager peut soit télécharger le livre pour quatre semaines,
comme on vient de le voir, soit le consulter pendant deux heures en accès sur place.
Différents formats de lecture sont proposés, à savoir le format PDF, le format ePub et le
format WMA pour les livres audio, qui sont également considérés comme des livres
numériques. Les droits numériques sont ensuite spécifiques à chaque ouvrage. Aussi,
est-il parfois possible d’imprimer quelques pages pour certains livres, alors que pour
d’autres aucun accès de ce type n’est autorisé. Une fois le document emprunté, l’usager
est tout à fait libre de le transférer sur un autre périphérique ou un autre support qu’un
ordinateur. Les livres peuvent par ailleurs être restitués avant l’échéance, comme cela se
pratique d’habitude en bibliothèque. Enfin, lorsqu’elles souscrivent à Numilog, les
bibliothèques acquièrent un certain nombre de titres et pour chaque titre un certain
nombre d’exemplaires. Aussi, lorsqu’un exemplaire est emprunté, il n’apparaît plus
comme disponible sur l’interface de Numilog. On voit donc bien avec ce système à quel
point le modèle repose sur les mêmes modalités de prêt que les documents physiques, ce
qui n’est pas toujours le cas, comme nous aurons l’occasion de nous en rendre compte
par la suite.
Lors de notre entretien avec Christine Carrier57
, directrice des bibliothèques
municipales de Grenoble, celle-ci nous a rappelé que les sélections en matière de livres
numériques s’inscrivaient dans une politique documentaire plus large. En effet, le choix
d’acquérir tel ou tel livre numérique s’insère dans une politique globale. Il s’agit là de
compléter les collections physiques dont disposent déjà les bibliothèques et de faire en
sorte que documents imprimés et documents numériques se complètent au mieux. Annie
56
Annie BRIGANT, « Le prêt de livres numériques à la Bibliothèque de Grenoble », BPI
<http://www.bpi.fr/fr/professionnels/collections_et_services2/carel_ressources_electroniques/en_savoir_p
lus/numilog_a_grenoble.html> (consulté le 18.04.2011). 57
Cf. entretien en annexe n° 3.
35
Brigant, responsable de la mission numérique au sein du réseau des bibliothèques
municipales de Grenoble, dans un bilan qu’elle dresse du service sur le site de la BPI,
explique que les acquisitions de titres ont été au départ guidées par « la volonté d’offrir
une image de la diversité du catalogue Numilog » et qu’elles « se concentrent
aujourd’hui sur les secteurs les plus attractifs : l’informatique, les livres pratiques et un
certain nombre de titres de romans très demandés en édition imprimée, pour lesquels
l'existence d'une version numérique constitue une possibilité supplémentaire d'accès au
document. »58
En ce qui concerne le traitement des documents, Annie Brigant explique
que les livres numériques sont catalogués et apparaissent donc dans l’OPAC et qu’un
lien hypertexte permet à l’usager d’accéder directement à l’interface de Numilog depuis
celui-ci. A l’heure d’aujourd’hui, les bibliothèques municipales de Grenoble
n’envisagent pas d’investir dans du matériel (avec l’achat de supports de types e-books
ou tablettes) car elles attendent de voir quel modèle va subsister avant de s’équiper.
Toutefois, la mise en place d’un système de prêt de supports de types liseuses semble
tout à fait envisageable selon Christine Carrier. Elle explique par ailleurs qu’elle suit de
près ces évolutions et est en contact avec un certain nombre de bibliothèques qui ont
d’ores et déjà adopté ce système.
Les bibliothèques municipales de Grenoble ont fait le choix de se tourner vers
Numilog non seulement pour une raison financière, mais aussi parce que ce modèle
proposait un large choix de livres pratiques, mieux adaptés à la lecture numérique selon
Christine Carrier. Toutefois, elle explique que l’offre ne suscite pas l’engouement
escompté et que les résultats sont assez mitigés. Le service ArteVoD de vidéos
numériques semble beaucoup plus utilisé et apprécié des usagers, alors même que les
deux services sont accessibles de la même façon sur le site des bibliothèques
municipales de Grenoble et que le même type de communication est effectué autour des
deux. De manière plus globale, Christine Carrier évoque une évolution du livre
numérique moins rapide qu’escomptée et un engouement moins important que prévu.
Selon elle, cela pourrait être lié au fait que les gens sont encore réticents à l’idée de
consulter un produit culturel sur Internet et que le seul véritable public touché par ce
service se constitue surtout des jeunes.
58
Annie BRIGANT, « Le prêt de livres numériques à la Bibliothèque de Grenoble », BPI
<http://www.bpi.fr/fr/professionnels/collections_et_services2/carel_ressources_electroniques/en_savoir_p
lus/numilog_a_grenoble.html> (consulté le 18.04.2011).
36
Dans un article59
publié sur son blog Bibliobsession, Silvère Mercier nous livre
son analyse sur la façon dont les ressources numériques sont exploitées par les
bibliothèques. Pour asseoir celle-ci, il s’appuie sur un point effectué par Annie Brigant.
Dans cette analyse, elle explique à quel point la gestion du numérique est une tâche
difficile pour les bibliothécaires du fait de la multiplication et de la diversité des
modèles. En effet, il n’est pas seulement question ici des livres numériques, mais aussi
de la musique ou encore des films au format numérique. Or, chacun – à l’image de
Numilog pour les livres – possède un mode de fonctionnement qui lui est propre,
notamment en matière de modalités de prêt ou de consultation, en matière de DRM60
,
etc. Tout cela rend donc la gestion très complexe et en fait un système très peu lisible.
Elle explique d’ailleurs que « toutes ces contraintes font de l’utilisation des ressources
numériques – notamment à distance – un véritable parcours du combattant pour les
usagers dont seuls les plus motivés vont au bout de la démarche. » Cette complexité et
ce foisonnement des modèles pourraient donc en partie expliquer les résultats mitigés
évoqués par Christine Carrier. En effet, on comprend aisément que l’utilisation du
numérique soit aujourd’hui quelque chose qui apparaisse comme complexe aux yeux
des usagers alors même que la situation est déjà très délicate pour les bibliothécaires.
Or, c’est à eux que revient le rôle d’engranger de nombreuses informations relatives aux
différents systèmes afin d’être en mesure de les leur expliquer.
2. La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux : la première à
expérimenter le prêt de liseuses électroniques
La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux propose un service différent des
bibliothèques municipales de Grenoble, puisqu’il s’agit de la première bibliothèque en
France à avoir proposé un prêt de liseuses électroniques. En effet, depuis le début de
l’année 2010, la médiathèque dispose de seize liseuses que ses usagers peuvent
emprunter dans les mêmes conditions que pour les livres papier, c’est-à-dire pour une
durée maximum de 24 jours. Aucune caution n’est demandée aux emprunteurs, qui
doivent simplement disposer d’un abonnement adulte à la bibliothèque. En cas de casse
d’un appareil, le lecteur s’engage en revanche à le racheter. La médiathèque propose à
59
Silvère MERCIER, Bibliobsession, « Ressources numériques : des trésors derrière des forteresses »,
<http://www.bibliobsession.net/> (consulté le 24.03.2011). 60
Digital Rights Management (définition dans le lexique), que nous évoquerons plus largement au cours
de la troisième partie.
37
ce jour quatre modèles différents, assez représentatifs du marché actuel en France : un
Sony, un Kindle d’Amazon et deux types de Bookeen.
Lorsqu’il emprunte une liseuse, le lecteur emporte avec lui quelque 200 romans
et essais qui sont déjà pré-chargés sur la machine. En effet, jusqu’à il y a peu, le lecteur
ne pouvait pas choisir le contenu qu’il empruntait et les ouvrages pré-chargés étaient
tous des livres tombés dans le domaine public, et donc gratuits. Aucune nouveauté
n’était donc disponible au format numérique. Or, depuis quelques temps, la
médiathèque a également investi dans une offre de contenu, puisqu’elle propose
désormais un accès à 4000 ouvrages numériques via Cyberlibris. Il est ainsi possible
pour les usagers, après s’être identifiés sur l’interface Cyberlibris, de consulter des
ouvrages, mais aussi de consulter les documents sélectionnés par les bibliothécaires et
de créer leurs propres étagères et leurs propres rayons.
En ce qui concerne l’emprunt de liseuses, sur le site de la médiathèque, le lecteur
peut télécharger les modes d’emploi des différents appareils ainsi que la liste complète
des ouvrages chargés sur les liseuses. Avec ce type d’initiative, on voit bien que
l’établissement s’inscrit pleinement dans la perspective de la « médiathèque » telle
qu’elle s’est développée depuis les années 1970 et 1980 et telle que Lise Vieira la
définit dans L’Edition électronique. Il s’agit en effet d’établissements « mettant au
premier plan des objectifs outre cette notion d’ouverture, celle de la mise en relation
dans un même lieu de supports de nature différente. »61
On voit effectivement bien
qu’après le développement de nouveaux supports jusque-là liés surtout à la musique et à
la vidéo, se développent aujourd’hui en médiathèques de nouveaux supports liés à
l’écrit.
En ce qui concerne les objectifs de cette initiative, un article intitulé « Des e-
books en prêt à Issy-Les-Moulineaux »62
publié sur le site 01.net explique que le but de
la médiathèque n’est pas de développer un service complet de prêt de livres
dématérialisés, mais bien de permettre à ses lecteurs de tester ces nouveaux supports.
On voit qu’il est ici question d’inviter les usagers à de nouvelles expériences et que
l’objectif est de renouveler les pratiques de lecture, bien plus que simplement accroître
les collections. En février 2010, la médiathèque n’envisageait pas de prêt à grande
61
Lise VIEIRA, Op. Cit., p.41. 62
Hélène PUEL, Bérengère LEPESQUEUR, « Des e-books en prêt à Issy-Les-Moulineaux », 01.net,
<http://www.01net.com/editorial/512194/des-e-books-en-pret-a-issy-les-moulineaux/> (consulté le
23.02.2011).
38
échelle dans un premier temps, car selon son directeur David Liziard dans ce même
article, cela ne pouvait se mettre en place tant que les usagers n’étaient pas vraiment
équipés du point de vue des supports. Or, on constate aujourd’hui en 2011 que les vues
de la médiathèque ont évolué sur ce point puisqu’elle propose aujourd’hui une véritable
offre de livres numériques avec Cyberlibris. Dans une vidéo disponible avec l’article sur
le site 01.net, le journaliste explique que les lecteurs sont surtout intrigués et qu’ils ont
envie de tester. En effet, on constate que nombreux sont ceux qui empruntent une
liseuse afin d’expérimenter la nouvelle technologie, bien plus que pour lire un livre en
particulier. Il est donc intéressant de noter que la démarche des lecteurs semble ici aller
à l’encontre de ce que l’on constate habituellement en bibliothèque : le lecteur
n’emprunte pas un contenu pour le texte en lui-même ou pour son auteur, mais pour son
support et l’expérience de lecture qu’il offre. La démarche semble assez inédite
puisqu’on imagine assez mal un lecteur emprunter un livre papier pour la taille de sa
police ou pour son format (même si toutefois la couverture peut être parfois un critère
de choix, mais l’explication semble ici plus compréhensible).
Si la vidéo que l’on vient d’évoquer fait état d’une liste d’attente d’environ cent
personnes pour emprunter l’une de ces liseuses et que le succès de l’opération ne
semble donc pas à démontrer, les avis, une fois l’expérience de lecture effectuée,
semblent assez mitigés. En effet, certains lecteurs interviewés évoquent une prise en
mains parfois difficile et d’aucuns évoquent même un manque d’intuitivité, par exemple
dans la façon de tourner les pages. La question de la prise en mains parfois difficile
n’est pas anodine et peut être reliée à la notion d’«illectronisme » d’Alain Giffard dans
son essai Pour en finir avec la mécroissance63
. Ce néologisme fondé sur les deux termes
d’« illettrisme » et d’« électronique » recouvre une réalité de notre société actuelle, à
savoir que tout le monde n’est pas égal devant l’électronique et les nouvelles
technologies, qui nécessitent un certain nombre de connaissances en informatique.
La démarche de la bibliothèque, largement médiatisée puisqu’elle a été pionnière
en France, repose également sur une grande communication autour de cette offre à
destination de son public. En effet, le service est connu des usagers, comme en
témoigne la liste d’attente et il est présenté clairement et mis en avant sur le site de la
médiathèque. De nombreux reportages ont par ailleurs relayé l’initiative de
l’établissement et dans une vidéo du journal télévisé de France 3 Ile de France
63
Alain GIFFARD, Pour en finir avec la mécroissance, Flammarion, 2009.
39
disponible sur le site de la médiathèque64
, le directeur de la médiathèque explique
penser toucher deux types de publics avec le prêt de liseuses : les gros lecteurs et les
personnes intéressées par les nouvelles technologies. Le reportage évoque également la
possibilité pour la bibliothèque d’attirer un public jusque-là peu intéressé par la lecture
– de jeunes notamment – grâce à l’aspect innovant de l’expérience offerte.
Un article d’Anne-Marie Bertrand publié dans le Bulletin des Bibliothèques de
France en 2010 intitulé « E-Bibliothèques : les bibliothèques françaises face à l’arrivée
du numérique »65
évoque l’enthousiasme des lecteurs d’Issy-Les-Moulineaux d’avoir pu
expérimenter ce nouveau type de lecture. Il relate également que les utilisateurs
attendent désormais une baisse des prix pour s’équiper et que l’offre doit encore mûrir.
3. La médiathèque de Troyes : un service couplé contenant-contenu
La médiathèque de Troyes propose également deux types de services liés aux
livres électroniques. Non seulement elle offre via Numilog un large choix de titres à
télécharger, mais elle a aussi un certain nombre de supports qu’elle prête à ses usagers.
En effet, la médiathèque possède six livres électroniques, tous du même modèle,
le Cybook Gen3. Comme pour les autres types de documents, les livres électroniques –
que la médiathèque nomme par ailleurs « tablettes » - sont empruntables pour une durée
de quatre semaines. Ils sont toujours pré-chargés de classiques, comme à Issy-Les-
Moulineaux, et avec le service de Numilog, les usagers peuvent y ajouter les livres de
leur choix. Pour pouvoir emprunter une tablette, les lecteurs doivent remplir un
formulaire sur le site Internet de la médiathèque et dans la limite de disponibilité des
machines, l’usager le retire lors de son prochain passage à la médiathèque. En effet, un
rendez-vous est pris avec un bibliothécaire afin que celui-ci explique à l’emprunteur le
fonctionnement de l’appareil. Une telle organisation nécessite donc que le bibliothécaire
maîtrise parfaitement cette nouvelle technologie et qu’il soit capable de « former »
l’usager à son utilisation. La médiathèque propose également depuis peu la consultation
d’un Ipad qui est mis à disposition dans un endroit bien précis de l’établissement,
puisqu’il s’agit de la salle de recherche et d’étude. Pour pouvoir utiliser l’appareil,
64
Issy-Les-Moulineaux, Reportage de France 3 Ile de France, janvier 2010 « Empruntez des livres
électroniques dans les médiathèques », [vidéo] , disponible en ligne
<http://www.issy.com/index.php/fr/culture/mediatheques/services__1/pret_de_liseuses_electroniques/em
pruntez_des_livres_electroniques_dans_les_mediatheques> (consulté le 25.03.2011). 65
Anne-Marie BERTRAND, « E-Bibliothèques : les bibliothèques françaises face à l’arrivée du
numérique », Bulletin des Bibliothèques de France, 2010, t.55 n°4, disponible en ligne :
<http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-04-0090-008> (consulté le 03.05.2011).
40
l’usager doit être majeur et doit laisser en dépôt aux bibliothécaires une pièce d’identité.
On est donc ici dans une proposition et un service encore assez différents des précédents
puisqu’il n’est pas question d’emprunter l’appareil, mais de le mettre à disposition des
usagers, qui peuvent ensuite l’utiliser pour naviguer sur Internet, lire un livre, etc.
Le deuxième aspect de l’offre de livres électroniques à la médiathèque de Troyes
consiste, on l’a dit, en un catalogue de livres numériques disponibles via Numilog.
Celui-ci se constitue de nouveautés littéraires, mais aussi d’essais, livres, pratiques,
poésie, etc. comme dans les deux cas précédents. On peut toutefois noter que c’est
surtout sur les nouveautés littéraires que semble miser la médiathèque en termes de
livres numériques, puisqu’on peut lire sur la page de présentation de l’offre de leur site
Internet : « Vous pourrez ainsi lire de grands classiques de la littérature mais aussi des
ouvrages récents d'auteurs contemporains : Amélie Nothomb, Maxime Chattam, Eric-
Emmanuel Schmitt, Max Gallo, Yann Moix, Jean-Christophe Grangé, Patrick Besson,
Stephen King, James Patterson, Frédéric Beigbeder... »66
On voit donc bien que la
médiathèque de Troyes a également fait le choix d’offrir un large panel de nouveautés
littéraires, puisqu’il est ici question de près de 800 titres disponibles. Par ailleurs,
comme dans le cas des bibliothèques municipales de Grenoble, la médiathèque acquiert
chez Numilog un certain nombre de titres et pour chaque titre un certain nombre
d’exemplaires. Aussi, lorsqu’un ouvrage est déjà en prêt, il n’est plus empruntable, mais
par contre apparaît la date à laquelle il le sera à nouveau. Enfin, à l’image des modalités
de prêt des autres types de documents, il est possible de réserver un ouvrage sur le site
de Numilog, ce qui est également le cas des bibliothèques municipales de Grenoble.
Dans un bilan de 201067
relatif au double service lié aux livres électroniques,
Anthony Regley, responsable des services en ligne, évoque des résultats en hausse,
quoique assez mitigés. En effet, le nombre d’utilisateurs actifs sur Numilog est en large
hausse, puisque là où ils étaient 27 en 2008, ils sont 68 en 2010. Parmi les ouvrages
numériques les plus empruntés, une large part d’entre eux appartient à la littérature
policière ou de science-fiction. En effet, on retrouve des auteurs tels que Maxime
Chattam, Stephen King ou encore Mary Higgins Clark mais aussi la série des Twilight.
Enfin, on retrouve aussi de manière assez significative (deux parmi les vingt ouvrages
les plus téléchargés et surtout l’un d’entre eux figurant en tête de liste) des ouvrages de
66
Médiathèques du Grand Troyes <http://www.mediatheque.grand-troyes.fr/webmat/content/la-
mediatheque-vous-prete-une-tablette-de-lecture> (consulté le 28.03.2011). 67
Cf. bilan en annexe n° 7.
41
littérature érotique : Monsieur est servi et La vie sexuelle de Blanche-Neige, qui sont en
fait deux ouvrages de l’éditeur de littérature érotique La Musardine. Une explication
assez simple à ce phénomène réside dans la possibilité pour les usagers d’emprunter de
manière anonyme, c’est-à-dire sans devoir faire enregistrer leurs prêts par un
bibliothécaire, des ouvrages de littérature érotique. Par contre, lorsqu’on s’attarde sur le
profil des emprunteurs, il ne semble pas y avoir de profil type qui se détache de manière
vraiment significative. En effet 54.1% des emprunteurs sont des femmes et 45.9% sont
des hommes, on ne peut donc pas en déduire qu’un des deux sexes soit plus à même de
recourir aux livres électroniques. Qui plus est, même la répartition par tranche d’âge est
assez homogène, alors qu’on aurait pu s’attendre à une tendance nette au recours au
numérique du côté des adolescents – jeunes adultes et à une utilisation quasiment nulle
chez les personnes âgées. Or, ce n’est pas le cas et la tranche d’âge qui télécharge le
plus de livres numériques est celle des 30-39 ans avec 24.8% des utilisateurs. Le bilan
fait état d’une utilisation encore très faible des livres numériques, mais note tout de
même une hausse très significative. Selon Anthony Regley, cette hausse serait liée non
seulement à l’arrivée des best-sellers dans les livres numériques empruntables, mais
aussi au prêt de tablettes.
En ce qui concerne les résultats liés au prêt de tablettes, le bilan note qu’à ce jour
43 personnes ont déjà emprunté une tablette et que le temps d’attente pour pouvoir en
emprunter une est d’environ deux mois. Comme à Issy-Les-Moulineaux, le prêt de
livres électroniques semble donc attiser la curiosité et suscite un véritable engouement
des usagers qui ont envie de tester ces appareils. Toutefois, on comprend aisément
qu’un tel temps d’attente pour pouvoir emprunter ce type de matériel puisse se révéler
assez dissuasif. C’est sans doute pour cette raison et du fait de ces bons résultats que la
médiathèque a décidé d’investir à nouveau dans du matériel. En effet, en mars 2011 elle
avait commandé trois Fnacbooks qu’elle attendait de recevoir et prévoyait le rachat de 3
Cybook Orizon. En ce qui concerne le profil des usagers ayant déjà emprunté une
tablette, celui-ci se dessine de manière plus significative que pour le téléchargement,
puisque 30.3% d’entre eux ont entre 30 et 39 ans. Toutefois, le bilan fait état d’avis
tranchés des usagers quant aux livres électroniques. Il apparaît en effet que les lecteurs
sont soit très enthousiastes vis-à-vis de cette nouvelle technologie et des nouvelles
possibilités qu’elle offre, soit au contraire ils ont un avis très négatif sur celle-ci.
42
A travers ces trois modèles, on voit donc bien que les choix opérés en
bibliothèque – dans les bibliothèques qui ont fait le choix d’intégrer le numérique dans
leurs collections, ce qui est loin d’être le cas de toutes les bibliothèques – sont assez
différents d’une bibliothèque à l’autre. Qui plus est, non seulement il ne semble pas y
avoir un modèle établi, mais même à l’intérieur des établissements, les modèles sont
voués à évoluer très rapidement, comme en témoigne le cas de la médiathèque d’Issy-
Les-Moulineaux. On peut tout de même distinguer entre les bibliothèques qui ont fait le
choix d’investir dans du contenu et celles qui ont décidé d’investir dans du contenant. Si
l’on distingue entre ces deux types de services, on peut alors noter que les bibliothèques
municipales de Grenoble ont fait le choix de n’investir que dans du contenu, mais
qu’elles proposent de ce fait des nouveautés. La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux –
qui a assez rapidement abandonné l’idée de n’investir que dans du contenant – et celle
de Troyes, proposent quant à elles un service couplé contenu – contenant. On peut
également noter que dans deux des cas on retrouve des catalogues Numilog et que dans
un troisième on retrouve Cyberlibris. Or, ce sont deux modèles différents que l’on va
avoir l’occasion de retrouver par la suite et que nous analyserons plus longuement dans
une troisième partie.
II. Les bibliothèques universitaires : comparaison de
différents modèles
1. Le SICD1 de Grenoble : l’investissement dans de multiples bases
Le SICD1 de Grenoble, qui regroupe les bibliothèques de l’université Joseph
Fourier et de l’école d’ingénieurs Grenoble INP, a pour le moment fait le choix
d’investir dans du contenu plus que dans du contenant. Utilisatrices depuis plusieurs
années de l’électronique avec le modèle des revues, les bibliothèques universitaires, de
sciences notamment, ont vu se développer une offre de livres numériques à la suite de
celle des périodiques.
Le SICD1 de Grenoble a tout de même procédé à l’achat de quatre liseuses pour
être testées en interne. Il s’agit de deux Cybook Orizon et de deux Sony. Au moment de
l’entretien avec Estelle Lenormand68
, du service des ressources électroniques, le SICD1
n’envisageait pas de prêt de liseuses aux utilisateurs. A l’occasion de projets tutorés
68
Cf. entretien en annexe n° 4.
43
d’étudiants de licence, le SICD1 a eu l’occasion de travailler sur le livre électronique et
il est ressorti de l’étude que les liseuses constituaient un outil de plus et que ce n’était
pas ce que recherchaient les étudiants. En effet, ceux-ci sont déjà largement équipés,
d’un téléphone portable, et d’un ordinateur portable en général et ils ne ressentent pas le
besoin d’avoir un outil en plus. Toutefois, le SICD1 continue de se questionner sur cette
problématique et dans le cadre d’une exposition sur l’évolution du livre, un
questionnaire sera proposé aux usagers afin de connaître leur ressenti vis-à-vis de la
liseuse et des livres électroniques.
Si le SICD1 a décidé pour le moment de ne pas s’équiper en matériel, il investit
par contre beaucoup dans les livres électroniques en tant que contenu. L’acquisition de
ces ressources suit une démarche claire et organisée : une Commission de Sélection des
Titres (CST) constituée notamment de chercheurs dans chaque discipline est créée. Ils
peuvent ainsi faire savoir ce qu’ils voudraient voir la bibliothèque acquérir comme
livres électroniques. Au départ, la collection de livres électroniques s’est donc
constituée suite à la demande des membres de la CST. Toutefois, Estelle Lenormand
évoque une difficulté majeure dans ce processus d’acquisition, qui n’est pas propre à
l’établissement. Il s’agit du manque de visibilité, lié à la multiplication des agrégateurs
et des plateformes et au fait que chacun propose un modèle économique et des
modalités d’acquisition différents. Une fois la sélection opérée dans les ouvrages à
acquérir, le responsable des acquisitions dans le domaine électronique interroge
l’ensemble des différents éditeurs et agrégateurs pour voir s’ils sont disponibles ou non
et surtout dans quelles conditions. Il vérifie également auprès du consortium Couperin
(Consortium Universitaire de Publications Numériques) si des négociations ont déjà été
entreprises pour les différents ouvrages. Le consortium Couperin est un outil de
coopération entre bibliothèques universitaires qui concerne l’acquisition de ressources
électroniques. Nous verrons plus en détail dans la troisième partie comment il
fonctionne et quel rôle il joue pour les bibliothèques. On voit d’ores et déjà bien à quel
point le traitement des acquisitions est différent de la procédure normale où une fois la
sélection effectuée, la bibliothèque procède à un appel d’offres et traite donc toujours
avec les mêmes fournisseurs pendant un certain temps. Le paysage éditorial
électronique dans son ensemble tel qu’il existe aujourd’hui se caractérise en effet par
une grande complexité et une multiplicité des modèles qui fait dire à Estelle Lenormand
que l’idéal serait de pouvoir piocher un peu dans chaque modèle. Or, ce n’est pas
44
possible puisque dans la plupart des cas les acquisitions se font sous la forme de
bouquets.
La collection de livres électroniques du SICD1 s’établit néanmoins à ce jour
autour de différents modèles. En effet, la bibliothèque dispose de la base ENI,
constituée d’ouvrages d’informatique technique, destinés à un public de niveau Licence.
Pour ce modèle, la bibliothèque bénéficie d’un achat titre à titre, c’est-à-dire qu’elle
choisit chacun des ouvrages numériques qu’elle souhaite acquérir. Elle dispose
également d’une autre ressource du nom de Safari, constituée également d’ouvrages
d’informatique mais destinée à un public de niveau recherche. Le modèle économique
de Safari est assez atypique. En effet, la bibliothèque dispose d’un crédit de 80 points
qu’elle peut dépenser comme elle le souhaite, sachant qu’un point équivaut à un livre.
Elle peut régulièrement modifier ses choix et décider de ne plus détenir tel livre pour
acquérir tel autre. Enfin, le SICD1 dispose du service g@el, qui permet à ses membres,
après authentification, d’accéder à une collection de 134 titres en texte intégral en ligne.
Au jour de l’entretien, Estelle Lenormand évoquait de très bons résultats pour la base
ENI après une période de test très concluante. Toutefois, l’offre de niveau Licence est à
ce jour l’offre la moins développée puisqu’on trouve surtout des ouvrages anglophones,
très peu consultés par les étudiants de niveau licence.
En ce qui concerne la conservation et la communication des ouvrages
électroniques acquis, le SICD1 se pose un certain nombre de questions – à savoir quels
documents cataloguer, comment assurer la pérennité des documents et des accès, etc. –
que nous évoquerons et pour lesquelles nous tenterons d’apporter quelques éléments de
réponse dans la troisième partie. En effet, si elle évoque une certaine latitude qui est
agréable dans la possibilité de faire évoluer les collections, Estelle Lenormand rappelle
néanmoins que cela engendre un certain nombre de problèmes en termes de pérennité et
de conservation.
A ce jour, les résultats liés aux collections de livres électroniques au SICD1 sont
encourageants. Même si Estelle Lenormand évoque un manque de recul certain puisque
les collections de livres électroniques sont des collections récentes, elle note toutefois
un très bon fonctionnement en début d’année. On peut sans doute relier cela au
phénomène noté en bibliothèques municipales avec les prêts de liseuses et le fait que ce
qui attire le plus les usagers, ce sont la nouveauté et la possibilité de tester. Elle rappelle
par ailleurs à quel point il est nécessaire de communiquer autour de ces collections qui
45
sont par nature immatérielles et donc invisibles. Enfin, Estelle Lenormand note un
développement et une mise en place des livres électroniques en bibliothèques
universitaires relativement lents, ou tout au moins plus lents qu’escomptés. Cette lenteur
serait sans doute également liée au fait que pour le moment l’offre francophone n’est
pas encore très développée.
2. Le SICD2 de Grenoble : la difficulté à trouver un modèle
satisfaisant
Le SICD2 de Grenoble, comme le SICD1 a décidé à ce jour d’investir dans du
contenu plus que dans du contenant. Héloïse Faivre-Jupile, du service des ressources
électroniques au SICD2, rencontrée pour un entretien69
en décembre 2010 explique que
la priorité de l’établissement est bien de mettre à disposition du plus grand nombre le
plus de contenu possible, bien plus que d’investir dans des supports de lecture
électronique.
Jusqu’à présent, c’est-à-dire avant le début de l’année 2011, la bibliothèque
disposait de deux abonnements pour les livres électroniques : un auprès de Numilog,
pour des ouvrages en sciences humaines notamment et un auprès de Cairn, avec un
accès à des revues électroniques mais aussi à la totalité de la collection des « Que sais-
je ? ». Toutefois, le SICD2 a décidé de mettre fin à son abonnement à Numilog à la fin
de l’année 2010 car le modèle ne lui convenait pas réellement. Héloïse Faivre-Jupile
évoque notamment un modèle trop calqué sur celui du papier selon elle. En effet, il
s’agit, comme on a pu le constater dans les exemples précédents, de l’acquisition d’un
certain nombre d’exemplaires pour chaque ouvrage choisi. Or, ce modèle semblait trop
rigide et trop contraignant pour le SICD2 alors même que l’électronique pourrait
permettre une certaine souplesse que le papier n’autorise pas. Qui plus est, le SICD2 a
constaté à différentes reprises que certains ouvrages qu’il avait acquis auprès de
Numilog étaient en fait d’anciennes éditions, alors même que de nouvelles éditions
auraient dû être disponibles. Ce sont ces différentes contraintes qui ont amené la
bibliothèque à arrêter son abonnement auprès de Numilog. Toutefois, Heloïse Faivre-
Jupile évoque la souplesse permise par Numilog grâce à l’achat titre à titre.
Depuis le début de l’année 2011, le SICD2 bénéficie d’un nouvel abonnement
auprès de Cyberlibris. Cette offre a été négociée dans le cadre de l’UNR Rhône Alpes –
69
Cf. entretien en annexe n° 5.
46
consortium que nous évoquerons plus longuement dans la troisième partie. Elle
s’intitule « Scholarvox » et s’articule autour de quatre bouquets : sciences de
l’ingénieur, sciences éco-gestion, sciences humaines et sociales, et emplois, métiers et
formation. Cette offre permet un accès illimité aux ouvrages, c’est-à-dire sans
contraintes au niveau du nombre d’exemplaires : un accès simultané à un même ouvrage
est possible. Qui plus est, comme dans le cas de la médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux,
il est possible pour les usagers de créer leurs propres étagères. Une autre fonctionnalité
qui a su conquérir le SICD2 est la possibilité pour les usagers de travailler en groupes
sur l’interface de Cyberlibris. Or, cette possibilité paraît vraiment très importante pour
Héloïse Faivre-Jupile dans le cadre de travaux d’étudiants. On peut noter également, si
l’on compare l’interface de Cyberlibris pour le SICD2 et celle pour la médiathèque
d’Issy-Les-Moulineaux, que chacune possède ses caractéristiques propres et que
l’agrégateur propose pour chacun un service et une interface personnalisés. Nous
verrons de façon plus détaillée les caractéristiques des principaux agrégateurs et nous
étudierons quelles sont les caractéristiques de chacun d’entre eux dans une troisième
partie.
Depuis le début de l’année 2011, le SICD2 a également étendu son abonnement
auprès de Cairn en matière de livres électroniques, puisque ses usagers ont désormais
accès à l’intégralité de la collection des « Repères » aux éditions La Découverte, en sus
de la collection des « Que sais-je ? ». Comme pour l’ensemble des collections
numériques, les usagers du SICD2 peuvent accéder aux ressources à partir des postes de
l’établissement mais aussi directement de chez eux après s’être authentifiés. Une fois
identifié, l’usager du SICD2 peut consulter en ligne l’intégralité de l’ouvrage.
On peut donc noter ici que l’offre proposée par le SICD2 en matière de livres
électroniques s’étoffe car il s’agit d’un service qui fonctionne bien, notamment en ce
qui concerne la collection des « Que sais-je ? ». Toutefois, on voit bien ici pointer l’un
des problèmes que l’on étudiera dans la troisième partie, à savoir le fait que les
collections de la bibliothèque apparaissent comme instables et qu’un usager qui avait
l’habitude d’utiliser un service va tout à coup le voir disparaître au profit d’un autre.
En ce qui concerne les résultats liés aux collections de livres électroniques, il est
clair que leur développement témoigne de leur succès et ne peut qu’augurer une
évolution dans le même sens. Toutefois, Héloïse Faivre-Jupile évoque une offre encore
trop peu fournie. Elle explique qu’il n’est pas toujours possible aujourd’hui de trouver
47
au format numérique ce que l’on trouve habituellement au format papier. Pourtant, les
étudiants sont prêts selon elle à utiliser de plus en plus ce type d’ouvrages numériques.
Elle rejoint néanmoins Estelle Lenormand et explique que le livre électronique est plus
long qu’escompté à se mettre en place et à se développer.
3. La bibliothèque universitaire d’Angers : pionnière dans le prêt
de liseuses électroniques en bibliothèque universitaire
La bibliothèque universitaire d’Angers a été la première en France à proposer à
ses usagers un prêt de liseuses. Elle est à ce jour l’une des rares bibliothèques
universitaires à offrir ce service. En effet, depuis septembre 2008, vingt liseuses, que la
bibliothèque nomme « livrels », sont empruntables par les lecteurs. Il s’agit de dix
Cybook Gen3 de Bookeen et de dix PRS 505 de Sony.
Un article70
à ce sujet dans le Bulletin des Bibliothèques de France en 2010
évoque le fonctionnement pour lequel la bibliothèque universitaire d’Angers a opté. Les
livrels sont intégrés au SIGB (Système Intégré de Gestion de Bibliothèque), c’est-à-dire
au logiciel de gestion de la bibliothèque. Chaque appareil est en effet doté d’un code-
barres et l’usager l’emprunte pour la même durée que les autres types de documents, à
savoir 28 jours. Ils sont prêtés pré-chargés de 90 ouvrages récents issus du fournisseur
Publie.net71
. On peut d’ores et déjà noter que la façon de procéder dans le prêt du
matériel est assez inédite puisque le fait d’attribuer un code-barres aux liseuses en fait
des documents comme les autres. Or, à première vue, s’agissant d’un support
électronique, relativement coûteux, on imaginerait plutôt un système de prêt spécifique
à ce type de documents. Mais ce n’est pas le cas et on voit bien au contraire un véritable
parti pris de la part de la bibliothèque d’en faire des documents comme les autres,
totalement intégrés au fonds de la bibliothèque.
En ce qui concerne les modalités d’utilisation pour les emprunteurs, une
rubrique sur le site Internet de la bibliothèque rappelle les grandes lignes du mode
d’emploi des différents appareils et propose des liens vers des explications plus
fournies. Pour chaque modèle, la bibliothèque propose un rapide tutoriel, expliquant
notamment quel logiciel télécharger et utiliser, comment ajouter un nouvel ouvrage sur
70
Fabien DOUET, Elodie DUPAU, « Les e-books en bibliothèque », Bulletin des Bibliothèques de
France, 2010, n°5, p88-89. Disponible en ligne <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-05-0088-005>
(consulté le 01.04.2011). 71
Publie.net, « Le contemporain s’écrit numérique », <http://www.publie.net/> (consulté le 01.04.2011).
48
la machine, etc. Il est en effet possible pour les usagers, outre les ouvrages pré-chargés
sur les livrels, de télécharger et d’y ajouter des documents de leur choix. Toutefois, la
bibliothèque ne propose pas de service de bibliothèque numérique et ne possède donc
aucun abonnement auprès d’agrégateurs ou d’éditeurs outre celui à Publie.net. Elle offre
simplement sur son site Internet à ses usagers une sélection de sites où télécharger des
livres électroniques. Comme les autres types de documents, les livrels peuvent faire
l’objet de réservations.
L’article issu du Bulletin des Bibliothèques de France précédemment cité
s’appuie sur une intervention de Daniel Bourrion, conservateur chargé de la
bibliothèque numérique au service commun de la documentation d’Angers, concernant
l’expérience de son établissement. Les résultats semblent plutôt concluants puisque
selon l’article le service a su trouver ses lecteurs. Il semblerait même que certains
d’entre eux regrettent que la bibliothèque universitaire ne propose pas une offre plus
ouverte et plus conséquente. En effet, comme on l’a vu la bibliothèque ne permet pas à
ses usagers d’emprunter les livres électroniques de leur choix via un agrégateur, ce qui
limite l’offre à celle des ouvrages pré-chargés et des ouvrages libres de droit que l’on
peut télécharger gratuitement sur Internet.
En ce qui concerne l’organisation de la bibliothèque vis-à-vis de ce service, on
peut noter que la bibliothèque universitaire d’Angers a créé une véritable section
numérique puisqu’elle emploie quatre personnes d’après l’article du Bulletin des
Bibliothèques de France. On peut donc voir que la bibliothèque semble réellement
miser sur ce service et que, même si elle souhaite faire en sorte d’assimiler les livrels à
n’importe quel autre type de document, elle est tout de même obligée de leur offrir un
traitement différent des autres. En effet, au retour des livrels, une personne se charge de
vérifier leur état, d’en effacer le contenu et de les recharger. En ce sens, on comprend
donc bien que même si la bibliothèque souhaite traiter les livrels comme n’importe quel
autre type de documents, elle ne peut faire l’économie d’un certain nombre
d’opérations.
Après avoir analysé ces trois exemples de bibliothèques universitaires, il est
d’ores et déjà possible de noter de grandes différences entre les choix opérés par les
établissements et entre les différents modèles. Il est toutefois important de noter que ces
différences sont aussi dues au fait que ces bibliothèques ne couvrent pas tous les
domaines. Il est clair que des bibliothèques telles que celles de sciences, à l’instar du
49
SICD1 de Grenoble, ont déjà une large expérience en matière de documentation
électronique avec les revues. Elles ont par ailleurs déjà plus d’expérience en matière
d’abonnement à des bouquets, etc. Enfin, comme pour les bibliothèques municipales
dont on a parlé précédemment, cela s’explique tout simplement par la multitude des
modèles disponibles et offerts aux bibliothèques. Aussi, on constate que comme les
bibliothèques municipales certaines bibliothèques universitaires font plutôt le choix
d’investir dans du contenu et d’autres dans du contenant. De la même façon, on peut
distinguer plusieurs attitudes dans la manière d’appréhender les ressources. Certaines
bibliothèques voient dans les livres électroniques une ressource en plus alors que dans
d’autres cas ils apparaissent comme un moyen de développer les collections, dans
lesquelles ils s’insèrent parfaitement. Enfin, en ce qui concerne la question des supports,
il est clair que l’attitude adoptée par l’unique bibliothèque à en proposer au prêt vise à
les intégrer parfaitement à son fonds, en l’apparentant à tout autre type de document.
Pour conclure sur le cas des bibliothèques universitaires, il semble donc que
celles-ci soient, avec le numérique, appelées à muter. En effet, lorsqu’elles proposent
des livres électroniques (qu’il s’agisse ici de supports ou d’ouvrages) elles tendent de
plus en plus vers le modèle des « learning centres ». Dans Bibliothèques et documents
numériques, Alain Jacquesson et Alexis Rivier expliquent que « les bibliothèques
universitaires sont étroitement associées à cette évolution, car directement intégrées au
processus d’apprentissage. Elles doivent mettre à disposition des enseignants comme
des étudiants des textes numériques de toute nature. Certains n’hésitent donc pas à les
rebaptiser « learning centre » ou « media centre ». »72
Les learning centres reposent sur
l’idée d’un bâtiment magnifié, construit autour de la bibliothèque, dans lequel les livres
ont fait place aux ressources numériques. Néanmoins tout ceci est à nuancer car toutes
les bibliothèques universitaires ne sont pas vouées à devenir, à l’instar du Rolex
Learning Centre de Lausanne, de grands espaces de vie construits autour de la
bibliothèque et reposant largement sur le numérique. Toutefois, il est important de noter
que c’est un thème et un modèle qui interrogent, en témoignent les nombreuses
publications et journées d’étude à ce sujet.
72
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.24.
50
Troisième partie : Bibliothèques et bibliothécaires 2.0
I. Bibliothèques et collections
1. Acquisition et gestion des collections
Après avoir étudié des exemples concrets d’intégration de livres électroniques
dans les collections de bibliothèques universitaires et municipales, nous allons
maintenant voir quelles analyses plus générales cela peut nous amener à faire. Nous
nous intéresserons aux changements que le livre électronique implique en termes de
collections pour les bibliothèques, mais aussi dans leur relation au public. Enfin, nous
verrons quels nouveaux rôles cela suppose pour les personnels de bibliothèque et les
nouvelles organisations qui en découlent.
Quand une bibliothèque décide d’intégrer des livres électroniques à son fonds
existant, cela pose tout d’abord de nouvelles questions en termes d’acquisition et de
gestion des collections. En effet, comme on a déjà pu le remarquer, les bibliothèques
doivent aujourd’hui faire face à une offre abondante et surtout protéiforme, comme
l’explique Ruth Martinez dans un article de la revue Documentaliste-Sciences de
l’information, intitulé « L’offre de livres numériques en 2010 : aspects techniques »73
.
En effet, il apparaît que c’est à la bibliothèque de gérer ces différents modèles
lorsqu’elle procède aux acquisitions et c’est également à elle d’organiser tout cela afin
de proposer une offre cohérente à ses usagers. Parmi les exemples étudiés
précédemment, le cas qui illustre le mieux cela est celui du SICD1 de Grenoble. Il
cumule en effet des abonnements auprès d’un certain nombre de fournisseurs différents
et propose ensuite à ses usagers une offre cohérente et qui s’organise en fonction de
différents domaines et de différents niveaux. Qui plus est, face à ces divers modèles, il
apparaît très important pour les bibliothèques de coopérer entre elles, notamment en
s’établissant en consortiums. Nous étudierons ce point de façon plus détaillée lorsque
nous nous intéresserons à la relation de la bibliothèque aux autres établissements.
73
Ruth MARTINEZ, « L’offre de livres numériques en 2010 : aspects techniques », revue
Documentaliste-Sciences de l’information 2010/2 (Vol.47), pp.34-37, disponible en ligne
<http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm> (consulté le 25.01.2011).
51
L’offre de livres électroniques se concentre aujourd’hui autour de trois modèles
majeurs d’après la cellule e-book du consortium Couperin. Il s’agit des agrégateurs
multidisciplinaires, des agrégateurs spécialisés et des plateformes d’éditeurs. Le tableau
ci-dessous74
récapitule l’ensemble des caractéristiques propres à chacun des modèles.
Les trois fournisseurs principaux qui existent à ce jour et que nous avons déjà eu
l’occasion de rencontrer précédemment sont Numilog, Cyberlibris et Cairn. Nous allons
ici voir de façon plus détaillée sur quels fondements ils reposent et quelles sont les
spécificités propres à chacun. Numilog est le premier distributeur français de livres
numériques payants et il se range dans la catégorie des agrégateurs multidisciplinaires.
Dans un article intitulé « Numilog : un catalogue de livres numériques pour les
74
Consortium Couperin, Typologie des offres e-books 2010, <http://www.couperin.org/fr/groupes-de-
travail-et-projets-deap/ebook/item/595-typologie-des-offres-e-books> (consulté le 08.04.2011).
52
bibliothèques et centres de documentation »75
, Denis Zwirn explique que son offre se
décline en deux abonnements : un abonnement aux différents services offerts par le
fournisseur – à savoir accès à l’interface web, gestion de la bande passante pour les
téléchargements, service après-vente, etc. – et un abonnement au contenu à proprement
parler. Celui-ci peut prendre la forme d’une sélection titre à titre avec un nombre
d’exemplaires limité ou, s’il s’agit d’un achat de titres, un accès simultané d’un
maximum de trois personnes.
Cairn date de 2005 et, au départ, il n’offrait un accès qu’à des revues
électroniques. Puis, son offre s’est élargie jusqu’à proposer des livres numériques, et on
pourrait aujourd’hui le classer dans la catégorie des agrégateurs spécialisés. Marc
Minon, directeur de Cairn, explique dans un article intitulé « Cairn.info : au-delà des
revues ? »76
que l’une de ses spécificités est une offre de téléchargement au chapitre ou
à la partie. Or, le service est apprécié des bibliothèques car il repose sur une tarification
annuelle forfaitaire quel que soit le nombre de téléchargements et repose également sur
l’ouverture, avec une absence de DRM qui permet des accès simultanés à un même
ouvrage.
Eric Briys, co-fondateur de Cyberlibris revient sur ses caractéristiques dans un
article intitulé « Cyberlibris : une offre de bibliothèque numérique à destination des
services documentaires »77
. Ce dernier exemple appartient comme Numilog à la
catégorie des agrégateurs multidisciplinaires. Tout comme Cairn, il repose sur un
abonnement forfaitaire et offre la possibilité de consultation simultanée et même de
travail en groupe sur un même ouvrage, comme on a déjà pu le voir dans le cas du
SICD2 de Grenoble. Son offre est structurée en trois compartiments : grandes écoles,
universités et bibliothèques municipales et départementales. Il s’appuie sur un fort esprit
communautaire et repose sur le principe de fédérer différentes écoles autour d’un même
outil.
75
Denis ZWIRN, « Numilog : un catalogue de livres numériques pour les bibliothèques et centres de
documentation », revue Documentaliste-Sciences de l’information 2010/2 (Vol.47), p.42, disponible en
ligne < http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm> (consulté le
25.01.2011). 76
Marc MINON, « Cairn : au-delà des revues ? », revue Documentaliste-Sciences de l’information
2010/2 (Vol.47), p.40, disponible en ligne < http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-
information-2010-2.htm> (consulté le 25.01.2011). 77
Eric BRIYS, « Cyberlibris : une offre de bibliothèque numérique à destination des services
documentaires », revue Documentaliste-Sciences de l’information 2010/2 (Vol.47), p.41, disponible en
ligne < http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm> (consulté le
25.01.2011).
53
A travers ces trois exemples de fournisseurs, on voit bien, comme on a déjà pu le
noter auparavant que tous fonctionnent avec des abonnements différents ; toutefois, ce
qui est le plus frappant ici, c’est surtout le fait qu’ils ne poursuivent pas les mêmes
objectifs. Là où Cyberlibris travaille sur une offre de bouquets et de thématiques,
Numilog fonctionne au contraire selon l’idée d’offrir un catalogue le plus large possible.
Dans deux des cas au moins – Cyberlibris et Cairn – l’offre semble se rapprocher du
modèle du « big deal », propre aux revues numériques et reposant sur un système de
bouquets. Grégory Colnacap, dans un article publié dans le Bulletin des Bibliothèques
de France en 2009, évoque le double problème que cela cause pour les bibliothèques.
En effet, selon lui « [ce modèle] enferme les établissements dans une spirale dont il est
difficile de sortir : les coûts croissent inexorablement et la sortie du modèle pour les
établissements entraîne automatiquement la suppression de l’accès à une part très
importante de l’IST proposée aux utilisateurs. »78
Il évoque également le risque
d’homogénéisation de l’offre inhérent à ce type de modèle.
Une autre question qui se pose quant à l’acquisition et à la gestion des
collections numériques est celle des DRM. Cette disposition consiste à protéger le droit
d’auteur en interdisant la copie ou encore l’impression d’ouvrages numériques. Or, on
constate que certains modèles proposent un service avec DRM alors que d’autres non (à
l’instar de Cyberlibris qui autorise un accès simultané et l’impression). Ce système pose
donc un certain nombre de problème pour les bibliothèques puisqu’il restreint les accès
et les possibilités d’actions sur le texte (copier-coller, etc.). On voit bien qu’il tend à
reproduire le modèle du papier : lorsqu’un livre papier est emprunté il n’est plus
disponible pour les autres usagers et c’est cette situation que les DRM tendent à recréer.
Toutefois, on peut s’interroger sur la pertinence d’un tel modèle et, à l’instar de Marin
Dacos lors du colloque sur les « Métamorphoses numériques du livre »79
, se demander
si vouloir créer de la rareté plutôt que de la valeur est la meilleure marche à suivre. On
peut néanmoins voir dans les DRM un certain avantage pour les bibliothèques,
notamment en ce qui concerne la mise en place d’un système de prêt, facilité par les
accès restreints et autres mesures.
78
Grégory COLNACAP, « Acquérir la documentation électronique pour l’enseignement supérieur et la
recherche », Bulletin des Bibliothèques de France, 2009, n°6, pp.18-21., disponible en ligne
<http://bbf.enssib.fr/> (consulté le 01.02.2011). 79
Marin DACOS, « Read/write book. Le livre devient inscriptible », In Actes de colloque Les
métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction
d’Alain Giffard, pp.107-119. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-
MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).
54
Il apparaît donc clairement ici que toutes les façons de procéder en termes
d’acquisition et de gestion des collections se voient modifiées par l’arrivée du
numérique. Les bibliothèques sont donc sommées de repenser leurs pratiques et de
s’adapter aux nouveaux usages induits par l’émergence de nouveaux modèles et de
nouveaux systèmes.
2. Mise à disposition et conservation du patrimoine et des
collections
Par son aspect dématérialisé, le livre électronique soulève également de
nouvelles interrogations en termes de mise à disposition des collections. Dans le même
temps, on peut voir dans celui-ci de nouvelles perspectives en ce qui concerne la
conservation des collections et du patrimoine.
En effet, si l’on songe aux actions de numérisation entreprises depuis quelques
années en France comme dans le reste du monde, on voit bien à quel point les
possibilités de conservation des documents sont renouvelées avec le numérique. La
numérisation est également un autre moyen de produire du livre électronique, dont nous
n’avons pas parlé jusque-là, tant elle semble étroitement liée aux questions de
conservation et de pérennisation, bien plus qu’à la seule production de contenu
numérique. En effet, on se situe avec la numérisation de façon très claire dans le cadre
du livre homothétique, puisqu’elle consiste en la transposition sous format électronique
d’un contenu jusque-là physique. Il peut s’agit par là-même de mettre à disposition des
documents rares ou précieux que seule la bibliothèque possède. C’est par exemple le cas
de la Bibliothèque nationale de France qui a entrepris en 2009 une action de
numérisation des « trésors de la BnF ». Selon Isabelle Le Masne de Chermont dans son
intervention au colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre », « cette
volonté de numériser des documents qui ne soient pas seulement du texte vise à offrir
davantage de ressources que seule la BnF conserve puisque ce sont des unicas. »80
On
voit donc bien qu’il n’est pas seulement question ici de livres, mais aussi d’estampes, de
photographies, ou encore de manuscrits. Une fois ces documents numérisés, les versions
numériques sont ensuite disponibles sur la bibliothèque numérique Gallica81
. Il peut
80
Isabelle LE MASNE DE CHERMONT, « Les métamorphoses numériques de la BnF », In Actes de
colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous
la direction d’Alain Giffard, pp.88-97. Disponible en ligne : <http://www.livre-
paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011). 81
Gallica, < http://gallica.bnf.fr/> (consulté le 06.04.2011).
55
s’agir de documents libres de droit ou non et les conditions d’utilisation diffèrent donc
selon les cas. Comme dans un catalogue, l’usager effectue sa recherche et une fois le
document trouvé, il peut ensuite consulter le document numérisé selon des conditions
d’utilisation définies au préalable.
La BnF n’est pas la seule en France à avoir entrepris ce type d’action. On songe
notamment à la bibliothèque municipale de Lyon qui a signé un accord avec Google
pour entreprendre une numérisation de ses fonds patrimoniaux et régionaux. Cette
affaire a fait l’objet de nombreuses controverses du fait de la façon de procéder de
Google qui entend à ce jour numériser de façon massive afin de mettre à disposition le
plus grand nombre possible de documents numérisés. Toutefois, ce choix de « pactiser »
avec Google est largement assumé par la bibliothèque municipale de Lyon qui souhaite
avant tout mettre à disposition du plus grand nombre ses collections.82
Il existe à ce jour plusieurs types de numérisation possibles, mais on peut surtout
retenir le recours aux scanners et aux appareils photographiques. La numérisation, on
l’a dit, permet donc la mise à disposition de collections de façon beaucoup plus large
que ne le permettent des collections physiques. Qui plus est, lorsqu’il est question de
documents précieux ou encore fragiles, elle permet tout simplement leur mise à
disposition là où elle n’aurait pas été envisageable autrement. Mais l’autre intérêt de la
numérisation réside dans les possibilités de conservation qu’elle offre. En effet, si l’on
songe à la façon dont les capacités de stockage numériques se sont développées (avec
les serveurs, etc.), on comprend aisément que le numérique offre une nouvelle
alternative de conservation. Néanmoins, dans son ouvrage intitulé Livres en feu83
,
Lucien Xavier Polastron rappelle que la numérisation a un coût très élevé et qu’elle
n’offre pas la possibilité de tout numériser. A partir de là un choix est nécessaire, et la
bibliothèque doit donc choisir quels documents elle souhaite conserver et mettre à
disposition.
Qui plus est, il est important de noter que même si le numérique dans sa
globalité – et non pas seulement la numérisation – permet a priori une meilleure mise à
disposition et une meilleure conservation des documents, il s’agit là néanmoins d’une
82
Magali HAETTIGER, « Numérisation de masse et pratiques professionnelles : l’exemple de la
Bibliothèque municipale de Lyon », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47, ADBS,
disponible en ligne, <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-
2.htm.> (consulté le 15.01.2011). 83
Lucien Xavier POLASTRON, Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des bibliothèques,
Gallimard, 2009.
56
technologie faillible. En effet, que se passera-t-il si le serveur ou autre machine sur
lequel sont stockées toutes les données devient défaillant ? On voit bien qu’avec le
numérique, c’est toute la pérennité des documents qui est mise en question. Il y a
effectivement le risque que l’on vient d’évoquer, mais que l’on pourrait tout à fait
comparer au risque d’incendie ou d’inondation qui menace toute collection physique.
Mais il y a surtout une question qui est liée uniquement au numérique, qui est celle de la
pérennité des machines et des supports sur lesquels les fichiers numériques sont
conservés. Rien ne dit que dans dix ans les machines qui permettent de lire les
documents numérisés ne seront pas devenues totalement obsolètes et qu’il ne sera plus
possible de les consulter. A ce jour, la seule manière de sauvegarder ces documents
consiste à copier les données de façon régulière et sur des supports différents. Alain
Jacquesson et Alexis Rivier évoquent par ailleurs dans leur livre Bibliothèque et
documents numériques84
quatre types de problèmes liés aux documents numériques en
termes de conservation et de préservation des collections. Il y a tout d’abord celui du
« temps court », que nous venons d’évoquer et qui est lié aux mutations logicielles et
matérielles. Il y a également celui de l’ « accessibilité » : les différences de formats et
de logiciels informatiques rendent l’information numérique plus ou moins dépendante à
l’égard de certains matériels ou logiciels précis. A ce sujet, Lorenzo Soccavo dans
Gutenberg 2.085
évoque la nécessité d’une coopération des éditeurs et fournisseurs en ce
sens afin de permettre une harmonisation et ainsi assurer l’interopérabilité des
documents numériques. Les deux auteurs évoquent également la question de la
« variabilité », puisque « l’information numérique présente enfin un caractère instable
qui rend son authentification hasardeuse. »86
Le dernier problème évoqué est celui de la
« volatilité » : en soi un document numérique ne peut être consulté s’il n’est pas
concrétisé au moyen d’une machine.
On voit donc bien à quel point la question de la pérennité de l’accès aux
collections, qu’il s’agisse de collections numérisées ou numérique, est soumise à un
certain nombre de variables. Dans le cas d’abonnements auprès de fournisseurs, l’un des
problèmes majeurs réside également dans la pérennité des abonnements et donc des
accès. Quelle durabilité pour des documents électroniques alors qu’ils n’existent pas
matériellement et peuvent disparaître du jour au lendemain ? De façon plus extrême,
84
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., pp447-451. 85
Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit., p.163. 86
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.450.
57
que se passerait-il si le fournisseur venait à faire faillite et que la bibliothèque ne
possède que des accès et aucun fichier numérique ? Il est clair que si le numérique
ouvre de nouvelles perspectives pour les bibliothèques, il fait aussi émerger de
nouveaux questionnements, que celles-ci ne doivent pas sous-estimer afin de mener à
bien leurs missions de conservation et de mise à disposition des collections.
3. Nouveau statut du document et nouveaux usages
Le livre électronique pose, on l’a vu, un certain nombre de questions très
concrètes quant aux pratiques de lecture. Il apparaît en effet que les usages qui peuvent
être faits du livre s’en trouvent modifiés. Or, tout cela a forcément un impact très
important sur la façon dont le livre peut être exploité en bibliothèque et sur les usages
que peuvent en faire les lecteurs.
Une des questions majeures qui se pose donc quant au traitement du livre réside
dans les modalités de prêt. En effet, une certaine ambiguïté réside dans ce qui n’est
qu’une simple consultation d’un livre électronique et ce qui consiste en l’emprunt d’un
e-book. Autrement dit, que doit-on considérer comme une copie ou comme une simple
consultation ? Cette question que se posent les auteurs de Bibliothèques et documents
numériques87
est essentielle et elle témoigne selon eux d’un manque de clarté lié à
l’aspect dématérialisé des livres électroniques. Là où la différence entre consultation sur
place et emprunt est parfaitement claire lorsqu’il s’agit de livres papier, elle ne l’est plus
du tout dans le cas de contenu dématérialisé. Du fait de l’ambiguïté qui réside entre les
différents types d’action possibles, toute législation semble rendue beaucoup plus
difficile.
Par ailleurs, si l’on songe aux nouveaux types de lecture dont on a parlé
précédemment, on comprend également que les modalités de prêt qui étaient jusque-là
en vigueur nécessitent également d’être redéfinies. En effet, l’un des types de lecture
majeurs avec l’e-book consiste en une « lecture par tranches », comme la nomme
Laurent Jonchère dans un article intitulé « Quel avenir pour le livre électronique dans
les BU françaises ? »88
. Or, un système de prêt au chapitre ou à la partie serait-il
envisageable en bibliothèque ? Parmi les exemples analysés dans la partie précédente, il
87
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.519. 88
Laurent JONCHERE, « Quel avenir pour le livre électronique dans les BU françaises ? »,
Documentaliste-Sciences de l’information, 2005 (vol.42). Disponible sur Internet <www.cairn.info>
(consulté le 31.01.2010).
58
apparaît qu’aucun des fournisseurs ne permet aux bibliothèques de mettre en place ce
type de système. Seul Cairn permet aux usagers d’accéder aux livres chapitres par
chapitres ou parties par parties. Toutefois, il est intéressant de constater que c’est le seul
fournisseur qui ne propose pas véritablement de prêt : l’usager consulte en fait le livre
électronique sur son ordinateur mais à aucun moment il ne télécharge de document.
Cairn lui propose seulement de « feuilleter en ligne » les livres électroniques.
L’exemple de ce fournisseur est à lui seul assez édifiant et illustre parfaitement ce que
l’on vient de dire : il est finalement assez difficile de savoir s’il est question de prêt ou
de consultation lorsqu’on « feuillette en ligne » un ouvrage sur Cairn, puisque même si
l’usager s’authentifie et qu’il consulte l’ouvrage dans son intégralité, à aucun moment il
n’aura vraiment eu le document en sa possession. La seule façon pour lui de posséder
d’une manière ou d’une autre le document réside dans l’impression, mais on voit bien
qu’il s’agit là d’un retour au papier. Enfin, Cairn apporte également ses premiers
éléments de réponse quant à la question d’un éventuel prêt au chapitre.
Une autre question qui se pose quant au statut du livre électronique en
bibliothèque tient aussi aux nouvelles lectures induites. En effet, il semble aujourd’hui
normal de se demander si les nouvelles formes de lecture induites notamment par
l’hypertexte, ne vont pas à l’encontre des classifications cloisonnées par disciplines qui
sont à ce jour utilisées en bibliothèques (notamment classification Dewey et CDU89
).
Selon Lise Vieira90
, ce n’est pas encore le cas, mais il est néanmoins nécessaire de
s’interroger sur la possible compatibilité entre les nouveaux modes de lecture et les
classifications utilisées en bibliothèques.
Enfin, la dernière problématique liée à l’utilisation de livres électroniques en
bibliothèque réside dans la question de leur authenticité. Même si ce problème n’est pas
propre aux bibliothèques, il n’en demeure pas moins un problème majeur. Alain
Jacquesson et Alexis Rivier évoquent cette question et l’importance d’y remédier :
L’authenticité des documents que l’on consulte doit par ailleurs être
certifiée. N’auraient-ils pas été malencontreusement ou frauduleusement
modifiés ? L’attribution des documents – qui a écrit quoi et quand – est
essentielle. Nombre de textes littéraires classiques sont numérisés par des
personnes de bonne foi, sans que l’on sache par exemple quelle version
imprimée a été utilisée, qui en a été le relecteur, si un vérificateur
89
Classification décimale Universelle, cf. définition dans le lexique. 90
Lise VIEIRA, Op. Cit., p.134.
59
d’orthographe a été utilisé, ou quel système d’OCR a été employé. (...) La
fiabilité de telles réalisations est sujette à caution.91
Face à ce problème, ils envisagent un certain nombre de solutions, et notamment
la mise en place de métadonnées de type Dublin Core, contenant des informations telles
que titre, auteur, sujet, etc., ou encore toute autre forme de marqueur présent sur le
document et qui permettrait de l’authentifier (auteur, éditeur, etc.).
La relation de la bibliothèque à ses collections se trouve donc sensiblement
modifiée avec l’arrivée du livre électronique. Non seulement elle est confrontée à des
documents qui lui demandent de revoir ses procédures d’acquisition et de gestion des
collections, mais elle doit aussi repenser ses modalités de mise à disposition, de
conservation et de prêt, que l’arrivée de documents dématérialisés oblige à redéfinir.
II. Bibliothèques et public
1. Signalement, signalétique et valorisation
S’il est important pour les bibliothèques de s’interroger sur leurs relations aux
collections avec l’intégration de livres électroniques, il semble tout aussi important de
réfléchir à l’évolution de leurs liens avec le public. En effet, si la relation du
bibliothécaire au livre se trouve modifiée, on comprend aisément que le lecteur soit tout
autant impacté par ces changements. C’est pourquoi nous verrons dans un premier
temps à quel point il est indispensable de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre en
termes de signalement, signalétique et valorisation des collections afin de guider
l’usager à travers ces collections d’une forme nouvelle. Nous verrons par la suite que
cela passe également par un renouvellement des missions de formation et de médiation
afin de donner au lecteur toutes les clés nécessaires à l’utilisation de ces nouveaux
outils. Enfin, nous nous intéresserons aux nouvelles perspectives offertes par l’arrivée
du numérique en termes d’animation et de service au public.
Une des questions majeures qui se pose avec l’arrivée de collections numériques
en bibliothèque est celle de leur signalement. En effet, si l’on songe à la façon dont une
personne vient à emprunter un livre, on peut noter deux cas de figure : soit après avoir
effectué une recherche sur le catalogue la personne savait exactement le livre qu’elle
91
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.360.
60
voulait et se l’est procuré, soit au contraire elle n’avait pas d’idée précise et c’est en
flânant dans les rayons qu’elle a trouvé par hasard un livre et a décidé de l’emprunter.
Or, on voit bien que les choses semblent assez différentes avec le livre électronique. En
effet, si le premier cas de figure est tout à fait envisageable pour les e-books et constitue
même certainement le moyen d’accès le plus utilisé pour trouver un livre numérique, le
second semble par contre beaucoup plus difficilement concevable. A partir de là se pose
la question de comment savoir que la bibliothèque possède un e-book sans avoir recours
à son catalogue. Autrement dit, comment reproduire le fait de flâner dans les rayons ?
On voit bien à quel point le visuel est alors important et combien cela nécessite de
réfléchir au moyen de retranscrire cela via des outils informatiques. En général les
fournisseurs proposent un visuel du livre (couverture, voire quatrième de couverture) et
certains présentent même, on l’a vu, les livres installés sur des étagères, pour recréer
l’environnement si commun de la bibliothèque. Néanmoins, même ce type de
présentation semble assez loin de reproduire la sensation de tomber par hasard sur un
livre parce que sa couverture nous a attiré. Le problème ici tient bien au fait que l’on
souhaite à tout prix retranscrire les actions liées au livre papier jusqu’à la façon de les
ranger, alors même que sur un site web, cela ne répond à aucun besoin physique. La
seule possibilité propre au web que l’on pourrait envisager à ce jour pour reproduire
l’action de flâner dans les rayons serait le nuage de tags. Néanmoins, on ne semble pas
ici dans le hasard total (comme par exemple dans le cas d’un livre qui attire par sa
couleur ou par sa forme) puisque pour trouver un livre avec le nuage de tags, il faut
cliquer sur un sujet ou tout au moins un mot se rapportant au contenu du livre.
Un autre point fondamental une fois les ouvrages acquis est celui du catalogage
et du traitement qui va leur être réservé par la suite. La question qui se pose ici est
effectivement de savoir quoi cataloguer. Estelle Lenormand, lors de notre entretien
évoquait les interrogations auxquelles elle et le reste de l’équipe devaient faire face. Se
pose en effet la question de la pertinence de cataloguer des documents que la
bibliothèque n’aura peut-être plus dans un an, mais en même temps il est clair que des
documents numériques non catalogués manqueront forcément de visibilité. On voit
donc bien ici, comme le note Alain Jacquesson et Alexis Rivier dans Bibliothèques et
documents numériques92
que le catalogage est rendu beaucoup plus complexe par
l’instabilité dans le temps et dans l’espace caractéristique des documents électroniques.
92
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.360.
61
Face à cette difficulté, on peut noter que les stratégies adoptées par les établissements
sont très diverses. Certains, à l’instar de la bibliothèque publique d’Algonquin93
aux
Etats Unis, décident de tout cataloguer, tablettes comme documents numériques, afin de
leur offrir le plus de visibilité possible. La bibliothèque de l’université Lyon 1 a au
contraire fait le choix de ne cataloguer dans le SIGB que les documents acquis de façon
définitive et donc pérenne, et de référencer dans un catalogue spécifique et plus
facilement modifiable (car permettant notamment une gestion par bouquets) les autres
ressources numériques94
. Enfin, le SICD1 de Grenoble a quant à lui fait le choix de
cataloguer l’ensemble de ses livres électroniques dans le SIGB, mais pas dans le Sudoc.
Ainsi, les documents sont visibles pour les usagers de la bibliothèque même s’ils ne le
sont pas autant que des ouvrages papier.
Ce qui est frappant en ce qui concerne cette question du catalogage et que
Grégory Colnacap pointe dans son article du Bulletin des Bibliothèques de France95
,
c’est finalement le décalage qui existe entre les moyens (humains et surtout financiers)
mis en œuvre pour l’acquisition de ressources électroniques et ceux mis en œuvre pour
leur signalement. Qui plus est, il est bon de noter que le catalogage des documents
électroniques est passablement plus lourd pour les bibliothécaires que ne l’est celui des
livres papier en raison du nombre plus grand de métadonnées. En effet, dans son article
« Comment les professionnels de l’information-documentation abordent-ils le livre
numérique », Franck Smith évoque cette nouvelle gestion :
En particulier, les éléments pris en compte au moment de
l’acquisition sont traduisibles dans un ensemble de métadonnées techniques
(URL permettant d’accéder directement à la ressource, indication de
l’existence de DRM, logiciels requis pour la consultation, etc.) et de
métadonnées administratives, juridiques ou commerciales (fournisseur, coût
payé au fournisseur, modèle tarifaire, date limite de réabonnement, clauses
contractuelles, modalités de consultation, etc.) liées à la ressource acquise.
Ces métadonnées s’ajoutent aux métadonnées bibliographiques plus
classiquement produites par les catalogueurs dans le cas du livre imprimé
(titre, langue, mots-clés, niveau, date de publication, ISBN, etc.). Les
professionnels doivent par conséquent se montrer progressivement aptes à
concevoir, utiliser ou alimenter, selon les fonctions occupées, des systèmes
93
Roberta BURK, « Apprivoiser le livre électronique », Bulletin des Bibliothèques de France, 2000, n°6,
pp.38-42, disponible en ligne <http://bbf.enssib.fr/> ( consulté le 01.02.2011). 94
Odile JULIEN COTTART, « Comment intégrer le livre numérique dans une collection de
bibliothèque : l’expérience de l’Université Lyon 1 », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47,
ADBS, pp.52-53. Disponible en ligne, <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-
information-2010-2.htm.> (consulté le 15.01.2011). 95
Grégory COLNACAP, Op. Cit., p.20.
62
d’information plus complexes au service d’une gestion optimale de la
collection.96
Or, en dépit de toutes ces problématiques, on voit bien à quel point il est
nécessaire pour les bibliothèques de communiquer autour de leurs collections
numériques. Pour Odile Julien Cottart « contrairement à la revue en ligne, le livre
numérique n’est pas (pas encore ?), une ressource indispensable à l’usager ; il est
nécessaire de le promouvoir. »97
C’est également l’avis que partage Silvère Mercier,
lorsqu’il intitule l’un de ses articles « Ressources numériques : des trésors derrière des
forteresses »98
: les bibliothèques détiennent de véritables trésors numériques, mais il est
nécessaire qu’elles les valorisent afin de les faire connaître de leurs usagers. L’idée
même de « forteresse » révèle ici toute l’ambiguïté qui réside dans la relation des
bibliothèques au numérique : alors qu’elles devraient profiter du formidable outil de
communication et de valorisation qu’est Internet et qu’offre le numérique, elles
semblent au contraire parfois davantage portées par une volonté d’empêcher l’accès à
ces trésors.
2. Formation et médiation
L’autre mission majeure de la bibliothèque en ce qui concerne sa relation au
public réside dans son rôle de formation et de médiation. Or, selon Alain Pierrot, que
Lorenzo Soccavo cite dans son livre Gutenberg 2.0, le rôle de médiation qui était celui
de la bibliothèque tend à disparaître. En effet, selon lui « critères de choix, conseils
variés [...] sont modifiés par l’accès simultané à l’ensemble des ressources dès que le
papier numérique est en mesure de composer le « programme de lecture » voulu par
l’utilisateur, dans un lieu et une situation donnés. »99
Toutefois, il semble nécessaire de
nuancer tout ceci. Si effectivement le rôle de médiation des bibliothèques et donc des
bibliothécaires est voué à évoluer, il n’est pas pour autant voué à disparaître. Il semble
au contraire très important qu’elles se réapproprient ce rôle et le repensent afin de le
96
Franck SMITH, « Comment les professionnels de l’information-documentation abordent-ils le livre
numérique », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47, ADBS, disponible en ligne,
<http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm.> (consulté le
15.01.2011). 97
Odile JULIEN COTTART, Op. Cit., p.53. 98
Silvère MERCIER, Bibliobsession, « Ressources numériques : des trésors derrière des forteresses »,
<http://www.bibliobsession.net/> (consulté le 24.03.2011). 99
Alain PIERROT, In Lorenzo SOCCAVO, Gutenberg 2.0 : le futur du livre : six siècles après
Gutenberg une nouvelle révolution va changer votre façon de lire ..., M21 Ed., 2008, pp.131-132.
63
faire évoluer tout comme les collections évoluent. En effet, l’expertise de la
bibliothèque ne réside plus autant dans le fait de détenir des savoirs aujourd’hui. Un
livre peut être téléchargé directement sur Internet, parfois gratuitement et sans
forcément passer par l’intermédiaire de la bibliothèque. En ce sens on comprend donc
bien à quel point la « plus-value » de la bibliothèque ne réside plus, comme cela a pu
être le cas dans le passé, uniquement dans le fait de détenir des savoirs. Le véritable
enjeu semble au contraire se trouver dans le rôle de médiateur de la bibliothèque.
Aujourd’hui, son expertise réside dans son travail de sélection et son apport en termes
de médiation entre le document et le lecteur. Il s’agit par exemple de sélectionner la
source, car comme on a pu s’en rendre compte auparavant il n’est pas toujours aisé
d’authentifier un livre numérique, ou encore de s’assurer de son intégrité, etc.
On voit donc bien à quel point ce rôle de médiateur est primordial aujourd’hui et
combien il peut revêtir des formes diverses : il s’agira par exemple de former les
usagers à la lecture sur écran et aux nouvelles potentialités offertes par le numérique, ou
encore de tâcher de remédier au phénomène d’«illectronisme » dont on a déjà parlé.
Même si en soi cette mission de formation n’est pas nouvelle puisqu’elle existe en
bibliothèque depuis l’apparition de l’Internet, elle prend toutefois une autre dimension
avec l’arrivée des livres électroniques. Comme dans le cas de la lutte contre
l’illettrisme, il s’agit ici de former des personnes afin de leur ouvrir les portes d’un
nouveau monde de lecture. Le rôle de la bibliothèque consiste donc également à
remédier à l’opacité qui entoure à ce jour le marché du livre électronique, pour faire en
sorte que les usagers aient accès aux « trésors » numériques, pour reprendre la
métaphore de Silvère Mercier. Enfin, selon Bernard Stiegler, lors de son intervention au
colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre », le rôle de la bibliothèque
consiste également à s’appuyer sur l’idée de coopération et de contribution, élément fort
de notre société actuelle. Selon lui, cela passe par la réalisation de communautés de
lecteurs : « les bibliothèques sont au cœur de la révolution industrielle en cours et
devraient être des lieux de constitution d’une politique de la lecture contributive. [...]
Cela revient à constituer des communautés de lecteurs. »100
100
Bernard STIEGLER, « La grammatisation du lecteur et ses enjeux », In Actes de colloque Les
métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction
d’Alain Giffard, pp.120-135. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-
MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).
64
Toutefois, on peut noter un certain nombre de difficultés liées une fois encore au
caractère immatériel des collections et qui rendent plus difficile le travail de médiation.
Tout d’abord, l’un des premiers obstacles tient au fait que le public utilisateur d’e-books
est plus difficile à cerner. C’est l’idée exprimée par Frédéric Martin et Emmanuelle
Bermès dans leur article au Bulletin des Bibliothèques de France : « comme les
collections traditionnelles, les collections numériques doivent faire l’objet d’une
médiation. Celle-ci est rendue plus complexe par le fait que le public peut être distant,
donc plus difficile à connaître et à saisir. »101
L’autre difficulté majeure en ce qui
concerne la formation des usagers à l’utilisation des collections numériques réside dans
le caractère instable de ces mêmes collections. En effet, comme on a pu le noter
auparavant, l’une des caractéristiques des acquisitions de livres numériques est qu’il
s’agit bien souvent d’abonnements à des accès. Or, la bibliothèque propose des
formations pour apprendre à utiliser les ressources qu’elle détient et qu’elle offre à ses
usagers. En bibliothèque universitaire, la formation à la recherche documentaire et aux
bases de livres électroniques auxquelles la bibliothèque offre accès fait partie du cursus
universitaire des étudiants et est dispensée en début d’année scolaire. Les abonnements
sont quant à eux revus et éventuellement reconduits ou abandonnés en début d’année
civile. Or, on comprend bien que si les étudiants ont été formés au mois de septembre et
que les abonnements changent au mois de janvier, ils ne seront pas formés à l’utilisation
des nouvelles bases, ce qui semble pourtant indispensable.
Ce qui est assez significatif avec le développement des collections numériques –
et de livres numériques en particulier – c’est le passage de la bibliothèque gardienne du
patrimoine à la bibliothèque prestataire d’informations. Selon Lise Vieira, « ainsi, nous
passons d’une notion de site fermé dédié à la conservation, à une notion d’espace ouvert
qui n’est pas sans rappeler le principe de l’agora antique, territoire de liberté et
d’exercice démocratique de la parole. »102
En effet, on voit bien que l’enjeu principal
consiste ici pour les bibliothèques à se saisir de cette évolution pour elles-mêmes faire
évoluer leurs structures et leurs missions. Puisque le caractère de conservation et les
tâches liées au traitement physique et logistique des documents tendent à diminuer, il
semble important que les bibliothèques en profitent pour mettre en place un véritable
101
Emmanuelle BERMES, Frédéric MARTIN, « Le concept de collection numérique », Bulletin des
Bibliothèques de France, 2010, n°3, p.16, disponible en ligne < http://bbf.enssib.fr/> (consulté le
01.02.2011). 102
Lise VIEIRA, Op. Cit., p.101.
65
fonctionnement centré autour du lecteur. La possibilité par exemple pour les usagers du
SICD2 de Grenoble de travailler en groupes sur l’interface de Cyberlibris témoigne
d’un tel désir. La mise en place de sites Internet ou de blogs destinés à promouvoir les
collections de livres numériques et permettant aux usagers de poster leurs avis et leurs
commentaires sur les ouvrages est également une initiative qui va dans ce sens. Si le
rôle de médiation et de formation de la bibliothèque est, on l’a vu, toujours
indispensable, il semble nécessaire toutefois que les politiques documentaires évoluent
vers une prise en compte de l’usager en tant que membre actif en mesure d’échanger et
désireux de partager ses lectures. Toutefois, on peut noter à ce jour un obstacle majeur à
ce principe : toute annotation, commentaire ou signet apporté par le lecteur en
bibliothèque ne peut être donné qu’ « hors livre » et aucune trace ne demeure,
contrairement à ce qu’il est déjà possible de faire avec des e-books personnels.
Néanmoins, on peut facilement imaginer que ce type d’évolutions (prise de notes sur un
livre emprunté, partage de ces prises de note, etc.) arrivera assez vite et sera rapidement
disponible en bibliothèque.
3. De nouvelles perspectives en termes d’animation et de services
au public
L’intégration de livres électroniques dans les fonds des bibliothèques, qu’il
s’agisse de bibliothèques municipales ou universitaires, est l’occasion pour celles-ci
d’offrir à leurs usagers de nouveaux services et de nouvelles perspectives d’animations.
Un public qui est particulièrement impacté par l’arrivée de livres numériques en
bibliothèques est celui constitué de personnes malvoyantes. En effet, les livres
électroniques sur tablettes ou autres supports dédiés à la lecture offrent la possibilité de
modifier la police mais aussi et surtout de grossir les caractères. Or, si jusque-là existent
dans la plupart des bibliothèques des fonds spécialisés « gros caractères », on peut voir
que cela présente un certain nombre d’inconvénients. Comparé au nombre de titres que
l’on peut trouver en caractères normaux, le nombre de ceux que l’on peut trouver en
gros caractères est très faible. Qui plus est, on constate que les personnes malvoyantes
subissent une différence de traitement puisqu’elles n’ont pas accès au même fonds que
les personnes ayant une bonne vue. Or, avec l’intégration de livres électroniques dans
les fonds de bibliothèques, le bénéfice semble être double pour les personnes
malvoyantes : non seulement elles ne font pas l’objet d’un traitement particulier et, en
plus, elles ont accès à un fonds aussi important que les personnes n’ayant pas de
66
problème de vue. Le bénéfice est également important pour les personnes non-voyantes
car on constate dans la plupart des cas que les bibliothèques qui acquièrent un fonds de
livres numériques proposent aussi un fonds de livres audio, téléchargeables et
empruntables selon les mêmes modalités que les livres électroniques.
De façon plus générale, si l’on songe à l’ensemble des usagers de bibliothèques,
on constate que l’arrivée de livres électroniques peut également ouvrir de nouvelles
perspectives en termes d’animation. En effet, Lorenzo Soccavo, dans son ouvrage
Gutenberg 2.0, imagine les nouvelles possibilités offertes par le numérique. Selon lui,
« tous les rêves sont possibles. Et plusieurs sont déjà en cours de réalisation. Peut-être
des rétroprojecteurs ou des radioréveils qui projetteront dans l’espace des pièces
d’immenses pages sur lesquelles le texte défilera comme par magie au rythme de lecture
de leur lecteur ? »103
Or, on imagine très facilement quel type d’applications de telles
possibilités pourraient avoir en bibliothèque. En effet, on peut par exemple imaginer des
séances de lecture collective qui – même si elles supposeraient de prendre un certain
nombre de dispositions à l’égard du droit d’auteur notamment – permettraient de
renouveler et de prolonger des animations de type café littéraire, journées d’étude ou
rencontre d’auteurs.
On pourrait également imaginer des applications en ce qui concerne les
animations jeunesse en bibliothèques municipales. Par exemple, le développement des
livres augmentés, et leur utilisation sur tablettes notamment, pourrait permettre de plus
fortes interactions entre le jeune usager et le livre. On pourrait ainsi imaginer des livres
pour lesquels le ou les enfants devraient opérer des choix, à l’image des « livres dont
vous êtes le héros », ce qui influerait sur la suite de l’histoire. Avec le numérique et
toutes les possibilités offertes par le multimédia et l’hypertexte, on imagine aisément à
quel point le champ des possibles est largement plus ouvert avec le numérique, en
termes d’interaction et d’implication du lecteur notamment. Le livre électronique
semble effectivement permettre un véritable échange et offre à l’usager la possibilité de
réellement s’inscrire au centre du processus d’animation.
Selon Gilles Eboli, lors de son intervention au colloque sur les « Métamorphoses
Numériques du Livre »104
, l’un des aspects fondamentaux avec le numérique réside
103
Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit., p.122. 104
Gilles EBOLI, « Les bibliothèques face au numérique ». In Actes de colloque Les métamorphoses
numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction d’Alain Giffard,
67
également dans la nécessité pour les bibliothèques de réussir à établir un lien de
proximité avec les usagers en dépit de son aspect dématérialisé. Selon lui, les pratiques
se voient totalement renouvelées avec l’arrivée de livres numériques. En effet, à aucun
moment un bibliothécaire n’est en relation directe avec un usager qui emprunte un livre
électronique, puisque le prêt et le retour du document s’effectuent de façon virtuelle,
directement au niveau de l’interface de la bibliothèque numérique. Aussi, toutes les
initiatives dont on a pu parler auparavant (blogs, commentaires, etc.) vont-elles dans ce
sens et permettent-elles d’entretenir un lien de proximité entre le bibliothécaire et
l’usager. Dans le même ordre d’idées, on peut songer à la BnF qui propose aujourd’hui
aux personnes intéressées d’« adopter un livre numérisé » sur Gallica105
. En payant pour
faire numériser un livre, l’usager se voit accorder une déduction fiscale et son nom
apparaît aux côtés des références de l’ouvrage numérisé, désormais disponible sur
Gallica. On voit donc bien qu’une telle action de la part de la BnF témoigne d’un besoin
de financer son entreprise de numérisation mais aussi d’impliquer les usagers dans cette
démarche de numérisation. En effet, on peut y voir un aspect très ludique et interactif, à
l’image du web 2.0 qui se développe aujourd’hui sur Internet.
A travers ces différents exemples, on voit bien à quel point l’arrivée du
numérique mais aussi et surtout de livres électroniques en bibliothèque modifie le
rapport de l’usager à celle-ci. Sa relation aux collections s’en trouve largement
modifiée, puisqu’il doit désormais apprendre à utiliser un nouvel instrument de lecture
et le maîtriser afin d’en tirer les meilleurs bénéfices possibles. Son rapport à la
bibliothèque en tant que lieu s’en trouve également transformé, puisqu’à l’univers
physique de la bibliothèque s’ajoute alors un univers purement virtuel. Le rôle de la
bibliothèque et du bibliothécaire dans l’accompagnement de l’usager à travers cette
évolution est indispensable et, on l’a vu, passe par des actions de valorisation et de
signalisation des collections, mais aussi de formation et de médiation, qui doivent
permettre au lecteur de s’approprier ces nouvelles collections. L’objectif étant que tous
ces changements permettent à l’usager de s’investir dans ses lectures numériques au
moins tout autant qu’avec les collections physiques.
pp.79-85. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le
22.03.2011). 105
Blog Gallica, « Adoptez un livre sur Gallica ! », < http://blog.bnf.fr/gallica/?p=2641> (consulté le
12.04.2011).
68
III. Nouveaux rôles et nouvelles organisations
1. La relation de la bibliothèque aux autres établissements : le rôle
central de la bibliothèque dans la définition d’un modèle
Face à l’arrivée de livres électroniques, les bibliothèques sont, on l’a vu,
sommées de se redéfinir et de repenser leur fonctionnement. Les relations aux
collections et au public s’en trouvent modifiées, et il semble donc nécessaire pour les
bibliothèques de repenser leur organisation et leurs modes de fonctionnement. En effet,
plus que jamais la bibliothèque s’inscrit dans un environnement physique avant d’entrer
dans le numérique et il est donc indispensable pour elle de s’associer avec ses pairs. Qui
plus est, face à de nouveaux acteurs, la bibliothèque semble appelée à s’interroger sur
son propre rôle et à mener une réflexion quant à son organisation en interne.
Si les principes de coopération et de partenariats ne sont pas nouveaux en
bibliothèques (on songe notamment au développement des mises en réseau d’ampleur
intercommunale, etc.), ils semblent toutefois prendre un caractère autre depuis le
développement des ressources numériques. En effet, il semble d’autant plus nécessaire
pour les bibliothèques de coopérer aujourd’hui que l’offre numérique est une offre
abondante et protéiforme. Dans ce contexte, différentes formes de coopération sont
possibles, mais la plus répandue consiste aujourd’hui en l’établissement en consortiums.
Selon Laurent Jonchère106
, les bibliothèques ont un rôle central à jouer dans le
développement du livre électronique car elles en sont les promoteurs mais aussi parce
qu’une fois organisées en consortiums, elles sont en mesure de peser face aux éditeurs
ou aux agrégateurs. Pour lui, c’est aux bibliothèques de profiter de l’avantage que leur
confère leur rôle de promoteur pour en profiter et négocier la mise en place d’un modèle
économique qui ne les lèse pas. Le rôle prépondérant des bibliothèques dans la
définition d’un modèle économique viable est également une idée qu’a défendue Gilles
Eboli lors de son intervention au colloque sur les « Métamorphoses Numériques du
Livre ». En effet, il explique qu’avec le numérique, la bibliothèque ne se situe plus en
bout de chaîne du livre comme c’est le cas avec les livres papier, mais qu’elle a un
véritable rôle de production car elle doit produire de la rareté dans ce qui existe déjà a
106
Laurent JONCHERE, Op. Cit.
69
priori et dans tout ce qui est réputé accessible. Selon lui, cela doit amener les
bibliothécaires à « penser une nouvelle économie des acquisitions [...]. »107
On comprend donc bien à quel point il est important pour les bibliothèques
d’établir des partenariats et notamment de s’établir en consortiums afin d’obtenir des
tarifs plus intéressants ou tout au moins une uniformisation des formats. En ce sens, la
cellule e-books108
mise en place par le consortium Couperin et dont on a déjà eu
l’occasion de parler, est bien conçue comme un outil permettant de faire le lien entre
éditeurs et bibliothèques. La cellule e-books a en effet un rôle de transition et a
justement pour objectif d’aiguiller les bibliothèques et de les aider à y voir plus clair
face à l’offre numérique, abondante et parfois difficile à cerner. Cela peut prendre la
forme de recommandations à destination des bibliothèques, mais aussi des éditeurs et
des agrégateurs, ou encore de mise en place d’une typologie de l’offre existante, etc.
A côté de l’expertise offerte par la cellule e-books et accessible à tous, les
consortiums sont le résultat de coopérations entre établissements, qui permettent
d’entreprendre des négociations avec les éditeurs et agrégateurs en matière de
ressources électroniques. Le consortium Couperin est le plus important et le plus ancien.
Créé à l’initiative de quatre universités en 1999 sous la forme d’une association, il
regroupait en 2010 206 membres, avec une majorité d’universités, mais aussi des
écoles, des organismes de recherche et d’autres organismes tels que le Collège de
France ou la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg (BNUS). En 2010 il
compte 113 ressources pour lesquelles la négociation a abouti. Il fonctionne notamment
sous la forme de groupements de commande, chez un éditeur en particulier (par
exemple Cairn, Dalloz, etc.) et de licences nationales109
.
Le consortium Carel (Consortium pour l’Acquisition des Ressources
Electroniques en Ligne) a quant à lui été créé à l’initiative de la BPI et concerne les
bibliothèques de lecture publique. Il ne possède pas de statut juridique110
, mais regroupe
des professionnels de plusieurs bibliothèques ainsi qu’un représentant de la Direction du
107
Gilles EBOLI, Op. Cit., p.84. 108
Cellule e-books, Consortium Couperin, <http://www.couperin.org/fr/groupes-de-travail-et-projets-
deap/ebook> (consulté le 13.04.2011). 109
Consortium Couperin, Rapport d’activités 2010,
<http://www.couperin.org/images/stories/documents/couperin_rapport_moral_2010.pdf> (consulté le
13.04.2011). 110
Sophie DANIS, « Carel, Consortium pour l’acquisition de ressources en ligne », Bulletin des
Bibliothèques de France, 2006, n°1, p.72. Disponible en ligne < http://bbf.enssib.fr/> (consulté le
23.02.2011).
70
Livre et de la Lecture (DLL). En 2005, 60 bibliothèques municipales participaient et le
consortium regroupait quelque 235 abonnements avec 30 titres proposés
(encyclopédies, dictionnaires, bases de presse, etc.). En 2010 le consortium regroupait
214 établissements et avait négocié 995 abonnements111
. On voit donc bien à quel point
en cinq ans, le nombre de bibliothèques ayant décidé de recourir au consortium et de
coopérer avec d’autres dans leurs acquisitions de ressources électroniques a augmenté
de manière significative.
Par ailleurs, l’intérêt grandissant des bibliothèques pour les partenariats et autres
coopérations se note également dans la création de partenariats à plus petite échelle.
Aussi la création du consortium UNR Rhône Alpes (Université Numérique en Région
Rhône Alpes) avec des actions essentiellement centrées sur les abonnements, témoigne-
t-elle de ce phénomène. D’ailleurs, le cas du SICD2 de Grenoble est assez significatif à
ce propos puisqu’il fait partie à la fois de l’UNR Rhône Alpes et de Couperin, ce qui lui
permet de multiplier les possibilités de négociation.
Il apparaît donc à travers ces différentes illustrations que les bibliothèques sont
de plus en plus amenées à mener des actions de coopération entre elles, et ce afin de
définir un modèle économique numérique viable, à même de satisfaire les éditeurs et
agrégateurs, mais aussi les bibliothèques. Stéphane Michalon, lors de son intervention
au colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre »112
évoque même la
responsabilité des bibliothèques face aux petites librairies, qu’elles doivent tenter de
privilégier face aux géants numériques que représentent déjà certains agrégateurs et
éditeurs. Or, on est toutefois en droit de se demander quel sera l’impact pour les petites
librairies si l’Etat vient à imposer des « marchés » aux bibliothèques universitaires
françaises sous la forme de fournisseurs officiels, par exemple. Le rôle des
bibliothèques vis-à-vis de celles-ci est indéniable, reste maintenant à trouver les
modalités d’acquisition et les modèles économiques les moins néfastes pour elles.
111
Bibliothèque Publique d’Information (BPI), Carel – Bilan,
<http://www.bpi.fr/fr/professionnels/collections_et_services2/carel_ressources_electroniques/bilan.html>
(consulté le 13.04.2011). 112
Stéphane MICHALON, « Editer, diffuser, commercialiser les livres à l’ère numérique ». In Actes de
colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous
la direction d’Alain Giffard, pp.100-105. Disponible en ligne : <http://www.livre-
paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).
71
2. La bibliothèque face à de nouveaux acteurs
Dans le même ordre d’idées, Marin Dacos évoque lors de son intervention au
colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre » le fait que dans le contexte du
développement des livres électroniques, les bibliothèques sont indispensables face aux
distributeurs qui agissent selon des normes de marketing plus que dans l’intérêt des
lecteurs. Il évoque en effet la situation de pouvoir dont bénéficient les « gros »
distributeurs tels que la Fnac ou Amazon et qui agissent largement selon des buts
lucratifs et sans se soucier réellement des souhaits des lecteurs :
Si Amazon ne veut pas vendre de livres épuisés, s'il n'a pas du tout
envie de me vendre un Kâmasûtra, ou s'il n’a pas du tout envie de favoriser
Apple qui serait devenu éditeur d'un livre très intéressant sur le sujet qui
m'intéresse, il peut tout à fait ne pas me les recommander. Il s’agit là du
crowdsourcing à la sauce marketing, absolument lisse et invisible, mais qui
agit partout où nous faisons confiance à des opérateurs comme Amazon.113
Une illustration très concrète de ce phénomène concerne l’attitude d’Amazon en
2009 dans ce qui a été appelé « l’affaire Kindle / Orwell ». Après s’être rendu compte
qu’il avait fait une erreur dans la commercialisation de versions numériques de 1984,
Amazon a supprimé du jour au lendemain l’ensemble des exemplaires de 1984 que les
utilisateurs de Kindle avaient acheté sans même les prévenir, effaçant du même coup
l’ensemble de leurs annotations. Cet exemple montre bien à quel point les gros
fournisseurs n’agissent pas toujours dans l’intérêt des usagers – qui sont chez eux des
clients – et à quel point les bibliothèques ont un rôle majeur à jouer afin de proposer une
offre en adéquation avec les attentes des lecteurs. Il apparaît également nécessaire à
travers de tels exemples de mettre en place une déontologie de l’accès aux livres
numériques et un code des bonnes pratiques (en tant que fournisseur ne pas couper
l’accès à un document du jour au lendemain sans prévenir, offrir l’accès à tous types de
livres sans exception, etc.). Le numérique offrant des perspectives toujours plus larges
tant dans la forme des documents que dans la façon de les communiquer, il semble
indispensable que les bibliothèques, entre autres, participent à l’établissement d’un
système respectueux de ses usagers.
Marin Dacos évoque également le fait qu’avec le développement du web 2.0, le
travail des bibliothèques et des librairies est en partie effectué par des sites
communautaires autour de la littérature. On songe notamment à des sites tels que Sens
113
Marin DACOS, Op. Cit., p.113.
72
Critique114
ou encore LibraryThing115
, qui permettent aux utilisateurs d’échanger sur
leurs lectures et d’émettre de véritables critiques. Marin Dacos insiste alors sur le fait
que c’est aux bibliothèques entre autres de s’approprier de tels outils pour faire
connaître les livres, et les livres numériques en particulier. Leur expertise en termes de
médiation est un atout majeur en ce qui concerne l’utilisation de tels outils. On voit
donc bien à travers cette idée que l’arrivée de livres électroniques en bibliothèque révèle
un besoin plus large pour elles de s’imprégner du numérique et de s’en emparer. Le
numérique peut d’ailleurs se révéler être un très bon moyen pour les bibliothèques de se
faire connaître et de gagner en visibilité. En témoigne l’exemple de la Bibliothèque de
Lisieux qui a su se donner une renommée internationale en numérisant ses fonds et en
les mettant gratuitement en ligne sur son site116
. Finalement, on se rend bien compte
qu’il n’est pas envisageable de proposer un même travail de valorisation ou de
communication des collections avec du numérique qu’avec du papier. Il est donc
nécessaire d’utiliser des outils adaptés, que représentent entre autres ces sites
communautaires.
Enfin, avec le développement des livres numériques, Lise Vieira note une
ambiguïté à laquelle les bibliothèques doivent tenter de remédier. En effet, selon elle il
arrive qu’avec le virtuel, on ne sache plus vraiment à quel type d’interlocuteur on a
affaire : s’agit-il d’une librairie virtuelle ? D’une bibliothèque virtuelle ? Certains sites,
en proposant le téléchargement de livres tombés dans le domaine public apparaissent
par exemple comme faisant concurrence aux bibliothèques. Or, même si l’idée de
« faire du chiffre » n’est pas le but recherché par les bibliothèques (si ce n’est dans une
certaine mesure pour témoigner de leur vitalité auprès de l’organisme de tutelle), Lise
Vieira s’interroge sur leur capacité à maintenir ce cap :
Ce qui distingue alors la librairie de la bibliothèque est tout
simplement la dimension commerciale. Les bibliothèques pourront-elles
continuer à assurer leur rôle de service public en maintenant la gratuité de
l’accès aux documents ? Si ce n’est pas le cas, elles se trouveront en
situation de concurrence avec les entreprises à but lucratif.117
Cette idée de concurrence (que ce soit parce que les bibliothèques puissent ne
plus être en mesure d’assurer la gratuité ou au contraire parce que des entreprises
114
Sens Critique < http://www.senscritique.com> (consulté le 14.04.2011). 115
LibraryThing < http://www.librarything.fr/> (consulté le 14.04.2011). 116
Bibliothèque électronique de Lisieux, <http://www.bmlisieux.com/> (consulté le 26.04.2011). 117
Lise VIEIRA, Op. Cit., p.103.
73
lucratives se mettent à proposer des ouvrages numériques gratuits) semble toutefois à
nuancer. En effet, on peut imaginer que les personnes qui téléchargent gratuitement sont
aussi des personnes attachées au livre et qu’elles vont continuer à fréquenter les
bibliothèques. D’ailleurs, l’étude du CNL118
que l’on a déjà évoquée montre qu’après
avoir testé la lecture numérique, les lecteurs se disent surtout prêts à se rabattre sur de
l’offre gratuite légale. En effet, cette offre est évoquée comme étant celle satisfaisant le
plus les amateurs de classiques. Or, on peut penser que ces mêmes amateurs de
classiques sont suffisamment amateurs de littérature en général pour également
continuer de fréquenter une bibliothèque. On trouve ainsi une certaine complémentarité
entre l’offre gratuite disponible sans passer par l’intermédiaire de la bibliothèque (mais
qui, on a pu l’évoquer auparavant, peut poser un certain nombre de soucis, notamment
en matière d’authentification) et l’offre proposée par les bibliothèques qui regroupe en
général quant à elle des ouvrages numériques contemporains.
On voit donc à travers ces différents exemples à quel point avec les livres
numériques, les bibliothèques doivent envisager l’arrivée de nouveaux acteurs, qui
peuvent parfois sembler empiéter sur ce qu’elles proposent. Toutefois, il apparaît
clairement ici que l’expertise de la bibliothèque en termes de médiation et que le
caractère varié de ses collections lui confèrent des atouts la rendant irremplaçable et
indispensable.
3. Une réflexion nécessaire en interne
Il semble maintenant important de se pencher sur les changements que
l’intégration d’un fonds de livres électroniques peut provoquer quant à l’organisation en
interne des bibliothèques. Tout d’abord, il paraît nécessaire pour les bibliothécaires
d’être formées à une véritable « culture professionnelle du numérique », comme le
suggèrent Frédéric Martin et Emmanuelle Bermès dans leur article au Bulletin des
Bibliothèques de France119
. En effet, si le rôle des bibliothécaires évolue – c’est bien ce
que l’ensemble de notre travail tend à démontrer – ils sont toutefois plus que jamais
indispensables. Pour qu’ils restent garants de l’accès à la culture et au savoir – les
missions en elles-mêmes ne changent pas avec l’arrivée du numérique – il est nécessaire
qu’ils apprivoisent et maîtrisent ce nouvel instrument. En soi, la gestion ne diffère pas
118
Centre national du livre, « Résultats qualitatifs », in Le livre sera-t-il numérique ?, enquête réalisée en
2009 et 2010, disponible sur Internet < http://www.centrenationaldulivre.fr/?Le-livre-sera-t-il-
numerique>. 119
Emmanuelle BERMES, Frédéric MARTIN, Op. Cit., p.17.
74
avec l’arrivée du numérique selon les deux auteurs, si ce n’est qu’elle s’applique
désormais à un objet nouveau. Gilles Eboli va même plus loin dans ce sens puisque
selon lui « il faut reprendre le slogan digital is not different de nos collègues américains,
c’est-à-dire que les usages du matériel doivent se retrouver dans le numérique. »120
Au
vu des aspects évoqués dans les parties précédentes, ceci semble à nuancer. En effet, on
a pu se rendre compte à plusieurs reprises que reproduire l’exact modèle du livre papier
dans le livre numérique n’était pas des plus opportuns puisqu’il tend à instaurer une
certaine rigidité dans la gestion, là où le numérique permet pourtant une plus grande
souplesse.
Pour Lise Vieira, il est plutôt nécessaire de profiter de l’arrivée d’un fonds de
livres électroniques et du numérique en général pour donner l’opportunité au personnel
de repenser autrement leur fonction. « La notion classique de gardiens du patrimoine
chargés de la conservation de nos biens culturels est en train d’évoluer vers celle de
prestataires d’information à destination de publics de plus en plus autonomes. »121
,
ajoute-t-elle. Il semble effectivement primordial d’engager directement auprès des
personnels de bibliothèque une réflexion sur leur place et leur rôle et sur la façon dont
tout cela évolue. En effet, au départ l’arrivée du numérique est souvent source
d’appréhension, voire même de rejet, surtout pour les personnes peu adeptes et peu
habituées aux nouvelles technologies, souvent les plus réticentes. Une véritable
réflexion est donc indispensable, qui doit mener à une explication sur ce qu’est le
numérique dans sa globalité et les avantages qu’il peut apporter aux bibliothèques.
Une autre caractéristique des fonds de livres électroniques est la forte
transversalité inhérente à leur gestion. En effet, selon Frédéric Martin et Emmanuelle
Bermès, « il est beaucoup plus difficile de séparer les tâches qu’avec la collection
traditionnelle. »122
Ils prennent un exemple très significatif pour illustrer cela : si la
façon d’équiper un document papier a peu d’impact sur la façon dont il sera
communiqué par la suite en salle de lecture, ce n’est pas le cas d’un document
numérique car « la façon dont il est produit (techniquement parlant) détermine
fortement les opérations de conservation qu’on sera capable d’effectuer, et les modalités
de consultation dans la bibliothèque numérique. »123
En ce sens, il semble primordial
120
Gilles EBOLI, Op. Cit., p.84. 121
Lise VIEIRA, Op. Cit., p.43. 122
Emmanuelle BERMES, Frédéric MARTIN, Op. Cit., p.17. 123
Ibid., p.17.
75
que la communication en interne, entre les différents secteurs et les différents services,
soit d’autant plus renforcée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la formation des
bibliothécaires doit être une formation relative à l’environnement global que constitue le
numérique, et non pas seulement une simple formation à de nouvelles tâches. En effet,
avec le numérique, il semble impossible de mener une tâche sans avoir une vision
d’ensemble et sans se mettre d’accord sur un vocabulaire commun et une gestion
commune.
Dans le même ordre d’idées, il semble également important d’opérer une
réorganisation en interne ou tout au moins de s’interroger sur l’organisation existante.
Faut-il une seule personne responsable du numérique ou est-ce que chaque responsable
de secteur doit s’occuper des acquisitions et de la gestion des livres électroniques
propres à son secteur ? Il est nécessaire de se poser ce type de question, même s’il ne
semble pas y avoir de réponse unique et que cela dépende d’un certain nombre de
facteurs (taille de la bibliothèque, importance du fonds numérique, etc.). A la
bibliothèque universitaire de Lyon 1, un responsable unique s’occupait du numérique à
la création du fonds, puis, il a été décidé que chaque responsable de secteur s’occuperait
de ses propres acquisitions124
. On voit donc bien dans ce cas précis qu’une fois l’aspect
matériel/immatériel dépassé et une fois le fonds véritablement ancré dans les collections
de la bibliothèque, c’est finalement l’expertise de l’acquéreur et la connaissance de son
fonds et de son secteur qui prime. Par ailleurs, comme on vient de le voir, la
transversalité semble plus importante avec le numérique et en ce sens on comprend bien
qu’il est nécessaire d’avoir des secteurs décloisonnés afin d’obtenir une
homogénéisation de l’offre et du traitement. Surtout, il apparaît primordial de réfléchir
sur ce qui était déjà acquis et en ce sens, l’intégration d’un fonds de livres numériques
entraîne une véritable remise en question du service offert et de la façon dont on
souhaite que cela se mette en place avec le numérique.
Enfin, l’aspect immatériel du numérique rend les résultats encore moins visibles
(en termes d’évaluation de l’usage des collections et de la fréquentation de la
bibliothèque numérique notamment). Pourtant, à ce jour, des indicateurs permettent de
telles mesures, mais les résultats semblent à première vue moins concrets et moins
notables que lorsqu’il s’agit de la fréquentation physique d’une bibliothèque. On peut
donc penser qu’il faut rendre d’autant plus de comptes à l’organisme de tutelle
124
Odile JULIEN COTTART, Op. Cit.
76
(université pour les bibliothèques universitaires ou commune pour les bibliothèques
municipales). Pour ce faire, il semble nécessaire pour l’ensemble des bibliothécaires de
bien maîtriser la question du numérique afin de rendre toute la gestion plus nette et
d’être en mesure de présenter des résultats clairs quant au fonds de livres numériques.
En conclusion, il apparaît que l’intégration de collections de livres numériques
aux collections d’une bibliothèque doive mener à une véritable réflexion quant aux rôles
et à l’organisation non seulement de la bibliothèque dans son ensemble, mais aussi des
bibliothécaires au sein de l’établissement. Autrefois toujours en bout de chaîne du livre
avec le modèle du papier, les bibliothèques doivent désormais saisir une nouvelle
opportunité : participer à la définition d’un modèle économique du numérique viable et
bénéfique pour tous. L’arrivée de nouveaux acteurs, notamment sur Internet, doit
également être l’occasion pour les bibliothèques de se saisir de nouveaux outils et de se
faire une place au sein de l’instrument de communication et de médiation que constitue
le web. Enfin, une réflexion quant à l’organisation en interne doit également permettre
aux bibliothèques de s’approprier le numérique dans sa globalité et ainsi de proposer
une offre numérique plus cohérente et mieux structurée.
77
Conclusion
Au terme de ce travail, il apparaît que le changement lié au livre électronique est
moins rapide qu’escompté. La plupart des professionnels interrogés s’accordent en effet
pour dire que la révolution annoncée avec l’arrivée de l’e-book tient en fait davantage
de l’évolution et que sa mise en place en bibliothèques demeure très lente. Néanmoins,
à l’aube des années 2010 la percée des livres électroniques semble bel et bien amorcée.
Comme on a pu s’en rendre compte à travers les différents exemples proposés,
les bibliothèques s’interrogent de plus en plus sur cette question, et à voir l’abondance
de la littérature à ce sujet, elles ne sont pas les seules. Par ailleurs, on peut noter
plusieurs façons d’appréhender le numérique et plusieurs attitudes face aux livres
électroniques. D’aucuns préfèreront équiper la bibliothèque en matériel et en supports
plutôt que d’investir dans des ouvrages électroniques, là où d’autres au contraire,
préfèreront acquérir des livres numériques et attendre que les technologies se
développent et qu’un modèle de support se fige.
Néanmoins, quelle que soit la posture adoptée, il est clair que l’intégration d’un
fonds de livres électroniques (contenus et/ou contenants) occasionne des
bouleversements structurels majeurs en ce que qui concerne les bibliothèques, quelles
qu’elles soient. Appelées à se repenser et à se redéfinir, les bibliothèques doivent
trouver un juste équilibre entre des collections dématérialisées et un service au public
qui se doit quant à lui de demeurer bien personnalisé et non pas seulement ancré dans le
virtuel.
En conclusion, il apparaît que loin d’être fermées, les perspectives pour les
bibliothèques sont au contraire plus que jamais ouvertes. Alain Jacquesson et Alexis
Rivier125
envisagent d’ailleurs trois types de modèle d’adaptation de la bibliothèque au
numérique, dont on peut d’ores et déjà voir quelques applications. Le premier modèle
proposé envisage la bibliothèque comme étant devenue entièrement virtuelle, ne
disposant donc plus d’aucun espace physique pour entreposer ses collections ou encore
pour accueillir le public. Le deuxième modèle, que l’on a déjà eu l’occasion d’évoquer,
est celui du learning centre, qui prend le numérique comme point de départ pour
construire un véritable lieu de vie dont la bibliothèque serait le centre. Enfin, le dernier
125
Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., pp.537-540.
78
modèle est celui de la bibliothèque hybride. Il consiste en un mélange des deux
mondes : numérique et papier.
Face au numérique, chaque bibliothèque est donc libre de choisir sa voie,
d’intégrer ou non des collections de livres électroniques à son fonds existant et dans les
conditions qu’elle désire. Toutefois, il semble que le numérique soit à ce jour une réalité
à part entière qu’on ne peut négliger. Rappelons tout de même que loin d’effrayer, le
numérique devrait au contraire enthousiasmer par les nouvelles perspectives qu’il ouvre.
Qui plus est, à l’heure d’aujourd’hui le livre électronique ne semble pas à même de
supplanter le livre papier et on peut donc imaginer majoritairement un modèle axé sur la
cohabitation des deux types de collection.
Toutefois, il est bon de rappeler que s’agissant de nouvelles technologies, nous
avons ici affaire à un paysage en pleine mutation, et qu’il est de ce fait difficile de faire
des propositions ou des analyses qui restent valides dans le temps. L’ensemble de ce
travail repose en effet sur une étude de la situation au début des années 2010 et celle-ci
est très largement amenée à évoluer. En effet, si l’un des freins du côté du public vient
pour une large part des personnes âgées, on est alors en droit de s’interroger. Dans
quelques décennies, les « digital natives » d’aujourd’hui seront les personnes âgées de
demain. Quid alors des réticences face au numérique et quelle évolution pour le livre
électronique ?
79
Annexe 1 : Entretien avec Marie-Jeanne
Qu’est-ce que c’est pour toi qu’un « livre électronique » ?
Ça me fait penser à Internet. Il faut certainement taper un signe quelconque qui
va m’amener sur le livre électronique.
Et sur quoi penses-tu qu’on le lise ? Sur l’ordinateur ?
Certainement, oui.
Alors je vais t’expliquer vraiment ce que c’est. Comme c’est quelque chose
d’assez récent, la définition varie tout le temps. En fait, un livre électronique c’est un
livre sous format électronique, c’est-à-dire que tu peux le lire sur un écran. Après ça
peut être un écran d’ordinateur, comme tu l’as dit, mais aussi des tablettes
électroniques qui font la taille d’un grand livre. Ce sont des petits ordinateurs en fait
qui n’ont pas de touches, mais ça fait comme une page en fait. L’intérêt c’est que tu
peux charger sur ces machines des centaines et des centaines de livres. C’est-à-dire que
tu peux te balader avec toute ta bibliothèque avec toi. Donc voilà en quoi consiste le
livre électronique et ça se développe de plus en plus. Après tu achètes sur Internet.
Donc tu vas sur un site Internet, tu lui dis je veux tel livre, tu le payes (tu vas le payer
moins cher qu’un livre papier) et ensuite tu peux le garder sur ta machine. Donc ce
n’est pas concret comme un livre papier. Maintenant, est-ce que tu te verrais lire un
livre sous cette forme ? C’est-à-dire lire un livre où tu ne tournes pas de pages – tu
appuies sur une touche pour tourner les pages ou tu cliques sur ta souris pour tourner
les pages ...
Non, pas tellement. Je préfère le papier.
Tu ne te verrais pas devant ton ordinateur en train de lire un livre électronique ?
Non.
Qu’est-ce qui te manquerait à ce moment-là ?
Parce que si j’arrête de lire, j’aime mieux reprendre mon bouquin que de
remettre tout le système en route. Le bouquin je le garde et je vais continuer ma lecture
comme ça.
Donc le problème principal ce serait d’avoir à toujours tout remettre en route ?
80
Oui, et puis il faut se réinstaller devant l’ordinateur ...
C’est l’aspect contraignant surtout ... Il existe des bibliothèques où tu peux
emprunter un livre électronique directement sur le site Internet de la bibliothèque. C’est
un livre virtuel en fait, que tu télécharges et que tu regardes sur ton ordinateur. Au bout
de trois semaines, il disparaît de ton ordinateur, comme si tu allais le rendre. C’est un
système d’emprunt. Donc c’est complètement différent puisque tu n’as pas du tout de
contact avec le papier ... Ça n’a rien à voir.
Tu ne tournes pas les pages, tu cliques.
Exactement. Est-ce que tu vas en bibliothèque ?
J’y suis allée, mais je n’ai pas continué. J’achète des revues de temps en temps,
sinon on reçoit le journal tous les jours.
Ça par exemple ça existe aussi aujourd’hui, les journaux que tu peux lire sous
format électronique. C’est le même système.
Oui, on peut aller sur Internet.
Et alors le journal que vous recevez tous les jours, est-ce que tu te verrais aller
le lire sur Internet ?
Non, même quand il n’est pas livré là, on ne va pas aller le voir sur Internet.
C’est tout un rituel quand il arrive là d’aller le chercher à la boîte aux lettres, de tourner
les pages ...
Oui, donc tu ne te verrais pas lire un livre électronique ...
Ponctuellement peut-être, mais pas souvent. De temps en temps j’arriverais à le
faire, mais peut-être pour des extraits, pas pour lire un livre en entier.
Et donc si la bibliothèque que tu fréquentais proposait des livres électroniques
ça ne t’intéresserait pas plus que ça ?
Je pense qu’il faudrait que j’aille voir vraiment pour réellement visualiser et
pouvoir dire si ça me plaît ou non. Comme ça je n’ai pas l’impression. Il faut rester
planté sur sa chaise, tu ne peux pas changer de position, tandis qu’avec un livre normal
tu changes de position, tu t’allonges ou tu t’assois ...
Maintenant, il y a des systèmes qui ont été inventés pour rendre la lecture plus
agréable. Avant, les écrans étaient tous rétro-éclairés, c’est-à-dire qu’il y a de la
81
lumière qui nous arrive dans les yeux et c’est ça qui fait qu’on ne peut pas lire
longtemps, parce qu’on a mal aux yeux.
Oui, on est plus vite fatigué.
Maintenant ils ont inventé des nouveaux systèmes. Par exemple, le livre
électronique que j’ai n’est pas du tout rétro-éclairé, donc ça fait comme une page de
livre. Visuellement ça ressemble à une page. Voilà, ce sont les débuts et ils sont en train
de créer des systèmes qui rendent la lecture plus agréable.
Et tu peux grossir les lettres ?
Oui, il y a de nouvelles possibilités qui sont inventées.
Les personnes qui ont des problèmes de vue vont donc pouvoir lire plus
facilement.
82
Annexe 2 : Entretien avec Pierre
Comment définirais-tu un livre électronique ? Qu’entends-tu par « livre
électronique » ?
Pour moi, c’est un livre que tu peux consulter sur l’ordinateur, ou sur l’Itouch,
l’Ipad ...
Mais pour toi si je parle de « livre électronique », je parle plutôt de contenu ou
de contenant d’après toi ? Si par exemple je te dis « j’ai acheté un e-book », est-ce que
tu vas penser plutôt que j’ai acheté une tablette ou un livre en ligne sur Internet ?
Pour moi c’est un livre en ligne sur Internet.
Après les lectures et les rencontres que j’ai pu faire, je me rends compte que les
définitions sont assez fluctuantes. On définit de la même façon un livre électronique en
tant que contenu et le contenant. Maintenant, j’aimerais savoir si tu as déjà lu un livre
électronique ?
Des extraits, oui.
Sur quoi as-tu lu ces extraits ?
Je les ai lus sur un Ipad. J’ai un copain qui en a un et j’en ai lu dessus.
Et alors, quel est ton ressenti par rapport à cette lecture, en comparaison avec
un livre papier ?
C’est peut-être plus pratique. Je pense que pour certaines personnes ça peut être
utile, mais moi ça ne me fera pas plus lire.
D’accord, toi ça ne t’inciterait pas à lire. Par exemple, si on te proposait les
deux ... Si on te disait tu dois lire Les misérables de Victor Hugo, et qu’on te dise tu
peux soit l’avoir en version papier, en plusieurs tomes donc, soit l’avoir en version
électronique. Que préfères-tu ?
De toutes façons en version électronique on a le même nombre de pages ... Mais
peut-être que je choisirais en version électronique parce que je n’en ai jamais lu, parce
que ça peut être nouveau ... Mais même si j’en avais déjà lu je pense que je prendrais la
version électronique quand même.
83
Si tu avais le choix entre les deux, tu choisirais la version électronique, donc.
Pourquoi ? Quels avantages y verrais-tu ?
Peut-être parce que j’ai moins vécu dans la période du livre papier, donc je pense
que l’électronique me paraît plus adapté.
Donc ça t’attire plus. Si tu avais les deux l’un à côté de l’autre, tu serais plus
attiré par l’électronique.
Oui.
Parce que tu vas voir plus d’avantages dans le livre électronique ?
Je pense que je suis plus attiré par l’électronique que par le papier. Si j’ai le
même livre sur le papier et sur l’électronique, je vais plus être attiré par l’électronique.
Donc tu serais plus attiré par l’électronique ... Est-ce que ce serait le côté
moderne, jeune, qui t’attire ?
Je pense que oui, c’est innovant. Par contre comme je le disais tout à l’heure, ça
ne me ferait pas plus lire. Je suis un peu fâché avec les livres, donc en soi le fait de lire
ne m’attirerait pas pour autant. Par contre, le livre audio m’attirerait plus. Après, du
point de vue du vocabulaire et de l’orthographe, je sais que c’est pas du tout pareil que
l’écrit.
C’est sûr que c’est assez différent, tu peux faire autre chose en même temps, ce
n’est pas le même rapport ... Mais c’est agréable aussi. Est-ce que tu vas en
bibliothèque ?
Jamais, non.
Est-ce que tu as déjà été abonné, inscrit ?
Non.
Donc, tu ne fréquentes pas de bibliothèque, tu vas peut-être de temps en temps
au CDI ?
Oui, de temps en temps, pour utiliser des manuels scolaires quand j’ai besoin,
mais je n’emprunte pas de livres. Je consulte sur place.
Est-ce que si tu savais que la bibliothèque à côté de chez toi propose des livres
sous forme électronique, c’est-à-dire que tu peux télécharger de chez toi, les lire sur ton
84
ordinateur ou ton Ipod, est-ce que ça te donnerait une autre image de la bibliothèque ?
Est-ce que ça t’attirerait plus vers la bibliothèque ?
Au début oui, parce que ce serait nouveau et j’aime bien tout ce qui est nouveau,
c’est marrant, comme les nouvelles applications sur un portable, c’est marrant. Après
quand tu lis, à la fin tu lis la même chose, que ce soit sur du papier ou sur un ordinateur,
c’est exactement le même livre. Donc, je pense que je m’en lasserais, pareil qu’avec un
livre normal.
C’est le côté un peu gadget qui t’attirerait, en fait. Au début, ça t’attire parce
que c’est nouveau, mais pour autant ...
Oui, voilà je sais très bien que ça ne va pas changer grand-chose.
Et en ce qui concerne l’avenir ? Tu fais partie des jeunes qui utilisent
énormément Internet, alors est-ce que pour toi les livres électroniques pourraient
remplacer les livres papier ? Si par exemple tu voulais te constituer une bibliothèque, te
mettre à lire plus que ce que tu fais pour le moment, est-ce que tu crois que cela te
dérangerait d’avoir des livres électroniques ? Est-ce que tu trouves que quand même
avec le livre papier, avoir un support c’est quelque chose d’important ?
Moi, non ça ne me dérangerait pas, même si je sais que c’est quand même
sympa, quand tu peux avoir une vraie bibliothèque. C’est sympa de pouvoir les
consulter, alors que sur un petit écran, c’est différent ... Quand tu as vraiment les livres
en mains, que tu peux les toucher, c’est sympa. Mais je sais que moi ça ne me
dérangerait pas pour autant. Mais j’aime quand même bien avoir le livre papier. L’idéal
en fait ce serait les deux : avoir une vraie bibliothèque et pouvoir emmener ta
bibliothèque avec toi quand tu pars en voyage.
85
Annexe 3 : Entretien avec Christine Carrier, Directrice des Bibliothèques Municipales de
Grenoble
J’aurais d’abord voulu savoir comment vous définiriez, vous, un e-book ?
Alors justement, comment on définirait un e-book : jusqu’à maintenant les e-
books, pour moi étaient des tablettes de lecture. On se rend compte qu’avec l’Ipad, on
est entre la tablette de lecture et l’ordinateur, puisqu’aujourd’hui, l’outil s’il est d’abord
et avant tout vendu comme étant une tablette de lecture, il permet éventuellement
d’avoir une utilité peut-être un peu plus minime qu’un ordinateur, mais quand même, on
peut écouter de la musique, ranger ses photos, avoir un accès Internet. Donc, pour moi,
l’e-book tel qu’il avait été défini il y a encore quelques années était vraiment une
tablette de lecture dédiée à la lecture. Or, aujourd’hui, on se rend compte que cet outil
tel qu’il avait été défini au début d’une part est en train de se transformer pour être
beaucoup plus polyvalent, et éventuellement, je ne sais pas s’il aura le succès qu’a eu
l’Ipod – je parle de l’Ipad comme d’autres, je cite l’Ipad parce que c’est le dernier venu,
ce n’est pas forcément ma référence, par contre l’Ipod en est une par rapport aux
baladeurs, qui devient un lieu où aujourd’hui on peut stocker des vidéos et de la photo -
et en fait on se rend compte qu’un outil dédié à la lecture n’est peut-être pas ce qui va
réellement être le marché commercial. On parle de commerce ici.
Donc mon introduction rejoint la définition de l’e-book. Aujourd’hui on est encore dans
une période où on ne sait pas encore très bien ce qui va être le modèle dominant. On a
vu sortir des tablettes qui n’ont pas marché, aujourd’hui, l’Ipad est la dernière arrivée,
elle donne certainement le confort de lecture le meilleur, mais je ne suis pas sûre que
l’Ipad aura le succès de l’Ipod, parce que tout simplement, aujourd’hui le public veut un
seul et même outil de lecture, mais de lecture d’images, comme de lecture de texte,
comme d’accès à Internet. Et donc on a beaucoup parlé du téléphone ; c’est vrai qu’en
France on n’est pas forcément les plus avant-gardistes, mais il semblerait qu’au Japon,
le téléphone – alors on verra bien ce que ça donnera aussi, ça ne concerne pas tous les
publics, ça concerne les publics jeunes, notamment adolescent – fait une entrée
remarquée sur tous ces supports, y compris les supports textes, et notamment les
supports BD. A voir. Moi je trouve qu’aujourd’hui il est urgent de tester, mais aussi
86
urgent d’attendre avant de partir sur des achats massifs en tous cas pour ce qui pourrait
être nos bibliothèques.
Pour le moment vous proposez un fonds de livres numériques, mais vous n’avez
pas du tout de liseuses ?
Non, nous on n’a pas pris le parti de partir vers des achats de matériel, ce qui
n’est pas le cas d’autres bibliothèques, je parle des grosses parce que les petites n’ont
souvent pas les moyens de partir sur ce genre de choses. Par contre, on a une offre de
livres numériques, on a une offre de films numériques, on a une offre de revues
numériques, on cherche désespérément une offre de musique numérique mais on a
beaucoup de mal à trouver quelque chose qui nous convienne. On est quand même dans
un choix de politique documentaire, donc on ne prend pas parce que c’est nouveau, on
prend soit parce que ça vient compléter nos collections physiques, soit on considère que
ça a un spectre suffisamment large pour toucher tous les publics. Aujourd’hui sur la
musique on est très dubitatifs et on n’a pas trouvé le produit qui nous convienne, mais
on regarde aussi l’évolution de la musique et notamment de la musique sur Internet de
très près parce qu’on se rend compte qu’on a encore beaucoup de téléchargements
illégaux et puis aussi de sites gratuits. On a les deux, et qu’aujourd’hui on a du mal à
voir un modèle qui pourrait nous convenir, nous, qui ne sommes ni libraires et
marchands, et qui voulons encore offrir une offre encyclopédique y compris en
musique. Donc on n’a pas trouvé, mais on a une offre de revues, de livres, de films et on
a été choisis par le ministère de la Culture pour monter un projet innovant autour de la
VOD justement, en streaming. On sort notre site de VOD en streaming au 31 décembre,
juste avant le passage à 2011. On avait un vrai problème de bande passante, on avait un
défi technologique à trouver, puisqu’en fait les films, pour qu’ils puissent être diffusés
en streaming, il faut que la bande passante soit très importante. Or, les villes aujourd’hui
proposent des bandes passantes qui ne permettaient pas de voir des films de très bonne
qualité. On s’est associés avec le service Communication de la ville de Grenoble pour
monter notre projet de streaming de vidéo à distance, qui va ouvrir en fin d’année,
sachant que la Communication était intéressée par acheter de la bande passante pour
d’autres choses qui sont plus liées à son propre service. Donc, on va ouvrir un service
innovant, qui sera le premier en France, en fin d’année, autour de la consultation de
films, qu’ils soient documentaires ou de fiction, en streaming à partir d’un abonnement
de bibliothèque.
87
Sinon, concernant le fonds de livres numériques que vous avez via Numilog,
depuis quand cela a-t-il été mis en place ?
Alors, c’est l’un des services les plus anciens autour du numérique. Tout
simplement parce que l’offre nous convenait, il avait un peu de romans et c’était surtout
une offre de livres pratiques, qu’on considérait plus faciles à lire sur écran. Ceci dit, elle
marche moyennement bien, et on la continue parce qu’elle n’est pas excessivement
chère, mais elle n’est pas complètement satisfaisante. Alors qu’on avait déjà une offre
de vidéo à distance, mais en passant par Arte VOD et que là on a eu un succès
immédiat. Là le service a rencontré tout de suite un succès important, alors que pour
Numilog, c’est régulier, la consultation est régulière, mais ce n’est pas entièrement
satisfaisant.
Est-ce que vous savez pourquoi ? Est-ce que vous pensez que c’est parce que les
gens ne connaissent pas bien le service ou est-ce que c’est parce que ça ne les intéresse
pas, tout simplement ?
On n’a pas lancé d’enquête sur le service numérique. Ce qui est sûr, c’est
pourquoi connaitraient-ils mieux le service d’Arte VOD et moins le service Numilog ?
Quand on va sur les services numériques, quand on s’intéresse au service numérique et
qu’on va soit sur Internet, soit voir des collègues pour leur demander « Avec mon
abonnement, j’ai le droit à quoi ? », tout est proposé de la même façon. C’est pas nul, ce
n’est pas ce que je suis en train de dire, mais ce n’est pas l’engouement auquel on aurait
pu s’attendre. D’ailleurs, sur le numérique, ce n’est pas l’engouement auquel on peut
s’attendre non plus. On en parle beaucoup, beaucoup, beaucoup. Derrière, la pratique
physique dans les lieux et l’emprunt physique restent très largement majoritaires. Je
pense qu’il ne faut pas rester en dehors, loin de là, ce n’est pas du tout ce que je veux
dire. Mais on est dans une phase qui est beaucoup plus lente que ce que je pensais, pour
trouver un public et pour trouver des pratiques. Peut-être que ça touche plus facilement
des jeunes que tous les autres publics. Peut-être que l’accès à Internet sous forme de
zapping reste, et qu’on ne va pas regarder un objet culturel sur Internet très facilement,
je ne sais pas. Nous aussi, on se pose beaucoup de questions. Alors qu’on a un produit
jeu vidéo à la bibliothèque Teisseire, et que ça remporte un succès, mais on est en
présentiel. Ca remporte un succès très important. Voilà, on suit ça de près.
88
Pour en revenir aux liseuses, même si vous ne l’avez pas mis en place au niveau
des bibliothèques de Grenoble, est-ce que d’après vous elles ont une place en
bibliothèque, est-ce qu’elles peuvent s’insérer dans ce schéma-là ?
Oui, bien sûr. Je suis tout à fait partante pour que les liseuses intègrent les
bibliothèques, après ce sont des questions de coût, des questions de pérennité. Est-ce
que réellement c’est ce mode-là qui va être le mode de diffusion des textes
numériques ?
Est-ce qu’on pourrait imaginer, par exemple, qu’elles fassent l’objet de prêts ?
Comment est-ce que ça pourrait se mettre en place ?
Il y a des villes qui prêtent. Je crois que Montpellier a des liseuses en prêt. Je
suis en relation avec pas mal de collègues, j’ai l’impression qu’aujourd’hui la
problématique est moins là-dessus. Elle l’a été à un moment donné, notamment quand
les premiers e-books sont sortis. Aujourd’hui, je pense que la profession, comme les
libraires d’ailleurs – peu de libraires proposent des liseuses – on est dans l’attente de
voir quel va être le modèle qui va vivre. Est-ce que ce sera ce matériel, est-ce que ce
sera un autre matériel ? On est encore dans une certaine incertitude, je trouve.
En ce qui concerne l’offre d’e-books, d’après vous, est-ce qu’il y aurait une
différence entre bibliothèques universitaires et bibliothèques municipales ?
L’offre documentaire des BU et l’offre documentaire des BM n’est pas du tout la
même. L’offre documentaire des BU est vraiment axée sur les programmes. Je viens de
BU, donc je connais très bien les fonds et ils sont vraiment axés sur les programmes
universitaires. On est notamment beaucoup sur des manuels, pas que des manuels, mais
il y en a beaucoup. Et même si les bibliothèques municipales peuvent aussi se
positionner sur le parascolaire, on n’est pas du tout sur le même créneau documentaire
que les BU. Peut-être qu’en BU ça aurait un sens. Aujourd’hui j’ai un vrai doute car,
que ce soit les cours ou que ce soit les exercices aujourd’hui, ils sont disponibles sur des
plateformes. Est-ce qu’on télécharge depuis la plateforme sur un matériel particulier ?
Comme souvent, il faut rendre les exercices en ligne ... J’ai quitté les BU il y a trois ans,
et à l’époque ce n’était pas très pertinent non plus. Maintenant ça l’est peut-être, je n’en
sais rien.
89
J’aurais une dernière question, un peu plus tournée vers l’avenir : Comment est-
ce que d’après vous cela peut évoluer ? Est-ce que vous voyez une complémentarité
entre le livre numérique et le livre papier ? Est-ce que l’un remplacerait l’autre ?
Moi je vois une complémentarité, mais je la vois déjà aujourd’hui. Notamment
par rapport à la presse. Aujourd’hui, même si on garde un fonds de presse très important
en salle, la presse en ligne permet une lecture plus rapide, on va directement aux articles
qui nous intéressent, on peut chercher parfois dans plusieurs revues en même temps, etc.
Mais, oui, moi je vois une très grande complémentarité entre les ressources en ligne –
mais je parle moins de l’e-book, je parle moins de la chose qui va nous servir à lire, je
parle plutôt de l’offre numérique – je vois une grande complémentarité entre les
collections physiques, les collections numériques, et les lieux. Les lieux étant tout un
enjeu aujourd’hui pour les collectivités et pour les villes, des lieux qui sont aussi autre
chose que des lieux qui offrent des documents, qui sont aussi des lieux de convivialité,
des lieux de rencontre, des lieux d’échange, des lieux de vie, tout simplement, dans la
cité, ouverts, gratuits, chauffés, et dans lesquels on peut avoir des usages multiples : des
usages d’accès à la connaissance par le document, qu’il soit numérique ou pas, mais
aussi qui soit un lieu de rencontre, un lieu où on peut travailler en groupe, mais aussi un
lieu d’isolement, lieu de détente avec des documents qui soient peut-être plus ludiques,
et lieu d’accès à la connaissance. Mais c’est déjà un petit peu le cas aujourd’hui, je
pense qu’on va intensifier cette chose-là. Les cafés continuent à disparaître, il y en a de
moins en moins en France, il suffit de regarder les chiffres et les lieux de convivialité
qu’étaient les cafés à une époque. Ils sont aujourd’hui remplacés, en partie, j’imagine,
par les bibliothèques et éventuellement par d’autres lieux, mais je ne vois pas très bien
lesquels.
90
Annexe 4 : Entretien avec Estelle Lenormand, service des ressources électroniques du SICD1 de
Grenoble
Comment définiriez-vous un ebook, plutôt comme un contenu ou plutôt comme
un support ?
Actuellement, au SICD1, on le traite en tant que support. On a souscrit à un
certain nombre de livres électroniques. On a commencé la collection il y a un an tout
juste, en janvier 2010 et on a souscrit à du contenu sur des plateformes. Actuellement,
on s’interroge maintenant sur le support, le support en tant que liseuse. On en a
commandé et on les attend, on ne les a pas encore reçues. On en a commandé quatre :
deux Cybook Orizon et deux Sony. L’objectif est qu’il y en ait deux qui restent pour
l’instant à la bibliothèque universitaire de sciences et deux qui aillent en médecine.
L’objectif est qu’on les teste dans un premier temps en interne pour voir ce que ça
donne, voir par rapport aux livres électroniques comme contenu comment ça peut être
approprié ou réutilisé sur le support. On a déjà quand même eu des retours par rapport à
ce type de supports. L’année dernière on avait suivi des projets tutorés d’étudiants de la
Licence BDAN126
, et leur sujet d’étude c’était l’organisation d’une journée d’étude
autour du livre électronique justement. On avait fait intervenir des chercheurs, des
étudiants, des éditeurs. Ce qui ressortait de la part des étudiants, donc des utilisateurs
potentiels de ce type d’outils, c’est que ça ne les intéressait pas plus que ça parce que
c’était un outil en plus. Ils sont déjà tous suréquipés : ils ont tous un ordinateur portable,
ils ont tous un téléphone portable et ça ça veut dire un matériel en plus qui ne va pas
forcément leur apporter plus. Ce qui en ressortait aussi c’est que la liseuse est un outil
trop personnalisable. A la rigueur, on peut, si on fait une comparaison, l’apparenter à un
téléphone portable. On a son répertoire de contacts, ses contacts personnels... Sur la
liseuse, on met ses livres à soi. Donc cela paraît un outil difficilement partageable. C’est
vrai que ça je le conçois aussi tout à fait. Donc, pour l’instant ce n’est pas du tout sûr
qu’on en achète en quantité pour les prêter. On a aussi prévu de faire des enquêtes pour
savoir quelles sont leurs attentes par rapport à ça. Une enquête plus à destination des
chercheurs, il ne reste plus qu’à la valider, elle est quasiment faite, qui sera en ligne ; et
une enquête à questionnaire plus papier, parce qu’au mois de février on va accueillir une
126
BDAN = Métiers des Bibliothèques, de la Documentation et des Archives Numériques
91
exposition qui s’appelle « De la graine aux livres ». C’est sur tout le circuit du papier et
à la fin c’est sur les livres électroniques. On mettra un questionnaire pour que les gens
nous disent ce qu’ils entendent par « liseuse », ce qu’ils en attendent, s’ils en voient
l’utilité, etc. Je pense que ces retours-là, concrètement sur le terrain, vont aussi nous
aider à prendre des décisions et à voir si effectivement, c’est jouable ou pas.
Comment cela se mettrait-il en place ? Ce serait un système de prêt ?
Je pense, oui. J’ai essayé de voir un peu ce qui se fait ailleurs, notamment à
Angers, puisque la BU d’Angers est assez innovatrice et qu’ils communiquent
beaucoup. Ils en prêtent, ils ont une dizaine de liseuses. Ils les chargent avec des
ouvrages qui sont gratuits, libres de droit. Ils les prêtent avec du contenu, et ce contenu
c’est vraiment de la culture générale. Ce sont des romans, en gros. C’est vrai que ça
peut s’apparenter à un fonds de culture générale, à de la lecture plaisir, plus que de la
lecture travail. Dans ce cadre-là, effectivement pourquoi pas. C’est une question de
l’enquête, du questionnaire qu’on a préparé auprès de nos étudiants : s’ils utiliseraient
plutôt cet outil comme de la lecture plaisir que de la lecture travail, parce
qu’effectivement, on ne lit pas un rapport de la même façon qu’on lit un roman, quel
que soit le format. Que ce soit de l’ePub ou du PDF ne change pas grand-chose. Mais on
ne lit pas de la même façon qu’il s’agisse d’une lecture continue ou d’une lecture
discontinue. Du coup, l’outil ne va pas être approprié de la même façon en fonction de
ce qu’on va y mettre et de ce qu’on va lire. A la BM de Troyes aussi je crois qu’ils en
ont beaucoup, qu’ils en prêtent et que ça marche bien. C’est un exemple de lecture
publique, donc c’est aussi assez différent.
Est-ce que justement vous voyez une grosse différence entre BM et BU ? Est-ce
que ça peut se mettre en place complètement différemment ? Est-ce que ce serait plus
logique que ça se développe dans les BM ou dans les BU ?
Je pense que oui car un livre électronique, si on parle uniquement du contenu,
quand on voit ceux que nous avons achetés, ce sont des ouvrages qui se lisent chapitre
par chapitre, ce sont les « handbooks », manuels de base, voir un point qui nous
intéresse. Ce n’est pas une lecture continue et du coup, c’est plus utilisé comme un
périodique où on télécharge un article, celui qui nous intéresse et on télécharge le PDF
de l’article qui nous intéresse. La lecture n’est donc pas du tout la même. Effectivement,
en BM cela peut peut-être plus se développer qu’en BU. Après c’est l’usage qui dira.
92
Mais c’est vrai que si j’avais un outil comme ça, ce serait plus pour de la lecture loisir
que pour de la lecture travail. C’est vrai qu’un petit appareil comme ça, on le met dans
le fond de sa poche et on part en vacances. On est tranquille, on n’a pas sa valise de
romans de poche.
Moi, j’en ai acheté un. Comme ça ça me permet aussi de voir. A force de faire
des lectures ça me donnait envie et c’est vrai que c’est quand même pratique.
Alors moi je suis mitigée. Pendant les vacances j’en ai eu un en main. Je l’ai
testé, j’ai regardé comment ça marchait, mais j’ai été déçue. C’était un Cybook. C’est
sûr c’est un outil très agréable, la lecture est agréable dessus, il n’y a pas de rétro-
éclairage, ça ne brille pas ... Mais tourner les pages, ce n’est pas simple, il y a un temps
de latence, ça ne se fait pas dans la seconde.
Ça se développera sûrement. Je pense qu’il reste des améliorations à faire.
Oui, je pense qu’il y a encore besoin d’améliorations. En parallèle, toujours
pendant les vacances, j’avais un Ipad. Alors je pense qu’il ne faut pas comparer parce
que ce n’est pas du tout le même outil, mais l’Ipad est nettement plus convivial, il est
intuitif, il y a de super couleurs. Ce n’est pas le même outil. La liseuse c’est du noir et
blanc, c’est qu’un outil de lecture. L’Ipad c’est plus qu’un outil de lecture. En fonction
de ce que l’on recherche et de ce que l’on veut faire, c’est l’un ou l’autre. Mais l’Ipad ce
n’est pas le même prix non plus ...
J’ai rencontré Heloïse Faivre-Jupile au SICD2, elle m’a parlé un peu de la
façon dont ils développaient les livres électroniques. Ils avaient Numilog, ils sont passés
sur CyberLibris. Elle m’a dit que vous aviez un fonctionnement complètement différent,
donc j’aurais bien aimé que vous m’en parliez pour que je puisse comparer les deux.
Au début de la collection – on fonctionne comme cela pour toute la
documentation électronique – il y a une commission de sélection des titres, une CST.
Dans cette commission de sélection des titres participent des chercheurs dans chaque
discipline. Jusqu’à maintenant la documentation électronique c’est surtout au niveau
recherche, donc c’est eux qui sont demandeurs. Ils nous disent « nous aimerions avoir
tel titre, tel titre, etc. ». Une fois que nous avons ces éléments-là, on regarde si c’est
disponible en ligne, à quel prix, si cela a été négocié par Couperin ou non ... Et on prend
ou on ne prend pas en fonction de ces éléments. Pour les livres électroniques, la
demande est venue au départ aussi des membres de la CST. Donc on a procédé pareil.
93
Ils nous ont envoyé une liste de titres, on a prospecté pour savoir chez quels éditeurs ils
étaient, sur quelle plateforme, si c’était négocié ou non par Couperin, si ça valait le coup
ou pas ... Donc le début de la collection s’est constitué comme ça. La difficulté à
laquelle on a été confrontés, mais auquel tous les acquéreurs de livres électroniques sont
confrontés, c’est qu’un titre peut être disponible sur x plateformes différentes, soit
directement chez l’éditeur, soit sur des plateformes thématiques ou pluridisciplinaires ...
C’est très dur d’avoir une visibilité claire de tout ça, parce que les tarifs sont différents,
les conditions sont différentes ... En fait, il faudrait pouvoir piocher un petit bout de
chaque pour avoir quelque chose vraiment à la carte qui nous convienne. Donc la
difficulté est là, mais je vous le dis, elle n’est pas propre à nous. Les achats au départ
venaient de là : des enseignants-chercheurs et des utilisateurs dans les laboratoires. Les
demandes suivantes sont venues du CADIST de Physique. La collègue responsable du
CADIST de Physique s’est mise aussi à acheter des livres électroniques sur son budget
CADIST. Maintenant, on s’oriente aussi de plus en plus sur de la documentation pour
les étudiants. Notamment depuis le début de la semaine127
, on a accès à la bibliothèque
numérique ENI. C’est de l’Informatique Technique, mais vraiment à destination des
étudiants, L1, L2, L3, de l’informatique technique de base. Notre public s’élargit, donc.
On a eu une période de test de cette bibliothèque numérique ENI en décembre et on a eu
de très bons résultats pendant la période de test, ce qui a fait qu’on a fini par conclure.
Par contre, le choix d’acquisition de cette ressource-là, a été fait vraiment par
l’acquéreur en informatique chez nous au sein de la BU. Après c’est vraiment au coup
par coup de dire « je prends » ou « je ne prends pas ».
Donc c’est de l’achat titre à titre, en fait.
Oui. Nous recevons les offres Couperin, et puis je les redistribue auprès des
acquéreurs et après eux regardent si ça les intéresse ou non. On a souscrit sur la
plateforme Ibrary, et là on fait vraiment du titre à titre. Parce que les bouquets et les
packages tout faits, la collègue de Physique en a épluché plusieurs pour voir et ça ne
vaut pas le coup, parce que ce n’est pas forcément la dernière édition qui est disponible,
etc. C’est vrai que pour l’instant on est vraiment sur du titre à tire chez Ibrary. En ce qui
concerne la plateforme ENI, mon collègue du secteur informatique achète de toutes
façons tout sous forme papier, donc lui s’est moyennement posé cette question et du
coup on a pris l’ensemble. Donc là, c’est un package, un bouquet. Et on a pris aussi
127
Semaine du 10 janvier 2011.
94
chez Safari, qui est aussi de l’informatique mais au niveau recherche. Là ça a encore un
fonctionnement différent et c’est ça qui est difficile avec les livres électroniques :
chaque éditeur ou chaque plateforme a son modèle qui lui est propre. Chez Safari, on a
le droit dans notre contrat à quatre-vingt livres. On a quatre-vingt points, un point
correspond à un livre et tous les trente jours on peut changer nos livres. Donc ça c’est
assez atypique, les autres ne font pas ça. Donc ça veut dire qu’on a quatre-vingt livres,
mais que la collection peut évoluer tout le temps. Donc on la fait évoluer en fonction
des statistiques, si on voit qu’un titre n’est pas du tout consulté, on se dit qu’on va peut-
être le changer et en mettre un autre à la place.
Donc, régulièrement vous changez...
Les changements, concrètement on ne les a pas encore faits. On attendait d’avoir
un peu des retours. Là ça fait un an, j’ai fait les statistiques la semaine dernière, et il y a
certains effectivement pour lesquels on voit qu’il y a une, deux consultations sur
l’année. Donc, je vais contacter les collègues pour leur demander si c’est pertinent de
garder tel livre, etc. C’est une certaine latitude qui est agréable, mais en même temps
c’est un traitement qui est lourd derrière.
Oui, c’est ce que j’allais dire parce que pour le coup sur le catalogue, etc.
comment ça apparaît ?
Voilà ! Alors la difficulté qu’on rencontre, c’est ça, c’est pour le signalement.
On n’a pas encore trouvé des réponses à toutes nos questions. La question c’est
« qu’est-ce qu’on catalogue ? ». Les accès pérennes, on se dit on va les cataloguer,
puisque de toutes façons on les a achetés. Donc tout ce qui est sur Ibrary, on l’a acheté
une bonne fois pour toutes, c’est comme si on avait acheté un livre papier, donc on le
garde. Ça on le catalogue dans le SUDOC et ça redescend dans notre SIGB local. La
question se pose ensuite de tout ce qui est sous forme d’abonnement, notamment les
titres Safari. Est-ce qu’on les catalogue, est-ce qu’on ne les catalogue pas ? On a fait le
choix de les cataloguer en local, mais pas dans le SUDOC. Et quand je dis « en local »,
ce n’est pas en local dans notre catalogue dans le SIGB, dans l’OPAC, c’est sur les
pages d’accès aux livres électroniques.
Ils n’apparaissent pas dans le catalogue ?
Non, ils n’apparaissent pas dans le catalogue. Du coup, je suis persuadée qu’il y
a plein de gens qui passent à côté. Les chercheurs dans les laboratoires ne passent pas à
95
côté puisqu’ils ont l’habitude d’utiliser nos pages d’accès aux ressources électroniques.
Le service g@el, Grenoble accès en ligne, ils ont l’habitude de l’utiliser. Mais on s’est
vraiment posé la question pour cette bibliothèque ENI. On s’est dit, c’est de
l’abonnement donc si dans deux ou trois ans on arrête, on va avoir rentré trois cents
titres pour rien. Et en même temps, c’est de la documentation à destination des
étudiants, donc si on ne les met pas dans le catalogue, ils ne les verront pas. Si on se
contente de les laisser dans la bibliothèque électronique g@el, ils ne vont jamais y aller,
donc ils ne vont pas les voir. Donc là je vais envoyer un mail à un collègue de Nancy
pour savoir comment eux avaient procédé. Je pense qu’on va les cataloguer en local,
vraiment dans le catalogue. A priori, le plus simple serait de faire un copier-coller de la
notice du papier, de changer les champs qui correspondent à l’électronique, de rajouter
l’URL dans la bonne zone pour qu’ils soient visibles dans le catalogue, mais pas dans le
SUDOC. J’ai prospecté dans le SUDOC quelques titres : ils n’y sont pas et je ne me
vois pas cataloguer deux cents titres dans le SUDOC. Les collègues du service
catalogage sont peu, donc on n’a pas les moyens humains de le faire. Ce n’est pas qu’on
ne veut pas, mais pour le moment on n’a pas les moyens humains de le faire. Donc, on
va faire je pense, un signalement dans notre catalogue et nos pages g@el, mais pas du
tout un signalement au niveau national. C’est un vrai problème.
Et au niveau des résultats ... Est-ce que c’est un service qui est beaucoup utilisé,
est-ce que c’est suivi ? Au niveau des chercheurs j’imagine que oui, mais au niveau des
étudiants est-ce que c’est connu ?
Peu, je crois. J’ai fait les statistiques, mais je n’arrive pas à me rendre compte
parce que c’est la première année, il n’y a donc pas de recul. En début d’année, ça a été
beaucoup consulté, parce que c’était tout nouveau, tout le monde allait voir et on a
essayé de communiquer au mieux autour de ça. Mais il faudrait voir avec une année de
plus, avec plus de recul. Mais c’est vrai que la communication est vraiment
fondamentale. On a essayé de vraiment beaucoup communiquer sur la bibliothèque ENI
à destination des étudiants : on a mis des affichettes dans les rayons, sur notre site web,
sur les bornes en bas, les postes que les étudiants utilisent on avait mis un message qui
défile ... Alors je ne sais pas si c’est tout cela cumulé qui a fait que pendant la période
de test on a eu de très bons résultats, mais c’est vrai qu’il faut vraiment beaucoup,
beaucoup communiquer, parce que les gens sont encore très frileux. Même dans les
laboratoires, il y a des enseignants qui n’en voient pas l’utilité. Je pense que ça va se
96
faire petit à petit. Au début, pour les périodiques les premières années ça a été assez
long à se mettre en place, maintenant ils ne s’en passent plus ! Je pense que ce sont des
questions d’habitude, de mœurs ... Il faut le temps que ça s’implante. Il ne faut pas être
pressé, mais à la rigueur tant mieux, parce que nous aussi il faut qu’on se l’approprie !
C’est aussi un traitement différent ... Mais en ce qui concerne le choix, c’est de la
politique documentaire, c’est uniquement un support différent. Cela se traite
différemment, mais ce sont avant tout les contenus qui doivent valoir.
Comment envisageriez-vous l’avenir du service, est-ce que ça irait plutôt dans le
sens d’un développement ?
Oui. Après, il y a aussi toutes les questions budgétaires. A ce jour, on n’a pas un
budget très gros pour les livres électroniques. Il y a une partie du budget des livres
électroniques qui est dans notre service, qui gère la documentation électronique pour
répondre aux demandes des enseignants chercheurs et des laboratoires ; et chaque
acquéreur, qui achète plus des ouvrages étudiants, dans son budget d’acquisition, dans
sa discipline a une ligne réservée à la documentation électronique. Je pense que ça va se
développer, mais en même temps, l’offre n’est pas encore complètement en adéquation
avec ce qu’attendent les usagers. Un étudiant de L [Licence] ne va pas souvent aller lire
un ouvrage en anglais... Donc voilà, il y a l’offre et la demande. Au niveau chercheur,
l’offre est là – après elle est assez difficile à cerner pour les raisons qu’on évoquait tout
à l’heure – mais au niveau des étudiants, l’offre n’est pas forcément là. Je comprends
tout à fait qu’en L1, les étudiants sortent du Bac, ils ne sont pas forcément dans cette
culture-là. Par contre, quand il y aura l’offre, à mon avis ils vont se l’approprier très
vite, parce qu’ils n’ont pas peur de cliquer partout ... A la rigueur nous, notre
génération, on ne clique pas comme ça partout, mais eux c’est la génération qu’on
appelle les « digital natives » ! Ils cliquent partout et sans crainte ! Donc une fois que ça
va être parti, ce sera bon, mais il faut le temps que ça s’implante.
J’ai une dernière question. Est-ce que d’après vous, à terme l’ebook pourrait
remplacer le papier ?
C’est la question classique, à chaque fois je réponds non !
C’est ce que tout le monde me répond ...
Je réponds non pour la lecture loisir mais je réponds peut-être pour la lecture
travail. Et je pense que tout le monde répond ça ... C’est ce qu’on disait tout à l’heure :
97
un livre électronique pour le travail, ça s’apparente à un périodique. Télécharger un
article, un chapitre ... c’est bien plus facile pour un chercheur de le faire de son
laboratoire que de se déplacer à la BU quand il pleut ou quand il neige ! Voilà, il y a un
confort d’utilisation. Après quand on lit un roman, il y a le plaisir d’avoir le support en
main !
98
Annexe 5 : Entretien avec Héloïse Faivre-Jupile, service des ressources électroniques au SICD2 de
Grenoble
Comment définiriez-vous un e-book, parce que j’ai fait pas mal de lectures
théoriques et les définitions varient, c’est très flou. Donc, j’aurais voulu savoir
comment vous conceviez cela ?
Je parle plus de livre numérique que d’e-book et pour moi ça fait vraiment
référence au contenu. J’ai tendance à parler plutôt de tablette de lecture ou de support
pour ce qui est de l’appareil. C’est vrai qu’ici à la BU on a une offre de livres
électroniques au sens de contenu par contre on ne s’est pas du tout lancés dans ce qui a
pu se faire, mais plutôt en bibliothèques municipales : il y a eu parfois des prêts de
tablettes de lecture, mais ça s’est beaucoup moins fait en BU je crois. Maintenant, le
challenge ce serait plutôt d’avoir des livres que les étudiants puissent récupérer sur leurs
portables. A priori, nous, on ne va pas se lancer dans des prêts de tablettes.
Vous avez un fonds de livres numériques qui est accessible via Numilog….
Ce n’est plus le cas. Au niveau des livres numériques. Jusqu’il y a quatre jours,
en allant sur notre site, vous cliquiez sur « livres numériques » et vous tombiez sur
Numilog. On est en train de retravailler sur notre site web parce qu’entre temps, les
offres des fournisseurs ont changé. On s’est retrouvé avec beaucoup de bases qui sont
des bases composites, avec à la fois des livres, il peut y avoir même des statistiques et
des revues. C’est le cas par exemple de sources OCDE. On a Cairn aussi qui fait des
revues et des « Que sais-je ? ». On a les Garnier numériques. Entre temps on s’est rendu
compte qu’on ne pouvait pas réduire notre offre de livres numériques juste à notre
agrégateur principal. On avait aussi d’autres livres mais mélangés à d’autres ressources.
Donc, on va essayer de revoir ça et de faire juste un lien micronumérique qui renvoie
vers toutes les bases qui contiennent des livres. On recherche aussi à avoir un agrégateur
qui nous propose des offres vraiment destinées à notre public L [Licence], toutes
disciplines confondues et donc on a choisi de ne plus reprendre Numilog pour 2011
pour différentes raisons. D’abord, parce qu’on n’est pas complètement convaincus par
le modèle lui-même : Numilog fonctionne sur un modèle qui est calqué sur le papier,
c’est-à-dire qu’on est obligés d’acheter un nombre d’exemplaires et on paye en fonction
99
du nombre d’exemplaires. Maintenant, il y a des agrégateurs, ou même des éditeurs,
cela dépend des cas, qui proposent un accès illimité plus calqué sur le modèle de la
revue numérique. Cela nous semble plus intéressant parce que, a priori l’avantage du
livre numérique c’est aussi que chacun puisse y accéder de façon très large, à n’importe
quelle heure du jour et de la nuit, à distance et si possible en illimité. L’autre problème
de Numilog qu’on ne voit pas quand on se connecte sur leur site, c’est qu’ils ont
tendance à racheter des éditions assez anciennes. Les étudiants, sur l’interface ne voient
pas la date d’édition ; nous, il faut qu’on creuse derrière, sur le back office du
fournisseur pour connaître l’édition exacte. Evidemment, les étudiants sont persuadés
qu’avec le numérique ils ont entre les mains la dernière édition, et entre temps, on s’est
rendus compte qu’on avait pilonné l’édition papier. C’est un peu de notre faute aussi car
entre temps le catalogue de Numilog a été un peu remis à jour, mais quand ils arrivent à
obtenir une édition plus récente d’un titre, ils ne font pas eux-mêmes le changement.
C’est à nous d’aller éplucher leur catalogue, ce qui est assez contraignant. On aimerait
qu’avec le numérique on soit sur des modèles plus souples, qui mettent en ligne la
dernière édition. Souvent, ils n’ont pas les droits pour la nouvelle édition, car il y a aussi
derrière toute une bataille entre les éditeurs et les agrégateurs, qui ne sont que des
intermédiaires. Il y a beaucoup d’éditeurs qui revendent aux agrégateurs des éditions un
peu anciennes pour garder la possibilité de diffuser eux-mêmes directement la dernière
édition. Donc, ils n’ont pas toujours la dernière édition, mais même quand ils l’ont, c’est
à nous d’éplucher le catalogue pour avoir la dernière édition. S’ajoute à ça un problème
technique avec nos postes publics à la BU qui sont sous Open Office et du coup, les
étudiants ont du mal à télécharger sur nos propres postes. Au printemps, on a essayé de
regarder ce qu’il y avait comme autres offres. D’emblée, on a écarté tout ce qui était
majoritairement en anglais, du coup on a écarté les neuf dixièmes du marché, parce
qu’il faut savoir qu’on a beaucoup de choses au niveau de nos bases de données de
revues pour les étudiants à partir du Master, Doctorat et enseignants-chercheurs. Ce
qu’on voulait aussi à travers les livres numériques c’était aussi recentrer notre offre sur
les L et les L ne lisent pas en anglais ! Nos ouvrages papiers en anglais sortent très peu,
donc avoir un accès illimité en anglais, ce n’était pas le plus intéressant. Du coup j’ai
regardé un peu au printemps, mais les choses évoluent très vite. Il y a Numilog, quand
même, parce que j’avais constaté que pour peu qu’on ait le temps un peu en interne
d’éplucher tout leur catalogue, on aurait pu améliorer notre offre. Mais quand même, le
modèle à la base ne nous plait pas. Par contre, ce qu’il y avait de bien chez Numilog,
100
c’est le titre à titre, le fait qu’on puisse choisir précisément les titres qu’on veut. Une
autre offre qui est intéressante, c’est celle de Cyberlibris : ils font une offre via
Couperin mais avec une interface trop basique. On ne peut pas faire de recherches
complètes, on n’a pas d’accès thématiques. Par contre ils avaient développé une offre
destinée au départ aux écoles de commerce et ils l’avaient vendu aussi au SCD des
Antilles et de la Guyane une plateforme beaucoup plus pointue avec plein de
fonctionnalités pour travailler en groupe sur un ouvrage … qu’ils appellent Scholarvox
et qu’ils vendent beaucoup plus cher et qu’ils n’ont pas proposée à Couperin. En
revanche, nous faisons partie de deux consortiums : Couperin, mais aussi l’UNR Rhône
Alpes, et on a réussi à négocier, pour l’UNR Rhône Alpes, une offre, qui va s’appeler
ELibris, qui ressemble à Scholarvox, avec trois bouquets (un en sciences, un en
économie-gestion et un en Lettres et sciences humaines au sens large), un accès illimité
et une interface où on peut vraiment travailler. Si les enseignants se l’approprient, c’est
à nous de faire une bonne communication dessus, ils pourront travailler en groupes avec
les étudiants. Le défaut de Cyberlibris par rapport à Numilog, c’est qu’on se retrouve
dans un système de bouquets, pas d’achat titres à titres, et donc dans le lot, des titres que
l’on n’aurait pas acheté ; c’est le même problème que les revues. On va donc avoir cela
à partir de janvier. De toutes façons, on n’avait pas un choix si vaste que ça car dans
toutes les grandes librairies c’est avant tout de l’anglais. J’en avais repérée une
troisième, c’est Immatériel, qui avait un modèle assez intéressant, où ils proposaient une
sorte de bouquet de départ et on le combinait avec le titre à titre. Le bouquet de départ
était axé management – nous, déjà c’est plutôt gestion que management – et
informatique. C’était trop éloigné au départ de nos besoins. Je sais qu’entre temps ils se
sont alliés avec un autre, Publie.net, et donc là par contre je n’ai pas eu le temps de
creuser, comme entre temps avec l’UNR on a obtenu un tarif très attractif sur
Cyberlibris. Je regarderai quand même pour avoir une connaissance un peu plus globale
car peut-être qu’avec Publie.net, ça devenait plus intéressant. Le problème c’est
qu’entre temps il y a toute une négociation qui a été montée pour la région et après
quand un établissement se désiste, il fait porter le coût sur les autres. Je pense que de
toutes façons Cyberlibris va apporter un plus par rapport à Numilog. Certains titres de
Numilog étaient très intéressants et on ne les retrouvera pas dans Cyberlibris, mais
globalement, le modèle est plus intéressant et cela nous permet d’avoir une offre variée
qui correspond à notre public. Sinon, on va continuer l’offre de « Que sais-je ? » chez
Cairn et Cairn développe pas mal de choses aussi au niveau des livres. On avait testé
101
l’année dernière des ouvrages collectifs de recherche et je crois qu’ils développent aussi
les « Repères ». Donc, ça ce serait très intéressant. Le problème de Cairn c’est le prix.
Rien que leur bouquet de revues augmente de façon assez terrifiante d’année en année
parce que le contenu augmente. Cela devient une proportion de notre budget vraiment
énorme. En plus, ils ont refusé de faire une offre pour l’UNR Rhône Alpes. On avait
essayé de monter une négociation, moi et une collègue de Lyon II. Ils ont refusé le
principe de l’UNR, c’est-à-dire qu’on a des prix plus attractifs parce qu’on fait un
compte unique et après on se refacture entre nous. Cela fait des facilités de gestion pour
les fournisseurs et on leur demande de nous considérer comme un seul gros
établissement. Ce principe-là ils l’ont refusé et là ils sont en pourparlers avec Couperin,
mais on n’a toujours pas d’offre Couperin. On va continuer les revues car on ne peut pas
s’en passer, c’est un peu l’Elsevier des sciences humaines, on ne peut pas s’en passer,
on est obligés de prendre leurs revues. Les « Que sais-je ? » marchent bien et on ne veut
pas décourager nos étudiants en changeant l’offre tous les ans donc on a continué sur les
« Que sais-je ? ». Par contre, j’aimerais qu’ils fassent au moins une proposition via
Couperin. C’est donc aussi un rapport de force avec les éditeurs qui sont en position
dominante.
Comment envisagez-vous l’avenir du service ?
A priori, je dirais qu’on va vers un développement, mais cela va beaucoup moins
vite que ce que l’on peut imaginer quand on n’est pas plongé dedans, parce que les
éditeurs freinent. Je pense que ça va se développer, mais peut-être que ça va sauter la
case agrégateurs au final et qu’on achètera directement auprès de chaque éditeur. C’est
un peu compliqué quand même pour le moment. Quand on cherche, par exemple en
psychologie, si je cherche à acheter en numérique les manuels que j’achetais en format
papier, actuellement je ne les trouve pas. Donc, oui ça se développe, on le voit bien, il y
a une offre anglophone qui est très importante, mais aujourd’hui, pour 2011, les
manuels qui sortent le plus en papier ne se trouvent pas facilement en numérique.
Et du côté des étudiants ?
Les étudiants, eux, sont mûrs, ce n’est pas un problème. Dès qu’on leur montre
par exemple les « Que sais-je ? » sous forme numérique ils trouvent ça pratique. La
plupart ont un accès Internet, très souvent ce sont des offres auxquelles on peut accéder
102
sous simple authentification à distance, il n’y a pas d’installation de logiciel ou de
matériel spécifique, donc pour eux c’est pratique.
Et savez-vous après sur quels supports ils les lisent ? Sur ordinateur ?
A mon avis, ils les lisent de plus en plus sur ordinateur. Nous ce qu’on voudrait
vraiment ce sont des manuels parce que des manuels les étudiants ne les lisent pas de A
à Z. Ils travaillent sur un chapitre …, donc c’est un peu comme un article de revue, ça
peut se lire sur écran. C’est vrai qu’on a aussi toute la partie étudiants en littérature, et je
ne pense pas que ce soit les œuvres elles-mêmes que les étudiants vont lire in extenso.
Et encore que, maintenant, lorsqu’on parle de livres numériques, il y a aussi tout ce qui
est livres numérisés. On fait aussi de la numérisation, on a vraiment les deux aspects
puisqu’on gère la documentation électronique et la numérisation et on montre de plus en
plus à des étudiants assez avancés, par exemple ce que peut faire Gallica et il y en a
beaucoup qui comme ça récupèrent des œuvres originales, libres de droit. Donc, en fait,
les gens lisent de plus en plus comme ça sur écran. Ils lisent les œuvres mais il y a un
travail de recherche aussi et je ne pense pas qu’ils passent forcément par l’impression. A
mon avis, tant que ça reste lié à un travail universitaire, que ce soit un manuel ou une
vieille comédie du XVIème siècle, les étudiants sont prêts à travailler dessus sur écran.
Après, quand c’est de la lecture loisir, c’est différent. Mais on les voit quand même bien
travailler sur écran, ça ne les effraie pas.
Que pensez-vous des liseuses ? Pourrait-on imaginer en bibliothèque
universitaire que cela se mette en place ?
Pourquoi pas, cela pourrait se mettre en place. Je ne suis pas une spécialiste de la
question, mais la seule chose qui me freinerait un petit peu, c’est qu’on voit les
chercheurs et les étudiants déjà pas mal équipés. Souvent ils ont un portable, des fois ils
ont en plus un portable ultra-léger, ils ont après un Ipad ou équivalent. Il y a peut-être
un marché pour les liseuses mais ça va être à mon avis les passionnés, qui seront prêts à
investir dans un équipement spécifique à la lecture et je pense que la majorité va plutôt
essayer de combiner cela avec d’autres usages. Alors pourquoi pas, c’est vrai qu’en
bibliothèques on pourrait en avoir quelques-unes que l’on prêterait.
On pourrait imaginer un système de prêt ?
Ce n’est pas évident, et ce ne sera pas notre priorité je pense. On va essayer de
mettre plutôt à disposition du plus grand nombre plus de contenu, étant donné que l’on
103
n’a pas un budget extensible et que le contenu lui-même augmente. Je ne sais pas, à
mon avis ce serait plutôt à prendre en mains par les DSI des universités. Je pense qu’on
pourrait être partenaires, essayer de trouver une offre qui irait avec, mais on essaye
plutôt d’offrir à chacun un contenu approprié, ça garde un petit côté gadget en fait pour
moi, mais peut-être que je me trompe.
Et est-ce que vous voyez une différence entre bibliothèque universitaire et
bibliothèque municipale au niveau de l’offre de livres électroniques ou de la façon dont
cela peut être utilisé par le public ?
Je ne connais pas tellement les offres à destination des BM. C’est vrai que nous
passons par un consortium qui est vraiment axé université et du coup, je ne sais pas
tellement quelle est l’offre réservée aux BM. A priori, il n’y a pas de raison que ce soit
différent du papier au niveau du contenu. C’est vrai que nous allons chercher à fournir
des ouvrages critiques, des ouvrages collectifs de recherche, des manuels… Après c’est
vrai que nous avons aussi les œuvres elles-mêmes, mais a priori ça ne va pas être tout à
fait les mêmes non plus qu’en lecture publique : on ne va pas forcément avoir des best-
sellers, on va plutôt avoir des classiques… Donc, pour moi il y a des spécificités dans
les collections d’une BU et dans les collections d’une BM et le numérique doit suivre
ces spécificités, il n’y a pas de raison que cela change la donne de départ. Le principal
problème reste celui du frein des éditeurs. Il faut trouver un modèle économique viable.
Pour les éditeurs, je me demande si ce n’est pas un peu l’opportunité de supprimer un
intermédiaire et donc jusqu’ici le paysage n’est pas clair, et à mon avis c’est encore plus
compliqué au niveau de la lecture publique. Au niveau universitaire, il y a quand même
le modèle des revues, des articles, il y a un modèle sur lequel s’appuyer. Par contre,
pour tout ce qui est roman – roman de la rentrée – c’est plus difficile.
J’ai une dernière question. Est-ce que d’après vous l’offre d’e-books pourrait un
jour remplacer l’offre de documents papiers ?
En partie, oui ; après, complètement, je ne suis pas sûre. Déjà, cela ira moins vite
que ce qu’on pense, à moins qu’il y ait une révolution tout à coup mais pour les revues
on entend ça depuis des années. Ça fait un peu moins de dix ans que je suis à la
bibliothèque et quand je suis arrivée on en parlait déjà et finalement j’attends toujours.
En partie, oui, c’est sûr, mais en partie seulement parce que finalement il y a des freins
des deux côtés. Tout le public n’est pas partant, une partie, oui, mais pas tous et il y a
104
aussi des freins du côté de l’offre. Donc, pour le moment on est plutôt sur un modèle
mixte, mais je pense qu’il y a quand même des avantages aux deux et je ne suis pas sûre
que tout gagne à passer sous forme numérique. Je pense que ça va coexister et que les
éditeurs ayant des avantages dans les deux, vont faire perdurer les deux systèmes. Ce
qu’ils font pour les revues, ils ne le font pas encore pour les ouvrages, mais c’est qu’ils
imposent aux bibliothèques qu’elles s’abonnent à un bouquet de revues en ligne et ils
imposent de conserver les titres papiers. Parfois on peut passer au « e-only » mais on
paye quand même le titre en question. Donc je pense que les deux systèmes vont
coexister. Finalement, l’avantage c’est qu’il y ait un peu des deux parce qu’il faut
reconnaître que ça peut être très pratique de travailler sur un ouvrage numérique à
plusieurs, d’annoter, de partager et en même temps de temps en temps de pouvoir avoir
un livre entre les mains sans avoir à se brancher ou à recharger un matériel qui sera
forcément fragile, sensible à la lumière ou aux grains de sable sur la plage ou autre.
Donc, je pense que les deux systèmes sont partis pour cohabiter un bon bout de temps.
Mais ce que je constate c’est que beaucoup de gens qui sont moins impliqués pensent
que ça va aller très vite, mais quand on veut donner aux étudiants sous forme numérique
ce qu’ils ont sous forme papier, on ne l’a pas. Donc, finalement les gens les moins
impliqués nous prédisent un changement très rapide et après quand on épluche le détail
des offres, on est un peu perplexes.
105
Annexe 6 : Entretien avec Thomas Lebarbé, enseigant-chercheur à l’Université Stendhal de
Grenoble (laboratoire LIDILEM)
Comment définiriez-vous un e-book ?
Il y a deux choses derrière l’e-book. Il y a l’objet et le fichier. En ce qui me
concerne j’ai un Ipad et dans mon usage personnel, je ne lis pas sur Ipad. Je corrige des
devoirs ou des mémoires, mais dans mon usage personnel – et ce n’est que mon usage
personnel – je ne lis pas sauf une thèse ou un ouvrage sur machine. Mais c’est ma façon
de fonctionner, je suis peut-être un peu traditionnaliste sur certains aspects ... Après je
pense qu’on peut aller vers les e-books. On a de plus en plus de convivialité, mais je
trouve ça relativement fatigant. Le premier travers que je trouve aux e-books c’est qu’ils
veulent se faire à l’image du livre. Déjà ils sont imprimés en noir sur blanc alors que le
blanc sur noir est clairement démontré en ergonomie comme étant beaucoup plus
agréable à la lecture. Donc c’est le premier défaut. Sur mon Ipad j’ai bien le logiciel
intégré qui permet d’avoir sa bibliothèque mais je n’ai pas acheté de livre. J’ai récupéré
Alice au pays des merveilles parce que travaille dessus, mais je l’ai feuilleté rapidement,
je ne l’ai pas lu dessus. Voilà, pour moi l’e-book c’est ça. Mais je n’ai peut-être pas
répondu à la première question ...
Si, car effectivement l’opposition entre contenu et contenant revient assez
régulièrement.
Et je dirais que de manière générale on ne clarifie pas cela. On ne définit pas ce
qu’on appelle e-book en tant que livre électronique et l’e-book objet.
Oui, c’est pour cela que je vous ai posé la question. Effectivement, que ce soit
dans mes lectures ou avec les autres personnes que j’ai pu rencontrer, je me rends
compte qu’il n’y a pas de définition claire. On n’en est encore qu’aux débuts, mais il
n’y a pas vraiment de définition claire, donc je trouve ça assez intéressant de
commencer par là.
Je dirais que d’un autre côté on ne fait pas non plus la différence entre un livre,
ou même quand on parle d’un roman ; on va aussi bien parler de l’objet physique que du
contenu.
106
Et par rapport à votre travail, comment vous positionnez-vous ? Vous disiez que
pour vos lectures personnelles vous ne vous verriez pas lire des livres électroniques,
mais est-ce que vous pourriez voir des avantages à utiliser ce type d’outil ?
Je ne peux pas dire du mal du livre électronique puisque je travaille sur les
éditions électroniques, mais je pense que concernant l’e-book il y a des choses à faire et
des choses à inventer. On n’a rien inventé presque. Proposer le dernier Houellebecq en
format électronique n’a aucun intérêt outre le fait que c’est du Houellebecq. Par contre,
proposer d’autres modes de lecture peut être intéressant à mon avis. Et peut-être
chercher un intermédiaire – et là je parle du contenu – entre la navigation Internet pour
laquelle on utilise le terme de lecture rhizomatique et la lecture linéaire. A ce niveau je
pense qu’il y a des réflexions à faire du point de vue de la création littéraire : se
détacher de la lecture page à page linéaire traditionnelle et donc de l’écriture qui
correspond à ce mode de lecture.
En cours, avec vos étudiants, est-ce que vous pourriez imaginer des avantages à
utiliser des fichiers électroniques et éventuellement même des e-books en tant que
supports ?
De mon côté, c’est un cas particulier car je n’enseigne que dans des salles
machines. Donc les étudiants ont un ordinateur, voire les étudiants viennent avec leur
propre ordinateur. Donc, l’e-book en tant qu’outil électronique, le système de lecture,
n’a pas nécessairement beaucoup d’intérêt dans mon mode de fonctionnement avec les
enseignements que j’ai en ce moment. Le document électronique en revanche est
extrêmement présent, tout simplement pour des raisons d’économie de papier. Après du
point de vue du support d’enseignement, on n’a toujours pas inventé le support et
surtout la façon de communiquer qui tirerait profit de l’électronique. On commence à
voir des choses assez intéressantes mais qui sont plus dans la présentation de
l’information que dans la textualité de l’information. Il existe des outils par exemple où
l’on jette l’information dans le plan et avec différents niveaux de zoom, on peut zoomer
à l’infini vers l’avant et à l’infini vers l’arrière. Une fois qu’on a jeté les idées on fait
des liens entre les idées et on crée un chemin. Ce sont des choses qui peuvent
commencer à apparaître, mais il y ce côté créatif. Bien sûr j’ai des documents sur mon
Ipad, mais tourner les pages sur un Ipad ne présente pas énormément d’avantage.
107
Et en tant qu’utilisateur de bibliothèque universitaire, comment vous
positionnez-vous par rapport au fait que de plus en plus les bibliothèques se tournent
vers l’électronique ? Est-ce que pour vous cela présente un intérêt ?
Je vais plutôt dans les bibliothèques d’UFR, qui sont de petites bibliothèques qui
n’ont pas les moyens de mettre en place ce genre de système. Je n’ai pas encore vu
l’intérêt de le faire par les bibliothèques dans le sens où, tant que l’on sera encore figés
par des représentations qui sont le mode d’indexation Dewey ou les cinq mots clés –
quand j’ai déposé ma thèse, je l’ai déposée avec cinq mots clés, ce qui ne représente pas
ma thèse, donc elle n’est pas indexée intelligemment – ça n’a aucun intérêt que ce soit
en bibliothèque plutôt que ce soit en ligne. En revanche, pourquoi pas à terme
emprunter des ouvrages électroniquement plutôt qu’au format papier, puisque le rôle de
la bibliothèque c’est aussi de donner accès à tous et à moindre coût. Après, cela pose
des problèmes par rapport à certaines pensées sur le logiciel libre et puis les fameuses
DRM, ce qui pose aussi énormément de problèmes techniques, ce qui n’est pas simple.
Je suis vieux jeu sur cet aspect-là, mais j’aime bien flâner dans une bibliothèque, c’est
ce qui fait la richesse de la bibliothèque. Ce que l’on perd, c’est qu’on ne peut plus
flâner dans les allées et repérer une tranche à la couleur ...
Concernant les e-books en tant que supports, tels qu’ils ont été commercialisés
au départ, c’est-à-dire vraiment dédiés à la lecture, et les tablettes, est-ce que vous
voyez un intérêt plus dans l’un que dans l’autre ?
Je n’ai pas eu l’occasion de tester mais j’ai vu que Les Echos étaient sur une
tablette dédiée. La logique peut être intéressante, mais je pense que commercialement,
ce n’est pas le bon plan, car si on doit acheter une tablette pour Le Monde, une tablette
pour Les Echos, une tablette que nous prête la bibliothèque, une tablette pour le livre
qu’on achète en ligne, ça fait quatre tablettes à mettre dans le sac à dos, finalement,
autant prendre les deux journaux et les deux livres. Et puis ça coûte très cher. Ça va se
démocratiser, ce sera de moins en moins cher. Et puis maintenant, les enfants peuvent,
sur leur console portable acheter des livres, ça apparaît un peu partout. Je pense que la
tablette dédiée n’est peut-être pas le meilleur choix.
Quand c’est un outil spécifiquement dédié à la lecture ?
Si c’était un outil spécifiquement dédié à la lecture, pourquoi pas, mais il y a des
concurrents qui arrivent sur le marché puisqu’Apple a été le premier et il a ensuite été
108
suivi de près par Samsung et les autres et ils ont des outils qui sont aussi performants,
légers ... Je ne suis pas sûr que l’outil qui serve uniquement à la lecture ait son intérêt.
Au contraire, un outil qui sert notamment à la lecture, permet d’avoir déjà un outil qui
sert à la lecture. Quand on voit que ce sont des fabricants de consoles qui mettent des
outils pour la lecture, je trouve que ce n’est pas idiot, parce que ça mettra peut-être plus
les gens à la lecture que de mettre des outils dédiés uniquement pour la lecture. L’objet
simple comme ça attire les enfants, et il y a des choses amusantes qui ont été faites,
notamment par Apple sur un Alice au pays des Merveilles. Le texte est là, il est
accompagné d’une lecture du texte si l’enfant le veut, il est accompagné d’animations
sur le texte, d’interactions ... On peut arriver à des choses intéressantes. Mais ça
redéfinit la notion même de lecture. Il y a des intérêts à passer à l’électronique.
A terme, pourrait-on imaginer que les livres électroniques viennent remplacer
les livres papier ? Comment voyez-vous l’avenir du livre électronique ?
Je ne pense pas que l’électronique remplacera le papier, peut-être aussi parce que
je travaille avec des littéraires et que je vois leur relation à l’électronique, ce n’est pas
toujours simple. Il n’y aura peut-être plus cette relation physique avec le livre, cette
dimension va disparaître. Mais on a le papier, des manuscrits de Stendhal pour prendre
cet exemple, on en a des traces et ça l’électronique ne va pas le permettre.
L’électronique n’est pas pérenne. On a eu la prétention de dire « le CD va révolutionner
le monde », on s’est aperçu que ça a une durée de vie moindre qu’un disque dur. Donc,
pour l’instant on n’a pas de support électronique qui permette de pérenniser de manière
fiable et définitive. Un autre aspect non négligeable : qui dit électronique dit avoir un
matériel pour interpréter la donnée électronique. Le papier reste le papier. Donc je ne
suis pas sûr que l’électronique remplacera le papier. C’est un complément, c’est autre
chose. Sauf dans les cas où on aura vraiment de la création électronique. Je sais qu’il y a
des gens qui travaillent là-dessus, il y a des groupes d’auteurs qui essayent de trouver
des idées. Ils vont peut-être émerger un jour.
109
Annexe 7 : Bilan 2010 du prêt de livres numériques et de tablettes de lecture à la
Médiathèque de Troyes
569 inscrits sur la bibliothèque numérique Numilog
830 titres disponibles (au 31 décembre 2010)
340 téléchargements en 2010
68 utilisateurs actifs en 2010
Nombre de prêts Nombre
d’utilisateurs actifs
2008 88 27
2009 54 24
2010 340 68
2011 (au 01 mars)
177 40
Les 20 titres les plus lus en 2010
Titre Auteur Edite
ur
Nombre de
téléchargements
Monsieur est servi ESPARBEC La
Musardine 6
Au pays des ombres GALLERNE
Gilbert Fayar
d 6
Autre-monde, 1.
L'Alliance des Trois CHATTAM
Maxime Albin
Michel 6
Juste avant le
crépuscule KING
Stephen Albin
Michel 6
La Onzième plaie MOLAS
Aurélien Albin
Michel 5
La Promesse des
ténèbres CHATTAM
Maxime Albin
Michel 5
Les âmes
vagabondes MEYER
Stephenie JC
Lattès 5
Cellulaire KING
Stephen Albin
Michel 4
Dans la tête, le venin JAPP
Andrea H. Calma
nn-Lévy 4
L'ombre de ton
sourire HIGGINS-
CLARK Mary Albin
Michel 4
La Malédiction d'Old
Haven COLIN
Fabrice Albin
Michel 4
La vie sexuelle de
Blanche-Neige LIEBIG
Etienne La
Musardine 4
110
Le parti d'en rire DAC Pierre -
BLANCHE Francis Le
Livre Qui Parle 4
Le visage de dieu BOGDANOV
Igor et Grichka Grass
et 4
Monasterium JAPP
Andrea H. Calma
nn-Lévy 4
Rendez-vous chez
Tiffany PATTERSO
N James Edition
s de l'Archipel 4
Twilight - 1.
Fascination MEYER
Stephenie Hache
tte Jeunesse 4
Twilight - 4.
Révélation MEYER
Stephenie Hache
tte Jeunesse 4
Une nuit de trop PATTERSO
N James Edition
s de l'Archipel 4
Le Voyage d'hiver NOTHOMB
Amélie Albin
Michel 3
188 titres différents téléchargés au moins une fois
- Répartition hommes / femmes (en %)
Femmes 54,1
Hommes 45,9
- Répartition géographique (en %)
Troyes 49,9
Agglomération 28,4
Hors agglomération
21,7
- Répartition par tranches d’âges (en %)
Moins de 20 ans 5,8
20 – 29 ans 20,1
30 – 39 ans 24,8
40 – 49 ans 21,9
50 – 59 ans 13,9
60 ans et plus 13,5
111
Les plus : - Un catalogue plus attractif depuis la mise en place du format ePub
Les moins : - Des prix trop élevés pour les livres électroniques
- Une plateforme administrateur peu satisfaisante (module de commande très pénible à utiliser…) et bien trop chère
- L’utilisation, bien qu’en forte augmentation, demeure encore modeste
Bilan : Les chiffres d’utilisation restent encore peu satisfaisant même si
l’apparition de « best sellers » dans le catalogue ainsi que le prêt de tablette de lecture a permis une très importante augmentation des statistiques par rapport à 2009 (année où l’utilisation a été particulièrement faible).
L’objectif pour 2011 est d’atteindre les 500 téléchargements et 100 utilisateurs actifs.
Prêt de tablettes de lecture
Depuis mars 2010, la Médiathèque du Grand Troyes prête des tablettes de lecture (au nombre de 6) modèle Cybook Gen3 de la marque française Bookeen.
Chaque tablette est prêtée pour 4 semaines et contient une large sélection de grands classiques de la littérature mondiale (environ 130 ouvrages). Les emprunteurs peuvent ensuite y transférer des ouvrages empruntés sur le site de la médiathèque par le biais de la bibliothèque numérique Numilog.
Les tablettes ne sont pas en prêt direct. Les personnes souhaitant découvrir ce nouveau mode de lecture doivent remplir un formulaire sur le site de la médiathèque. Quand un Cybook est disponible, l’usager est contacté, un rendez-vous est pris pour lui expliquer le fonctionnement de l’appareil et enregistrer le prêt.
Neuf mois après le lancement de ce service, le bilan est satisfaisant. Nous avons reçu 84 demandes de prêt et 43 personnes ont déjà
emprunté une tablette. Le temps d’attente est d’environ deux mois actuellement. Pour réduire la
liste d’attente, trois nouvelles tablettes Fnacbook ont été commandées et trois autres devraient être prochainement achetées (Cybook Orizon).
Les retours sont positifs même si les avis sont souvent tranchés entre ceux qui restent dubitatifs sur l’intérêt de la lecture sur écran et ceux qui apprécient ces nouvelles machines.
Il faut noter que ce prêt de tablette a grandement participé à l’augmentation des statistiques d’emprunts sur la bibliothèque numérique Numilog.
112
Statistiques sur le prêt de tablettes de lecture : - Répartition hommes / femmes (en %)
Femmes 52,4
Hommes 47,6
- Répartition géographique (en %)
Troyes 49,4
Agglomération 32,5
Hors agglomération
18,1
- Répartition par tranches d’âges (en %)
18 – 29 ans 11,9
30 – 39 ans 30,3
40 – 49 ans 19,7
50 – 59 ans 18,4
60 ans et plus 19,7
113
Lexique
Abréviations
BnF : Bibliothèque Nationale de France.
BNUS : Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg.
BPI : Bibliothèque Publique d’Information.
CNL : Centre National du Livre.
CST : Commission de Sélection des Titres.
DLL : Direction du Livre et de la Lecture.
IST : Information Scientifique et Technique.
MOtif : Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France.
Termes techniques
Agrégateur : Groupe ou société proposant l’accès payant à des livres numériques issus
de différents éditeurs.
Bouquets : Abonnement ou achat de documentation électronique sous forme de
« packages », souvent regroupés autour de thématiques.
CAREL : Consortium pour l’Acquisition des Ressources Electroniques en Ligne.
Consortium de négociations d’achats de documentation électronique créé à l’initiative
de la BPI et destiné aux bibliothèques de lecture publique.
Catalogage : Tâche bibliothéconomique qui consiste à entrer dans le catalogue de la
bibliothèque les documents qui constituent ses collections en renseignant de manière
très formalisée un certain nombre d’éléments le concernant (auteur, titre, date de
publication, éditeur, etc.).
CDU : Classification Décimale Universelle. Système de classification des
connaissances humaines utilisé par certaines bibliothèques.
Consortium : Forme de partenariat et de regroupement de plusieurs bibliothèques dans
le cadre d’abonnement ou d’achat de livres électroniques afin d’obtenir du fournisseur
des tarifs plus attractifs.
114
COUPERIN : Consortium Universitaire de Publications Numériques. Consortium
destiné à la négociation d’achats de documentation électronique pour les bibliothèques
universitaires.
DRM : Digital Rights Management. Droits numériques, ayant pour but de gérer la
consultation et l’utilisation faite des œuvres numériques.
E-book : Utilisé au cours de ce travail dans le même sens que « livre électronique ».
Terme générique désignant à la fois le contenu et le contenant.
E-ink : Technologie utilisée sur de nombreux e-books, offrant un visuel proche de la
page de livre papier et permettant d’éviter l’utilisation d’écrans rétro-éclairés.
Lecture rhizomatique : Forme de lecture fragmentée et totalement personnelle, induite
par le numérique et notamment par la technologie des liens hypertextes.
Livrel : Terme relativement peu utilisé, mais désignant le livre électronique en tant
qu’objet, le support électronique de lecture.
Livre augmenté : Notion utilisée par François Nawrocki pour évoquer la forme de livre
électronique enrichie par le numérique et le multimédia.
Livre électronique : Utilisé au cours de ce travail dans le même sens que « e-book ».
Terme générique désignant à la fois le contenu et le contenant.
Livre homothétique : Notion utilisée par François Nawrocki pour évoquer la forme de
livre électronique calquée sur le modèle du livre papier.
Livre numérique : Utilisé au cours de ce travail pour désigner le contenu, c’est-à-dire
le fichier informatique.
OCR et OCRisation : Instrument et mode de numérisation permettant une numérisation
en mode texte et offrant des possibilités de recherche dans le texte.
OPAC : Online Public Access Catalog. Forme d’un catalogue de bibliothèque
disponible en ligne à destination du public.
SIGB : Système Intégré de Gestion de Bibliothèque. Logiciel de bibliothèque destiné à
la gestion de différentes tâches.
Tablette numérique : Support numérique multifonction, permettant entre autres la
lecture de livres numériques.
115
UNR Rhône Alpes : Université Numérique en Région Rhône Alpes. Consortium
destiné à la négociation d’achats de ressources numériques en région Rhône Alpes.
116
Bibliographie
Monographies
BAYARD Pierre. Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?. – Paris : Les
Editions de Minuit, 2007, 198 pages. – (Paradoxes)
BLASSELLE Bruno. Histoire du Livre, Vol. 1, A pleines pages. – Paris : Gallimard,
1999, 160 pages.
GIFFARD Alain. « Des lectures industrielles ». In : STIEGLER Bernard, GIFFARD
Alain, FAURE Christian, Pour en finir avec la mécroissance : quelques réflexions
d’Ars Industrialis. – Paris : Flammarion, 2009, pp.115-216.
JACQUESSON Alain et RIVIER Alexis. Bibliothèques et documents numériques :
concepts, composantes, techniques et enjeux. – Nouvelle édition. Paris : Éd. du Cercle
de la librairie, DL 2005. – 1 volume, 573 pages. (Bibliothèques)
POLASTRON, Lucien Xavier. La grande numérisation : y a-t-il une pensée après le
papier ?. [Paris] : Denoël, 2006 – 1 volume, 198 pages. – (Impacts)
POLASTRON, Lucien Xavier. Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des
bibliothèques. – Paris : Gallimard, 2009. – 1 volume, 543 pages.
QUENEAU Raymond. Pour une bibliothèque idéale. – Paris : Gallimard, 1956. – 1
volume, 318 pages.
SOCCAVO, Lorenzo. Gutenberg 2.0: le futur du livre : six siècles après Gutenberg une
nouvelle révolution va changer votre façon de lire... – 2ème
édition. Paris : M21 éd., DL
2008 – 1 volume, 222 pages.
VIEIRA, Lise. L'édition électronique : de l'imprimé au numérique : évolutions et
stratégies. Pessac : Presses universitaires de Bordeaux, DL 2004 – 1 volume, 188 pages.
– (Labyrinthes)
117
Rapports et actes de colloques
GAYMARD Hervé. « Le livre numérique ». Pour le livre : rapport sur l’économie du
livre et son avenir. Paris : Gallimard : Documentation française, 2009, pp.185-208.
Ouvrages sur support électronique
Articles de périodiques
BERMES Emmanuelle, MARTIN Frédéric. « Le concept de collection numérique ».
Bulletin des Bibliothèques de France [en ligne]. 2010, t.55, n°3 [réf. du 01.02.2001],
pp.13-17. Disponible sur Internet : < http://bbf.enssib.fr/>.
BERTRAND Anne-Marie. « E-Bibliothèques : les bibliothèques françaises face à
l’arrivée du numérique ». Bulletin des Bibliothèques de France [en ligne]. 2010, t.55
n°4 [réf. du 03.05.2011], p.90. Disponible sur Internet : < http://bbf.enssib.fr/>.
BERTRAND Anne-Marie, EPRON Benoît. « Les ressources numériques : un nouvel
enjeu pour les compétences des professionnels des bibliothèques ». Documentaliste-
Science de l’information, ADBS [en ligne]. 2010/2, vol.47 [réf du 25.01.2011], pp.65-
66. Disponible sur Internet : <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-
l-information-2010-2.htm.>.
BRIYS Eric. « Cyberlibris : une offre de bibliothèque numérique à destination des
services documentaires ». ». Documentaliste-Science de l’information, ADBS [en
ligne]. 2010/2, vol.47 [réf du 25.01.2011], p.41. Disponible sur Internet :
<http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm.>.
BURK Roberta. « Apprivoiser le livre électronique ». Bulletin des Bibliothèques de
France [en ligne]. 2000, n°6 [réf. du 01.02.2011], pp.38-42. Disponible sur Internet :
<http://bbf.enssib.fr/>.
CHARTRON Ghislaine. « Compétences et vigilances pour les services de livres
numériques ». Documentaliste-Science de l’information, ADBS [en ligne]. 2010/2,
vol.47 [réf du 25.01.2011], pp.66-67. Disponible sur Internet :
<http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm.>.
118
CLEMENT, Jean. « La littérature au risque du numérique.» Document numérique [en
ligne]. 2001 / 1-2, vol. 5 [réf. du 31.01.2010], pp. 113-134. Disponible sur Internet :
<www.cairn.info>.
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Autres supports
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[vidéo], [en ligne]. Disponible sur :
<http://www.issy.com/index.php/fr/culture/mediatheques/services__1/pret_de_liseuses_
electroniques/empruntez_des_livres_electroniques_dans_les_mediatheques> (consulté
le 25.03.2011).
Sitographie
Sites réservoirs d’e-books :
Ebooks libres et gratuits : < http://www.ebooksgratuits.com/>
Gallica. Gallica bibliothèque numérique : < http://gallica.bnf.fr/>
Project Gutenberg : < http://www.gutenberg.org/browse/languages/fr>
Storylab. Storylab Edition : < http://www.storylab.fr/>
Sites communautaires autour du livre :
Delicious. Delicious social bookmarking : <http://www.delicious.com/>
LibraryThing : < http://www.librarything.fr/>
Sens Critique : < http://www.senscritique.com/>
Sites consacrés au numérique :
Actualitté : <http://www.actualitte.com/>
Blog Silvère Mercier – Bibliobsession : < http://www.bibliobsession.net/>
La Feuille : < http://lafeuille.blog.lemonde.fr/>
123
Mots clés : E-books, livres numériques, bibliothèques municipales, bibliothèques
universitaires, lecture.
Résumé :
Bien plus qu’un simple produit informatique, le numérique fait aujourd’hui
partie intégrante de notre quotidien. A l’aube des années 2010, après la musique et la
vidéo, c’est au tour du secteur du livre de se voir bouleversé par l’arrivée du numérique.
Il s’agira ici de s’interroger sur la manière dont se sont développés les livres
électroniques et sur la façon dont ils peuvent s’insérer dans notre société. Cela nous
amènera ensuite à réfléchir à l’impact d’un tel changement sur les bibliothèques et sur
les possibles attitudes à adopter face à l’arrivée d’e-books dans les collections, aux côtés
de documents papier plus traditionnels.
Key words : E-books, digital books, public libraries, university libraries, reading.
Summary :
Far more than a simple computer product, digital is today fully part of our daily
lives. At the dawn of the 2010s, after music and video, it is now the book sector which
is disrupted by digital’s arrival. We shall study the way e-books have developed and
how they can get their place within the society. That will lead us to think about the
impact of such a change on libraries. We shall also work on the postures that can be
possibly adopted in view of the integration of e-books within library collections, beside
more traditional paper books.