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MAVIEPOURLAFRANCE

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DUMÊMEAUTEUR

Aucunebêteaumonde,LaPenséemoderne,1956.Pistesansfin,LaPenséemoderne,1956.Contre-Guérilla,Baconnier,1957.Pouruneparcelledegloire,Plon,1975.Delabrousseàlajungle,Hachette-Carrère,1994.Maguerred’Indochine/Album,Hachette-Carrère,1994.Maguerred’Algérie/Album,Hachette-Carrère,1995.France,réveille-toi!,ÉditionsN°1,1997.Pouruneparcelledegloire,réédition,ÉditionsN°1,1997.Lettresd’Indochine,tome1,ÉditionsN°1,1998.Lettresd’Indochine,tome2,ÉditionsN°1,1999.LeSiècledeshéros,ÉditionsN°1,2000.J’aimalàlaFrance,ÉditionsduPolygone,2001.Criermavérité,ÉditionsduRocher,2002.Maguerred’Algérie,réédition,ÉditionsduRocher,2003.Maguerred’Indochine,réédition,ÉditionsduRocher,2004.Parolesd’Indochine,ÉditionsduRocher,2004.Adieu,maFrance,ÉditionsduRocher,2006.Mondernierround,ÉditionsduRocher,2009.

GÉNÉRALBIGEARD

MAVIEPOURLAFRANCE

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Je retrouve Haguenau, la caserne, les mêmes copains, dont,avecplaisir,monbraveMillot,lefameuxchanteur,maquereauàsesheuresetrâleurprofessionnel.Iln’apasdutoutenvied’alleraufeu.Niluinilesautres.«Ilsnouscassentlespieds,avecleurguerre ! » Je me rends vite compte que l’esprit n’est pas aucombat,niausacrifice:personnen’aenviedesebattre.

Pour ma part, j’ai changé de point de vue. La caserne n’estplus seulement ce lieu où l’on s’ennuie en faisant des chosesinutiles.Maintenant,jesaispourquoijesuislà:pourmebattre,s’illefaut.Pourdéfendrenotresol,avecsesmères,sesfillesetses fils. Dès qu’on vous donne un but, une raison d’agir, leschoses deviennent beaucoup plus faciles et acceptables. J’ail’impression que c’est ce qui manque dans la vie de tant dejeunesaujourd’hui:avoirunbut,unidéal.

Cette fois j’accepte, sans faire dedifficulté, qu’onmecoupelescheveux.J’accepteladiscipline,j’accepteletravail.

Jesuispromusergent.Jepréparelebrevetdechefdesectionpourdevenirofficierderéserve.Àl’examen,j’arrivepremieretlaisse dans le rétroviseur des gars plus âgés que moi. Je n’aipourtantpas l’impressiond’avoirbrillé.Lamotivation, l’envie,voilàmesseulesrecettesdesuccès.Aussitôtjetélégraphieàmafamille : « Reçu premier. J’arrive en permission. » Je suis denouveauàToul,en tenuedesergentcette fois,dansuneformeolympique,sec,lesmusclesfaits,etpaspeufier.Ilparaîtmêmequej’aiuneattitudenouvelle.Onmeditplussûrdemoi,plusdétaché, j’ai l’impression de dominerma petite ville, les gensquin’ontpasbougé,etmêmemamèren’oseplustropchercherlapetitebêtepuisquejeportel’uniforme…ycomprisquandjedécouchepourallerpasserlanuitdansunhôtelavecGaby.Un

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dernierétépresqueinsouciant.L’amourestbon,laviemilitairemeva.

Septembre1939,HitlerenvahitlaPologne.AussitôtlaFranceet l’Angleterre lui déclarent la guerre. C’est le début de cettepériodeinvraisemblablequ’onaappelée«ladrôledeguerre».Nous sommes en guerre, oui, mais on ne se bat pas. Nousmanoeuvrons dans les intervalles de la ligne Maginot pourorganiser des points d’appui. Les Allemands sont en face,invisibles.Parfois,lanuit,uneescarmouche.

Je suis chef de poste. J’ai des responsabilités. Me voilàmaintenant un vrai militaire. J’aime cette vie de mouvement,d’action,mêmesinousnesommespasencoredans labagarre.Je ne le souhaite pas d’ailleurs, qui peut souhaiter la guerre ?Mais j’ysuisprêt.Sielleéclatevraiment, il faudra la faire. Jecroisàtouscesslogansquiendormentnotreconfiance:«Nousvaincronsparcequenoussommeslesplusforts!»Jefredonnemêmeceschansonsamusantesetunpeubêtesqu’onentendàlaradio…«Nousironspendrenot’lingesurlaligneSiegfried!»

Je suis volontaire pour les groupes francs. Nous sommesquarantedenotrerégimentàfairepartiedecetteunitéd’élite.Jereçois mon premier commandement. Nous sommes regroupésdans le petit village alsacien deTrimbach.Celui-ci est ensuitedevenu une ville qui a baptisé demon nom l’une de ses rues,sansquejeledemande.L’affaireamêmedéfrayélachronique:une ministre zélée de notre bonne République, DominiqueVoynet, s’est opposée par écrit, sur papier à en-tête de sonministère,àcetteinitiative.Elleaexigédumairequ’ilrenonceàcetterueBigeard.L’éluatenubonetrefuséd’enleverlaplaque.Qu’ilensoiticiremerciéunefoisencore.

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À l’approche des Allemands, tous les habitants ont étéévacués.Cespauvresgensonttoutlaisséderrièreeux,ycomprisles animaux, le bétail, ce qui fait notre affaire quand il s’agitd’améliorer l’ordinaire. Mon coeur se serre quand je vois cevillage abandonné par des malheureux, contraints de quitterleursmaisons.Celaaffermitmesrésolutions.IlnefautpasquelesAllemandspassent.Non!Àaucunprix.

Ce n’est pas encore la guerre, mais les combattants sont enplace.Nouspatrouillonssurlalignedecontact.Unenuit,noustombons sur un groupe d’Allemands. Ils sont nombreux, bienarmés. Ilsnouspiègent.Lescoupsde feuclaquent.Nousnousreplions avec trois blessés légers. Mais l’un d’entre nous adisparu,ledeuxièmeclasseChausson.

Jedemandel’autorisationd’allerlechercher.Jeretourneavecmes hommes sur les lieux de l’embuscade. Ne jamaisabandonnerungarsendifficulté,c’est la règle,c’est ledevoir.Nous retrouvons le soldat Chausson, mort, hélas ! Une balledans la tête.Àquelquesmètresdenous, lesAllemands. Ilsnenousontpasvus.Jelesentendsdiscuter.Jechargelecorpssurmon épaule, nous le ramenons à notre cantonnement. C’estlourd,unmort.Notrepremiermort.Pasledernier,hélas!

Cettepertenousfrappetous.Nousn’avonspasfinid’envoir.J’obtiensàcetteoccasionmapremièrecitation.

En représailles, on nous donne l’ordre de nous débrouillerpour nous emparer d’un Allemand. Il s’agit de faire unprisonnier, à tout prix. Telle était encore l’armée, à cetteépoque;elleconservaitlesouvenirdesexploitshéroïquesdelaguerrede1914-1918.Ilfautpartiraucombat,coûtequecoûte,

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méthodesdetravail.Ilsontunemain-d’oeuvreàboncompte,ilsenprofitent.Toutelajournéesurnotredos,ilsnousexploitentjusqu’àlacorde.

Pourlaplupartdemescompagnons,ouvriersagricoles,petitspaysans, çane faitpasunegrossedifférenceavec laviequ’ilsontconnuedepuisleurenfance.Tousessaientdeménagerleursforces,denepastravailleraussidurquelesfermiersl’exigent.

Je suis dans une petite ferme, à quatre kilomètres dukommando. Quatre lematin, quatre le soir. Ça neme fait paspeur. Au début, je suis accompagné par un brave bougred’Allemand qui a dumal àme suivre. Je n’ai pas perdumonhabitudedemarchervite,etmêmedecourir.Jen’aipasattenduqu’on invente le jogging. Au début, il essaie bien de tenir lerythme,puisilmelaisseallerbontrainsanss’occuperdemoi.Quepeut-ilsepasser?Jenevaispasm’échappercommeça.

Mevoilàdoncpaysan.Jefaislesmoissonsjusqu’àlafinaoût.Puis,enseptembre,c’estleramassagedespommesdeterre.Untravailépuisant.Rentrédeschamps,jedoistrairelesvaches,lesnourrir,nettoyerl’étable…

Mon patron s’appelle M. Lamm. Il a l’air content de moi.C’est un ancien de 1914-1918. Je lui plais parce que je suisblondauxyeuxbleus.Ensomme,pourlui,jepourraispresqueêtreun fridolin !Mercibien.Sonfilsest sur le frontde l’Est,maisceM.Lammaunebruquim’aprisenaffection.Ellemenourrit,megâtecommeunemère.Cequimetenrogneunautreprisonnierquitravailleavecmoi,unPolonais.Ilmedéteste.

Unjour,pendantunrepasdanslagrange,ilmesautedessus.

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Commeilsaitqu’iln’aurapaslederniermotavecmoi,ilsaisitune fourche et essaie dem’embrocher. Je l’évite tant bien quemal,j’attrapelemanchedelafourche,leluiarracheetluienvoiemonpoing dans la figure.MonPolonais se retrouve par terre,K.-O. Fracture de lamâchoire. Cela aurait pume coûter cher.Riennesepasse.LesAllemandsn’aimentpaslesPolonais.

Les mois passent trop lentement : un hiver, un printemps.1941. Bien nourri, avec des exercices quimemaintiennent enforme,jepètelefeu.MoncopainJeanBledn’estpasplusmallotiquemoi.Iltravailledansuneferme,nonloindelamienne.Sapatronneestunejeuneveuve.Elleestfolleamoureusedeluimalgrésonchagrin.Lanatureasesexigences.Elle luiapportesonaideenvuedel’évasion.Jeanneluiapasfaitmystèredesesintentions. Il a des vêtements, des vivres, etmêmede l’argent.Nous pouvons songer à partir. Reste à choisir la date. Je luiproposele14juillet.«Unbonjourpourretrouverlaliberté,dit-il.Jesuisrépublicain.»

Pendant plusieurs semaines nous préparons notre cavale.Faussercompagnieànosgeôliersn’estpasleplusdifficile.Lesproblèmescommencentaprès.Nousn’avonspasdecarte.Nousdécidonsdesuivrelesvallées.LaLahnnousconduirajusqu’auRhin.DelànoustrouveronsleconfluentaveclaMoselle.Noussuivronslarivièrejusqu’àlafrontière.Deuxcentskilomètresdemarche.

14juillet.Noussommesprêts.Aukommando, lasurveillances’est relâchée. Aucune difficulté à sortir de la baraque. Nousdescellonsunvieuxbarreau.Nousdescendonsdupremierétageavecunecorde.Nousfranchissons lesbarbeléssansencombre.Nousvoici dehors.Habillés enpaysans, grâce à la belleveuve

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éprisedemonamiJean,àquiilafalluduméritepours’arracheràcettesituationdecoqenpâte!

Mais riennevaut la liberté.Mêmesi s’évaderd’un territoireennemidansdesconditionsaussiprécairesserévèleencoreplusdifficilequeprévu.

Nous marchons pendant dix jours dans un état de tensionextrême. Nous évitons les fermes, les hameaux, les villages.Nous nous perdons plusieurs fois sur des chemins qui nemènentnullepart.Maistoujoursversl’ouest.Nousdormonsleplus possible pendant la journée, nousmarchons la nuit pouréviterd’êtrerepérés.Cequenousavonsvécu,biendesgarsdanslamêmesituationpourraientleracontercommemoi.

Nous réussissons à franchir le Rhin. Nous descendonsjusqu’auconfluentdelaMoselle.

Moselle,machèreMoselle,machèrerivière!L’eauquejevoiscoulerestdéjàpasséechezmoi, àToul. J’enai les larmesauxyeux.JepenseàToul, jepenseàGaby.Ces imagesdeparadismedonnentlaforcedecontinuer.Àtoutprix.

Laville deTrèves.Nouspassonsdeux jours à la contourner.La frontière est proche. Bientôt nous serons chez nous. Nousapprochonsd’unvillage.Soudain:«Halt!Papier!»

Ilest3heuresdumatin.Noussommesarrêtésparunbarrage.Iln’estpaslàpournous.Trenteofficierspolonaissesontévadésd’unoflagdelarégion.LesAllemandslesrecherchent.

C’est fichu. Nous levons les bras, désespérés. Tant d’effortspouréchouersiprèsdubut!Nouspassonslafindelanuitau

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ville, où je risque d’être reconnu et dénoncé. Une seulesolution : rester planqué dans ma chambre pendant quelquesjours.AvecGaby.Pasdésagréable!

Masbourian, qui n’est pas du coin, peut circuler. Il va partirpourNancy, chercher un contact qui nous aidera à franchir lalignededémarcation.Ilsemetenquête,demandelamystérieuse« mademoiselle Rosa ». On lui a dit qu’elle travaillait auxMagasinsréunis.Gérardfinitparaborderunedesescollègues.Quand il lui parle de mademoiselle Rosa, elle prend un aireffrayé:«Taisez-vous!Ellevientd’êtrearrêtéeparlaGestapo.Sivousvoulezallerenzonelibre,j’aiunmessagepourvous:leCafédelaGare,àBesançon.»

GérardnetraînepasàNancy.IlrentreviteàTouletdemandeàmonpèred’avertirnosamisquelecontactestgrillé.

Il faut partir sans tarder. J’apprendsmême queM.Lamm, lefermier,mon premier patron enAllemagne, est déjà venu chezmes parents, rue de l’Abbaye, pour leur dire combien il a étésatisfaitdemontravaildanssaferme,etqu’ilaimeraitbienmevoir revenir ! Si lui-même a fait le chemin jusqu’ici, qu’est-cequi empêcherait la gendarmerie ou la Gestapo de venir mecueillir?

Mesparents s’inquiètent. Je n’ai plus d’endroit où aller, pasdemétier,pasd’argent.Pourtant,j’aiuneidéeentête.Rempiler.Meréengager.Laguerren’estpasfinie.J’aivingt-sixans,jesuisadjudant,maplaceestdansl’armée.Lecombatdoitcontinuer.

Gérardestdemonavis.Luiaussiveutretrouverlessiensdansunpremiertemps.SesparentsetsonfrèreRoberthabitentNice.

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C’estdécidé.Nouspartons,prisenchargepar lesréseauxdeRésistance des chemins de fer. À la maison, les adieux sonttristes. Jeprometsàmamèrede luidonnerdesnouvelleset jejureàGabyquenousnousretrouveronsbientôt.

Letrajetestlong,pénible.NousparvenonsàBesançonetnousallons directement chez notre contact, mais il n’y a pas decontact ! Il est absent. Nous voilà lâchés dans une villeinconnue, sans papiers.Lamoindre arrestation serait fatale. Jedécided’agir.Oùserions-nousplusensécuritéqu’à l’intérieurd’uncommissariat?Sinoustombonssurdesflicspatriotes,ilsnousprotégeront.

Aussitôtdit,aussitôtfait.Nousentronsdanslepremierpostede police venu. Le commissaire, énergique, comprend lasituation.Ilnousfaittirerleportrait,établitdescartesd’identitéauthentiques.Le lendemain,nousnousprésentonsaucontact :le«capitaine». IlnousattendauCaféde laGare.Deux joursplustard,nousfranchissonslalignededémarcationàproximitéde Lons-le-Saunier. De là, des camions militaires nousconduisentjusqu’àLyon.Nousnousprésentonsauxautoritésetnoussommesànouveau,officiellement,desmilitaires.

L’officier chargé des effectifs nous conseille de partir enpermission:

«Vouspourrezsimplementvenirpointerchaquesemaine.

–Maisnousavonsenviederejoindrel’arméed’active.

– Il faut d’abord attendre les résultats de l’enquête vousconcernant.»

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Onnousdécore,unenouvelleCroixdeguerre,lamédailledesévadés, et nous touchons un pécule, notre rappel de solde :28000francspourmoi.Unefortune!

Nous décidons de rejoindre Nice. Voilà deux ans queMasbourian n’a pas vu les siens. Je tiens d’abord à faire uncrochet par Annecy où je retrouve M. Perriot, mon anciendirecteurdelaSociétégénéraledeToul.Ilmereçoitcommeunfils.Pourmoi,d’ailleurs,c’estunpeuunpère.Ilvoudraitquejeréintègre la banque. Je lui explique que je veux reprendre lecombat.Aprèslavictoire,peut-être…«Jevouscomprends,medit-il.Àvotreâge,j’auraisfaitcommevous.»

NousarrivonsàNicequelquesjoursavantNoël.

C’estunautremonde.Jen’ai jamaisvu lamer.NicenepeutêtrecomparéeàmaLorraine.Touteune faune s’yest réfugiée,hommespolitiquessansmandat,artistes,producteursdecinéma,acteurs,journalistes.Beaucoupd’argent,beaucoupdefêtes,descélébritésàtouslescoinsderue,degrossesvoitures,unétalagederichessesetdeluxe.

JepenseàmaLorraine,àlaFranceoccupéeoùiln’yarienàmanger,où lesgensviventdans lapeur,menacésd’arrestation.Jesuischoqué.Touscesprivilégiésirresponsablesrient,fontlafête,étalentunluxeinsolent,commesilaFrancen’étaitpasenguerre. J’aimerais expliquer tout ça,mais à quoi bon ?Onmeriraitaunez.Entoutcas,jesaisquecesgensnefontpaspartiedemonmonde.

J’écris à Gaby. Je lui demande de me rejoindre. Elle estforcémentd’accord.AdorableGaby.

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d’expérience ; JohnDeller, vingt-huit ans, radio, unCanadiend’Ottawa, grand, blond, timide, avec un accent savoureux quinousfaitmarrer;Casanova,sergent-chefariégeois,jeune,vingt-deuxans,petit,costaud.Etquelquesmoyensenmatériel :unevaliseradio,descodesdecamou-flage,500000francsenbonsde la Défense, 50 000 francs en pièces d’or. Voilà avec quoinousallonssautersurlaFrancece6août1944.Ànousquatre,nousdevonsorganiserlaRésistanceetmettrelefeuauxpoudresdansledépartement.Sacréprogramme!

L’Ariège, je n’y ai jamaismis les pieds,mais j’ai étudié unecartependantdesjours.

22 heures.L’avion décolle de l’aéroport deBlida. Il y a unetrappe ronde dans la carlingue, au bord de laquelle il fauts’asseoiravantdesejeterdanslevide.NoussurvolonsBlida,laMéditerranée.Excitationdudépart.Pasmoyendedormir.Nousnous préparons mais la météo est mauvaise, il faut rentrer.AtterrissageàBlida,jeregagnel’hôtel.Jefrappeàlaportedelachambreetj’entendssavoix:

«Quiestlà?

–C’estmoi,Gaby.Ouvre!»

Encoreunenuitinoubliable.

Nous repartons quarante-huit heures plus tard par le mêmeavion,aveclemêmeéquipage.Cettefoisnoussommesépuisés.L’attente, la fatigue nerveuse. Nous dormons au-dessus de laMéditerranée.Lelargueurnoussecoue.Café.«Équipez-vous!»

Çayest,c’estlaFrance.

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À1heuredumatin,latrappeestouverte.Noussommesassisaubord,lesjambesdanslevide.Jesautelepremier.Go!

Sous moi, les trois feux allumés par des maquisards.J’approche de la terre française. L’air est vif, froid, il effacetoutelafatigue.Jemeprépareauchocdel’atterrissage.Maisenguise de choc, rien ! Je ne sens pas la terre ferme sous mespieds,etpourcause,jesuissuspenduàunarbre,dixmètresau-dessus du sol. Des bruits, des hommes qui parlent fort.J’entendsProbertquigueule:

«Marcel!Oùes-tu?

–Ok,Bill,là-haut!»

Jedépliemonventral,medégrafe,melaisseglisserlelongdessuspentes.J’embrasseenfinlaterredeFrance.

Ceuxquinousaccueillentnesontpasfrançais.Jesuissurpris.Ilssontespagnols.Leurchef,lecommandantRoyo,seprésente.Il commenceparnous fouiller,ne sachantpas sinous sommesvraimentdesalliés.

Royo est le chef d’une bande d’anarchistes, guérillerosantifranquistes.C’estunpetithommed’unmètresoixante,noirdepeauetdecheveux.Ilestàlatêtededeuxcentsgaillards,etiln’apasl’intentiondeselaisservolersonpouvoir.

Jeme retrouveàpoil,mesarmeset l’argent confisqués.Mescompagnons subissent lemême sort. Probert est fou de rage :«Bravopourl’accueil!»Maisavecdesfusilsbraquéssursoi,pas la peine de résister. Il faut s’expliquer. Je tâche de gardermonsang-froid.J’aiunelettredeservicequimedésignecomme

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lechefdelamission.Pasquestionquejemelaisserelégueràunrôlesubalterne.Etj’aibeaudescendreduciel,jenesuispaslePèreNoël.

LecommandantRoyodonneunordre.Onnousembarquedansdes voitures dont les portières ont été découpées et le toitenlevé,pourpermettre lepassagedesarmes.Noussuivonsuneroute accidentée jusqu’à Merviel, hameau perché au-dessusd’unevallée.Lesvéhiculessontabandonnés,camoufléssousdesbranchages.Nousfinissonslecheminàpied.

LePCdumaquisespagnolestunevieillefermeenruine.Unpetit déjeuner nous attend, café, pain, beurre. Réconfortant.Maisjepenseàmamission.Réglerleproblèmedelarépartitiondesresponsabilités.Royoestunvraichef.Jecomprendsviteàquij’aiaffaire.Jelerespecte.Sesanarchistesrépublicainssontsoumis à une discipline de fer. Pour eux, la lutte contre lesAllemandsfaitpartiedelaluttegénéralecontrelefascisme.Ilsveulentd’abordsedébarrasserdeHitler,ensuiteceseraletourdeFranco.

NepasbraquerRoyo,maisneriencédernonplus.Jedoisluifaire comprendre que je suis en mission et que je suis forcéd’obéir aux directives du commandant des FFI, le généralKoenig, toujours à Alger. Si Royo refuse de l’admettre, noussommesréduitsàl’impuissance,otagesdeseshommes.

Mais je mesure vite chez ce desperado de vraies qualitésd’homme et de chef. C’est un professionnel du combat. Nousavonstoutpournousentendre.Jeluiexplique:

«Sanstoiettatroupe,jenepeuxrien.Maissansmoietmes

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Je rends compte de la situation à mon supérieur direct, ledéléguémilitairerégionalduPCdeToulouse.Luiaussiamailleàpartiraveclescommunistesquicherchentàs’imposer.

PourfaireoublierlaprésencedelaGestapopendantdesmoiset venir en aide aux sinistrés deRimont, nous organisons unesoirée dans le château. Nous invitons en particulier les gensriches. Nous réussissons à collecter 300 000 francs. Monparachute estmis aux enchères.Adjugé ! 40000 francs.Noussommesleshéros,lesvedettes.Jen’entirenullegloriole.Jesaistropquelenaétéleprix.

Lapresseparledenousentermesflatteurs.Noussommeslestrois mousquetaires alliés, l’Anglais, l’Espagnol, le Français.Royo est un héros, chef de bataillon de ses guérilleros à lareconquêtede l’Espagne, fraternitédes armes.Longarticle surProbert, roi du désert promu lieutenant àTobrouk, et surmoi,commandantdecarrièreBigeard,chefdelamission.

Royome demande de partir avec lui pour l’Espagne, commegénéral de brigade : « Paris vient d’être libéré, me dit-il. Laguerre se termine. Qu’est-ce que tu vas faire ? Retournertravailler dans une banque ? Viens avec moi ! Ne va pasreprendre ta place derrière ton guichet ! Je t’invite dans monpays. Je t’offre la reconquête !NousentreronsdansBarcelonesous les fleurs, nous pendrons les fascistes et les curés, puisnousmarcheronssurMadrid.Lafoulenoussuivra.»

Enattendant, ilnesongequ’àpiller lemaximumdematérielallemandpour repartir dans sesmaquis espagnols. Je l’écoute,maisilnemeconvaincpas.

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Ilretourneralà-basetymourra.J’apprendrailanouvelleavecchagrin,quelquesannéesplustard.

Àprésent,c’estlafête.Nousrecevonsdesvisitesgalantes,lesfillesaimentleshéros.Probertafaitfondrelecoeurd’unetrèsbellepetiteblonde.MonCanadienpassedel’uneàl’autreavecappétitetregrettequedesijoliesfillesaientététondues.Nousavons récupéré des voitures pour notre usage personnel : Billunetractionavant,moiuncoupéMercedesdécapotable.

Mais il est tempsde quitter l’Ariège et de rallier, àParis, ladirectiongénéraleÉtudes etRecherches, dirigée parSoustelle.Prised’armessurlaplacedeFoix.JeremetsquelquesCroixdeguerre,etadieu.

JenereviendraienAriègequevingt-deuxansplus tard,pourassisteràlamanoeuvred’undemesrégiments.Jeseraireçuenami par le maire et retrouverai, avec beaucoup d’émotion, lavieillefermequinousaserviderepairedanslemaquis.Maislapageesttournée.Laviecontinue.

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CHAPITRE7

L’écoleduPyla

Je quitte l’Ariège, pas peu fier, au volant de ma Mercedesrutilante,directionToulouse.Danschaquevillage traversé,desacclamations,desparachutesblancspeintssurlesportières.

Mais à Toulouse l’ambiance n’est pas à la rigolade. Lesmilitaires,etenparticulierlesparachutistesarborantlacroixdeLorraine,nesontpasbienaccueillis.Lescommunistes règnentsur la ville. Le déléguémilitaire, parachuté quelques semainesplustôt,estpurementetsimplementignorédesautoritéslocales.Ilmereçoitavecchaleuretsympathie.

«JevousaiproposépourlaLégiond’honneur,medit-il.Voicile texteque j’aiadresséàAlger. Ilme le litàhautevoix :“Lecommandant Bigeard, sous le pseudo de Marcel, est devenupendant les journées de libération de l’Ariège un héroslégendaire dont le renom a dépassé les frontières dudépartement.”»

J’en reste stupéfait !Un héros ! Simes vieux pouvaient lireça!

«Etmaintenant,medit-il,qu’allez-vousfaire?

– Rendre compte àmes supérieurs. Le BCRA est devenu laBGERetvientdes’installerdansParislibéré.Jevaisessayerdedécrocheruneautremission.

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LesViets,maintenant,c’estnous.Nousavonsleursméthodes,presquelamêmetenue.Jesuishabillécommemeshommes,enshort,piedsnus,grenadesàlaceinture,carabineenbandoulière.Pas une tenue très réglementaire ! Nous ressemblons à desIndiens sur le sentier de la guerre,mais l’important est que çamarche. Le moral est là, formidable, les actions efficaces.Pendant quatremois nous semons la terreur chez lesViets. Jemesensbien,àl’aise,commechezmoidanscepaysfantastique.

En octobre, fin du séjour pour mes hommes. Ils doiventrepartir.Onsequitteàregret.Ilsm’ontapprisàvivredanscettenature impitoyableetmagnifique. Ilsont retrouvé leurhonneuret leur fierté. Ils rentrent chez eux en bouclant leur séjourindochinoissurdesvictoires.

Je reste. Hô ChiMinh vient de passer l’été en France pournégocier l’indépendance. Ça n’a rien donné. Juste unmodusvivendijusqu’enjanvier1947.Unsursispourrien.Noussavonsqu’ilvafalloirsebattre.

Le 20 novembre, après plusieurs incidents, notre flottebombardelequartiertonkinoisd’Haiphong.Endécembre,c’estl’insurrectiongénérale.

Je commande maintenant la 3e compagnie du bataillonautonomethaï.Environquatrecentshommes,solides,entraînés,quiconnaissentbien la région,avecquelquesofficiers françaispourlesencadrer.Desjeunescyrardsquiontpeucombattumaisque je formerai vite à mes méthodes. Nous devenons la«colonneBigeard».Enmoinsd’unan,nousallons reprendreauxVietslatotalitéduPaysThaïnoir.Soutiensansfailledelapopulation.

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Les Thaïs sont un peuple à part, avec leurs chefs, leursseigneurs,leurscoutumes.Ilsn’aimentpaslesTonkinois.Danschaque village nous sommes accueillis comme des libérateurs.Nourris,logés,fêtés.J’airetrouvécertainsd’entreeux,danscesrégions, quand je suis retourné auVietnamen1994. Ilsm’ontréservé le même accueil. Toujours aussi émouvant. Mais jereviendraiplusloin,danscelivre,surceséjourplusrécent.

Endécembre1946,jereçoisl’ordredereprendreSonLasurlaroute coloniale 41 qui traverse laHauteRégion tonkinoise. Jerépartismeshommesenquatrecommandos.LesThaïsnousontouvert des pistes inconnues des Viets. Nous marchons deuxjours sans nous arrêter, traînant avec nous des mortiers, desradios, des obus. Le 2 janvier 1947 aumatin, nous sommes àMuongLa.NousobservonslesVietsàlajumellepuisinstallonslesmortierssurleshauteurs.Tirsd’obus.Deuxdemessectionspassent à l’assaut et s’emparent facilement du village. Nouscontinuons à marche forcée sur Son La, petit village au piedd’unpitonrocheux.J’installemescommandosdechaquecôté.UnautreestchargédefairediversionetarriveparlaRC41.LesViets sont pris dans la nasse. Ils foncent sur la route. Nousdéboulons en hurlant. Nous sommes dans leur dos. Surprisetotale. Leur garnison est anéantie. Cent vingt tués ouprisonniers.Cheznous,pasdepertes.

Je ne reste que vingt-quatre heures dans ce village. NouspoursuivonsnotreavanceetprenonsentroissemainesNasanetlecoldeConoï.

Début février,noussommesdans lesparagesdeYanChauetBan Thin. Le moral de la colonne Bigeard est extraordinaire.Nous avons dégagé des dizaines de kilomètres de terrain.

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Toujours la même tactique : renseignements, marche de nuit,arrivéeprèsde l’ennemià l’aube,puisdiversionetattaqueparleshauteurs.C’estuneviedeguérilla,d’aventures,demarchesdans la montagne par des pistes impossibles. Effort constant,mais expérience extraordinaire. Nous perdons des hommes. Ilfaut récupérer. Je décide un repos d’unmois àBanThin. J’enprofite pour régulariser la situation administrative, je complètel’instructiondeshommesetrenforcel’effectifparunapportdepartisans.

Le2avril1947,nosémissairesnousannoncentun importantmouvement viet à quelques kilomètres.Deux solutions : partirde nuit, en douce, ou se préparer à les affronter. Je choisis lecombat.Notredéfenseestsolide,ceseraunebonneexpériencepourmessoldatshabituéssurtoutàl’attaque.

Le4avril,à2heuresdumatin,ilsnoustombentdessus.Noussommes prêts. Huit heures de combat. Tirs d’armesautomatiques.Lancersd’obus.LesVietsfinissentpardécrocher.Jereprendsl’offensive.Nouscontinuonsd’avancer.Delonguesjournéesdemarche,quelquesheuresdesommeilàmêmelesol,des boules de riz froid pour toute nourriture, les attaques àl’aube.Nousprenons,dansunmêmemouvement,DanNaNga,TuNang,MuongLum.

Le 3 mai, nous construisons des radeaux pour franchir larivièreNoire face àVanYen.Le village tombe le 8mai 1947.Depuisunmoisjeviscommeunseigneurdeguerre,isoléavecmes hommes. Je n’ai pas rendu compte des événements àmessupérieurs.J’envoieunsimplemessage:VanYenpris!

Cesontdessemainestriomphales.Riennenousrésiste.Nous

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est à Son La, capitale du Pays Thaï noir. J’ai laissé dans cevillagedes souvenirs indélébiles. Je l’ai prisunepremière foisen 1947. J’y suis à nouveau en 1949. Y retournerai avecmesparasen1952.Ledestinvoudraque j’y repasseunequatrièmefois, lorsdemacaptivité,déchuethumilié.Etenfin,beaucoupplus tard, lors demon voyage en temps de paix cette fois, en1994.

Mes lieutenants disposent leurs hommes tout autour duvillage.J’exiged’euxqu’ilsadoptentlamêmeattitudequemoiavec mes partisans : être totalement dévoué à ses hommes,toujours avec eux, ne jamais faillir, ne jamais dire : « Enavant !»,mais :«Suivez-moi !» Ilspigentviteceque je leurdemande:noussommessurlamêmelongueurd’onde.

Tous les soirs je les joins par radio, fais le point desévénementsde la journée,donnedesordrespour le lendemain.C’est grâce à cette liaison permanente que mes hommes ontconfiance. Ils savent que je serai toujours là avec les renfortsnécessairesencasdebesoin.

Nous continuons à mener des raids permanents contre lesViets,quiperdentpeuàpeuconfiance.Ilsnesesententplusensécurité, c’estnous leschasseurs.LesThaïscontinuentànoussoutenir et à nous renseigner. Grâce à eux, nous pouvonspréparerminutieusementnos coups avantdepartir enmission.Marches forcées épuisantes, trente ou quarante kilomètres parjour, à travers des pistes qu’il faut ouvrir au coupe-coupe,passagede cols élevés, nourriture frugale.Nous récupéronsunpeu, observation de l’ennemi, puis attaque à l’aube et repliimmédiat. Les bilans sont remarquables : deux cent cinquanteViets tués, cinquante-deux déserteurs et dix mille paysans

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ralliés.

À Son La, ma femme est auprès de moi. Je redeviens unseigneurdeguerre.Je rendscompteàmessupérieursde tempsentemps.Ilsmefontconfiance,pourvuquejemedébrouilleetne leur demande pas de renforts. Je suis libre, heureux,amoureux.Çaroule.

Sauf que certains membres des autorités civiles françaises,installésconfortablementdanscetteHauteRégion,n’apprécientpasmessuccès.Jenefaisd’ailleursaucuneffortpourleurêtreagréable.J’établismêmeunrapportsalésurlecomportementdecertainscoloniaux,dontlesportfavoriestdes’enrichiravecletrafic d’opium et de piastres. Effet immédiat. L’administrateurest relevé de ses fonctions. En France, l’Assemblée nationalenomme une commission d’enquête pour éclaircir cette affairehonteusedetraficdepiastres.Celan’empêcherapasRamadier,présidentduConseil,dedemandermamiseàpied.

Çasepassedelafaçonsuivante.

En février 1950, je reçois unemission difficile. LesChinoisnationalistesfuientl’avancedestroupesdeMao.IlsarriventàlafrontièreduTonkin.Quatremille cinq cents hommes armés seprésentent à Lai Chau. L’état-major me confie la tâche dedésarmercestroupes,delesconvoyeràtraversleterritoireetdeles amener jusqu’à la rivièreNoire.Là,unbataillonvenantdudeltalesprendraencharge.

Çanedevraitpasposerdeproblèmes,unaccordaétésigné;maisjememéfie.Unincidentestvitearrivé.JemesouviensquelesChinoisnousavaienttirédessusquandnousavionsdébarqué

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à Haiphong. Je prends mes précautions. Mieux vaut éviter lecombat,enespérantquelesVietsnenoustomberontpasdessus.Sinon,lapriseenchargedecesChinoisnationalistesrisquedesetransformerencarnage.

Pendantunmois,lessoldatsthaïss’emploientàfairetraverserle territoire aux hommes de Tchang Kaï-Chek. En mars, legénéralAlessandrivientmevoirsur le terrain.Je luimontre ledispositif, les troupes. Il est très impressionné.Le soir, il dîneavec nous à la maison. Ambiance chaleureuse. Le lendemainmatin,avantsondépart, ilmeconvoque.«Bigeard, jen’aipaseulecouragedevousledirehiersoir,maisvousêtesrelevédevos fonctions.Votre rapport sur les trafics a fait trèsmauvaiseimpressionàParis.Unmilitairen’apasàsemêlerdepolitique,niàs’occuperdestraficslocaux.»

Ils’enva.Jem’effondre.Jenecomprendsrien.J’aiobtenudesrésultatsfantastiquesetjesuisvirésimplementpouravoirditlavéritésurdespratiquesinacceptables!

Quelquesjoursplustard,retouràHanoienavion.Gabyestàmescôtés.Elleneditrien.Jesuisaufonddumalheur.Aidécidéde démissionner de l’armée.ÀHanoi, le commandementm’endissuadeetm’accordedeuxsemainesderepos.Nousallonslespasser,Gabyetmoi,danslabaied’Along.Undécorderêve,unséjourquipourraitêtremerveilleux,notrevraivoyagedenoces.Maisjesuistendu,inquiet,révoltéparl’injusticequ’onmefait.Je saurai m’en souvenir plus tard quand j’entrerai dans la viepolitique.Ceneserapaspourmeconduirecommeunimbécileouunvoyou.

Finalement, en avril 1950, je reçois le commandement du

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Notremissionprendl’eau.Nouvellenuitsanssommeil.Aupetitmatin, j’envoie Magnillat en renfort à Gia Hoi. Quelquesminutesplus tard ilme répondparunmessage radio :«Forteconcentrationde troupesdevantmoi.Çadoit être lesnôtres.»MaiscesontlesViets!Accrochageviolent.Magnillatserepliesur moi en laissant quelques éléments retardateurs. Noussuivons ce qui se passe minute par minute. Demon poste, jecommandeàlavoix.

Le19octobre,à21heures,deLinarèsmedonnel’ordredemereplier sur la rivièreNoire. Je refuse. J’attends lesgarsdeGiaHoi.Sinousleslâchons,ilsvontsefairemassacrer.

Lanuitesttombée.Nouvelleattente.Nousn’avonspasdormidepuisquatre jours.Des lueurs à l’est.Cette fois ce sont eux,les gars de Gia Hoi. Je leur ordonne de s’installer en pointd’appuiaupieddupiton.IlsmepréviennentquelesVietssontjustederrièreeux.Maispourlemoment,rien:ilsattendentleurheure,semettentenposition.Ilestclairqu’ilsveulenttousnousmassacrer.

Le20octobreà2heuresdumatin,nouvellesilluminationsdetirsdans lanuit.LesVietsattaquent. Ilsseconcentrentsurmaposition. Enterrés, armés, équipés, nous les recevons dans undélugedetirs,mortiers,canons,grenades,armesautomatiques.

LesVietsmontentàl’assautenhurlant,essaientplusieursfois,rienàfaire:ilsnepassentpasets’empêtrentdansnosbarbelés.TrappetLeroy,depuisleurspitons,lestirentcommeàlafoire.C’estlapaniquedanslesrangsviets.

À 4 heures dumatin le calme est revenu,mais lesViets ont

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compris qu’ils doivent concentrer leurs efforts sur Hervé pourprendrepossessionducamp.

Nouvelle attaque, nouvelle marée humaine qui déferle surnous. Leurs morts sont aussitôt remplacés par une nouvellevague ; j’ai l’impression que leur nombre est infini. Desexplosions,descombatsaucorpsàcorps.Trappnecèderien.Ilméritebiensonsurnomde«roc».Personnenepasse.

Le jour se lève. Les Viets ont échoué. Quatre-vingt-seizecadavres sont accrochés aux fils de fer barbelés. Chez nous,cassepeuimportante.

Àl’horizonapparaîtunB-26.C’estlegénéraldeLinarèsquivient se rendre compte. Il me félicite et me demande dedécrocher. Je réclame des Morane pour évacuer les blessés.J’ordonneàceuxdeGiaHoidesereplier.Ilssontsauvés.

À12heures, unmessaged’Hanoim’informequ’aucun avionnepeutatterrir, lamétéoest tropmauvaise.Jefaisenterrernosmorts sur place, j’installe les blessés dans des parachutes,chacunportépardeuxhommes,etc’estlerepliparlecoldeKaoPha.

Unemarcheterrible.Unsupplice.Centkilomètresàtraverslajungle, des cols dépassant les mille cinq cents mètres, quatrejourssansdormir.

Ilpleut.Lesconditionssonteffroyables.Nousglissonssurlespentes.Notrematérielesttroplourd,beaucoupsontau-delàdel’épuisement. Unmessage arrive de la colonne arrière : « LesVietssontsurnous,déjàtrentegarsautapis.»Danslaseconde

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jelancemesordres:«Balancezvotrematérieletfoncezsurlecol!»

Le but : l’atteindre avec leminimum de pertes.Àminuit, ladernière compagnie est sur l’objectif. Des blessés ont dû êtreabandonnés. Nous pouvons prendre un peu de repos. Noustenons le col, lesViets ne peuvent rien faire pour lemoment.J’accordetroisheuresderécupération.Lesgarssontauboutdurouleauetneparviennentplusàavancer.

Le21octobre,à3heuresdumatin,nousrepartons.Commenceune longue retraite.Manoeuvre enperroquet.Uneunité attendles Viets, les canarde, se replie sur quelques kilomètres. Uneautre est embusquée un peu plus loin, canarde à son tour lesVietsquisontpassés.Stratégiederetardement.Çamarchebien.J’admirelecouragedemesparas.Ilsn’hésitentpasuninstantàaller au feu alors qu’ils savent que nous ne pouvons pastransporterlesblessés.

Nous arrivons à Muong Chen. Huit heures pour parcourirquinze kilomètres. Une piste impraticable, les Viets à nostrousses.Lepostecomprendunequarantainedepartisansthaïs,commandésparl’adjudantPeyrol.Ilnousattendavecdesrepaschauds. Mes hommes s’effondrent. Certains tombent dans lespommes,d’autresgémissent,moitiérâlant,moitiépleurant,pourévacuerl’horreur.

DeLinarèsm’appelleànouveau:«LesVietsinvestissentlespositionsquivousdominent.Qu’allez-vousfaire?»

Pour une fois, je n’ai pas de réponse.Nous sommes dans lanasse. Impossible de se défendre ici. Je dois réfléchir, me

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nuit.Meshommespatrouillentdanslesenvironspouréviteruneattaquesurprise.

19 juillet, midi : nous sommes maintenant bien à l’abri, àquelques kilomètres sur l’autre rive. Le ravitaillement nousparvientparlesairs,ilyamêmequelquesbouteillesdewhiskydans les conteneurs. 17 heures, la nuit tombe, il fait frais, laprogressionreprend.Noussommesensécurité,maisencorehuitheures de marche. Fatigue. Je pense à ma famille, à Gaby, àMarie-France, à ma Lorraine. Ça m’évite de voir ce chemininterminable. S’évader dans l’imagination, unbonmoyenpourfairepasserletemps.

22 h 30, mes premiers éléments prennent contact avec legroupement mobile n° 5. Mission accomplie. Navarre exulte.L’opération des grottes a été menée de main de maître. Soncommandementdébutebien.

Il m’invite à dîner. Pas moyen de refuser, mais je ne l’aimeguère.Ilestfroidetdistant.Ils’arrogelesméritesdelaréussitedel’opération.Jepenseàmeshommesquiontimpeccablementfaitleurboulot.Ilsmériteraienttousd’êtreàlatabledugénéral.

Quelques jours de repos, au séminaire. Repos occupé par lefooting, le parcours du combattant, l’entraînement au tir. Il nefautpasmollir.Dur,maisrienàvoiraveclesmissions.Rythmerégulier,onrécupèrequandmême.

À peine le temps de se retaper, et on nous renvoie dans ledelta.LeVietyrègneenmaître.Lasituationn’estpasbrillantepour les Français. Pourtant, les effectifs de nos forces sontnombreux.PlusmêmequeceuxdesViets.Quatrecentcinquante

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mille hommes contre quatre cent mille en face. Mais ici, leschiffres ne signifient rien. La moitié de notre armée estcomposée d’effectifs locaux, des gens de bonne volonté, maispeu entraînés et inutiles en cas de coup dur. Les paras necomptentquehuitbataillons.Troupesd’élitedontpeutdisposerlehautcommandement.Leresteestimmobilisédansdespostes,attendant les attaques des Viets alors qu’il faudrait prendrel’initiative.

Peuàpeulesentiments’installequec’estfoutu.LaFrancenenous envoie plus de renforts. Il est clair, je l’ai dit, que cetteguerren’intéressepersonne.Pourquoicontinueràsebattredansces conditions, pourquoi garder un pays qui ne veut plus denous?Pasledroitdeseposerlaquestion.Unparadoitremplirsamission.Leresteneleregardepas.

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CHAPITRE13

PremièreprisedeDiênBiênPhu

NousnerestonspaslongtempsàHanoi.Le19novembre1953,Bréchignac et moi sommes convoqués au PC des forcesterrestres du Nord-Vietnam par le général Bodet, adjoint deNavarre. Ducourneau et Gilles sont également présents. Noussautons demain en première vague sur Diên Biên Phu. Cedevrait être une mission facile. Si l’on rencontre trop derésistance,ordredese replier sur leLaos.Ànousde jugersurplace.Sinon,nous serons renforcésparun troisièmebataillon.Resteàespérerunemétéofavorable.

Jesuisdoncànouveaudans lecoupavecBréchignac.Onnenous sépare plus. Ensemble nous étudions les plans plusprécisément.Jesauteraisurlevillage,surlaDZ«Natacha»,etBréchignac sur la DZ « Simone », à six kilomètres au sud.Toujours de la fête pour les missions délicates. Je ne peuxm’empêcher de remarquer que le 6e a encore une fois le plusbeaurôle.Leplusdangereuxaussi:larançondelagloire!

Jepasselanuitàpréparernotremission.JeconnaisbienDiênBiênPhu, depuismonpremier contact avec lePaysThaï, septansauparavant.JemerappellecepetitvillagetranquilletraverséparlarivièreNamYum.Jemesouviensdesdeuxadjudantsquim’attendaientavecdepetitschevauxpourquej’aillerejoindrelePC de Quilichini, à cent vingt kilomètres de là, des chevauxtellementpetitsquemespiedstouchaientlesol.Jemedemandecequ’estdevenulevillagemaintenantquelePaysThaïesttenu

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hommesonttouscreuséleurtrouetj’aiinstallémonPC.

À l’est de mon point d’appui sur Éliane 4 se trouve le 5eBPVNdeBotella,unparaquia fait lescampagnesdeFrance,droit, direct, pour moi un frère. Il sait que je suis là et merejoint:«Bruno,jememetssoustesordres.Tuverras,icic’estunsacrébordel.»Ilmeracontelacontre-attaquemeurtrièredanslaquelle il a été engagé la veille alors que ses paras venaientd’arriver. Plusieurs de ses hommes ne voulaient pas avancer.«Deslâches»,dit-il.Jeneparlejamaisdelâcheté.Lapeurfaitpartie de la guerre et parfois elle vous submerge au point quevous ne pouvez plus bouger. Par chance, ça ne m’est jamaisarrivé.

NouspeaufinonsnotredéfensesurÉliane4,toujourslemêmetopo, trous, tranchées, barbelés. Jeme suis creusé un alvéole,commefontlesViets;encasdefortbombardement,çaévitedeprendre des éclats d’obus. On peut apprendre des trucs chezl’ennemi,surtoutquandilestmalinetcourageux,cequiest lecasici.

À la fin de la matinée, un de mes officiers, Lepage, estconvoqué par Langlais qui dirige les forces d’intervention. Ilveut l’envoyer avec sa compagnie faire une reconnaissance. JesautedansmajeepetfoncevoirLanglais.

« Mon colonel, je dirige mon bataillon. Vous n’avez pas àdonnerd’ordresàmeshommes.»

Cognym’aditque rienn’étaitcommandé ici.Çavachanger.Langlais, je le connais, je l’ai croisé àSaint-Brieuc. Jene l’aijamaisaimé.Jeletrouvefroidetnerveux.Ilseplanteenfacede

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moi.

«Bigeard, je suisbreton, j’ai le crânedur.Tues lorrain.Ontapechacundanscepoteau,onverralequeldesdeuxestleplussolide.»

J’hésite.Puisnouspartonsensembled’ungrandéclatderire.Nousnoussommesreconnus.Faitspournousentendre.

Pendant une semaine je regarde les installations, évalue nosforces,chercheàcomprendrecequefait l’ennemi.Lasituationestcatastrophique.Lecampn’estpasdutoutprêtàessuyeruneattaque. Depuis mon départ au mois de décembre, rien desérieux n’a été préparé. Les tranchées ne sont pas assezprofondes, les abris pas assez résistants. Mes hommes saventmieux se protéger quand ils creusent un trou, ne serait-ce quepourunsoir.Iln’yaplusdepistes.L’artillerievietempêchelesavionsd’atterriroudedécoller.Iln’yaplusqueleparachutage.Lemoraldestroupesestauplusbas.Beaucoupn’ycroientplus.Les pièces d’artillerie sont insuffisantes et mal protégées,totalementinefficacescontrelescanonsennemis.

LesViets, sontenterrésà flancdemontagne, ils sortentpourtirer et rentrent juste après, parfaitement organisés. Impossibledelestoucher.Leursconseillerschinoisontfaitdubonboulot.

Le colonel Piroth, artilleur, désespéré par la situation, s’estsuicidélaveilledemonarrivée.Ils’estallongésurunegrenade.

Jem’entendsbienavecBotella.J’aiencoretrèsmalàlajambemais ça va un peu mieux. Je suis allé à l’hôpital, où j’airencontré pour la première fois le docteur Grauwin, un grand

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type athlétique, torse nu, constamment en train de fumer. Ilopère,nuitetjour,dansdesconditionsimpossibles.Lesblesséssontallongéssurdesgrabats,entraindepourrir,dansuneodeurépouvantable.Pasd’infirmières,pasdemédicaments.Ilmefaitquelques piqûres dans l’artère fémorale pour soulager madouleur.

C’est là que je rencontre pour la première foisGeneviève deGalard.Sonnomferaletourdumonde.Elleestlaseulefemmedu camp. C’est une PFAT, admirable de courage, qui s’estretrouvéebloquéelàunefoissonaviondétruit.Elleneménagepas sa peine pour apporter un réconfortmoral àmes hommes.Toujours vaillante, toujours de bonne humeur, optimiste,merveilleusefemme.

Tout le camp saitmaintenant que le 6eBPC est là. Les garsreprennent espoir, comme si nous étions leurs sauveurs. Sil’état-majorenvoiesonbataillond’élite,c’estquetoutn’estpasfichu.EtpuislecommandantBrunoneseseraitpasfourrédansunguêpiermortel s’il n’y avait vraiment rien à faire.De toutefaçon,Bruno labarakavaencores’ensortiretnousensortir !Voilàlesrumeursquicourent.S’ilssavaient…Jenesuisqu’unpara,unexécutant.J’obéisauxordres.Je lesaiappliquéssansaucun commentaire,même si je n’en pense pasmoins.Car aufonddemoi,jesensbienqu’iln’yapasgrandespoir.Jesaisdequoiestcapableunpeuplequiluttepoursaliberté,mêmesilaliberté sous le joug des communistes est une malheureuseillusion.

Le25mars,neufjoursaprèsmonarrivée,noussommesprêtsaucombat.Maisjemesensmalàl’aise.Pasdansmonélément.Ici, c’est une guerre de positions à laquelle je ne suis pas

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brousse.GenevièvedeGalardestlà.J’essaiedelarassurer:ilsneferontpasdemalàunefemme.Martialestàmescôtés,iln’ycroitpas.PaspossiblequeBrunolabarakasoitvaincu.«Onvas’ensortir,hein,onvas’ensortir?»Jesecouelatête.Non,toutest fini. Mon bataillon est anéanti. J’ai cru un moment quej’allais reprendre l’avantage, que j’allais être à nouveau leseigneurdecepays,commeilyahuitans,etçasetermineparune branlée monumentale. L’armée française, forte de seshommes,desesarmes,desesbataillonsd’élite,aétévaincueparces petits Tonkinois qu’on prenait pour des amateurs. Leurardeur,leurrésistance,leurfoi,leurfanatismesontvenusàboutdel’unedesmeilleuresarméesdumonde,entoutcasl’unedesmieuxéquipées.Àboutsurtoutdel’orgueil,del’incompétence,de l’inconscience des politiques et des généraux. Encorequelquescoupsdefeu,pourlagloire,etc’estfini.

LesVietsontcompris.Ilsavancentàdécouvert.Unsilencedemort.À18heures,ilssonttouslà,desmilliersdeViets,surlapiste,dansnostranchées.Jecomprendsàpeinecequisepasse.Épuisé, hébété. Nous sommes prisonniers. Je pouvais toutimaginer:lamort,peut-êtrelavictoire,maissûrementpascettehumiliation.Lesgarsenterrésdanslesabrisfontsurfacecommedesrats,parmilliers.

LesVietsnousfontsortirduPC.Jenelèvepaslesbras.Jemerefuseàcettenouvellereddition,àcettehumiliation.SurlePCflotte maintenant le drapeau rouge à étoiles jaunes. Ils ontgagné.Nousavonsperdu.Jen’avaisjamaiscruqueçaarriverait.J’étaissûrdemeshommes,demachance,delacausequenousdéfendions.Paris,Hanoinousontabandonnés.

Partout des files de prisonniers cheminent lentement.

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Quelques-uns de mes soldats me croisent, me font signe. Jepenseàeux,àleursacrifice.Ilresteàpeinequarantesurvivantsde tout mon bataillon, mes huit cents paras. Les autres sontmorts,ontdisparu.Ilssesontbattusjusqu’aubout,pourrien.

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CHAPITRE15

CaptifschezlesViets

Nous voilà prisonniers de cesVietnamiens dont on estimait,chez les colons et ailleurs, qu’ils étaient juste bons à faire leschauffeurs ou à la rigueur les infirmiers. Pourquoi ont-ilsgagné ? Parce qu’ils en avaient plus envie que les Français.Nous nous battions loin de chez nous pour une idée un peuabstraite : faire obstacle au communisme. Eux luttaient pourlibérer leur pays de ce qu’ils considéraient comme uneoccupation.C’étaitlesangquiparlaiteneux,autantquel’idéal.Etilsétaientsouslesordresd’unchefexceptionnel,Giáp.

Maintenant il faut survivre, revoir la France, se battre ànouveau,témoigner.Oui,jediraitoutcequis’estpasséàDiênBiênPhu,j’iraicriercequej’aisurlecoeur,onnemeferapastaire!MoncerveauestenfeusurcettepisteoùjemarcheàcôtédeLanglais,avectousnoscombattantssurvivants.Nousn’avonsrien emporté, nous sommesnus.D’autres, plusmalins, avaientprévulacaptivitéetprisaveceuxdessacsbourrésdevivresetdecigarettes.

Langlais ne dit rien. Il a l’air cassé. Je songe aux miens, àGaby, à Marie-France. Quelle triste fin ! Tout s’effondre.Maintenantc’estlecalmesurcettepiste.Plusderafalesd’armesautomatiques,d’explosionsd’obus tuantauhasardceuxqueledestin a décidé de faucher. Mais une mort plus lente, plusvicieuse, en somme plus horrible, attend plusieurs milliersd’entrenous,quidisparaîtrontàjamais,abandonnés,épuiséspar

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appuyersurladétentesijamaisjesuispris.Jeneveuxpasêtrefaitprisonnier.J’entendsmesparasquiarrivent.Nouveauxtirs.Les minutes passent. Les Viets abandonnent leur chasse àl’hommeetdécrochent.Jeremontelapente.Meshommessontlà, je les engueulepourn’avoirpas chargé enhurlant.En fait,drôlement content de les revoir. La peur me fait dire desconneries. À ce moment le toubib sort des buissons. Quandl’embuscadeacommencé,ilasautéducôtédesViets,aumilieud’eux;luiaussis’ensort,ilsnel’ontpasvu.

Mes hommes me transportent dans la jeep et chargent nosmorts. ÀNasan, lesmédecins remettent mon épaule en place,maisj’ensouffriraipendantdesannées.

Ce1er juillet1994, jemeretrouveàBanTinhet jepenseaumoisdemars1947,quandlechefduvillagevoulaitm’offrirsafille. Je lui avais poliment répondu que j’étais marié, que jeregrettais, d’autant plus qu’elle était vraiment très jolie,gracieuse,élégante.IlauraitpuyavoirpleindepetitsBigeard,ilsauraientsûrementététrèsbeaux,métissésauxyeuxbridés…maisiln’yenapaseu.DurantcepremierséjourenPaysThaï,jesuis restédeuxanssans femme,vraimentsans femme,parcequesilepatronprendunefemme,toutlemondeenfaitautant.Etquandonfaitlaguerre,onn’apasletempsdefairel’amour.Il faut créer un état d’esprit pour que les choses marchentvraiment.

JeracontemonhistoireauxgaminsdeBanTinh.Ilssonttousmorts de rire. Je les adore. Ils sont beaux, jeunes, en pleinesanté,heureuxdevivre.Onafaitlaguerrecontreleursgrands-parents, c’est comme ça. La vie passe. Les ennemis d’hierdeviennentdesamis,etc’estbeaucoupmieuxainsi.

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Jerencontremesanciensennemis,pendantceséjourde1994.Au départ je ne voulais pas revenir au Vietnam, je préféraisresteravecmessouvenirs.Maisjemesuisditqueçaferaitparlerdecetteguerre,queçapermettraitderendrehommageàtouslestypesmortslà-bas,d’éviterl’oubli.

Les soldats vietminh étaient des types estimables, fanatiséspeut-être,maisdescombattantshorspair,préférantsefairetuersurplaceplutôtquedereculer.Pendantcesdixjoursdevoyageaucoeurdupassé,j’aieuàmescôtéslecolonelvietminhPhamXuan Phuong. Il m’a accueilli à ma descente d’avion, m’aaccompagné à Diên Biên Phu sur les lieux de nos ancienscombats. Ça nous a permis de comparer nos méthodes. Àl’époqueilétaitjeunecapitaine,ilcommandaitlacompagniequim’a tiré dessus quand j’ai été largué sur Isabelle le 16 mars.Avecunlargesourire,ilmeditqu’ils’estarrangépourmerater,parcequ’onmerespectaittropdanslesrangsviets.Mêmesijedoute que ce soit la vérité, je trouve que son histoire est biengentillepourmoi.Etàgrandrenfortdetapesdansledos,onena bien rigolé. Depuis, il m’écrit régulièrement et nous avonstisséunlienentreTouletDiênBiênPhu.

Retrouverdescombattantscommelui,mêmesionétaitlesunsfaceauxautres,c’estformidable.Onamenélamêmevie,onasouffert ensemble, on a failli crever ensemble : cela crée unrespect mutuel. La vraie douleur, la seule chose que je nepardonnepasauxViets,cesontleshuitmillemortspendantcesquatremoisdecaptivité.Cruautéinutile,inhumanité.Giápétaitungrandgénéral,maissadoctrine,lemarxisme,estinhumaine.L’anciencapitainevietminhm’adit:«Nousn’avonstuéaucunprisonnier.»C’estvrai,ilslesontlaissécrever,alorsqu’ilauraitétésifaciledesauvertoutlemonde.Jel’aidit:unebananepar

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jour, et on ramenait les gars vivants. Je ne pourrai jamaisl’oublier. Je suis là, àmarcher sur cespistes et cesmontagnespour ces soldats de deuxième classe qui, huit jours avant lachute, demandaient à sauter sur Diên Biên Phu. Ils étaientlarguésenpleinenuit,etsavaientqu’ilsavaientunechancesurdeuxdetombersurdesVietsetd’êtremassacrés.

RetouràDiênBiênPhu,en1946et1947.LesThaïsétaientàmescôtés,sebattaientavecmoi,maiscommejel’aidit,ilsontfoutu le camp dès les premiers combats. Montagnards, ilsavaient besoin de grands espaces.Là ils étaient coincés. Je neleurenveuxpas.J’aiquelquesbonssouvenirsaveceux.Aveclerecul, j’ai comprisquenousavionscommisuneerreur là-bas :mettre des troupes thaïes démotivées sur des points d’appuiaussiimportants.

ÀDiênBiênPhu,nousavionsaussiunescadrondeblindésàpeu près inutiles, étant donné le genre de guerre que nousmenions. Et en 1994, à travers la campagne, il restait descarcasses de notre défaite. Tous les anciens qui reviennent sefont photographier devant ces squelettes de char que lesVietsont gardés comme symbolede leur victoire.Chaque annéedesdizaines d’hommes font le voyage, paient leur billet d’avionpourrevenirsurcelieuoùilsontvécudesheuressitragiques.DiênBiênPhu,ilsypensenttouslesjours,commemoi.Ilsontencorel’impressiond’yêtre.Cesvieuxtasdeferraillerestentlààpourrircommelapoussièredenosillusions.

JerevienssurDominique.Enfacedemoi,lesHuguette.Justeau-dessusd’elles,ilyavaitdesDCAvietsquiempêchaientnosavionsde seposeroude larguerdumatériel.C’est là que j’aimenéma première contre-attaque. À l’époque, un désert. Tout

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En février 1956, je pars en mission pour trois jours à Parisfairemonrapport.Commeuneparenthèse.Troisjoursvolésàlaguerre.C’estbondeseretrouverdansunechambred’hôtel,deprendre un bain, d’être propre, de se frotter contre Gaby quim’attend. Elle arrive en retard à l’aéroport à cause d’un petitaccident. Mais elle n’est pas seule : le général Gillesl’accompagne.Et ilnevapasnous lâcherde la soirée. Ilnousinvite à dîner. 22 heures… 23 heures… j’ai tellement envied’être seul avec ma femme ! Enfin il s’éclipse. Nous nousretrouvons.La cote 701 s’éloigne un peu.Quelques heures debonheurvoléessurmamission.

Jesuisderetourdansmesmontagnes,surlacote701.ÀAlger,lesévénementsseprécipitent.GuyMolletestaccueillisousunepluie de tomates. Soustelle est remplacé par Lacoste. C’est lavalse dans les états-majors. Je suis loin de tout ça.Dansmondjebel,unseulobjectif:fairedu3eRPCl’égaldemon6eBPCd’Indochine. Je vis avec mes hommes. Nous traquons lesrebellestoutendialoguantaveclapopulation.Conditionsdeviedifficiles dans un univers hostile. Montagnes escarpées,fellaghasàl’affût.Maisgrâceànotreprésence,laviereprendunpeu.Marchés,commerces,écoles,infirmeriesetdispensaires.Lapopulation rend les armes, nous rétablissons la confiance. Lazoned’ElMiliaestpacifiée.

Peu d’opérations d’envergure. C’est un travail de terrain, enpleinhiver,parunfroidglacial.J’enprofitepourinsistersurlaformation.Destroupesd’élite,parasetlégionnaires,composéesd’engagés,ontunebonneexpérienceetunréelespritdecombat.Ils doivent intervenir ponctuellement sur les points sensibles.Monavisestquetouslesparasenstage,ycomprislesofficiers,doivent être des athlètes rompus à toutes les techniques de

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combat.Officiers, sous-officiers, hommes de troupe, tous sontlogés chez moi à la même enseigne, à égalité dansl’entraînement. Propres, nets, bien rasés. Ils doivent combattrecomme des révolutionnaires et savoir utiliser toutes lestechniques de l’adversaire. C’est ce que j’explique dans lesréunions.Jeprésentetoujourslarébellionsoussonvraivisage,avec ses faiblesses, et surtout ses forces et ses grandeurs.L’organisation que j’ai mise en place maintenant estparfaitement adaptée à cette guérilla. Je rappelle à mes garsqu’unetelleguerrenécessiteuneattentionde tous les instants.Question de capacité d’adaptation, la vraie intelligence dusoldat, la seule.Auprès des officiers j’insiste sans arrêt sur laprudence,lanécessitéd’économiserlaviedeshommes.Etausside respecter l’adversaire. Ces combattants, dans le djebel, sebattent pour leur liberté.Nous sommes là pour obéir,mais cen’est pas une raison pour ne pas faire la guerre proprement.Quandjereçoisdesappelésoudessoldatsenstage,jelesalignedevantmeshommesaugardeàvous.Lesnouveauxvenussontavachis, mal rasés, mal habillés. Les miens sont souples,bronzés, forts. Je donne le choix aux nouveaux : rester descloches, ou devenir comme mes paras. Ils optent vite pour ladeuxièmesolution!

Lesgarsducontingentsontcapablesdumeilleur,àconditiond’êtreencadrés.Monboulot:tirerdechacunlemeilleur.Cequiararementétélecasjusqu’àprésent,carlecommandementn’estpastoujoursàlahauteur.Cequifaitquepourmenerlaguerre,ilnerestequelesunitésd’élitedeMassu,Jeanpierre,Bigeardetquelquesautres.Noussommeslesfersdelancedececonflittrèsparticulier.

J’organisemêmeuneexposition.Mon«Barnum»,commeje

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l’appelle.J’aidemandéaulieutenantAllairedelaréaliser.Ilfautsavoir communiquer. On a installé le cirque dans une grandetente,avecdesplanssuspendusàdesplaquesdecontreplaqué.Organisation du régiment, projets, réflexions, slogans, et desdevises,dugenre«Croireetoser».

Allaireaccrocheunpeupartoutdeshaut-parleursquidiffusentde la musique et des petites phrases pour forcer la prise deconscience.Nousavonscrééunestationderadio.Dèsqu’onaune nouvelle, elle est diffusée. Notre exposition est un grandsuccès.DesEuropéensdesenvironsviennentlavisiter,ainsiquedes jeunes officiers en stage d’initiation. Des journalistes enparlent,dontmonamiJeanLartéguy.EnFrance tout lemondeestaucourant.Laguerreestaussiaffairedepsychologie.

À Paris, les politiques ne savent plus sur quel pied danser.Leur dernière décision : la délimitation de l’Algérie en troissecteurs géographiques, qui vont permettre de mieux définirnotre sphère d’intervention. D’abord, les zones d’opérations,avecpourobjectif l’écrasementdesrebelles.Ensuite, leszonesde pacification où l’on devra protéger les populationseuropéennes et musulmanes. Enfin, les zones interdites quidoiventêtreévacuées,etleurspopulationsrassembléesdansdescamps d’hébergement pris en charge par l’armée. Pour meshommesetmoi, seulescomptent leszones1et3.C’est làquenousdevronsintervenir.

En France, le 2 décembre 1955, le président Coty a dissousl’Assemblée nationale. C’est la campagne des électionslégislatives. Guy Mollet répète que la guerre d’Algérie estimbécile et sans issue. Et nous, dans le djebel, nous nouspréparonsàcombattre!

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Toutelajournéedu9juinnousétendonsnotreemprisesurlesecteur. Jemetsmon dispositif en place. L’ennemi se retrouveenfermé dans un étau grâce au bouclage du canyon sur leshauteurs et aux extrémités. Pendant deux jours mon régimentpoursuit lenettoyagedescaches,des trousoùseplanquent lesfellaghas.

Quarante-huit heures plus tard, la vallée est entièrementnettoyée.Mais le bilan est lourd. Pour nous, deux tués, seizeblessés. Pour les rebelles, cinquante-six tués, une centaine deblessés et six prisonniers. Si ce bilan est à notre avantage, ilsignaleaussinosfaiblesses.Lehautcommandementn’estpasàla hauteur.Rien n’a été prévu correctement.On nous a lancésdansl’aventuresansm’avoirlivrélemoindrerenseignementsurlespositionsrebelles.Lescartessontinexactes,cequientraînedes largages hasardeux. Je rédige un rapport incendiaire. Unefoisencorejenemâchepasmesmots.

Pourfinirdereprendrelarégionenmain,jedemandeàrestersur la zone pendant quelques jours. Le 16 juin, je faisbombarder une position rebelle repérée à vingt kilomètres àl’est.Lesrebellessonttenacesetsebattentcommedeshéros.La13edemi-brigadedelarégionestendifficulté.Jedécided’allerles aider, dememettre à leur tête. Jeme fais déposer par unhélicoau-devantdemessoldats.Jeleurgueuledemesuivre.

Àpeineletempsdelancerunordre.Jem’élanceetjetombe,la poitrine déchirée par une balle. Je suis à terre. Mes garsm’entourent.J’aiàpeineleréflexedepasserlecommandementàmonadjointetdeluiordonnerdefoncer,puisjesombredansunesemi-inconscience.Jesensqu’onm’emportependantquelaLégionetlesparasviennentàboutdel’ennemi.

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C’est donc Lenoir qui prend le relais. Je suis évacué par lavoiedesairs.Atterrissage,vaguesouvenird’unpremiertoubib,nouveau décollage. Je me retrouve à Constantine, à l’hosto,entre lesmains demédecins de choc, anciens d’Indochine.Cesontdebonstoubibs,ilsontvudescasplusgravesquelemien.Jeplongedansundélicieuxrepos.Dormir,enfin.

Auréveil,j’apprendsquemeshommesontbouclél’opérationNementchas. Encore une fois le bilan est excellent : quarantefellaghas tués, pertesminimes chez nous.Et je suis là, étendudansunlit,tandisquemesparassavourentleurtriomphedansledésert,seulsaumilieudelanature.Non,jen’airienàfairedanscettechambre:jen’aiqu’uneenvie,foutrelecamp.Lamortn’apasvouludemoi,jenevaispasm’attarderdanscethosto.Jenesuis pas malade. Je commence à piaffer, il paraît que je suisinsupportable. Je veux aller reprendrema place auprès demesgars.Lesmédecinsinsistent:ilmefautdurepos.

Aupetitmatin,jefaislemurendoucepourmedégourdirlesjambes.Onme ramène au lit illico. Il paraît que je risqueunehémorragie.Onmepassemêmeunsacrésavon.Jemerends,j’aicompris.C’estgrave.Maistantqu’àêtreréduitàl’impuissance,autantrentrerenFrance.C’estcequejefais.

GabyetMarie-Francem’accueillentàOrly.Maisellesnesontpasseules:desjournalistes,desphotographesquejereconnais,qui ont fait partie de mes régiments. Cette première nuitparisienne,jelapasse,commetoujours,àl’hôtelTerminus,gareSaint-Lazare.Chambrepleinedefleursetdetélégrammes.

Toul.Retouraupays.Monfootingquotidien,etdeshordesdejournalistesquiveulentmevoir.Pendantcetemps,enAlgérie,la

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situationempire.Leterrorismefaitrage.Lacasbahs’enflamme.Une violente explosion, rue de Thèbes, a pulvérisé troisimmeubles.Ilyasoixante-dixmorts.Lesterroristeseuropéens,deleurcôté,attaquentaurevolver.C’estl’escalade.Àlaprisonde Barberousse, le 19, deux chefs rebelles ont été guillotinéspouravoirabattuungarde-chasseetsixhommes,unefemmeetunepetite fille, passagersd’uncarde tourisme.Exécutéspourcalmer la population, bien que l’évêque d’Alger ait demandéleur grâce. Du coup, monseigneur Duval est surnomméMohamed ben Duval par les pieds-noirs, qui l’accusent desympathiesFLN.Laterreurs’installe.Jenesaispasencorequedansquelquesmoisjeseraienvoyélà-baspourrétablirl’ordre.

En attendant, à Toul, le courrier afflue. Martial Chevalierm’aide à trier les centaines de lettres auxquelles jeme fais undevoirderépondre.Puisunenouvellearrive:leprésidentdelaRépublique,RenéCoty,tientàmerendrehommagele14juilletàParis,etàmeremettrelui-mêmelaplaquedegrandofficierdelaLégiond’honneur.

Mevoilàdansunrôledevedette, sous lesyeuxde laFranceentière.Çacontinuederendrefousderageceuxquejedérangepar mon franc-parler. Le général Gilles en prend ombrage. Ilm’informequ’onparletropdemoi.Ilmereprocheensommedejouer l’opinion contre la hiérarchie militaire. Je lui réponds :«Ladécorationc’estbien,maisjenedemanderienetjepréfèrehonnêtementnepasrecevoircettedistinction.»

N’empêche, je ne suis pasmécontent de l’honneurquim’estfait.

La cérémonie a lieu le 14 juillet 1956.Me voilà au garde à

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photos qui nous permettent des identifications, desrecoupements,desdénonciations.

LeFLNestbienorganisé. Il lèveun impôtdesoutienauprèsde la population. Il a aussi créé un « service social » poursubvenirauxbesoinsdesinternésoudesvictimesdesespropresactions. La toile se tisse peu à peu. Pas facile de la pénétrer.Maisnous recherchonsactivement lechef,ceBenM’Hidiquenousvoulonsarrêteràtoutprix,parcequ’ilestlatêtepensantedumouvement. Son credo appliqué en tactique : le terrorismeparlesbombes.AucongrèsdelavalléedelaSoummam,le20août1956, iladéclaré :«Lesmaquisurbainsconstituentdéjàunesecondearméesansuniforme.Unebombevautmieuxqu’unlong discours. » C’est pourquoi, dans Alger, l’utilisation desbombes devient quasi quotidienne. Rien de plus facile que defabriquerunebombe,delaposer,delafaireexploser.

Celafaitbientôtunmoisquenoussommesdanslacasbah.Cequartierd’Algerestvraimentlecentrenerveuxdelalutte:unezonequasiincontrôlableavantnotrearrivée,quinel’estplusàprésent. Notre intervention place l’adversaire en situationd’insécurité.Nousnesommesplusdansunepositiondéfensive.Nousavonsreprislamain.

C’estalorsqueleFLNdécideuneparalysietotaledupaysenlançant une nouvelle grève. Celle-ci doit être très largementgénéralisée, puisqu’elle s’appliquera même aux enfants desécoles. La ville est inondée de tracts. L’atmosphère devientterriblementlourde.Maisunefoisencorelagrèveestunfiasco.Je redoute une réaction violente. Je ne me trompe pas. BenM’Hididécidederelancerl’actionterroriste.Ilinstalle,chezlebachaga Boutaleb, membre de l’assemblée algérienne, une

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équipespéciale,chargéed’organiserlesattentats.

Jesaisquecesactionsvont reprendre,mais jesaisaussiquenousavonsmaintenantlesmoyensd’yrépondre.Monéquipeestsoudée,ellefaitdubonboulot.Onréussitàmêlerl’intelligencedes enquêtes et les démonstrations de force. Et çamarche. LeministredelaDéfense,Bourgès-Maunoury,envisiteàAlgerce9 février, tient à nous rendre visite. Le lendemain, il monte ànotre quartier, El Biar, pour nous féliciter. À ce moment denouveauxattentatsont lieudans laville.Onzemortset trente-deuxblessés.Leministre,livide,serendaussitôtsurleslieuxetnousdonnel’ordrededébarrasserAlgerduterrorisme.

Nousredoublonsd’effortsetorientonsnosinvestigationsversles politiques. C’est le coeur du mouvement. En les frappantnous parviendrons à éradiquer cette gangrène d’Alger. Nousvenonsdecomprendreenfinquecettebranchesediviseentroisrégionsd’intervention.Nousremontonslafilièredescollecteursde fonds,quinousamèneà reconstituer lepuzzle.L’argentesttoujourslenerfdelaguerre.Nousarrêtonsdesresponsablesquinous donnent des indications. Cela nous permet d’en arrêterd’autresquiparlentàleurtouretpermettentdepénétrerlatoiled’araignée.L’étauseresserreautourdeschefs.

Detoutecettepériode, jegardedestracesdansmesarchives.Toutestécrit.Lenomdeceuxquiontparlé,lespseudonymes,ladescription détaillée des actes commis. D’autres que moipourraient être tentés de créer aujourd’hui une pagailleindescriptible en Algérie et des règlements de comptessanglants,mais ce n’est pasmon genre. Le passé est le passé.Ceux qui ont parlé l’ont fait en d’autres temps, en d’autrescirconstances, et je n’éprouve aucun sentiment d’aigreur à

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l’égarddesAlgériens.Certainsacteursdel’époquesontencoredecemonde,viventtranquillesmaintenant,ontunefamille,desenfants,despetits-enfants:ilestinutilederaviverlesplaies,lesvieilles querelles algéro-algériennes. Je pense qu’il est tempspour l’Algérie, après toutes ces périodes successives devengeance,puiscesannéesdeplombetdesangquiseterminentà peine, de se reconstruire enfin. Toutes mes archivesdisparaîtrontavecmoi.

L’objectif que je poursuis avec mes hommes, c’est BenM’Hidi. Je veux désorganiser complètement la pyramide enarrêtantlatête.Le14février1957,seproduitunfaitinattenduquivaporteruncouptrèsduràl’adversaire.

Au cours d’un contrôle dans la casbah, on appréhende unindividufiché.Pendantsoninterrogatoire,nousapprenonsqu’ilexiste un dépôt d’armes dans la villaMehouli à Birmandreis.C’est une petite information, mais elle va avoir de grandesconséquences. On s’y rend, et on perquisitionne. Nous netrouvons pas d’armes,mais une cache.De fil en aiguille nousremontonsjusqu’àdesmunitions.Lesparasfouillentleslieuxetsaisissentvingt-cinqbombes.Notreindicateurnousditqu’ilnesait rien de plus, sauf que l’un de ses amis, « Smaïn », estspécialistedelaquestion.

NousréussissonsàcoincerceSmaïndanslanuitdu15au16février. Lui non plus ne sait rien, dit-il, mais il a repéré desallées et venues suspectes dans la casbah. Perquisitionsimmédiates.Nousne trouvonsrien.Unenfantqui jouedans laruenousindiquequel’onvientdeconstruiresurlaterrasseunappentisoùsefontdestravauxd’horlogerie.

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« Je vaism’infiltrer de nuit pour les attendre dans les zonesmontagneuses,àquarantekilomètresdel’endroitoùilsontfaitlecoup.»

Legénéralme regarde, étonné,mais il est bienobligédemefaireconfiance.Quandj’arriveàSidi-Ferruch,meshommessontdéjà dans les camions. À 17 heures, nous traversons Alger etdeux heures plus tard, nous sommes àMédéa. Une pause. Jeréunismescapitaines autourdema jeep. J’étale la carte sur lecapot et distribue mes ordres. J’ai vraiment une équipe dutonnerre autour de moi : Pétot, Planet, de Llamby, Florès,Chabannes,LeBoudec,Allaire,jevoudraisn’enoublieraucun.La plupart sont des anciens d’Indochine. Ils savent tenir leshommesetréagissentauquartdetour.

Les camions fileront tous feux éteints versChamplain.Nouspousserons ensuite plus au nord et nous débarquerons descamions aux environs de la cote 895 où Chabannes et sacompagnieresterontenalertehéliportée.Leshélicosrejoindrontcet emplacementau leverdu jour, lesvéhicules seront envoyéssurChamplain à 6 heures dumatin. Je placemes hommes. Jesaisque je jouemonva-tout. Je fais lepariquenouspouvonsgagner en nous identifiant aux fellaghas. Mes hommes sonthabiles,légers,nousavonsunechance.

À3heuresdumatin, j’escalademon sommet.À4heures, jecontactetousmescapitaines.Ilssonttousàleursemplacements.À5heures,toutledispositifestenplace.Commencealorsunelongueattente:l’enneminesedoutederien.Toussescheminssont coupés. Par le fond de l’oued, il est bloqué, par lesplateauxaussi.Ilnenousrestequ’àattendreleleverdujour.

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Jecommenceàavoirdesdoutes:etsij’avaisfaituneerreur?Pourtant mon instinct ne m’a jamais trompé. Pendant tout ledébut de la journée, il ne se passe rien. 7 heures, 8 heures, 9heures… le silence. Je me demande si nous n’avons pas étérepérés. Même si nous avons pris toutes les précautions, unmoteur de camion porte loin dans la nuit. Si nous avons étéidentifiés, le téléphonearabeadû fairesonoffice. Jecontinuedem’interroger.À10heures,jepasseunmessageàmeshommesqui commencent sérieusement à s’impatienter. Je donne mesordres:

« Que personne ne bronche. Restez planqués jusqu’à midi.Au-delà,onavisera.»

L’attentesepoursuit.

À10h40, j’aiunsignal radio :«DeLlambyàBruno :unebande d’une centaine d’hommesminimum, en colonne par un,venant de l’est, progresse dans l’oued et se dirige vers monembuscade.»

Cettefois,nouslestenons.L’accrochagevaavoirlieu.Maisilssont beaucoup plus nombreux que ce que j’avais prévu. Jem’attendais à environ deux cents hommes, ils sont autant quenous.Des combattants sérieux. Ils étaient au courant de notreprésence. Des bergers leur ont signalé nos mouvements et lenombre de mes hommes. Dans la nuit, difficile de passerinaperçus.Mais ils sontprisdans lanasse.Leciel estdégagé,l’aviationpourratravailleràvue.

Jedonnel’ordrededécollageauxavions,ainsiqu’auxhélicos.Les fellaghas tentent de remonter sur les crêtes,mais très vite

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nouslesenfermonsdanslefonddelavallée.Lescombatssontviolents. Les rebelles tiennent un feu nourri et protègent leurchef qui tente une échappée. De mon perchoir, je suis ledéroulement des combats. Les rebelles sont des guerriersredoutables.Ilsnecraignentpaslesacrifice.Ilspréfèrentmourirplutôtquedecéderunpoucedeterrain.

J’appelle un hélico qui vient me chercher pour rejoindreChabannes.Mais l’ennemi nous tire dessus.On descend alorsenglissadepouréviterlesrafales.Ausol,noshommesévacuentles blessés, les morts. La bataille dure toute la journée. Lescombatsnecessentpasquandlesoirtombe.Toutelanuitlestirsfontrage.Lematindu24,unfeunourriéclate,toujoursdanslesmontagnes.Pasuneminutedereposnideveille.

Je rejoins mon PC sur le sommet. Massu débarque enhélicoptère etme félicite pour la réussite de l’opération.Maisplusieursdemeshommessontmortsetçafaittoujourstrèsmal.Le 25, les combats se poursuivent, les tirs s’espacent. Noussavonsquenousavonsprisledessus,quenoussommesentraindegagner.Maislabataillen’estpasencoreterminée.Ilfaudrasebattre encore tout un jour et toute une nuit. Le 26mai, noussommes totalement maîtres du terrain. L’ennemi s’est protégédanslesgrottesetcelanousacoûtécher.Mêmecoincé,cerné,ilestenbonnepositionpourtireretilafaitdesdégâtsparmimesparas.Tropdedégâts!

Nous venons de vivre trois jours épuisants, trois jours debataille violente et acharnée, contre un ennemi qui s’est battuavec un courage auquel je veux rendre hommage. Nouséprouvons tous un sentiment de respect et d’estime pour ceuxd’en face.Seulsceuxquiontvécude telles situationspeuvent

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arrêtdanssacellule,avecMassuetlecapitaineGraziani.Jeneveux surtout pas queGaby lise ce tissu de saloperies, cela luiferaittropmal.Jeluienparlepourtantenluijurantqu’iln’yariendevraidansces accusations.Elle le sait, ellemeconnaît,ellemecroit.

Pendant les jours et les semaines suivantes les attaquescontinuent.D’abordc’estLibérationquienrajoutesurcesujet,pensantàjustetitres’attirerdenouveauxlecteurs,desjeunesenparticulier qui n’ont pas vécu cette période de notre histoire.Puis,L’Humanité prend le relais. Les communistes invitent ladame qui m’accuse à la Fête de l’Huma. Elle se répandpubliquement en mensonges scandaleux, on la croit, onl’applaudit. On lui organise un véritable plan média, onl’interviewe. Elle passe dans les émissions radio, les journauxde province s’emparent de l’affaire. Partout, elle continue dedéverser son fiel et sesmensonges.Et personne pour l’arrêter,personnepourluiopposersesproprescontradictions.Tapersurdesmilitaires,unrégal!Massuetmoisommesdehautsgradésemblématiques, tousdeuxgrand-croixde laLégiond’honneur.Lessalaudsquisontderrièrecettemachinationsaventtrèsbiencequ’ilsfont:ilsontchoisiungénéralconnu,populaire,quiadéfrayélachroniqueavecsesparaspendantlaguerred’Algérie.Pourcescalomniateurs,c’estunvéritablerégal,jelerépète,dedémolirdeshérosquiontconsacré leurvieà laFrance,quisesont battus dans toutes les campagnes, qui ont failli y rester,donttantdecamaradessontmorts.

Pour ces esprits étriqués, la notion de patrie est tout justebonneà êtrepiétinée.L’armée, c’est terminé,unevieille choseringarde!Onpeutluimarcherdessuspoursehausserauprèsdescamarades.Touteslesvaleursmilitairessontàjeteraupanier.Je

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ne peux pas exprimer ce que j’ai souffert pendant cettecampagne de calomnies. J’aurais préféré une balle en pleinepoitrine au cours d’un assaut. Ou même ne pas survivre àl’attentatdeConstantine.C’étaitlecombat,c’étaitlalutte.Maislà,non!Uncoupdansledos!C’estignoble,c’estdégueulasse.

Ceux qui ont déclenché l’affaire savaient parfaitement qu’ilsallaient trouver un écho parmi quelques esprits faibles ouquelquessalopardsdontlemétierestdedénigrer.Heureusement,jecroulesous les lettres,uncourrierénorme.Descentainesdepersonnes,connuesouinconnues,desanonymes,quiprotestentviolemment contre de tels procédés. Des gens qui ne meconnaissentpas,seulementderéputation,maisquicomprennentau quart de tour qu’il s’agit d’une manoeuvre. Ils sontscandalisés, écoeurés, ils m’assurent de leur soutien.«Courage»,«C’estànousdevousdéfendre.»Certainsparlentmêmedeformerdescomitésdesoutien.Jerefuse.J’aitoujourseul’habitudedefairefaceseul.

Je ne reçois la visite d’aucun journaliste curieux de venirpréciser les choses, de rétablir la vérité. Aucune télé ne medonne le temps d’antenne nécessaire pour répondre, pourdémontercettemachinationodieuse.

Pendant quelques jours, je le reconnais, je suis sonné. Depetites manoeuvres mesquines viennent s’ajouter etm’atteignent :MmeVoynet,ministre en exercice, écrit sur sonpapier à en-tête du ministère de l’Environnement au maire deTrimbachpour fairedébaptiserune rueBigeard, inauguréepeude temps auparavant. Cela peut sembler incroyable,mais c’estainsi:elleexigequ’onarrachecetteplaque.

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Personnellement, je n’ai jamais rien demandé, surtout pasqu’onmedédieunerueouuneplace.Plusieursvillesl’ontfait,dontToulquim’aconsacrédemonvivantuneavenuedeplusdedeuxkilomètres.J’ensuisheureuxetfier,maisencoreunefois,dans ma vie, je n’ai jamais rien demandé à personne, nidécorationsniboulevard.Cequ’onm’adonné,jel’aireçu,c’esttout. Mme Voynet, laissant parler sa passion et sa haine,aveugle,oubliesonrangdeministre,etécritpourréclamerunecensurequejeneméritepasetqu’ellen’aaucundroitd’exiger.Heureusement, lemaire a tenu bon, a résisté aux pressions, etj’aitoujoursunerueàmonnomàTrimbach–merciMonsieurlemaire–etuneavenueBigeardàToul.

Pendant ce temps, aucun officiel, aucun ministre, ni mêmel’Élysée, ne rappelle à l’ordre la ministre. Les députés àl’Assemblée nationale, mes anciens « collègues », restentsilencieux. Personne décidément pour me défendre, ni pourdéfendrel’arméelâchementattaquéeàtraversmapersonneetàtravers celle du général Massu. Et surtout pas le chef desarmées,leprésidentdelaRépublique.Jesuisstupéfait.

Un seul va s’élever contre cette ignominie : PierreMessmer,ancien Premier ministre, un vrai gaulliste celui-là. Il prendposition en ma faveur. Il réagit à cette campagne ignoble endéclarant dansLe FigaroMagazine du 2 décembre 2000 quetoutesceshistoiresnereposentsurrien:enréalité,ils’agitpourla gauche de réécrire l’histoire. Pierre Messmer était ministredesArmées de 1960 à 1969 : il connaît les responsabilités dechacunetlesdessousdetoutescesaffaires.

Voiciunextraitdel’interviewaccordéeparPierreMessmeràHenriAmouroux:

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nomdeBigeardestdenouveauàlaunedetouslesjournaux.ÀAlger et aussi en métropole. Paris Match envoie un de sesgrandsreporters-photographes,DanielCamus,quiavaitétél’undemescompagnonsdansnotretentatived’évasionenIndochine.Heureuxdeleretrouver.

Malgrécesuccès,noussavonsqu’unenouvellebandecirculedans la région, protégéepar lapopulationdesoasis.Les jourssuivants, nous mettons tout en oeuvre pour la localiser. Nouscernons la zone où ils se planquent. Je sens que l’étau seresserre. Cette fois nous sommes loin de nos bases, à centcinquantekilomètresdeTimimoun.

Le3décembre, je considèrequenous sommesprêts et lancel’opération. Des nouvelles nous sont parvenues, indiquantl’emplacement de deuxgroupes.On avance. Il fautmaintenantforceraugîtelegrosdestroupesennemies.

À 8 h 35, je lance l’opération.Mes hommes, à pied dans ledésert, vont affronter la tempête, bouffer du sable. Noustraquonsl’ennemipendantplusdequatrejours.Le7décembreenfin, contact. Accrochage sérieux. À 15 heures, l’attaque estdéclenchée.Lecombatestsauvage.À20heures,c’est terminé.Nous sommes victorieux : quarante-cinq rebelles tués, sixprisonniers, de nombreux documents et huit cents kilos demunitionssaisis.Uneréussitetotale.Lerésultatdelongseffortsderecherche,detouteunestratégie,d’uneaffairequej’aimenéed’unbout à l’autre.Meshommes, encoreune fois, ont prouvéqu’ilspouvaientsedépasser,etquemonchoixpourcetypedecombat est le bon. Timimoun, c’est la consécration de deuxannéesdetravail.Larécompensed’effortsimmenses.

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Ducoup,jesuispromucolonel,àtitreexceptionnel.Danslesjournaux, ce sont de nouvellesmanchettes qui nousmettent àl’honneur :«Bigeard,plus jeunecolonelde l’arméede terreà41 ans. » Massu, avec classe et honnêteté, a appuyé mapromotion. Pourtant, nos différends ne vont pas cesser, et unenouvellefoisjevaisdevoirm’opposeràlui.

Mi-janvier1958,Massumeconvoque.Ilm’envoieducôtédeColomb-Béchar, dans un endroit paumé où tout le mondes’étonneraitdemevoir.Enclair,ilm’ordonned’allerchasserlebourricot aux frontières de la Tunisie. En effet, il me confiegénéreusementl’interceptiond’unconvoidemules.Jetrouvecetordre ridicule.Mes gars rentrent à peine de combats très dursauxconfinsdessables,onpourraitconfierlamissionàd’autres.Je refuse. Il se fâche. L’état-major aussi. Massu s’entête. Iln’apprécie pas mon refus. Son entourage voudrait mesanctionner.Peudetempsaprèslalettreélogieusequiasoutenumapromotioncommecolonel,ilrédigeunenoteféroce,celleoùil affirme que je pourrais devenir dangereux si le Particommuniste me récupérait. Ce qui, je me répète, est tout demêmeassezmarrant.

Du coup, je ne vais pas chasser le bourricotmais je pars enmissiondanslesNementchas,du28janvieràlafinfévrier1958.

Depuisnotredernierpassage, lasituations’estaggravéedansle secteur. Encore un coin où rien ne va plus en l’absence deBruno, sans me prendre pour le sauveur incontournable. Lamission : briser les réseaux politico-militaires qui travaillentaveclesgroupesdontlesbasesarrièresontinstalléesenTunisie.Cettefrontièreestunevraiepassoiremalgrél’actiondugénéralVanuxem,en1957. Ilavaitcommencéàdévelopperunplande

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verrouillagede la frontière.Unbarrageélectriquede trois centvingtkilomètresestdéployéentrelesdeuxpays.Descentainesde tonnes de barbelés, avec des postes de repérage tous lesquinzekilomètres.Ilestprévud’yajouterdeschampsdemines.L’objectif : couper la route du ravitaillement et la relève desmaquisdel’intérieur,pourpriverlesrebellesd’unepositionderepli. Le dispositif porte sur la région de Tébessa et de SoukAhras,passageobligédesmaquisards.LegénéralVanuxemavaitdéjàvoulumettrelemêmesystèmeaupointenIndochine,maisiln’avaitfinalementpaseuletempsdemeneràbiensonprojet.

Monrégimentpasseàl’actionsurtoutelarégiondeTébessa.Lescombatssepoursuiventdelafinjanvierau28février1958.C’est à ce moment que je suis convoqué à Paris. Je dois meprésenter au général de Guillebon, commandant l’Écolepolytechnique.Ilm’inviteàdéjeuneravecsonépouse.Unbeaucouple. Et, au dessert, un héros fait son apparition : Chaban-Delmas, leministre de la Défense nationale. Très bel homme,élégant, racé, souriant. Il me propose de me présenter à lasuccessiondudéputécommunistedeSeine-Saint-Denis,MarcelCachin,quivientdemourir.Ilestsûrdemonélection.J’enresteébahi. Je suis stupéfait. Flatté, bien sûr, mais l’aventurepolitique,cen’estpaspourmoi.Pasencore,puisquel’avenirmedémentira.Jepenseàmonrégiment,quiestaumêmemomentlà-bas,enAlgérie,auxprisesaveclesrebelles.Jepréfèredéclinerlaproposition.Pourtant, sur le chemindu retour, je réfléchis :pourquoicettemanoeuvre?Biensûr,jesuis,commeondit,unefigure.Desjournaux,commeLeMondeouLeFigaro,évoquentle«casBigeard».J’accumulelessuccès,jedistouthautcequejepense,etsurtoutriennevaplusdanscetteIVeRépublique.

Voilàpourquoionveutparachuter, c’est lecasde ledire,un

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Lepremierobjectifest lemêmequeceluique jem’étais fixétroisansplustôtàConstantine.Redonnerdutonus,retrouverlafoicombattante,ranimerlaflamme.Etpourcela,iln’yaqu’unmoyen : entraînement physique régulier, discipline,réorganisationdesservices,avecun2eBureauefficace.

Defévrieràaoût, leschosesavancentbien.Chacunymetdusien. J’arrive à insuffler à cette troupe hétéroclite un véritableesprit d’équipe. Au bout d’unmoismes hommes sont prêts àl’action. À partir de là, nous pouvons nous lancer dans desformes de combat nouvelles et audacieuses.Tout lemonde estmisaumêmeniveau.Onabandonneleschevauxetlesvéhiculespour se déplacer à pied. Pendant que je m’occupe del’entraînementdeseffectifs,Gambiezregroupe lespopulations,selon la nouvelle politique décidée par le général Challe. Leprincipal objectif est de faciliter l’action administrative,médicaleetscolaireenprivantleFLNetl’ALNdeleursoutienlocal. En somme, il faut orienter l’action vers le social pourcombattre les diverses manifestations de la guérilla. Cesnouvelles dispositions sont indispensables compte tenu de lasituation très particulière de l’arrondissement de Saida. Septmille troiscentskilomètrescarrés,àchevalsur l’axeforméparlaroutenationale6etlavoieferréed’Oran;unepopulationdequatre-vingt-dix mille habitants, dont quatre-vingt-deux millemusulmans:c’estunsecteuroùlefellaghaestchezlui,protégépar la population qui peut le cacher après ses sorties et luiprocurerlesoutienmatérielnécessaire.

Pour faire face à cette situation, plusieurs stratégies ont étéexpérimentées sans succès, avant mon arrivée. Challe a doncconçu une politique de regroupement des populations. EnOranais, il y a peu d’Européens. C’est là qu’on commence à

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déplacerdescivils,avantmêmel’arrivéedeChalleàAlger.Cesmouvementsdepopulationssontpéniblespour lesdéplacés,etpourmoicetravailn’estpastrèsglorieux,maissécuritéoblige.L’affaire a étémenée efficacement par le généralGambiez quidirige la région dans son ensemble. Depuis juin 1958, dansl’arrondissement deSaida, trente-deuxmille personnes ont étéregroupéesdansvingt-deuxcentres.C’estdanscecontextequejemèneraimonaction.

Lapremièreurgenceétantdeprivilégierdesactivitésciviles,jechange de casquette. Bigeard devient un organisateur, unadministrateur.J’appliquelesdirectivesduplanChalle.Celameconfère d’importants pouvoirs administratifs. Je réunis lesmaires,jeparleauxpopulations,jedirigelagestiondescentresdanslesquelsellessontregroupées.Pendantuntemps,nousnesommesplusdesmilitairescombattants.Touscesgensdéplacésontbesoinqu’onprenneleursproblèmesàbras-le-corps.Ilfautorganiserlesecteur,soignerlesmalades,éduquerlesenfants.

LeplandeConstantinemisesurlamodernisationdel’Algérie,pourlaquellelegouvernementadécidédeconsacrerdessommesimportantes.C’estuntournantessentieldanscetteguerre.Celaauraitmêmepuréussir,sitoutlemondeyavaitmisdusien,silecommandement dans son ensemble et les politiques y avaientcru.

J’étudie la situation.Dans la zone de Saida, je constate quequatremilleemploisnouveauxpourraientêtrecréésencinqansgrâceauxquinzemilliardsdébloquésparlaFrance.C’estbien,mais c’est insuffisant. Il faut, là encore, de la créativité, del’audace.JeconseilleaugénéralChalle,dans lerapportque jelui remettrai au cours de l’année, de développer l’économie

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traditionnelle où l’on peut créer de nombreux emplois.Évidemment, à cette époque, la mode est plutôt àl’industrialisation forcenée. Mais aujourd’hui, on peut sedemander si un tel plan n’aurait pas eu toutes les chances deréussir.

Il fautencoreéradiquer la résistance,etpourcela ilnesuffitpasdedéplacerlespopulations.Ilfautallerbeaucoupplusloin,activer les services de renseignements, pénétrer le réseauennemi.C’estpourquoi jecréeunnoyauopérationneldemillequatre cents hommes, un ensemble mobile prêt à intervenir àn’importequelmoment.Pendantcetemps,deLlambys’occupedurenseignement.Desgroupesautonomessontconstitués,leferdelancedecetteentrepriseestlecommando«Cobra»,nomdecodede sonorganisateur, le lieutenantGagetdu23e spahi, unofficier remarquable dont la mission est de former une unitéd’Européensvolontairespourdesactivitésderenseignements.

L’autre stratégie consiste à recruter un commando d’anciensrebelles repentis qui vont se battre à nos côtés. C’est lelieutenant Grillot, dit « Georges », qui en prend lecommandement. C’est une expérience qui va faire coulerbeaucoupd’encre,etd’ailleurs,hélas,seterminertragiquement,peut-êtreparcequelesprocédésderecrutementnesemblentpastrèsorthodoxes.

« Georges » recrute dans les prisons. Il sélectionne lescombattants les plus valeureux, des volontaires qui serontengagésparcontratmensuelrenouvelable.Puisilleurexpliquele but de lamission. Il leur rappelle que nous n’avons jamaisperdude bataille jusque-là, les convainc de se ranger de notrecôté et de se battre pour éradiquer la misère et empêcher le

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Jen’aipasmesuréàquelpointunedéclarationpublique,dansles circonstances très agitéesquenousvivons,peutdevenirunvéritable brûlot. La moindre parole, et la guerre civile risqued’exploser. Je n’ai pas mesuré la portée de ma voix. Je suispopulaire,mes paroles comptent dans les états-majors, je doisfaire attention car les civils m’écoutent tel un oracle. C’estdangereux.Cen’étaitpas lemomentd’ouvrir sagueule. Jemetrouve dans une situation très embarrassante. Démenti,déclarations apaisantes. C’est trop tard.Dans les états-majors,c’est la panique. Je suis convoqué à Paris. J’en aurai fait, desallersetretours!

J’arrive auBourget.Un comité d’accueilm’attend.La policeestàmadescented’avion.UnCRSm’empoigne.Jelefusilleduregard.Ilcomprendvitequ’ilvautmieuxnepasinsister.Onmeconduit à l’hôtel Saint-Augustin. Je suis consigné dans machambre.

JetéléphoneàToul.Gabyauboutdufil.

«C’esttoi,Marcel?Jet’entendsparfaitement.

–Biensûr,jesuisàParis.»

Jeluiexpliquecequivientdesepasser.

«Vienstoutdesuite,jevaismeretrouverentaule.»

Elle arrivera dans la nuit, et aura le droit de rester dansmachambre.Elleestaffolée.Jelarassure.

« T’en fais pas, nous sommes encore jeunes, je trouverai dutravaildanslecivil.»

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Le lendemain, je suis convoqué par le chef d’état-major del’armée de terre. Entrevue sportive : « Bigeard, de quel droitavez-vous rédigé cette déclaration ? Vous exagérez ! Pour quivous prenez-vous ? » Décidément, ça va très mal. Pourtant,depuis Oran, Gambiez téléphone à Paris. Il exige mon retour.Estimequ’ilabesoindemoidansleSudoranaisetaffirmequ’ilme connaît suffisamment pour être sûr que je ne suis d’aucuncomplot.Jerenfilemonuniforme:çavarepartir.

Mais, dans son bureau paisible du ministère de la Défense,Guillaumat, quime garde une rancune sérieuse à cause demadéclarationpendantlesbarricades,n’estpasdumêmeavis.Bref,jerejoinsquandmêmeOran, jemeprésenteàGambiezquimerelate ses démarches. Un type formidable, compréhensif,humain,unvraichef.LaphotodesonfilstuéàDiênBiênPhutrônesursonbureau.

«Bigeard,faites-vouspartied’uncomplot?

–Voussavezbienquenon,mongénéral.

– Bien, alors n’en parlons plus, allons déjeuner. NousrejoindronsensembleAïnSéfraenhélicoptère. J’aidemandéàvossubordonnésdenousattendre.»

Mais pendant ce temps-là, à Paris, on prend d’autresdécisions. Le ministre de la Défense a demandé ma relève etmon retourd’urgenceenFrance.Gaby l’apprendpar la radio :elle arrive à Aïn Séfra. Je suis condamné à soixante joursd’arrêt,signésdugénéralChalle,quiignoreencorequ’ilprendralatêtedesgénérauxfactieuxseizemoisplustard.

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JefaismesadieuxàSéfra.Touslescolonelssontprésents,lerégimentdelaLégionmerendleshonneurs.LecoloneldeSèze,qui m’a donné un sérieux coup de main dans le secteur enm’épaulant dans l’organisation de la boutique, dit en sedécoiffant:

«Sivouslepermettez,moncolonel,jevousembrasse.»

MartialChevalieressaiedefairebonnefigure:

«Couragemoncolonel.Jevousrejoindraidèsquepossible.»

Flamentmurmure:

«Tantdebanderaspourenarriverlà!»

Georgesm’assurequ’ilcontinueraàsebattrepourmesidées.

Jequittel’Algériele1erfévrier1960.J’aiquarante-quatreans,pleindeforce,dejeunesse,etcetteguerrevaseterminerencoreplus lamentablement que celle d’Indochine. Jusqu’au bout,pourtant,onpenseraàmoipourprendrelecommandementdesopérations;enmars1961,monnomseraévoquépourlepostedecommandantchargédumaintiendel’ordreàAlger.Unpostequinemeserafinalementpasattribué.Çan’auraitd’ailleurspasétéuncadeau.Unmoisplustard,mesancienschefsfomenterontle fameux putsch d’Alger. Je n’y suis plus. Impression d’êtrepassé entre les gouttes, et en même temps un goût persistantd’inachevé…

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aujourd’hui,en2010d’accord,maispasàl’époque!C’estvraiqu’à ce moment-là j’espérais recevoir un commandement à lamesuredemescapacités : l’inspectiondes troupesaéroportéesou le commandement de la nouvelleÉcole nationale des sous-officiers d’active. C’est vrai aussi que je suis un des raresrescapés parmi les colonels paras d’Algérie : Bréchignac,Botella,Masselot,Lecontesontenprisonousurlepointd’êtrechassés de l’armée. Trinquier est au Katanga, Château-Jobert,Godard sont condamnés à mort par contumace, en exil enEspagneouenBelgique.

« Vous devez admettre, poursuit le général Le Puloch, quevotre expérience ne porte que sur des conflits, l’Indochine,l’Algérie, qui sont déjà dépassés. Il vous faut acquérir lesconnaissances stratégiquesdesguerresdedemain.Elles serontplanétaires.»

J’ai envie de chialer.Voilà où j’en suis après avoir combattutoutemavie.Jedoisànouveaufairemespreuves,apprendrelesméthodesmodernes de la future guerre, comme si tout ce quenousavonsfaitn’avaitserviàrien.

« C’est pourquoi, poursuit le général, j’ai décidé de vousenvoyer à l’École de guerre. Comme auditeur libre, bienentendu.

–Bien,mongénéral.»

Je n’ai rien à dire d’autre. Belle perspective d’avenir :redevenirunélève!Encoreunefois, j’aiunefurieuseenviededonner ma démission. Le 18 juin, date mémorable, je meretrouveseulàParis.Unechambreminabledumêmepetithôtel,

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rue Vaneau d’où, en 1955, Le Provost de Launay m’avaitextirpé. Tout le monde semble avoir oublié celui qu’onsurnommaitilyaencorepeudetempsleglorieuxBigeard.

Jemeprésenteaugénéraldirecteurde l’école.Grand,mince,discret, peu loquace, Légion d’honneur à l’ancienneté. Je doissuivreleprogrammedelapromotionencours.Onmedonneunpetitbureaudansunbâtimentéloignédedeuxcentsmètres,onm’inonde de documents, qui doivent m’aider à comprendre la«vraieguerre».

Jebachote,coincédanscebureauoùjemanqued’air.J’essaiedelirecettemassedelittératurethéorique,maisjen’arrivepasàme concentrer. Je pense constamment à autre chose : à mescampagnes, à l’action. Le soir, seul dansma chambre, je dîned’unmorceaudepain,d’une tranchede jambon,d’un fruit. Jehais l’ambiance de l’école. Des hommes de quarante ouquarante-cinqansquiseconduisentcommedebonsécoliers,çamefoutlecafard.Iln’estpasquestionicidecombat,deforce,de valeur physique, de caractère. Non, ici tout est plan-plan,mou,sansdynamisme.Cesgensquiontperdutouteslesguerresprétendent nous apprendre à combattre : ce serait risible si cen’étaitpastriste.

Jeserrelesdents.J’essaied’oubliermonmauvaiscaractèreetde composer. Quelquefois, il vaut mieux savoir se taire. Lasituations’améliored’ailleurspeuàpeu.Jepartagelebureaudedeux instructeurs, participe à la réunion des « cerveaux » del’écoleoùj’arrive,jedoisledire,àmefairequelquesbonsamis.NotammentlecolonelLefèvre,instructeurremarquable.

Un intermède heureux dans cette année de grisaille : je suis

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invitéparDacko,présidentdelaRépubliquecentrafricaine,quime réserve, comme je l’ai dit, un accueil de chef d’État. Puisc’est JulesRoy, le cher Julius, qui publie dansL’Express desextraitsdesaBatailledeDiênBiênPhu,avecuneannoncesurdes affichettes : « Bigeard arrive, achetez L’Express. » Laparutiondecesarticlesestunvrai réconfort.JeanLartéguy,desoncôté,avendulesdroitsdesesCenturionsàdesproducteursaméricains. Le film doit être réalisé par Mark Robson, avecAnthony Quinn qui incarnera le lieutenant-colonel Raspeguy,adorédeseshommes,hérosd’Indochineetd’Algérie.Raspeguy,dans le roman, c’est le colonelBigeard. Je verrai le filmdeuxansplus tardàsasortie :unevéritablecatastrophe.LecolonelincarnéparAnthonyQuinnn’aévidemmentjamaisfaitlaguerreet n’a aucune idée du véritable commandement d’un régimentpara.Dommage!

Onmedemandeaussi,aprèsaccordduministredelaDéfense,de passer à l’émission télé « Cinq colonnes à la une » encompagniedemoncamaradePierreSchoendoerfferquiconnaîtun véritable triomphe avec son magnifique film : La 317esection.IlditquecefilmluiaétéinspiréparsonséjourauLaosavec Bigeard et le 6e BPC en mai 1953. L’émission « Cinqcolonnes » a acheté les droits de reproduction du prétendureportagevietminhsurlabatailledeDiênBiênPhu.Ils’agitenréalité d’une reconstitution a posteriori de certains épisodes,filmésaprèslabatailleparuncinéastesoviétique.C’estàcettemascaradequej’avaisrefusédeparticiperpendantmacaptivité.Jecommente lefilmaprèssaprojection.LecritiqueGuillaumeHanoteau écrit : « Son monologue a atteint par instants unegrandeur qu’on abaisserait en tentant de la décrire avec desmots.Luiseulpouvaitregardercepassésansremords.»

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sénégalaiseme fait grandofficier duMérite sénégalais, et j’ensuistrèshonoré.Lesparas,lesamissontàl’aérodrome.Marie-France regrette de quitter la faculté de pharmacie où elle aeffectuésatroisièmeannée.Nousembarquonsnoschatssiamoisdans le panier d’osier. Le Boeing décolle. Le vague à l’âme.Adieu Sénégal et amis sénégalais, je vous souhaite bonnechance,vousleméritez.Nouveaudépart,nouvelarrachement.

Je rentre en France. J’espère obtenir un poste important. Lebruitcourtqu’ilestquestiondemedonnerlecommandementdela11e division d’intervention, ce qui constituerait pourmoi lecouronnementdemacarrière.Enfin,patrondesparas!

C’est une belle année. 1970. Gaby est là, mais le retour estmoinsglorieux.Jesuiscantonnéauministère.Jesaisqu’avantd’exercerun commandement intéressant, ilme faut encoreunefois payer d’avance et subir quelques mois de pénitence etd’ennuiàParis.Enréalité,cesdixmoisàl’état-majorparticulierdu CEMAT vont être pour moi plein d’enseignements. Je mefamiliarise avec les arcanes des commandements régionaux, jemesuremieuxleursdifficultés,etilm’arrivemêmedeproposerdessolutions.

À la fin de l’année, en novembre, j’assiste aux obsèques dugénéraldeGaulleàColombey,anonymenoyédanslafoule.Lemonument nous quitte. Il s’était retiré dignement, sanss’accrocher aupouvoir.Malgré tout cequi apunousopposer,chapeaubas,mongénéral.

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CHAPITRE29

Madagascar

Deuxmoisplustard, j’ai lechoixentrelecommandementdela 11e division légère d’intervention, les paras, et lecommandementdes forces françaisesdusudde l’océanIndien,dont le siège se trouve à Tananarive, le haut coeur de laRépubliquemalgache.

Jen’hésitequetrèspeudetemps.Finalement,accepterla11edivisionlégèred’interventionsignifieresterenFrance,dépendreétroitement de la hiérarchie, et mettre en pratique ce que j’aiacquisentrenteansd’expérience,cequejeconnaisparcoeur.ÀTananarive, j’aurai davantage de liberté d’action. Ma décisionestviteprise:j’optepourTananarive.

À Ivato, l’aérodrome de Tananarive, je suis reçu comme unchef d’État. Tout le gratin des forces françaises, officiersgénéraux, amiraux, colonels… Tous sont là à m’attendre.Comité d’accueil enthousiaste et chaleureux. Il y a même lereprésentantpersonneldePhilibertTsiranana,leprésidentdelajeuneRépubliquemalgache.Pourlacirconstance,j’airevêtumatenuedecérémonie.Uniformedetoileblanche,képi«àfleurs».Derrièremoi,GabyetMarie-France,élégammentvêtuesdeclair,sont gênées par l’accueil. Elles détestent ces mondanités, cesobligations protocolaires, même notre chatte siamoise estobligée d’assister à la cérémonie ! Elle est dans son panier etmiauledésespérément, impatiented’ensortir.Jesouris, jeserredes mains. Je sors quelques amabilités. J’arbore un air de

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circonstance. Je n’ai qu’une envie : aller prendre une bonnedouche.Etsurtoutmereposerunpeu.

Il faut dire que depuis quelque temps, je commence à payercher la vie que j’ai menée pendant quarante ans. À la fin del’hiver, j’aimêmeétévictimed’unepetitealertecardiaque.Lesmédecinsm’ontditquelapartiedroitedemoncoeurn’estpasbienirriguée.Çanem’apasempêchédecontinuermonjoggingquotidien et d’avaler chaque jour mes cinq cents mètres depiscinependantlerestedemavieetjusqu’àquatre-vingt-treizeans.Maislà,riendetrèsalarmant,c’estlesignequeletempsapassé. Les toubibsm’ont dit dememénager.À quoi bon ? Jepréfère vivre à fond, et tant pis pour ce qui arrivera. C’estl’espritquidécide,lavolonté.Lecorpssuit,quandilpeut.S’illâche,tantpis.Marcheoucrève.

Nous quittons l’aéroport et entrons dans Tananarive. Villepittoresquemaisbizarre,tordue,beaucoupd’habitationsdestylevieillot, éparpillées sur leshauteurs.Nous roulonsvers leplushaut sommet pour pénétrer dans l’ancienne résidenceGallieni.BigeardchezGallieni!LebureaudeGallieni,saphoto,celledeLyautey,uneimmensetabledeboismassif,desarmesanciennesaccrochées aux murs, une bibliothèque remplie de volumesanciens, une salle immense. Autour de la villa, un vaste parc,quelquesarbres,etunevueimprenablesurTananarive.

On nous présente le personnel, placé sous les ordres d’unadjudant-chef : quatre chauffeurs, deux cuisiniers, six serveurschargésdel’entretiendelarésidence,unjardinier,ungroupedeparachutistes qui assure la garde des bâtiments. C’est royal.Maisceluxenem’éblouitpas:jepréféraismaviedebandera,quand je portaisma nourriture surmon dos.Horreur du faste,

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personnel prend rapidement goût à ces sorties.Maintenant, lemoralestbonetlespatronssousmesordresréagissentbien.Jesuis à mon affaire : pour moi, tout est clair quand je suisvraiment leseul responsable.Lerôled’adjoint,desecond,m’atoujoursététrèspénible.

Enavril1974,GeorgesPompidoumeurt.Jefaisobserveruneminute de silence. Je ne fais pas de politique, mais j’ai durespect pour le président de la République, pour la fonction,mais aussi pour cet homme qui est mort debout, à son postejusqu’audernierjour,malgrélessouffrancesdelamaladie.

Qui va lui succéder ? Chaban, Giscard ou Mitterrand ? Lapériode est difficile. L’inquiétude règne. La propagandeantimilitariste progresse. Des gauchistes distribuent des tracts,desjournaux,danslarue,àlasortiedesgares.J’ail’impressionque rien n’est fait pour colmater ce pourrissement lent etméthodique de notre armée. Je suis de très près la campagneprésidentielle.JevoteChaban-Delmascarjeleconnaisetj’aidel’amitiépourlui.Ilatoujoursétéparfaitàmonégardetjesaisque c’est un véritable homme d’État. Malheureusement, desmanoeuvres politiciennes vont l’empêcher d’accéder à lamagistrature suprême, alors que la route lui semblait toutetracée.Jeluiécriraipourluidirequ’unevie,c’estbienlong,querienn’estjamaisfinietqu’ilnefautjamaisbaisserlesbras.Jeme demande comment il a pu réagir à cette lettre. Avec lesourire,sansdoute.

Giscard est élu de justesse, avec 50,8% des voix. Il a battuFrançois Mitterrand, redoutable manoeuvrier, allié au Particommunistepour laconquêtedupouvoir.Giscardveutchangerles choses rapidement : il impose des mesures novatrices,

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nomme des ministres jeunes, choisit un Premier ministre enpleine ascension, JacquesChirac.Mais l’armée reste le parentpauvredesestransformations:jesuisinquiet.Biensûr,j’aidesidéessurcequ’ilfaudraitfaireetsurcequ’ilfautéviter.Maisjene prétends pas détenir la vérité. Pourtant, il est urgent deremettre l’armée sur les rails, d’informer, d’expliquer à lajeunessedeFrancecequ’onattendd’elle,deredonnerconfianceaux cadres qui se posent des questions, qui doutent. Il y abeaucoupàfairepourquelecourantpasse,quecettearméesoitvraimentcellede lanation toutentière, etque l’oncomprennequ’elleest làencasdecoupdurpourprotéger lescitoyensdenotregrandeetbelledémocratie.

Leproblèmeestcomplexe:pourramenerl’arméedanslegirondelaRépublique,iln’yaqu’uneseulesolution,communiquer,expliquer, montrer l’absurdité criminelle des positionsantimilitaristes.Etça,sansmevanter,jesaisfaire.

Le9octobre1974,j’adresseunenoted’orientationàtouslescadres, dont dix-huit généraux. Je commence par cette phrased’Abraham Lincoln : « Avec l’opinion publique, rien ne peutéchouer;sanselle,riennepeutréussir.»Danstoutesmesnotes,je précise l’importance que j’attache à l’information interne etauxrelationspubliquesexternes:ilfautfairepasserlecourantàl’intérieurdemesunitésetverslemondeextérieur.L’arméedoitcesserd’êtrela«grandemuette».

Jeneménagepasmapeine.Maboutiquetourneàfond.Etjesuis magnifiquement épaulé par ma femme, Gaby, toujoursdiscrèteetefficace,quisait trouver lesmotsqu’il faut.ÀPau,j’organise même une rencontre entre mes paras et desuniversitaires.Àundînerdébat,nousparlonstousensembledes

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problèmes que rencontre actuellement l’armée. Et ça marche.Paras et universitaires, qui semblent pourtant vivre dans deuxunivers différents, s’apercevront qu’ils ne sont pas si éloignéslesunsdesautres.

En septembre, je suis convoqué à Paris pour être fait grand-croixdelaLégiond’honneurparleprésidentdelaRépublique.Quelparcours!Bellefindecarrièrepourl’anciensaute-ruisseaudelaSociétégénéraledeToul.Maisdans«findecarrière»,ilyalemot«fin».Etcelam’estinsupportable.Pourtant,c’estaumomentoùjepensequetouts’achèvequetoutvarecommenceretprendrel’orientationlaplusinattenduequisoit.

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Ilm’offreunecigarette;jerefuseenluiexpliquantquejenefume que la pipe, et que par politesse, je n’ai pas apporté lamienne. Il m’en tend une : « Allez-y, si vous le permettez, jevousenoffreunefabriquéedansmonpays»,medit-il.Mevoicidoncentraindefumerlapiped’Edgar.Unhommedélicieux.

Courant juin, de nouveau Conseil de la Défense à l’Élyséesous l’autorité du présidentGiscard. J’admire sa connaissancedesdossiers,sonespritdesynthèse,sonbrio.JecontinueàmedéplaceràtraverstoutelaFrance.Auxcérémoniesdu14Juillet,défilé militaire à la caserne de Vincennes. Le président medemandedemetenirprèsdelui.Jerevoisavecémotiondéfilermon3erégimentparad’AlgérieavecàsatêtelecolonelDatin,undemesanciens lieutenants.Puis lesChamps-Élysées.Dansles tribunes, en civil, aumilieudesquarante-troismembresdugouvernement,jesongeau14juillet1957où,avecMassu,nousdéfilions ici à la tête de la 10e division parachutiste. À cetteépoque,lesParisiensnousapplaudissaient.

Aucun repos pendant l’été. Juillet, août, septembre. Uneactivité incessante.Àlarentrée,nousavonsdroitauhit-paradedesministresdansL’Aurore.Surprise:jesuisnumérocinqsurquarante-trois ministres et secrétaires d’État. Devant moi,seulement les grandes pointures de la politique telles queLecanuet,Poniatowski,Fourcade.Jemesurequemonsuccèsestéclatant.Monministre, Yvon Bourges, n’est que 18e. Et moi,simplesous-ministreavecundemi-portefeuille,jetiensplusoumoins la vedette. Cela devient presque gênant. Encore que,quandon luiditque je lui faisde l’ombre,Bourges sedéfendavec élégance. Il est toujours d’une correction parfaite à monégard. Le seul problème, c’est qu’il ne me laissera jamais de

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responsabilitésbiendéfinies.Commesij’étaislàpourledécor.Jen’appréciepas,mais ilmerassurechaquefois :«Moncherami,nousfaisonstoutensemble.»

Bourges,ilestvrai,estunbonministre,ungrandmonsieuretun travailleur acharné. Sans rien connaître à l’armée, il a trèsvitecompriscequ’ilfallaitfaire.C’estunbontacticien, ilsaitprésider une séance, prendre les décisions nécessaires. Àl’Assembléenationale,ilfaitface,répondauxquestions:c’estunmétier. Il vit pour samission, samairie, c’est un admirablepèredefamille.M.Bourgesauratoutesaviemonestimeetmonaffection.

Fin septembre, neuf mois après mon arrivée au ministère,l’arméevamieux.Lescadresreprennentconfiance.Leprésidentde la République nous a bien aidés, et l’image de l’armées’amélioredansl’opinion.Autourdemoi,avecmonéquipequej’apprécie, nous faisons tourner la boutique avec dynamisme.L’important : aller voir le plus d’unités possible, montrer auxmilitaires qu’ils sont épaulés. Au fond, quand je leur rendsvisite, c’est le général qu’ils reçoivent, plus que le ministre.Heures d’avion, d’hélicoptère, parler, expliquer… Je n’arrêtepas.

En août, je retournemême à la 11e division para revoirmoncopain le général Le Borgne. Envie de sauter. Aussitôt dit,aussitôt fait : largage en mer sous une pluie battante. Sautimpeccable.Lamachinerépondencore.

J’inspecte les forces françaises enAllemagne. Prise d’armes,défilé, remise de décorations, puis Brest pour présider lacérémoniedeprésentation audrapeaudespromotions1975de

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l’Écolenavaleetdel’Écolemilitairedelaflotte.Accueilgrandstyle,cérémonieimpeccable.

Unautresoir,jeparledevantdeuxcentcinquanteofficiersderéserve de l’École polytechnique : accueil chaleureux,applaudissements. À chaque fois, j’ai un pincement au coeuravant ces meetings. Moi, le fils de cheminot, avec seulementmoncertificatd’études,devantcescrânesbienremplis:maisjesais trouver lesmots, avecmanature,ma force, et ça se passetoujoursbien.

En octobre, discussion du budget des armées à l’Assembléenationale. Jemonte à la tribune, je demande à l’Assemblée devoter le budget. « En râlant peut-être, mais votez-le tout demême. »MichelDebré le vote… en râlant ! Peu importe, noscréditssontdenouveauenhausse.

Jem’accroche, sanscomptermon temps : lamachine tient lecoup. Mais je suis loin d’avoir tout réglé. Des difficultéssubsistent.Même si l’image de l’armée s’améliore, il reste enFranceunvraimouvementdecontestationetdesagitateursquis’activent. En septembre 1974 déjà, deux cents appelés ontmanifesté dans les rues de Perpignan : ça s’est calmé,mais lasubversiongauchisten’estpaséteintepourautant.Unpeuplusd’unanaprès,ennovembre,àBesançon,unesectionsyndicaleestmontéepardesappelésencollaborationaveclaCFDT:uneaffaire qui fait du bruit. Les journalistes en parlentabondamment,tropmême,etcelam’agace.Pourquoi?D’abord,ces gens ne sont qu’une toute petite minorité agissante : lescomités de soldats révolutionnaires, c’est de la blague.L’ampleur massive donnée à leur action par les moyensd’informationestsansrapportavecleurnombreréel.D’ailleurs,

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Bigeard. Pas très brillant, je l’ai dit, mais je suis heureux deretrouvermonamiJeanLartéguy.

Unjour,jereçoisuneinvitationdel’Élyséepourundéjeuner.Jem’attendsàundéjeunerprotocolaire.Pastrèsenvied’yaller,maisjenepeuxpasm’ydérober:j’aiétéministre,celanesefaitpas. Quand j’arrive, Giscard me coupe le souffle : « Nousdéjeuneronstouslesdeux.»

Unrepasdélicieuxoùnousdiscutonsàbâtonsrompus.JeluidiscequejepensedelasituationactuelledelaFrance,lavisiteà Paris du Premier ministre vietnamien, l’indépendance deDjibouti, lavenuedeLeonidBrejnevàParis,qu’onaaccueillien mettant les petits plats dans les grands : je suis un peuchoqué. Pourquoi tout ce tralala pour le chef du premier paystotalitairedumonde?Unpaysquirestepourlemondelibreunpéril permanent, une puissance militaire redoutable. Leprésidentm’écoute,me répond, toujours aussi à l’aise.Quelleclasse ! Mais pourquoi ce tête-à-tête ? S’inquiète-t-il de maretraite ? Peu probable. Nous nous séparons, politesses, et jem’enretourne,perplexe,sansavoirriencomprisauxraisonsdecedéjeuner.

Le 14 juillet, contre les usages du protocole, ilme place aumilieu des ministres. Après le défilé, réception à l’Élysée. Jeretrouvelajungle.Jen’ysuispasplusàl’aisequ’àmondépartdugouvernement.

Été 1977. Mon ami Erwan Bergot, ancien officier de DiênBiênPhu, publie son livreBataillonBigeard. Ilm’a demandéunepréface.Envoiciunextrait:

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«Lagorgeserrée,jeviensdelired’unetraitelelivred’ErwanBergot…Etrevivreavecmesfrèresparachutistes,citésounon,vivantsoudisparusàjamais,ceslonguesannéesdecombatdansle froid, laneige, lachaleur, la jungle, ledésert !Époquedéjàlointaineoùnousétions,avecbeaucoupdecamaradesdestroisarmées, persuadés de défendre de justes causes en faisantconfiance à ceux qui nous gouvernaient. Son témoignage melaisse et laissera un grand froid aux lecteurs qui poseront laquestion : “À quoi bon ces sacrifices inutiles ?” Rien ne futinutile.Pourqu’unpayssoitrespecté, ilfautqu’ilpossèdedeshommesdecette trempeprêtsà toutdonner.Lorsqu’onaeu leprivilègedevivreaveccetteélite,ona l’impressionqu’ilssonttoujoursprésents àvos côtés et souvent l’on regretted’êtredeceuxquelabarakaaprotégés.»

Suitunelonguepériodeincertaine.Jemeretireànouveau,jemets de l’ordre dansmes affaires,mais je sens qu’il n’est paspossible que les choses s’arrêtent là. Soixante et un ans, enpleineforme,unnouveaudéfim’attend.EtunefoisencoregrâceauprésidentGiscardd’Estaing.

J’aitoujoursjurémesgrandsdieuxquejenemeprésenteraispas à la députation. Déjà, lorsque j’étais secrétaire d’État, LeFigaro titrait : « Bigeard se présente à Belfort contreChevènement. »Le lendemain jedémens.Pas envie,paspourmoi. Trop habitué à l’armée où les carrières se font dans unrelatif anonymat, même si j’ai eu la chance de bénéficier àcertains moments d’une sorte de vedettariat. Dans l’armée onarrive au mérite, la plupart du temps, on gravit les échelonslentement.

En politique c’est très différent. Il faut se montrer, se faire

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mousser, être toujours enquêtedepublicité etdegloriole.Onvoitparfoisdébarquerdanslemilieudesblancs-becsquin’ontpas eu le temps de faire leurs preuves et qu’on propulse aupremierrang.Celanedonnepastoujoursdetrèsbonsrésultats.Quant àmoi, à soixantebergespassées, j’estimequ’il est troptard pour faire carrière dans ce panier de crabes. Ce milieucorrespondtroppeuàmontempérament.Maisenjanvier1978,jeme retrouve candidat en pleine campagne électorale pour ladéputation.Pourquoi?ToutsimplementparcequeGiscardmeledemande. Ilm’a convoquéà l’Élysée etm’adit : «Bigeard, ilfautquevousvousprésentiez.»

J’ai toutes les raisons de refuser et je lui expose mesarguments.Cettefoisiltientbon:ilmeparlededevoir,c’estlegenredemotsauxquelsjenerésistepas.Ilfautfairebarrageàlagauche, me dit-il, qui risque de remporter les électionslégislatives.Commentrefuser?Jeluicède.Jen’oubliepasqu’ila fait demoi unministre. Il peut compter surma fidélité, unefidélitédesoldatpeut-être,maisonm’afaitainsi.IlveutquejemeprésenteàVerdun.BigeardàVerdun,çaauradelagueule!Au milieu de ces anciens de 1914-1918, ensevelis dans cetteterredeschampsdebataille.

Etmevoilàdoncreparti.Toul-Verdun,troisquartsd’heureenvoiture. Pendant un mois, je fais ma tournée dans cettecirconscription, avant le démarrage officiel de la campagne.Reconnaissance. Des gens prêts à m’aider. Je m’informe desproblèmes. Et des problèmes, il y en a vite surmon chemin !« Vous êtes giscardien, me dit-on, nous présenterons un RPRcontre vous. » Le sortant,M. Beauguitte, quatre-vingts balais,député depuis Mathusalem, maintiendra sa candidature contremoipourunnouveaumandat.

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Après la Chine, voyage aux États-Unis. Formidable séjour,mais pas grand-chose à dire de ce pays où nous nous sentonspresquecheznous.Pourtant,delàaussi,laFrancesemblebienpetite.Jemesouviensdequelquesproposlorsdudînerd’adieu.Une vingtaine de personnes, ambiance décontractée, cesAméricains me connaissent, je suis le Bigeard de Diên BiênPhu.Après notre défaite, ils ont pris le relais. Sans beaucoupplusdesuccès.Jelesremerciepourleuraccueil,jeconclusparune boutade : « Lorsque le général de Gaulle vous a dit “gohome”,quittezlaFrance,jecroisqu’ilavaitraison:jeviensdepasserquelques joursdansvotre immense etmerveilleuxpays,vousêtesd’unetellepuissancequevouspourrieznousdétruiresimplement d’une tape amicale dans le dos. Pourtant, queferions-noussansvous?LaGrandeGuerre,laDeuxièmeGuerremondiale,heureusementquevousétiezlàpournousaider.Pareilpourl’Europededemain:weneedyou,commeditl’affichedel’OncleSam.»

Maisleplusbeaudetouscesvoyages,du19juilletau1eraoût1980, c’est l’Afrique noire, cette région du monde si chère àmon coeur. Je quitte Paris entouré d’une équipe de choc : lesfidèles,Mme d’Harcourt, et Loïc Bouvard qui est en 2010 ledoyen de l’Assemblée nationale ; Tourrain, RPR, député duDoubs,gaulliste,direct,franc;ilm’avaitfaitlagueulependanthuitjoursquandj’avaisdit:«SideGaullerevenait,ilenverraitChirac jouer aucerceau.» Ily a aussiGoulet,députéRPRdel’Orne,dynamique,unboncopain, le sensdes réalités,pasdutoutpoliticien.

Nous commençons par la République centrafricaine où,commeonl’avu,j’aivécuenexilpendantprèsdetrentemois.Cela fait déjà vingt ans. Arrivée à Bangui, tapis rouge, télés,

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radios : je suis reçu comme un chef d’État. Je dîne avec leprésidentDackoetsesenfantsdanslepalaisdeBokassa.Ilyaquelquesmois,lesparasfrançaissontintervenuspourchassercefousanguinaire,cemalademégalomane.Jel’avaiseusousmesordres quand j’étais en Afrique : très discipliné, obséquieux,fayot. IlappelaitdeGaulle«papa».LegrandCharlesenétaitexaspéré et l’envoyait régulièrement dans les cordes. Bokassam’avaitoffertdesdéfensesd’éléphantetj’yaisouventpenséaumomentdelachutedeGiscard,aveccettemisérableaffairedesdiamants.

ÀBangui,monéquipedeparlementairesestpriseenmainparle colonel Chabannes, conseiller militaire. Je retrouve avecplaisirle«chat-tigre».Lelendemain,plusieursdemesancienssoldats centrafricains du 6e régiment interarmes d’outre-merviennent me voir. Ils ont tous pris du galon, sont capitaines,commandants, généraux. Tous disent : « C’est vous qui nousavezformés.»

De Bangui, départ en hélico pour Bouar, distant de quatrecents kilomètres. Atterrissage au camp Leclerc sous une pluiediluvienne. Les forces françaises y stationnent en raison desévénementsduTchad.PuisenroutepourlecampdeRoux,àsixkilomètres. Les Africains ont vu les hélicos se poser, c’est leretour de Bigeard ! Par centaines, ils sortent des cases etbloquent la route : ils veulent me toucher, m’embrasser, touscrient:«Bigeardrevient!»J’ailalarmeàl’oeil.

ÀBouar, discoursdumaire. Il rappelle commentnous avonssu transformer ce coin perdu d’Afrique avec mes trois millehommes,quandnousavionsconstruitaumilieudenullepartunstade, une chapelle, un temple, une piscine, et même un club

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hippique. Nous avions bâti une immense ferme où nouscultivions des légumes, où nous élevions des porcs et desboeufs.Ilyavaitaussiuneplantationdevingtmillemanguiers.Grâceàcetteferme,Bouarpouvaitvivreenautarcie.

Jedorsdansmonanciennecase.Elleest toujoursdebout. Jeme souviens de ces trente mois. Avec le recul, je me rendscompte que j’y ai été heureux, loin de l’ambiance politiquedétestable de l’époque, l’OAS, les attentats. Je me revoisentouré de Gaby, de Marie-France, du colonel Waroux, monadjoint.

Le lendemain, départ en jeep.Avec desmilitaires français etafricains, nous déjeunons au bord du fleuve Oubangui quisépareaujourd’huileZaïredelaRépubliquecentrafricaineetduCongo.Retour àBangui, soirée à l’ambassade de France. Lesadieuxsontémouvants.Chaqueparlementaire reçoituncadeaumodeste mais offert avec gentillesse et naturel, comme lesAfricainssaventsibienlefaire.

Puis décollage vers le Gabon. Atterrissage à Libreville. LeprésidentBongo, déjà lui, dirige le pays. Il voit grand, il veutfaireduGabonunmodèlededéveloppementafricaingrâceauxrichessesnaturellesdesonsol,enparticulierlepétrole.Ilnousreçoit en grande tenue et bottes de cuir blanc, assis dans unfauteuil impérial. Nous avons droit à un long exposé sur lesproblèmes qu’il rencontre dans ses relations avec la France.Bongosaitàquelpointj’aimel’Afrique:ilmereçoitcommeunprince.

Lematin, je continuemon entraînement, footing et bains demer, invitations midi et soir, journées de travail : un séjour

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fois-ci,jen’aipasàmescôtésmonsuppléant,GeorgesHusson.Le scrutin proportionnel a supprimé, provisoirement, lessuppléants.Georgesm’a écrit une lettre très amicale, prouvantqu’ilestunhommedebienaugrandcoeur:

«Mongénéral,

Au moment où se termine notre amicale collaboration,permettez-moidevousdirecombienj’aiétéheureuxetfieràlafoisdetravailleràvoscôtés,durantceshuitannées,tropcourtesàmongré.

J’espèrenepasavoir tropdéçuvotreattente surmon rôledesuppléant. Sans doute mon action fut-elle bien modeste,comparéeà lavôtreetà l’audience,nationaleet internationale,attachéeàvotrenom.

Ce fut pour moi un inoubliable et unique honneur que departager, en totaleconfiance, les sentimentset lesactions,nonseulement du plus grand soldat de notre temps, mais d’unhomme pour qui l’honneur, le respect de la parole donnée, lesensdel’effort,dubiencommun,delapatrie,sontdesvaleursauxquellesilaconsacrélemeilleurdelui-même.

Vousredisant,unefoisencore,matrèsgrandeadmirationpourla sincérité et la foi de vos convictions, pour l’ardeur aveclaquelle vous savez les transmettre, notamment aux plusjeunes…»

Je conserveprécieusement cette lettre avecmoi, commecelledu commandant Botella, un de ceux de la brousse, GeorgesHusson, un de ceux de la jungle, deux êtres exceptionnels,

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loyaux et francs ! Georges Husson était un diamant dans lemonde politique. Avec lui, j’avais l’impression d’être dans labrousseavecmeshommes.

Tête de liste, je suis assuré d’être élu.Le 16mars 1986, lesrésultats tombent. Je suis élu, Rossinot aussi. Le troisième,René Haby, va attendre que Rossinot devienne ministre pourhériter de son siège. À l’échelon national, la droite l’emportemaisdepeu:centquatorzeUDF,centquarante-septRPR.C’estsurtout une grande victoire pour Le Pen – trente-cinq siègespour leFront national – et pour le président qui a plutôt bienréussi son coup. Avec la proportionnelle, le FN entremassivementauParlementoùl’UDFetleRPRdisposentd’unemajorité fragile de quatre sièges. Une telle majorité ne peutpermettreaufuturPremierministredemécontentersessoutiens.Ildevranécessairementlouvoyer,fairedescompromis.Or,seulun homme disposant de la confiance des Français pourraitprendre lesmesures impopulairesmaisnécessairesqueréclamela situation et dire : «Retroussons-nous lesmanches, serrons-nouslaceinture.IlfautconsommermoinsettravaillerpluspourredresserlaFrance.»

La proportionnelle affaiblit les gouvernements, elle favoriselespartisaudétrimentdeshommesetencouragelesmagouilles.Nous sommes revenus sous la IVe République ! C’est ce quecherchaitMitterrandpoursemainteniraupouvoir.

Le20mars1986,JacquesChiracestnomméPremierministreetconstitueungouvernementplutôtétoffé :vingtRPRetdix-septUDF.LaLorraine y occupe une place de choix. FrançoisGuillaume, député deMeurthe-et-Moselle, est à l’Agriculture,AndréRossinot,mairedeNancy,a leportefeuilledesrelations

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avec le Parlement. Séguin, élu des Vosges, est ministre duTravailetLonguet,députéde laMeuse,seretrouveauxPosteset Télécommunications. J’ai l’impression de ne plus pouvoirouvriruneportesanstombersurunministre.

Chirac veut aller vite, c’est un vrai bulldozer. Il a unepuissancede travail incroyableetestcapabledeprononcerdixdiscours dans la journée sans paraître le moins du mondefatigué.J’auraisl’occasiondeleluidireunjour:«MonsieurlePremierministre,vousmedonnezdescomplexesetletorticolisàvousvoirainsivirevolter.»

Il n’a pas la tâche facile. La France a désormais deuxprésidentsoupresque.Jemedemandecequedoiventpenserdenous nos alliés, en particulier Ronald Reagan ou MargaretThatcher. De fait, j’ai toujours été contre la cohabitation. LaFranceabesoind’unchefetd’unseul.Notrepaysestencrise.À chaque crisemajeure, unhomme seul l’a sauvée.Ledernierfut le général de Gaulle qui a porté le pays à bout de braspendantplusieursannées.LesFrançaiss’étaientidentifiésàluiet grâce à cette confiance, à cette union, la France a pu seredresser.Au lieudecela,nousavonsmaintenant,en1986,unduod’équilibristesquiseméfientl’undel’autre.

Comme je le redoutais, la cohabitation va faire le lit duprésidentMitterrand,luiredonnerunesantéetfairedeluiDieule Père. Fin juin 1986, les sondages donnent déjà 61 %d’opinions favorables à Mitterrand, qui ne fait rien, sinoncritiquer,etseulement49%àJacquesChirac.

C’est dans ce contexte qu’une vague d’attentats secoue laFrance en septembre 1986.Comme toujours, les victimes sont

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l’emporte largement avec 55,72 % des voix. Il atteint même66,18 % des voix à Neuves-Maisons, un canton d’ancienssidérurgistes rattaché par le découpage électoral à macirconscription.Leprésident sortant repart rajeunideseptans.Quil’auraitcruen1983,1984,1985ou1986?Ilasutirerpartidelacohabitation.Celle-ciafaitoublierlebilandésastreuxdelagestionsocialisteetl’aremissurorbite.

Àdroite, c’est la consternation.Mitterrandest réélupourunnouveau septennat alors que les partisans de Jacques Chiraccroyaientdurcommeferàlavictoiredeleurpoulain.

Dans les états-majors, c’est l’heure des interrogations et descalculs.Mitterrandva-t-ildissoudrel’Assembléeélueen1986?Quesignifie l’ouverturedont ilparle?Certainssongentdéjààserallier.Etcommentréorganiserl’UDFaprèslaclaquequ’ellevientdeprendre?

Je suis loin de toutes ces palabres quime fatiguent. J’en aimarreetj’aienviederaccrocherplutôtquedeperdremontempsenmagouillesetencombines.Celles-cinem’intéressentpas.Jen’aiqu’unseulsouci,laFrance.

Je préviens le président du groupe parlementaire UDF Jean-ClaudeGaudin.Macirconscriptionestàladispositiondetoutepersonnalitéd’envergurequisouhaiteraits’yprésenter.JedisàAndréGiraud,leministredelaDéfense:

« Venez à Toul, je ferai campagne pour vous s’il y adissolution.»

C’est ce qui se produit. Fort de sa nouvelle popularité,

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François Mitterrand veut obtenir une majorité acquise à sesidées.Lepremiertourestfixéau5juin1988.Celalaissepeudetemps.

J’aienviededécrocher.J’enparleavecMarie-FranceetGaby.Je sais que la lutte sera serrée. En fait, la bataille est presqueperdue d’avance. Le découpage électoral a rattaché à macirconscriptionlecantondeNeuves-Maisons,majoritairementàgauche.S’iln’yavaitpaseuladissolution,j’auraispuyprendrepiedetpeaufinermarelève,avecleconcoursdesjeunesquimesoutiennent.Ce délaim’est refusé.Gaby etMarie-France sontdu même avis : tu es seul juge, tu as toujours agi selon taconscience.

On vient me voir, on me téléphone, on m’écrit pour medemanderdemereprésenter.Enversetcontretout.Lesrésultatsdupremiertourdelaprésidentiellemontrentqueladroite,BarreetChirac rassemblés,a fait seulement35,66%. Ilyabiensûrles16,22%obtenusparLePen,maisnulnesaitcequeferontlesélecteursduFrontnational.

Un général breveté de l’École de guerre vientme voir etmedit:

«JevoteraiLePen,aveclui,nousauronsassezdecréditsetonnenousmarcherapasdessus!»

Jememéfiedecetypederaisonnement.Oncherchetoujoursquelqu’un à qui se raccrocher, un homme fort. Encore faut-ilqu’il soit responsable ! En ce mois de mai 1988, je sais quel’effetLePennetiendrapaslacourse.Ils’essouffleravite.

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Jecèdefinalementauxsollicitationsdemesamis.Jedécidedeme représenter, pour un derniermandat.GeorgesHusson est ànouveaumonsuppléant.C’estunejoiepourmoideleretrouveràmescôtés.Nousneménageonspasnoseffortsetnousvisitonstouslesvillagesdelacirconscription,méthodiquement.

Le 5 juin 1988, c’est le premier tour. Les résultats sontsurprenants. J’obtiens44,37%desvoix, le socialiste42%, leFront national 8,37 % et le communiste 5,23 %. À l’échellenationale, la droite fait un meilleur score que prévu. Elle semaintient.

Quant àmoi, j’ai également obtenu unmeilleur résultat queprévuetj’aitoutesmeschancesdel’emporterausecondtour,àconditiondedonnerunboncoupdecollier.Ladroitepeutaussiinfligerun reversauxsocialistes,déjouer leursplans.FrançoisMitterrand l’a bien compris. Il se lance dans la campagne etintervient à la télévision pour demander aux Français de luidonnerunelargemajorité.

Chaque circonscription compte. Les socialistes sortent lagrosseartillerie.LesyndicalisteCFDTJacquesChérèque,futurministre de Michel Rocard, très connu en Lorraine, vientsoutenirlecandidatsocialistedansmacirconscription.C’estunatoutpourcedernier.

Le 12 juin, c’est le second tour. Mes amis et moi sommestoujours confiants. Jusqu’à l’arrivée des résultats des premiersbureaux de vote : résultats sans appel. À Neuves-Maisons,j’avaisperdu1500voixaupremiertour.Cettefois,j’enperds2063. Les socialistes se sont mobilisés et ont fait le plein, ycompris des voix communistes. Les autres bureaux de vote

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me rendre à la cérémonie aumonument auxmorts. Le colonelme propose de monter à bord de sa jeep. L’endroit est à unkilomètre, je refusegentimentdegrimperdanssoncarrosse,etnous remontons l’avenue,pavoisée, sous lesvivatsde la foule.Certainssontmêmevenusavecdesbanderolesoùl’onpeutlire:« Vive Bigeard ! ». Je confesse mon émotion devant cetteatmosphèredefêteetjeneregrettepasdem’êtrerenduàMont-de-Marsan.

Pourmapart,c’estunepartiedemaviequejevaisretrouveren me rendant, en 1995, en République centrafricaine,l’occasion de revoir ce camp deBouar où j’ai passé plusieursannéesaprèsmonexpériencealgérienne.

Cettevisiteestlefruitduhasard,enfinpresque.

En 1993, j’avais reçu à Toul la visite d’Ange-Félix Patassé,ancienPremierministredeJeanBédelBokassa,qui,aprèss’êtrebrouillé avec lui, avait passé de nombreuses années d’exil auTogo. Il est aujourd’hui de retour à Bangui et se présente àl’élection présidentielle du 19 septembre 1993 contre leprésidentsortantAndréKolingba,unancienmilitaire.

PatasséétaitvenuàToulpourobtenirmonsoutien.Ilm’avaitexpliquéqueceseraitvitalpour lui :«Vousavezlaisséuntelsouvenir dans mon pays qu’une lettre de recommandation devotrepartm’assurerait la victoire. » J’ai acceptéde le recevoirparcequej’avaisprisdesrenseignementsàsonsujet:tousmesinterlocuteursm’ontexpliquéqu’ilétait leseulàpouvoir faireredémarrersonpaysaprèsdesannéesdecriseetd’immobilisme.Je lui fais la lettre qu’il me demande et j’y ajoute un conseilqu’il ne suivra pas d’ailleurs, l’avenir en apportera la preuve :

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«SivousêteséluetsivousjouezàBokassa,faitesattention,jedébarqueraipourvousdemanderdescomptes!»

Deux ans plus tard, Ange-Félix Patassé, qui a ététriomphalementélu,m’inviteàvenirlerencontreràBangui.Audébut,j’hésitemaismonéditeuretamimeconvaincqu’ils’agitpourmoid’une formidableopportunitéde revoirBouar. Ilm’aaccompagnéenIndochineetjelesaisdebonconseil.

Nousvoilàpartispour l’Afrique.À l’aéroportdeBangui, uncomité d’accueil nous attend : un parterre de hauts gradés del’armée,engranduniformeetlapoitrinebardéededécorations.Le voyage m’a fatigué et je n’ai aucune envie d’être pris enchargeparcesgaillardsquiontdûmeconcocterunprogrammesansunseulinstantdeliberté.

Monéditeurmetired’affaire.L’undesescousins,mariéàuneCentrafricaine,estvenul’attendreàl’aéroport.Nousprétextonsd’urgentes retrouvailles familiales pour prendre la poudred’escampette. Nous traversons Bangui avec sa cathédrale debriquesrougesetsonquartierdesdeuxcentsvillasoùviventlesmilitaires français. Notre hôte habite un quartier populaire,légèrementexcentré.

Mon arrivée ne passe pas inaperçue.Très vite, samaison estentouréed’une foule joyeusequichanteetbatdesmains.Ellecherche à m’apercevoir mais se tient respectueusement àdistance, par volonté de ne pas m’importuner. La famille quim’accueilleamislespetitsplatsdanslesgrands.Elleapréparéun superbe cabri rôti à la broche, un véritable délice pour lesgourmets,accompagnédepatatesdoucesetdemanioc.

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Nousdevisonssurlavérandapendantquelanuittombed’uncoup comme c’est le cas en Afrique noire. On a l’impressionqu’une main mystérieuse tourne le commutateur et plonge lesenvironsdansl’obscurité.Jenem’attardepas.Jeregagnel’hôteletmachambre,oùjedorsd’unsommeilréparateur.

Le lendemain matin, je suis reçu, avec mon éditeur, à laprésidence de la République par le chef de l’État qui, pourl’occasion, a convoqué tous ses ministres. Ils sont alignés enrang d’oignons dans la salle qui sert au conseil desministres,debout et au garde-à-vous. C’est dans cette position que,pendantdeuxheures,ilsvontentendreAnge-FélixPatasséleurraconter par le menu sa visite à Toul, sa demande et, bienentendu, l’efficacité de ma missive qui lui a valu d’être trèslargementélu.

Les ministres rient et applaudissent à ces explications.L’atmosphère est plutôt bon enfant et je constate que leprésident,s’ilmèned’unepoignedefersongouvernement,n’ariend’unroiteletmégalomaneàlaBokassa.

Dans l’après-midi,nouspartonspourBouarenhélico.Notreappareil est suiviparunTransall. Je suisheureuxde retrouvermon ancienne base où rien ne semble avoir changé. Lesbâtimentssontenbonétat,lapiscineestintacte.Ilyamêmelepanneauindiquantcequ’ilestpermisetcequ’ilestdéfendudefaireauborddubassin :cepanneau, je l’avaisfait installeraudébut des années 1960. Je le fais remarquer à la jeune femmelieutenantquisetientconstammentàmescôtésetquiprendtrèsau sérieux samission.Ma constatation ne lui fait ni chaud nifroid.Ladiscipline,c’est ladisciplineet, ici,onaétéàbonneécole,onobéitauxordresdupèreBigeard!

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général des Transmissions au ministère de l’Intérieur avantd’être nommé en 1975 directeur général de la Fonctionpublique, puis de prendre en 1976 la direction de la Caissenationale de retraite et de s’occuper enfin de l’informatisationde l’administration algérienne. Membre du Comité central duFLN de 1979 à 1983, il avait siégé comme député de 1984 à1997. C’était donc un collègue, nous avions exercé tous lesdeux,àlamêmeépoque,unmandatélectif,departetd’autredelaMéditerranée,etunhommedontlavied’engagementmilitantestindiscutable.

Sonépouse,DrifaBenM’Hidi,étaitnéeàAinM’Lilla,prèsdeConstantine.Commesesfrères,Larbi,néen1923,etTahar,né en 1933 et tué au combat le 31 janvier 1957, elle s’étaitengagéedanslaluttearmée,devenantagentdeliaisonduFLN.Sonjeuneâgeluipermettaitdetransporterdesdocumentsd’unquartierà l’autre,puisquenulneprêtaitattentionauxalléesetvenuesd’unefillettededouzeans.

En 1961, ses chefs, prenant conscience des risques qu’ellecourait,lafirentpasserclandestinementauMaroc.Depuiscetteépoque,ellen’apascesséd’appartenirauFLN.

En dépit de leur engagement passé, ce couple avait conservéune grande indépendance d’esprit. Eux aussi souhaitaient laréconciliation entre la France et l’Algérie. C’est ce qu’ilsm’expliquèrentdurantcetterencontrechargéed’émotion.Mêmesi je ne partageais pas certains de leurs points de vue, j’étaisdécidéàlesécouteret jerapporteci-dessousleurspropossansque cela signifie que je les accepte.Toutemavie j’ai respectémesadversaires,pourquoienaurait-ilétéautrementcejour-là?Ilsm’ontfaitconfianceetjeleurensuisreconnaissant.

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Lors de cette rencontre, Abdelkrim Hassani m’expliqua lesraisonsetlanaturedesonengagement:

« J’ai combattude1956à1962.Pendant labatailled’Alger,j’étaisdanslemaquis,membredel’état-majordelawilayaVaudépart d’Oujda au Maroc. Nous étions obligés d’avoir notrequartier général hors des frontières, tant l’Algérie étaitquadrilléeparl’arméeadverse.Lesunitésfrançaisesprocédaientàdesopérationsdegrandeenvergure,desactionsde“nettoyage”qui n’épargnaient rien. Ces opérations, comme celle appelée“Pierre précieuse” menée en wilaya IV, étaient destinées à nelaisser aucune place à des éléments de l’ALN. Plus tard, j’aimenédesmissionsdansd’autreszonesd’Algérie.MaisaussienTunisie et même en Libye, à Tripoli, en 1959 et 1960. J’ycommandaisunebasechargéedelacentralisationdocumentaireet de l’organisation de l’acheminement de l’armement vers lesterrains de combat. J’avais trois cent cinquante hommes sousmes ordres. Les armes arrivaient des démocraties populaires,étaient livrées par bateau en Égypte. À la frontière égypto-libyenne,nousprenionsenchargelescamions,noustraversionstoutelaLibyepourlivrerensuitelesarmesaumaquisalgérien.ÀnotreretourdeTripoli,Drifaétaitparmi lescombattantsquiregagnaientleurpaysdevenuindépendant.

Plusdequaranteannéesontpassé.Comptetenudelasituationspécifique au plan de l’histoire, au plan de la géographie, auplandessentiments,desréalitésde tous les jours, jeconsidèrequ’ilyanécessitéàcequelesdeuxpopulationsserapprochent.Cette “mésentente” qui a existé – et qui existe encore pourcertains–entrelesdeuxpeuples,estdueàbiendesfantasmesetausouvenirdequelquesduresréalités.Ilesttempsd’ymettreuntermeetderapprocherlesdeuxpays.

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EnAlgérie,laplupartdescitoyensconsidèrentqu’ilyaeudenombreux dépassements propres à toute guerre subversive.Ducôté des forces militaires françaises, nous savons que lesméthodes appliquées n’ont pu l’être que sous l’ordre desgouvernantsdel’époque.Ilsenportenttoutelaresponsabilité.

Notre ennemi n’était pas la France. Nous ne luttions pascontre les Français, mais avant tout pour notre indépendance.Heureusement aujourd’hui, à la faveur des circonstancesnouvelles, beaucoup pensent qu’il faut mettre un terme à cepassédouloureux,àcessujetstabous,pourengagerl’avenirdenosdeuxpayssurlavoiedelaréconciliation.

Mon épouse Drifa et moi-même, nous avons fait le voyaged’AlgeràParispourvousadresserunmessagederéconciliation,etceàlasuitedel’heureuseinitiativedeM.Pascuito.Nousnesommespasvenusenayantoublié lesdouloureusesréalitésdupassé, mais on ne peut envisager de réconciliation entre nosdeuxpeuplessansvéritabledialogue.»

La soeur deBenM’Hidi est là devantmoi.Elleme rappelleLarbi : c’est très émouvant. En la voyant, j’ai devant moi levisage de l’homme qui fut mon prisonnier. Elle a la mêmefinesse,lamêmedignitéquesonfrère.J’ailagorgeserrée.LesproposdeBenM’Hidimereviennentenmémoire.Jemedisques’il était resté vivant, les relations entre nos deux peuplesauraient été bien différentes. Abdelkrim Hassani me leconfirme:

«LarbiBenM’Hidin’apasétéunennemidelaFrance,maisceluidelaprésencecoloniale.En1955,alorsqu’ilétaitchefdewilaya, il écrivait : “Le peuple algérien, dans sa lutte de

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J’aurais préféré qu’il démissionne à causede l’erreur commisepar le 6e RPIMa lors de son exercice. Cela aurait eu plus declasse et aurait été unevéritable réponse aux interrogationsdel’opinionpublique.

Je dois le dire, le coup de gueule de Nicolas Sarkozy m’aplutôtplu.Jeluiaidonnéraison.Ilaassezdeboulotpourqu’onne vienne pas lui infliger un surcroît de travail avec desincidents de ce type. Il a eu raison demettre un coupde pieddans la fourmilière et d’exiger des autoritésmilitaires qu’ellesreconnaissent leurs responsabilités et qu’elles disent la véritésurlesoriginesdecetragiqueetregrettableaccident.

Soncoupdegueulemontrequ’ilestunperpétuelinsatisfait.Àmesyeux,c’estplutôtbien.Seulunhommedecettetrempepeutfaire avancer les réformes. D’autant qu’il y a urgence. Depuisl’automne 2008, tous les pays dumonde, à commencer par lenôtre,sontconfrontésàunetrèsgravecriseéconomique,laplusgrave depuis les années 1930, cette triste période qui a vul’Europe sombrer dans la folie. Une telle situation requiert lamobilisation et l’union de tous, ce pour quoi je plaide depuisdes années. Il faut se serrer les coudes mais aussi la ceinturepour faire face et, surtout, mettre un bémol à nos misérablespetitesquerelles,biendérisoires.NicolasSarkozyl’acompris.Ila constitué un gouvernement d’ouverture, en choisissant sesministresàdroitecommeàgauche.Ilveutprendrelesmeilleursdans chaquedomaine et travailler avec eux sans sepréoccuperde leurs couleurs politiques ou de leurs origines. Après lalecturedecelivre, leslecteurscomprendrontque,surcepoint,jenepeuxqueluidonnerraison.Maisjedéploreaussiquebonnombre de Français se refusent encore à comprendre qu’ilsdoiventabandonnerleurscomportementségoïstespourfaireles

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sacrificesnécessaires.

Cette crise peut être pour la France une occasion sansprécédentdeseréformeretdesemoderniser.Pourcela, il fautquetoussoientunisderrièreNicolasSarkozycarsoncombatestcelui de la France, pour le bien des Français, avec l’appui dechacun. La nation doit pouvoir se retrouver et partager unobjectif commun. On en est encore loin mais, petit à petit,depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, qui est l’empêcheur detournerenrond,leschosesbougentinsensiblement.Entoutcas,mêmesi jedemandeàvoir–maisserai-je làencore longtempspourvoir–,jeluitiremonchapeau.Etcommejel’aifaitpourtous les présidents de la République, car il y va du destin detous,jeluisouhaitebonnechancepourqu’ilréussisse.

Toutcela, je l’aiobservédepuismamaisondeToul,à lafoismonpointdedépartetmonpointd’arrivée.Jenesauteplusenparachutedepuislongtempsetj’aidûprogressivementrenonceràmon joggingquotidien.La forceet ledynamismeque j’avaisdans les mollets et dans ma vieille carcasse, que je croyaisincrevable,remontentdansmoncrâne:ilbouillonnesanscesseaurisqued’exploser.Heureusement,jemedépenseenrépondantà mes correspondants, en recevant de nombreux visiteurs, enpoussantde tempsen tempsuncoupdegueuleque lesmédiasveulent bien encore répercuter. Et de temps en temps, je voisdébarquerchezmoidesjournalistesquinem’ontpasoublié.Enjuin2009,Jean-ClaudeNarcydeTF1estvenumevoiravecuneéquipedetélévision.Puis,lorsdesoncommentairedudéfilédu14 Juillet, ilm’a lancé à l’antenne un salut amical, ainsi qu’àGaby, que tous les téléspectateurs ont pu entendre. Ce gestenousabeaucouptouchés;qu’ilensoitremercié.

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Je vis à Toul, avec ceux laissés sur la piste sans fin oùj’écrivais,ilyaplusdecinquanteans,ceslignesprémonitoires:

«Pistesansfinquiramèneratoujoursaupointdedépartceuxquiontduréetqui,usésetvieillis,retrouverontleursvillages…ceux-lànepardonnerontjamaisàlapistedelesavoirprotégés,carellelesaurarejetésàlapauvreviedetouslesjourscommeunemaîtresseaiméeetinfidèle.»

J’aiautourdemoiGabyetMarie-France,lesdeuxfemmesdemavie.Ellesveillentsurmoicommel’avait faitavantellesmamère. Par la pensée, j’ai aussi autour de moi tous mescompagnons.Jesaisqu’ilsm’attendentetqu’ilsmepardonnentdeprendremontemps.Carj’aimetroplaFrancepourpouvoirlaquittersivitealorsqu’elleatantbesoindetoussesfils.

Jesuislà,toujourslà,lejourdemesquatre-vingtquatorzeans,avec la trace, si petite soit-elle, que je laisse sur terre, d’unBigeardtoujourslibre,etaujourd’huidansl’au-delà,pluslibrequejamais.

Toul,le14février2010.

Notedel'éditeur

LegénéralMarcelBigeards’estéteintàToulle18juin2010.

CompositionetmiseenpagesréaliséesparSudCompo-66140-Canet-en-Roussillon

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040/2010

ÉditionsduRocher28,rueduComte-Félix-Gastaldi

98000Monacowww.editionsdurocher.fr

ImpriméenFranceDépôtlégal:juin2010N°d’impression: