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Université Stendhal Grenoble 3 UFR des Lettres et Arts Master 2 Littératures parcours Métiers des Bibliothèques L’impact du développement de l’e-book sur l’organisation des bibliothèques et le métier de bibliothécaire Mémoire de recherche pour le Master Lettres et Arts, spécialité « Littératures » parcours « Métiers des Bibliothèques » Présenté par : Directeur de recherches : Tiphaine GAUQUELIN Mme Cécile MEYNARD Maître de Conférences Année universitaire 2010-2011

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Université Stendhal Grenoble 3

UFR des Lettres et Arts

Master 2 Littératures parcours Métiers des Bibliothèques

L’impact du développement de l’e-book sur

l’organisation des bibliothèques et le métier de

bibliothécaire

Mémoire de recherche pour le Master Lettres et Arts, spécialité « Littératures »

parcours « Métiers des Bibliothèques »

Présenté par : Directeur de recherches :

Tiphaine GAUQUELIN Mme Cécile MEYNARD

Maître de Conférences

Année universitaire 2010-2011

1

Université Stendhal Grenoble 3

UFR des Lettres et Arts

Master 2 Littératures parcours Métiers des Bibliothèques

L’impact du développement de l’e-book sur

l’organisation des bibliothèques et le métier de

bibliothécaire

Mémoire de recherche pour le Master Lettres et Arts, spécialité « Littératures »

parcours « Métiers des Bibliothèques »

Présenté par : Directeur de recherches :

Tiphaine GAUQUELIN Mme Cécile MEYNARD

Maître de Conférences

Année universitaire 2010-2011

2

Table des matières

Introduction ........................................................................................................... 5

Première partie : Le développement de l’e-book et son impact sur les pratiques

de lecture ............................................................................................................... 8

I. Le développement de l’e-book et les dernières évolutions ......................... 8

1. Une définition difficile : entre contenant et contenu ........................... 8

2. L’échec des premiers livres électroniques ......................................... 10

3. Un nouvel essor à la fin des années 2000 .......................................... 13

II. Evolution ou révolution ? ...................................................................... 17

1. Temps court et temps long ................................................................ 17

2. De Gutenberg 1.0 à Gutenberg 2.0 .................................................... 19

3. Si révolution il y a, elle réside dans de nouvelles perspectives

d’écriture et de lecture ................................................................................. 22

III. L’impact de ce changement sur les pratiques de lecture ....................... 24

1. Les publics concernés et l’attrait de la modernité ............................. 24

2. Lecture loisir ...................................................................................... 27

3. Lecture professionnelle ou de recherche ........................................... 30

Deuxième partie : L’intégration de collections de livres numériques dans des

fonds de bibliothèques ........................................................................................ 33

I. Les bibliothèques municipales : comparaison de différents modèles ....... 33

1. Les bibliothèques municipales de Grenoble : le choix de Numilog .. 33

2. La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux : la première à expérimenter

le prêt de liseuses électroniques .................................................................. 36

3. La médiathèque de Troyes : un service couplé contenant-contenu ... 39

II. Les bibliothèques universitaires : comparaison de différents modèles . 42

1. Le SICD1 de Grenoble : l’investissement dans de multiples bases .. 42

3

2. Le SICD2 de Grenoble : la difficulté à trouver un modèle

satisfaisant.... ............................................................................................... 45

3. La bibliothèque universitaire d’Angers : pionnière dans le prêt de

liseuses électroniques en bibliothèque universitaire.................................... 47

Troisième partie : Bibliothèques et bibliothécaires 2.0....................................... 50

I. Bibliothèques et collections ...................................................................... 50

1. Acquisition et gestion des collections ............................................... 50

2. Mise à disposition et conservation du patrimoine et des collections . 54

3. Nouveau statut du document et nouveaux usages ............................. 57

II. Bibliothèques et public .......................................................................... 59

1. Signalement, signalétique et valorisation .......................................... 59

2. Formation et médiation ...................................................................... 62

3. De nouvelles perspectives en termes d’animation et de services au

public...............................................................................................................65

III. Nouveaux rôles et nouvelles organisations ........................................... 68

1. La relation de la bibliothèque aux autres établissements : le rôle

central de la bibliothèque dans la définition d’un modèle ........................... 68

2. La bibliothèque face à de nouveaux acteurs ...................................... 71

3. Une réflexion nécessaire en interne ................................................... 73

Conclusion .......................................................................................................... 77

Annexe 1 : Entretien avec Marie-Jeanne ............................................................ 79

Annexe 2 : Entretien avec Pierre ......................................................................... 82

Annexe 3 : Entretien avec Christine Carrier, Directrice des Bibliothèques

Municipales de Grenoble .................................................................................... 85

Annexe 4 : Entretien avec Estelle Lenormand, service des ressources

électroniques du SICD1 de Grenoble .................................................................. 90

Annexe 5 : Entretien avec Héloïse Faivre-Jupile, service des ressources

électroniques au SICD2 de Grenoble .................................................................. 98

4

Annexe 6 : Entretien avec Thomas Lebarbé, enseigant-chercheur à l’Université

Stendhal de Grenoble (laboratoire LIDILEM) .................................................. 105

Annexe 7 : Bilan 2010 du prêt de livres numériques et de tablettes de lecture à la

Médiathèque de Troyes ..................................................................................... 109

Lexique.............................................................................................................. 113

Abréviations .............................................................................................. 113

Termes techniques ..................................................................................... 113

Bibliographie ..................................................................................................... 116

Monographies................................................................................................ 116

Rapports et actes de colloques ...................................................................... 117

Ouvrages sur support électronique ................................................................ 117

Articles de périodiques .............................................................................. 117

Rapports et actes de colloques ................................................................... 120

Articles sur sites web ................................................................................. 120

Autres supports ............................................................................................. 122

Sitographie .................................................................................................... 122

Sites réservoirs d’e-books : ....................................................................... 122

Sites communautaires autour du livre : ..................................................... 122

Sites consacrés au numérique : .................................................................. 122

5

Introduction

En 1956, Raymond Queneau écrivait dans l’avant-propos de son livre Pour une

bibliothèque idéale1 : « Ces petits objets parallélépipédiques, feuilletés et plus ou moins

encrés, vont peut-être bientôt disparaître de l’usage courant. Mais, inscrits sur disques,

bandes magnétiques, microfilms ou autrement, il en restera toujours quelque chose,

encore pour quelque temps. Nous en reparlerons en l’an 2000. » Conscient que le livre

dans sa forme traditionnelle allait évoluer, Raymond Queneau voyait dans les années

2000 une échéance à ce changement. Or, à l’aube de la décennie 2010, il apparaît de

plus en plus clairement que le livre dans sa forme papier est voué à évoluer.

Avec l’avènement du numérique, ce sont toutes sortes d’activités qui sont

amenées à changer : la musique et les vidéos au format numérique se développent de

plus en plus, et ce au détriment de l’analogique. Les bibliothèques, largement

confrontées au numérique concernant leurs collections musicale et vidéo, semblent

aujourd’hui plus que jamais sommées de s’interroger sur leur avenir. Avec le

développement du livre électronique, c’est en effet tout le secteur du livre qui est en

mutation. L’ensemble des métiers du livre est touché par cette évolution et on comprend

aisément que l’apparition de nouveaux types de documents ait des répercussions

importantes sur les bibliothèques.

C’est parce que le numérique – et a fortiori le livre électronique – me semble

être une composante majeure du futur des bibliothèques que j’ai souhaité m’interroger

sur son évolution et ses possibles mises en place dans ces établissements. Qu’en est-il

du livre électronique aujourd’hui ? Que peut-on préjuger de son avenir et de celui des

bibliothèques au vu de ses dernières évolutions ?

Dans un premier temps, j’ai effectué un certain nombre de lectures théoriques

sur le sujet. S’agissant de nouvelles technologies et donc d’un paysage en pleine

mutation, il m’a fallu opérer des sélections dans mes lectures et surtout renoncer à

certaines d’entre elles, car la littérature sur cette thématique est très abondante. Par la

suite, je me suis tournée vers des professionnels afin de connaître leur ressenti sur le

1 Raymond QUENEAU, Pour une bibliothèque idéale, Gallimard, 1956, p.11.

6

sujet. J’ai également interrogé différentes personnes, autant de potentiels lecteurs de

livres électroniques, pour qu’ils m’expliquent leur relation à l’objet livre et qu’ils me

donnent leurs avis sur une éventuelle lecture d’e-books. Enfin, je me suis aussi appuyée

sur ma propre expérience en tant qu’utilisatrice et lectrice de livres électroniques.

Il apparaît que celui-ci, objet complexe s’il en est, est matière à des définitions

extrêmement variées. Dans un souci de clarté, nous établirons toutefois une distinction

entre « livre électronique » et « livre numérique ». Tout au long de ce travail, nous

emploierons donc indifféremment les termes de « livre électronique » et d’«e-book »,

comme termes génériques. Par contre, nous emploierons celui de « livre numérique »

pour faire expressément référence au livre en tant que fichier informatique, que nous

pouvons d’ores et déjà définir comme un « livre dématérialisé, par opposition au livre

sur support papier. Il s’agit d’un fichier informatique que l’on peut lire sur un écran (ou

éventuellement écouter), par exemple sur un ordinateur, un téléphone, un terminal

dédié... »2. Nous nous contenterons dans un premier de temps de cette définition donnée

par le Centre National du Livre (CNL) dans l’une de ses enquêtes, mais reviendrons sur

cette question de façon plus détaillée au cours de notre développement.

Par ailleurs, nous n’étudierons pas au cours de ce travail la question des revues

électroniques et celle des librairies face au livre électronique. En effet, même si elles

peuvent sembler très liées à la question du livre numérique, ces problématiques sont

suffisamment différentes pour faire l’objet de développements distincts et de travaux à

part entière.

Lorsqu’on s’interroge sur l’impact du livre électronique sur les bibliothèques et

le métier de bibliothécaire, il apparaît indispensable de commencer par analyser la façon

dont il a évolué et le contexte dans lequel cela s’est fait. Nous étudierons donc dans un

premier temps le développement de l’e-book et l’impact de celui-ci sur les pratiques de

lecture. Nous nous appuierons ensuite sur des exemples d’intégration de collections de

livres numériques tant en bibliothèques municipales qu’en bibliothèques universitaires.

Ces différents exemples nous permettront enfin d’établir des propositions d’ordre plus

général sur l’avenir des bibliothèques et des bibliothécaires, en termes de relations aux

2 Centre national du livre, « Résultats qualitatifs », in Le livre sera-t-il numérique ?, enquête réalisée en

2009 et 2010, disponible sur Internet < http://www.centrenationaldulivre.fr/?Le-livre-sera-t-il-

numerique>

7

collections ainsi qu’au public, mais aussi en termes de nouvelles organisations et de

nouveaux rôles occasionnés.

8

Première partie : Le développement de l’e-book et son impact sur les pratiques de lecture

I. Le développement de l’e-book et les dernières évolutions

1. Une définition difficile : entre contenant et contenu

Les livres électroniques, s’ils semblent chaque jour s’inviter un peu plus dans

notre quotidien – par le biais d’Internet, mais aussi désormais des tablettes – constituent

pourtant une technologie récente, dont la définition ne semble pas encore bien fixée. En

effet, derrière ces termes de « livre électronique », « livre numérique » ou encore d’« e-

books » se cachent des réalités bien plus complexes qu’il n’y paraît.

Ces technologies, récentes, on l’a dit, ne font pas encore l’objet de définitions

claires et surtout partagées. Aussi, chaque auteur s’exprimant sur le sujet y va-t-il de sa

définition. Les avis divergent notamment sur l’opposition entre contenant et contenu. En

effet, lorsqu’on parle de « livre électronique », comment savoir s’il est question du

texte, en tant que fichier numérique, ou bien du support sur lequel ce texte peut être lu ?

Aucune indication n’existe réellement puisque le terme fait tantôt référence au

contenant, tantôt au contenu. Par ailleurs, cette définition est encore rendue plus

complexe par le fait qu’il s’agit d’un terme anglo-saxon – « e-book » - que l’on souhaite

traduire et pour lequel on cherche à trouver un équivalent en français. Des tentatives

d’équivalence de type « livrel », calqué sur le terme « e-book » et contraction de « livre

électronique », ou encore « liseuse », destinées à désigner le support de lecture

numérique ne semblent pas avoir été réellement adoptées et sont à ce jour très peu

employées.

Lise Vieira, auteur d’un ouvrage intitulé L’édition électronique : de l’imprimé

au numérique : évolutions et stratégies3 propose par exemple de différencier les termes

de « livre numérique » et de « livre électronique ». Elle voit en effet dans le premier une

référence au contenu, alors que le second désignerait l’« objet technologique de pointe,

[...] ordinateur de poche dédié à la lecture. »4 Contrairement à Lise Vieira, Alain

3 Lise VIEIRA, L’édition électronique : de l’imprimé au numérique : évolutions et stratégies, Presses

Universitaires de Bordeaux, 2004. 4 Ibid., p.114.

9

Jacquesson et Alexis Rivier, dans leur ouvrage Bibliothèques et documents numériques5

proposent une définition du terme « e-book » qui ne s’appuie que sur la notion de

contenu. En effet, selon eux, « les e-books désignent ainsi presque toujours des

collections de textes électroniques (appelés aussi e-texts dans le contexte académique),

sans préjuger du support informatique de lecture. »6

Lorenzo Soccavo, auteur d’un ouvrage intitulé Gutenberg 2.0 : le futur du livre7,

se pose également la question de cette distinction entre contenant et contenu. Après

avoir évoqué les notions de « livre électronique », de « livrel » et d’« e-book », il

explique que « tous ces termes néanmoins peuvent entretenir une certaine confusion

entre contenant et contenu, entre livre électronique et texte numérisé.»8 Selon lui, « il

faut en tous cas bien distinguer les appareils de lecture, des fichiers de textes numérisés,

appelés aussi parfois abusivement e-books. »9 A travers ces trois exemples, on voit bien

à quel point, faute d’une définition claire qui émanerait d’une institution et serait donc

reconnue par l’ensemble de la population et des chercheurs sur le sujet, un consensus

quant à une possible définition commune est difficile. C’est pourquoi, comme évoqué

précédemment, nous utiliserons indifféremment les deux termes de livre électronique et

e-book, et nous retiendrons la définition donnée par le CNL rappelée en introduction,

qui semble à ce jour la plus claire.

La question de la distinction entre contenant et contenu ne semble, en soi, pas

totalement détachée du livre traditionnel. En effet, lorsqu’on parle de livre, on fait à la

fois référence aux deux aspects. Lorsqu’on demande « as-tu lu l’Assommoir de Zola? »

on fait non seulement référence au texte écrit par Zola, mais aussi au support physique,

sur lequel est imprimé ce texte. Si, lorsqu’on parle de livre, la question de la référence

au contenu ou au contenant ne se pose pas, c’est bien parce que les deux ne sont pas

dissociables : avec le livre imprimé, texte et support physique ne vont pas l’un sans

l’autre. Lorsqu’il est question du livre électronique, le rapport est tout différent

puisqu’un même fichier informatique peut se lire sur différents supports. En effet, il

n’est pas rare aujourd’hui qu’un même livre numérique soit lisible non seulement sur

5 Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Bibliothèques et documents numériques : concepts,

composantes, techniques et enjeux, Editions du Cercle de la Librairie, 2005. 6 Ibid., p.158.

7 Lorenzo SOCCAVO, Gutenberg 2.0 : le futur du livre : six siècles après Gutenberg une nouvelle

révolution va changer votre façon de lire ..., M21 Ed., 2008. 8 Ibid., p.36.

9 Ibid., p.36.

10

ordinateur, mais aussi, sur liseuse, tablette, console de jeu, ou encore smartphone. C’est

dire si contenant et contenu sont dissociables à l’heure du numérique.

2. L’échec des premiers livres électroniques

Si aujourd’hui les livres électroniques semblent bel et bien partis pour se

développer et se faire une place sur le marché des livres et de la lecture, il n’en a pas

toujours été ainsi. En effet, au début des années 2000, Cytale, une société française,

concevait le premier modèle d’e-book. Pourtant, commercialisé pour la première fois en

2001, le Cybook de Cytale n’a pas su trouver son public, et le premier livre électronique

fut un véritable échec. Il semble aujourd’hui tout à fait possible pour les constructeurs

de livres électroniques de tirer des leçons de ce premier insuccès et de proposer un

nouveau modèle, à la lumière des erreurs du premier.

Destiné au grand public, le Cybook de Cytale était surtout pensé comme un objet

pouvant accompagner l’individu n’importe où et surtout lui permettre de « voyager

léger » en transportant néanmoins une grande partie de sa bibliothèque. Auteur d’un

ouvrage sur l’échec de ce premier livre électronique, Dominique Nauroy évoque la

figure du « nomade » : « Le « nomade » faisait partie du panel idéal des clients que

Cytale avait défini peu avant le lancement commercial de sa solution. Le Cybook était

une tablette électronique de lecture, qui devait l’accompagner en lui offrant une

« bibliothèque en permanence mise à jour ». »10

Par ailleurs, Cytale voyait dans le livre

électronique le moyen de fournir un nouvel accès à la lecture, et non pas une nouvelle

méthode de lecture. En effet, en soi, rien ne différenciait la lecture sur livre imprimé de

la lecture sur livre électronique, si ce n’est qu’elle se faisait sur un écran, et non pas sur

du papier. Ainsi, il s’agissait d’une lecture linéaire, pour lequel l’utilisateur était appelé

à appuyer sur un bouton pour tourner les pages, tout comme il l’aurait fait sur un livre

traditionnel. Dominique Nauroy explique ainsi que « le projet de Cytale n’est pas de

nous inviter à lire autrement, mais plutôt à lire plus, de rendre plus aisé l’accès à la

lecture. »11

On peut voir dans cette conception du livre électronique l’une des raisons

principales de l’échec. Or aujourd’hui, si les livres électroniques reproduisent largement

des gestes induits par la lecture traditionnelle tels que tourner les pages, on note tout de

10

Dominique NAUROY, « Une proposition de mutation des pratiques de lecture mise en échec : le

Cybook de Citale, 1998-2002 », in Etudes de communication, 29| 2006, p.2. Disponible sur Internet :

<http://edc.revues.org/index407.html> 11

Ibid., p3.

11

même de plus en plus la recherche d’un modèle différent, axé davantage sur les

possibilités de navigation et de multimédia offertes par le numérique.

D’autres raisons qui ont contribué à ce premier insuccès du livre électronique

étaient d’ordre plus pratique : doté d’un écran rétro-éclairé il offrait un confort de

lecture très insuffisant et pesait environ 1 kilo. Relativement onéreux, il était associé à

une offre de livres numériques jugée très pauvre. Par ailleurs, l’un des principaux

reproches faits au Cybook de Cytale d’après Dominique Nauroy est que les gens ne

savaient pas vraiment à quoi ils avaient affaire. S’agissait-il d’un ordinateur ? D’un

livre ? Même « les distributeurs, qui ont un rôle déterminant dans la perception des

dispositifs et dans la reconnaissance de leurs qualités, éprouvent certaines difficultés à

positionner ce produit, qui n’a sa place nulle part, ni en librairie, ni au rayon des PDA,

ni même indépendamment au sein d’un « linéaire » e-book qui n’aurait de sens que dans

le cas d’une concurrence. »12

L’un des reproches majeurs également formulé à l’encontre des premiers livres

électroniques était le manque d’intuitivité et la difficulté pour l’utilisateur de s’y

retrouver dans la navigation. A l’époque, aucune véritable possibilité d’annotation ou de

prise de notes n’était offerte aux utilisateurs. A ce sujet, les auteurs de Bibliothèques et

documents numériques expliquent :

Pour pallier cet inconvénient, diverses astuces ont été développées,

comme la fonction d’historique qui rappelle dans sa chronologie le

cheminement parcouru, ou les signets (bookmarks) que le lecteur peut

insérer aux endroits choisis. Des annotations peuvent être également

apportées et sauvegardées, offrant une possibilité supplémentaire de

« s’approprier » le volume consulté [...].13

Enfin, selon Dominique Nauroy, si tous les premiers livres électroniques ont

essuyé un échec, c’est parce que Cytale a voulu reprendre un marché existant, là où elle

aurait dû construire un marché nouveau. En effet, à travers les exemples de reproches

précédemment cités, on voit bien à quel point la société a souhaité s’en tenir au modèle

de lecture existant, et n’a pas voulu proposer un mode de lecture innovant, qui aurait tiré

parti des technologies récentes à disposition. Qui plus est, afin de maîtriser parfaitement

l’utilisation qui pouvait être faite de ce nouvel objet, Cytale a instauré des usages définis

et très réglementés. Aussi, le livre électronique faisait-il l’objet de nombreuses

contraintes par rapport au livre traditionnel. Il n’était par exemple pas possible de prêter

12

Ibid., p3. 13

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.160.

12

ou d’échanger les livres numériques que l’on pouvait lire sur ces machines. Dominique

Nauroy voit dans ces nombreuses contraintes une raison non-négligeable à l’échec qu’a

connu Cytale :

Rappelons ici que la solution de distribution et de consommation des

œuvres mise en place par Cytale se caractérise à la fois par la non-

malléabilité de l’œuvre, alors que la nature même du numérique la rendrait

possible, et par la non-malléabilité de la machine, qui empêche toute

transgression de l’usage canonique. Pourtant, le succès d’une innovation

peut se trouver dans les pratiques non prévues par les concepteurs [...].14

A travers ces reproches émis à l’encontre des premiers livres électroniques, il

semble possible de noter une orientation générale aux causes de cet échec. Face au livre

imprimé, technologie éprouvée depuis des siècles et dont le succès n’était plus à

démontrer, l’e-book du début des années 2000 présentait un trop grand nombre de

défauts, qui en faisaient une technologie jeune et pas suffisamment au point. Lorenzo

Soccavo, dans son ouvrage Gutenberg 2.0, résume les raisons de cet échec :

Si en l’an 2000 les premiers livres électroniques n’ont pas connu le

succès, c’est pour des raisons précises : une technique qui restait encore à

développer, un modèle économique qui restait à préciser, et, surtout, à

l’époque, une demande à créer de toute pièce. [...] De plus, la nécessité

commerciale pour les acteurs de la chaîne du livre était encore moins

évidente, ou moins pressante, qu’elle peut être à l’approche des années

2010.15

En effet, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, il n’existait pas alors de

réel besoin ni de réelle demande en matière de livres électroniques. Au début des années

2000, le développement des nouvelles technologies liées au numérique était amorcé,

mais il n’en était pas au stade actuel. Aujourd’hui, dans une société où l’on peut accéder

à tout moment à n’importe quel titre de musique ou encore à n’importe quel film, il était

logique qu’une demande émerge de la même façon pour les livres. Or, au début des

années 2000, le numérique n’avait pas tant pénétré nos sociétés. Depuis sont nés les

« digital natives », pour qui l’instantané et la rapidité sont les modes d’accès normaux à

toute forme de produit culturel.

14

Dominique NAUROY, Op. Cit., p.6. 15

Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit., pp.30-31.

13

3. Un nouvel essor à la fin des années 2000

Depuis la fin des années 2000 et surtout depuis 2010, on constate donc le

développement d’une offre beaucoup plus conséquente, tant en termes de supports que

de contenus.

En effet, de nombreux distributeurs existants, tels que la Fnac ou encore

Amazon, proposent aujourd’hui un service de téléchargement de livres numériques.

Face à eux, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition sur le marché du livre

électronique. Bruno Patino, auteur d’un rapport sur le livre numérique remis au

Ministère de la Culture en 2008 explique ce phénomène : « Numilog et Cyberlibris, qui

sont deux agrégateurs numériques jouant à la fois le rôle de diffuseur et de distributeur,

proposent par ailleurs des abonnements thématiques s’adressant prioritairement aux

bibliothèques et aux entreprises. »16

Ces nouveaux acteurs sont à ce jour de plus en plus

nombreux à proposer une offre payante de livres numériques, dont nous étudierons les

différentes caractéristiques ultérieurement, dans une partie intitulée « Acquisition et

gestion des collections ». Face à ces distributeurs proposant un accès à une offre légale

payante, se développent également des offres légales gratuites, constituées

majoritairement d’œuvres tombées dans le domaine public, c’est-à-dire dont l’auteur est

décédé depuis plus de soixante-dix ans. C’est le cas par exemple du « Projet

Gutenberg » dont le site Internet17

propose un accès gratuit à des livres numériques dans

différentes langues, mais aussi de sites tels que « Ebooks libres et gratuits »18

, dont les

ouvrages libres de droit sont scannés ou OCRisés par des membres bénévoles. De

nombreux autres sites fonctionnant sur ce système proposent ainsi le téléchargement

gratuit sous différents formats de livres entrés dans le domaine public.

La question des formats est quant à elle l’un des grands enjeux de ce nouvel

essor de l’e-book de la fin des années 2000. Dans son rapport remis à Mme Christine

Albanel, Bruno Patino évoquait cette problématique de la diversité des formats

disponibles : « Il est particulièrement important que ces formats soient harmonisés,

lisibles par le grand nombre possible de logiciels de lecture et de machines. En

favorisant l’interopérabilité, deux objectifs sont atteints : la satisfaction des

16

Bruno PATINO, Rapport sur le livre numérique, disponible sur le site du Centre National du Livre,

<http://www.centrenationaldulivre.fr/?Rapport-de-Bruno-Patino-relatif-au> (consulté le 15.03.2011). 17

Projet Gutenberg <http://www.gutenberg.org/wiki/Main_Page> (consulté le 15.03.2011). 18

Ebooks libres et gratuits <http://www.ebooksgratuits.com/> (consulté le 15.03.2011).

14

consommateurs et la difficulté pour un acteur d’acquérir une position dominante. »19

Or,

il existe à ce jour trois formats principaux – les formats PDF, ePub et Mobipocket –

lisibles par la plupart des lecteurs.

Il semble aujourd’hui possible de dresser une typologie des livres numériques,

assez significative de l’évolution qu’ils ont connu depuis le début des années 2000. On

distingue en effet aujourd’hui deux types de livres électroniques : ceux conçus

spécialement pour le numérique et ceux qui sont le résultat de numérisation et sont donc

des livres papiers transposés. Dans un article intitulé « Le livre numérique en France :

état des lieux et perspectives de développement du marché », François Nawrocki

propose cette distinction entre les deux formes de livres numériques et évoque les

nouvelles possibilités offertes par le « livre augmenté ». Selon lui, « cela posera

forcément la question de la redéfinition du livre : dans l’univers numérique, celui-ci

pourra alors prendre la forme d’une application exécutable ou d’un site web mobile,

mettant en jeu des technologies et des modes d’accès très éloignés des fondamentaux du

monde de l’édition. »20

Avec cette forme de livre électronique, on songe notamment au

projet de feuilleton interactif initié par Alexandre Jardin, qui voit dans le numérique

l’occasion de donner naissance à une nouvelle forme d’écriture. En effet, on constate

que certains auteurs souhaitent apprivoiser cette nouvelle technologie afin d’en tirer de

nouvelles possibilités. C’est le cas d’Alexandre Jardin qui a décidé d’écrire un ouvrage

à paraître au format numérique seulement et utilisant de nouvelles formes d’écritures,

induites par le numérique. Des éditeurs se sont d’ores et déjà emparés de cette nouvelle

forme d’écriture, à l’instar de Storylab21

, « premier label numérique de séries

littéraires ». Par ailleurs, d’autres applications de livre augmenté existent déjà,

notamment en littérature de jeunesse, avec des livres mêlant texte, son, image, ou

encore animations. On pourrait même imaginer des formes totalement novatrices

d’écriture, grâce à la possibilité d’insérer des images notamment. Par exemple, on

pourrait imaginer que l’écrivain les utilise à la place de descriptions, qu’il s’agisse de

paysages ou encore de personnages. On voit bien à ce moment-là que le processus

d’écriture mais aussi de lecture s’en verrait complètement bouleversé : aucune place ne

19

Bruno PATINO, Op. Cit., p.35. 20

François NAWROCKI, « Le livre numérique en France : état des lieux et perspectives de

développement du marché », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47, ADBS, disponible en

ligne, <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm.> (consulté le

15.01.2011). 21

Storylab <http://www.storylab.fr/> (consulté le 03.04.2011).

15

serait plus laissée au lecteur dans la façon de percevoir telle scène ou de s’imaginer tel

paysage. Comme une adaptation cinématographique modifie toujours la perception que

l’on avait d’un livre, cette nouvelle forme d’écriture viendrait imposer à chaque signifié

une représentation bien définie. Face au livre augmenté, produit du numérique, on

retrouve ce que François Nawrocki nomme « livre homothétique » et qui est une

transposition numérique du livre papier. Cette forme de livre numérique se développe

également énormément, pour des raisons de conservation notamment, que nous

évoquerons plus particulièrement quand nous nous intéresserons à la mise à disposition

et à la conservation du patrimoine et des collections.

Le développement de cette offre de livres numériques s’accompagne également

d’une multiplication des supports de lecture. En effet, à ce jour cohabitent deux formes

majeures d’e-books à côté des supports plus mineurs de type smartphone ou console de

jeux (sur lesquels il est possible de lire des livres numériques, même si cela ne constitue

pas une de leurs fonctions principales). Les e-books, sur le modèle du Cybook de Cytale

et donc uniquement dédiés à la lecture se sont développés et se sont multipliés. Ils

offrent aujourd’hui un confort de lecture tout autre, puisqu’ils sont dotés d’écrans qui ne

sont plus rétro-éclairés. Ils utilisent la technologie de l’e-ink, ou encre électronique,

c’est-à-dire que le matériau utilisé pour former l’écran est comme une page

réinscriptible, qui ne consomme pas d’énergie sauf au moment de changer de page.

Parmi ces livres électroniques, on peut citer le Kindle d’Amazon, qui inclut un clavier et

permet donc les annotations, mais aussi le Sony Reader Pocket ou encore le Cybook de

Bookeen. Tous offrent un confort de lecture semblable à la lecture sur papier puisqu’ils

sont équipés de la technologie e-ink.

Face à ce type de modèle se développent aussi très largement depuis 2010 des

« tablettes numériques », qui sont en fait des outils multifonctions qui permettent

notamment de lire des livres électroniques. Le premier à avoir proposé ce type de

produit est Apple, avec l’Ipad, sorti en Mai 2010, et très rapidement d’autres

constructeurs se sont mis à commercialiser ce type de modèle. Ils se présentent sous la

forme d’écrans tactiles, sur lesquels il est possible de s’adonner à tous types d’activités

multimédia, et notamment la lecture. Néanmoins, ils n’offrent pas la même technologie

e-ink que les e-books car contrairement à eux, ils proposent une image en couleur. Par

contre, les tablettes numériques permettent de mêler image, texte, son et vidéo. A

travers ces deux modèles – celui de la tablette et celui du livre électronique – on

16

retrouve les caractéristiques des deux types de livres numériques. En effet, il semblerait

que là où l’e-book en tant que support permet la lecture de « livres homothétiques », les

tablettes offrent quant à elles la possibilité de lire des « livres augmentés », c’est-à-dire

des livres mêlant texte, son, image et vidéo.

Cet état des lieux de l’offre d’e-books, tant en tant que support que contenu, à

l’aube des années 2010, doit cependant être envisagé dans le cas strictement français.

En effet, on peut constater de grandes différences en termes de mentalités d’un pays à

un autre, et toutes les sociétés ne sont pas à même d’accueillir le livre électronique

aujourd’hui. On constate par exemple qu’au Japon, le développement s’est opéré

beaucoup plus rapidement qu’en France, mais il y a au moins deux explications à cela.

Non seulement les Japonais sont réputés pour être friands de nouvelles technologies, ce

qui explique déjà largement l’engouement suscité par la lecture de livres électroniques,

mais en plus on constate que les mangas, genre très apprécié des Japonais,

s’accommodent très bien de ce type de lecture. En effet, la lecture de mangas est très

facilement fragmentable (puisqu’à l’unité qu’est la page vient s’ajouter celle de la case)

et peut donc très facilement s’envisager sur de petits écrans de type smartphone par

exemple. En ce qui concerne les pays latins, et notamment la France, on constate que les

gens envisagent mal de payer pour du numérique (qu’il s’agisse d’un film ou d’un

livre), là où des Américains semblent beaucoup plus enclins à le faire. Il apparaît en

effet aujourd’hui que si 13% des Français déclaraient en 2010 avoir déjà téléchargé un

livre, dans seulement un cas sur quatre il s’agissait d’un livre payant. Dans un article

publié en février 2011 sur le site Internet « Numerama », l’auteur cite un institut de

mesure qui explique ces résultats :

La France est le pays qui souffre le plus du mythe de la gratuité

d'Internet. Là où d'autres pays, USA et Europe du Nord en tête, ont su

expliquer à leurs opinions publiques que Internet était un nouvel accès à

l'information et aux contenus, mais pas un nouvel écosystème, la France n'a

pas su faire passer le message à ses internautes.22

Après quelques ratés au début des années 2000, le livre électronique semble

donc aujourd’hui avoir trouvé la voie du développement en France comme dans

d’autres pays. Reste néanmoins à savoir quel impact l’arrivée de ce nouveau modèle

aura sur les pratiques de lecture.

22

Numerama, « La France encore réfractaire à l’achat de livres électroniques »,

<http://www.numerama.com/magazine/18055-la-france-encore-refractaire-a-l-achat-de-livres-

electroniques.html> (consulté le 15.03.2011).

17

II. Evolution ou révolution ?

1. Temps court et temps long

Si le développement de l’e-book ne semble plus à démontrer aujourd’hui, nous

sommes toutefois en droit de nous demander quel est l’impact de celui-ci sur notre

rapport à la lecture. A ce titre, on peut s’interroger sur la nature de ce changement. Doit-

on parler d’évolution ou de révolution ? En d’autres termes, doit-on considérer l’arrivée

du numérique dans les pratiques de lecture comme une forme de rupture avec les

pratiques acquises ?

Sur ce point, il semble tout d’abord important d’apporter une nuance. En effet, il

paraît pertinent ici de distinguer temps long et temps court. Dans le temps court, le livre

sous sa forme traditionnelle, c’est-à-dire le livre imprimé, nous semble irremplaçable

pour la simple raison qu’il nous semble avoir toujours existé. Depuis l’invention par

Gutenberg de l’imprimerie aux alentours de 1454, il apparaît en effet que le modèle n’a

pas tellement évolué. Depuis cette époque, le livre imprimé se présente en effet sous la

forme d’un objet formé de cahiers, eux-mêmes constitués de pages et divisés en

différentes sections. La lecture proposée est – tout au moins dans la majeure partie des

cas – une lecture linéaire, qui commence à la première page et se termine à la dernière.

Sur la page, cette lecture se traduit à la fois par un mouvement vertical – du haut vers le

bas – et un mouvement horizontal – de gauche à droite. Depuis l’invention de

l’imprimerie, on voit bien que le modèle n’a guère évolué, si ce n’est quelques

adaptations, avec la naissance du livre de poche par exemple. Le fait que ce modèle de

livre existe depuis le XVème

siècle, en fait à nos yeux un exemple de stabilité. Si l’on se

place dans le temps court, le livre imprimé nous semble effectivement être une

technologie éprouvée et irremplaçable.

Par contre, si l’on se place dans le temps long, c’est-à-dire si l’on réfléchit au

contexte dans lequel il s’est développé et à ce qui l’a précédé, on se rend bien compte

que le livre imprimé n’est qu’une étape dans un processus bien plus long. En effet,

avant de prendre l’aspect que nous lui connaissons, le livre avait la forme du volumen,

c’est-à-dire qu’il se présentait comme un rouleau que l’on déroulait au fil de la lecture.

Par la suite, entre les IIème

et IVème

siècles, le volumen a cédé sa place au codex, qui se

présentait quant à lui comme un assemblage de cahiers cousus ensemble. Bruno

Blasselle, auteur d’un ouvrage sur l’histoire du livre évoque l’impact d’un tel

18

changement : « Le rapport à l’homme s’en trouve modifié, fixant les usages dont nous

sommes les héritiers, principalement dans l’organisation des textes : foliotation, division

en chapitres, titres, tables des matières, séparation des mots viendront progressivement

structurer le codex antique. »23

Le passage du volumen au codex, suivi ensuite du livre

imprimé témoignent bien d’une évolution. La lecture telle qu’on la connaît et qu’on la

pratique aujourd’hui n’a pas toujours revêtu cette forme. Qui plus est, on peut constater

que l’imprimerie dans le modèle de livre qu’elle offre, constitue bel et bien une

révolution, mais pas une rupture dans la forme du livre. C’est ce que souligne Bruno

Blasselle dans son ouvrage : « Aussi révolutionnaire que soit la découverte de

l’imprimerie, elle ne constitue pas, du point de vue de la forme du livre, une rupture.

Dans le livre imprimé comme dans le livre manuscrit, les volumes se composent de

cahiers, formés de feuilles pliées, reliés ensemble. La mise en page reste la même. »24

Dans cette optique d’un temps long, une évolution de la forme du livre telle que

nous la connaissons semble donc tout à fait légitime et logique. Pour Lucien Xavier

Polastron25

, le développement de livres numériques semble même inévitable, car il

s’agit d’une évolution qui arrange tout le monde, riches et moins riches. En effet, selon

lui, le développement du livre numérique présente un grand avantage pour les plus

démunis qui ont accès via les bibliothèques numériques à des ouvrages qu’ils n’auraient

pas pu consulter près de chez eux. L’intérêt pour les plus riches réside dans le fait que

selon Lucien Xavier Polastron, depuis l’an 2000, nous en sommes arrivés à un point

proche de la saturation concernant la production de livres papier. Avec le numérique, le

stockage des ouvrages, et notamment de ceux issus du dépôt légal, devrait se voir

facilité.

Enfin, Bruno Patino, dans son rapport remis au Ministre de la Culture, partage

également l’idée selon laquelle le développement de l’imprimé constitue une évolution

plus qu’une révolution.

Dans les secteurs où le basculement s’est produit de façon

significative – l’édition scientifique, technique et juridique d’une part, les

dictionnaires et encyclopédies d’autre part – l’entrée dans l’univers

numérique s’est faite de façon naturelle, sans rupture apparente. Elle n’a

23

Bruno BLASSELLE, Histoire du livre, Vol. 1, A pleines pages, Gallimard, 1999, pp.16-17. 24

Ibid., p.66. 25

Lucien Xavier POLASTRON, La grande numérisation : y a-t-il une pensée après le papier ?, Denoël,

2006.

19

remis en cause ni le modèle commercial, ni la relation avec les auteurs, ni les

usages des lecteurs.26

Par ailleurs, il explique qu’il est plus pertinent de parler d’évolution car le livre

numérique s’installe sur des écrans qui existaient déjà avant ou tout au moins qui n’ont

pas été conçus spécialement pour lui. Nous verrons par la suite que contrairement aux

idées avancées par Bruno Patino, l’arrivée du livre électronique a tout de même remis

en cause certains modèles commerciaux et certains usages. On peut néanmoins

considérer qu’il s’agit là d’une évolution dans le sens où, comme évoqué

précédemment, certains usages et certaines pratiques demeurent, avec le développement

du livre homothétique notamment.

2. De Gutenberg 1.0 à Gutenberg 2.0

Lorenzo Soccavo dans son ouvrage Gutenberg 2.027

, voit également dans

l’arrivée du livre numérique une évolution, plus qu’une révolution. Il utilise pour

illustrer cette idée deux formules : celles de « Gutenberg 1.0 » et de « Gutenberg 2.0 ».

En effet, selon lui il est tout à fait pertinent de comparer ce passage de l’imprimé au

numérique à celui du volumen au codex. En ce sens, il s’agit bien d’une évolution d’un

modèle à un autre et les termes qu’il utilise dénotent un changement majeur. Les notions

de « 1.0 » et « 2.0 » font en effet référence aux domaines de l’informatique et de

l’Internet, puisqu’on les utilise notamment pour évoquer le passage du « web 1.0 » au

« web 2.0 ». Cette terminologie issue de l’informatique est à l’origine utilisée pour

signaler le passage pour un logiciel d’une version à une autre plus développée. Cette

analogie avec les logiciels dénote donc bien une évolution, puisque l’idée sous-jacente

est le passage d’un modèle à un autre amélioré. Dans le cas présent, l’idée défendue par

Lorenzo Soccavo repose sur le fait que l’invention de l’imprimerie serait une version

améliorée du codex et que le livre numérique serait lui-même une version améliorée du

livre imprimé.

Par ailleurs, on peut noter de nombreuses similarités du livre électronique avec

ses « ancêtres », qui apportent une certaine cohérence. On pense notamment au terme de

« tablette » utilisé pour désigner ce nouveau support de lecture numérique. Comment ne

pas y voir un lien avec les tablettes mésopotamiennes, qui étaient elles-mêmes des

supports d’écriture et par là même de lecture ? En cire ou en argile, ces tablettes

26

Bruno PATINO, Op. Cit., p.23. 27

Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit.

20

permettaient d’écrire et elles pouvaient être effacées pour réécrire dessus. Or, qu’est-ce-

que les tablettes numériques, si ce n’est des tablettes d’argile ou de cire très

améliorées ? Qui plus est, on l’a vu, le livre électronique aujourd’hui ne cherche pas à

se détacher totalement de son modèle traditionnel. Qu’il s’agisse des liseuses ou des

tablettes, le format reste très proche de celui des livres traditionnels, que l’on cherche

très clairement à imiter (en termes de structure, de pagination, etc.). Pour Alain

Jacquesson et Alexis Rivier dans Bibliothèques et documents numériques, la fonction

principale de l’e-book demeure la même que celle du livre papier : « La fonction

première des écrans est d’être une interface avec les utilisateurs. La surface de l’écran

est parfaitement comparable à un support de l’écrit plus traditionnel. »28

A ce stade, on

voit donc bien qu’en ce qui concerne le livre homothétique tout au moins, la cohérence

avec ce qui l’a précédé est un des points majeurs, qui permettent de parler d’évolution,

plus que de révolution.

Dans le même ordre d’idées, certains auteurs poussent l’analogie avec les

ancêtres du livre traditionnel tel que nous le connaissons encore plus loin, et n’hésitent

pas à parler de « codex numérique » pour évoquer le livre électronique. Aussi dans un

article publié dans le Bulletin des Bibliothèques de France en 2000, Christian

Vandendorpe voit-il dans le livre électronique l’idéal du codex enrichi :

En intégrant l’hypertexte à la mise en page du codex ou du

magazine, on enrichit l’expérience de lecture en lui donnant plus de fluidité :

l’hypertexte n’est pas envisagé ici comme un dépassement du livre, mais

comme un raffinement dans son organisation tabulaire.29

Qui plus est, le livre électronique pousse également à son paroxysme l’idéal de

portabilité tel qu’il est envisagé avec le codex. En permettant de transporter un très

grand nombre d’ouvrages avec un encombrement minimum, le livre électronique va en

effet dans le même sens que le codex qui, en remplaçant le volumen, devait rendre les

ouvrages plus facilement transportables.

On peut également noter que même dans sa législation, le livre numérique suit

un destin assez similaire à celui du livre imprimé. En effet, la proposition de loi selon

laquelle le livre numérique se verrait appliquer la loi Lang, qui concerne à l’origine les

livres imprimés, a été adoptée par l’assemblée nationale le 15 février 2011 avant de

28

Alain JACQUESSON et Alexis RIVIER, Op. Cit., p.158. 29

Christian VANDENDORPE, « Livre virtuel ou codex électronique ?, les nouveaux prétendants »,

Bulletin des Bibliothèques de France, t.45, n°6, 2000, p.20.

21

partir en deuxième lecture au sénat. Cette loi datant du 10 août 1981 prévoit en effet que

chaque livre ait un prix unique fixé par l’éditeur. Cette disposition a pour but de

protéger les petites librairies face aux grandes surfaces du livre. Appliquée au livre

numérique, elle devrait poursuivre le même objectif. Cependant, de nombreuses voix se

sont élevées car un amendement prévoyait que cette disposition ne s’applique qu’aux

livres dont les éditeurs étaient basés en France. De nombreux professionnels du secteur

du livre voyaient dans cet amendement un risque de dumping particulièrement élevé,

puisqu’il prévoyait que les plates-formes de téléchargement situées à l’étranger ne

soient pas concernées par la loi sur le prix unique du livre. Si le 9 mars 2011, la

commission de la culture du Sénat, certainement consciente du problème occasionné, a

réintroduit la clause d’extraterritorialité, la situation demeure assez complexe. En effet,

le 7 avril 2011, les députés ont à nouveau supprimé la clause d’extraterritorialité, mais

ont rajouté un alinéa : « Est nul et réputé non écrit toute contrat ou toute clause

autorisant la vente d’un livre numérique à un prix de vente inférieur à celui fixé dans les

conditions déterminées au même article 2. »30

Ceci vise à « renforcer le contrat de

mandat régissant les relations entre les éditeurs et les revendeurs installés à l’étranger. »

selon un article du Magazine littéraire.31

Le texte devra enfin être approuvé le 5 mai par

les deux chambres.

L’autre pan de la législation concernant le livre numérique et en particulier le

livre homothétique se rapproche également des dispositions propres au livre imprimé,

puisque comme ce dernier, il devrait se voir appliquer une TVA réduite à 5.5% au 1er

janvier 2012. Cependant une fois encore de nombreuses voix s’élèvent contre cette

disposition. Dans un article intitulé « La TVA à 5.5% sur le livre numérique repoussée

au 1er

janvier 2012 » publié sur le site eBouquin, l’auteur s’interroge sur la pertinence

d’une telle disposition. En effet, selon lui, à l’horizon 2012, le livre numérique aura

continué d’évoluer et il se demande donc si le modèle du livre homothétique sera

toujours aussi pertinent : « Une TVA à 5,5% sera-t-elle toujours utile en janvier 2012?

Certes, le livre homothétique n’aura pas disparu, mais la définition même de livre

numérique aura sûrement changé : livre-web, livre animé, livre-application, livre-

30

Assemblée nationale, Texte adopté n°644, disponible en ligne <http://www.assemblee-

nationale.fr/13/ta/ta0644.asp> (consulté le 15.04.2011). 31

« Accord en vue pour la loi sur le prix du livre numérique, Le Magazine littéraire, en ligne

<http://www.magazine-litteraire.com/content/breves/article?id=18980> (consulté le 15.04.2011).

22

multimédia etc. »32

Toutefois, si l’on met de côté le fait que cette disposition puisse

arriver un peu tardivement, on voit bien qu’elle fait partie d’un dispositif législatif plus

global qui vise au développement du livre numérique dans un sens analogue à celui du

livre imprimé.

A travers toutes ces ressemblances et toutes ces mesures, on voit donc bien

comment le livre électronique évolue dans le même sens que le livre imprimé. En effet,

avec le livre homothétique il s’apparente beaucoup au livre traditionnel et se joue de

cette ressemblance, en utilisant des termes qui tissent des liens directs avec les ancêtres

du livre tel que nous le connaissons aujourd’hui.

3. Si révolution il y a, elle réside dans de nouvelles perspectives

d’écriture et de lecture

Pour autant, il semble assez utile, voire nécessaire de nuancer tout cela. En effet,

il est important de noter que jusque-là, on s’est surtout intéressé aux changements

occasionnés par le livre homothétique. Or, ceux découlant du livre augmenté tel qu’on

l’a défini précédemment semblent assez différents. On peut effectivement penser que

s’il est aujourd’hui possible de parler de révolution en ce qui concerne le

développement du livre électronique en France, c’est bien du fait des nouvelles

perspectives qu’il offre en termes d’écriture et de lecture.

Lucien Xavier Polastron que l’on a déjà évoqué précédemment, parle de fait de

révolution. Selon lui, celle-ci est à relier au passage du volumen au codex. En ce sens, il

rejoint donc la vision de Lorenzo Soccavo rappelée dans la partie précédente.

Cependant, là où ce-dernier utilise l’expression de « Gutenberg 2.0 » pour dénoter une

évolution et souligner une idée de continuité, Lucien Xavier Polastron utilise clairement

le terme de révolution. En effet, dans La grande numérisation, il écarte dès le départ

toute comparaison avec le passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée. Par

contre, en reliant ce changement au passage du volumen au codex, il parle franchement

de révolution : « La révolution avec laquelle cousine le bouleversement contemporain

s’était produite bien plus tôt et elle a duré deux siècles : c’est le formidable transfert des

textes inscrits sur un rouleau – volumen ou rotulus suivant que l’œil y défile

32

eBouquin, « La TVA à 5.5% sur le livre numérique repoussée au 1er

janvier 2012 »,

<http://www.ebouquin.fr/2010/12/13/la-tva-a-55-sur-le-livre-numerique-repoussee-au-1er-janvier-2012/>

(consulté le 17.03.2012).

23

latéralement ou de haut en bas – vers le codex, qui se fit aux alentours de l’an 300. »33

La révolution telle qu’il l’évoque, réside dans le fait qu’il y a un changement de lectures

et de pratiques occasionnées. En effet, on voit bien qu’avec le passage du manuscrit à

l’imprimé, il n’y a pas de véritable bouleversement dans les pratiques, si ce n’est que

cela permet une plus grande production d’écrits. Avec le passage du volumen au codex,

on l’a déjà évoqué, on assiste par contre à une véritable révolution dans les pratiques de

lecture. Or, c’est également ce qui se passe avec le passage du livre imprimé au livre

numérique, tout au moins quand il est question du livre augmenté, c’est-à-dire du livre

qui tire profit des nouvelles possibilités offertes par le numérique, notamment en termes

de multimédia.

Lise Vieira partage également cet avis, puisque selon elle, la véritable révolution

en soi ne réside pas dans le nouveau format ou la nouvelle matérialité du livre, mais

plutôt dans l’hypertexte et les nouvelles possibilités de navigation induites. En effet, le

fait que le livre numérique se présente sous la forme d’un écran, tactile ou non, avec des

boutons ou non, ne constitue pas un véritable bouleversement en soi. Par contre, le fait

que le livre évolue dans les possibilités d’écriture et de lecture qu’il offre en fait un outil

révolutionnaire. On rejoint donc bien ici la notion de livre augmenté évoquée

précédemment : il est question d’un livre qui combine le texte à d’autres ressources

multimédias (son, image, vidéo), ce qui ouvre totalement le champ des perspectives

offertes par celui-ci. A ce propos, Lise Vieira explique que « l’ère de l’électronique est

ouverte, et ses premières réactions laissent entrevoir que le territoire couvert par ces

nouvelles formes d’édition sera une extension beaucoup plus vaste que celui de

l’imprimé. »34

On peut également songer aux multiples possibilités offertes par

l’hypertexte. En effet, il est aujourd’hui possible avec un livre numérique de cliquer sur

un mot pour obtenir sa définition par exemple. L’hypertexte – qui est non seulement

l’un des produits d’Internet mais aussi la parfaite illustration des possibilités de

navigation qu’il offre – se voit adapté et relié aux problématiques de lecture. Le livre

donne effectivement des moyens diversifiés d’accès aux éléments du texte, rompant

avec la linéarité traditionnelle : les hyperliens permettent une lecture « rhizomatique »,

c’est-à-dire fragmentaire et totalement personnelle. En effet, plus personne ne suit le

même « chemin » de lecture et chaque lecteur peut donc construire son livre. Et selon

Lise Vieira, « c’est ce nouveau moyen de naviguer dans le savoir qui constitue la

33

Lucien Xavier POLASTRON, Op. Cit., p.122. 34

Lise VIEIRA, Op. Cit., p.20.

24

véritable novation culturelle [...]. Le changement de support doit bien être compris

comme une manière nouvelle de conception et de diffusion des contenus et non comme

un simple transport du papier vers l’électronique. »35

A travers ces différents avis, on voit bien qu’en réalité, tous ces auteurs

partagent une même idée de changement. En effet, tous reconnaissent et soulignent

celui-ci, seulement, certains y voient un bouleversement plus profond que d’autres.

Nombreux sont ceux qui font le lien avec le passage du volumen au codex et évoquent

les multiples similitudes entre les deux évolutions. Toutefois, la distinction entre livre

homothétique et livre augmenté semble d’autant plus justifiée ici que l’on remarque

bien que les deux types de livres ne vont pas engendrer les mêmes pratiques de lecture

et ne vont donc pas avoir le même impact sur notre rapport au livre et à la lecture. L’un

apparaît effectivement plus révolutionnaire que l’autre, par la multitude et la diversité

des nouvelles possibilités qu’il offre à son lecteur.

III. L’impact de ce changement sur les pratiques de lecture

1. Les publics concernés et l’attrait de la modernité

Maintenant que l’on a étudié la façon dont le livre électronique s’est développé

ces dernières années et que l’on s’est interrogé sur l’outil révolutionnaire qu’il

représentait ou non, il semble important de s’intéresser aux différents impacts qu’il peut

avoir sur les pratiques de lecture. En effet, il semble déjà possible d’avancer que toutes

les tranches de la population ne sont pas concernées de la même façon par le

développement du livre électronique.

L’étude du CNL menée de 2009 à 2010 intitulée Le livre sera-t-il numérique ?36

s’intéresse particulièrement aux différents publics touchés par cette question. Au travers

de questionnaires et d’entretiens, le CNL tente ici de dresser un premier portrait des

utilisateurs d’e-books, des personnes potentiellement intéressées par ceux-ci et de ceux

qui, au contraire, ne voient aucun intérêt dans ce nouvel outil. A l’issue de cette étude,

le CNL distingue trois profils, chacun plus ou moins intéressé par le livre électronique :

les « affectifs », les « pragmatiques » et les « distants ».

35

Ibid., pp.44-45. 36

Centre National du Livre, Op. Cit.

25

Les « affectifs » et les « pragmatiques » appartiennent à la catégorie des moyens

ou des gros lecteurs, mais leur rapport à la lecture et à l’objet livre est assez différent.

Les « affectifs » ont une relation jugée boulimique à la lecture et à l’objet livre et la

lecture fait partie intégrante de leur quotidien. Les « pragmatiques », s’ils ont une

relation forte à la lecture, présentent par contre une relation ambivalente à l’objet livre.

Contrairement aux « affectifs », la relation sensuelle et sensorielle au livre peut être

évoquée, mais c’est par habitude. La relation physique au livre ne constitue pas une

dimension structurelle dans l’expérience de lecture. Enfin, les « distants » sont de petits

lecteurs et leurs représentations associées au livre sont assez négatives. De plus, ils sont

nombreux à évoquer un certain sentiment d’exclusion vis-à-vis du livre et de la lecture.

En ce qui concerne la lecture de livres électroniques, le public désigné dans

l’étude comme le « public intéressé » (c’est-à-dire celui constitué de lecteurs de livres

électroniques) est surtout constitué de « pragmatiques » et de quelques « affectifs » qui

ont recours à la lecture électronique surtout pour gérer des contraintes budgétaires. Un

premier profil de lecteurs d’e-books se dessine donc déjà : ce sont pour la majorité

d’entre eux des personnes pour qui la lecture est une activité importante mais pour qui

le contact avec l’objet livre ne constitue pas un élément indispensable à l’acte de

lecture. Cette description semble d’ailleurs se confirmer par la suite en ce qui concerne

les personnes qui ne lisent pas encore de livres électroniques. En effet, les « affectifs »

ne voient aucun intérêt pour eux-mêmes dans la lecture d’e-books, alors que pour les

« pragmatiques » ceux-ci pourraient représenter un outil pratique et permettre un gain

de place. Les premiers y voient effectivement un sacrifice plus grand dans la perte du

papier comparé aux bénéfices occasionnés par le numérique. Ils évoquent également la

peur d’être dépassés par la technologie. Les seconds sont quant à eux attirés par la

possibilité de choisir ses livres en situation de mobilité et par la recherche

d’optimisation du contenu rendue possible, notamment en termes d’actualisation et

d’interactivité. Les « distants » quant à eux voient dans le livre électronique un nouveau

support séduisant, à même de redynamiser leur intérêt pour le livre, car rendu plus

accessible et plus ludique.

Si l’étude du CNL distingue les différents publics sur la base de leur relation au

livre, il semble également possible de noter des différences de points de vue liées à

l’âge et aux différences de générations. En effet, après avoir interrogé différentes

personnes qui semblaient constituer un public potentiel, il a été possible de se rendre

26

compte que les personnes âgées et les plus jeunes n’abordaient pas du tout la lecture

électronique de la même façon. Marie-Jeanne37

, retraitée, ne connaît pas le livre

électronique. Même une fois défini, l’e-book semble lui faire plutôt peur et elle y voit

beaucoup d’inconvénients. Elle se représente la lecture électronique principalement sur

ordinateur et y voit de sérieux désavantages. En effet, comparée à la lecture classique, la

lecture électronique éveille en elle un certain nombre de soucis d’ordre matériel : lire

sur ordinateur sous-entend dépendre d’une machine et donc devoir l’allumer et

l’éteindre à chaque utilisation. Cela sous-entend également de rester assis sur une chaise

devant son ordinateur, là où avec un livre papier on peut lire dans différentes positions.

Si on peut objecter que la lecture sur ordinateur n’est qu’une possibilité parmi d’autres,

il semble tout à fait significatif de noter que l’ordinateur est également cité comme le

support principal dans l’étude du CNL évoquée ci-dessus. Toutefois, il est jugé inadapté

par tous ceux qui l’évoquent en raison de l’inconfort qu’il suscite et aussi du fait de la

gestuelle liée à la lecture qu’il ne reproduit pas.

Pierre38

, un adolescent de seize ans également interrogé sur la lecture

électronique, offre une vision des choses tout à fait différente. En effet, le numérique ne

lui fait pas peur, lui qui fait partie de la génération qu’on appelle les « digital natives »

et qui a déjà eu l’occasion de lire des extraits de livre électronique sur un Ipad. Il voit au

contraire dans l’électronique un attrait plus important que dans le livre papier. Il

explique même que s’il avait à choisir entre un même ouvrage sous format papier ou

sous format électronique, il choisirait certainement ce dernier. La modernité l’attire,

mais il reste toutefois très pragmatique : un livre reste un livre et même si l’enveloppe

change, le contenu et le nombre de pages restent les mêmes. Si dans un premier temps

l’aspect innovant et novateur peut lui donner envie de lire un livre, il admet que cela ne

le fera pas lire plus. Il est par ailleurs conscient des avantages offerts par le papier et la

possibilité de se créer sa propre bibliothèque notamment. L’idéal consisterait selon à lui

à pouvoir concilier les deux : constituer sa bibliothèque de livres papier, mais aussi

avoir la possibilité de constituer sa bibliothèque électronique et pouvoir l’emmener

partout.

Enfin, il semble également important de noter que l’offre induit aussi les

pratiques. Or, certains secteurs et certains domaines sont clairement plus amenés à se

37

Cf. entretien en annexe n° 1. 38

Cf. entretien en annexe n° 2.

27

développer que d’autres. Bruno Patino, dans son rapport adressé au Ministre de la

Culture notait en 2008 que « ces diverses offres sont donc essentiellement concentrées

dans les secteurs des livres pratiques et de la littérature professionnelle. »39

On

comprend donc bien que tous les publics ne sont pas touchés par ces types de lecture et

surtout on voit bien à quel point une distinction entre deux types de pratiques – lecture

loisir et lecture professionnelle – s’impose.

2. Lecture loisir

Selon Brigitte Simonnot lors de son intervention intitulée « Médiation et

médiateurs de la lecture numérique » au colloque sur les « Métamorphoses numériques

du livre », « on ne devrait pas parler de la lecture numérique, mais des lectures

numériques. »40

En effet, on comprend bien qu’il existe autant de lectures numériques

qu’il y a non seulement de types de textes (on songe notamment à la lecture de livres

pratiques, d’ouvrages de littérature, etc.), mais aussi qu’il y a d’écrans et de supports

différents. En effet, il semble assez logique de penser que l’on ne va pas aborder de la

même façon la lecture d’un chapitre dans un guide de voyage sur une tablette et la

lecture dans son intégralité d’un classique de la littérature sur un écran d’ordinateur.

Néanmoins, il semble possible de distinguer entre lecture loisir et lecture

professionnelle ou érudite. En effet, là où la première est une lecture pour le plaisir et

n’a pas vocation à une véritable réflexion sur le texte, la seconde au contraire peut

amener à une prise de notes ou à un surlignage du texte avec par exemple pour objectif

de le commenter.

A l’intérieur même de cette catégorie que constitue la lecture loisir, il est

également possible de distinguer deux grands types de lecture : la lecture de livres

pratiques et la lecture littéraire. Cette distinction n’est par ailleurs pas propre à la lecture

numérique, puisqu’on la retrouve également avec les ouvrages imprimés. Cependant, il

apparaît que chaque catégorie présente des caractéristiques particulières qui font que

leur lecture sous forme numérique s’en trouve modifiée. L’un des traits principaux que

l’on peut noter à propos de la lecture numérique c’est qu’elle appelle surtout une lecture

fragmentée. En effet, si l’on songe notamment à la lecture sur un écran d’ordinateur,

39

Bruno PATINO, Op. Cit., p.23. 40

Brigitte SIMONNOT, « Médiation et médiateurs de la lecture numérique ». In Actes de colloque Les

métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction

d’Alain Giffard, pp.53-61. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-

MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).

28

dans le cadre d’une lecture pour le plaisir, on se rend bien compte qu’on va avoir

tendance à aller consulter ponctuellement telle partie ou tel chapitre d’un ouvrage, bien

plus qu’on ne va le lire dans son intégralité, du début à la fin. Là où on évoquait en effet

précédemment que la lecture en position assise devant un écran d’ordinateur pouvait se

révéler fastidieuse, le recours ponctuel à cette forme de lecture pour, par exemple,

consulter une recette de cuisine ou un chapitre dans un ouvrage sur le bricolage semble

nettement plus envisageable. Or, on comprend aisément pourquoi les livres pratiques

répondent parfaitement à ce type de lecture. Pour reprendre l’exemple du livre de

recettes, il ne s’agit pas d’un ouvrage que l’on va lire de la première à la dernière page,

tout comme on ne va pas lire dans son intégralité un guide de voyages. En ce sens, on

voit bien que la lecture numérique, surtout lorsqu’elle s’effectue sur un écran

d’ordinateur, ou même sur une tablette, répond aux différentes caractéristiques de la

lecture de livres pratiques.

Par ailleurs, cette tendance se confirme nettement lorsqu’on s’intéresse aux

livres les plus téléchargés. Une étude réalisée par le MOtif41

, l’observatoire du livre et

de l’écrit en Ile de France, porte sur l’offre illégale de livres numériques en France en

2010. On peut penser qu’une étude sur le téléchargement illégal est assez représentative

des pratiques de lecture numérique, puisqu’on voit bien à travers ces titres les plus

piratés quelles sont les grandes tendances en termes de livres numériques. Or, ce que

l’on constate à la lecture de cette étude c’est que 44.8% des livres piratés sont des livres

de littérature et que juste derrière on retrouve les livres pratiques, qui représentent

37.7% des livres piratés. Par ailleurs, Tout couscous42

, le deuxième livre le plus présent

sur les réseaux pirates – derrière Apocalypse Bébé43

de Virginie Despentes – en France

sur Internet, est un livre de recettes, ce qui va bel et bien dans le sens de l’analyse que

l’on a pu proposer sur cette forme ponctuelle de lecture numérique.

Toutefois, le titre le plus présent sur les réseaux pirates est un roman, ce qui nous

amène à la deuxième forme de lecture loisir. En effet, on peut constater que bon nombre

des auteurs les plus présents sur ces réseaux sont des auteurs de romans contemporains,

ce qui nous laisse penser que la lecture numérique d’ouvrages littéraires est une pratique

répandue. Cette tendance est par ailleurs confirmée par l’étude du CNL qui rappelle que

41

MOtif, « Etude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2010 », disponible en

ligne <http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/242/fichier_fichier_le.motif.ebookz.2.pdf> (consulté le

21.03.2011). 42

Sophie BRISSAUD, Tout couscous, Minerva, 2009. 43

Virginie DESPENTES, Apocalypse Bébé, Grasset, 2010.

29

« la littérature classique, les livres scientifiques et les livres pratiques sont les

principaux genres de livres lus au format numérique. »44

A côté du téléchargement

illégal d’œuvres littéraires récentes, on note surtout beaucoup de téléchargements

gratuits de classiques ou de livres tombés dans le domaine public. Ce constat,

qu’effectue également le CNL dans son enquête, puisqu’il évoque le téléchargement

gratuit comme étant le principal moyen de se procurer des livres numériques pour le

public actuel, montre bien que la lecture loisir demeure l’une des principales raisons de

recours à la lecture numérique. Toutefois, l’étude du CNL souligne une caractéristique

de cette lecture d’œuvres littéraires au format numérique : « Si la lecture de livres

numériques reste pour eux principalement une activité de loisir, elle se fait de manière

plus fractionnée que celle des livres papiers. »45

Cette lecture fragmentée, que l’on

évoquait précédemment concernant les livres pratiques, serait donc une caractéristique

plus large de la lecture numérique. Or, c’est cet aspect qui amène certains auteurs à

s’interroger. En effet, Hervé Le Crosnier lors de son intervention au colloque sur les

« Métamorphoses numériques du livre » évoquait les nouvelles pratiques de lecture

induites par le numérique. Selon lui, si avant, avec le livre imprimé, on lisait un roman

du début à la fin, aujourd’hui le modèle qui se profile est tout autre : « Ce modèle est en

train de se transformer en une relation de communication où lire signifie parler des

livres, recommander des livres. »46

Or, pour parler des livres, nul besoin de les avoir lus

de bout en bout. En témoigne d’ailleurs la récente parution d’un livre intitulé Comment

parler des livres que l’on n’a pas lus ?47

. Cette idée est également partagée par

Françoise Benhamou qui, lors du même colloque, évoquait la possibilité d’un

développement de nouveaux modèles économiques en fonction de cette nouvelle forme

de lecture fragmentée. Elle songe notamment à des achats de textes intégraux, mais

aussi des achats d’« un ou plusieurs morceaux de textes pris dans des ouvrages

différents. »48

44

Centre national du livre, « Résultats quantitatifs », in Le livre sera-t-il numérique ?, p.16. Enquête

réalisée en 2009 et 2010, disponible sur Internet < http://www.centrenationaldulivre.fr/?Le-livre-sera-t-il-

numerique>. 45

Ibid., p.16. 46

Hervé LE CROSNIER, « Pratiques de lecture à l’ère de l’ubiquité, de la communication et du partage

de la connaissance». In Actes de colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence

Régionale du Livre PACA, sous la direction d’Alain Giffard, pp.7-16. Disponible en ligne :

<http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011). 47

Pierre BAYARD, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?, Editions de Minuit, 2007. 48

Françoise BENHAMOU, « Livre numérique : quel modèle économique pour un changement de

paradigme ? ». In Actes de colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence

30

La lecture loisir, de textes pratiques comme de textes littéraires, est donc une des

possibilités offertes par la lecture numérique. Toutefois, la lecture numérique de loisir,

si elle présente de nombreuses similitudes avec la lecture de loisir sur papier, présente

un certain nombre de caractéristiques qui lui sont propres et qui suggèrent de nouvelles

perspectives de développement.

3. Lecture professionnelle ou de recherche

On l’a vu, à côté de la lecture de loisir cohabite un autre type de lecture, que

d’aucuns disent encore plus adapté à la lecture numérique : il s’agit de la lecture

professionnelle ou de recherche. En effet, l’étude du CNL montre que parmi le public

des utilisateurs actuels d’e-books, les « affectifs » ont recours aux livres électroniques

dans le cadre de lectures professionnelles uniquement et les « pragmatiques » les

utilisent également majoritairement dans ce même contexte. Ces personnes auraient

donc adopté le livre numérique dans le cadre de leur travail, mais pas pour leurs lectures

personnelles. Lorsqu’on fait ainsi référence aux « lectures professionnelles », il peut

être question de lectures plus ou moins ponctuelles et surtout plus ou moins longues

selon qu’il s’agit de l’étude d’une œuvre littéraire dans le cadre d’un travail de

recherche par exemple, ou de la lecture d’un document plus court au format

numérique. Dans tous les cas, il s’agit néanmoins d’une lecture que l’on peut qualifier

d’active, c’est-à-dire qui amène son lecteur à réfléchir à ce qu’il lit et peut appeler une

activité de surlignage ou de prise de notes en marge du texte.

Dans le cadre de rencontres avec des utilisateurs potentiels d’e-books, nous nous

sommes entretenus avec Thomas Lebarbé49

, enseignant-chercheur à l’Université

Stendhal de Grenoble (laboratoire LIDILEM). Son profil et son ressenti vis-à-vis de la

lecture d’e-books semblent assez représentatifs du phénomène que l’on vient d’évoquer.

En effet, celui-ci voit un grand intérêt dans le recours à la lecture numérique dans le

cadre de son travail, mais pas du tout dans le cadre de ses lectures personnelles. En tant

que chercheur en informatique et linguistique, il a largement recours à ce type de lecture

et possède d’ailleurs un Ipad. Il l’utilise dans le cadre de ses recherches et lors de notre

entretien, il a par exemple évoqué une version numérique d’Alice au pays des merveilles

sur laquelle il travaillait. Pour autant, il n’appréhende pas du tout de la même façon la

Régionale du Livre PACA, sous la direction d’Alain Giffard, pp.17-26. Disponible en ligne :

<http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011). 49

Cf. entretien en annexe n°6.

31

lecture personnelle et n’envisage absolument pas de lire sur son Ipad dans un autre

contexte que le contexte professionnel.

Il semble donc à ce stade pertinent de s’interroger sur les raisons pour lesquelles

la lecture professionnelle – et notamment la lecture de recherche – se prête bien à la

lecture numérique. Comme on l’a vu précédemment, le livre numérique permet une

lecture sélective, très pratique pour le chercheur ou l’étudiant. En effet, celui-ci peut très

facilement se procurer une partie d’un ouvrage. La technologie de l’hypertexte permet

quant à elle de naviguer plus facilement, non seulement à l’intérieur du texte, mais aussi

entre différents textes. Cependant, cette possibilité offerte par le livre numérique amène

Lise Vieira à s’interroger sur le nouveau comportement du lecteur, occasionné par une

telle pratique. Elle redoute en effet que ne se développe un comportement « zappeur »,

surtout chez les jeunes, à l’image de l’internaute et du téléspectateur qui, face à

l’abondance de l’information et la facilité à l’obtenir, peuvent se permettre ce type de

comportement. Elle évoque notamment une « fâcheuse tendance à « zapper » dans le

texte en évitant les descriptions jugées trop longues. »50

Qui plus est, dans la plupart des

textes électroniques et notamment dans les documents numérisés en mode texte, il est

tout à fait possible d’effectuer des recherches à l’intérieur même du texte (recherche de

l’occurrence d’un même mot, etc.). Dans leur ouvrage Bibliothèques et documents

numériques, Alain Jacquesson et Alexis Rivier regroupent ces différentes possibilités

sous la notion d’«exploration linguistique »51

. Il s’agit notamment d’analyse

morphosyntaxique, d’analyse sémantique, ou encore de statistique linguistique et de

comparaison de versions. On voit donc bien à travers ces différentes notions à quel

point dans le cadre d’une lecture professionnelle et surtout d’une lecture de recherche, le

livre numérique offre un certain nombre de possibilités qui n’étaient pas envisageables

avec l’imprimé, ou qui se révélaient en tous cas très fastidieuses.

De nombreuses autres fonctionnalités s’offrent au lecteur actif avec le livre

électronique. En effet, aujourd’hui la plupart des supports (qu’il s’agisse des ordinateurs

ou des supports dédiés) offrent des fonctions d’annotation, de surlignage ou de signets,

qui permettent d’enrichir la lecture. A l’image des annotations qui fleurissaient dans les

marges au Moyen Age, il est aujourd’hui possible de prendre des notes sur les textes

numériques, ce qui laisse imaginer de possibles passages d’annotations entre lecteurs,

50

Lise VIEIRA, Op. Cit., p.130. 51

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit.

32

ou encore la création de mots clés pour relier des passages distants entre eux. Des outils

tels que LibraryThing52

ou Delicious53

permettent d’ores et déjà de partager des

annotations, des notes de lecture, etc. Dans Bibliothèques et documents numériques, les

auteurs évoquent également une nouvelle possibilité offerte par les livres numériques et

notamment les bibliothèques numériques. Il s’agit de la création de corpus personnels :

« Les bibliothèques numériques sont éclatées, disséminées aux quatre coins d’Internet.

Des possibilités de transfert simples permettent à chacun de faire venir à soi des

quantités de savoirs inimaginables auparavant. Les chercheurs, en particulier,

constituent sur leur poste de travail des corpus personnels. »54

En effet, on voit bien

avec les textes numériques à quel point la notion de corpus prend toute son importance.

Jean Clément, dans son ouvrage La littérature au risque du numérique, évoque même

l’idée selon laquelle le livre ne serait plus l’unité de lecture, mais que ce serait le

corpus. En effet, avec la lecture sur écran on peut en quelques instants avoir accès à

toute l’œuvre de Chateaubriand et c’est ce qui fait tout son intérêt. C’est ce qui amène

Jean Clément à penser que « le corpus remplace le livre. Constitué des textes d’un

même auteur ou de ceux d’un ensemble plus large (une anthologie d’un genre littéraire,

une collection des ouvrages publiés dans une période donnée, etc.), le corpus est la

nouvelle unité de lecture sur support électronique. »55

A l’aube de la décennie 2010, le développement du livre électronique semble

plus qu’amorcé et même si les modèles semblent prompts à continuer d’évoluer, on peut

d’ores et déjà noter l’émergence de deux types de livres électroniques, à savoir le livre

homothétique et le livre augmenté. Chacun avec leurs caractéristiques, ces livres

électroniques sont à l’origine de nouvelles pratiques de lecture, tant en ce qui concerne

la lecture personnelle de loisir que la lecture professionnelle de recherche. Reste

maintenant à s’interroger sur l’impact de ces nouvelles formes de livre et de lecture sur

l’organisation des bibliothèques. Quels sont à ce jour les changements occasionnés dans

les bibliothèques de lecture publique et dans les bibliothèques universitaires ? Et quelles

perspectives de développement le livre et la lecture numériques offrent-ils à ces mêmes

bibliothèques ?

52

LibraryThing < http://www.librarything.fr/> (consulté le 23.03.2011). 53

Delicious < http://www.delicious.com/>, (consulté le 23.03.2011). 54

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., pp.398-399. 55

Jean CLEMENT, « La littérature au risque du numérique ». Document numérique, 2001 /1-2, vol.5.

Disponible en ligne, <www.cairn.info> (consulté le 31.01.2010).

33

Deuxième partie : L’intégration de collections de livres numériques dans des fonds de bibliothèques

I. Les bibliothèques municipales : comparaison de

différents modèles

1. Les bibliothèques municipales de Grenoble : le choix de Numilog

Nous allons à présent nous appuyer sur différents exemples de bibliothèques

ayant intégré – à des degrés divers – des fonds de livres numériques dans leurs

collections. Ces différents cas nous permettront par la suite d’élargir à des

considérations d’ordre plus général concernant la position des bibliothèques

municipales et bibliothèques universitaires. Toutefois, nous ne traiterons pas ici les cas

particuliers que représentent la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque

Publique d’Information (BPI) et les bibliothèques départementales de prêt. En effet, la

BPI et la BnF présentent des caractéristiques qui ne sont propres qu’à elles-mêmes et ne

permettraient pas de tirer de conclusions générales de leurs expériences. Les

bibliothèques départementales de prêt semblent quant à elles à ce jour moins prompts à

proposer des services de prêt de livres électroniques étant donné qu’elles ne sont pas

directement en contact avec le public. Nous étudierons donc comment les bibliothèques

ouvertes à différents types de public que sont les bibliothèques municipales et les

bibliothèques universitaires réagissent et décident d’agir face au développement du livre

électronique.

Le premier exemple que nous allons étudier est celui des bibliothèques

municipales de Grenoble. Elles sont organisées en un réseau de quatorze bibliothèques,

dont trois grandes et un certain nombre de bibliothèques de quartier et de bibliothèques

spécialisées et associées. En ce qui concerne leur offre de livres électroniques, les

bibliothèques municipales de Grenoble proposent à ce jour un accès à Numilog, que les

usagers peuvent atteindre directement de chez eux via le site des bibliothèques. Pour les

usagers qui possèdent un abonnement au réseau et qui souhaitent accéder à ce service de

prêt de livres numériques, il est nécessaire de faire une demande auprès des

bibliothécaires afin de s’enregistrer. Il s’agit donc bien d’une démarche que l’usager

34

doit faire en plus de son abonnement, toutefois ce service est compris dans celui-ci et ne

lui coûte rien de plus.

Sur le site de Numilog, l’usager a alors accès à un catalogue de 480 titres56

dans

divers domaines (des livres pratiques aux essais, en passant par les romans et la poésie)

et il peut emprunter simultanément deux ouvrages pour une durée de quatre semaines,

c’est-à-dire comme pour les documents imprimés de type livres ou revues. A la fin de

cette période de prêt, l’ouvrage disparaît directement du support sur lequel il est stocké,

qu’il s’agisse d’un ordinateur ou d’un e-book. Il existe également un autre type d’accès

à ces documents. En effet, l’usager peut soit télécharger le livre pour quatre semaines,

comme on vient de le voir, soit le consulter pendant deux heures en accès sur place.

Différents formats de lecture sont proposés, à savoir le format PDF, le format ePub et le

format WMA pour les livres audio, qui sont également considérés comme des livres

numériques. Les droits numériques sont ensuite spécifiques à chaque ouvrage. Aussi,

est-il parfois possible d’imprimer quelques pages pour certains livres, alors que pour

d’autres aucun accès de ce type n’est autorisé. Une fois le document emprunté, l’usager

est tout à fait libre de le transférer sur un autre périphérique ou un autre support qu’un

ordinateur. Les livres peuvent par ailleurs être restitués avant l’échéance, comme cela se

pratique d’habitude en bibliothèque. Enfin, lorsqu’elles souscrivent à Numilog, les

bibliothèques acquièrent un certain nombre de titres et pour chaque titre un certain

nombre d’exemplaires. Aussi, lorsqu’un exemplaire est emprunté, il n’apparaît plus

comme disponible sur l’interface de Numilog. On voit donc bien avec ce système à quel

point le modèle repose sur les mêmes modalités de prêt que les documents physiques, ce

qui n’est pas toujours le cas, comme nous aurons l’occasion de nous en rendre compte

par la suite.

Lors de notre entretien avec Christine Carrier57

, directrice des bibliothèques

municipales de Grenoble, celle-ci nous a rappelé que les sélections en matière de livres

numériques s’inscrivaient dans une politique documentaire plus large. En effet, le choix

d’acquérir tel ou tel livre numérique s’insère dans une politique globale. Il s’agit là de

compléter les collections physiques dont disposent déjà les bibliothèques et de faire en

sorte que documents imprimés et documents numériques se complètent au mieux. Annie

56

Annie BRIGANT, « Le prêt de livres numériques à la Bibliothèque de Grenoble », BPI

<http://www.bpi.fr/fr/professionnels/collections_et_services2/carel_ressources_electroniques/en_savoir_p

lus/numilog_a_grenoble.html> (consulté le 18.04.2011). 57

Cf. entretien en annexe n° 3.

35

Brigant, responsable de la mission numérique au sein du réseau des bibliothèques

municipales de Grenoble, dans un bilan qu’elle dresse du service sur le site de la BPI,

explique que les acquisitions de titres ont été au départ guidées par « la volonté d’offrir

une image de la diversité du catalogue Numilog » et qu’elles « se concentrent

aujourd’hui sur les secteurs les plus attractifs : l’informatique, les livres pratiques et un

certain nombre de titres de romans très demandés en édition imprimée, pour lesquels

l'existence d'une version numérique constitue une possibilité supplémentaire d'accès au

document. »58

En ce qui concerne le traitement des documents, Annie Brigant explique

que les livres numériques sont catalogués et apparaissent donc dans l’OPAC et qu’un

lien hypertexte permet à l’usager d’accéder directement à l’interface de Numilog depuis

celui-ci. A l’heure d’aujourd’hui, les bibliothèques municipales de Grenoble

n’envisagent pas d’investir dans du matériel (avec l’achat de supports de types e-books

ou tablettes) car elles attendent de voir quel modèle va subsister avant de s’équiper.

Toutefois, la mise en place d’un système de prêt de supports de types liseuses semble

tout à fait envisageable selon Christine Carrier. Elle explique par ailleurs qu’elle suit de

près ces évolutions et est en contact avec un certain nombre de bibliothèques qui ont

d’ores et déjà adopté ce système.

Les bibliothèques municipales de Grenoble ont fait le choix de se tourner vers

Numilog non seulement pour une raison financière, mais aussi parce que ce modèle

proposait un large choix de livres pratiques, mieux adaptés à la lecture numérique selon

Christine Carrier. Toutefois, elle explique que l’offre ne suscite pas l’engouement

escompté et que les résultats sont assez mitigés. Le service ArteVoD de vidéos

numériques semble beaucoup plus utilisé et apprécié des usagers, alors même que les

deux services sont accessibles de la même façon sur le site des bibliothèques

municipales de Grenoble et que le même type de communication est effectué autour des

deux. De manière plus globale, Christine Carrier évoque une évolution du livre

numérique moins rapide qu’escomptée et un engouement moins important que prévu.

Selon elle, cela pourrait être lié au fait que les gens sont encore réticents à l’idée de

consulter un produit culturel sur Internet et que le seul véritable public touché par ce

service se constitue surtout des jeunes.

58

Annie BRIGANT, « Le prêt de livres numériques à la Bibliothèque de Grenoble », BPI

<http://www.bpi.fr/fr/professionnels/collections_et_services2/carel_ressources_electroniques/en_savoir_p

lus/numilog_a_grenoble.html> (consulté le 18.04.2011).

36

Dans un article59

publié sur son blog Bibliobsession, Silvère Mercier nous livre

son analyse sur la façon dont les ressources numériques sont exploitées par les

bibliothèques. Pour asseoir celle-ci, il s’appuie sur un point effectué par Annie Brigant.

Dans cette analyse, elle explique à quel point la gestion du numérique est une tâche

difficile pour les bibliothécaires du fait de la multiplication et de la diversité des

modèles. En effet, il n’est pas seulement question ici des livres numériques, mais aussi

de la musique ou encore des films au format numérique. Or, chacun – à l’image de

Numilog pour les livres – possède un mode de fonctionnement qui lui est propre,

notamment en matière de modalités de prêt ou de consultation, en matière de DRM60

,

etc. Tout cela rend donc la gestion très complexe et en fait un système très peu lisible.

Elle explique d’ailleurs que « toutes ces contraintes font de l’utilisation des ressources

numériques – notamment à distance – un véritable parcours du combattant pour les

usagers dont seuls les plus motivés vont au bout de la démarche. » Cette complexité et

ce foisonnement des modèles pourraient donc en partie expliquer les résultats mitigés

évoqués par Christine Carrier. En effet, on comprend aisément que l’utilisation du

numérique soit aujourd’hui quelque chose qui apparaisse comme complexe aux yeux

des usagers alors même que la situation est déjà très délicate pour les bibliothécaires.

Or, c’est à eux que revient le rôle d’engranger de nombreuses informations relatives aux

différents systèmes afin d’être en mesure de les leur expliquer.

2. La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux : la première à

expérimenter le prêt de liseuses électroniques

La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux propose un service différent des

bibliothèques municipales de Grenoble, puisqu’il s’agit de la première bibliothèque en

France à avoir proposé un prêt de liseuses électroniques. En effet, depuis le début de

l’année 2010, la médiathèque dispose de seize liseuses que ses usagers peuvent

emprunter dans les mêmes conditions que pour les livres papier, c’est-à-dire pour une

durée maximum de 24 jours. Aucune caution n’est demandée aux emprunteurs, qui

doivent simplement disposer d’un abonnement adulte à la bibliothèque. En cas de casse

d’un appareil, le lecteur s’engage en revanche à le racheter. La médiathèque propose à

59

Silvère MERCIER, Bibliobsession, « Ressources numériques : des trésors derrière des forteresses »,

<http://www.bibliobsession.net/> (consulté le 24.03.2011). 60

Digital Rights Management (définition dans le lexique), que nous évoquerons plus largement au cours

de la troisième partie.

37

ce jour quatre modèles différents, assez représentatifs du marché actuel en France : un

Sony, un Kindle d’Amazon et deux types de Bookeen.

Lorsqu’il emprunte une liseuse, le lecteur emporte avec lui quelque 200 romans

et essais qui sont déjà pré-chargés sur la machine. En effet, jusqu’à il y a peu, le lecteur

ne pouvait pas choisir le contenu qu’il empruntait et les ouvrages pré-chargés étaient

tous des livres tombés dans le domaine public, et donc gratuits. Aucune nouveauté

n’était donc disponible au format numérique. Or, depuis quelques temps, la

médiathèque a également investi dans une offre de contenu, puisqu’elle propose

désormais un accès à 4000 ouvrages numériques via Cyberlibris. Il est ainsi possible

pour les usagers, après s’être identifiés sur l’interface Cyberlibris, de consulter des

ouvrages, mais aussi de consulter les documents sélectionnés par les bibliothécaires et

de créer leurs propres étagères et leurs propres rayons.

En ce qui concerne l’emprunt de liseuses, sur le site de la médiathèque, le lecteur

peut télécharger les modes d’emploi des différents appareils ainsi que la liste complète

des ouvrages chargés sur les liseuses. Avec ce type d’initiative, on voit bien que

l’établissement s’inscrit pleinement dans la perspective de la « médiathèque » telle

qu’elle s’est développée depuis les années 1970 et 1980 et telle que Lise Vieira la

définit dans L’Edition électronique. Il s’agit en effet d’établissements « mettant au

premier plan des objectifs outre cette notion d’ouverture, celle de la mise en relation

dans un même lieu de supports de nature différente. »61

On voit effectivement bien

qu’après le développement de nouveaux supports jusque-là liés surtout à la musique et à

la vidéo, se développent aujourd’hui en médiathèques de nouveaux supports liés à

l’écrit.

En ce qui concerne les objectifs de cette initiative, un article intitulé « Des e-

books en prêt à Issy-Les-Moulineaux »62

publié sur le site 01.net explique que le but de

la médiathèque n’est pas de développer un service complet de prêt de livres

dématérialisés, mais bien de permettre à ses lecteurs de tester ces nouveaux supports.

On voit qu’il est ici question d’inviter les usagers à de nouvelles expériences et que

l’objectif est de renouveler les pratiques de lecture, bien plus que simplement accroître

les collections. En février 2010, la médiathèque n’envisageait pas de prêt à grande

61

Lise VIEIRA, Op. Cit., p.41. 62

Hélène PUEL, Bérengère LEPESQUEUR, « Des e-books en prêt à Issy-Les-Moulineaux », 01.net,

<http://www.01net.com/editorial/512194/des-e-books-en-pret-a-issy-les-moulineaux/> (consulté le

23.02.2011).

38

échelle dans un premier temps, car selon son directeur David Liziard dans ce même

article, cela ne pouvait se mettre en place tant que les usagers n’étaient pas vraiment

équipés du point de vue des supports. Or, on constate aujourd’hui en 2011 que les vues

de la médiathèque ont évolué sur ce point puisqu’elle propose aujourd’hui une véritable

offre de livres numériques avec Cyberlibris. Dans une vidéo disponible avec l’article sur

le site 01.net, le journaliste explique que les lecteurs sont surtout intrigués et qu’ils ont

envie de tester. En effet, on constate que nombreux sont ceux qui empruntent une

liseuse afin d’expérimenter la nouvelle technologie, bien plus que pour lire un livre en

particulier. Il est donc intéressant de noter que la démarche des lecteurs semble ici aller

à l’encontre de ce que l’on constate habituellement en bibliothèque : le lecteur

n’emprunte pas un contenu pour le texte en lui-même ou pour son auteur, mais pour son

support et l’expérience de lecture qu’il offre. La démarche semble assez inédite

puisqu’on imagine assez mal un lecteur emprunter un livre papier pour la taille de sa

police ou pour son format (même si toutefois la couverture peut être parfois un critère

de choix, mais l’explication semble ici plus compréhensible).

Si la vidéo que l’on vient d’évoquer fait état d’une liste d’attente d’environ cent

personnes pour emprunter l’une de ces liseuses et que le succès de l’opération ne

semble donc pas à démontrer, les avis, une fois l’expérience de lecture effectuée,

semblent assez mitigés. En effet, certains lecteurs interviewés évoquent une prise en

mains parfois difficile et d’aucuns évoquent même un manque d’intuitivité, par exemple

dans la façon de tourner les pages. La question de la prise en mains parfois difficile

n’est pas anodine et peut être reliée à la notion d’«illectronisme » d’Alain Giffard dans

son essai Pour en finir avec la mécroissance63

. Ce néologisme fondé sur les deux termes

d’« illettrisme » et d’« électronique » recouvre une réalité de notre société actuelle, à

savoir que tout le monde n’est pas égal devant l’électronique et les nouvelles

technologies, qui nécessitent un certain nombre de connaissances en informatique.

La démarche de la bibliothèque, largement médiatisée puisqu’elle a été pionnière

en France, repose également sur une grande communication autour de cette offre à

destination de son public. En effet, le service est connu des usagers, comme en

témoigne la liste d’attente et il est présenté clairement et mis en avant sur le site de la

médiathèque. De nombreux reportages ont par ailleurs relayé l’initiative de

l’établissement et dans une vidéo du journal télévisé de France 3 Ile de France

63

Alain GIFFARD, Pour en finir avec la mécroissance, Flammarion, 2009.

39

disponible sur le site de la médiathèque64

, le directeur de la médiathèque explique

penser toucher deux types de publics avec le prêt de liseuses : les gros lecteurs et les

personnes intéressées par les nouvelles technologies. Le reportage évoque également la

possibilité pour la bibliothèque d’attirer un public jusque-là peu intéressé par la lecture

– de jeunes notamment – grâce à l’aspect innovant de l’expérience offerte.

Un article d’Anne-Marie Bertrand publié dans le Bulletin des Bibliothèques de

France en 2010 intitulé « E-Bibliothèques : les bibliothèques françaises face à l’arrivée

du numérique »65

évoque l’enthousiasme des lecteurs d’Issy-Les-Moulineaux d’avoir pu

expérimenter ce nouveau type de lecture. Il relate également que les utilisateurs

attendent désormais une baisse des prix pour s’équiper et que l’offre doit encore mûrir.

3. La médiathèque de Troyes : un service couplé contenant-contenu

La médiathèque de Troyes propose également deux types de services liés aux

livres électroniques. Non seulement elle offre via Numilog un large choix de titres à

télécharger, mais elle a aussi un certain nombre de supports qu’elle prête à ses usagers.

En effet, la médiathèque possède six livres électroniques, tous du même modèle,

le Cybook Gen3. Comme pour les autres types de documents, les livres électroniques –

que la médiathèque nomme par ailleurs « tablettes » - sont empruntables pour une durée

de quatre semaines. Ils sont toujours pré-chargés de classiques, comme à Issy-Les-

Moulineaux, et avec le service de Numilog, les usagers peuvent y ajouter les livres de

leur choix. Pour pouvoir emprunter une tablette, les lecteurs doivent remplir un

formulaire sur le site Internet de la médiathèque et dans la limite de disponibilité des

machines, l’usager le retire lors de son prochain passage à la médiathèque. En effet, un

rendez-vous est pris avec un bibliothécaire afin que celui-ci explique à l’emprunteur le

fonctionnement de l’appareil. Une telle organisation nécessite donc que le bibliothécaire

maîtrise parfaitement cette nouvelle technologie et qu’il soit capable de « former »

l’usager à son utilisation. La médiathèque propose également depuis peu la consultation

d’un Ipad qui est mis à disposition dans un endroit bien précis de l’établissement,

puisqu’il s’agit de la salle de recherche et d’étude. Pour pouvoir utiliser l’appareil,

64

Issy-Les-Moulineaux, Reportage de France 3 Ile de France, janvier 2010 « Empruntez des livres

électroniques dans les médiathèques », [vidéo] , disponible en ligne

<http://www.issy.com/index.php/fr/culture/mediatheques/services__1/pret_de_liseuses_electroniques/em

pruntez_des_livres_electroniques_dans_les_mediatheques> (consulté le 25.03.2011). 65

Anne-Marie BERTRAND, « E-Bibliothèques : les bibliothèques françaises face à l’arrivée du

numérique », Bulletin des Bibliothèques de France, 2010, t.55 n°4, disponible en ligne :

<http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-04-0090-008> (consulté le 03.05.2011).

40

l’usager doit être majeur et doit laisser en dépôt aux bibliothécaires une pièce d’identité.

On est donc ici dans une proposition et un service encore assez différents des précédents

puisqu’il n’est pas question d’emprunter l’appareil, mais de le mettre à disposition des

usagers, qui peuvent ensuite l’utiliser pour naviguer sur Internet, lire un livre, etc.

Le deuxième aspect de l’offre de livres électroniques à la médiathèque de Troyes

consiste, on l’a dit, en un catalogue de livres numériques disponibles via Numilog.

Celui-ci se constitue de nouveautés littéraires, mais aussi d’essais, livres, pratiques,

poésie, etc. comme dans les deux cas précédents. On peut toutefois noter que c’est

surtout sur les nouveautés littéraires que semble miser la médiathèque en termes de

livres numériques, puisqu’on peut lire sur la page de présentation de l’offre de leur site

Internet : « Vous pourrez ainsi lire de grands classiques de la littérature mais aussi des

ouvrages récents d'auteurs contemporains : Amélie Nothomb, Maxime Chattam, Eric-

Emmanuel Schmitt, Max Gallo, Yann Moix, Jean-Christophe Grangé, Patrick Besson,

Stephen King, James Patterson, Frédéric Beigbeder... »66

On voit donc bien que la

médiathèque de Troyes a également fait le choix d’offrir un large panel de nouveautés

littéraires, puisqu’il est ici question de près de 800 titres disponibles. Par ailleurs,

comme dans le cas des bibliothèques municipales de Grenoble, la médiathèque acquiert

chez Numilog un certain nombre de titres et pour chaque titre un certain nombre

d’exemplaires. Aussi, lorsqu’un ouvrage est déjà en prêt, il n’est plus empruntable, mais

par contre apparaît la date à laquelle il le sera à nouveau. Enfin, à l’image des modalités

de prêt des autres types de documents, il est possible de réserver un ouvrage sur le site

de Numilog, ce qui est également le cas des bibliothèques municipales de Grenoble.

Dans un bilan de 201067

relatif au double service lié aux livres électroniques,

Anthony Regley, responsable des services en ligne, évoque des résultats en hausse,

quoique assez mitigés. En effet, le nombre d’utilisateurs actifs sur Numilog est en large

hausse, puisque là où ils étaient 27 en 2008, ils sont 68 en 2010. Parmi les ouvrages

numériques les plus empruntés, une large part d’entre eux appartient à la littérature

policière ou de science-fiction. En effet, on retrouve des auteurs tels que Maxime

Chattam, Stephen King ou encore Mary Higgins Clark mais aussi la série des Twilight.

Enfin, on retrouve aussi de manière assez significative (deux parmi les vingt ouvrages

les plus téléchargés et surtout l’un d’entre eux figurant en tête de liste) des ouvrages de

66

Médiathèques du Grand Troyes <http://www.mediatheque.grand-troyes.fr/webmat/content/la-

mediatheque-vous-prete-une-tablette-de-lecture> (consulté le 28.03.2011). 67

Cf. bilan en annexe n° 7.

41

littérature érotique : Monsieur est servi et La vie sexuelle de Blanche-Neige, qui sont en

fait deux ouvrages de l’éditeur de littérature érotique La Musardine. Une explication

assez simple à ce phénomène réside dans la possibilité pour les usagers d’emprunter de

manière anonyme, c’est-à-dire sans devoir faire enregistrer leurs prêts par un

bibliothécaire, des ouvrages de littérature érotique. Par contre, lorsqu’on s’attarde sur le

profil des emprunteurs, il ne semble pas y avoir de profil type qui se détache de manière

vraiment significative. En effet 54.1% des emprunteurs sont des femmes et 45.9% sont

des hommes, on ne peut donc pas en déduire qu’un des deux sexes soit plus à même de

recourir aux livres électroniques. Qui plus est, même la répartition par tranche d’âge est

assez homogène, alors qu’on aurait pu s’attendre à une tendance nette au recours au

numérique du côté des adolescents – jeunes adultes et à une utilisation quasiment nulle

chez les personnes âgées. Or, ce n’est pas le cas et la tranche d’âge qui télécharge le

plus de livres numériques est celle des 30-39 ans avec 24.8% des utilisateurs. Le bilan

fait état d’une utilisation encore très faible des livres numériques, mais note tout de

même une hausse très significative. Selon Anthony Regley, cette hausse serait liée non

seulement à l’arrivée des best-sellers dans les livres numériques empruntables, mais

aussi au prêt de tablettes.

En ce qui concerne les résultats liés au prêt de tablettes, le bilan note qu’à ce jour

43 personnes ont déjà emprunté une tablette et que le temps d’attente pour pouvoir en

emprunter une est d’environ deux mois. Comme à Issy-Les-Moulineaux, le prêt de

livres électroniques semble donc attiser la curiosité et suscite un véritable engouement

des usagers qui ont envie de tester ces appareils. Toutefois, on comprend aisément

qu’un tel temps d’attente pour pouvoir emprunter ce type de matériel puisse se révéler

assez dissuasif. C’est sans doute pour cette raison et du fait de ces bons résultats que la

médiathèque a décidé d’investir à nouveau dans du matériel. En effet, en mars 2011 elle

avait commandé trois Fnacbooks qu’elle attendait de recevoir et prévoyait le rachat de 3

Cybook Orizon. En ce qui concerne le profil des usagers ayant déjà emprunté une

tablette, celui-ci se dessine de manière plus significative que pour le téléchargement,

puisque 30.3% d’entre eux ont entre 30 et 39 ans. Toutefois, le bilan fait état d’avis

tranchés des usagers quant aux livres électroniques. Il apparaît en effet que les lecteurs

sont soit très enthousiastes vis-à-vis de cette nouvelle technologie et des nouvelles

possibilités qu’elle offre, soit au contraire ils ont un avis très négatif sur celle-ci.

42

A travers ces trois modèles, on voit donc bien que les choix opérés en

bibliothèque – dans les bibliothèques qui ont fait le choix d’intégrer le numérique dans

leurs collections, ce qui est loin d’être le cas de toutes les bibliothèques – sont assez

différents d’une bibliothèque à l’autre. Qui plus est, non seulement il ne semble pas y

avoir un modèle établi, mais même à l’intérieur des établissements, les modèles sont

voués à évoluer très rapidement, comme en témoigne le cas de la médiathèque d’Issy-

Les-Moulineaux. On peut tout de même distinguer entre les bibliothèques qui ont fait le

choix d’investir dans du contenu et celles qui ont décidé d’investir dans du contenant. Si

l’on distingue entre ces deux types de services, on peut alors noter que les bibliothèques

municipales de Grenoble ont fait le choix de n’investir que dans du contenu, mais

qu’elles proposent de ce fait des nouveautés. La médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux –

qui a assez rapidement abandonné l’idée de n’investir que dans du contenant – et celle

de Troyes, proposent quant à elles un service couplé contenu – contenant. On peut

également noter que dans deux des cas on retrouve des catalogues Numilog et que dans

un troisième on retrouve Cyberlibris. Or, ce sont deux modèles différents que l’on va

avoir l’occasion de retrouver par la suite et que nous analyserons plus longuement dans

une troisième partie.

II. Les bibliothèques universitaires : comparaison de

différents modèles

1. Le SICD1 de Grenoble : l’investissement dans de multiples bases

Le SICD1 de Grenoble, qui regroupe les bibliothèques de l’université Joseph

Fourier et de l’école d’ingénieurs Grenoble INP, a pour le moment fait le choix

d’investir dans du contenu plus que dans du contenant. Utilisatrices depuis plusieurs

années de l’électronique avec le modèle des revues, les bibliothèques universitaires, de

sciences notamment, ont vu se développer une offre de livres numériques à la suite de

celle des périodiques.

Le SICD1 de Grenoble a tout de même procédé à l’achat de quatre liseuses pour

être testées en interne. Il s’agit de deux Cybook Orizon et de deux Sony. Au moment de

l’entretien avec Estelle Lenormand68

, du service des ressources électroniques, le SICD1

n’envisageait pas de prêt de liseuses aux utilisateurs. A l’occasion de projets tutorés

68

Cf. entretien en annexe n° 4.

43

d’étudiants de licence, le SICD1 a eu l’occasion de travailler sur le livre électronique et

il est ressorti de l’étude que les liseuses constituaient un outil de plus et que ce n’était

pas ce que recherchaient les étudiants. En effet, ceux-ci sont déjà largement équipés,

d’un téléphone portable, et d’un ordinateur portable en général et ils ne ressentent pas le

besoin d’avoir un outil en plus. Toutefois, le SICD1 continue de se questionner sur cette

problématique et dans le cadre d’une exposition sur l’évolution du livre, un

questionnaire sera proposé aux usagers afin de connaître leur ressenti vis-à-vis de la

liseuse et des livres électroniques.

Si le SICD1 a décidé pour le moment de ne pas s’équiper en matériel, il investit

par contre beaucoup dans les livres électroniques en tant que contenu. L’acquisition de

ces ressources suit une démarche claire et organisée : une Commission de Sélection des

Titres (CST) constituée notamment de chercheurs dans chaque discipline est créée. Ils

peuvent ainsi faire savoir ce qu’ils voudraient voir la bibliothèque acquérir comme

livres électroniques. Au départ, la collection de livres électroniques s’est donc

constituée suite à la demande des membres de la CST. Toutefois, Estelle Lenormand

évoque une difficulté majeure dans ce processus d’acquisition, qui n’est pas propre à

l’établissement. Il s’agit du manque de visibilité, lié à la multiplication des agrégateurs

et des plateformes et au fait que chacun propose un modèle économique et des

modalités d’acquisition différents. Une fois la sélection opérée dans les ouvrages à

acquérir, le responsable des acquisitions dans le domaine électronique interroge

l’ensemble des différents éditeurs et agrégateurs pour voir s’ils sont disponibles ou non

et surtout dans quelles conditions. Il vérifie également auprès du consortium Couperin

(Consortium Universitaire de Publications Numériques) si des négociations ont déjà été

entreprises pour les différents ouvrages. Le consortium Couperin est un outil de

coopération entre bibliothèques universitaires qui concerne l’acquisition de ressources

électroniques. Nous verrons plus en détail dans la troisième partie comment il

fonctionne et quel rôle il joue pour les bibliothèques. On voit d’ores et déjà bien à quel

point le traitement des acquisitions est différent de la procédure normale où une fois la

sélection effectuée, la bibliothèque procède à un appel d’offres et traite donc toujours

avec les mêmes fournisseurs pendant un certain temps. Le paysage éditorial

électronique dans son ensemble tel qu’il existe aujourd’hui se caractérise en effet par

une grande complexité et une multiplicité des modèles qui fait dire à Estelle Lenormand

que l’idéal serait de pouvoir piocher un peu dans chaque modèle. Or, ce n’est pas

44

possible puisque dans la plupart des cas les acquisitions se font sous la forme de

bouquets.

La collection de livres électroniques du SICD1 s’établit néanmoins à ce jour

autour de différents modèles. En effet, la bibliothèque dispose de la base ENI,

constituée d’ouvrages d’informatique technique, destinés à un public de niveau Licence.

Pour ce modèle, la bibliothèque bénéficie d’un achat titre à titre, c’est-à-dire qu’elle

choisit chacun des ouvrages numériques qu’elle souhaite acquérir. Elle dispose

également d’une autre ressource du nom de Safari, constituée également d’ouvrages

d’informatique mais destinée à un public de niveau recherche. Le modèle économique

de Safari est assez atypique. En effet, la bibliothèque dispose d’un crédit de 80 points

qu’elle peut dépenser comme elle le souhaite, sachant qu’un point équivaut à un livre.

Elle peut régulièrement modifier ses choix et décider de ne plus détenir tel livre pour

acquérir tel autre. Enfin, le SICD1 dispose du service g@el, qui permet à ses membres,

après authentification, d’accéder à une collection de 134 titres en texte intégral en ligne.

Au jour de l’entretien, Estelle Lenormand évoquait de très bons résultats pour la base

ENI après une période de test très concluante. Toutefois, l’offre de niveau Licence est à

ce jour l’offre la moins développée puisqu’on trouve surtout des ouvrages anglophones,

très peu consultés par les étudiants de niveau licence.

En ce qui concerne la conservation et la communication des ouvrages

électroniques acquis, le SICD1 se pose un certain nombre de questions – à savoir quels

documents cataloguer, comment assurer la pérennité des documents et des accès, etc. –

que nous évoquerons et pour lesquelles nous tenterons d’apporter quelques éléments de

réponse dans la troisième partie. En effet, si elle évoque une certaine latitude qui est

agréable dans la possibilité de faire évoluer les collections, Estelle Lenormand rappelle

néanmoins que cela engendre un certain nombre de problèmes en termes de pérennité et

de conservation.

A ce jour, les résultats liés aux collections de livres électroniques au SICD1 sont

encourageants. Même si Estelle Lenormand évoque un manque de recul certain puisque

les collections de livres électroniques sont des collections récentes, elle note toutefois

un très bon fonctionnement en début d’année. On peut sans doute relier cela au

phénomène noté en bibliothèques municipales avec les prêts de liseuses et le fait que ce

qui attire le plus les usagers, ce sont la nouveauté et la possibilité de tester. Elle rappelle

par ailleurs à quel point il est nécessaire de communiquer autour de ces collections qui

45

sont par nature immatérielles et donc invisibles. Enfin, Estelle Lenormand note un

développement et une mise en place des livres électroniques en bibliothèques

universitaires relativement lents, ou tout au moins plus lents qu’escomptés. Cette lenteur

serait sans doute également liée au fait que pour le moment l’offre francophone n’est

pas encore très développée.

2. Le SICD2 de Grenoble : la difficulté à trouver un modèle

satisfaisant

Le SICD2 de Grenoble, comme le SICD1 a décidé à ce jour d’investir dans du

contenu plus que dans du contenant. Héloïse Faivre-Jupile, du service des ressources

électroniques au SICD2, rencontrée pour un entretien69

en décembre 2010 explique que

la priorité de l’établissement est bien de mettre à disposition du plus grand nombre le

plus de contenu possible, bien plus que d’investir dans des supports de lecture

électronique.

Jusqu’à présent, c’est-à-dire avant le début de l’année 2011, la bibliothèque

disposait de deux abonnements pour les livres électroniques : un auprès de Numilog,

pour des ouvrages en sciences humaines notamment et un auprès de Cairn, avec un

accès à des revues électroniques mais aussi à la totalité de la collection des « Que sais-

je ? ». Toutefois, le SICD2 a décidé de mettre fin à son abonnement à Numilog à la fin

de l’année 2010 car le modèle ne lui convenait pas réellement. Héloïse Faivre-Jupile

évoque notamment un modèle trop calqué sur celui du papier selon elle. En effet, il

s’agit, comme on a pu le constater dans les exemples précédents, de l’acquisition d’un

certain nombre d’exemplaires pour chaque ouvrage choisi. Or, ce modèle semblait trop

rigide et trop contraignant pour le SICD2 alors même que l’électronique pourrait

permettre une certaine souplesse que le papier n’autorise pas. Qui plus est, le SICD2 a

constaté à différentes reprises que certains ouvrages qu’il avait acquis auprès de

Numilog étaient en fait d’anciennes éditions, alors même que de nouvelles éditions

auraient dû être disponibles. Ce sont ces différentes contraintes qui ont amené la

bibliothèque à arrêter son abonnement auprès de Numilog. Toutefois, Heloïse Faivre-

Jupile évoque la souplesse permise par Numilog grâce à l’achat titre à titre.

Depuis le début de l’année 2011, le SICD2 bénéficie d’un nouvel abonnement

auprès de Cyberlibris. Cette offre a été négociée dans le cadre de l’UNR Rhône Alpes –

69

Cf. entretien en annexe n° 5.

46

consortium que nous évoquerons plus longuement dans la troisième partie. Elle

s’intitule « Scholarvox » et s’articule autour de quatre bouquets : sciences de

l’ingénieur, sciences éco-gestion, sciences humaines et sociales, et emplois, métiers et

formation. Cette offre permet un accès illimité aux ouvrages, c’est-à-dire sans

contraintes au niveau du nombre d’exemplaires : un accès simultané à un même ouvrage

est possible. Qui plus est, comme dans le cas de la médiathèque d’Issy-Les-Moulineaux,

il est possible pour les usagers de créer leurs propres étagères. Une autre fonctionnalité

qui a su conquérir le SICD2 est la possibilité pour les usagers de travailler en groupes

sur l’interface de Cyberlibris. Or, cette possibilité paraît vraiment très importante pour

Héloïse Faivre-Jupile dans le cadre de travaux d’étudiants. On peut noter également, si

l’on compare l’interface de Cyberlibris pour le SICD2 et celle pour la médiathèque

d’Issy-Les-Moulineaux, que chacune possède ses caractéristiques propres et que

l’agrégateur propose pour chacun un service et une interface personnalisés. Nous

verrons de façon plus détaillée les caractéristiques des principaux agrégateurs et nous

étudierons quelles sont les caractéristiques de chacun d’entre eux dans une troisième

partie.

Depuis le début de l’année 2011, le SICD2 a également étendu son abonnement

auprès de Cairn en matière de livres électroniques, puisque ses usagers ont désormais

accès à l’intégralité de la collection des « Repères » aux éditions La Découverte, en sus

de la collection des « Que sais-je ? ». Comme pour l’ensemble des collections

numériques, les usagers du SICD2 peuvent accéder aux ressources à partir des postes de

l’établissement mais aussi directement de chez eux après s’être authentifiés. Une fois

identifié, l’usager du SICD2 peut consulter en ligne l’intégralité de l’ouvrage.

On peut donc noter ici que l’offre proposée par le SICD2 en matière de livres

électroniques s’étoffe car il s’agit d’un service qui fonctionne bien, notamment en ce

qui concerne la collection des « Que sais-je ? ». Toutefois, on voit bien ici pointer l’un

des problèmes que l’on étudiera dans la troisième partie, à savoir le fait que les

collections de la bibliothèque apparaissent comme instables et qu’un usager qui avait

l’habitude d’utiliser un service va tout à coup le voir disparaître au profit d’un autre.

En ce qui concerne les résultats liés aux collections de livres électroniques, il est

clair que leur développement témoigne de leur succès et ne peut qu’augurer une

évolution dans le même sens. Toutefois, Héloïse Faivre-Jupile évoque une offre encore

trop peu fournie. Elle explique qu’il n’est pas toujours possible aujourd’hui de trouver

47

au format numérique ce que l’on trouve habituellement au format papier. Pourtant, les

étudiants sont prêts selon elle à utiliser de plus en plus ce type d’ouvrages numériques.

Elle rejoint néanmoins Estelle Lenormand et explique que le livre électronique est plus

long qu’escompté à se mettre en place et à se développer.

3. La bibliothèque universitaire d’Angers : pionnière dans le prêt

de liseuses électroniques en bibliothèque universitaire

La bibliothèque universitaire d’Angers a été la première en France à proposer à

ses usagers un prêt de liseuses. Elle est à ce jour l’une des rares bibliothèques

universitaires à offrir ce service. En effet, depuis septembre 2008, vingt liseuses, que la

bibliothèque nomme « livrels », sont empruntables par les lecteurs. Il s’agit de dix

Cybook Gen3 de Bookeen et de dix PRS 505 de Sony.

Un article70

à ce sujet dans le Bulletin des Bibliothèques de France en 2010

évoque le fonctionnement pour lequel la bibliothèque universitaire d’Angers a opté. Les

livrels sont intégrés au SIGB (Système Intégré de Gestion de Bibliothèque), c’est-à-dire

au logiciel de gestion de la bibliothèque. Chaque appareil est en effet doté d’un code-

barres et l’usager l’emprunte pour la même durée que les autres types de documents, à

savoir 28 jours. Ils sont prêtés pré-chargés de 90 ouvrages récents issus du fournisseur

Publie.net71

. On peut d’ores et déjà noter que la façon de procéder dans le prêt du

matériel est assez inédite puisque le fait d’attribuer un code-barres aux liseuses en fait

des documents comme les autres. Or, à première vue, s’agissant d’un support

électronique, relativement coûteux, on imaginerait plutôt un système de prêt spécifique

à ce type de documents. Mais ce n’est pas le cas et on voit bien au contraire un véritable

parti pris de la part de la bibliothèque d’en faire des documents comme les autres,

totalement intégrés au fonds de la bibliothèque.

En ce qui concerne les modalités d’utilisation pour les emprunteurs, une

rubrique sur le site Internet de la bibliothèque rappelle les grandes lignes du mode

d’emploi des différents appareils et propose des liens vers des explications plus

fournies. Pour chaque modèle, la bibliothèque propose un rapide tutoriel, expliquant

notamment quel logiciel télécharger et utiliser, comment ajouter un nouvel ouvrage sur

70

Fabien DOUET, Elodie DUPAU, « Les e-books en bibliothèque », Bulletin des Bibliothèques de

France, 2010, n°5, p88-89. Disponible en ligne <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-05-0088-005>

(consulté le 01.04.2011). 71

Publie.net, « Le contemporain s’écrit numérique », <http://www.publie.net/> (consulté le 01.04.2011).

48

la machine, etc. Il est en effet possible pour les usagers, outre les ouvrages pré-chargés

sur les livrels, de télécharger et d’y ajouter des documents de leur choix. Toutefois, la

bibliothèque ne propose pas de service de bibliothèque numérique et ne possède donc

aucun abonnement auprès d’agrégateurs ou d’éditeurs outre celui à Publie.net. Elle offre

simplement sur son site Internet à ses usagers une sélection de sites où télécharger des

livres électroniques. Comme les autres types de documents, les livrels peuvent faire

l’objet de réservations.

L’article issu du Bulletin des Bibliothèques de France précédemment cité

s’appuie sur une intervention de Daniel Bourrion, conservateur chargé de la

bibliothèque numérique au service commun de la documentation d’Angers, concernant

l’expérience de son établissement. Les résultats semblent plutôt concluants puisque

selon l’article le service a su trouver ses lecteurs. Il semblerait même que certains

d’entre eux regrettent que la bibliothèque universitaire ne propose pas une offre plus

ouverte et plus conséquente. En effet, comme on l’a vu la bibliothèque ne permet pas à

ses usagers d’emprunter les livres électroniques de leur choix via un agrégateur, ce qui

limite l’offre à celle des ouvrages pré-chargés et des ouvrages libres de droit que l’on

peut télécharger gratuitement sur Internet.

En ce qui concerne l’organisation de la bibliothèque vis-à-vis de ce service, on

peut noter que la bibliothèque universitaire d’Angers a créé une véritable section

numérique puisqu’elle emploie quatre personnes d’après l’article du Bulletin des

Bibliothèques de France. On peut donc voir que la bibliothèque semble réellement

miser sur ce service et que, même si elle souhaite faire en sorte d’assimiler les livrels à

n’importe quel autre type de document, elle est tout de même obligée de leur offrir un

traitement différent des autres. En effet, au retour des livrels, une personne se charge de

vérifier leur état, d’en effacer le contenu et de les recharger. En ce sens, on comprend

donc bien que même si la bibliothèque souhaite traiter les livrels comme n’importe quel

autre type de documents, elle ne peut faire l’économie d’un certain nombre

d’opérations.

Après avoir analysé ces trois exemples de bibliothèques universitaires, il est

d’ores et déjà possible de noter de grandes différences entre les choix opérés par les

établissements et entre les différents modèles. Il est toutefois important de noter que ces

différences sont aussi dues au fait que ces bibliothèques ne couvrent pas tous les

domaines. Il est clair que des bibliothèques telles que celles de sciences, à l’instar du

49

SICD1 de Grenoble, ont déjà une large expérience en matière de documentation

électronique avec les revues. Elles ont par ailleurs déjà plus d’expérience en matière

d’abonnement à des bouquets, etc. Enfin, comme pour les bibliothèques municipales

dont on a parlé précédemment, cela s’explique tout simplement par la multitude des

modèles disponibles et offerts aux bibliothèques. Aussi, on constate que comme les

bibliothèques municipales certaines bibliothèques universitaires font plutôt le choix

d’investir dans du contenu et d’autres dans du contenant. De la même façon, on peut

distinguer plusieurs attitudes dans la manière d’appréhender les ressources. Certaines

bibliothèques voient dans les livres électroniques une ressource en plus alors que dans

d’autres cas ils apparaissent comme un moyen de développer les collections, dans

lesquelles ils s’insèrent parfaitement. Enfin, en ce qui concerne la question des supports,

il est clair que l’attitude adoptée par l’unique bibliothèque à en proposer au prêt vise à

les intégrer parfaitement à son fonds, en l’apparentant à tout autre type de document.

Pour conclure sur le cas des bibliothèques universitaires, il semble donc que

celles-ci soient, avec le numérique, appelées à muter. En effet, lorsqu’elles proposent

des livres électroniques (qu’il s’agisse ici de supports ou d’ouvrages) elles tendent de

plus en plus vers le modèle des « learning centres ». Dans Bibliothèques et documents

numériques, Alain Jacquesson et Alexis Rivier expliquent que « les bibliothèques

universitaires sont étroitement associées à cette évolution, car directement intégrées au

processus d’apprentissage. Elles doivent mettre à disposition des enseignants comme

des étudiants des textes numériques de toute nature. Certains n’hésitent donc pas à les

rebaptiser « learning centre » ou « media centre ». »72

Les learning centres reposent sur

l’idée d’un bâtiment magnifié, construit autour de la bibliothèque, dans lequel les livres

ont fait place aux ressources numériques. Néanmoins tout ceci est à nuancer car toutes

les bibliothèques universitaires ne sont pas vouées à devenir, à l’instar du Rolex

Learning Centre de Lausanne, de grands espaces de vie construits autour de la

bibliothèque et reposant largement sur le numérique. Toutefois, il est important de noter

que c’est un thème et un modèle qui interrogent, en témoignent les nombreuses

publications et journées d’étude à ce sujet.

72

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.24.

50

Troisième partie : Bibliothèques et bibliothécaires 2.0

I. Bibliothèques et collections

1. Acquisition et gestion des collections

Après avoir étudié des exemples concrets d’intégration de livres électroniques

dans les collections de bibliothèques universitaires et municipales, nous allons

maintenant voir quelles analyses plus générales cela peut nous amener à faire. Nous

nous intéresserons aux changements que le livre électronique implique en termes de

collections pour les bibliothèques, mais aussi dans leur relation au public. Enfin, nous

verrons quels nouveaux rôles cela suppose pour les personnels de bibliothèque et les

nouvelles organisations qui en découlent.

Quand une bibliothèque décide d’intégrer des livres électroniques à son fonds

existant, cela pose tout d’abord de nouvelles questions en termes d’acquisition et de

gestion des collections. En effet, comme on a déjà pu le remarquer, les bibliothèques

doivent aujourd’hui faire face à une offre abondante et surtout protéiforme, comme

l’explique Ruth Martinez dans un article de la revue Documentaliste-Sciences de

l’information, intitulé « L’offre de livres numériques en 2010 : aspects techniques »73

.

En effet, il apparaît que c’est à la bibliothèque de gérer ces différents modèles

lorsqu’elle procède aux acquisitions et c’est également à elle d’organiser tout cela afin

de proposer une offre cohérente à ses usagers. Parmi les exemples étudiés

précédemment, le cas qui illustre le mieux cela est celui du SICD1 de Grenoble. Il

cumule en effet des abonnements auprès d’un certain nombre de fournisseurs différents

et propose ensuite à ses usagers une offre cohérente et qui s’organise en fonction de

différents domaines et de différents niveaux. Qui plus est, face à ces divers modèles, il

apparaît très important pour les bibliothèques de coopérer entre elles, notamment en

s’établissant en consortiums. Nous étudierons ce point de façon plus détaillée lorsque

nous nous intéresserons à la relation de la bibliothèque aux autres établissements.

73

Ruth MARTINEZ, « L’offre de livres numériques en 2010 : aspects techniques », revue

Documentaliste-Sciences de l’information 2010/2 (Vol.47), pp.34-37, disponible en ligne

<http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm> (consulté le 25.01.2011).

51

L’offre de livres électroniques se concentre aujourd’hui autour de trois modèles

majeurs d’après la cellule e-book du consortium Couperin. Il s’agit des agrégateurs

multidisciplinaires, des agrégateurs spécialisés et des plateformes d’éditeurs. Le tableau

ci-dessous74

récapitule l’ensemble des caractéristiques propres à chacun des modèles.

Les trois fournisseurs principaux qui existent à ce jour et que nous avons déjà eu

l’occasion de rencontrer précédemment sont Numilog, Cyberlibris et Cairn. Nous allons

ici voir de façon plus détaillée sur quels fondements ils reposent et quelles sont les

spécificités propres à chacun. Numilog est le premier distributeur français de livres

numériques payants et il se range dans la catégorie des agrégateurs multidisciplinaires.

Dans un article intitulé « Numilog : un catalogue de livres numériques pour les

74

Consortium Couperin, Typologie des offres e-books 2010, <http://www.couperin.org/fr/groupes-de-

travail-et-projets-deap/ebook/item/595-typologie-des-offres-e-books> (consulté le 08.04.2011).

52

bibliothèques et centres de documentation »75

, Denis Zwirn explique que son offre se

décline en deux abonnements : un abonnement aux différents services offerts par le

fournisseur – à savoir accès à l’interface web, gestion de la bande passante pour les

téléchargements, service après-vente, etc. – et un abonnement au contenu à proprement

parler. Celui-ci peut prendre la forme d’une sélection titre à titre avec un nombre

d’exemplaires limité ou, s’il s’agit d’un achat de titres, un accès simultané d’un

maximum de trois personnes.

Cairn date de 2005 et, au départ, il n’offrait un accès qu’à des revues

électroniques. Puis, son offre s’est élargie jusqu’à proposer des livres numériques, et on

pourrait aujourd’hui le classer dans la catégorie des agrégateurs spécialisés. Marc

Minon, directeur de Cairn, explique dans un article intitulé « Cairn.info : au-delà des

revues ? »76

que l’une de ses spécificités est une offre de téléchargement au chapitre ou

à la partie. Or, le service est apprécié des bibliothèques car il repose sur une tarification

annuelle forfaitaire quel que soit le nombre de téléchargements et repose également sur

l’ouverture, avec une absence de DRM qui permet des accès simultanés à un même

ouvrage.

Eric Briys, co-fondateur de Cyberlibris revient sur ses caractéristiques dans un

article intitulé « Cyberlibris : une offre de bibliothèque numérique à destination des

services documentaires »77

. Ce dernier exemple appartient comme Numilog à la

catégorie des agrégateurs multidisciplinaires. Tout comme Cairn, il repose sur un

abonnement forfaitaire et offre la possibilité de consultation simultanée et même de

travail en groupe sur un même ouvrage, comme on a déjà pu le voir dans le cas du

SICD2 de Grenoble. Son offre est structurée en trois compartiments : grandes écoles,

universités et bibliothèques municipales et départementales. Il s’appuie sur un fort esprit

communautaire et repose sur le principe de fédérer différentes écoles autour d’un même

outil.

75

Denis ZWIRN, « Numilog : un catalogue de livres numériques pour les bibliothèques et centres de

documentation », revue Documentaliste-Sciences de l’information 2010/2 (Vol.47), p.42, disponible en

ligne < http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm> (consulté le

25.01.2011). 76

Marc MINON, « Cairn : au-delà des revues ? », revue Documentaliste-Sciences de l’information

2010/2 (Vol.47), p.40, disponible en ligne < http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-

information-2010-2.htm> (consulté le 25.01.2011). 77

Eric BRIYS, « Cyberlibris : une offre de bibliothèque numérique à destination des services

documentaires », revue Documentaliste-Sciences de l’information 2010/2 (Vol.47), p.41, disponible en

ligne < http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm> (consulté le

25.01.2011).

53

A travers ces trois exemples de fournisseurs, on voit bien, comme on a déjà pu le

noter auparavant que tous fonctionnent avec des abonnements différents ; toutefois, ce

qui est le plus frappant ici, c’est surtout le fait qu’ils ne poursuivent pas les mêmes

objectifs. Là où Cyberlibris travaille sur une offre de bouquets et de thématiques,

Numilog fonctionne au contraire selon l’idée d’offrir un catalogue le plus large possible.

Dans deux des cas au moins – Cyberlibris et Cairn – l’offre semble se rapprocher du

modèle du « big deal », propre aux revues numériques et reposant sur un système de

bouquets. Grégory Colnacap, dans un article publié dans le Bulletin des Bibliothèques

de France en 2009, évoque le double problème que cela cause pour les bibliothèques.

En effet, selon lui « [ce modèle] enferme les établissements dans une spirale dont il est

difficile de sortir : les coûts croissent inexorablement et la sortie du modèle pour les

établissements entraîne automatiquement la suppression de l’accès à une part très

importante de l’IST proposée aux utilisateurs. »78

Il évoque également le risque

d’homogénéisation de l’offre inhérent à ce type de modèle.

Une autre question qui se pose quant à l’acquisition et à la gestion des

collections numériques est celle des DRM. Cette disposition consiste à protéger le droit

d’auteur en interdisant la copie ou encore l’impression d’ouvrages numériques. Or, on

constate que certains modèles proposent un service avec DRM alors que d’autres non (à

l’instar de Cyberlibris qui autorise un accès simultané et l’impression). Ce système pose

donc un certain nombre de problème pour les bibliothèques puisqu’il restreint les accès

et les possibilités d’actions sur le texte (copier-coller, etc.). On voit bien qu’il tend à

reproduire le modèle du papier : lorsqu’un livre papier est emprunté il n’est plus

disponible pour les autres usagers et c’est cette situation que les DRM tendent à recréer.

Toutefois, on peut s’interroger sur la pertinence d’un tel modèle et, à l’instar de Marin

Dacos lors du colloque sur les « Métamorphoses numériques du livre »79

, se demander

si vouloir créer de la rareté plutôt que de la valeur est la meilleure marche à suivre. On

peut néanmoins voir dans les DRM un certain avantage pour les bibliothèques,

notamment en ce qui concerne la mise en place d’un système de prêt, facilité par les

accès restreints et autres mesures.

78

Grégory COLNACAP, « Acquérir la documentation électronique pour l’enseignement supérieur et la

recherche », Bulletin des Bibliothèques de France, 2009, n°6, pp.18-21., disponible en ligne

<http://bbf.enssib.fr/> (consulté le 01.02.2011). 79

Marin DACOS, « Read/write book. Le livre devient inscriptible », In Actes de colloque Les

métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction

d’Alain Giffard, pp.107-119. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-

MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).

54

Il apparaît donc clairement ici que toutes les façons de procéder en termes

d’acquisition et de gestion des collections se voient modifiées par l’arrivée du

numérique. Les bibliothèques sont donc sommées de repenser leurs pratiques et de

s’adapter aux nouveaux usages induits par l’émergence de nouveaux modèles et de

nouveaux systèmes.

2. Mise à disposition et conservation du patrimoine et des

collections

Par son aspect dématérialisé, le livre électronique soulève également de

nouvelles interrogations en termes de mise à disposition des collections. Dans le même

temps, on peut voir dans celui-ci de nouvelles perspectives en ce qui concerne la

conservation des collections et du patrimoine.

En effet, si l’on songe aux actions de numérisation entreprises depuis quelques

années en France comme dans le reste du monde, on voit bien à quel point les

possibilités de conservation des documents sont renouvelées avec le numérique. La

numérisation est également un autre moyen de produire du livre électronique, dont nous

n’avons pas parlé jusque-là, tant elle semble étroitement liée aux questions de

conservation et de pérennisation, bien plus qu’à la seule production de contenu

numérique. En effet, on se situe avec la numérisation de façon très claire dans le cadre

du livre homothétique, puisqu’elle consiste en la transposition sous format électronique

d’un contenu jusque-là physique. Il peut s’agit par là-même de mettre à disposition des

documents rares ou précieux que seule la bibliothèque possède. C’est par exemple le cas

de la Bibliothèque nationale de France qui a entrepris en 2009 une action de

numérisation des « trésors de la BnF ». Selon Isabelle Le Masne de Chermont dans son

intervention au colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre », « cette

volonté de numériser des documents qui ne soient pas seulement du texte vise à offrir

davantage de ressources que seule la BnF conserve puisque ce sont des unicas. »80

On

voit donc bien qu’il n’est pas seulement question ici de livres, mais aussi d’estampes, de

photographies, ou encore de manuscrits. Une fois ces documents numérisés, les versions

numériques sont ensuite disponibles sur la bibliothèque numérique Gallica81

. Il peut

80

Isabelle LE MASNE DE CHERMONT, « Les métamorphoses numériques de la BnF », In Actes de

colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous

la direction d’Alain Giffard, pp.88-97. Disponible en ligne : <http://www.livre-

paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011). 81

Gallica, < http://gallica.bnf.fr/> (consulté le 06.04.2011).

55

s’agir de documents libres de droit ou non et les conditions d’utilisation diffèrent donc

selon les cas. Comme dans un catalogue, l’usager effectue sa recherche et une fois le

document trouvé, il peut ensuite consulter le document numérisé selon des conditions

d’utilisation définies au préalable.

La BnF n’est pas la seule en France à avoir entrepris ce type d’action. On songe

notamment à la bibliothèque municipale de Lyon qui a signé un accord avec Google

pour entreprendre une numérisation de ses fonds patrimoniaux et régionaux. Cette

affaire a fait l’objet de nombreuses controverses du fait de la façon de procéder de

Google qui entend à ce jour numériser de façon massive afin de mettre à disposition le

plus grand nombre possible de documents numérisés. Toutefois, ce choix de « pactiser »

avec Google est largement assumé par la bibliothèque municipale de Lyon qui souhaite

avant tout mettre à disposition du plus grand nombre ses collections.82

Il existe à ce jour plusieurs types de numérisation possibles, mais on peut surtout

retenir le recours aux scanners et aux appareils photographiques. La numérisation, on

l’a dit, permet donc la mise à disposition de collections de façon beaucoup plus large

que ne le permettent des collections physiques. Qui plus est, lorsqu’il est question de

documents précieux ou encore fragiles, elle permet tout simplement leur mise à

disposition là où elle n’aurait pas été envisageable autrement. Mais l’autre intérêt de la

numérisation réside dans les possibilités de conservation qu’elle offre. En effet, si l’on

songe à la façon dont les capacités de stockage numériques se sont développées (avec

les serveurs, etc.), on comprend aisément que le numérique offre une nouvelle

alternative de conservation. Néanmoins, dans son ouvrage intitulé Livres en feu83

,

Lucien Xavier Polastron rappelle que la numérisation a un coût très élevé et qu’elle

n’offre pas la possibilité de tout numériser. A partir de là un choix est nécessaire, et la

bibliothèque doit donc choisir quels documents elle souhaite conserver et mettre à

disposition.

Qui plus est, il est important de noter que même si le numérique dans sa

globalité – et non pas seulement la numérisation – permet a priori une meilleure mise à

disposition et une meilleure conservation des documents, il s’agit là néanmoins d’une

82

Magali HAETTIGER, « Numérisation de masse et pratiques professionnelles : l’exemple de la

Bibliothèque municipale de Lyon », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47, ADBS,

disponible en ligne, <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-

2.htm.> (consulté le 15.01.2011). 83

Lucien Xavier POLASTRON, Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des bibliothèques,

Gallimard, 2009.

56

technologie faillible. En effet, que se passera-t-il si le serveur ou autre machine sur

lequel sont stockées toutes les données devient défaillant ? On voit bien qu’avec le

numérique, c’est toute la pérennité des documents qui est mise en question. Il y a

effectivement le risque que l’on vient d’évoquer, mais que l’on pourrait tout à fait

comparer au risque d’incendie ou d’inondation qui menace toute collection physique.

Mais il y a surtout une question qui est liée uniquement au numérique, qui est celle de la

pérennité des machines et des supports sur lesquels les fichiers numériques sont

conservés. Rien ne dit que dans dix ans les machines qui permettent de lire les

documents numérisés ne seront pas devenues totalement obsolètes et qu’il ne sera plus

possible de les consulter. A ce jour, la seule manière de sauvegarder ces documents

consiste à copier les données de façon régulière et sur des supports différents. Alain

Jacquesson et Alexis Rivier évoquent par ailleurs dans leur livre Bibliothèque et

documents numériques84

quatre types de problèmes liés aux documents numériques en

termes de conservation et de préservation des collections. Il y a tout d’abord celui du

« temps court », que nous venons d’évoquer et qui est lié aux mutations logicielles et

matérielles. Il y a également celui de l’ « accessibilité » : les différences de formats et

de logiciels informatiques rendent l’information numérique plus ou moins dépendante à

l’égard de certains matériels ou logiciels précis. A ce sujet, Lorenzo Soccavo dans

Gutenberg 2.085

évoque la nécessité d’une coopération des éditeurs et fournisseurs en ce

sens afin de permettre une harmonisation et ainsi assurer l’interopérabilité des

documents numériques. Les deux auteurs évoquent également la question de la

« variabilité », puisque « l’information numérique présente enfin un caractère instable

qui rend son authentification hasardeuse. »86

Le dernier problème évoqué est celui de la

« volatilité » : en soi un document numérique ne peut être consulté s’il n’est pas

concrétisé au moyen d’une machine.

On voit donc bien à quel point la question de la pérennité de l’accès aux

collections, qu’il s’agisse de collections numérisées ou numérique, est soumise à un

certain nombre de variables. Dans le cas d’abonnements auprès de fournisseurs, l’un des

problèmes majeurs réside également dans la pérennité des abonnements et donc des

accès. Quelle durabilité pour des documents électroniques alors qu’ils n’existent pas

matériellement et peuvent disparaître du jour au lendemain ? De façon plus extrême,

84

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., pp447-451. 85

Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit., p.163. 86

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.450.

57

que se passerait-il si le fournisseur venait à faire faillite et que la bibliothèque ne

possède que des accès et aucun fichier numérique ? Il est clair que si le numérique

ouvre de nouvelles perspectives pour les bibliothèques, il fait aussi émerger de

nouveaux questionnements, que celles-ci ne doivent pas sous-estimer afin de mener à

bien leurs missions de conservation et de mise à disposition des collections.

3. Nouveau statut du document et nouveaux usages

Le livre électronique pose, on l’a vu, un certain nombre de questions très

concrètes quant aux pratiques de lecture. Il apparaît en effet que les usages qui peuvent

être faits du livre s’en trouvent modifiés. Or, tout cela a forcément un impact très

important sur la façon dont le livre peut être exploité en bibliothèque et sur les usages

que peuvent en faire les lecteurs.

Une des questions majeures qui se pose donc quant au traitement du livre réside

dans les modalités de prêt. En effet, une certaine ambiguïté réside dans ce qui n’est

qu’une simple consultation d’un livre électronique et ce qui consiste en l’emprunt d’un

e-book. Autrement dit, que doit-on considérer comme une copie ou comme une simple

consultation ? Cette question que se posent les auteurs de Bibliothèques et documents

numériques87

est essentielle et elle témoigne selon eux d’un manque de clarté lié à

l’aspect dématérialisé des livres électroniques. Là où la différence entre consultation sur

place et emprunt est parfaitement claire lorsqu’il s’agit de livres papier, elle ne l’est plus

du tout dans le cas de contenu dématérialisé. Du fait de l’ambiguïté qui réside entre les

différents types d’action possibles, toute législation semble rendue beaucoup plus

difficile.

Par ailleurs, si l’on songe aux nouveaux types de lecture dont on a parlé

précédemment, on comprend également que les modalités de prêt qui étaient jusque-là

en vigueur nécessitent également d’être redéfinies. En effet, l’un des types de lecture

majeurs avec l’e-book consiste en une « lecture par tranches », comme la nomme

Laurent Jonchère dans un article intitulé « Quel avenir pour le livre électronique dans

les BU françaises ? »88

. Or, un système de prêt au chapitre ou à la partie serait-il

envisageable en bibliothèque ? Parmi les exemples analysés dans la partie précédente, il

87

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.519. 88

Laurent JONCHERE, « Quel avenir pour le livre électronique dans les BU françaises ? »,

Documentaliste-Sciences de l’information, 2005 (vol.42). Disponible sur Internet <www.cairn.info>

(consulté le 31.01.2010).

58

apparaît qu’aucun des fournisseurs ne permet aux bibliothèques de mettre en place ce

type de système. Seul Cairn permet aux usagers d’accéder aux livres chapitres par

chapitres ou parties par parties. Toutefois, il est intéressant de constater que c’est le seul

fournisseur qui ne propose pas véritablement de prêt : l’usager consulte en fait le livre

électronique sur son ordinateur mais à aucun moment il ne télécharge de document.

Cairn lui propose seulement de « feuilleter en ligne » les livres électroniques.

L’exemple de ce fournisseur est à lui seul assez édifiant et illustre parfaitement ce que

l’on vient de dire : il est finalement assez difficile de savoir s’il est question de prêt ou

de consultation lorsqu’on « feuillette en ligne » un ouvrage sur Cairn, puisque même si

l’usager s’authentifie et qu’il consulte l’ouvrage dans son intégralité, à aucun moment il

n’aura vraiment eu le document en sa possession. La seule façon pour lui de posséder

d’une manière ou d’une autre le document réside dans l’impression, mais on voit bien

qu’il s’agit là d’un retour au papier. Enfin, Cairn apporte également ses premiers

éléments de réponse quant à la question d’un éventuel prêt au chapitre.

Une autre question qui se pose quant au statut du livre électronique en

bibliothèque tient aussi aux nouvelles lectures induites. En effet, il semble aujourd’hui

normal de se demander si les nouvelles formes de lecture induites notamment par

l’hypertexte, ne vont pas à l’encontre des classifications cloisonnées par disciplines qui

sont à ce jour utilisées en bibliothèques (notamment classification Dewey et CDU89

).

Selon Lise Vieira90

, ce n’est pas encore le cas, mais il est néanmoins nécessaire de

s’interroger sur la possible compatibilité entre les nouveaux modes de lecture et les

classifications utilisées en bibliothèques.

Enfin, la dernière problématique liée à l’utilisation de livres électroniques en

bibliothèque réside dans la question de leur authenticité. Même si ce problème n’est pas

propre aux bibliothèques, il n’en demeure pas moins un problème majeur. Alain

Jacquesson et Alexis Rivier évoquent cette question et l’importance d’y remédier :

L’authenticité des documents que l’on consulte doit par ailleurs être

certifiée. N’auraient-ils pas été malencontreusement ou frauduleusement

modifiés ? L’attribution des documents – qui a écrit quoi et quand – est

essentielle. Nombre de textes littéraires classiques sont numérisés par des

personnes de bonne foi, sans que l’on sache par exemple quelle version

imprimée a été utilisée, qui en a été le relecteur, si un vérificateur

89

Classification décimale Universelle, cf. définition dans le lexique. 90

Lise VIEIRA, Op. Cit., p.134.

59

d’orthographe a été utilisé, ou quel système d’OCR a été employé. (...) La

fiabilité de telles réalisations est sujette à caution.91

Face à ce problème, ils envisagent un certain nombre de solutions, et notamment

la mise en place de métadonnées de type Dublin Core, contenant des informations telles

que titre, auteur, sujet, etc., ou encore toute autre forme de marqueur présent sur le

document et qui permettrait de l’authentifier (auteur, éditeur, etc.).

La relation de la bibliothèque à ses collections se trouve donc sensiblement

modifiée avec l’arrivée du livre électronique. Non seulement elle est confrontée à des

documents qui lui demandent de revoir ses procédures d’acquisition et de gestion des

collections, mais elle doit aussi repenser ses modalités de mise à disposition, de

conservation et de prêt, que l’arrivée de documents dématérialisés oblige à redéfinir.

II. Bibliothèques et public

1. Signalement, signalétique et valorisation

S’il est important pour les bibliothèques de s’interroger sur leurs relations aux

collections avec l’intégration de livres électroniques, il semble tout aussi important de

réfléchir à l’évolution de leurs liens avec le public. En effet, si la relation du

bibliothécaire au livre se trouve modifiée, on comprend aisément que le lecteur soit tout

autant impacté par ces changements. C’est pourquoi nous verrons dans un premier

temps à quel point il est indispensable de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre en

termes de signalement, signalétique et valorisation des collections afin de guider

l’usager à travers ces collections d’une forme nouvelle. Nous verrons par la suite que

cela passe également par un renouvellement des missions de formation et de médiation

afin de donner au lecteur toutes les clés nécessaires à l’utilisation de ces nouveaux

outils. Enfin, nous nous intéresserons aux nouvelles perspectives offertes par l’arrivée

du numérique en termes d’animation et de service au public.

Une des questions majeures qui se pose avec l’arrivée de collections numériques

en bibliothèque est celle de leur signalement. En effet, si l’on songe à la façon dont une

personne vient à emprunter un livre, on peut noter deux cas de figure : soit après avoir

effectué une recherche sur le catalogue la personne savait exactement le livre qu’elle

91

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.360.

60

voulait et se l’est procuré, soit au contraire elle n’avait pas d’idée précise et c’est en

flânant dans les rayons qu’elle a trouvé par hasard un livre et a décidé de l’emprunter.

Or, on voit bien que les choses semblent assez différentes avec le livre électronique. En

effet, si le premier cas de figure est tout à fait envisageable pour les e-books et constitue

même certainement le moyen d’accès le plus utilisé pour trouver un livre numérique, le

second semble par contre beaucoup plus difficilement concevable. A partir de là se pose

la question de comment savoir que la bibliothèque possède un e-book sans avoir recours

à son catalogue. Autrement dit, comment reproduire le fait de flâner dans les rayons ?

On voit bien à quel point le visuel est alors important et combien cela nécessite de

réfléchir au moyen de retranscrire cela via des outils informatiques. En général les

fournisseurs proposent un visuel du livre (couverture, voire quatrième de couverture) et

certains présentent même, on l’a vu, les livres installés sur des étagères, pour recréer

l’environnement si commun de la bibliothèque. Néanmoins, même ce type de

présentation semble assez loin de reproduire la sensation de tomber par hasard sur un

livre parce que sa couverture nous a attiré. Le problème ici tient bien au fait que l’on

souhaite à tout prix retranscrire les actions liées au livre papier jusqu’à la façon de les

ranger, alors même que sur un site web, cela ne répond à aucun besoin physique. La

seule possibilité propre au web que l’on pourrait envisager à ce jour pour reproduire

l’action de flâner dans les rayons serait le nuage de tags. Néanmoins, on ne semble pas

ici dans le hasard total (comme par exemple dans le cas d’un livre qui attire par sa

couleur ou par sa forme) puisque pour trouver un livre avec le nuage de tags, il faut

cliquer sur un sujet ou tout au moins un mot se rapportant au contenu du livre.

Un autre point fondamental une fois les ouvrages acquis est celui du catalogage

et du traitement qui va leur être réservé par la suite. La question qui se pose ici est

effectivement de savoir quoi cataloguer. Estelle Lenormand, lors de notre entretien

évoquait les interrogations auxquelles elle et le reste de l’équipe devaient faire face. Se

pose en effet la question de la pertinence de cataloguer des documents que la

bibliothèque n’aura peut-être plus dans un an, mais en même temps il est clair que des

documents numériques non catalogués manqueront forcément de visibilité. On voit

donc bien ici, comme le note Alain Jacquesson et Alexis Rivier dans Bibliothèques et

documents numériques92

que le catalogage est rendu beaucoup plus complexe par

l’instabilité dans le temps et dans l’espace caractéristique des documents électroniques.

92

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., p.360.

61

Face à cette difficulté, on peut noter que les stratégies adoptées par les établissements

sont très diverses. Certains, à l’instar de la bibliothèque publique d’Algonquin93

aux

Etats Unis, décident de tout cataloguer, tablettes comme documents numériques, afin de

leur offrir le plus de visibilité possible. La bibliothèque de l’université Lyon 1 a au

contraire fait le choix de ne cataloguer dans le SIGB que les documents acquis de façon

définitive et donc pérenne, et de référencer dans un catalogue spécifique et plus

facilement modifiable (car permettant notamment une gestion par bouquets) les autres

ressources numériques94

. Enfin, le SICD1 de Grenoble a quant à lui fait le choix de

cataloguer l’ensemble de ses livres électroniques dans le SIGB, mais pas dans le Sudoc.

Ainsi, les documents sont visibles pour les usagers de la bibliothèque même s’ils ne le

sont pas autant que des ouvrages papier.

Ce qui est frappant en ce qui concerne cette question du catalogage et que

Grégory Colnacap pointe dans son article du Bulletin des Bibliothèques de France95

,

c’est finalement le décalage qui existe entre les moyens (humains et surtout financiers)

mis en œuvre pour l’acquisition de ressources électroniques et ceux mis en œuvre pour

leur signalement. Qui plus est, il est bon de noter que le catalogage des documents

électroniques est passablement plus lourd pour les bibliothécaires que ne l’est celui des

livres papier en raison du nombre plus grand de métadonnées. En effet, dans son article

« Comment les professionnels de l’information-documentation abordent-ils le livre

numérique », Franck Smith évoque cette nouvelle gestion :

En particulier, les éléments pris en compte au moment de

l’acquisition sont traduisibles dans un ensemble de métadonnées techniques

(URL permettant d’accéder directement à la ressource, indication de

l’existence de DRM, logiciels requis pour la consultation, etc.) et de

métadonnées administratives, juridiques ou commerciales (fournisseur, coût

payé au fournisseur, modèle tarifaire, date limite de réabonnement, clauses

contractuelles, modalités de consultation, etc.) liées à la ressource acquise.

Ces métadonnées s’ajoutent aux métadonnées bibliographiques plus

classiquement produites par les catalogueurs dans le cas du livre imprimé

(titre, langue, mots-clés, niveau, date de publication, ISBN, etc.). Les

professionnels doivent par conséquent se montrer progressivement aptes à

concevoir, utiliser ou alimenter, selon les fonctions occupées, des systèmes

93

Roberta BURK, « Apprivoiser le livre électronique », Bulletin des Bibliothèques de France, 2000, n°6,

pp.38-42, disponible en ligne <http://bbf.enssib.fr/> ( consulté le 01.02.2011). 94

Odile JULIEN COTTART, « Comment intégrer le livre numérique dans une collection de

bibliothèque : l’expérience de l’Université Lyon 1 », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47,

ADBS, pp.52-53. Disponible en ligne, <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-

information-2010-2.htm.> (consulté le 15.01.2011). 95

Grégory COLNACAP, Op. Cit., p.20.

62

d’information plus complexes au service d’une gestion optimale de la

collection.96

Or, en dépit de toutes ces problématiques, on voit bien à quel point il est

nécessaire pour les bibliothèques de communiquer autour de leurs collections

numériques. Pour Odile Julien Cottart « contrairement à la revue en ligne, le livre

numérique n’est pas (pas encore ?), une ressource indispensable à l’usager ; il est

nécessaire de le promouvoir. »97

C’est également l’avis que partage Silvère Mercier,

lorsqu’il intitule l’un de ses articles « Ressources numériques : des trésors derrière des

forteresses »98

: les bibliothèques détiennent de véritables trésors numériques, mais il est

nécessaire qu’elles les valorisent afin de les faire connaître de leurs usagers. L’idée

même de « forteresse » révèle ici toute l’ambiguïté qui réside dans la relation des

bibliothèques au numérique : alors qu’elles devraient profiter du formidable outil de

communication et de valorisation qu’est Internet et qu’offre le numérique, elles

semblent au contraire parfois davantage portées par une volonté d’empêcher l’accès à

ces trésors.

2. Formation et médiation

L’autre mission majeure de la bibliothèque en ce qui concerne sa relation au

public réside dans son rôle de formation et de médiation. Or, selon Alain Pierrot, que

Lorenzo Soccavo cite dans son livre Gutenberg 2.0, le rôle de médiation qui était celui

de la bibliothèque tend à disparaître. En effet, selon lui « critères de choix, conseils

variés [...] sont modifiés par l’accès simultané à l’ensemble des ressources dès que le

papier numérique est en mesure de composer le « programme de lecture » voulu par

l’utilisateur, dans un lieu et une situation donnés. »99

Toutefois, il semble nécessaire de

nuancer tout ceci. Si effectivement le rôle de médiation des bibliothèques et donc des

bibliothécaires est voué à évoluer, il n’est pas pour autant voué à disparaître. Il semble

au contraire très important qu’elles se réapproprient ce rôle et le repensent afin de le

96

Franck SMITH, « Comment les professionnels de l’information-documentation abordent-ils le livre

numérique », in Documentaliste-Science de l’information, Vol.47, ADBS, disponible en ligne,

<http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm.> (consulté le

15.01.2011). 97

Odile JULIEN COTTART, Op. Cit., p.53. 98

Silvère MERCIER, Bibliobsession, « Ressources numériques : des trésors derrière des forteresses »,

<http://www.bibliobsession.net/> (consulté le 24.03.2011). 99

Alain PIERROT, In Lorenzo SOCCAVO, Gutenberg 2.0 : le futur du livre : six siècles après

Gutenberg une nouvelle révolution va changer votre façon de lire ..., M21 Ed., 2008, pp.131-132.

63

faire évoluer tout comme les collections évoluent. En effet, l’expertise de la

bibliothèque ne réside plus autant dans le fait de détenir des savoirs aujourd’hui. Un

livre peut être téléchargé directement sur Internet, parfois gratuitement et sans

forcément passer par l’intermédiaire de la bibliothèque. En ce sens on comprend donc

bien à quel point la « plus-value » de la bibliothèque ne réside plus, comme cela a pu

être le cas dans le passé, uniquement dans le fait de détenir des savoirs. Le véritable

enjeu semble au contraire se trouver dans le rôle de médiateur de la bibliothèque.

Aujourd’hui, son expertise réside dans son travail de sélection et son apport en termes

de médiation entre le document et le lecteur. Il s’agit par exemple de sélectionner la

source, car comme on a pu s’en rendre compte auparavant il n’est pas toujours aisé

d’authentifier un livre numérique, ou encore de s’assurer de son intégrité, etc.

On voit donc bien à quel point ce rôle de médiateur est primordial aujourd’hui et

combien il peut revêtir des formes diverses : il s’agira par exemple de former les

usagers à la lecture sur écran et aux nouvelles potentialités offertes par le numérique, ou

encore de tâcher de remédier au phénomène d’«illectronisme » dont on a déjà parlé.

Même si en soi cette mission de formation n’est pas nouvelle puisqu’elle existe en

bibliothèque depuis l’apparition de l’Internet, elle prend toutefois une autre dimension

avec l’arrivée des livres électroniques. Comme dans le cas de la lutte contre

l’illettrisme, il s’agit ici de former des personnes afin de leur ouvrir les portes d’un

nouveau monde de lecture. Le rôle de la bibliothèque consiste donc également à

remédier à l’opacité qui entoure à ce jour le marché du livre électronique, pour faire en

sorte que les usagers aient accès aux « trésors » numériques, pour reprendre la

métaphore de Silvère Mercier. Enfin, selon Bernard Stiegler, lors de son intervention au

colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre », le rôle de la bibliothèque

consiste également à s’appuyer sur l’idée de coopération et de contribution, élément fort

de notre société actuelle. Selon lui, cela passe par la réalisation de communautés de

lecteurs : « les bibliothèques sont au cœur de la révolution industrielle en cours et

devraient être des lieux de constitution d’une politique de la lecture contributive. [...]

Cela revient à constituer des communautés de lecteurs. »100

100

Bernard STIEGLER, « La grammatisation du lecteur et ses enjeux », In Actes de colloque Les

métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction

d’Alain Giffard, pp.120-135. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-

MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).

64

Toutefois, on peut noter un certain nombre de difficultés liées une fois encore au

caractère immatériel des collections et qui rendent plus difficile le travail de médiation.

Tout d’abord, l’un des premiers obstacles tient au fait que le public utilisateur d’e-books

est plus difficile à cerner. C’est l’idée exprimée par Frédéric Martin et Emmanuelle

Bermès dans leur article au Bulletin des Bibliothèques de France : « comme les

collections traditionnelles, les collections numériques doivent faire l’objet d’une

médiation. Celle-ci est rendue plus complexe par le fait que le public peut être distant,

donc plus difficile à connaître et à saisir. »101

L’autre difficulté majeure en ce qui

concerne la formation des usagers à l’utilisation des collections numériques réside dans

le caractère instable de ces mêmes collections. En effet, comme on a pu le noter

auparavant, l’une des caractéristiques des acquisitions de livres numériques est qu’il

s’agit bien souvent d’abonnements à des accès. Or, la bibliothèque propose des

formations pour apprendre à utiliser les ressources qu’elle détient et qu’elle offre à ses

usagers. En bibliothèque universitaire, la formation à la recherche documentaire et aux

bases de livres électroniques auxquelles la bibliothèque offre accès fait partie du cursus

universitaire des étudiants et est dispensée en début d’année scolaire. Les abonnements

sont quant à eux revus et éventuellement reconduits ou abandonnés en début d’année

civile. Or, on comprend bien que si les étudiants ont été formés au mois de septembre et

que les abonnements changent au mois de janvier, ils ne seront pas formés à l’utilisation

des nouvelles bases, ce qui semble pourtant indispensable.

Ce qui est assez significatif avec le développement des collections numériques –

et de livres numériques en particulier – c’est le passage de la bibliothèque gardienne du

patrimoine à la bibliothèque prestataire d’informations. Selon Lise Vieira, « ainsi, nous

passons d’une notion de site fermé dédié à la conservation, à une notion d’espace ouvert

qui n’est pas sans rappeler le principe de l’agora antique, territoire de liberté et

d’exercice démocratique de la parole. »102

En effet, on voit bien que l’enjeu principal

consiste ici pour les bibliothèques à se saisir de cette évolution pour elles-mêmes faire

évoluer leurs structures et leurs missions. Puisque le caractère de conservation et les

tâches liées au traitement physique et logistique des documents tendent à diminuer, il

semble important que les bibliothèques en profitent pour mettre en place un véritable

101

Emmanuelle BERMES, Frédéric MARTIN, « Le concept de collection numérique », Bulletin des

Bibliothèques de France, 2010, n°3, p.16, disponible en ligne < http://bbf.enssib.fr/> (consulté le

01.02.2011). 102

Lise VIEIRA, Op. Cit., p.101.

65

fonctionnement centré autour du lecteur. La possibilité par exemple pour les usagers du

SICD2 de Grenoble de travailler en groupes sur l’interface de Cyberlibris témoigne

d’un tel désir. La mise en place de sites Internet ou de blogs destinés à promouvoir les

collections de livres numériques et permettant aux usagers de poster leurs avis et leurs

commentaires sur les ouvrages est également une initiative qui va dans ce sens. Si le

rôle de médiation et de formation de la bibliothèque est, on l’a vu, toujours

indispensable, il semble nécessaire toutefois que les politiques documentaires évoluent

vers une prise en compte de l’usager en tant que membre actif en mesure d’échanger et

désireux de partager ses lectures. Toutefois, on peut noter à ce jour un obstacle majeur à

ce principe : toute annotation, commentaire ou signet apporté par le lecteur en

bibliothèque ne peut être donné qu’ « hors livre » et aucune trace ne demeure,

contrairement à ce qu’il est déjà possible de faire avec des e-books personnels.

Néanmoins, on peut facilement imaginer que ce type d’évolutions (prise de notes sur un

livre emprunté, partage de ces prises de note, etc.) arrivera assez vite et sera rapidement

disponible en bibliothèque.

3. De nouvelles perspectives en termes d’animation et de services

au public

L’intégration de livres électroniques dans les fonds des bibliothèques, qu’il

s’agisse de bibliothèques municipales ou universitaires, est l’occasion pour celles-ci

d’offrir à leurs usagers de nouveaux services et de nouvelles perspectives d’animations.

Un public qui est particulièrement impacté par l’arrivée de livres numériques en

bibliothèques est celui constitué de personnes malvoyantes. En effet, les livres

électroniques sur tablettes ou autres supports dédiés à la lecture offrent la possibilité de

modifier la police mais aussi et surtout de grossir les caractères. Or, si jusque-là existent

dans la plupart des bibliothèques des fonds spécialisés « gros caractères », on peut voir

que cela présente un certain nombre d’inconvénients. Comparé au nombre de titres que

l’on peut trouver en caractères normaux, le nombre de ceux que l’on peut trouver en

gros caractères est très faible. Qui plus est, on constate que les personnes malvoyantes

subissent une différence de traitement puisqu’elles n’ont pas accès au même fonds que

les personnes ayant une bonne vue. Or, avec l’intégration de livres électroniques dans

les fonds de bibliothèques, le bénéfice semble être double pour les personnes

malvoyantes : non seulement elles ne font pas l’objet d’un traitement particulier et, en

plus, elles ont accès à un fonds aussi important que les personnes n’ayant pas de

66

problème de vue. Le bénéfice est également important pour les personnes non-voyantes

car on constate dans la plupart des cas que les bibliothèques qui acquièrent un fonds de

livres numériques proposent aussi un fonds de livres audio, téléchargeables et

empruntables selon les mêmes modalités que les livres électroniques.

De façon plus générale, si l’on songe à l’ensemble des usagers de bibliothèques,

on constate que l’arrivée de livres électroniques peut également ouvrir de nouvelles

perspectives en termes d’animation. En effet, Lorenzo Soccavo, dans son ouvrage

Gutenberg 2.0, imagine les nouvelles possibilités offertes par le numérique. Selon lui,

« tous les rêves sont possibles. Et plusieurs sont déjà en cours de réalisation. Peut-être

des rétroprojecteurs ou des radioréveils qui projetteront dans l’espace des pièces

d’immenses pages sur lesquelles le texte défilera comme par magie au rythme de lecture

de leur lecteur ? »103

Or, on imagine très facilement quel type d’applications de telles

possibilités pourraient avoir en bibliothèque. En effet, on peut par exemple imaginer des

séances de lecture collective qui – même si elles supposeraient de prendre un certain

nombre de dispositions à l’égard du droit d’auteur notamment – permettraient de

renouveler et de prolonger des animations de type café littéraire, journées d’étude ou

rencontre d’auteurs.

On pourrait également imaginer des applications en ce qui concerne les

animations jeunesse en bibliothèques municipales. Par exemple, le développement des

livres augmentés, et leur utilisation sur tablettes notamment, pourrait permettre de plus

fortes interactions entre le jeune usager et le livre. On pourrait ainsi imaginer des livres

pour lesquels le ou les enfants devraient opérer des choix, à l’image des « livres dont

vous êtes le héros », ce qui influerait sur la suite de l’histoire. Avec le numérique et

toutes les possibilités offertes par le multimédia et l’hypertexte, on imagine aisément à

quel point le champ des possibles est largement plus ouvert avec le numérique, en

termes d’interaction et d’implication du lecteur notamment. Le livre électronique

semble effectivement permettre un véritable échange et offre à l’usager la possibilité de

réellement s’inscrire au centre du processus d’animation.

Selon Gilles Eboli, lors de son intervention au colloque sur les « Métamorphoses

Numériques du Livre »104

, l’un des aspects fondamentaux avec le numérique réside

103

Lorenzo SOCCAVO, Op. Cit., p.122. 104

Gilles EBOLI, « Les bibliothèques face au numérique ». In Actes de colloque Les métamorphoses

numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous la direction d’Alain Giffard,

67

également dans la nécessité pour les bibliothèques de réussir à établir un lien de

proximité avec les usagers en dépit de son aspect dématérialisé. Selon lui, les pratiques

se voient totalement renouvelées avec l’arrivée de livres numériques. En effet, à aucun

moment un bibliothécaire n’est en relation directe avec un usager qui emprunte un livre

électronique, puisque le prêt et le retour du document s’effectuent de façon virtuelle,

directement au niveau de l’interface de la bibliothèque numérique. Aussi, toutes les

initiatives dont on a pu parler auparavant (blogs, commentaires, etc.) vont-elles dans ce

sens et permettent-elles d’entretenir un lien de proximité entre le bibliothécaire et

l’usager. Dans le même ordre d’idées, on peut songer à la BnF qui propose aujourd’hui

aux personnes intéressées d’« adopter un livre numérisé » sur Gallica105

. En payant pour

faire numériser un livre, l’usager se voit accorder une déduction fiscale et son nom

apparaît aux côtés des références de l’ouvrage numérisé, désormais disponible sur

Gallica. On voit donc bien qu’une telle action de la part de la BnF témoigne d’un besoin

de financer son entreprise de numérisation mais aussi d’impliquer les usagers dans cette

démarche de numérisation. En effet, on peut y voir un aspect très ludique et interactif, à

l’image du web 2.0 qui se développe aujourd’hui sur Internet.

A travers ces différents exemples, on voit bien à quel point l’arrivée du

numérique mais aussi et surtout de livres électroniques en bibliothèque modifie le

rapport de l’usager à celle-ci. Sa relation aux collections s’en trouve largement

modifiée, puisqu’il doit désormais apprendre à utiliser un nouvel instrument de lecture

et le maîtriser afin d’en tirer les meilleurs bénéfices possibles. Son rapport à la

bibliothèque en tant que lieu s’en trouve également transformé, puisqu’à l’univers

physique de la bibliothèque s’ajoute alors un univers purement virtuel. Le rôle de la

bibliothèque et du bibliothécaire dans l’accompagnement de l’usager à travers cette

évolution est indispensable et, on l’a vu, passe par des actions de valorisation et de

signalisation des collections, mais aussi de formation et de médiation, qui doivent

permettre au lecteur de s’approprier ces nouvelles collections. L’objectif étant que tous

ces changements permettent à l’usager de s’investir dans ses lectures numériques au

moins tout autant qu’avec les collections physiques.

pp.79-85. Disponible en ligne : <http://www.livre-paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le

22.03.2011). 105

Blog Gallica, « Adoptez un livre sur Gallica ! », < http://blog.bnf.fr/gallica/?p=2641> (consulté le

12.04.2011).

68

III. Nouveaux rôles et nouvelles organisations

1. La relation de la bibliothèque aux autres établissements : le rôle

central de la bibliothèque dans la définition d’un modèle

Face à l’arrivée de livres électroniques, les bibliothèques sont, on l’a vu,

sommées de se redéfinir et de repenser leur fonctionnement. Les relations aux

collections et au public s’en trouvent modifiées, et il semble donc nécessaire pour les

bibliothèques de repenser leur organisation et leurs modes de fonctionnement. En effet,

plus que jamais la bibliothèque s’inscrit dans un environnement physique avant d’entrer

dans le numérique et il est donc indispensable pour elle de s’associer avec ses pairs. Qui

plus est, face à de nouveaux acteurs, la bibliothèque semble appelée à s’interroger sur

son propre rôle et à mener une réflexion quant à son organisation en interne.

Si les principes de coopération et de partenariats ne sont pas nouveaux en

bibliothèques (on songe notamment au développement des mises en réseau d’ampleur

intercommunale, etc.), ils semblent toutefois prendre un caractère autre depuis le

développement des ressources numériques. En effet, il semble d’autant plus nécessaire

pour les bibliothèques de coopérer aujourd’hui que l’offre numérique est une offre

abondante et protéiforme. Dans ce contexte, différentes formes de coopération sont

possibles, mais la plus répandue consiste aujourd’hui en l’établissement en consortiums.

Selon Laurent Jonchère106

, les bibliothèques ont un rôle central à jouer dans le

développement du livre électronique car elles en sont les promoteurs mais aussi parce

qu’une fois organisées en consortiums, elles sont en mesure de peser face aux éditeurs

ou aux agrégateurs. Pour lui, c’est aux bibliothèques de profiter de l’avantage que leur

confère leur rôle de promoteur pour en profiter et négocier la mise en place d’un modèle

économique qui ne les lèse pas. Le rôle prépondérant des bibliothèques dans la

définition d’un modèle économique viable est également une idée qu’a défendue Gilles

Eboli lors de son intervention au colloque sur les « Métamorphoses Numériques du

Livre ». En effet, il explique qu’avec le numérique, la bibliothèque ne se situe plus en

bout de chaîne du livre comme c’est le cas avec les livres papier, mais qu’elle a un

véritable rôle de production car elle doit produire de la rareté dans ce qui existe déjà a

106

Laurent JONCHERE, Op. Cit.

69

priori et dans tout ce qui est réputé accessible. Selon lui, cela doit amener les

bibliothécaires à « penser une nouvelle économie des acquisitions [...]. »107

On comprend donc bien à quel point il est important pour les bibliothèques

d’établir des partenariats et notamment de s’établir en consortiums afin d’obtenir des

tarifs plus intéressants ou tout au moins une uniformisation des formats. En ce sens, la

cellule e-books108

mise en place par le consortium Couperin et dont on a déjà eu

l’occasion de parler, est bien conçue comme un outil permettant de faire le lien entre

éditeurs et bibliothèques. La cellule e-books a en effet un rôle de transition et a

justement pour objectif d’aiguiller les bibliothèques et de les aider à y voir plus clair

face à l’offre numérique, abondante et parfois difficile à cerner. Cela peut prendre la

forme de recommandations à destination des bibliothèques, mais aussi des éditeurs et

des agrégateurs, ou encore de mise en place d’une typologie de l’offre existante, etc.

A côté de l’expertise offerte par la cellule e-books et accessible à tous, les

consortiums sont le résultat de coopérations entre établissements, qui permettent

d’entreprendre des négociations avec les éditeurs et agrégateurs en matière de

ressources électroniques. Le consortium Couperin est le plus important et le plus ancien.

Créé à l’initiative de quatre universités en 1999 sous la forme d’une association, il

regroupait en 2010 206 membres, avec une majorité d’universités, mais aussi des

écoles, des organismes de recherche et d’autres organismes tels que le Collège de

France ou la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg (BNUS). En 2010 il

compte 113 ressources pour lesquelles la négociation a abouti. Il fonctionne notamment

sous la forme de groupements de commande, chez un éditeur en particulier (par

exemple Cairn, Dalloz, etc.) et de licences nationales109

.

Le consortium Carel (Consortium pour l’Acquisition des Ressources

Electroniques en Ligne) a quant à lui été créé à l’initiative de la BPI et concerne les

bibliothèques de lecture publique. Il ne possède pas de statut juridique110

, mais regroupe

des professionnels de plusieurs bibliothèques ainsi qu’un représentant de la Direction du

107

Gilles EBOLI, Op. Cit., p.84. 108

Cellule e-books, Consortium Couperin, <http://www.couperin.org/fr/groupes-de-travail-et-projets-

deap/ebook> (consulté le 13.04.2011). 109

Consortium Couperin, Rapport d’activités 2010,

<http://www.couperin.org/images/stories/documents/couperin_rapport_moral_2010.pdf> (consulté le

13.04.2011). 110

Sophie DANIS, « Carel, Consortium pour l’acquisition de ressources en ligne », Bulletin des

Bibliothèques de France, 2006, n°1, p.72. Disponible en ligne < http://bbf.enssib.fr/> (consulté le

23.02.2011).

70

Livre et de la Lecture (DLL). En 2005, 60 bibliothèques municipales participaient et le

consortium regroupait quelque 235 abonnements avec 30 titres proposés

(encyclopédies, dictionnaires, bases de presse, etc.). En 2010 le consortium regroupait

214 établissements et avait négocié 995 abonnements111

. On voit donc bien à quel point

en cinq ans, le nombre de bibliothèques ayant décidé de recourir au consortium et de

coopérer avec d’autres dans leurs acquisitions de ressources électroniques a augmenté

de manière significative.

Par ailleurs, l’intérêt grandissant des bibliothèques pour les partenariats et autres

coopérations se note également dans la création de partenariats à plus petite échelle.

Aussi la création du consortium UNR Rhône Alpes (Université Numérique en Région

Rhône Alpes) avec des actions essentiellement centrées sur les abonnements, témoigne-

t-elle de ce phénomène. D’ailleurs, le cas du SICD2 de Grenoble est assez significatif à

ce propos puisqu’il fait partie à la fois de l’UNR Rhône Alpes et de Couperin, ce qui lui

permet de multiplier les possibilités de négociation.

Il apparaît donc à travers ces différentes illustrations que les bibliothèques sont

de plus en plus amenées à mener des actions de coopération entre elles, et ce afin de

définir un modèle économique numérique viable, à même de satisfaire les éditeurs et

agrégateurs, mais aussi les bibliothèques. Stéphane Michalon, lors de son intervention

au colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre »112

évoque même la

responsabilité des bibliothèques face aux petites librairies, qu’elles doivent tenter de

privilégier face aux géants numériques que représentent déjà certains agrégateurs et

éditeurs. Or, on est toutefois en droit de se demander quel sera l’impact pour les petites

librairies si l’Etat vient à imposer des « marchés » aux bibliothèques universitaires

françaises sous la forme de fournisseurs officiels, par exemple. Le rôle des

bibliothèques vis-à-vis de celles-ci est indéniable, reste maintenant à trouver les

modalités d’acquisition et les modèles économiques les moins néfastes pour elles.

111

Bibliothèque Publique d’Information (BPI), Carel – Bilan,

<http://www.bpi.fr/fr/professionnels/collections_et_services2/carel_ressources_electroniques/bilan.html>

(consulté le 13.04.2011). 112

Stéphane MICHALON, « Editer, diffuser, commercialiser les livres à l’ère numérique ». In Actes de

colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence Régionale du Livre PACA, sous

la direction d’Alain Giffard, pp.100-105. Disponible en ligne : <http://www.livre-

paca.org/doc/actescolloque-MNL.pdf> (consulté le 22.03.2011).

71

2. La bibliothèque face à de nouveaux acteurs

Dans le même ordre d’idées, Marin Dacos évoque lors de son intervention au

colloque sur les « Métamorphoses Numériques du Livre » le fait que dans le contexte du

développement des livres électroniques, les bibliothèques sont indispensables face aux

distributeurs qui agissent selon des normes de marketing plus que dans l’intérêt des

lecteurs. Il évoque en effet la situation de pouvoir dont bénéficient les « gros »

distributeurs tels que la Fnac ou Amazon et qui agissent largement selon des buts

lucratifs et sans se soucier réellement des souhaits des lecteurs :

Si Amazon ne veut pas vendre de livres épuisés, s'il n'a pas du tout

envie de me vendre un Kâmasûtra, ou s'il n’a pas du tout envie de favoriser

Apple qui serait devenu éditeur d'un livre très intéressant sur le sujet qui

m'intéresse, il peut tout à fait ne pas me les recommander. Il s’agit là du

crowdsourcing à la sauce marketing, absolument lisse et invisible, mais qui

agit partout où nous faisons confiance à des opérateurs comme Amazon.113

Une illustration très concrète de ce phénomène concerne l’attitude d’Amazon en

2009 dans ce qui a été appelé « l’affaire Kindle / Orwell ». Après s’être rendu compte

qu’il avait fait une erreur dans la commercialisation de versions numériques de 1984,

Amazon a supprimé du jour au lendemain l’ensemble des exemplaires de 1984 que les

utilisateurs de Kindle avaient acheté sans même les prévenir, effaçant du même coup

l’ensemble de leurs annotations. Cet exemple montre bien à quel point les gros

fournisseurs n’agissent pas toujours dans l’intérêt des usagers – qui sont chez eux des

clients – et à quel point les bibliothèques ont un rôle majeur à jouer afin de proposer une

offre en adéquation avec les attentes des lecteurs. Il apparaît également nécessaire à

travers de tels exemples de mettre en place une déontologie de l’accès aux livres

numériques et un code des bonnes pratiques (en tant que fournisseur ne pas couper

l’accès à un document du jour au lendemain sans prévenir, offrir l’accès à tous types de

livres sans exception, etc.). Le numérique offrant des perspectives toujours plus larges

tant dans la forme des documents que dans la façon de les communiquer, il semble

indispensable que les bibliothèques, entre autres, participent à l’établissement d’un

système respectueux de ses usagers.

Marin Dacos évoque également le fait qu’avec le développement du web 2.0, le

travail des bibliothèques et des librairies est en partie effectué par des sites

communautaires autour de la littérature. On songe notamment à des sites tels que Sens

113

Marin DACOS, Op. Cit., p.113.

72

Critique114

ou encore LibraryThing115

, qui permettent aux utilisateurs d’échanger sur

leurs lectures et d’émettre de véritables critiques. Marin Dacos insiste alors sur le fait

que c’est aux bibliothèques entre autres de s’approprier de tels outils pour faire

connaître les livres, et les livres numériques en particulier. Leur expertise en termes de

médiation est un atout majeur en ce qui concerne l’utilisation de tels outils. On voit

donc bien à travers cette idée que l’arrivée de livres électroniques en bibliothèque révèle

un besoin plus large pour elles de s’imprégner du numérique et de s’en emparer. Le

numérique peut d’ailleurs se révéler être un très bon moyen pour les bibliothèques de se

faire connaître et de gagner en visibilité. En témoigne l’exemple de la Bibliothèque de

Lisieux qui a su se donner une renommée internationale en numérisant ses fonds et en

les mettant gratuitement en ligne sur son site116

. Finalement, on se rend bien compte

qu’il n’est pas envisageable de proposer un même travail de valorisation ou de

communication des collections avec du numérique qu’avec du papier. Il est donc

nécessaire d’utiliser des outils adaptés, que représentent entre autres ces sites

communautaires.

Enfin, avec le développement des livres numériques, Lise Vieira note une

ambiguïté à laquelle les bibliothèques doivent tenter de remédier. En effet, selon elle il

arrive qu’avec le virtuel, on ne sache plus vraiment à quel type d’interlocuteur on a

affaire : s’agit-il d’une librairie virtuelle ? D’une bibliothèque virtuelle ? Certains sites,

en proposant le téléchargement de livres tombés dans le domaine public apparaissent

par exemple comme faisant concurrence aux bibliothèques. Or, même si l’idée de

« faire du chiffre » n’est pas le but recherché par les bibliothèques (si ce n’est dans une

certaine mesure pour témoigner de leur vitalité auprès de l’organisme de tutelle), Lise

Vieira s’interroge sur leur capacité à maintenir ce cap :

Ce qui distingue alors la librairie de la bibliothèque est tout

simplement la dimension commerciale. Les bibliothèques pourront-elles

continuer à assurer leur rôle de service public en maintenant la gratuité de

l’accès aux documents ? Si ce n’est pas le cas, elles se trouveront en

situation de concurrence avec les entreprises à but lucratif.117

Cette idée de concurrence (que ce soit parce que les bibliothèques puissent ne

plus être en mesure d’assurer la gratuité ou au contraire parce que des entreprises

114

Sens Critique < http://www.senscritique.com> (consulté le 14.04.2011). 115

LibraryThing < http://www.librarything.fr/> (consulté le 14.04.2011). 116

Bibliothèque électronique de Lisieux, <http://www.bmlisieux.com/> (consulté le 26.04.2011). 117

Lise VIEIRA, Op. Cit., p.103.

73

lucratives se mettent à proposer des ouvrages numériques gratuits) semble toutefois à

nuancer. En effet, on peut imaginer que les personnes qui téléchargent gratuitement sont

aussi des personnes attachées au livre et qu’elles vont continuer à fréquenter les

bibliothèques. D’ailleurs, l’étude du CNL118

que l’on a déjà évoquée montre qu’après

avoir testé la lecture numérique, les lecteurs se disent surtout prêts à se rabattre sur de

l’offre gratuite légale. En effet, cette offre est évoquée comme étant celle satisfaisant le

plus les amateurs de classiques. Or, on peut penser que ces mêmes amateurs de

classiques sont suffisamment amateurs de littérature en général pour également

continuer de fréquenter une bibliothèque. On trouve ainsi une certaine complémentarité

entre l’offre gratuite disponible sans passer par l’intermédiaire de la bibliothèque (mais

qui, on a pu l’évoquer auparavant, peut poser un certain nombre de soucis, notamment

en matière d’authentification) et l’offre proposée par les bibliothèques qui regroupe en

général quant à elle des ouvrages numériques contemporains.

On voit donc à travers ces différents exemples à quel point avec les livres

numériques, les bibliothèques doivent envisager l’arrivée de nouveaux acteurs, qui

peuvent parfois sembler empiéter sur ce qu’elles proposent. Toutefois, il apparaît

clairement ici que l’expertise de la bibliothèque en termes de médiation et que le

caractère varié de ses collections lui confèrent des atouts la rendant irremplaçable et

indispensable.

3. Une réflexion nécessaire en interne

Il semble maintenant important de se pencher sur les changements que

l’intégration d’un fonds de livres électroniques peut provoquer quant à l’organisation en

interne des bibliothèques. Tout d’abord, il paraît nécessaire pour les bibliothécaires

d’être formées à une véritable « culture professionnelle du numérique », comme le

suggèrent Frédéric Martin et Emmanuelle Bermès dans leur article au Bulletin des

Bibliothèques de France119

. En effet, si le rôle des bibliothécaires évolue – c’est bien ce

que l’ensemble de notre travail tend à démontrer – ils sont toutefois plus que jamais

indispensables. Pour qu’ils restent garants de l’accès à la culture et au savoir – les

missions en elles-mêmes ne changent pas avec l’arrivée du numérique – il est nécessaire

qu’ils apprivoisent et maîtrisent ce nouvel instrument. En soi, la gestion ne diffère pas

118

Centre national du livre, « Résultats qualitatifs », in Le livre sera-t-il numérique ?, enquête réalisée en

2009 et 2010, disponible sur Internet < http://www.centrenationaldulivre.fr/?Le-livre-sera-t-il-

numerique>. 119

Emmanuelle BERMES, Frédéric MARTIN, Op. Cit., p.17.

74

avec l’arrivée du numérique selon les deux auteurs, si ce n’est qu’elle s’applique

désormais à un objet nouveau. Gilles Eboli va même plus loin dans ce sens puisque

selon lui « il faut reprendre le slogan digital is not different de nos collègues américains,

c’est-à-dire que les usages du matériel doivent se retrouver dans le numérique. »120

Au

vu des aspects évoqués dans les parties précédentes, ceci semble à nuancer. En effet, on

a pu se rendre compte à plusieurs reprises que reproduire l’exact modèle du livre papier

dans le livre numérique n’était pas des plus opportuns puisqu’il tend à instaurer une

certaine rigidité dans la gestion, là où le numérique permet pourtant une plus grande

souplesse.

Pour Lise Vieira, il est plutôt nécessaire de profiter de l’arrivée d’un fonds de

livres électroniques et du numérique en général pour donner l’opportunité au personnel

de repenser autrement leur fonction. « La notion classique de gardiens du patrimoine

chargés de la conservation de nos biens culturels est en train d’évoluer vers celle de

prestataires d’information à destination de publics de plus en plus autonomes. »121

,

ajoute-t-elle. Il semble effectivement primordial d’engager directement auprès des

personnels de bibliothèque une réflexion sur leur place et leur rôle et sur la façon dont

tout cela évolue. En effet, au départ l’arrivée du numérique est souvent source

d’appréhension, voire même de rejet, surtout pour les personnes peu adeptes et peu

habituées aux nouvelles technologies, souvent les plus réticentes. Une véritable

réflexion est donc indispensable, qui doit mener à une explication sur ce qu’est le

numérique dans sa globalité et les avantages qu’il peut apporter aux bibliothèques.

Une autre caractéristique des fonds de livres électroniques est la forte

transversalité inhérente à leur gestion. En effet, selon Frédéric Martin et Emmanuelle

Bermès, « il est beaucoup plus difficile de séparer les tâches qu’avec la collection

traditionnelle. »122

Ils prennent un exemple très significatif pour illustrer cela : si la

façon d’équiper un document papier a peu d’impact sur la façon dont il sera

communiqué par la suite en salle de lecture, ce n’est pas le cas d’un document

numérique car « la façon dont il est produit (techniquement parlant) détermine

fortement les opérations de conservation qu’on sera capable d’effectuer, et les modalités

de consultation dans la bibliothèque numérique. »123

En ce sens, il semble primordial

120

Gilles EBOLI, Op. Cit., p.84. 121

Lise VIEIRA, Op. Cit., p.43. 122

Emmanuelle BERMES, Frédéric MARTIN, Op. Cit., p.17. 123

Ibid., p.17.

75

que la communication en interne, entre les différents secteurs et les différents services,

soit d’autant plus renforcée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la formation des

bibliothécaires doit être une formation relative à l’environnement global que constitue le

numérique, et non pas seulement une simple formation à de nouvelles tâches. En effet,

avec le numérique, il semble impossible de mener une tâche sans avoir une vision

d’ensemble et sans se mettre d’accord sur un vocabulaire commun et une gestion

commune.

Dans le même ordre d’idées, il semble également important d’opérer une

réorganisation en interne ou tout au moins de s’interroger sur l’organisation existante.

Faut-il une seule personne responsable du numérique ou est-ce que chaque responsable

de secteur doit s’occuper des acquisitions et de la gestion des livres électroniques

propres à son secteur ? Il est nécessaire de se poser ce type de question, même s’il ne

semble pas y avoir de réponse unique et que cela dépende d’un certain nombre de

facteurs (taille de la bibliothèque, importance du fonds numérique, etc.). A la

bibliothèque universitaire de Lyon 1, un responsable unique s’occupait du numérique à

la création du fonds, puis, il a été décidé que chaque responsable de secteur s’occuperait

de ses propres acquisitions124

. On voit donc bien dans ce cas précis qu’une fois l’aspect

matériel/immatériel dépassé et une fois le fonds véritablement ancré dans les collections

de la bibliothèque, c’est finalement l’expertise de l’acquéreur et la connaissance de son

fonds et de son secteur qui prime. Par ailleurs, comme on vient de le voir, la

transversalité semble plus importante avec le numérique et en ce sens on comprend bien

qu’il est nécessaire d’avoir des secteurs décloisonnés afin d’obtenir une

homogénéisation de l’offre et du traitement. Surtout, il apparaît primordial de réfléchir

sur ce qui était déjà acquis et en ce sens, l’intégration d’un fonds de livres numériques

entraîne une véritable remise en question du service offert et de la façon dont on

souhaite que cela se mette en place avec le numérique.

Enfin, l’aspect immatériel du numérique rend les résultats encore moins visibles

(en termes d’évaluation de l’usage des collections et de la fréquentation de la

bibliothèque numérique notamment). Pourtant, à ce jour, des indicateurs permettent de

telles mesures, mais les résultats semblent à première vue moins concrets et moins

notables que lorsqu’il s’agit de la fréquentation physique d’une bibliothèque. On peut

donc penser qu’il faut rendre d’autant plus de comptes à l’organisme de tutelle

124

Odile JULIEN COTTART, Op. Cit.

76

(université pour les bibliothèques universitaires ou commune pour les bibliothèques

municipales). Pour ce faire, il semble nécessaire pour l’ensemble des bibliothécaires de

bien maîtriser la question du numérique afin de rendre toute la gestion plus nette et

d’être en mesure de présenter des résultats clairs quant au fonds de livres numériques.

En conclusion, il apparaît que l’intégration de collections de livres numériques

aux collections d’une bibliothèque doive mener à une véritable réflexion quant aux rôles

et à l’organisation non seulement de la bibliothèque dans son ensemble, mais aussi des

bibliothécaires au sein de l’établissement. Autrefois toujours en bout de chaîne du livre

avec le modèle du papier, les bibliothèques doivent désormais saisir une nouvelle

opportunité : participer à la définition d’un modèle économique du numérique viable et

bénéfique pour tous. L’arrivée de nouveaux acteurs, notamment sur Internet, doit

également être l’occasion pour les bibliothèques de se saisir de nouveaux outils et de se

faire une place au sein de l’instrument de communication et de médiation que constitue

le web. Enfin, une réflexion quant à l’organisation en interne doit également permettre

aux bibliothèques de s’approprier le numérique dans sa globalité et ainsi de proposer

une offre numérique plus cohérente et mieux structurée.

77

Conclusion

Au terme de ce travail, il apparaît que le changement lié au livre électronique est

moins rapide qu’escompté. La plupart des professionnels interrogés s’accordent en effet

pour dire que la révolution annoncée avec l’arrivée de l’e-book tient en fait davantage

de l’évolution et que sa mise en place en bibliothèques demeure très lente. Néanmoins,

à l’aube des années 2010 la percée des livres électroniques semble bel et bien amorcée.

Comme on a pu s’en rendre compte à travers les différents exemples proposés,

les bibliothèques s’interrogent de plus en plus sur cette question, et à voir l’abondance

de la littérature à ce sujet, elles ne sont pas les seules. Par ailleurs, on peut noter

plusieurs façons d’appréhender le numérique et plusieurs attitudes face aux livres

électroniques. D’aucuns préfèreront équiper la bibliothèque en matériel et en supports

plutôt que d’investir dans des ouvrages électroniques, là où d’autres au contraire,

préfèreront acquérir des livres numériques et attendre que les technologies se

développent et qu’un modèle de support se fige.

Néanmoins, quelle que soit la posture adoptée, il est clair que l’intégration d’un

fonds de livres électroniques (contenus et/ou contenants) occasionne des

bouleversements structurels majeurs en ce que qui concerne les bibliothèques, quelles

qu’elles soient. Appelées à se repenser et à se redéfinir, les bibliothèques doivent

trouver un juste équilibre entre des collections dématérialisées et un service au public

qui se doit quant à lui de demeurer bien personnalisé et non pas seulement ancré dans le

virtuel.

En conclusion, il apparaît que loin d’être fermées, les perspectives pour les

bibliothèques sont au contraire plus que jamais ouvertes. Alain Jacquesson et Alexis

Rivier125

envisagent d’ailleurs trois types de modèle d’adaptation de la bibliothèque au

numérique, dont on peut d’ores et déjà voir quelques applications. Le premier modèle

proposé envisage la bibliothèque comme étant devenue entièrement virtuelle, ne

disposant donc plus d’aucun espace physique pour entreposer ses collections ou encore

pour accueillir le public. Le deuxième modèle, que l’on a déjà eu l’occasion d’évoquer,

est celui du learning centre, qui prend le numérique comme point de départ pour

construire un véritable lieu de vie dont la bibliothèque serait le centre. Enfin, le dernier

125

Alain JACQUESSON, Alexis RIVIER, Op. Cit., pp.537-540.

78

modèle est celui de la bibliothèque hybride. Il consiste en un mélange des deux

mondes : numérique et papier.

Face au numérique, chaque bibliothèque est donc libre de choisir sa voie,

d’intégrer ou non des collections de livres électroniques à son fonds existant et dans les

conditions qu’elle désire. Toutefois, il semble que le numérique soit à ce jour une réalité

à part entière qu’on ne peut négliger. Rappelons tout de même que loin d’effrayer, le

numérique devrait au contraire enthousiasmer par les nouvelles perspectives qu’il ouvre.

Qui plus est, à l’heure d’aujourd’hui le livre électronique ne semble pas à même de

supplanter le livre papier et on peut donc imaginer majoritairement un modèle axé sur la

cohabitation des deux types de collection.

Toutefois, il est bon de rappeler que s’agissant de nouvelles technologies, nous

avons ici affaire à un paysage en pleine mutation, et qu’il est de ce fait difficile de faire

des propositions ou des analyses qui restent valides dans le temps. L’ensemble de ce

travail repose en effet sur une étude de la situation au début des années 2010 et celle-ci

est très largement amenée à évoluer. En effet, si l’un des freins du côté du public vient

pour une large part des personnes âgées, on est alors en droit de s’interroger. Dans

quelques décennies, les « digital natives » d’aujourd’hui seront les personnes âgées de

demain. Quid alors des réticences face au numérique et quelle évolution pour le livre

électronique ?

79

Annexe 1 : Entretien avec Marie-Jeanne

Qu’est-ce que c’est pour toi qu’un « livre électronique » ?

Ça me fait penser à Internet. Il faut certainement taper un signe quelconque qui

va m’amener sur le livre électronique.

Et sur quoi penses-tu qu’on le lise ? Sur l’ordinateur ?

Certainement, oui.

Alors je vais t’expliquer vraiment ce que c’est. Comme c’est quelque chose

d’assez récent, la définition varie tout le temps. En fait, un livre électronique c’est un

livre sous format électronique, c’est-à-dire que tu peux le lire sur un écran. Après ça

peut être un écran d’ordinateur, comme tu l’as dit, mais aussi des tablettes

électroniques qui font la taille d’un grand livre. Ce sont des petits ordinateurs en fait

qui n’ont pas de touches, mais ça fait comme une page en fait. L’intérêt c’est que tu

peux charger sur ces machines des centaines et des centaines de livres. C’est-à-dire que

tu peux te balader avec toute ta bibliothèque avec toi. Donc voilà en quoi consiste le

livre électronique et ça se développe de plus en plus. Après tu achètes sur Internet.

Donc tu vas sur un site Internet, tu lui dis je veux tel livre, tu le payes (tu vas le payer

moins cher qu’un livre papier) et ensuite tu peux le garder sur ta machine. Donc ce

n’est pas concret comme un livre papier. Maintenant, est-ce que tu te verrais lire un

livre sous cette forme ? C’est-à-dire lire un livre où tu ne tournes pas de pages – tu

appuies sur une touche pour tourner les pages ou tu cliques sur ta souris pour tourner

les pages ...

Non, pas tellement. Je préfère le papier.

Tu ne te verrais pas devant ton ordinateur en train de lire un livre électronique ?

Non.

Qu’est-ce qui te manquerait à ce moment-là ?

Parce que si j’arrête de lire, j’aime mieux reprendre mon bouquin que de

remettre tout le système en route. Le bouquin je le garde et je vais continuer ma lecture

comme ça.

Donc le problème principal ce serait d’avoir à toujours tout remettre en route ?

80

Oui, et puis il faut se réinstaller devant l’ordinateur ...

C’est l’aspect contraignant surtout ... Il existe des bibliothèques où tu peux

emprunter un livre électronique directement sur le site Internet de la bibliothèque. C’est

un livre virtuel en fait, que tu télécharges et que tu regardes sur ton ordinateur. Au bout

de trois semaines, il disparaît de ton ordinateur, comme si tu allais le rendre. C’est un

système d’emprunt. Donc c’est complètement différent puisque tu n’as pas du tout de

contact avec le papier ... Ça n’a rien à voir.

Tu ne tournes pas les pages, tu cliques.

Exactement. Est-ce que tu vas en bibliothèque ?

J’y suis allée, mais je n’ai pas continué. J’achète des revues de temps en temps,

sinon on reçoit le journal tous les jours.

Ça par exemple ça existe aussi aujourd’hui, les journaux que tu peux lire sous

format électronique. C’est le même système.

Oui, on peut aller sur Internet.

Et alors le journal que vous recevez tous les jours, est-ce que tu te verrais aller

le lire sur Internet ?

Non, même quand il n’est pas livré là, on ne va pas aller le voir sur Internet.

C’est tout un rituel quand il arrive là d’aller le chercher à la boîte aux lettres, de tourner

les pages ...

Oui, donc tu ne te verrais pas lire un livre électronique ...

Ponctuellement peut-être, mais pas souvent. De temps en temps j’arriverais à le

faire, mais peut-être pour des extraits, pas pour lire un livre en entier.

Et donc si la bibliothèque que tu fréquentais proposait des livres électroniques

ça ne t’intéresserait pas plus que ça ?

Je pense qu’il faudrait que j’aille voir vraiment pour réellement visualiser et

pouvoir dire si ça me plaît ou non. Comme ça je n’ai pas l’impression. Il faut rester

planté sur sa chaise, tu ne peux pas changer de position, tandis qu’avec un livre normal

tu changes de position, tu t’allonges ou tu t’assois ...

Maintenant, il y a des systèmes qui ont été inventés pour rendre la lecture plus

agréable. Avant, les écrans étaient tous rétro-éclairés, c’est-à-dire qu’il y a de la

81

lumière qui nous arrive dans les yeux et c’est ça qui fait qu’on ne peut pas lire

longtemps, parce qu’on a mal aux yeux.

Oui, on est plus vite fatigué.

Maintenant ils ont inventé des nouveaux systèmes. Par exemple, le livre

électronique que j’ai n’est pas du tout rétro-éclairé, donc ça fait comme une page de

livre. Visuellement ça ressemble à une page. Voilà, ce sont les débuts et ils sont en train

de créer des systèmes qui rendent la lecture plus agréable.

Et tu peux grossir les lettres ?

Oui, il y a de nouvelles possibilités qui sont inventées.

Les personnes qui ont des problèmes de vue vont donc pouvoir lire plus

facilement.

82

Annexe 2 : Entretien avec Pierre

Comment définirais-tu un livre électronique ? Qu’entends-tu par « livre

électronique » ?

Pour moi, c’est un livre que tu peux consulter sur l’ordinateur, ou sur l’Itouch,

l’Ipad ...

Mais pour toi si je parle de « livre électronique », je parle plutôt de contenu ou

de contenant d’après toi ? Si par exemple je te dis « j’ai acheté un e-book », est-ce que

tu vas penser plutôt que j’ai acheté une tablette ou un livre en ligne sur Internet ?

Pour moi c’est un livre en ligne sur Internet.

Après les lectures et les rencontres que j’ai pu faire, je me rends compte que les

définitions sont assez fluctuantes. On définit de la même façon un livre électronique en

tant que contenu et le contenant. Maintenant, j’aimerais savoir si tu as déjà lu un livre

électronique ?

Des extraits, oui.

Sur quoi as-tu lu ces extraits ?

Je les ai lus sur un Ipad. J’ai un copain qui en a un et j’en ai lu dessus.

Et alors, quel est ton ressenti par rapport à cette lecture, en comparaison avec

un livre papier ?

C’est peut-être plus pratique. Je pense que pour certaines personnes ça peut être

utile, mais moi ça ne me fera pas plus lire.

D’accord, toi ça ne t’inciterait pas à lire. Par exemple, si on te proposait les

deux ... Si on te disait tu dois lire Les misérables de Victor Hugo, et qu’on te dise tu

peux soit l’avoir en version papier, en plusieurs tomes donc, soit l’avoir en version

électronique. Que préfères-tu ?

De toutes façons en version électronique on a le même nombre de pages ... Mais

peut-être que je choisirais en version électronique parce que je n’en ai jamais lu, parce

que ça peut être nouveau ... Mais même si j’en avais déjà lu je pense que je prendrais la

version électronique quand même.

83

Si tu avais le choix entre les deux, tu choisirais la version électronique, donc.

Pourquoi ? Quels avantages y verrais-tu ?

Peut-être parce que j’ai moins vécu dans la période du livre papier, donc je pense

que l’électronique me paraît plus adapté.

Donc ça t’attire plus. Si tu avais les deux l’un à côté de l’autre, tu serais plus

attiré par l’électronique.

Oui.

Parce que tu vas voir plus d’avantages dans le livre électronique ?

Je pense que je suis plus attiré par l’électronique que par le papier. Si j’ai le

même livre sur le papier et sur l’électronique, je vais plus être attiré par l’électronique.

Donc tu serais plus attiré par l’électronique ... Est-ce que ce serait le côté

moderne, jeune, qui t’attire ?

Je pense que oui, c’est innovant. Par contre comme je le disais tout à l’heure, ça

ne me ferait pas plus lire. Je suis un peu fâché avec les livres, donc en soi le fait de lire

ne m’attirerait pas pour autant. Par contre, le livre audio m’attirerait plus. Après, du

point de vue du vocabulaire et de l’orthographe, je sais que c’est pas du tout pareil que

l’écrit.

C’est sûr que c’est assez différent, tu peux faire autre chose en même temps, ce

n’est pas le même rapport ... Mais c’est agréable aussi. Est-ce que tu vas en

bibliothèque ?

Jamais, non.

Est-ce que tu as déjà été abonné, inscrit ?

Non.

Donc, tu ne fréquentes pas de bibliothèque, tu vas peut-être de temps en temps

au CDI ?

Oui, de temps en temps, pour utiliser des manuels scolaires quand j’ai besoin,

mais je n’emprunte pas de livres. Je consulte sur place.

Est-ce que si tu savais que la bibliothèque à côté de chez toi propose des livres

sous forme électronique, c’est-à-dire que tu peux télécharger de chez toi, les lire sur ton

84

ordinateur ou ton Ipod, est-ce que ça te donnerait une autre image de la bibliothèque ?

Est-ce que ça t’attirerait plus vers la bibliothèque ?

Au début oui, parce que ce serait nouveau et j’aime bien tout ce qui est nouveau,

c’est marrant, comme les nouvelles applications sur un portable, c’est marrant. Après

quand tu lis, à la fin tu lis la même chose, que ce soit sur du papier ou sur un ordinateur,

c’est exactement le même livre. Donc, je pense que je m’en lasserais, pareil qu’avec un

livre normal.

C’est le côté un peu gadget qui t’attirerait, en fait. Au début, ça t’attire parce

que c’est nouveau, mais pour autant ...

Oui, voilà je sais très bien que ça ne va pas changer grand-chose.

Et en ce qui concerne l’avenir ? Tu fais partie des jeunes qui utilisent

énormément Internet, alors est-ce que pour toi les livres électroniques pourraient

remplacer les livres papier ? Si par exemple tu voulais te constituer une bibliothèque, te

mettre à lire plus que ce que tu fais pour le moment, est-ce que tu crois que cela te

dérangerait d’avoir des livres électroniques ? Est-ce que tu trouves que quand même

avec le livre papier, avoir un support c’est quelque chose d’important ?

Moi, non ça ne me dérangerait pas, même si je sais que c’est quand même

sympa, quand tu peux avoir une vraie bibliothèque. C’est sympa de pouvoir les

consulter, alors que sur un petit écran, c’est différent ... Quand tu as vraiment les livres

en mains, que tu peux les toucher, c’est sympa. Mais je sais que moi ça ne me

dérangerait pas pour autant. Mais j’aime quand même bien avoir le livre papier. L’idéal

en fait ce serait les deux : avoir une vraie bibliothèque et pouvoir emmener ta

bibliothèque avec toi quand tu pars en voyage.

85

Annexe 3 : Entretien avec Christine Carrier, Directrice des Bibliothèques Municipales de

Grenoble

J’aurais d’abord voulu savoir comment vous définiriez, vous, un e-book ?

Alors justement, comment on définirait un e-book : jusqu’à maintenant les e-

books, pour moi étaient des tablettes de lecture. On se rend compte qu’avec l’Ipad, on

est entre la tablette de lecture et l’ordinateur, puisqu’aujourd’hui, l’outil s’il est d’abord

et avant tout vendu comme étant une tablette de lecture, il permet éventuellement

d’avoir une utilité peut-être un peu plus minime qu’un ordinateur, mais quand même, on

peut écouter de la musique, ranger ses photos, avoir un accès Internet. Donc, pour moi,

l’e-book tel qu’il avait été défini il y a encore quelques années était vraiment une

tablette de lecture dédiée à la lecture. Or, aujourd’hui, on se rend compte que cet outil

tel qu’il avait été défini au début d’une part est en train de se transformer pour être

beaucoup plus polyvalent, et éventuellement, je ne sais pas s’il aura le succès qu’a eu

l’Ipod – je parle de l’Ipad comme d’autres, je cite l’Ipad parce que c’est le dernier venu,

ce n’est pas forcément ma référence, par contre l’Ipod en est une par rapport aux

baladeurs, qui devient un lieu où aujourd’hui on peut stocker des vidéos et de la photo -

et en fait on se rend compte qu’un outil dédié à la lecture n’est peut-être pas ce qui va

réellement être le marché commercial. On parle de commerce ici.

Donc mon introduction rejoint la définition de l’e-book. Aujourd’hui on est encore dans

une période où on ne sait pas encore très bien ce qui va être le modèle dominant. On a

vu sortir des tablettes qui n’ont pas marché, aujourd’hui, l’Ipad est la dernière arrivée,

elle donne certainement le confort de lecture le meilleur, mais je ne suis pas sûre que

l’Ipad aura le succès de l’Ipod, parce que tout simplement, aujourd’hui le public veut un

seul et même outil de lecture, mais de lecture d’images, comme de lecture de texte,

comme d’accès à Internet. Et donc on a beaucoup parlé du téléphone ; c’est vrai qu’en

France on n’est pas forcément les plus avant-gardistes, mais il semblerait qu’au Japon,

le téléphone – alors on verra bien ce que ça donnera aussi, ça ne concerne pas tous les

publics, ça concerne les publics jeunes, notamment adolescent – fait une entrée

remarquée sur tous ces supports, y compris les supports textes, et notamment les

supports BD. A voir. Moi je trouve qu’aujourd’hui il est urgent de tester, mais aussi

86

urgent d’attendre avant de partir sur des achats massifs en tous cas pour ce qui pourrait

être nos bibliothèques.

Pour le moment vous proposez un fonds de livres numériques, mais vous n’avez

pas du tout de liseuses ?

Non, nous on n’a pas pris le parti de partir vers des achats de matériel, ce qui

n’est pas le cas d’autres bibliothèques, je parle des grosses parce que les petites n’ont

souvent pas les moyens de partir sur ce genre de choses. Par contre, on a une offre de

livres numériques, on a une offre de films numériques, on a une offre de revues

numériques, on cherche désespérément une offre de musique numérique mais on a

beaucoup de mal à trouver quelque chose qui nous convienne. On est quand même dans

un choix de politique documentaire, donc on ne prend pas parce que c’est nouveau, on

prend soit parce que ça vient compléter nos collections physiques, soit on considère que

ça a un spectre suffisamment large pour toucher tous les publics. Aujourd’hui sur la

musique on est très dubitatifs et on n’a pas trouvé le produit qui nous convienne, mais

on regarde aussi l’évolution de la musique et notamment de la musique sur Internet de

très près parce qu’on se rend compte qu’on a encore beaucoup de téléchargements

illégaux et puis aussi de sites gratuits. On a les deux, et qu’aujourd’hui on a du mal à

voir un modèle qui pourrait nous convenir, nous, qui ne sommes ni libraires et

marchands, et qui voulons encore offrir une offre encyclopédique y compris en

musique. Donc on n’a pas trouvé, mais on a une offre de revues, de livres, de films et on

a été choisis par le ministère de la Culture pour monter un projet innovant autour de la

VOD justement, en streaming. On sort notre site de VOD en streaming au 31 décembre,

juste avant le passage à 2011. On avait un vrai problème de bande passante, on avait un

défi technologique à trouver, puisqu’en fait les films, pour qu’ils puissent être diffusés

en streaming, il faut que la bande passante soit très importante. Or, les villes aujourd’hui

proposent des bandes passantes qui ne permettaient pas de voir des films de très bonne

qualité. On s’est associés avec le service Communication de la ville de Grenoble pour

monter notre projet de streaming de vidéo à distance, qui va ouvrir en fin d’année,

sachant que la Communication était intéressée par acheter de la bande passante pour

d’autres choses qui sont plus liées à son propre service. Donc, on va ouvrir un service

innovant, qui sera le premier en France, en fin d’année, autour de la consultation de

films, qu’ils soient documentaires ou de fiction, en streaming à partir d’un abonnement

de bibliothèque.

87

Sinon, concernant le fonds de livres numériques que vous avez via Numilog,

depuis quand cela a-t-il été mis en place ?

Alors, c’est l’un des services les plus anciens autour du numérique. Tout

simplement parce que l’offre nous convenait, il avait un peu de romans et c’était surtout

une offre de livres pratiques, qu’on considérait plus faciles à lire sur écran. Ceci dit, elle

marche moyennement bien, et on la continue parce qu’elle n’est pas excessivement

chère, mais elle n’est pas complètement satisfaisante. Alors qu’on avait déjà une offre

de vidéo à distance, mais en passant par Arte VOD et que là on a eu un succès

immédiat. Là le service a rencontré tout de suite un succès important, alors que pour

Numilog, c’est régulier, la consultation est régulière, mais ce n’est pas entièrement

satisfaisant.

Est-ce que vous savez pourquoi ? Est-ce que vous pensez que c’est parce que les

gens ne connaissent pas bien le service ou est-ce que c’est parce que ça ne les intéresse

pas, tout simplement ?

On n’a pas lancé d’enquête sur le service numérique. Ce qui est sûr, c’est

pourquoi connaitraient-ils mieux le service d’Arte VOD et moins le service Numilog ?

Quand on va sur les services numériques, quand on s’intéresse au service numérique et

qu’on va soit sur Internet, soit voir des collègues pour leur demander « Avec mon

abonnement, j’ai le droit à quoi ? », tout est proposé de la même façon. C’est pas nul, ce

n’est pas ce que je suis en train de dire, mais ce n’est pas l’engouement auquel on aurait

pu s’attendre. D’ailleurs, sur le numérique, ce n’est pas l’engouement auquel on peut

s’attendre non plus. On en parle beaucoup, beaucoup, beaucoup. Derrière, la pratique

physique dans les lieux et l’emprunt physique restent très largement majoritaires. Je

pense qu’il ne faut pas rester en dehors, loin de là, ce n’est pas du tout ce que je veux

dire. Mais on est dans une phase qui est beaucoup plus lente que ce que je pensais, pour

trouver un public et pour trouver des pratiques. Peut-être que ça touche plus facilement

des jeunes que tous les autres publics. Peut-être que l’accès à Internet sous forme de

zapping reste, et qu’on ne va pas regarder un objet culturel sur Internet très facilement,

je ne sais pas. Nous aussi, on se pose beaucoup de questions. Alors qu’on a un produit

jeu vidéo à la bibliothèque Teisseire, et que ça remporte un succès, mais on est en

présentiel. Ca remporte un succès très important. Voilà, on suit ça de près.

88

Pour en revenir aux liseuses, même si vous ne l’avez pas mis en place au niveau

des bibliothèques de Grenoble, est-ce que d’après vous elles ont une place en

bibliothèque, est-ce qu’elles peuvent s’insérer dans ce schéma-là ?

Oui, bien sûr. Je suis tout à fait partante pour que les liseuses intègrent les

bibliothèques, après ce sont des questions de coût, des questions de pérennité. Est-ce

que réellement c’est ce mode-là qui va être le mode de diffusion des textes

numériques ?

Est-ce qu’on pourrait imaginer, par exemple, qu’elles fassent l’objet de prêts ?

Comment est-ce que ça pourrait se mettre en place ?

Il y a des villes qui prêtent. Je crois que Montpellier a des liseuses en prêt. Je

suis en relation avec pas mal de collègues, j’ai l’impression qu’aujourd’hui la

problématique est moins là-dessus. Elle l’a été à un moment donné, notamment quand

les premiers e-books sont sortis. Aujourd’hui, je pense que la profession, comme les

libraires d’ailleurs – peu de libraires proposent des liseuses – on est dans l’attente de

voir quel va être le modèle qui va vivre. Est-ce que ce sera ce matériel, est-ce que ce

sera un autre matériel ? On est encore dans une certaine incertitude, je trouve.

En ce qui concerne l’offre d’e-books, d’après vous, est-ce qu’il y aurait une

différence entre bibliothèques universitaires et bibliothèques municipales ?

L’offre documentaire des BU et l’offre documentaire des BM n’est pas du tout la

même. L’offre documentaire des BU est vraiment axée sur les programmes. Je viens de

BU, donc je connais très bien les fonds et ils sont vraiment axés sur les programmes

universitaires. On est notamment beaucoup sur des manuels, pas que des manuels, mais

il y en a beaucoup. Et même si les bibliothèques municipales peuvent aussi se

positionner sur le parascolaire, on n’est pas du tout sur le même créneau documentaire

que les BU. Peut-être qu’en BU ça aurait un sens. Aujourd’hui j’ai un vrai doute car,

que ce soit les cours ou que ce soit les exercices aujourd’hui, ils sont disponibles sur des

plateformes. Est-ce qu’on télécharge depuis la plateforme sur un matériel particulier ?

Comme souvent, il faut rendre les exercices en ligne ... J’ai quitté les BU il y a trois ans,

et à l’époque ce n’était pas très pertinent non plus. Maintenant ça l’est peut-être, je n’en

sais rien.

89

J’aurais une dernière question, un peu plus tournée vers l’avenir : Comment est-

ce que d’après vous cela peut évoluer ? Est-ce que vous voyez une complémentarité

entre le livre numérique et le livre papier ? Est-ce que l’un remplacerait l’autre ?

Moi je vois une complémentarité, mais je la vois déjà aujourd’hui. Notamment

par rapport à la presse. Aujourd’hui, même si on garde un fonds de presse très important

en salle, la presse en ligne permet une lecture plus rapide, on va directement aux articles

qui nous intéressent, on peut chercher parfois dans plusieurs revues en même temps, etc.

Mais, oui, moi je vois une très grande complémentarité entre les ressources en ligne –

mais je parle moins de l’e-book, je parle moins de la chose qui va nous servir à lire, je

parle plutôt de l’offre numérique – je vois une grande complémentarité entre les

collections physiques, les collections numériques, et les lieux. Les lieux étant tout un

enjeu aujourd’hui pour les collectivités et pour les villes, des lieux qui sont aussi autre

chose que des lieux qui offrent des documents, qui sont aussi des lieux de convivialité,

des lieux de rencontre, des lieux d’échange, des lieux de vie, tout simplement, dans la

cité, ouverts, gratuits, chauffés, et dans lesquels on peut avoir des usages multiples : des

usages d’accès à la connaissance par le document, qu’il soit numérique ou pas, mais

aussi qui soit un lieu de rencontre, un lieu où on peut travailler en groupe, mais aussi un

lieu d’isolement, lieu de détente avec des documents qui soient peut-être plus ludiques,

et lieu d’accès à la connaissance. Mais c’est déjà un petit peu le cas aujourd’hui, je

pense qu’on va intensifier cette chose-là. Les cafés continuent à disparaître, il y en a de

moins en moins en France, il suffit de regarder les chiffres et les lieux de convivialité

qu’étaient les cafés à une époque. Ils sont aujourd’hui remplacés, en partie, j’imagine,

par les bibliothèques et éventuellement par d’autres lieux, mais je ne vois pas très bien

lesquels.

90

Annexe 4 : Entretien avec Estelle Lenormand, service des ressources électroniques du SICD1 de

Grenoble

Comment définiriez-vous un ebook, plutôt comme un contenu ou plutôt comme

un support ?

Actuellement, au SICD1, on le traite en tant que support. On a souscrit à un

certain nombre de livres électroniques. On a commencé la collection il y a un an tout

juste, en janvier 2010 et on a souscrit à du contenu sur des plateformes. Actuellement,

on s’interroge maintenant sur le support, le support en tant que liseuse. On en a

commandé et on les attend, on ne les a pas encore reçues. On en a commandé quatre :

deux Cybook Orizon et deux Sony. L’objectif est qu’il y en ait deux qui restent pour

l’instant à la bibliothèque universitaire de sciences et deux qui aillent en médecine.

L’objectif est qu’on les teste dans un premier temps en interne pour voir ce que ça

donne, voir par rapport aux livres électroniques comme contenu comment ça peut être

approprié ou réutilisé sur le support. On a déjà quand même eu des retours par rapport à

ce type de supports. L’année dernière on avait suivi des projets tutorés d’étudiants de la

Licence BDAN126

, et leur sujet d’étude c’était l’organisation d’une journée d’étude

autour du livre électronique justement. On avait fait intervenir des chercheurs, des

étudiants, des éditeurs. Ce qui ressortait de la part des étudiants, donc des utilisateurs

potentiels de ce type d’outils, c’est que ça ne les intéressait pas plus que ça parce que

c’était un outil en plus. Ils sont déjà tous suréquipés : ils ont tous un ordinateur portable,

ils ont tous un téléphone portable et ça ça veut dire un matériel en plus qui ne va pas

forcément leur apporter plus. Ce qui en ressortait aussi c’est que la liseuse est un outil

trop personnalisable. A la rigueur, on peut, si on fait une comparaison, l’apparenter à un

téléphone portable. On a son répertoire de contacts, ses contacts personnels... Sur la

liseuse, on met ses livres à soi. Donc cela paraît un outil difficilement partageable. C’est

vrai que ça je le conçois aussi tout à fait. Donc, pour l’instant ce n’est pas du tout sûr

qu’on en achète en quantité pour les prêter. On a aussi prévu de faire des enquêtes pour

savoir quelles sont leurs attentes par rapport à ça. Une enquête plus à destination des

chercheurs, il ne reste plus qu’à la valider, elle est quasiment faite, qui sera en ligne ; et

une enquête à questionnaire plus papier, parce qu’au mois de février on va accueillir une

126

BDAN = Métiers des Bibliothèques, de la Documentation et des Archives Numériques

91

exposition qui s’appelle « De la graine aux livres ». C’est sur tout le circuit du papier et

à la fin c’est sur les livres électroniques. On mettra un questionnaire pour que les gens

nous disent ce qu’ils entendent par « liseuse », ce qu’ils en attendent, s’ils en voient

l’utilité, etc. Je pense que ces retours-là, concrètement sur le terrain, vont aussi nous

aider à prendre des décisions et à voir si effectivement, c’est jouable ou pas.

Comment cela se mettrait-il en place ? Ce serait un système de prêt ?

Je pense, oui. J’ai essayé de voir un peu ce qui se fait ailleurs, notamment à

Angers, puisque la BU d’Angers est assez innovatrice et qu’ils communiquent

beaucoup. Ils en prêtent, ils ont une dizaine de liseuses. Ils les chargent avec des

ouvrages qui sont gratuits, libres de droit. Ils les prêtent avec du contenu, et ce contenu

c’est vraiment de la culture générale. Ce sont des romans, en gros. C’est vrai que ça

peut s’apparenter à un fonds de culture générale, à de la lecture plaisir, plus que de la

lecture travail. Dans ce cadre-là, effectivement pourquoi pas. C’est une question de

l’enquête, du questionnaire qu’on a préparé auprès de nos étudiants : s’ils utiliseraient

plutôt cet outil comme de la lecture plaisir que de la lecture travail, parce

qu’effectivement, on ne lit pas un rapport de la même façon qu’on lit un roman, quel

que soit le format. Que ce soit de l’ePub ou du PDF ne change pas grand-chose. Mais on

ne lit pas de la même façon qu’il s’agisse d’une lecture continue ou d’une lecture

discontinue. Du coup, l’outil ne va pas être approprié de la même façon en fonction de

ce qu’on va y mettre et de ce qu’on va lire. A la BM de Troyes aussi je crois qu’ils en

ont beaucoup, qu’ils en prêtent et que ça marche bien. C’est un exemple de lecture

publique, donc c’est aussi assez différent.

Est-ce que justement vous voyez une grosse différence entre BM et BU ? Est-ce

que ça peut se mettre en place complètement différemment ? Est-ce que ce serait plus

logique que ça se développe dans les BM ou dans les BU ?

Je pense que oui car un livre électronique, si on parle uniquement du contenu,

quand on voit ceux que nous avons achetés, ce sont des ouvrages qui se lisent chapitre

par chapitre, ce sont les « handbooks », manuels de base, voir un point qui nous

intéresse. Ce n’est pas une lecture continue et du coup, c’est plus utilisé comme un

périodique où on télécharge un article, celui qui nous intéresse et on télécharge le PDF

de l’article qui nous intéresse. La lecture n’est donc pas du tout la même. Effectivement,

en BM cela peut peut-être plus se développer qu’en BU. Après c’est l’usage qui dira.

92

Mais c’est vrai que si j’avais un outil comme ça, ce serait plus pour de la lecture loisir

que pour de la lecture travail. C’est vrai qu’un petit appareil comme ça, on le met dans

le fond de sa poche et on part en vacances. On est tranquille, on n’a pas sa valise de

romans de poche.

Moi, j’en ai acheté un. Comme ça ça me permet aussi de voir. A force de faire

des lectures ça me donnait envie et c’est vrai que c’est quand même pratique.

Alors moi je suis mitigée. Pendant les vacances j’en ai eu un en main. Je l’ai

testé, j’ai regardé comment ça marchait, mais j’ai été déçue. C’était un Cybook. C’est

sûr c’est un outil très agréable, la lecture est agréable dessus, il n’y a pas de rétro-

éclairage, ça ne brille pas ... Mais tourner les pages, ce n’est pas simple, il y a un temps

de latence, ça ne se fait pas dans la seconde.

Ça se développera sûrement. Je pense qu’il reste des améliorations à faire.

Oui, je pense qu’il y a encore besoin d’améliorations. En parallèle, toujours

pendant les vacances, j’avais un Ipad. Alors je pense qu’il ne faut pas comparer parce

que ce n’est pas du tout le même outil, mais l’Ipad est nettement plus convivial, il est

intuitif, il y a de super couleurs. Ce n’est pas le même outil. La liseuse c’est du noir et

blanc, c’est qu’un outil de lecture. L’Ipad c’est plus qu’un outil de lecture. En fonction

de ce que l’on recherche et de ce que l’on veut faire, c’est l’un ou l’autre. Mais l’Ipad ce

n’est pas le même prix non plus ...

J’ai rencontré Heloïse Faivre-Jupile au SICD2, elle m’a parlé un peu de la

façon dont ils développaient les livres électroniques. Ils avaient Numilog, ils sont passés

sur CyberLibris. Elle m’a dit que vous aviez un fonctionnement complètement différent,

donc j’aurais bien aimé que vous m’en parliez pour que je puisse comparer les deux.

Au début de la collection – on fonctionne comme cela pour toute la

documentation électronique – il y a une commission de sélection des titres, une CST.

Dans cette commission de sélection des titres participent des chercheurs dans chaque

discipline. Jusqu’à maintenant la documentation électronique c’est surtout au niveau

recherche, donc c’est eux qui sont demandeurs. Ils nous disent « nous aimerions avoir

tel titre, tel titre, etc. ». Une fois que nous avons ces éléments-là, on regarde si c’est

disponible en ligne, à quel prix, si cela a été négocié par Couperin ou non ... Et on prend

ou on ne prend pas en fonction de ces éléments. Pour les livres électroniques, la

demande est venue au départ aussi des membres de la CST. Donc on a procédé pareil.

93

Ils nous ont envoyé une liste de titres, on a prospecté pour savoir chez quels éditeurs ils

étaient, sur quelle plateforme, si c’était négocié ou non par Couperin, si ça valait le coup

ou pas ... Donc le début de la collection s’est constitué comme ça. La difficulté à

laquelle on a été confrontés, mais auquel tous les acquéreurs de livres électroniques sont

confrontés, c’est qu’un titre peut être disponible sur x plateformes différentes, soit

directement chez l’éditeur, soit sur des plateformes thématiques ou pluridisciplinaires ...

C’est très dur d’avoir une visibilité claire de tout ça, parce que les tarifs sont différents,

les conditions sont différentes ... En fait, il faudrait pouvoir piocher un petit bout de

chaque pour avoir quelque chose vraiment à la carte qui nous convienne. Donc la

difficulté est là, mais je vous le dis, elle n’est pas propre à nous. Les achats au départ

venaient de là : des enseignants-chercheurs et des utilisateurs dans les laboratoires. Les

demandes suivantes sont venues du CADIST de Physique. La collègue responsable du

CADIST de Physique s’est mise aussi à acheter des livres électroniques sur son budget

CADIST. Maintenant, on s’oriente aussi de plus en plus sur de la documentation pour

les étudiants. Notamment depuis le début de la semaine127

, on a accès à la bibliothèque

numérique ENI. C’est de l’Informatique Technique, mais vraiment à destination des

étudiants, L1, L2, L3, de l’informatique technique de base. Notre public s’élargit, donc.

On a eu une période de test de cette bibliothèque numérique ENI en décembre et on a eu

de très bons résultats pendant la période de test, ce qui a fait qu’on a fini par conclure.

Par contre, le choix d’acquisition de cette ressource-là, a été fait vraiment par

l’acquéreur en informatique chez nous au sein de la BU. Après c’est vraiment au coup

par coup de dire « je prends » ou « je ne prends pas ».

Donc c’est de l’achat titre à titre, en fait.

Oui. Nous recevons les offres Couperin, et puis je les redistribue auprès des

acquéreurs et après eux regardent si ça les intéresse ou non. On a souscrit sur la

plateforme Ibrary, et là on fait vraiment du titre à titre. Parce que les bouquets et les

packages tout faits, la collègue de Physique en a épluché plusieurs pour voir et ça ne

vaut pas le coup, parce que ce n’est pas forcément la dernière édition qui est disponible,

etc. C’est vrai que pour l’instant on est vraiment sur du titre à tire chez Ibrary. En ce qui

concerne la plateforme ENI, mon collègue du secteur informatique achète de toutes

façons tout sous forme papier, donc lui s’est moyennement posé cette question et du

coup on a pris l’ensemble. Donc là, c’est un package, un bouquet. Et on a pris aussi

127

Semaine du 10 janvier 2011.

94

chez Safari, qui est aussi de l’informatique mais au niveau recherche. Là ça a encore un

fonctionnement différent et c’est ça qui est difficile avec les livres électroniques :

chaque éditeur ou chaque plateforme a son modèle qui lui est propre. Chez Safari, on a

le droit dans notre contrat à quatre-vingt livres. On a quatre-vingt points, un point

correspond à un livre et tous les trente jours on peut changer nos livres. Donc ça c’est

assez atypique, les autres ne font pas ça. Donc ça veut dire qu’on a quatre-vingt livres,

mais que la collection peut évoluer tout le temps. Donc on la fait évoluer en fonction

des statistiques, si on voit qu’un titre n’est pas du tout consulté, on se dit qu’on va peut-

être le changer et en mettre un autre à la place.

Donc, régulièrement vous changez...

Les changements, concrètement on ne les a pas encore faits. On attendait d’avoir

un peu des retours. Là ça fait un an, j’ai fait les statistiques la semaine dernière, et il y a

certains effectivement pour lesquels on voit qu’il y a une, deux consultations sur

l’année. Donc, je vais contacter les collègues pour leur demander si c’est pertinent de

garder tel livre, etc. C’est une certaine latitude qui est agréable, mais en même temps

c’est un traitement qui est lourd derrière.

Oui, c’est ce que j’allais dire parce que pour le coup sur le catalogue, etc.

comment ça apparaît ?

Voilà ! Alors la difficulté qu’on rencontre, c’est ça, c’est pour le signalement.

On n’a pas encore trouvé des réponses à toutes nos questions. La question c’est

« qu’est-ce qu’on catalogue ? ». Les accès pérennes, on se dit on va les cataloguer,

puisque de toutes façons on les a achetés. Donc tout ce qui est sur Ibrary, on l’a acheté

une bonne fois pour toutes, c’est comme si on avait acheté un livre papier, donc on le

garde. Ça on le catalogue dans le SUDOC et ça redescend dans notre SIGB local. La

question se pose ensuite de tout ce qui est sous forme d’abonnement, notamment les

titres Safari. Est-ce qu’on les catalogue, est-ce qu’on ne les catalogue pas ? On a fait le

choix de les cataloguer en local, mais pas dans le SUDOC. Et quand je dis « en local »,

ce n’est pas en local dans notre catalogue dans le SIGB, dans l’OPAC, c’est sur les

pages d’accès aux livres électroniques.

Ils n’apparaissent pas dans le catalogue ?

Non, ils n’apparaissent pas dans le catalogue. Du coup, je suis persuadée qu’il y

a plein de gens qui passent à côté. Les chercheurs dans les laboratoires ne passent pas à

95

côté puisqu’ils ont l’habitude d’utiliser nos pages d’accès aux ressources électroniques.

Le service g@el, Grenoble accès en ligne, ils ont l’habitude de l’utiliser. Mais on s’est

vraiment posé la question pour cette bibliothèque ENI. On s’est dit, c’est de

l’abonnement donc si dans deux ou trois ans on arrête, on va avoir rentré trois cents

titres pour rien. Et en même temps, c’est de la documentation à destination des

étudiants, donc si on ne les met pas dans le catalogue, ils ne les verront pas. Si on se

contente de les laisser dans la bibliothèque électronique g@el, ils ne vont jamais y aller,

donc ils ne vont pas les voir. Donc là je vais envoyer un mail à un collègue de Nancy

pour savoir comment eux avaient procédé. Je pense qu’on va les cataloguer en local,

vraiment dans le catalogue. A priori, le plus simple serait de faire un copier-coller de la

notice du papier, de changer les champs qui correspondent à l’électronique, de rajouter

l’URL dans la bonne zone pour qu’ils soient visibles dans le catalogue, mais pas dans le

SUDOC. J’ai prospecté dans le SUDOC quelques titres : ils n’y sont pas et je ne me

vois pas cataloguer deux cents titres dans le SUDOC. Les collègues du service

catalogage sont peu, donc on n’a pas les moyens humains de le faire. Ce n’est pas qu’on

ne veut pas, mais pour le moment on n’a pas les moyens humains de le faire. Donc, on

va faire je pense, un signalement dans notre catalogue et nos pages g@el, mais pas du

tout un signalement au niveau national. C’est un vrai problème.

Et au niveau des résultats ... Est-ce que c’est un service qui est beaucoup utilisé,

est-ce que c’est suivi ? Au niveau des chercheurs j’imagine que oui, mais au niveau des

étudiants est-ce que c’est connu ?

Peu, je crois. J’ai fait les statistiques, mais je n’arrive pas à me rendre compte

parce que c’est la première année, il n’y a donc pas de recul. En début d’année, ça a été

beaucoup consulté, parce que c’était tout nouveau, tout le monde allait voir et on a

essayé de communiquer au mieux autour de ça. Mais il faudrait voir avec une année de

plus, avec plus de recul. Mais c’est vrai que la communication est vraiment

fondamentale. On a essayé de vraiment beaucoup communiquer sur la bibliothèque ENI

à destination des étudiants : on a mis des affichettes dans les rayons, sur notre site web,

sur les bornes en bas, les postes que les étudiants utilisent on avait mis un message qui

défile ... Alors je ne sais pas si c’est tout cela cumulé qui a fait que pendant la période

de test on a eu de très bons résultats, mais c’est vrai qu’il faut vraiment beaucoup,

beaucoup communiquer, parce que les gens sont encore très frileux. Même dans les

laboratoires, il y a des enseignants qui n’en voient pas l’utilité. Je pense que ça va se

96

faire petit à petit. Au début, pour les périodiques les premières années ça a été assez

long à se mettre en place, maintenant ils ne s’en passent plus ! Je pense que ce sont des

questions d’habitude, de mœurs ... Il faut le temps que ça s’implante. Il ne faut pas être

pressé, mais à la rigueur tant mieux, parce que nous aussi il faut qu’on se l’approprie !

C’est aussi un traitement différent ... Mais en ce qui concerne le choix, c’est de la

politique documentaire, c’est uniquement un support différent. Cela se traite

différemment, mais ce sont avant tout les contenus qui doivent valoir.

Comment envisageriez-vous l’avenir du service, est-ce que ça irait plutôt dans le

sens d’un développement ?

Oui. Après, il y a aussi toutes les questions budgétaires. A ce jour, on n’a pas un

budget très gros pour les livres électroniques. Il y a une partie du budget des livres

électroniques qui est dans notre service, qui gère la documentation électronique pour

répondre aux demandes des enseignants chercheurs et des laboratoires ; et chaque

acquéreur, qui achète plus des ouvrages étudiants, dans son budget d’acquisition, dans

sa discipline a une ligne réservée à la documentation électronique. Je pense que ça va se

développer, mais en même temps, l’offre n’est pas encore complètement en adéquation

avec ce qu’attendent les usagers. Un étudiant de L [Licence] ne va pas souvent aller lire

un ouvrage en anglais... Donc voilà, il y a l’offre et la demande. Au niveau chercheur,

l’offre est là – après elle est assez difficile à cerner pour les raisons qu’on évoquait tout

à l’heure – mais au niveau des étudiants, l’offre n’est pas forcément là. Je comprends

tout à fait qu’en L1, les étudiants sortent du Bac, ils ne sont pas forcément dans cette

culture-là. Par contre, quand il y aura l’offre, à mon avis ils vont se l’approprier très

vite, parce qu’ils n’ont pas peur de cliquer partout ... A la rigueur nous, notre

génération, on ne clique pas comme ça partout, mais eux c’est la génération qu’on

appelle les « digital natives » ! Ils cliquent partout et sans crainte ! Donc une fois que ça

va être parti, ce sera bon, mais il faut le temps que ça s’implante.

J’ai une dernière question. Est-ce que d’après vous, à terme l’ebook pourrait

remplacer le papier ?

C’est la question classique, à chaque fois je réponds non !

C’est ce que tout le monde me répond ...

Je réponds non pour la lecture loisir mais je réponds peut-être pour la lecture

travail. Et je pense que tout le monde répond ça ... C’est ce qu’on disait tout à l’heure :

97

un livre électronique pour le travail, ça s’apparente à un périodique. Télécharger un

article, un chapitre ... c’est bien plus facile pour un chercheur de le faire de son

laboratoire que de se déplacer à la BU quand il pleut ou quand il neige ! Voilà, il y a un

confort d’utilisation. Après quand on lit un roman, il y a le plaisir d’avoir le support en

main !

98

Annexe 5 : Entretien avec Héloïse Faivre-Jupile, service des ressources électroniques au SICD2 de

Grenoble

Comment définiriez-vous un e-book, parce que j’ai fait pas mal de lectures

théoriques et les définitions varient, c’est très flou. Donc, j’aurais voulu savoir

comment vous conceviez cela ?

Je parle plus de livre numérique que d’e-book et pour moi ça fait vraiment

référence au contenu. J’ai tendance à parler plutôt de tablette de lecture ou de support

pour ce qui est de l’appareil. C’est vrai qu’ici à la BU on a une offre de livres

électroniques au sens de contenu par contre on ne s’est pas du tout lancés dans ce qui a

pu se faire, mais plutôt en bibliothèques municipales : il y a eu parfois des prêts de

tablettes de lecture, mais ça s’est beaucoup moins fait en BU je crois. Maintenant, le

challenge ce serait plutôt d’avoir des livres que les étudiants puissent récupérer sur leurs

portables. A priori, nous, on ne va pas se lancer dans des prêts de tablettes.

Vous avez un fonds de livres numériques qui est accessible via Numilog….

Ce n’est plus le cas. Au niveau des livres numériques. Jusqu’il y a quatre jours,

en allant sur notre site, vous cliquiez sur « livres numériques » et vous tombiez sur

Numilog. On est en train de retravailler sur notre site web parce qu’entre temps, les

offres des fournisseurs ont changé. On s’est retrouvé avec beaucoup de bases qui sont

des bases composites, avec à la fois des livres, il peut y avoir même des statistiques et

des revues. C’est le cas par exemple de sources OCDE. On a Cairn aussi qui fait des

revues et des « Que sais-je ? ». On a les Garnier numériques. Entre temps on s’est rendu

compte qu’on ne pouvait pas réduire notre offre de livres numériques juste à notre

agrégateur principal. On avait aussi d’autres livres mais mélangés à d’autres ressources.

Donc, on va essayer de revoir ça et de faire juste un lien micronumérique qui renvoie

vers toutes les bases qui contiennent des livres. On recherche aussi à avoir un agrégateur

qui nous propose des offres vraiment destinées à notre public L [Licence], toutes

disciplines confondues et donc on a choisi de ne plus reprendre Numilog pour 2011

pour différentes raisons. D’abord, parce qu’on n’est pas complètement convaincus par

le modèle lui-même : Numilog fonctionne sur un modèle qui est calqué sur le papier,

c’est-à-dire qu’on est obligés d’acheter un nombre d’exemplaires et on paye en fonction

99

du nombre d’exemplaires. Maintenant, il y a des agrégateurs, ou même des éditeurs,

cela dépend des cas, qui proposent un accès illimité plus calqué sur le modèle de la

revue numérique. Cela nous semble plus intéressant parce que, a priori l’avantage du

livre numérique c’est aussi que chacun puisse y accéder de façon très large, à n’importe

quelle heure du jour et de la nuit, à distance et si possible en illimité. L’autre problème

de Numilog qu’on ne voit pas quand on se connecte sur leur site, c’est qu’ils ont

tendance à racheter des éditions assez anciennes. Les étudiants, sur l’interface ne voient

pas la date d’édition ; nous, il faut qu’on creuse derrière, sur le back office du

fournisseur pour connaître l’édition exacte. Evidemment, les étudiants sont persuadés

qu’avec le numérique ils ont entre les mains la dernière édition, et entre temps, on s’est

rendus compte qu’on avait pilonné l’édition papier. C’est un peu de notre faute aussi car

entre temps le catalogue de Numilog a été un peu remis à jour, mais quand ils arrivent à

obtenir une édition plus récente d’un titre, ils ne font pas eux-mêmes le changement.

C’est à nous d’aller éplucher leur catalogue, ce qui est assez contraignant. On aimerait

qu’avec le numérique on soit sur des modèles plus souples, qui mettent en ligne la

dernière édition. Souvent, ils n’ont pas les droits pour la nouvelle édition, car il y a aussi

derrière toute une bataille entre les éditeurs et les agrégateurs, qui ne sont que des

intermédiaires. Il y a beaucoup d’éditeurs qui revendent aux agrégateurs des éditions un

peu anciennes pour garder la possibilité de diffuser eux-mêmes directement la dernière

édition. Donc, ils n’ont pas toujours la dernière édition, mais même quand ils l’ont, c’est

à nous d’éplucher le catalogue pour avoir la dernière édition. S’ajoute à ça un problème

technique avec nos postes publics à la BU qui sont sous Open Office et du coup, les

étudiants ont du mal à télécharger sur nos propres postes. Au printemps, on a essayé de

regarder ce qu’il y avait comme autres offres. D’emblée, on a écarté tout ce qui était

majoritairement en anglais, du coup on a écarté les neuf dixièmes du marché, parce

qu’il faut savoir qu’on a beaucoup de choses au niveau de nos bases de données de

revues pour les étudiants à partir du Master, Doctorat et enseignants-chercheurs. Ce

qu’on voulait aussi à travers les livres numériques c’était aussi recentrer notre offre sur

les L et les L ne lisent pas en anglais ! Nos ouvrages papiers en anglais sortent très peu,

donc avoir un accès illimité en anglais, ce n’était pas le plus intéressant. Du coup j’ai

regardé un peu au printemps, mais les choses évoluent très vite. Il y a Numilog, quand

même, parce que j’avais constaté que pour peu qu’on ait le temps un peu en interne

d’éplucher tout leur catalogue, on aurait pu améliorer notre offre. Mais quand même, le

modèle à la base ne nous plait pas. Par contre, ce qu’il y avait de bien chez Numilog,

100

c’est le titre à titre, le fait qu’on puisse choisir précisément les titres qu’on veut. Une

autre offre qui est intéressante, c’est celle de Cyberlibris : ils font une offre via

Couperin mais avec une interface trop basique. On ne peut pas faire de recherches

complètes, on n’a pas d’accès thématiques. Par contre ils avaient développé une offre

destinée au départ aux écoles de commerce et ils l’avaient vendu aussi au SCD des

Antilles et de la Guyane une plateforme beaucoup plus pointue avec plein de

fonctionnalités pour travailler en groupe sur un ouvrage … qu’ils appellent Scholarvox

et qu’ils vendent beaucoup plus cher et qu’ils n’ont pas proposée à Couperin. En

revanche, nous faisons partie de deux consortiums : Couperin, mais aussi l’UNR Rhône

Alpes, et on a réussi à négocier, pour l’UNR Rhône Alpes, une offre, qui va s’appeler

ELibris, qui ressemble à Scholarvox, avec trois bouquets (un en sciences, un en

économie-gestion et un en Lettres et sciences humaines au sens large), un accès illimité

et une interface où on peut vraiment travailler. Si les enseignants se l’approprient, c’est

à nous de faire une bonne communication dessus, ils pourront travailler en groupes avec

les étudiants. Le défaut de Cyberlibris par rapport à Numilog, c’est qu’on se retrouve

dans un système de bouquets, pas d’achat titres à titres, et donc dans le lot, des titres que

l’on n’aurait pas acheté ; c’est le même problème que les revues. On va donc avoir cela

à partir de janvier. De toutes façons, on n’avait pas un choix si vaste que ça car dans

toutes les grandes librairies c’est avant tout de l’anglais. J’en avais repérée une

troisième, c’est Immatériel, qui avait un modèle assez intéressant, où ils proposaient une

sorte de bouquet de départ et on le combinait avec le titre à titre. Le bouquet de départ

était axé management – nous, déjà c’est plutôt gestion que management – et

informatique. C’était trop éloigné au départ de nos besoins. Je sais qu’entre temps ils se

sont alliés avec un autre, Publie.net, et donc là par contre je n’ai pas eu le temps de

creuser, comme entre temps avec l’UNR on a obtenu un tarif très attractif sur

Cyberlibris. Je regarderai quand même pour avoir une connaissance un peu plus globale

car peut-être qu’avec Publie.net, ça devenait plus intéressant. Le problème c’est

qu’entre temps il y a toute une négociation qui a été montée pour la région et après

quand un établissement se désiste, il fait porter le coût sur les autres. Je pense que de

toutes façons Cyberlibris va apporter un plus par rapport à Numilog. Certains titres de

Numilog étaient très intéressants et on ne les retrouvera pas dans Cyberlibris, mais

globalement, le modèle est plus intéressant et cela nous permet d’avoir une offre variée

qui correspond à notre public. Sinon, on va continuer l’offre de « Que sais-je ? » chez

Cairn et Cairn développe pas mal de choses aussi au niveau des livres. On avait testé

101

l’année dernière des ouvrages collectifs de recherche et je crois qu’ils développent aussi

les « Repères ». Donc, ça ce serait très intéressant. Le problème de Cairn c’est le prix.

Rien que leur bouquet de revues augmente de façon assez terrifiante d’année en année

parce que le contenu augmente. Cela devient une proportion de notre budget vraiment

énorme. En plus, ils ont refusé de faire une offre pour l’UNR Rhône Alpes. On avait

essayé de monter une négociation, moi et une collègue de Lyon II. Ils ont refusé le

principe de l’UNR, c’est-à-dire qu’on a des prix plus attractifs parce qu’on fait un

compte unique et après on se refacture entre nous. Cela fait des facilités de gestion pour

les fournisseurs et on leur demande de nous considérer comme un seul gros

établissement. Ce principe-là ils l’ont refusé et là ils sont en pourparlers avec Couperin,

mais on n’a toujours pas d’offre Couperin. On va continuer les revues car on ne peut pas

s’en passer, c’est un peu l’Elsevier des sciences humaines, on ne peut pas s’en passer,

on est obligés de prendre leurs revues. Les « Que sais-je ? » marchent bien et on ne veut

pas décourager nos étudiants en changeant l’offre tous les ans donc on a continué sur les

« Que sais-je ? ». Par contre, j’aimerais qu’ils fassent au moins une proposition via

Couperin. C’est donc aussi un rapport de force avec les éditeurs qui sont en position

dominante.

Comment envisagez-vous l’avenir du service ?

A priori, je dirais qu’on va vers un développement, mais cela va beaucoup moins

vite que ce que l’on peut imaginer quand on n’est pas plongé dedans, parce que les

éditeurs freinent. Je pense que ça va se développer, mais peut-être que ça va sauter la

case agrégateurs au final et qu’on achètera directement auprès de chaque éditeur. C’est

un peu compliqué quand même pour le moment. Quand on cherche, par exemple en

psychologie, si je cherche à acheter en numérique les manuels que j’achetais en format

papier, actuellement je ne les trouve pas. Donc, oui ça se développe, on le voit bien, il y

a une offre anglophone qui est très importante, mais aujourd’hui, pour 2011, les

manuels qui sortent le plus en papier ne se trouvent pas facilement en numérique.

Et du côté des étudiants ?

Les étudiants, eux, sont mûrs, ce n’est pas un problème. Dès qu’on leur montre

par exemple les « Que sais-je ? » sous forme numérique ils trouvent ça pratique. La

plupart ont un accès Internet, très souvent ce sont des offres auxquelles on peut accéder

102

sous simple authentification à distance, il n’y a pas d’installation de logiciel ou de

matériel spécifique, donc pour eux c’est pratique.

Et savez-vous après sur quels supports ils les lisent ? Sur ordinateur ?

A mon avis, ils les lisent de plus en plus sur ordinateur. Nous ce qu’on voudrait

vraiment ce sont des manuels parce que des manuels les étudiants ne les lisent pas de A

à Z. Ils travaillent sur un chapitre …, donc c’est un peu comme un article de revue, ça

peut se lire sur écran. C’est vrai qu’on a aussi toute la partie étudiants en littérature, et je

ne pense pas que ce soit les œuvres elles-mêmes que les étudiants vont lire in extenso.

Et encore que, maintenant, lorsqu’on parle de livres numériques, il y a aussi tout ce qui

est livres numérisés. On fait aussi de la numérisation, on a vraiment les deux aspects

puisqu’on gère la documentation électronique et la numérisation et on montre de plus en

plus à des étudiants assez avancés, par exemple ce que peut faire Gallica et il y en a

beaucoup qui comme ça récupèrent des œuvres originales, libres de droit. Donc, en fait,

les gens lisent de plus en plus comme ça sur écran. Ils lisent les œuvres mais il y a un

travail de recherche aussi et je ne pense pas qu’ils passent forcément par l’impression. A

mon avis, tant que ça reste lié à un travail universitaire, que ce soit un manuel ou une

vieille comédie du XVIème siècle, les étudiants sont prêts à travailler dessus sur écran.

Après, quand c’est de la lecture loisir, c’est différent. Mais on les voit quand même bien

travailler sur écran, ça ne les effraie pas.

Que pensez-vous des liseuses ? Pourrait-on imaginer en bibliothèque

universitaire que cela se mette en place ?

Pourquoi pas, cela pourrait se mettre en place. Je ne suis pas une spécialiste de la

question, mais la seule chose qui me freinerait un petit peu, c’est qu’on voit les

chercheurs et les étudiants déjà pas mal équipés. Souvent ils ont un portable, des fois ils

ont en plus un portable ultra-léger, ils ont après un Ipad ou équivalent. Il y a peut-être

un marché pour les liseuses mais ça va être à mon avis les passionnés, qui seront prêts à

investir dans un équipement spécifique à la lecture et je pense que la majorité va plutôt

essayer de combiner cela avec d’autres usages. Alors pourquoi pas, c’est vrai qu’en

bibliothèques on pourrait en avoir quelques-unes que l’on prêterait.

On pourrait imaginer un système de prêt ?

Ce n’est pas évident, et ce ne sera pas notre priorité je pense. On va essayer de

mettre plutôt à disposition du plus grand nombre plus de contenu, étant donné que l’on

103

n’a pas un budget extensible et que le contenu lui-même augmente. Je ne sais pas, à

mon avis ce serait plutôt à prendre en mains par les DSI des universités. Je pense qu’on

pourrait être partenaires, essayer de trouver une offre qui irait avec, mais on essaye

plutôt d’offrir à chacun un contenu approprié, ça garde un petit côté gadget en fait pour

moi, mais peut-être que je me trompe.

Et est-ce que vous voyez une différence entre bibliothèque universitaire et

bibliothèque municipale au niveau de l’offre de livres électroniques ou de la façon dont

cela peut être utilisé par le public ?

Je ne connais pas tellement les offres à destination des BM. C’est vrai que nous

passons par un consortium qui est vraiment axé université et du coup, je ne sais pas

tellement quelle est l’offre réservée aux BM. A priori, il n’y a pas de raison que ce soit

différent du papier au niveau du contenu. C’est vrai que nous allons chercher à fournir

des ouvrages critiques, des ouvrages collectifs de recherche, des manuels… Après c’est

vrai que nous avons aussi les œuvres elles-mêmes, mais a priori ça ne va pas être tout à

fait les mêmes non plus qu’en lecture publique : on ne va pas forcément avoir des best-

sellers, on va plutôt avoir des classiques… Donc, pour moi il y a des spécificités dans

les collections d’une BU et dans les collections d’une BM et le numérique doit suivre

ces spécificités, il n’y a pas de raison que cela change la donne de départ. Le principal

problème reste celui du frein des éditeurs. Il faut trouver un modèle économique viable.

Pour les éditeurs, je me demande si ce n’est pas un peu l’opportunité de supprimer un

intermédiaire et donc jusqu’ici le paysage n’est pas clair, et à mon avis c’est encore plus

compliqué au niveau de la lecture publique. Au niveau universitaire, il y a quand même

le modèle des revues, des articles, il y a un modèle sur lequel s’appuyer. Par contre,

pour tout ce qui est roman – roman de la rentrée – c’est plus difficile.

J’ai une dernière question. Est-ce que d’après vous l’offre d’e-books pourrait un

jour remplacer l’offre de documents papiers ?

En partie, oui ; après, complètement, je ne suis pas sûre. Déjà, cela ira moins vite

que ce qu’on pense, à moins qu’il y ait une révolution tout à coup mais pour les revues

on entend ça depuis des années. Ça fait un peu moins de dix ans que je suis à la

bibliothèque et quand je suis arrivée on en parlait déjà et finalement j’attends toujours.

En partie, oui, c’est sûr, mais en partie seulement parce que finalement il y a des freins

des deux côtés. Tout le public n’est pas partant, une partie, oui, mais pas tous et il y a

104

aussi des freins du côté de l’offre. Donc, pour le moment on est plutôt sur un modèle

mixte, mais je pense qu’il y a quand même des avantages aux deux et je ne suis pas sûre

que tout gagne à passer sous forme numérique. Je pense que ça va coexister et que les

éditeurs ayant des avantages dans les deux, vont faire perdurer les deux systèmes. Ce

qu’ils font pour les revues, ils ne le font pas encore pour les ouvrages, mais c’est qu’ils

imposent aux bibliothèques qu’elles s’abonnent à un bouquet de revues en ligne et ils

imposent de conserver les titres papiers. Parfois on peut passer au « e-only » mais on

paye quand même le titre en question. Donc je pense que les deux systèmes vont

coexister. Finalement, l’avantage c’est qu’il y ait un peu des deux parce qu’il faut

reconnaître que ça peut être très pratique de travailler sur un ouvrage numérique à

plusieurs, d’annoter, de partager et en même temps de temps en temps de pouvoir avoir

un livre entre les mains sans avoir à se brancher ou à recharger un matériel qui sera

forcément fragile, sensible à la lumière ou aux grains de sable sur la plage ou autre.

Donc, je pense que les deux systèmes sont partis pour cohabiter un bon bout de temps.

Mais ce que je constate c’est que beaucoup de gens qui sont moins impliqués pensent

que ça va aller très vite, mais quand on veut donner aux étudiants sous forme numérique

ce qu’ils ont sous forme papier, on ne l’a pas. Donc, finalement les gens les moins

impliqués nous prédisent un changement très rapide et après quand on épluche le détail

des offres, on est un peu perplexes.

105

Annexe 6 : Entretien avec Thomas Lebarbé, enseigant-chercheur à l’Université Stendhal de

Grenoble (laboratoire LIDILEM)

Comment définiriez-vous un e-book ?

Il y a deux choses derrière l’e-book. Il y a l’objet et le fichier. En ce qui me

concerne j’ai un Ipad et dans mon usage personnel, je ne lis pas sur Ipad. Je corrige des

devoirs ou des mémoires, mais dans mon usage personnel – et ce n’est que mon usage

personnel – je ne lis pas sauf une thèse ou un ouvrage sur machine. Mais c’est ma façon

de fonctionner, je suis peut-être un peu traditionnaliste sur certains aspects ... Après je

pense qu’on peut aller vers les e-books. On a de plus en plus de convivialité, mais je

trouve ça relativement fatigant. Le premier travers que je trouve aux e-books c’est qu’ils

veulent se faire à l’image du livre. Déjà ils sont imprimés en noir sur blanc alors que le

blanc sur noir est clairement démontré en ergonomie comme étant beaucoup plus

agréable à la lecture. Donc c’est le premier défaut. Sur mon Ipad j’ai bien le logiciel

intégré qui permet d’avoir sa bibliothèque mais je n’ai pas acheté de livre. J’ai récupéré

Alice au pays des merveilles parce que travaille dessus, mais je l’ai feuilleté rapidement,

je ne l’ai pas lu dessus. Voilà, pour moi l’e-book c’est ça. Mais je n’ai peut-être pas

répondu à la première question ...

Si, car effectivement l’opposition entre contenu et contenant revient assez

régulièrement.

Et je dirais que de manière générale on ne clarifie pas cela. On ne définit pas ce

qu’on appelle e-book en tant que livre électronique et l’e-book objet.

Oui, c’est pour cela que je vous ai posé la question. Effectivement, que ce soit

dans mes lectures ou avec les autres personnes que j’ai pu rencontrer, je me rends

compte qu’il n’y a pas de définition claire. On n’en est encore qu’aux débuts, mais il

n’y a pas vraiment de définition claire, donc je trouve ça assez intéressant de

commencer par là.

Je dirais que d’un autre côté on ne fait pas non plus la différence entre un livre,

ou même quand on parle d’un roman ; on va aussi bien parler de l’objet physique que du

contenu.

106

Et par rapport à votre travail, comment vous positionnez-vous ? Vous disiez que

pour vos lectures personnelles vous ne vous verriez pas lire des livres électroniques,

mais est-ce que vous pourriez voir des avantages à utiliser ce type d’outil ?

Je ne peux pas dire du mal du livre électronique puisque je travaille sur les

éditions électroniques, mais je pense que concernant l’e-book il y a des choses à faire et

des choses à inventer. On n’a rien inventé presque. Proposer le dernier Houellebecq en

format électronique n’a aucun intérêt outre le fait que c’est du Houellebecq. Par contre,

proposer d’autres modes de lecture peut être intéressant à mon avis. Et peut-être

chercher un intermédiaire – et là je parle du contenu – entre la navigation Internet pour

laquelle on utilise le terme de lecture rhizomatique et la lecture linéaire. A ce niveau je

pense qu’il y a des réflexions à faire du point de vue de la création littéraire : se

détacher de la lecture page à page linéaire traditionnelle et donc de l’écriture qui

correspond à ce mode de lecture.

En cours, avec vos étudiants, est-ce que vous pourriez imaginer des avantages à

utiliser des fichiers électroniques et éventuellement même des e-books en tant que

supports ?

De mon côté, c’est un cas particulier car je n’enseigne que dans des salles

machines. Donc les étudiants ont un ordinateur, voire les étudiants viennent avec leur

propre ordinateur. Donc, l’e-book en tant qu’outil électronique, le système de lecture,

n’a pas nécessairement beaucoup d’intérêt dans mon mode de fonctionnement avec les

enseignements que j’ai en ce moment. Le document électronique en revanche est

extrêmement présent, tout simplement pour des raisons d’économie de papier. Après du

point de vue du support d’enseignement, on n’a toujours pas inventé le support et

surtout la façon de communiquer qui tirerait profit de l’électronique. On commence à

voir des choses assez intéressantes mais qui sont plus dans la présentation de

l’information que dans la textualité de l’information. Il existe des outils par exemple où

l’on jette l’information dans le plan et avec différents niveaux de zoom, on peut zoomer

à l’infini vers l’avant et à l’infini vers l’arrière. Une fois qu’on a jeté les idées on fait

des liens entre les idées et on crée un chemin. Ce sont des choses qui peuvent

commencer à apparaître, mais il y ce côté créatif. Bien sûr j’ai des documents sur mon

Ipad, mais tourner les pages sur un Ipad ne présente pas énormément d’avantage.

107

Et en tant qu’utilisateur de bibliothèque universitaire, comment vous

positionnez-vous par rapport au fait que de plus en plus les bibliothèques se tournent

vers l’électronique ? Est-ce que pour vous cela présente un intérêt ?

Je vais plutôt dans les bibliothèques d’UFR, qui sont de petites bibliothèques qui

n’ont pas les moyens de mettre en place ce genre de système. Je n’ai pas encore vu

l’intérêt de le faire par les bibliothèques dans le sens où, tant que l’on sera encore figés

par des représentations qui sont le mode d’indexation Dewey ou les cinq mots clés –

quand j’ai déposé ma thèse, je l’ai déposée avec cinq mots clés, ce qui ne représente pas

ma thèse, donc elle n’est pas indexée intelligemment – ça n’a aucun intérêt que ce soit

en bibliothèque plutôt que ce soit en ligne. En revanche, pourquoi pas à terme

emprunter des ouvrages électroniquement plutôt qu’au format papier, puisque le rôle de

la bibliothèque c’est aussi de donner accès à tous et à moindre coût. Après, cela pose

des problèmes par rapport à certaines pensées sur le logiciel libre et puis les fameuses

DRM, ce qui pose aussi énormément de problèmes techniques, ce qui n’est pas simple.

Je suis vieux jeu sur cet aspect-là, mais j’aime bien flâner dans une bibliothèque, c’est

ce qui fait la richesse de la bibliothèque. Ce que l’on perd, c’est qu’on ne peut plus

flâner dans les allées et repérer une tranche à la couleur ...

Concernant les e-books en tant que supports, tels qu’ils ont été commercialisés

au départ, c’est-à-dire vraiment dédiés à la lecture, et les tablettes, est-ce que vous

voyez un intérêt plus dans l’un que dans l’autre ?

Je n’ai pas eu l’occasion de tester mais j’ai vu que Les Echos étaient sur une

tablette dédiée. La logique peut être intéressante, mais je pense que commercialement,

ce n’est pas le bon plan, car si on doit acheter une tablette pour Le Monde, une tablette

pour Les Echos, une tablette que nous prête la bibliothèque, une tablette pour le livre

qu’on achète en ligne, ça fait quatre tablettes à mettre dans le sac à dos, finalement,

autant prendre les deux journaux et les deux livres. Et puis ça coûte très cher. Ça va se

démocratiser, ce sera de moins en moins cher. Et puis maintenant, les enfants peuvent,

sur leur console portable acheter des livres, ça apparaît un peu partout. Je pense que la

tablette dédiée n’est peut-être pas le meilleur choix.

Quand c’est un outil spécifiquement dédié à la lecture ?

Si c’était un outil spécifiquement dédié à la lecture, pourquoi pas, mais il y a des

concurrents qui arrivent sur le marché puisqu’Apple a été le premier et il a ensuite été

108

suivi de près par Samsung et les autres et ils ont des outils qui sont aussi performants,

légers ... Je ne suis pas sûr que l’outil qui serve uniquement à la lecture ait son intérêt.

Au contraire, un outil qui sert notamment à la lecture, permet d’avoir déjà un outil qui

sert à la lecture. Quand on voit que ce sont des fabricants de consoles qui mettent des

outils pour la lecture, je trouve que ce n’est pas idiot, parce que ça mettra peut-être plus

les gens à la lecture que de mettre des outils dédiés uniquement pour la lecture. L’objet

simple comme ça attire les enfants, et il y a des choses amusantes qui ont été faites,

notamment par Apple sur un Alice au pays des Merveilles. Le texte est là, il est

accompagné d’une lecture du texte si l’enfant le veut, il est accompagné d’animations

sur le texte, d’interactions ... On peut arriver à des choses intéressantes. Mais ça

redéfinit la notion même de lecture. Il y a des intérêts à passer à l’électronique.

A terme, pourrait-on imaginer que les livres électroniques viennent remplacer

les livres papier ? Comment voyez-vous l’avenir du livre électronique ?

Je ne pense pas que l’électronique remplacera le papier, peut-être aussi parce que

je travaille avec des littéraires et que je vois leur relation à l’électronique, ce n’est pas

toujours simple. Il n’y aura peut-être plus cette relation physique avec le livre, cette

dimension va disparaître. Mais on a le papier, des manuscrits de Stendhal pour prendre

cet exemple, on en a des traces et ça l’électronique ne va pas le permettre.

L’électronique n’est pas pérenne. On a eu la prétention de dire « le CD va révolutionner

le monde », on s’est aperçu que ça a une durée de vie moindre qu’un disque dur. Donc,

pour l’instant on n’a pas de support électronique qui permette de pérenniser de manière

fiable et définitive. Un autre aspect non négligeable : qui dit électronique dit avoir un

matériel pour interpréter la donnée électronique. Le papier reste le papier. Donc je ne

suis pas sûr que l’électronique remplacera le papier. C’est un complément, c’est autre

chose. Sauf dans les cas où on aura vraiment de la création électronique. Je sais qu’il y a

des gens qui travaillent là-dessus, il y a des groupes d’auteurs qui essayent de trouver

des idées. Ils vont peut-être émerger un jour.

109

Annexe 7 : Bilan 2010 du prêt de livres numériques et de tablettes de lecture à la

Médiathèque de Troyes

569 inscrits sur la bibliothèque numérique Numilog

830 titres disponibles (au 31 décembre 2010)

340 téléchargements en 2010

68 utilisateurs actifs en 2010

Nombre de prêts Nombre

d’utilisateurs actifs

2008 88 27

2009 54 24

2010 340 68

2011 (au 01 mars)

177 40

Les 20 titres les plus lus en 2010

Titre Auteur Edite

ur

Nombre de

téléchargements

Monsieur est servi ESPARBEC La

Musardine 6

Au pays des ombres GALLERNE

Gilbert Fayar

d 6

Autre-monde, 1.

L'Alliance des Trois CHATTAM

Maxime Albin

Michel 6

Juste avant le

crépuscule KING

Stephen Albin

Michel 6

La Onzième plaie MOLAS

Aurélien Albin

Michel 5

La Promesse des

ténèbres CHATTAM

Maxime Albin

Michel 5

Les âmes

vagabondes MEYER

Stephenie JC

Lattès 5

Cellulaire KING

Stephen Albin

Michel 4

Dans la tête, le venin JAPP

Andrea H. Calma

nn-Lévy 4

L'ombre de ton

sourire HIGGINS-

CLARK Mary Albin

Michel 4

La Malédiction d'Old

Haven COLIN

Fabrice Albin

Michel 4

La vie sexuelle de

Blanche-Neige LIEBIG

Etienne La

Musardine 4

110

Le parti d'en rire DAC Pierre -

BLANCHE Francis Le

Livre Qui Parle 4

Le visage de dieu BOGDANOV

Igor et Grichka Grass

et 4

Monasterium JAPP

Andrea H. Calma

nn-Lévy 4

Rendez-vous chez

Tiffany PATTERSO

N James Edition

s de l'Archipel 4

Twilight - 1.

Fascination MEYER

Stephenie Hache

tte Jeunesse 4

Twilight - 4.

Révélation MEYER

Stephenie Hache

tte Jeunesse 4

Une nuit de trop PATTERSO

N James Edition

s de l'Archipel 4

Le Voyage d'hiver NOTHOMB

Amélie Albin

Michel 3

188 titres différents téléchargés au moins une fois

- Répartition hommes / femmes (en %)

Femmes 54,1

Hommes 45,9

- Répartition géographique (en %)

Troyes 49,9

Agglomération 28,4

Hors agglomération

21,7

- Répartition par tranches d’âges (en %)

Moins de 20 ans 5,8

20 – 29 ans 20,1

30 – 39 ans 24,8

40 – 49 ans 21,9

50 – 59 ans 13,9

60 ans et plus 13,5

111

Les plus : - Un catalogue plus attractif depuis la mise en place du format ePub

Les moins : - Des prix trop élevés pour les livres électroniques

- Une plateforme administrateur peu satisfaisante (module de commande très pénible à utiliser…) et bien trop chère

- L’utilisation, bien qu’en forte augmentation, demeure encore modeste

Bilan : Les chiffres d’utilisation restent encore peu satisfaisant même si

l’apparition de « best sellers » dans le catalogue ainsi que le prêt de tablette de lecture a permis une très importante augmentation des statistiques par rapport à 2009 (année où l’utilisation a été particulièrement faible).

L’objectif pour 2011 est d’atteindre les 500 téléchargements et 100 utilisateurs actifs.

Prêt de tablettes de lecture

Depuis mars 2010, la Médiathèque du Grand Troyes prête des tablettes de lecture (au nombre de 6) modèle Cybook Gen3 de la marque française Bookeen.

Chaque tablette est prêtée pour 4 semaines et contient une large sélection de grands classiques de la littérature mondiale (environ 130 ouvrages). Les emprunteurs peuvent ensuite y transférer des ouvrages empruntés sur le site de la médiathèque par le biais de la bibliothèque numérique Numilog.

Les tablettes ne sont pas en prêt direct. Les personnes souhaitant découvrir ce nouveau mode de lecture doivent remplir un formulaire sur le site de la médiathèque. Quand un Cybook est disponible, l’usager est contacté, un rendez-vous est pris pour lui expliquer le fonctionnement de l’appareil et enregistrer le prêt.

Neuf mois après le lancement de ce service, le bilan est satisfaisant. Nous avons reçu 84 demandes de prêt et 43 personnes ont déjà

emprunté une tablette. Le temps d’attente est d’environ deux mois actuellement. Pour réduire la

liste d’attente, trois nouvelles tablettes Fnacbook ont été commandées et trois autres devraient être prochainement achetées (Cybook Orizon).

Les retours sont positifs même si les avis sont souvent tranchés entre ceux qui restent dubitatifs sur l’intérêt de la lecture sur écran et ceux qui apprécient ces nouvelles machines.

Il faut noter que ce prêt de tablette a grandement participé à l’augmentation des statistiques d’emprunts sur la bibliothèque numérique Numilog.

112

Statistiques sur le prêt de tablettes de lecture : - Répartition hommes / femmes (en %)

Femmes 52,4

Hommes 47,6

- Répartition géographique (en %)

Troyes 49,4

Agglomération 32,5

Hors agglomération

18,1

- Répartition par tranches d’âges (en %)

18 – 29 ans 11,9

30 – 39 ans 30,3

40 – 49 ans 19,7

50 – 59 ans 18,4

60 ans et plus 19,7

113

Lexique

Abréviations

BnF : Bibliothèque Nationale de France.

BNUS : Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg.

BPI : Bibliothèque Publique d’Information.

CNL : Centre National du Livre.

CST : Commission de Sélection des Titres.

DLL : Direction du Livre et de la Lecture.

IST : Information Scientifique et Technique.

MOtif : Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France.

Termes techniques

Agrégateur : Groupe ou société proposant l’accès payant à des livres numériques issus

de différents éditeurs.

Bouquets : Abonnement ou achat de documentation électronique sous forme de

« packages », souvent regroupés autour de thématiques.

CAREL : Consortium pour l’Acquisition des Ressources Electroniques en Ligne.

Consortium de négociations d’achats de documentation électronique créé à l’initiative

de la BPI et destiné aux bibliothèques de lecture publique.

Catalogage : Tâche bibliothéconomique qui consiste à entrer dans le catalogue de la

bibliothèque les documents qui constituent ses collections en renseignant de manière

très formalisée un certain nombre d’éléments le concernant (auteur, titre, date de

publication, éditeur, etc.).

CDU : Classification Décimale Universelle. Système de classification des

connaissances humaines utilisé par certaines bibliothèques.

Consortium : Forme de partenariat et de regroupement de plusieurs bibliothèques dans

le cadre d’abonnement ou d’achat de livres électroniques afin d’obtenir du fournisseur

des tarifs plus attractifs.

114

COUPERIN : Consortium Universitaire de Publications Numériques. Consortium

destiné à la négociation d’achats de documentation électronique pour les bibliothèques

universitaires.

DRM : Digital Rights Management. Droits numériques, ayant pour but de gérer la

consultation et l’utilisation faite des œuvres numériques.

E-book : Utilisé au cours de ce travail dans le même sens que « livre électronique ».

Terme générique désignant à la fois le contenu et le contenant.

E-ink : Technologie utilisée sur de nombreux e-books, offrant un visuel proche de la

page de livre papier et permettant d’éviter l’utilisation d’écrans rétro-éclairés.

Lecture rhizomatique : Forme de lecture fragmentée et totalement personnelle, induite

par le numérique et notamment par la technologie des liens hypertextes.

Livrel : Terme relativement peu utilisé, mais désignant le livre électronique en tant

qu’objet, le support électronique de lecture.

Livre augmenté : Notion utilisée par François Nawrocki pour évoquer la forme de livre

électronique enrichie par le numérique et le multimédia.

Livre électronique : Utilisé au cours de ce travail dans le même sens que « e-book ».

Terme générique désignant à la fois le contenu et le contenant.

Livre homothétique : Notion utilisée par François Nawrocki pour évoquer la forme de

livre électronique calquée sur le modèle du livre papier.

Livre numérique : Utilisé au cours de ce travail pour désigner le contenu, c’est-à-dire

le fichier informatique.

OCR et OCRisation : Instrument et mode de numérisation permettant une numérisation

en mode texte et offrant des possibilités de recherche dans le texte.

OPAC : Online Public Access Catalog. Forme d’un catalogue de bibliothèque

disponible en ligne à destination du public.

SIGB : Système Intégré de Gestion de Bibliothèque. Logiciel de bibliothèque destiné à

la gestion de différentes tâches.

Tablette numérique : Support numérique multifonction, permettant entre autres la

lecture de livres numériques.

115

UNR Rhône Alpes : Université Numérique en Région Rhône Alpes. Consortium

destiné à la négociation d’achats de ressources numériques en région Rhône Alpes.

116

Bibliographie

Monographies

BAYARD Pierre. Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?. – Paris : Les

Editions de Minuit, 2007, 198 pages. – (Paradoxes)

BLASSELLE Bruno. Histoire du Livre, Vol. 1, A pleines pages. – Paris : Gallimard,

1999, 160 pages.

GIFFARD Alain. « Des lectures industrielles ». In : STIEGLER Bernard, GIFFARD

Alain, FAURE Christian, Pour en finir avec la mécroissance : quelques réflexions

d’Ars Industrialis. – Paris : Flammarion, 2009, pp.115-216.

JACQUESSON Alain et RIVIER Alexis. Bibliothèques et documents numériques :

concepts, composantes, techniques et enjeux. – Nouvelle édition. Paris : Éd. du Cercle

de la librairie, DL 2005. – 1 volume, 573 pages. (Bibliothèques)

POLASTRON, Lucien Xavier. La grande numérisation : y a-t-il une pensée après le

papier ?. [Paris] : Denoël, 2006 – 1 volume, 198 pages. – (Impacts)

POLASTRON, Lucien Xavier. Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des

bibliothèques. – Paris : Gallimard, 2009. – 1 volume, 543 pages.

QUENEAU Raymond. Pour une bibliothèque idéale. – Paris : Gallimard, 1956. – 1

volume, 318 pages.

SOCCAVO, Lorenzo. Gutenberg 2.0: le futur du livre : six siècles après Gutenberg une

nouvelle révolution va changer votre façon de lire... – 2ème

édition. Paris : M21 éd., DL

2008 – 1 volume, 222 pages.

VIEIRA, Lise. L'édition électronique : de l'imprimé au numérique : évolutions et

stratégies. Pessac : Presses universitaires de Bordeaux, DL 2004 – 1 volume, 188 pages.

– (Labyrinthes)

117

Rapports et actes de colloques

GAYMARD Hervé. « Le livre numérique ». Pour le livre : rapport sur l’économie du

livre et son avenir. Paris : Gallimard : Documentation française, 2009, pp.185-208.

Ouvrages sur support électronique

Articles de périodiques

BERMES Emmanuelle, MARTIN Frédéric. « Le concept de collection numérique ».

Bulletin des Bibliothèques de France [en ligne]. 2010, t.55, n°3 [réf. du 01.02.2001],

pp.13-17. Disponible sur Internet : < http://bbf.enssib.fr/>.

BERTRAND Anne-Marie. « E-Bibliothèques : les bibliothèques françaises face à

l’arrivée du numérique ». Bulletin des Bibliothèques de France [en ligne]. 2010, t.55

n°4 [réf. du 03.05.2011], p.90. Disponible sur Internet : < http://bbf.enssib.fr/>.

BERTRAND Anne-Marie, EPRON Benoît. « Les ressources numériques : un nouvel

enjeu pour les compétences des professionnels des bibliothèques ». Documentaliste-

Science de l’information, ADBS [en ligne]. 2010/2, vol.47 [réf du 25.01.2011], pp.65-

66. Disponible sur Internet : <http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-

l-information-2010-2.htm.>.

BRIYS Eric. « Cyberlibris : une offre de bibliothèque numérique à destination des

services documentaires ». ». Documentaliste-Science de l’information, ADBS [en

ligne]. 2010/2, vol.47 [réf du 25.01.2011], p.41. Disponible sur Internet :

<http://www.cairn.info/revue-documentaliste-sciences-de-l-information-2010-2.htm.>.

BURK Roberta. « Apprivoiser le livre électronique ». Bulletin des Bibliothèques de

France [en ligne]. 2000, n°6 [réf. du 01.02.2011], pp.38-42. Disponible sur Internet :

<http://bbf.enssib.fr/>.

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numériques ». Documentaliste-Science de l’information, ADBS [en ligne]. 2010/2,

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Autres supports

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electroniques/empruntez_des_livres_electroniques_dans_les_mediatheques> (consulté

le 25.03.2011).

Sitographie

Sites réservoirs d’e-books :

Ebooks libres et gratuits : < http://www.ebooksgratuits.com/>

Gallica. Gallica bibliothèque numérique : < http://gallica.bnf.fr/>

Project Gutenberg : < http://www.gutenberg.org/browse/languages/fr>

Storylab. Storylab Edition : < http://www.storylab.fr/>

Sites communautaires autour du livre :

Delicious. Delicious social bookmarking : <http://www.delicious.com/>

LibraryThing : < http://www.librarything.fr/>

Sens Critique : < http://www.senscritique.com/>

Sites consacrés au numérique :

Actualitté : <http://www.actualitte.com/>

Blog Silvère Mercier – Bibliobsession : < http://www.bibliobsession.net/>

La Feuille : < http://lafeuille.blog.lemonde.fr/>

123

Mots clés : E-books, livres numériques, bibliothèques municipales, bibliothèques

universitaires, lecture.

Résumé :

Bien plus qu’un simple produit informatique, le numérique fait aujourd’hui

partie intégrante de notre quotidien. A l’aube des années 2010, après la musique et la

vidéo, c’est au tour du secteur du livre de se voir bouleversé par l’arrivée du numérique.

Il s’agira ici de s’interroger sur la manière dont se sont développés les livres

électroniques et sur la façon dont ils peuvent s’insérer dans notre société. Cela nous

amènera ensuite à réfléchir à l’impact d’un tel changement sur les bibliothèques et sur

les possibles attitudes à adopter face à l’arrivée d’e-books dans les collections, aux côtés

de documents papier plus traditionnels.

Key words : E-books, digital books, public libraries, university libraries, reading.

Summary :

Far more than a simple computer product, digital is today fully part of our daily

lives. At the dawn of the 2010s, after music and video, it is now the book sector which

is disrupted by digital’s arrival. We shall study the way e-books have developed and

how they can get their place within the society. That will lead us to think about the

impact of such a change on libraries. We shall also work on the postures that can be

possibly adopted in view of the integration of e-books within library collections, beside

more traditional paper books.