maria giulia dondero et göran sonesson.le groupe μ. quarante ans de rhétorique

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 Le Groupe μ. Quarante ans de rhétorique – Trente-trois ans de sémiotique visuelle : introduction Maria Giulia Dondero Fonds National de la Recherche Scientifique, ULG Göran Sonesson Centre de sémiotique cognitive, Université de Lund  publié en ligne le 2 9 janvier 2010 Index Articles des auteurs de l'article parus dans les Actes Sémiotiques : Mar ia Giul ia Dondero  et Gör an Sonesson . Mots-clés : Groupe µ, rhétorique Auteurs cités : Fred Andersson, Jean-Pierre Bertrand, Anne Beyaert-Geslin, Börries Blanke, Andreas Brøgger , Marie Carani Texte intégral Object1  Shar e on twitt er Shar e on fac eboo k Shar e on li nked in Shar e on del ici ous Shar e on cit euli ke Shar e on email More Sharing Services   La rencontre (du moins publique) du Groupe µ avec la sémiotique visuelle peut être datée de manière précise : c’est en 1976 que le célèbre groupe publie sa première tentative pour appliquer la « rhétorique générale » aux moyens de signification visuels. Dans cet article, qui, chose assez rare dans les travaux du groupe, s’occupe presque exclusivement d’une seule image, la « chafetière » du Julien Key , les auteurs se demandent si dans une telle image, qui réunit dans une seule forme les traits qui caractérisent un chat ainsi que ceux qui sont propres à une cafetière, il faut voir l’équivalent d’une métaphore dans le domaine verbal. La r éponse est donnée par la suite de travaux qui aboutissent au Traité du signe visuel en 1992: il est nécessaire d’abando nner ce genre de métaphores verbales exemplifiées par la métaphore (ainsi que par la métonymie, la synecdoque, et ainsi de suite) et réformer tout le système de catégories rhétoriques pour accommoder la visualité. Si auparavant on pouvait se contenter de l’opposition entre les figures absentes et les figures  présentes, main tenant il est néces saire de procéd er à une classifica tion croisée de prop riétés absentes et présentes, ainsi que des propriétés disjointes et conjointes, tout en tenant compte des couches plastiques et iconiques, aussi bien que de leurs combinaisons.

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Groupe μ, Sémiotique, Rhétorique

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  • Le Groupe . Quarante ans de rhtorique Trente-trois ans de smiotique visuelle :introductionMaria Giulia Dondero

    Fonds National de la Recherche Scientifique, ULG Gran Sonesson

    Centre de smiotique cognitive, Universit de Lund

    publi en ligne le 29 janvier 2010

    Index

    Articles des auteurs de l'article parus dans les Actes Smiotiques : Maria Giulia Dondero et Gran Sonesson.

    Mots-cls : Groupe , rhtorique

    Auteurs cits : Fred Andersson, Jean-Pierre Bertrand, Anne Beyaert-Geslin, Brries Blanke, Andreas Brgger, Marie Carani

    Texte intgral

    Object 1

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    La rencontre (du moins publique) du Groupe avec la smiotique visuelle peut tre date de manire prcise : cest en 1976 que le clbre groupe publie sa premire tentative pour appliquer la rhtorique gnrale aux moyens de signification visuels. Dans cet article, qui, chose assez rare dans les travaux du groupe, soccupe presque exclusivement dune seule image, la chafetire du Julien Key, les auteurs se demandent si dans une telle image, qui runit dans une seule forme les traits qui caractrisent un chat ainsi que ceux qui sont propres une cafetire, il faut voir lquivalent dune mtaphore dans le domaine verbal. La rponse est donne par la suite de travaux qui aboutissent au Trait du signe visuel en 1992: il est ncessaire dabandonner ce genre de mtaphores verbales exemplifies par la mtaphore (ainsi que par la mtonymie, la synecdoque, et ainsi de suite) et rformer tout le systme de catgories rhtoriques pour accommoder la visualit. Si auparavant on pouvait se contenter de lopposition entre les figures absentes et les figures prsentes, maintenant il est ncessaire de procder une classification croise de proprits absentes et prsentes, ainsi que des proprits disjointes et conjointes, tout en tenant compte des couches plastiques et iconiques, aussi bien que de leurs combinaisons.

  • Cet vnement est important dans la (courte) histoire de la smiotique visuelle. Si Roland Barthes a proclam la dpendance totale de limage par rapport la langue, et si Ren Lindekens, qui comprenait mieux ce que la smiose de limage avait de spcifique, na pas russi trs bien se faire comprendre, Jean-Marie Floch et Flix Thrlemann, dont les analyses particulires des imagesont apport des connaissances importantes, ont proclam la non-existence dune spcificit de limage.

    Cest donc au sein des proccupations pour la rhtorique visuelle quune vritable smiotique des images est ne : pour rendre compte des dviations, qui produisent les effets rhtoriques, il faut biensoccuper des rgles gnrales par rapport auxquelles ces dviations deviennent rhtoriques. Dans latradition inspire par les grands traits consacrs la classification de figures, qui a domin la rhtorique pendant ce dernier demi-millnaire, de Ramus Fontanier, cest la rupture par rapport la norme qui dfinit la substance de la rhtorique. Or, pour tudier les dviations, il faut bien connatre les normes. Cest sans doute cette dernire observation qui a fait concevoir au Groupe un projet qui avait peine t devin auparavant, et qui tait videmment impossible concevoir, du point de vue du seul domaine qui, jusqu maintenant, sest occup des images, lhistoire de lart : de trouver les rgles prsidant aux organisations des images. La plus grande partie du Trait est en effet consacre aux dterminations des rgles valables pour toutes sortes dimages. Floch, et avec lui, toute lcole de Greimas, a ni la possibilit de trouver une spcificit de limage. Ce que lanalyse peut dterminer, selon Floch, cest, un extrme, ce qui est particulier luvre analyse,et, lautre extrme, des rgles communes toutes sortes de productions de signification. Lcole de Qubec, tout en proposant une foule de schmas trs gnraux, semble pourtant aussi mettre laccent sur le cas particulier.

    Il est vrai que quelques penseurs dun esprit plus philosophique, plus adverses liconicit de limage, et sans se soucier des images particulires, tels que Umberto Eco et Nelson Goodman, ont voulu voir, au sein de la production des images, des rgles plus ou moins gnrales, en effet des conventions, mais ces rgles ou bien ne sont pas spcifiques limage, mais dterminent au moins aussi les mondes socioculturels dans lesquels ces images sont cres ou exprimentes ; ou bien elles doivent tre inventes ad hoc pour chaque image particulire. Cest dire que des rgles gnrales prsidant la cration des images ne sont pas possibles comme des rgles de combinaisons des units prdtermines. Elles peuvent seulement tre conues comme des transformations partir de la ralit donne par la perception.

    Il importe aussi de noter loriginalit mthodologique des travaux du Groupe . Alors que Floch, Thrlemann, Saint-Martin, Carani et leurs adeptes procdent par lanalyse dtaille dune uvre aprs lautre, et alors que Eco, par exemple, se consacre des rflexions trs gnrales, le Groupe prend son point de dpart dans une grille dfinie par des proprits croises, dont il remplit ensuite les cases avec des exemples concrets des images. La seule exception cette mthodologie, aprs la chafetire, semble avoir t lanalyse de Sans titre de Rothko, dans le recueil o ltude de la mme uvre est aussi tente par des reprsentants de lcole de Paris, lcole de Qubec et lcole de Lund selon les termes utiliss par Fernande Saint-Martin dans lintroduction au recueil.

    vrai dire, le Groupe na peut-tre pas proprement dire form une cole, dans le sens o ce terme sapplique au courant greimassien. On pourrait dire, avec plus de justifications, que le Groupe a acquis un certain nombre de compagnons de route . Certains dentre eux sont reprsents dans le prsent recueil. Or, cest sans doute cause de son grand intrt thorique que la conceptiondu Groupe a attir lattention, plus que lcole de Greimas, galement de la part des thoriciens dela smiotique que ne sont ni francophones ni hispanophones. Cette conception, malgr la barrire dulangage, a eu une grande importance surtout dans le nord de lEurope. Le modle de signe iconique propos par le Groupe est au centre du livre de lallemand Brries Blanke (2003) sur la smiotique des images. Au Danemark, Frederik Stjernfelt (2007) sest inspir dans plusieurs aspectsde la thorie du Groupe en proposant, dans la filire de Husserl et de Peirce, le diagramme comme un chemin fondamental la connaissance, et en insistant surtout sur les transformations dont le Groupe fait tat. Cest aussi au Danemark qui a t crit, pour autant que nous sachions, la

  • seule thse de doctorat, celle dAndreas Brgger, qui soccupe exclusivement de lexposition et de la critique de la thorie rhtorique du Groupe . En Sude, dans un manuel crit par Gran Sonesson en 1992 et utilis partout dans les pays nordiques comme une introduction la smiotiquevisuelle, une partie importante est consacre la rhtorique du Groupe . Parmi les membres du sminaire de smiotique assembl autour de Sonesson luniversit de Lund, nombreux sont ceux qui, dune manire plus ou moins importante, se sont inspirs des thories du Groupe , en proposant des modifications et/ou des amplifications : part Sonesson lui-mme, on peut mentionner Anders Marner, Hans Sternudd, Fred Andersson et Sara Lenninger. Nous ne pouvons que regretter que, pour des raisons diverses, seul Sonesson ait pu participer au colloque Le Groupe : Quarante ans de recherche collective qui sest tenu Lige les 11 et 12 avril 2008, et seulement Andersson, ct de Sonesson, a t en tat de donner une contribution ce recueil. Venons prsent la prsentation de ces articles.

    Larticle de Sonesson Rhetoric from the standpoint of the Lifeworld , en partant de la rhtorique visuelle du Groupe , mais aussi de la notion de monde de la vie emprunte la phnomnologie husserlienne, affirme que, contrairement aux signes verbaux, les images sont immdiatement rhtoriques, parce qu'elles offrent en mme temps leur similitude et leur diffrence par rapport au monde de la perception. Sonesson propose par consquent une vision de la rhtorique qui prend en compte de manire plus dterminante les structures de la perception telles quelles apparaissent au sens commun, voire surdtermines par les mondes de la vie socioculturels spcifiques. ce but il conoit quatre dimensions de la rhtorique de limage : les premires deux visent phnomenologiser les catgorisations rhtoriques. La dimension primaire, lindexicalit, drive sa signification d'un cart par rapport l'intgration relative des voisinages iconique et/ou plastiqueset la deuxime, liconicit, est fonde sur lattente d'une diffrenciation relative des objets du monde. Lintroduction des deux autres dimensions, lune dpendant du caractre fictif de l'image entant que signe et lautre concernant l'image en tant quobjet social limage est interprtable partir de sa construction, circulation, et fonction sert justifier une rhtorique de limage qui prend en compte les diffrences socioculturelles de sa production et de sa rception en poussant ainsi plus avant la vise pragmatique de la smiotique du Groupe .

    Larticle de Fred Andersson Groupe and the System of Plastic Form for an evaluation , centrant sa rflexion sur les catgories plastiques, propose leur utilisation non seulement dans le champs des images artistiques, mais aussi des objets et de lexprience quotidienne. Dans ce but lauteur clarifie la place de la smiotique plastique non seulement au sein de la thorie gnrale du signe visuel articul par Groupe dans son Trait du signe visuel (1992), mais aussi en comparaison avec des notions esthtiques telles que forme/formation visuelle et avec des notions smiotiques telles quelles ont t dveloppes par Hjelmslev. En ce sens, cette investigation montrecomment cette thorie du signe visuel est aujourdhui dune grande valeur non seulement au sein dela discipline, mais galement dans le milieu de la communication et de la pdagogie.

    Larticle dOdile Le Guern Image de Entre individu et catgorie, de la logique la rhtorique revient sur deux fils conducteurs des recherches du Group : la relation entre image et texte verbal,en loccurrence le cartel des tableaux, et la relation entre occurrence visuelle et type iconique. Lauteure dmontre comment un portrait peut renvoyer une gnralit si la lgende qui laccompagne valorise une relation iconique de ressemblance faite de la somme des similarits qui rapprochent le sujet reprsent des autres individus de la mme classe et au contraire comment il peut renvoyer la somme des diffrences du sujet reprsent avec les autres individus si la lgende valorise une relation indicielle. Larticle met en relation les signes linguistiques du nom commun et du nom propre avec deux lectures diffrentes de limage qui mettent en jeu non seulement des rfrents distincts, mais aussi une diffrente lecture des objets reprsents dans le tableau.

    Dans larticle La smiotique visuelle entre principes gnraux et spcificits. partir du Groupe , Maria Giulia Dondero compare la smiotique visuelle du Groupe celle de Jean-Marie Flochen partant des exigences et des orientations de la smiotique gnrale actuelle notamment la smiotique de lempreinte et la smiotique des pratiques de Jacques Fontanille ainsi que la

  • smiotique des cultures de Franois Rastier -, voire le questionnement sur la relation entre texte, pratique et perception. Cet article met en valeur le caractre prconisateur de certaines thorisations du Groupe en ce qui concerne la possibilit de traiter dune manire smiotique la question mdiatique, qui a t refoule par une grande partie de la smiotique visuelle pour longtemps. Larticle articule la question de la tension entre gnralit et transfrabilit des concepts dun langage lautre, dune part, et la prise en compte des spcificits de chaque langage, de lautre . Au centre des prcieuses rflexions du Groupe autour du rendu visuel provenant des diffrentes techniques et pratiques de production, Dondero identifie dans la thorie de la texture, qui articule les notions de support et de geste dinscription, ainsi que de temporalit de linstanciation et de la rception, un des concepts oprationnels le plus prcieux pour lavance de la smiotique gnrale.

    Les articles des autres contributeurs au numro peaufinent les catgorisations proposes dans les annes 90 dans le Trait du signe visuel en les mettant lpreuve par des textes visuels rsistants . Spcialiste de la thorisation du rapport entre texture et matire, sur lequel elle revient ici, Anne Beyaert-Geslin, dans larticle La figure, le fond, le gouffre (En hommage au Groupe ) , valorise galement la porte des thorisations du Groupe qui posent la perception parmi les actions permettant la constitution des catgories analytiques de limage. Elle montre comment la notion de dcision utilise par le Groupe dans le Trait du signe visuel est essentielle la comprhension de la constitution du rapport figure/fond, parce quelle rend smiotiquement pertinent le rle de lobservateur qui, travers une stratgie alternative de la perception, dcide du statut de figure ou de fond des traits visuels. Et cest justement travers la dcision perceptive que des stimuli seront identifis une texture, une figure ou une criture selon le cas et ensuite la dcision smantique distribuera les valeurs. Comme la toujours voulu la smiotique dinspiration greimassienne, lanalyse de Beyaert-Geslin permet la confrontation entre une thorie gnrale et des cas historiquement attests qui pourraient tre dfinis comme exemplaires dune excentricit (Matisse, Dubuffet, Giacometti) et qui posent de problmes la thorie gnrale en la faisant avancer par des carts progressifs.

    Larticle de Georges Roque A propos du Trait du signe visuel : une remarque et deux questions se pose dans la mme perspective que celui de Beyaert-Geslin en deux sens : dabord parce que lobjectif est dtudier sur deux cas duvres lapproche que propose le Trait du signe visuel, en faisant tat des avantages et des difficults rencontrs, et ensuite parce que cest la distinction entre signe iconique et signe plastique et le fait que ce soit le type dattention perceptive et culturellementoriente porte aux configurations visuelles qui peut dterminer le choix dune lecture plastique ou iconique. Son tude sur linteraction icono-plastique vise notamment tudier comment rendre compte dun signifi tout fait plastique qui ne sappuie pas sur un signifi iconique. Mais ce dernier est dailleurs valoris par Roque non seulement en tant que renvoi un rfrent ou un type comme le fait le Groupe mais en tant que dispositif dpendant des significations iconographiques et iconologiques dont on ne peut pas se passer dans lanalyse dune image. Fondamentale est aussi sa contribution pour une smiotique du pigment, qui permettrait de traiter les caractristiques matrielles des couleurs en compltant les thorisations sur la teinte, la clart et la saturation.

    En annexe, nous publions deux articles qui portent sur linfluence du Groupe en gnral, au-del de la seule rhtorique visuelle. Dans les Cinq questions poses Francis Edeline et Jean-Marie Klinkenberg (propos dj publi en anglais dans Signs and Meaning : Five Questions, Peer F. Bundgaard & Frederik Stjernfelt (eds.), New York, Automatic Press/VIP, 2009 et ici disponible pourle public francophone), on dcouvre leur parcours au sein des sciences du langage, de la linguistique structurale la smiotique visuelle en passant par la rhtorique gnrale, dcrit par eux-mmes. Ces rponses sont aussi une valuation de la situation actuelle de la smiotique, de ses rapports avec les autres sciences humaines et de quelques possibles croisements avec les sciences dures surtout en ce qui concerne la dmarche descriptive que notre discipline peut leur offrir.

    Notre parcours, qui commence Lige et qui passe par lEurope du Nord et la France, revient la Belgique, et plus prcisment Lige. Ce dossier a en fait le plaisir daccueillir aussi une

  • contribution de Jean-Pierre Bertrand, clbre sociologue de la littrature dont une partie de la formation est due au Groupe , sa rhtorique gnrale et sa rhtorique de la posie. Cet article tmoigne de limportance que ces ouvrages revtent encore aujourdhui dans la formation des jeunes tudiants et doctorants au sein de lacadmie belge. Dans lensemble, donc, ces deux textes portent tmoignage de limportance de la contribution scientifique du Groupe , aussi bien au niveau international quau sein de la Belgique.

    Pour citer ce document

    Maria Giulia Dondero et Gran Sonesson. Le Groupe . Quarante ans de rhtorique Trente-trois ans de smiotique visuelle, Actes Smiotiques [En ligne]. 2010. Disponible sur : (consult le 04/08/2015)

    Le Groupe . Quarante ans de rhtorique Trente-trois ans de smiotique visuelle : introduction