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י י ח ד ו ה מ  ר פ ס ל ו ר י ב ג  ן ב י ד  ה מ ל ש  ר י ־י כ ב ח ה  רב ע ן ו ש ל ל  בר ע  ן ו שמל םק יתעהו םטק ל רשא א ר י ק ל פ  ן ב ל ד ב ו ט ם ש ׳ ר ן ר ק כ ן י י ע נ ם י ת ה ג ה ו ס י ר א פ ב  רפ א ס י ר פ ב ה ר צ ו א ב  ׳ ״ נ ר פ ס  ך י ת ח ם י ת ק ת ע ה »״ כ ת י ח מ ה ק ת ע ה  ׳ כ ל ע  ק ר ס ח  צ כ א ל ק ל ו  י ב ר ׳ ב  ר פ י ב ה ת ו א י ג ש ן ק ת ל ק נ ו מ   ג ד ר ז ע י ל א   ה< ק ה מ ל ש  י י ע ל ה  י נ א ט נ ר ט נ י א ל ס נ כ ו ה ו ק ת ע ו ה www.hcbrcwb  o oks. org ט״ם שת ם י י ח י ״ ע ס י ר א פ ע ־ ־ ב ל ח ״ ר י ת  ׳ ה ת נ ש

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REPRODUiT45 R U B oe

PAR L E S P R O C E D E S D O R E lT O C O U B V I U L PA R 1 S

X V M

MELANGESDE

PHILOSOPHIE JUIVE ET ARABER N E M N E F R A T

Des Extraits methodiques de la Source deviede SALOMON I B S GKIIROL (dit Avicebron), traduils cn fran^ais sur la version bebraique de SCIIEM-TOB IBK-FALAQCKRA , et accompagnes de notes critiques el cxplicativcs ; un Mcmoire sur la vie, les Merits et la philosophic d'lbn-Gebirol, des Notices sur les principaux philosopbcs arabes ct leurs doctrines, et une Esquisse historique de la philosophic chez les Juifs.

P a r t. M U N KMEMBRL DC LIMSTITCT

PARIS

blBRAlRIE

PIIILOSOPH1QUE J.

VRIN

6, PLACE D L S R O N (V) E A OBNE 1927

AVISPOUR LA PREMIfcRL LIVRAISON

Les fcuilles que je public aujourd'hui, imprimes dcpuis plusieurs mois, forment la parlie la plus importanic dc ccs Melanges. Elles renfermcnt: ilcs Extrails hebrcux fails par Ibn-Falaquera dc la Source de vie (Fons vitas') d'lbn-liclurol ou Aviccbron ; 2la traduction fran^aise dc ces mimes Extraits, accompagncc dc nolcs critiques et explicatives; 3 unc notice sur la vie et les Perils d'lbn-Gebirol, ct unc courtc anaksc du Fans titer., pour laquclle jc me suis aid6 d'une version latinc manuscrite. Ce travail, promts dcpuis long-tenips. a etc commence il y a d6j4 plusieurs annics; mais, a peine avais-je mis In main a I'ceuvre, que mes travaux furent intcrrompus par la plus crucllc des infirmites. Dcpuis lors, la publication du lomc I du Guide dc Maimonide a r6clam6 tout cc qui mc rcstait dc forces physiques. Encourag6parla bienveillance dc quclques amis, j'ai prolile des premiers moments de loisir pour reprendre mon travail sur ll>n-(.ebirol, auquel doivent se joindre quelqucs autres cssais relatifs a la h i 1 0 sophie des Arabcs et des Juifs. Mais, conunc 10s diflkultes de ma situation actuelle ne me pcrmcttcnt dc faire avanrcr 1'imprcssion de ces Melanges qu'avcc unc extreme lentcur, j'ai voulu macquitler sans retard d'une sorte dc devoir cn publiant les documents que renfermc cette premiire livraison , ot qui, j o s c fesptrer, ne seront pas sans inl6rflt pour ceux qui sc livrcnt aux etudes de la philosophie du moyen age. Les Extraits htbrcux du Fons vitnr, quoique peu volurnincux, n6cessitaient un travail long cl difficile; lc manuscril unique sur lequel ils ont 616 publics est malhcurcuscment d6fime dc

jugcr de la

jj I I ] { ! I I j j | 1 | I j

j'ai adoptees c l que

gCndralemcnt j ' a i

chcrcl16 a justificr dans les notes qui accompagncnt la traduction fran1erkM*te*, 0 " B. O a r , Leipiif, I 8 5 S , in-.8t r

VIII

nouvel ouvrage sur la philosophic chr6liennc (Die christhche Philosophie, t. I , Grettingue, 1858), rectifi etcomplete d'apres mes articlcs plusicurs details important* concernant Al-Gaz&li, lbnB4dja ct Ibn-Hoschd, ct q u i , dans son grand ouvrage sur l'Histoirc dc la philosophie, avaient 6t6 pr6scnt6s d'une maniere inexacle et incompletc Er> outre, M. Rittcr a cru devoir consacrer ici un paragraphc special 4 la philosophie des Juifs au moyen 4 g c , en meltanl a profit mon travail sur Avicebron. J'ai dil fitre plus sensible encore aux paroles flatleuses d'un orienlalistc distingue, M. Ernest Renan, q u i , dans la preface dc son excellcnle monographic sur Averroes el VAverroisme, a bien veulu mcntionncr mes articles parmi les Merits dont i l a pu tirer profit. Jc nc me cache pas cependant, et j'ch ai d6ja fail 1'aveu (pag. 338), que mes cssais, loul en sc pr6scnlant ici sous unc forme plus deveI0pp6c, sont bicn loin d'6puiserune matierc q u i , 4 divers litres, mritcrait encore d'etre l'objct de rcchcrches nouvclles et de d6ve.I0ppemenls nouveaux. Mes esquisscs peuvent 6trc complt6es Q4 ct 14 par certains details que j'ai pu exposer dans les notes jointes au premier volume du Guide des Egarte de Mai'monide et auxquelles j'ai eu soin de renvoyer le lecteur; d'aulres details encore trouvcronl place, je l'espere, dans les volumes suivants du Guide ct dans les Prolegomenes. Dans YAppendice, j'ai donn6, outre lc texle arabe de deux passages Iraduils dans le cours dc cet ouvrage, une note sur l'astronome Alpetragius (cil6 dans quclques passages de ce volume et sur lequel on ne trouve nulle part d'indicalion exacle), et j ' y ai reproduit aussi l'arlicle que, dans le Diclionnaire des sciences philosophiques, j'avais consacre 4 Leon Hebreu, auleur des Dialogues damour. Tcls qu'ils sont, ces iUlanges, j'ose l'esperer, seront accueillis avec bienveillance, gr4cc aux documents in6dils et peu acccssibles qui y ont 6t6 mis a profit et 4 la nouvcaute dc la plupart des fails que j ' a i cu l'occasion d'y fairc connaitre. S. MUNK.P a r i i , fcTfier 1859.

EXTRAITSDE

LA SOURCE DE VIEDE

SALOMON IBN-GEBIROL

PREFACE DU TRADUCTEUR I I E B R E U .

Schcm-Tob, fils de Joseph ibii-Falaquera, d i t : Ayanl etudie le livre compos( par le savant Rabbi Salomon ibn-Gebirol et intitule la Source de vie, i l in a semble que rauteur, dans ses doctrines, a suivi le systeme de qnelques philosophes aneiens, tel que cclui dont i l est traite dans l'ouvrage compose par Empedocle sur les cinq substances ( .I.e present livre est base sur (ce principe) q u e toutes les substances spirituelles ont une matiere spirituellc, la forme venant d'-en bant sur la m a tiere qui la rp^oit cn bas; e'est-a-dire, que la matiere est un substratum et que la forme est portee par elle 1- . Aristote a c c r i t , comme je le trouve dans le X H livre de la Mdtaphysique, que les anciens attribuaient une matiere aux choses eternclles. Mais, d i t - i l , tout cc qui a une matiere est compost et renferme une possibility("); par consequent, d i t - i l ,f

(1) Lc ms. portc trcs dislinctcment ; mais il faut peut-Ctre lire sur la cinquieme substance. I I s'agit sans doutc de l'ouvrage mcmionne par Laniprias sous lc litre de 7615!-i.s 77iar:T/if 0C(7taf. Voy. Sturz, Empedoclcs Agritjentinus (Lipsiaj, 1805, in-8), pag. 73. (2) Voy. ci-aprds, liv. V, 69. (3) C'cst-adire: c'est unc chose possible ct non nicessaire; car la ma.arc n'est que la faculte d'etre, une chose cn puissance.

_ 4 i l nc peul y avoir matiere que dans les cboscs qui sont soumiscs a la naissance et a la destruction et q u i sc transformcnt m u tuellement les unes dans les autres 3nv iytt '.// ,:)/' fti^av, rat TtLv t5ieuv oaot /* y.-rriTU. xivr.rv S yov ' a)/' 0J '/vv/,Tr,v, iti'ku. 7ro0tv c .0:1 Arisloie icvient souvent sur cetlc distinction cntre la matierc dc la naissance et dc la destruction et celle des choscs eicrnellcs ou des spheres. La malierc proprcmcnl dile nc pcut etrc atlribuee qu'aux choscs qui naissent les unes des autres cl qui se transformeni Ics unes dans Ics autres; mais cc qui est ou nest pas, sans qu'il y nil changement, n'a pas de malierc. Voy. ibid., liv. M i l , ch.V (edit. Brandis, pag. 172^ : 0V6i r../f. %.wr! ii-.X-t a n OCOJV yiveaif (771 /.ui ufTa'oW, et; V/r//a. 0 7 o'av-y 17)^1^ 00iVriv n uv , et alors elle retourne dans son monde suptfrieur. 3. II n'y a dans l'6tre que trois choses, savoir, la matiere avec la forme, la substance premiere (Dieu), etlaVolontd, intermediaire entre les deux extremes. La raison pourquoi il n'y a dans l'etre que ces trois choses, c'est qu'il ne peut y avoir d'effet sans qu'il y ait une cause et (qu'il faut) un intermediaire entre les deux ( .)La cause, c'est la substance premiere; l'effet, c'est la matiere avec la forme; 1'intermddiaire entre les deux, c'est la Volontd. La matiere et la forme ressemblent au corps de l'homme et a sa forme, qui est la liaison de ses membres; la Volonte ressemble, a l'ame et la substance premiere a l'intelligence. 4. Ce qu'il convient le plus d'etudier d'abord, des qu'on connait 1'art de la demonstration (la.logique), et ce qu'il est le plus utile d'etudier, c'est !'essence de Tame, ses facultds,2

(1) Le texie hebrea poric lc pluricl 1 nous avons cru devoir substituer lc singulier car il est 6vi dent que ce verbe so rapportc i 1 la pratiq gulicr que la vers. lat. pr6scnte ici la mCme faute. Voici la traductiou de cc passage : et opus separat animam a suis contrariis, qua:loedunteam, et R E D U C U N T earn ad suam naturam et suam substantiam. II faut changer reducunt cn reducit.

(2) On est frappS dc la physionomie indienne que pr6sente ce passage, qui nous rappclle ce que le systeme Vtd&nta enseigne sur la ddivrance (moukti) obtenuc par la pratique, ou les cxerciccs pieux, et par la connaissance, ou la meditation. Voy. Essais sur laphilosophie des Hindous, par Colebrooke, traduits par M. Paulhicr,

pag. 197, et cf. Bhagavad-Gutta, I I I , 3 ct suiv. Voy. aussi ciaprfis, liv. I l l , 37. (3) Voy. ciapr6s, liv. I l l , 1 " t suiv.L'auteur veut motivcr C ici la division de la science m6taphysiquc cn trois parties, dont chacune a pour objel Tune des trois parties de l'etre, comme on le verra dans !'analyse du premier livre que nous donncrons plus loin.

ses accidents et tout ce qui I'atteint et s'y attache( ); car l'ame est le substratum des connaissances et elle pergoit toutes les choses par ses facultes qui penetrent tout. Si tu Studies la science de l'ame, tu connaitras sa superiorite, sa permanence et sa faculte de tout environner, de maniere que tu seras etonne de sa substance, lorsque tu la verras, du moins en quelque sorte, porter toutes les choses. Tu sentiras alors que toi-meme tu environnes tout ce que tu connais des choses qui existent, et que les choses existantes que tu connais subsistent en quelque sorte dans toi-meme. En te sentant ainsi toi-meme environner tout ce que tu connais, tu verras que tu environnes tout l'univers avec plus de rapidite qu'un clin d'oeil. Mais tu ne pourrais le faire, si l'ame n'etait pas une substance subtile et forte (a la fois), penetrant toutes les choses et etant la demeure de toutes les choscs. 5. La connaissance qui est le but dc l'existence de 1'homme, c'est la connaissance de l'univers tel qu'il est, et particulierement la connaissance de la substance premiere qui le porte et le met en mouvement. Connaitre la veritable nature de la substance, abstraction faite des actions qui en emanent, est chose impossible; mais il est possible de connaitre son existence, designee par les actions qui en emanent. Si la connaissance de la veritable nature de la substance est impossible, c'est parce qu'elle est au dessusde toute chose et qu'elle est infinie. 6. Si toutes les choses ont unc (seule) matiere universelle, cellc-ci a ndcessairement les proprietes suivantes : celle d'etre celle de subsisler par elle-meme, celle d'etre d'une seule essence W,

1

(1) L'autcur, avant d'enlrcr en matiere, insistc de nouveau, comme il l'a d6ja fail au 1, sur la n6cessil6 de ]etude psychologique, qui doit scrvir dc point dc depart 4 la philosophie. Cf. liv. I l l , 37. (2) Lc ms. hebreu (qui, en gen6ral, est ici lr6s corrompu) porte et la vers. lat. : iLLius essentia!; il faut lire 6videmmcnt, dans I'hebrcu, et dans la vers, lat., U N I U S essentia'.. Cf. plus loin on lui,

celle tie porter la diversity, et celle tie donner a tout son essence et son nom. On lui accorde la proprietd d'etre (* ,parce que le non-etre ne pourrait etre la matiere de ce qifi est; on lui accorde celle de subsister par ellc-meme, car la chose ne pent pas se continuer a l'infini, (ce qui arrivcrait pourtant) si la matiere (universelle) subsistait par autre chose; on lui accorde celle d'etre une, parce que nous demandons une matiere unique pour toutes les choses; celle de porter la divcrsite, parce que la diversite est dans les formes et que les formes ne subsistent pas par elles-memes; enfin celle de donner d tout son essence et son nom, parce que, portant tout, il faut qu'elle se trouve dans tout, et, se trouvant dans tout, il faut qu'elle donne a tout son essence et son nom (.)

la propri6t6 d'etre une), et Ji v. V, 2 9 : Voy. aussi Abraham ben-David, Emound Ram& (publie a Francfort-sur-Mein, 1852), tcxtc h6brcu, pag. 11, oil, dans la cilalion de noire passage, on lit (1) Le tcxie 116breu pone ( u lui donne 1'eire); de memo, plus loin, o.i . faut subsiitucr aux mots , qui n'offrcnt pas de sens, le mot ou un autre verbe passifaccorde ! ' U N I T E (OU

analogue. Je suppose que le tcxtc arabe portait J La vers, lat. porte : Materia dicitur habere esse. (2) Le lexte 116breu dc ce paragraphc est tr6s corrompu, et j'ai d le corrigcr dans plusicurs endroits, soit par conjecture, soit k Q Taide dc la vers. lat. L'autcur a pour but, dans ce paragrapbe, d'6tablir l'cxistencc d'une matiere universelle servant dc substratum k lout cc qui est cn dehors de Dicu. Si cetlc mature existe, dit-il, cllc doit avoir cerlaines propri6l6s (cf. liv. V, 29), ct si dans tout cc qui est, nous pouvons, par !'abstraction successive dc touics les formes, decouvrir un substratum ayanl lesditcs propri6t6s, il sera d6montr6 qu'il existe unc matiere universelle pour toutes les choses. Cette matiere universelle, comme on le verra plus loin, n'a d'autrc categoric que celle de la substance, ct Paulcur la distingue dc la mati6re qui porte les neuf categories des accidents ct qui est 10 substratum dc la corporciie.

- 9 7. La divcrsite entre les etres visibles ne consistc que dans les formes visibles, et de meme la divcrsite entre les etres invisibles (spirituels) " ne consistc que dans les formes invisibles; par consequent la divcrsite n'a lieu que par les formes des etres. Mais la substance invisible n'a pas de forme; jc veux dire : la matiere premiere universelle est une, sans divcrsite( ). On peut prendre pour excmple la boucle d'oreille, le bracelet et l'anneau qui sont faits dor; car leurs formes sont diverses, mais la matiere qui porte ees formes est une, et son essence n'est qu'une . De meme les etres diflerent par la forme, mais la matiere qui les porte est une. 8. Si nous disons que la matiere (universelle) existe, c'est lorsque la forme spirituellc y est jointe; mais en elle-meme elle n'est pas proprc a !existence a laquelle elle est propre quand la forme y est attaclice, e'est-a-dire a l'cxistence en acte. Toutcfois, qnoiqii'elle ne pnisse pas exister sans cela, elle est propre a une autre existence, savoir, a l'existence en1 2

puissance.

9. La matiere est de quatre espeees, ainsi que la forme; savoir: la matiere particnliere arlilieielle'* ,la matiere particulierc natuivlle, la matiere generale naturelle, qui porte (en

(1) Litleralcmcnt: les vires interieurs; le mot est la traduction du mol arabe ^^?|' 1 ui siguific interieur, occulte, invisible, cl qui est oppose a j&Ue, manifeste, visible. (2) Nous avons ici complete noire tcxtc d'apres la vers. lal., qui porte : Similiter.diversilas qtim est inter ea quae sunt occulta non accidit nisi per formas occultas; ergo diversilas non contingit nisi

per formas cor urn ijucvsunt. Sed essentia occulta non suscipit formas,

hoc csl materia prima universalis una non habct uivcrsitatem. (3) La vers. lat. porte : ct non fucril ilia essentia matcriae aliud ab essentia illorum. D'apres celle version il faudrait lire '?s Elements, de meme il y a dans la substance des formes non ndcessaires, comme la couleur et la figure qui lui sont p r o pres ( )et les autres accidents semblables, tandis qu'il y en a d'autres qui sont ndcessaires, comme (la forme de) la quantitcS qui est ndcessairement attachdc a la substance. Enfin de meme que ce sont les formes de la matiere (universelle) qui rencontrent l'intellect (*), de meme ce sont les formes de l substance qui rencontrent le sens. Et ainsi il y a encore d'autres analogies ft) entre les deux extremitds (de l'etre). 14. Pour arriver a la connaissance que nous cherchons de l matiere et de la forme, on n'a pas besoin de connaitre des p r e dicaments autre chose que leurs genres, leurs especes, leurs differences, leurs proprietcs, cc que celles-ci ont dc commuu et en quoi-elles sont diverscs (*); et il faut savoir que tous cos a

a

(1) Vers. lat. :

el sunt qusedam qure non sunt affix!**

sicut formas elemcntorum; similiter ex formis substantia;, aZtYe non sunt affixes, ut color ctfigurapropria , ctc. On remarquera aussi que la vers. lat. a ici partout nffir.ee \k 011 la vers. h6bra| que a nlcessaire; il paraitrait que le traducteur latin a l u

dans !'original arabe, *Spl, tandis que Ie traducteur hdbrcu a |

u

(2) C'est -&di re, seprtsentent k l'intellect ou lc frappent; vers, lat.: sunt obviantes intelligenlice, ct de mfime, un pcu plus loin sunt obviantes sensui.

(3) Le ms. hfebreu porte ( en fait de quantite), ce q j est 6videmment une faute. Nous avons substitu6 ( en f ! j de ressemblance ou d'analogie). Vers. lat. : et [sic] se habent qusecunque sunt sibi similia inter duo extrema. (4) Littdralement: Tu n'as pas besoin, en fait de la connais^u u

sance des predicaments, de connattre quelque chose de plus leurs genres, etc. La vers. lat. diffcre un peu de noire texte;

q

U e

on y lit : non eges scienliA praedicamentorum, scd scientist gencru^ et specierum et differcntiarum et proprictatum suarum et diversj. talis. La manitre dont I'auteur s'cxprimc offrc un peu d'obscu-

genres(') sont des formes pour la substance qui est leur substratum. Mais il Taut surtout avoir soin d'examincr la substance qui les porte, ct il faut que !'intelligence fasse a cet egard les plus grands efforts; car cette substance est une chose intelligible, et non pas une chose sensible, et la connaissance (qu'on peut avoir) d'elle doit precede! celle de toutes les autres substances intelligiblcs. Mais, quoique cette substance soit une chose intelligible, elle n'occupe pas le meme rang que les autres choses intelligiblcs; car elle est placee a 1'extremite infericure des substances ct elle est passive, tandis que les autres substances( ) sont actives. La preuve que cette substance est passive, et non active, la voici: tout agent, a !'exception del'agent premier2

ril6. II parait votiloir dire que, pour la connaissance de la mati6re cl dc la forme, il nc s'agit pas, comme pour la substance inferieure, dc la connaissance des categories, mais seulcment des notions g6n6ralcs ct abstraites, comme ccllcs dc genre, (Yesptce, etc. Il scmblcrait que I'auteur fait ici allusion ix cc qu'on appclle les categoremes ou Ics quinquc voces, dont traite Porpliyrc dans VIsagocje; il dirait done que c'est dc ces dcrniercs notions seulemcnt qu'il s'agit ici, et non pas des categories proprcmcnl ditcs. En effet nous retrouvons ici les cinq calegordmcs 4 l'cxccption dc Yaccident. Le mol , que nous traduisons ici par predicaments, parait s'appliquer 4 la fois aux categories cl aux categoremes. Les mots signifienl leur communaule et leur divcrsite,- le pronom leur se rapporlc, je crois, aux quatre categoremes qui viennent d'etre enumer6s, et le sens est qu'il fautaussi connaitre cc que ces notions ont dc commun et cn quoi elles different. L'auteur parait avoir en vuc cc que Porphyre expose 4 lafindc Ylsagoge, chap. VI ct suiv. (1) Ici lc mot genre est employe dans le sens de categorie ou predicament. Aristote lui-meme donne souvent aux categories le nom dc genres (/ivr,), parce qu'elles rcpr6sentent les notions les plus g6nerales designees par les mots. Voy. mes notes au Guide des egares dc Maimonidc, t. I , pag. 193.(2) Par les autres substances I'auteur parait entendre les intelligences scpartes

(c.-a-d. cclles des spheres) ct les substances simples. Voy. I l l , 42, ct passim.

(Dion), a bosoin d'un substratum qui re^oivc son action; or, il n'y a au dessous de cette substance aucune autre substance qui puissc enrecevoir Taction, car cette substance est l'extrdmite infericure de l'etre, et elle est comme au centre des autres substances intelligiblcs (qui forment des eirconfdrences). Ensuite, la quantite I'empOcho de se mouvoir et ne lui permet pas dc marcher, car elle s'etend sur la substance qui est plongee dans elle; c'est pourquoi (cette substance) ressemble a une flamme de feu trouble par I'humiditdqui y cstm61ee et qui l'cmpeche de se mouvoir rapidement, ou bien a l'air trouble par les images qui empechent la lumidre d'y penetrer. C'est pourquoi aussi l'imprcssion epic re^oit la substance est d'autant plus visible, quand, etant d'une complexion subtile, elle est apte a recevoir son impression [et par SON impression, je veux dire l'imprcssion que font dans elle les substances intelligibles en y penetrant] et alors se montre Taction que les substances spirituelles exerccnt sur lc corps(), en le pdnetrant et en le traversant comme le (rayon de) soleil qui penetre a travers certains obstacles ct les perce. Mais, outre que la quantite retient cette substance et lui rend impossible d'etre active, celle-ci est en elle-meme privee de mouvement, a cause de son eloignement de la source ct de la racine du mouvement, et parce qu'il ne lui arrive pas de la faculld active, qui meut les choses, de quoi devenir elle-mGme motrice et active; il en rdsulte done qu'elle reste fixe, sans communiquer le mouvement, quoiqu'elle soit mue, e'est-adire passive. La preuve que la quantite empeche la substance qui la porte de se mouvoir, c'est que le corps, a mesure

(1) Nous a^ons ici complete noire tcxie hdbreu conformfimentk la vers, lat., qui porte: hoc est ut penetrarc possint actionem substantiarum intelligibilium in earn; tunc apparebit actio etc.

(2) Plus littdralcmcnt: en le regardant et en le dechirant. (3) Le ms. h6brcu ajoute ct I'alltre; nous avons cru devoir effacer ces mots, qui inlerrompent la suite logiquc dc la phrase ct qui d'aillcurs nc se trouvenl pas dans la vers. lat.

- 25 que sa quantite augmente, devient plus lourd ct sc meut plus difficilement. 15. Cette chose est appelee tantot substance et tantot maliire; la difference entre le nom de substance et cclui de matiere est celle-ci: le nom de matiere designe la chose qui est disposee a recevoir la forme, mais qui ne l'a.pas encore re^ue, tandis que le nom de substance designe la matiere qui a re^u une forme et qui, par cette forme, est devenue une substance particuliere. 16. Cette substance done est la chose qui porte la forme de la quantitd; la nature de cette substance emane d'une autre substance superieure qui est la substance de la nature ( )el son essence derive de l'essence de la nature. Tu peux dire, si tu veux, qu'elle est le plus bas degre de la nature, ou bien la faculty infime d'entre ses facultes. Toutes les fois qu'une chose ddrive d'une autre chose, il faut qu'il y ait unc similitude entre les deux choses; si done cette substance vient de la substance de la nature, il faut qu'il y ait une similitude entre cette substance et la nature. 17. Lorsque l'homme connait \equoi de cette substance il en connait aussi le pourquoi (*); car le pourquoi se trouve a cote du quoi. Pour parler du pourquoi des etres, il faut posseder la science de la Volontt (divine)( ). Le pourquoi implique la cause (finale) pour laquelle chacun des genres, chacune des especes et chacun des individus passe de la puissance a l'acte, et le terme oil chacune de ces choses s'arrete. 18. Puisque c'est la Volonte qui meut toutes les formes portees par la matiere et qui les fait pendtrer jusqu'a la der 3

(1) Conf. plus loin, III, 42, et passim, sur les gradations de I'fitre. (2) C'est-&-dire: d6s qu'il sail ce qu'elle est, il en connatt aussi la causefinale.Le mot ddsigne la quiddil6 ou le ,1*1 est Ie 1*17.9. ou la cause finale. Conf. plus loin, V, 30. (3) Litteralement: Le discours (oratio) sur le pourquoi desOJT

tires fait partie de la science de la VolonU.

2> f ntere cxtrdmitd de la matiere, parce que la Volonte penctre et environne tout ct que la forme la suit et lui est soumisc, il s'ensuit ndcessaircmcnt que les diffcrcntcs parties de la forme, c'cst-adire, les differences qui constituent les especes et les divisent, s'impriment et se tracent dans la matiere selon ce que la Volonte cn possede dans elle (. 19. Et ceci indique un grand mystere, savoir, que tous les 6tres sont relenus par la Volonte (divine) ct en dependent parco que c'est par elle que chacune des formes des etres s trace dans la matiere et s'y imprimc avec 'galitd [ -j'cmploic ici en gendral le mot cgaliU pour (exprimer) !'opposition w et ,

(1) Littfiralcment: / / s'ensuit ndcessairemcnl que impression des differentes parties de la forme ct leur inscription dans la matitre (se fait) scion ce qui est de ccla dans la Volonte. La vers, lat. rend ces dcrnicrs mots par secundum hoc quod est in voluntatc de hoc.

(2) doit fitre consid6r6 comme rinfinilif avec lc suffixe f6minin sc rapportant h Les mots signifient: le juste milieu ou iegalili de son impression, e'est-adire, son impression 6galcment distribute. Lc mot sc rapporto & Qa Volontd). Vers. lat. : Quia qujecunque forma; coruni quae sunt opus babent formari in materia ct aequalitcr sigillari cx e4. n Les mots opus habenl paraisscnt elrc de trop ; il faut pcul-1rc lire : formari carum in materia et icqualiter sigillari est cx 04 (sc. yoluntate) , dc sorte que les mots formari el sigillari seraicnt employes comme substanlifs dans lc sens dc formation ct unpression. Lc tcxtc hebrcu du moins nc mc parait pas admettrc d'autre interpretation. (3) Lc ms. bebreu a ,cc qui nc donne pas dc sens; !! faut lire sans doulc conf. plus loin Vers. lat.: Et omnino jequalitas opionis (i. c. oppositionis) formarum in matcria ct libralionis in ilia cx volunlate est quae coarclat ct stare facii [eas], etc. D'apres le latin Ics mots que nous avons considers comme unc parcnthesc formcnt la suite dc la phrase, ct il faudrait traduire : et je dirai en general que I'egalile dc I'opposition et dcHquilibre des formes dans la matiere vient dc la Volonte qui les retienl el les fixe.

27 l'cquilibrc des formes dans la mature]. En oflet, c'est la Volontd qui les retient et les fixe aux limites et aux extrdmites oti elles s'arrtent, et c'est par la Volontd que les formes sont regulierement disposdes et egalisees tout en etant sous sa ddpendance et retenues par elle. Ainsi, par exemple (-) la substance se divise en simple et composee; le simple, en intellect et ame et en forme et matifcre; le compose, en vegdtatif et non vdgetatif, en vivant et non vivant; et d'autres oppositions qu'on rencontre dans les differences qui divisent la matifcre et en constituent l'etre ( ). 20. On ne saurait comprendre le mystere de la Volontri qu'apres avoir acquis la connaissance de !'universality de la matiere et de la forme; car c'est la Volonte qui fait la matiere et la forme et qui les met en mouvement. La doctrine de la Volontd suppose celle de la matifcre et de la forme, comme celle de l'intellect suppose celle de l'ame, et (a son tour) la doctrine de l'intellect suppose celle de l'ame, comme celle de la mati&re et de la forme suppose celle de l'intellect (*). 3

(1) Le latin a: competentes (sic!) materice; il faut pcul-filre !ire dans notre texte ( et 6galis6es dans la malitre), dc sorte que Ics pronoms dans ct ( sa ddpendance, par elle) se rapportcraient a la malierc. (2) Cct exemple se rapporte a ce que I'auteur a dit de 1'opposition ct de l'dquilibre des formes dans la matiere. (3) Litldralemcnt: et la constituent; c'est-idire, en font un Aire d6termin6. Vers. lat. : cl cam ducunt ad esse. (4) Plus litt6ralemenl: le rang quoccupe la doctrine de la Volontt vis-a-vis de celle de la matiere et de la forme, c'est le rang quoccupe la doctrine de l'intellect vis-a-vis de celle de I'&me, elc.

Nous devons notcr la varianlc que prdsentc la vers. lat.: Et diclio voluntatis talem habct comparationcm ad diciionem materia; et formse qualem comparationcm habct diclio animce ad diciionem corporis et qualem habet dictio materia; et forma primce ad diclionem intelligentiae. D'apr6s celte version il faudrait rdtablir ainsi le lexlc hdbreu:

_ 2 21. Si tu demandes comment est ! existence de celle substance et en quel lieu 111 dois te ligurer son existence, il faut que tu saches que toule chose n'a pas besoin, pour subsisler, d'un lieu corporcl; car ce qui n'est pas un corps, mais une substance simple, subsiste dans la cause qui le porte, ct i ! faut que la cause soit egalemont simple In substance n'est pas en elle-meme un corps pour qu'elle ait un lieu (oil elle existe), mais elle est le lieu de la quantite, dans laquelle 10 lieu (l'cspace) existe en realite. On pourrait objector: si le lieu (l'espace) est dans la quantite, comment pout-on dire avec cela que la substance est le lieu de la quantite, puisquc le lieu suppose !'application de la surface d'un corps a cello d'un autre corps et que la substance, n'etant point un corps n'a pas de surface pour pouvoir s'appliquer a la quantite? 22. Voici la reponse: Pour se ligurer les choscs dans leur realitd, il ne faut pas confondre les formes des choses inferieures Jivec celles des supdrieures; que si tu trouves une quaHte quelconque dans Ics individus, ou dans les especes, ou dans les genres qui sont prcs ourraient pas s'attachcr (Inn aJ'autic ; et s'ils ne s'nttaelmicnt pas (1'un a 1'autre , la substance ne !ourrait pas exister un seul instant. bcmoiitlralion : L'agent premier ost l'unite veritable dans laquelle il n'y a aucune multiplicilc, et la substance qui jwrte les neuf categories 1st la multiplicilc extreme, apres laquelle il n'y a pas de chose plus multiple; tout cc c]11i (st multiple ct compose se resout dans !'unite : done, il faut ncetssairciuent (pill y ait des interniediaires entre !'unite veritable et la multiplicity composee. Autre dimon xtration : Tout agent nc fait que ce qui lui est semblablc; 1-

( 1 ) Pour montror qu'en f6n6ral deux choses opposees ne peuV P M s'aiiachcr lime .1 l'autrc que par un intermediate, I'auteur rite I'exemple d IWme el du corps, cl 1 fail observer que c'est 1 ['esprit qui leur sen (I'inlerinnliaire et de lien. Par esprit I'auteur j entend ici prnhablcincnt !'ensemble des irois csprits admis par Ics { amicus, savoir, 1'cspril physique ou naturel, !'esprit Hal ct" I'csprit animal. (Voy07 me> nnies au Guide des F.yarts dc MaimO- j niile, t. I , cliap. L W I I , p:13 ..M.) I.c mot ( spiritns n'admd { pas d'autre inicrpreiaii..n. Conf. ei-apres, 8, ou 1'aulcur dteigne j cxpressement l'ospi 1 vital. 1 Jx

1

: 0

"!)stance simple est semblable a 1'agenl premier: done, !'agent premier ne fait que la substance simple. Plus la substance descend, plus elle devient multiple, et 1'1'is elle mnnte, plus elle prcnd le cnractcre de l'unite, de rte qu'elle doit linir par arriver a !'unite veritable. II faut d1ie qu j | j t . multiple arrive a la sul>stancc vcritaAnient unc . Le petit monde (l'homme) ressemble au grand mondc 0* 1 univers) par 1'ordre et la construction U\ substance de '"tellect, qui est la plus subtile, la plus simple et la plus blime dc toutes les substances du petit monde, ne s'attache ( 1 directement) au corps; car lame et 1'esprit sont inter'diaires entre les deux. II doit y avoir dans le grand monde ordre analogue; je veux dire, (pie la substance ' la phis ple cl lu p | sublime ne saurait s'attacher (directement) la coqx)reite, c'est-a-dire, a la substance qui |K>rtc les cat('*6>ries.s 0 a s S a 0 ) s,) 8 mt Slt s '7h 7i;

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SjzTtzov T6>v at/07jTMV EC'-SMV f v. j ;!j) r, ; , 7. . Conf. ct-aprcs, liv. V, a la fin e %

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spirituelles et que celles-la sont emanees de celles-ci; or, comme les spheres corporelles ont matiere el forme, il doit en etre de meme des spheres spirituelles. La preuve que les substances spirituelles ont une matiere commune et qu'elles different par la forme, la voici: comme les* actions de ces substances sont diflerentes (') il n'y a pas de doute que leurs formes ne soient difTdrentcs. Mais on ne saurait admettre que les matieres de ces substances soient diflerentes, puisqu'elles sont toutes simples et spirituelles, q'ue la difference est dans la forme, et que la matiere simple est en elle-meme sans forme. 2. L'idde cependant qu'il faut avoir des formes spirituelles, c'est qu'elles sont toutes une seule forme et qu'elles ne different pas en elles-mdmes; car elles sont toutes purcment spirituelles et la diversite ne leur vient que de la part de la matiere qui les porte W. Si celle-ci est pres de la perfection, elle est subtile, etJa forme qui est portee par elle est extremement simple et spirituellc, et vice versa. Tu peux prendre pour comparaison la lumiere du soleil; car celte lumiere en elle-meme est unc : si elle rencontre un air pur et subtil, elle le penetre et on l'y voit tout autre qu'on ne la voit dans un air trouble, qui n'est pas clair. II en est de meme de la forme. 3. Ce qui prouve que les substances simples, qui sont au dessus des substances composees, sont composees de ma.tiere et de forme, c'est que (comme nous l'avons dit) Ics choses inferieures viennent des choses superieures et en sent 1'image; car, si l'inferieur vient du superieur, il faut que les degrcs des substances corporelles correspondent aux degree

(1) Cf. ci-dessus, liv. I l l , 27 et suiv. (2) L'auteur veut dire, ce me scmblc, que d'un autre col6 les substances simples, considr6es c^mmc formes purcs, ne sauraicnt etre numdriquement distinctes; car tout cc qui n'est ni un corps ni unc facull6 dans un corps n'admet point la mull1plicil6. Voy. Guide des Egards, pag. iZi, et ibid., notes 3 et I. (3) Voy. ciaprcs, 22.

-

0(5

des substances spirituellcs. De meme done que dans la s u b stance corporelle (on pent distinguer) trois degres differents qui sont 10 corps cpais, lc corps subtil, ct cntin la matierc ct la forme dont elle est composee, de memo la substance spirituellc a trois degres differents : le premier est la sn>stance spirituellc qui vient immediatcment apres la substance corporelle; ensuite vient la substance spirituellc qui surpasso ccllela cn spiritualite, ct enfin la malierc cl la forme d o n t elle est composee. i . La preuve que 10 superieur se retrouve dans l'inferieuv c'est que les cbosos superieures donncnt au\ clioses i n f o . rieures leurs nonis el leurs definitions. Dc plus , rintelleet pare les formes d'avee la corporeite, ct cn cela il y a une preuve (pie les formes portees par la substance composee emanent des substances simples. 5. S'il n'est pas impossible que le compose soit simple j j n'est pas impossible non plus que lc simple soil compose . . 5 car lc compose est simple par rapport a ee qui est au desso! de lui, et (de meme) le simple pent etre compose par rapport a ce qui est au dessus dc lui. 6. Comme rintelleet individuel est compose do matiere de forme, il s'ensuit quo rintelleet universel est egaloniont) compose dc matiere ct de forme ' ; tar nous jngcons ^S c ls o t 0

1

| * I I | | f | j ! ^

(1) Ici l'autcur cnlcnd par !-hoses superieures les genres et j especes, et par choscs infericurcs, les individus. ( 2) L'autcur vein cxpliquer comment ces substances, compos c de matierc ct dciormc, peuvenl etre appclecs simples. Cf. !tag. To note 3. (3) Ce paragraphe prescnlc de nombrcuscs difficultes. Non seu_ lemcnt on n'en rcconnait pas bicn la liaison avec cc qui precede ce qui suit, mais il n'offrc pas cn lui-mOmc de prime abord un o n semble d'iddes dont il soit facile de bicn suivrc l'cncliaincmoni. Malhcurcusemcnt, la vers. lat. sc trouvant ici dans lc plus granisformes Jesc

substances et leur division doivent dcriver, non pas n

0

rp0rell0

cn comparaison de la forme. E l puisqu'il en est a i n s i , \\ clair que la lumiere en elle-meme est unc seule chose qu'il lui arrive d'etre troublee, de la meme manierc

^s

, nj;\j que oela.\ j pur

arrive a la lumiere qui sc repand a travel's les vitrcs et lumiere du soleil sc rcpandanl dans un air rpii n'est pas 23. Toutes les formes iulerieures existent dans les

forn!es0 c t

superieures, et, a mesure que la substance est plus c l e \ e plus pure, elle reunit el embrasse plus dc formes. A i n s i

jo t

a

substance, qui est subtile, j>orte (la forme de) la q u a n t i t y ce qu'il y a dans cellc-ci cn fail de figure et dc couleur; sensible, qui ejt plus pure que la substance, recoil les

Tonic fornix^a r

.des choses sensibles ct les porte par sa propre subtilite ot la subtilite des formes sensibles; l a m e rationnelle p o r t e

la

(I)

\ crs. l a t . :

Diminutio

I inn in is substantiarum

ct

di\o ^r

tas, etc. > II est indifferent (tour lc sens de lire , ou ,

lmnii'rc ; car la fyrnic a etc plus haut

/>1/ representee c0n ^0 1>n

pj

I inn it r .t

1

l*f

O'est-a-dirc : elle est la meme dans toutes ses parties ;

j

a

vets. lat. ajouie : et inferior pars ejus talis est 111 essentia superior.

qualis

83 substance avec toutes les formes qu'elle rcnferme; 1'intellec porte toutes les formes qui sont au dessous de lui, et (enfin) la matiere premiere universelle porte la forme de tout (l'etre) d'une maniere absolue. 24. Le monde corporel el compose est 1'image du monde spirituel et simple, et ce qui est plus bas d'entre les mondes simples est 1'image de cc qui en est plus haut, jusqu'a ce que successivcmcnt on arrive au monde simple par excellence. Tu pcux prendre pour exemple certaines formes corporelles qu'on voit en veillant; car ces formes corporelles sont 1'image des formes psychiqucs (" qu'on pcrgoit dans le reve, et de meme les formes psychiqucs qu'on per^oit dans le reve sont 1'image des formes intelligibles intcrieures. 25. II faut done que les formes inferieures soient emances des formes superieures; de sorte que la forme des substances corporelles se retrouvera dans celle de la nature, celle de la nature dans celle de lame et celle de lame dans celle de 1'intellect. 26. La preuve que les formes sensibles sont cachces dans les formes intelligiblcs, c'est que les figures et les couleurs se montrent dans l'animal, le vegetal ct le mineral, par I'impression.qu'y font l'ame et la nature, et que la manifestation des couleurs peinteset desfigures(- ,et, en general, celle de toutes les formes artificielles, vient de fame rationnelle. Si on m'objectait que peut-etre ces formes naissent dans les (substances) composees par les elements qui se reunissent dans une certainc proportion W, et non pas par les impressions des substances1

(4) Voy. ci-dessus, pag.J>4, et ibid., note 2. (2) La vers. lat. 6num6re trois choses: ... depictionum colorum et figurarum; de m61ne dans les deux passages suivants. l'eul6irefaut-ulire dans notre texte: . (3) Lems. porte par 1a reunion des substances A E L L E S , cc qui n'offrc pas de sens bic satisfaisant; au lieu de il faut lire sans doutc .selon uhe proportion, ie^on qui est confirmee par la vers. lat.: ex conjunctioncclcmentorum secundum aliquam proporlioncm;'~1 j."i

simples, je repondrais: Si 10s couleurs et lesfiguresnaissaient des elements, elles se trouvewient toujours de la meme m a niere dans les choses qui on sont composees , ct eelles- j ne varieraient pas dans les couleurs et lesfigurescomme elles varient dans la reception des impressions des substances (simples). 27. Toutes les formes inferieures existent dans les fomios superieures d'une manierc plus simple et plus subtile; ainsi par exemple, lj?s corps ot leurs formes existent dans la faculte imaginative, (qui est une) des facultes de lame, quoique (ces formes) soient cachecs aux sons - . Et bicn plus encore toutes les formes existent dans l'intellect. 28. La forme de !'intellect pcrfoit toutes les formes et j connait; la forme de l'ame rationnelle pcr^oit une partie des formes intelligibles( et les connait, cn sc mouvant dans o l l et en les parcourant, ce qui est scmblable a faction de l'inte!_ lect; la forme de l'ame vitale permit les formes corporelles et les connait, en mouvant les corps tout entiers dans leS paces (* , ce qui est semblafcle a l'action dc fame rationnel\ . la forme de l'ame vegetative percoit les substances des 00j.p et meut leurs parties dans l'espaee, ce qui est scmblable faction de lame vitale; la forme de la natureopere l a r e u n j des parties, leur attraction, leur expulsion et leur tra11sforuj _0 e < % 55 e s e s o n a

(1) C'est-a-dire, qui sont composes des elements; ^ ^ rapportc a La vers, lat., au moyen dc laquelle o avons complete le tcxtc, porte : Si ha? depictiones, col ores t figuraefierenlex dementis, semper habercnt esse in composite eis uno modo, cl non diversificarenlur composita in depictionj^^ colorihus et figuris sicut diversificanlur in rccipiendo niprcssiojj^ subslanliarum. (2) C'esi-4-dire: lors mdmc qu'elles ne sont pas pcrceptifcj^ pour les sens. (3) Vers, lat.: apprehendit formas intelligibiles ; le { ane panic) n'y est pas exprimc. (I) Cf. ci-dessus, liv. I l l , 28 (pag. 55).Q u s c e

x

- 85 lion ,ce qui est semblable a l'action de lame vegetative. Or, ctffiune ces actions sont semblables entre elles, il faut neeessairement que les formes dont elles naissent soient semblables entre elles. 29. Nous avons deja dit que ce qui, de ces substances, est plus parfait et plus fort, est une cause pour ce qui est plus imparfait et plus faible. Or, comme les formes des substances simples et composees se rcpandent dans leurs essences et les environnent tout entieres, et que les formes derivent les unes des autres, savoir, les inferieures des superieures, et se rangent dans un certain ordre depuis 1'extremite superieure jusqu'a 1'extremite inferieure, (il en resulte que) la forme (universelle) < se repand dans toutes les formes, comme la lumiere se repand dans fair, et s'etend avec continuity du haut vers le bas, remplissant la matiere et l'environnant, de maniere qu'aucune de ses parties n'en reste vide, ni aucun lieu n'en reste nu sans la revetir. dependant elle se trouve dans la matiere a des degres differents; car, a 1'extremite su perieure, la lumiere qui en emane 1 ' est pure et parfaite et la substance qui la porte est spirituelle et subtile, tandis qu'a rextremite inferieure, la lumiere qui en emane est sombre, ombragee et trouble, et la substance qui la porte est corporelle et epaisse; entre les deux extremites il y a des (nuances) moyennes, selon le changement de la lumiere et l'epaisseur2) 3

(1) Cf. ci-dessus, pag. 55, note 4. (2) Le ms. porte simplcment , et la forme; mais il est Evident que c'est ici que commence le complement de la phrase, et, pour plus de clarte, nous avons substitu6 . La vers. lat. porte : cur non vides quod forma infusa, etc. Le texte arabe avait probablement ^\ , ce qui n'est qu'une forte affirmation; d'apres cela, il faudrait lire en hebreu : (3) C'esl-4-dire, qui emane de la forme. Les mots que porte le ms. ont da etre changes en Vers. lat.: quia fuil ab ea in supremo lumen purum.

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qu'a la matiere, suivant qu'elle est plus pres ou plus loin (des extremites). Si tu examines la forme sous ce rapport, tu trouveras (pi'elle commence par ctre spirituellc et parfaite, mais qu'ensuite elle s'epaissit par degres, jusqu'a ce qu'elle arrive a la derniere extremite ; la tu verras cesser tout mouvement, et la forme en repos (y sera) arretee. 30. Comme la forme premiere est la seconde unite, objet de faction dc l'unite premiere et active, et que l'unite pre-, miere active n'est pas comme l'unite du nombre, il faut que l'unite qui recoit son action soit comme l'unile du nombre (,) c'est-a-dire, il faul qu'elle soit multiplieablc ct divisible, et, a cause de cela, elle doit etre multiple ct variec, ct les nombres des formes seront multiples par sa multiplicite ct varieront par sa variation. Cc qui en est la cause, c'est qu'elle se mele a la matierc et qu'elle s'eloignc de la source de l'unite. 31. La lumiere qui se repand dans la matierc dmane d'une autre lumiere qui est au dessus de la matierc, savoir, de la lumiere qui existe dans l'essence dc la faculte efficiente; j veux parler dc la Volonlt, qui fait passer la forme de la puis^ sance a l'aclc. Dans la Volonte, la forme tout entiereW est en acle par rapport a l'agent ( ; )ct si Ton dit qu'elle y est en puissance, c'est uniquement par rapport a ce qui recoit faction. Si In consideres la faculte de la Volonte ct les formes qu'elle possede en elle, tu verras.que ce que la matiere unU verselle en recoit [c'est-a-dire, toutes les formes portees par elle, malgre leur lumiere, leur multitude et leur grandeur] n'est, en comparaison de cc qu'elle (la Volonte) en possede elle-meme, que ce que l'air recoit de la lumiere du soleil; car la lumiere qui se repand dans l'air est tres peu de chose en comparaison de la lumiere qui se trouve dans le soleil lui-.e

(1) Voir*ci-dessus, 20. (2) Vers. lat.: omnis forma; le texte 116b. dit: T O T A forma. (3) C'est-a-dire, par rapport 4 la Volonte efficiente elle-meme. Cf. liv. V, 1 9 .

meme, et tel est precisement Ie rapport de la forme dc la matit'rc a celle de la Volonte. Mais la seconde lumiere (seule) est appelee forme, et non pas la premiere, parce que la seconde est portee' par la matierc et lui sert de forme, tandis que la premiere n'est portee par rien, et, par consequent, ne sert de forme a rien. 32. II resulte (de ce que nous avons dit) que les formes sont (au nombre dc) trois : la premiere est celle qui existe dans l'essence dc la Volonte; ccpendant, si elle s'appelle forme, ce n'est que par allusion et par mctonymic; mais en rcalite cc n'est pas la unc forme, car ce n'est pas unc forme portee (par autre chose). Settlement, comme son essence est autre que celle de la forme portee par la matiere, il faut qu'elle soit placee a part et designee par un nom; car il n'est pas permis que la forme dc rintelleet qui existe dans la Volonte meme soit (considerce), avant d'etre emanee de !'essence de la Volonte ct de s'etrc attachec a la matiere, comme lorsqu'elle en est emanee et qu'elle s'est attachce a la matiere. La seconde forme est celle qui en acte (en realite) est attachce a la matiere, c'est-a-dire, la forme de l'intellect universel. La troisieme forme est la forme idcale, abstraite dc la matiere, et qui est virtuellement attachce a la matiere. Mais les autres formes sont contenues dans la forme universelle. Ainsi, il ne faut pas avoir dc doutc sur la division que Platon a etablie dans la forme; car 11 a divise la forme en trois especes (": l'une. est la forme en

(1) Ce qui est dit ici des trois csp6ccs de formes ne saurait pas plus Ctre attribu6 & Platon que ce qui a 616 dit plus haut sur les trois matieres (cf. ci-dessus, pag. 72, note 4). On peut remarquer du reste que les trois formes dont il est parle ici au nom de Platon ne correspondent pas cxactcment aux trois formes que vient d'6ta blir notre auteur; dans ces dernieres nefigurepas la forme des 616ments, tandis que dans celles de Platon ne figure pas la forme qui existe dans l'essence de la Volonte, forme qui, plus que toutes les autres, offre une physionomie platonique et rappelle les Idies (cf. ci-aprcs, liv. V, 19). Dans un Traitt de I'Ame qui reproduit

88 puissance, abstraitc de la matiere; la seconde est la forme en acte, attachce a la matiere; la troisieme est la forme des e l e ments, a savoir les quatre qualitds premUres (*). 33. Si la Volonte est une cause efiiciente, elle a dans s o n essence la forme de toute chose; car il est certain que la for!*^

en substance le systeme d'Avicebron, et dont nous parlerons dans un autre endroil de ce volume, il est par!6, a peu pr6s dans | mSmes termes que dans notre passage, des trois especes de formes admises par Platon ; puis on ajoute ce qui suit: Et alius etiaa! modus, praeter hos, quo forma dicitur quum est in voluntate divina sicut formae rerum fuerunl in mente divina antcquam prodirent , corpora; sed a Platone tantum dicitur. Ibi enim forma est n o n secundum veritatem, quoniam non sustinctur in aliquo et quia e j essentia est post essentiam formae existentis in materia; ut(j oportet ut accipiatur per se et innuatur appellatione formae, quo^ niam forma inlelligibilis quae est in essentia divinae 0 1 u n t a t j impossibile est ut sit talis antefluxumsuum ab essentia voluntatis et ante applicalionem sui ad materiam qualis est post fluxum conjunctionem sui cum materia. Voy. ms. lat. de la BibliotVj imp., fonds de la Sorbonne, n 1793, fob 13 verso. I.es mots sed a Platone tantum dicitur sonl h remarquer; ils paraissent diqucr que, dans la pens6e de I'auteur, ce qui est dit pr6c6dcmment ne doit pas etre consider comme une doctrine exclusivement p!^_ toniquc.e s U s ev s

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g

(1) Ces quatre qualil6s sont les principes des choses sublunair intimement li6s aux quatre elements et qui sont opposes entre deux a deux : ce sont la chalcur et le froid, la s6chercssc et l'hn^ midite. De ces principes, les deux premiers sont actifs, et les d e n derniers passifs, ou produits par faction des premiers; chacun des elements renferme cn lui deux de ces principes ou qualit6s : le (q^ est chaud et sec, l'air est chaud et humide, l'eau est froide el h u mide, et la terre est froide et s6che. Le melange des elements produit par ces memes principes, forme les qualites secondaires^ Voy. Aristote, traite de la Generation et de la Destruction, liv. H chap. 1-3; Meteorologiques, liv. IV, chap. 1; Galien, Comment. / in Hippocratis lib. de Alimento (edit, de Kuhn, t. XV, pag. 226).Gs x

Cf. J. L. Ideler,

Comment, in Aristotelis Meteorologicorum

librosIV (Lipsiae, 1836), t. I I , pag. 389 et suiv.

89 de lout effet existe dans sa cause, ou plutot < ) l'effet (lui-meme) existe dans sa cause par la forme qu'il a. L6s choses n'existent done dans l'essence de la Volonte qu'en tant qu'elles sont ses effets.

E X T R A I T S DU L I V R E V .

De la matiire universelle et de la forme universelle.

1. Lc but de ce (cinquieme) livre est de parler cte-la forme universelle et de la matiere universelle, en les considerant inddpendamment l'une de I'aulre (*), et de faire connaitre l'essence de chacune d'elles et les significations qu'il faut y attacher, afin que cela nous serve, pour ainsi dire, d'echelle, pour monter a la connaissance de la Volontd et a celle de la substance premiere (.) 2. La connaissance qu'a l'intellect a lieu par cela que sa forme s'attache a celle dc la chose intelligible et s'unit avec elle; et lorsque la forme dc l'intellect est avec cette forme (de la chose intelligible), elle comprend par elle-meme que

(1) parati etre ici la traduction du mot arabe JJ , qui signific oupluldt, ou mieux. Cette phrase manque dans la version Iatine. (2) Litteralement : en abstrayant chacune d'elles de I'autre. Au lieu de1, car les choses nc sont pas dans les ('Options) superieures tellcs qu'elles sont dans les i 11 ferieuros. Kn cff< t ^ formes sont plus parfaites dans les causes (pie dans IN ^fVo!^. car elles naissent dans les effets parce que les causes ' ^ ^ ^ les effets et se trouvent en face d'eux, D'apres cola, il faut cjue les formes se trouvent dans la Volonte dans la plus gr^nde perfection ct la plus grandc regularitc possible, et i l f j qu'elles soient de meme (plus parfaites) dans tout ce q u i plus prcs d'elle, jusqu'a ce qu'elles arrivent a !'extremity j _e c e 0 r a e s t n

(1) Cf. liv. IV, 3 1 , et liv. V , 4 9 . (2) , dans laquelle. se rapportc a la V 0 Z > j ^ . vers. lat.: in qua est omnis forma, etc. Dans lc texte arab * sur lequel a 616 faitc la vers, lal., il ne pouvail pas y avoir d'arnfcj* guit6; car en arabe lc mol V'Mj! est du genre f6minin. (3) Cf. ci-apres, 58 et stnv. (4) La vers. lat. porte de memo Debcs scire quod haec ( 0 ^ absoluta est voluntati in aclu ex jfnite facti^ cl est voluhtatj parle factoris in potestate. Ce parage est 6v1dcmmcnt cn c 0 n t diction avec ce que I'auteur a exp056 plus haul, liv. IV, 3t ^ ^ il est dit avec raison que, dans la Volonte, la forme est en par rapport a Vagent, et erf puissance par rapport a Vobja fa l'action. Le ms, 116breu el la vers. lat. sont cnlierement confo^^^ dans les deux passages ; il faut done croire qu'il y a ici une e r r commise par I'auteur l u i m 6 m e , qui, par inadverlance, aura i terverli les mots J f i l i (agent) et Jj*** (objet de faction).o

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ferieure dc la substance, et alors la forme s'arretc ('. Ce que nous venons de dire est en somme ee qu'a dit Platon ;-car il considere la naissance des formes dans !'intellect commo (l'eflet du) regard de la Volonte , leur naissance dans lame universelle comme (l'effet du) regard de l'intellect universel, et de meme leur naissance dans la nature et dans la substance

(1) Cf. ci-dcssus, liv. IV, i lafindu 29. (2) L'autcur aitribue encore ici a Platon des idecs qui s'accordent mieux avec les doctrines des Alcxandrins. Cf. ci-dessus, liv. IV, 12 et 32 (pag. 72, note 4, et pag. 87, note 1 . (3; Lc ms. 116hreu porte , regard du PREMIER (ctre) ou dc la substance premiere. Nous ?vons cru devoir dcrirc regard de la vol ONT ; la vers. lat. porte : ex intuitu VOLUNTATIS. La meme faule se trouve plusicurs > fois au 32 du livre IV, 011 6videmment lc copiste a 6crit au lieu dc L'original arabe (d'apres lequcl a cl faile la vers, lat.) ne pouvait donner lieu a aucune contusion , car il 'existe aucune ressemblance grapliique cntrc les mots ne faut pas s'6tonncr dc voir figurer la Volonte dans des doctrines attributes a Platon ou aux Neoplaioniciens; les Arabes font souvent rcmonlcr a Platon el a d'autres pnilosophes anciens Ics sp6culations de leurs thdologicns modernes. Sur la question de la Volonte, cf. SchahrcstAni, Histoire des sectes religieuses et pliilosophiques, texte ar., pag. 289 (trad. all. de M. Haarbrucker, t. I I , pag. 126 et 127). Seloncet autcur, Anaxagore n'aurait point consid6r6 la Volonte el faction (dc Dicu) comme des clioses existant par elles-mfimes et ayant unc forme essenlielle idles, maisiommedes choses qui n'cxistcnt que dans leurs objets, c'est-4-dire qui nc sont que des id6es abstraites des choscs produiles par !'efficient premier. Scion Platon el Aristote, au contraire, la Volonte et faction subsisieraicnl par elles-mCmes, comme formes particuhfcres, plus simple? que la forme de leurs objets. Ces formes, lout cn s'identifiant avec !'essence du Createur, sont intermtdiaircs enire eclui-ci el I'objet de son action. Parmnide le jeune, ajoule le mfime auleur, admcttait cette opinion en ce qui concerne la Volonte, mais non pas cn ce qui concernc Yaclion; car, disait-il, la V010016 dmane du Cr6aieur sans intermediate, tandis que faction n'en 6manc que par l'intcrniediairc dc la Volonte.y

102 (corporelle) comme (l'effet du) regard de l'ame universelle (1) et il compare cela a la maniere dont les formes intelligibles c'est-a-dire les pensees, naissent et se forment(-) dans l ' a m e individuelle, (ce qui a lieu) iorsque l'intellect la regarde. 20. Par regarder, (en parlant) des substances, je veux d i r e qu'elles sont en face les unes des autres et qu'elles epanchent leurs forces et leurs lumieres les unes sur les autres, parcequ'elles sont (toutes) retenues sous la substance premiere qui s'epancbe par elle-mCme, c'est-a-dire, dont Ytpanchetnent (ne vient que) d'elle seule 21. Le rassemblement des formes multiples et variees d a n s un seul sujet n'est impossible que lorsqu'elles occupent un e s pace(*); mais, quand elles n'occupent pas d'espace, leur r a s semblement dans un seul sujet n'est pas impossible. Or, c o n i m

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(1) Vers. lat.: ex intoitu anima; universalis in matcriam. (2) Vers. lat. : El posuit ralioncm in hoc quomodo fiu ! formae intelligibiles, i. e. cogitata cl imaginata, in anima particular j ex intuitu intelligentiae in illam. D'apr6s ccltc version il faudraj!>

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lire en hebreu ( ar. \jy^\j) au lieu de ^ (ar. Lj^aj), et traduire : ... a la mani6re dont les formes i _ telligibles, c'est-a-dire les pensees ct les idea, naissent dans l'&rn individuelle, etc. (3) L'6manation est appele epanchement, en arabe (du verbe jjpLs , se verser, s'tpancher), par comparaison avec l'eau jaillissant d'une source el se rtpandant de tous )es cdtes.Voy. Guid des Egares, t. I , pag. 244, note 1, et cf. ci-apres, 64 et 7 ! (4) Vers. lat.: nisi cum locus impedit, ce qui n'est pas b i intelligible. Les mots signifient : quand ell occupenl un espace; en arabe sJ^Jii, .!1Cf. Guide desn e e 1 >Cs

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t. I , pag. 185, note 3 (Lerf mots arabes J*o texte arabe de Mafmonide, fol. 58 b, sont rendus dans la version hebraique d'lbn-Tibbon par ^ ) Un peu plus loin l vers. lat. a: constat per hoc quod hae formae non impediunt locum , ce qui est plus exact.EgaHs,a

103 les formes rassemblees dans la forme de rintelleet ne sont pas divisees, mais unies dans sa substance (), et que la substance de !'intellect est une substance simple, il est clair par la que ces formes n'occupent pas d'espace, mais (au contraire) elles et le lieu dans lequel elles sont, c'est-a-dire la substance de l'intelieel, sont une seule chose. Et a cause de cela [e'est-a-dire, parce que la substance de l'intellect est une substance simple et que Jes formes portees par lui (l'intellect) ne sont pas divisees, mais unies dans sa substance], la substance de l'intellect ost capable de toute chose, porte toute chose, et n'est trop etroitc pour rien (*>, parce que dans son unite, qui est son essence, elle porte toute chose uniment et essentiellement. II faut que tu consideres ee sujet et que tu l'examines dans toutes les substances, c'est-a-dire (que tu etablisses) une comparaison entre la manierc dont chacune (des substances) porte cc qu'elle porte en fait de formes et la maniere dont toute autre (substance) porte cc qu'elle porte. Si, par exemple, tu consideres 1'existence des formes dans l'intellect, tu la trouveras analogue a 1'existence des Ibrmes dans fame et a celle des neuf categories dans la substance. C'est pourquoi il a ete dit que rintelleet est le lieu pour les formes naturelles; et il a ete dit encore que, de meme que la matiere hylique est une faculte qui re$oit les formes sensibles, de meme l'ame est une faculte qui recoit les formes intelligibles. Et dc la meme manierc tu considereras 1'existence de toutes les formes dans la matiere premiere; car tu trouveras que toutes les formes existent dans la matiere universelle, et de meme tu trouveras que les neuf categories existent dans la substance; tu trouveras encore que des choses diverses existent dans l'ame, que l'ame les porte et que 1'existence des unes dans les autres n'empeche pas leur existence dans elle (l'ame). Car, de meme que le corps (1) C'esl-4-dire , dans la substance de !'intellect. (2) Le ms. hfebrcu porte ce qui n'offre pas de sens; nous avons subslilu6 Vers. lat.: ct noa angustalur a re.

104 cl ses accidents, malgre Ia grande variete et la division de cfes derniers, sont une seule et meme chose, et que l'ame ydistingueles (diverses) parties les unes des antics, bien qu'elles soient unies et jointes ensemble, de meme, quand les choses, quoiqne variees dans leurs essences, sont unies ct jointes ensemble rintelleet les scpare les unes des autres ct les discerne les unes des autres. II s'ensuit, d'apres cc raisonnement, que \ tout est aupres dc la matiere premiere ce que le corps est aupres dc l'ame, et, cn general, ce que les formes sont aupres de rintelleet; car, si les formes de toutes les choscs se trou vent dans l'intellect, il s'ensuit, a plus forte raison, qu'elles se trouvent dans la matiere premiere. Le meme raisonnement s'appliquera a ce qui est au dessus d'eux (". 22. Par connaissance intelligible, on entend l'union de ! forme intelligible avec l'intellect, et on peut dire la mCme chose dc la connaissance sensible .-Cependant cette u n i particuliere - . II csl peut-etic posterieur au Fonsvilce; du moins, rien ne prouve qu'il ait ete connu dans le onzieme siecle et qu'lbn-Gebirol ait pu mettre a profit les doctrines qui y sont exposees. II est done demontre : 1 que la philosophie d'lbn-Gebirol est en substance empruntce aux Alexandrins, 2 qu'lbn-Gebiroi a pu mettre a profit des compilations arabes renfermant lus formatur nisi a Verbo. Voy. aussi ibid., chap. 17 etliv. xiv, chap. 12, et cf. ci-dessus, pag. 101, note 3, ou nous avons cit6 quelques passages de Schahrcstani dans Icsquels la doctrine de la Volontt est attribute A plusicurs philosophes grecs.(1) Voy. les Extraits dc la Source devie, liv. V, 56, 57

ct 71. (2) Nous renvoyons aux cxcellentcs analyses qu'en onl don.ndes MM. Haurdau el Vacherot, lc premier, dans son ouvrage De la Philosophiescolaslique(lome I , pag. 382 el suiv.), le second, danse r

son Hisloire critique de Vicole d'Alexandrie \.

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I l l , pag. 96 et

suiv.).

260 ions lts details do la philosophic de Plotin ct dc Proclus. Cette philosophic tlcvait etre alors on vogue clicz Ics Arabcs ou chcz Ics juil's dT.spagne; car. a vrai dire . lc systeme dc l'emanation et des h\postases n'est iiullc part expose dans la Source de vie, ct il en est toujour* parle comme 111110 chose generalemcnt connuc. Mais Ibn-Gebirol, tout en se faisant le disciple dc Plotin elde Proclus, a su imprinter a son systeme un certain cachet d'originalite, tant par sa theorie de la Volonte (pie par la manierc dont il dcveloppc les idees tie malierc cl dc forme. N'ulle part ces idees n'ont etc cxposees avec tant de precision , ct on a vu comment Ibn-Gebirol, en prcnant pour point de depart la theorie aristotclique, est arrive, par une argumentation subtile, ii distinguer plusieurs especes de matiere et do forme et a s'elever jusqu'a l'idee d'une matiere et dune forme univcrselles, embmssnnt a la fois le monde spirituel et le monde corporel. Ce qui encore lui appartient en propre, ee sont surtout les rapprochements iugenieux , mais souvent trop subtils, par lesquels il cherclie a ctablir des analogies entre le mondc superieur et lc mondc inferieur; ce sont les argnmentations par lestpiclles il etablit 1'existence des substances simples, ct iiolanmtent les preuves analytiqucs tirees dc l'in'llucncc de ce* substances sur lc mondc inferieur. choses dans lesquellcs, comme il ledil lui-meme. personne ne 1'avait pr^.. cede ; c'est enlin la manierc dont il a su allicr la doctrine de la Volonte el lc dogme dc la creation aux doctrines pantheistes ties neoplaloiiiciciis , sans pour cela avoir cu la pretention d ! laborer 1111 systeme exclusivcnienl applicable au judaismc . ct cheivhanl a sc placer sur un terrain neiitre oil pouvaient se rencontrcr ions ccu\ qui admcltaicnt un Dicu createur, produisanl l'univers par sa Parole ou sa libre Volonte . l.e systeme1 , ,

P Vov. ct-dosstis, p. 203, nolo I . 2 l.a S!>t.rcc dc vie est prut-eire In seal ouvrage juif du moyen .1c, il fait le plus grand eloge de notre Ibn-Gebirol, sur lequel il s'exprime en ces termes ( >:1 s

(1) Voy. sur col auteur la monographic dc M. Dukes, intitulde Altona, 1839, in .8En arabe, cet auteur portail le pr6nom d'Abou-Haroun. (2) Voy. ms. dc la Bibliolh. Bodl6ienne, cod. Hunlington, n599, fol. 36 & cl suiv. Ce ms., qui nc poriepas de litre, renferme sans aucun doutc, comme jc fai dit ailleurs, l'ouvrage ci 1 par 6 quelques auteurs sous le litre de *^tolarM ^ U - ^ . Cf. ci-dessus, pag. 155, note 1. (3) Nous donncrons & Iafindu volume le texte arabe de ce passage, que nous traduisons aussi lill6ralement que Ie permct lc style ampould de l'auteur.Moses ben Esra aus Granada;

- 263 Abou Ayyoub Solciman, fils de Ya'hya ibn-Djebiroul alKortobi (de Cordouej, ne a Malaga et eleve a Saragosse, s'appliquatt avec un soin tout particulier a cultiver son etre moral '). Kuyant les choses terrestres, il vouait entierement aux choses superieures une ame qui s'etait elevee au-dessus des souillures des desirs, et qui avait accueilli tout ce qu'il avait pu lui inculqucr des sciences philosophiques et matkematiques les plus subtiles. Un philosophe a dit: La science est la teinlurc de l'ame; mais on ne s'oeeupe de la teinture d'une chose que lorsqu'elle a etc puritiee de ses souillures. Celui-la, dit Platon , qui ne s'est pas applique a former les qualites de son ame, ne saurait aborder aucune etude. Hippocrate dit, sous le rapport physique : 'Les corps qui ne sont pas purs, plus on les nourrit et plus on les rend maladcs. Inferieur par son age a ses savants contcmporains, il les surpassait par sa parole, quoiqu'ils se distinguassent generalement par un langage choisi et plein de douceur Bicn qu'ils different par leur ordre de meritc, ils se rencontrent tous dans la beaute du style et dans la douceur des expressions. Mais Abou-Ayyoubest unauteuraccompli ctunecrivaineloquent, qui s'est rendu mailre de ce que la poesie se propose pour fin, et qui y a atteinl le point de mire et louche le but. Dans ses discours il prend les tournures les plusfines,en imitant les poetes musulmans modernes; de sorle qu'il acle appele le chevalier de la parole, !'intelligent versificateur, a cause du poli de son style, de ses expressions coulantes et de l'amenite des sujets qu'il traite. TQUS les yeux etaient diriges vers lui, el on se le

(1) Litlcralcmcnl : rcclifiail ses tnoeurs el cultivait son naturel. (2) Yoyer les notes sur le texte arabe. Le passage d'llippocrate se trouve dans ses Aphorismcs, sect. 11, n 10. (3) Les mots ^JaiL ct jJ>, qui significnl Iiildralcmcnt cxtraclion, paraissent s'appliquer ici au langage; lc sens serait done: quoiqu'ils soient tous doux et agrdables par Ics expressions qu'ils ty-ent du trdsor de Ia langue.

2> isienre de res snhstances simples, a allegud ponr cela pi us de pnranto deinonstralions, doni pas une seule n'a de premisses vraies; car les deux premisses, ou du moins la majeure, reposent loujours sur dc simples hvpollioscs. Voy. EmmuiA linmii, pap. 02 trad, a l l . , p a \ 7 . (2, s

N

Vov. Talmud de Babylonr, traiu" Meghilld . fol. 7 .1

'.'I ; C'est a-ilire: s'il n'av.iit pas avann des doctrines 1 1 i som 1 cn contradiction directe avec I'orlhodoxie juive. Tel est cvidemmont1c sens des mots qui peuvem

donner lieu a nn malcntcndii. I.e mot csl ici la traduciion du mot arabe , 1ipii a .snrtoiil le sens de communaule ou teelc religicusc; ! original arahe pnrt.iii probablemei ! ,

(vu! de oLi) signifie se mettre au-dessus de quelque ,hose, !mister sur sa propre be ve!1.e

270

rQconnaitra celui qui a lu son livre. Cc livre tout entier montrc qu'ir etait bien faible cn philosophie, et qu'il tatonnait comme on tatonne dans les tenebres. Au livre P , chap. 1 , notre auteur, en pariant de la substance et de l'accident, dit que tout ce qui est substance Test cn lui-meme, et non pas par rapport a autre chose, et qu'on ne saurait dire, par exemple, que l'homme est homme par rapport a fane, et que par rapport a l'ange il n'est point homme, mais un accident quelconque; car, cn tout lieu et sous tous les rapports, la substance reste substance, et l'accident reste accident. A cette occasion il blame Ibn-Cebirol pour avoir emis l'opinion qu'il y a certaines choses qui, sous un rapport, sont des substances, et, sous un autre rapport, des accidents. C'est la, ajoule-t-il, uncerreur qu'il n'a pas inventde lui-meme; car y a eu des philosophes qui ont commis la meme erreur, et il n'a fait que les suivre ().Plus loin, apres avoir etabli que fame est une substance, et non pas un accident, comme font cru plusieurs, notre auteur revient encore sur l'opinion en question, d'apres laquelle fame pourrait etre consideree a divers points de vue, tantot comme substance, tantot comme accident: II y a eu des hommes, dit-il, qui ont pensd par erreur qu'il y a certaines ehoses qui, sous un rapport, sont des substances, et, sous un autre rapport, des accidents, ce qui est une opinion fausse, susceptible d'etre rcfuldc. Ibn-Gebirol aussi a adople cette opinion, comme on le trouve dans son livre appele la Source de vie. substance et l'accident ne sont point tels a un certain point de vue ou par rapport a une ccrtaine chose; mais la substance est substance en elle-meme, et l'accident est accident en lui-meme.rI J I

opinion, professer des opinions paradoxals ou des htrtsies. Cost le mfime sens qu'il faut allribuer dans les versions h6bralques a !expression JnD C'est ainsi que dans lc Guide des Egaris, 111" partie, chap. 16, les mots " ont 6t6 rendus dans les deux versions 116braTques par ics mots ,

(1) Voy. Emound Ramti, pag. 4 et 5 (trad, all., pag. 7).

27! Nous ne nous occuperons pas a refuter les partisans de T o p i nion en question, pour ne pas trop etendre notre ouvrage; cel u i qui veut s'en occuper peut consulter les livres des veritables philosophes. Pour nous, i l nous suffit d'etablir que l'ame n'est nullement un accident; or, ce qui n'est pas accident est substance; l'ame done est une substance('). En defmissant la quantite, Abraham ben-David blame l b n Gebirol pour avoir designe la malierc inferieure comme une substance intelligible tout cn l u i altribuant la quantite qui ne s'applique qu'aux choses sensibles: I b n - G e b i r o l , dans Ie deuxieme livre de sa Source de vie, dmet l'opinion que la substance qui porte. les categories est intelligible, et non sensible; et en memo temps i l dit qu'elle est (sculement) mue, et qu'elle ne meut pas. I l donne de cela une raison etrange, en disant que la quantite q u i affecte cette substance l'empeehc de se m o u v o i r et n e l u i permet pas de marcher. I I attribuc done la quan-

( 1 ) Voy. ibid., pag. 23 (trad, a l l . , pag. 3 0 ) . Sur I'erreur reproch6c & Ihn-Gebirol, cf. ci-dessus, pag. 108, note 3 , oil i l a 616 monir6 qu'lbn-Gebirol considere la forme a dff6rcnis points de vue, lantdt comme substance, tantdt comme accidcni. Nous donnons ici un autre passage dn Fons viloe (vers, l a l . , fol. 202 fc), ou fame est d6sign6e & la fois comme substance cl comme accident: Disc. Fac me scire, postquam dictum fucrii de anima quod defluxa esl ab inlelligentia, quod autcm esl extra csscnliam [ejus]; quia, si csl extra essent Jam intelligentiae, tunc non est defluxa ab ca; si vero frcrit intra essenliam intelligentiae, "tunc non esl inter illas differentia. Hag. Anima cxiens ab essentia intelligentiae exiln virlutis a rc forii, et non est inirans (intra?) essenliam ejus; exilus animae a sua essentia non prohibet quin sil fluxa ab ca, quia quod flnit ab aliquo exit ab essentia rei a qua fluil, ct disccdens [esi] ah ca quando fluil ah ea. Similiter anima defluxa est ab inlelligentia el csl cxiens ab essentia intelligentiae quando fluil ab ea. Et exilus animse ab inlelligentia sicut virlutis a rc forli non est proltibens quin anima sil substantia,

quia res defluxa ab inlelligentia est substantia in se ipsa, et si sit accidens idea quod deftuxa est nh alia substantia.* Ce passageest tir6 du troisieme livre el sc place enire I e s . 10 el 11 dc nos

Extraits.

272

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tild a one substance puremcnt intelligible, ce qui est une absurdite(*). En exposant l'idee de la matiere premiere, noire auteur critique avec beaucoup de severite ce qu'lbn-Gebirol dit des propridlds de la matiere universelle: Ibn-Gebirol, ayant voulu la definir, s'exprime ainsi dans le premier livre de la Source de vie. Si loutes les choses ont une (seule) matiere universelle, celle-ci a necessairement les propriele3 suivantes t celle d'dtre, celle de subsister par elle-meme, celle d'etre d'une seule essence, celle de porter la diversity et celle de donner a tout son essence et son nom!*'. 11 a ainsi commis six erreurs des !'introduction de son ouvrage : 1 La matiere premiere n'a pas d'etre (ou d'existence), car on n'altribue l'dtre qu'a ce qui est en acte. Aristote dit expressdment que le nonitre se dit de trois choses. savoir: dc la privation absolue, de la privation consideree par rapport a une certaine forme ( ,et de la matiere premiere. 2 \a matiere premiere ne subsiste pas par elle-meme. 3Elle n'est ni une ni multiple, car ce qui n'a pas d'existence n'a pas de nombre, ni, par consequent, d'unite. 4 Elle ne porte pas la diversitd, car les diversites sont des accidents, et cc n'est pas la matiere premiere qui porte les accidents; car ceux-ci n'alfcctent que l'etre parfaite ment existant (*); mais elle porte les choses di verses, e'est-adire Ics corps divers. 5 Ge n'es! pas elle, mais bien la forme, qui donne a toute chose sa ddfinition et son nom. Enfin, 6 il nc faut pas lui atlribuer de proprietes, car les proprietes sont des accidents qui n'aflcctent necessairement que Yilre en acte. Tout ce qu'il dit dans la Source de vie est de la meme sorte . U 5

( 1 ) Voy. EmounA RamA, pag. 6 'trad, all , p. 9 ) , et cf. nos Extraits dc la Source de vie, liv. I I , 1 4 (pag. 2 4 ) . ( 2 ) Voy. nos Extraits dc la Source de vie liv. I , 6 . ( 3 ) Cf. Guide des Egares, liv. I , chap, xvn (t. 1, pag. 6 9 , de ma trad, franc.).%

( 4 ) C'csl-adire, la substance ou I'Glre en acte composd de matidre ct dc forme. (. Voy. EmounA RamA, pag. 11 (trad, all., pag. 1 5 et 1 6 \

Enfin, il blame Ibn-Gebirol pour avoir expressemenl attrihue une matiere aux substances simples. Selon lui, il eiit ete plus exact de dire qu'elles ont un etre cn puissance, et que ce sont des etres possibles, Dieu seul etant [ etre ndcessaire dans le sens absolu; or, l'etre en puissance a bien quelque analogic avec la matiere, mais il n'est pas pour cela necessairement materiel 1 " . Ici comme ailleurs il trouve les preuves alleguees par Ibn-Gebirol pen concluantes. Cette critique amere d'Abrabam ben-David conlribua pentctre adiscrediler de plus en plus parmi les Juifs la philosophie d'lbn-Gebirol, qui dailleurs devait perdre de son influence a mesure qu'on rcvenait au peripalelisme, lei qu'il etait enseigne par Ibn-Sina. Le mysticismc du Fons vita nc pouvaitconvenir a des esprits positifs, tels que Maimonide et les philosophes sortis de son dcole. Aussi Ibn-Gebirol, sur lequcl Maimonide garde un silence absolu devint-il bienlol, du moins,

(1) Voy. ibid., pag. 12 et 64 (trad, all., pag. 17 ct 80).Albert

le Grand s'exprimc a ecl dgard a peu prds dans Ics mdmes tcrmes qu'Abraliam ben-David; apres avoir dit que, scion lui, Ics choscs incorporellcs n'ont aucune espdec dc matidre, il ajouie : Es$p tamcn in ipsis incorporalibus, in quantum facta sunt, primum subjcclum, quod quasi fundamcntum est eorum quibus ad esse perfectum deter minatur, (|U0d cum materia ncc idem specie ncc idem gencrc est, sed simililudinem hahcl ad i|>sam secundum proportionem; etc. u Voy. Summa Thcologue, pars I , tract. IV, qua,stio XX (Opp. omn., t. XVII, pag. 77 a). (2) Selon M. Senior Sachs (Te'hiyyd, prcmidrc livraison, pag. 3 cl suiv.), la violcnle sortie que Maimonide, dans la prcmidrc partie dc son Guide des Egares, chap, LIX (trad, fr., t. I, p. 257), fait contrc Ics poetes qui croicnt glorificr Dicu en actfumulani les attributs, serait particuliercmcnt dirigee contrc Ibn-Gebi^oi. II est possible que Maimonidc ail pense au pocmc Kdlhcr Malkhouth ct A d'autres compositions dc la meme nature; mais rien nc prouve qu'il ait coniple Ibn-Gebirol, 10 philosophe, at! nombre des MotecalIcmUi cl des partisans d'attribuls pokhifs, ct qu'il an voulu condamner sa theorie de la Volonte comme contraire a l'unitd absolue dc Dicu. On a pu voir qu'lbn-Gebirol prend ses precautions a I'dgard

274 cn 8a qualile de philosophe, I'objet d'un profond oubli parmi ses coreligionnaires. Un seul philosophe juif du XIU siecle, loul cn se monlrant toujours atlachd an pdripatctisme pur a cru devoir consacrer unc elude approfondie a la philosophie d'lbn-Gebirol. Nous voulons parlor do Schem-Tob ibn-Falaqudra, qui, dans son commentaire sur le Guide de Maimonide, intiluld Mori ha Mori (le Guide du Guide), cilo frequcmment des passages de la Source de vie , celui des spheres celestes et celui des dldments, ou de la gendration et de la corruption, et auxqucls, comme on l'a vu, notre auteur assignc trois especes de matiere. Ce qui vient a I'appui de cc rapprochement, c'est qu'lbn-Gebirol est le premier qui ait vu une allusion au inystcre de l'univers dans un vcrscl d'Isaic que les kabbalistes appliqucnt aux trois mondes . Ibn-Gebirol voit une grande difiiculle dans la thdorie de l'dmanation, qui fait necessairement supposer que la lumiere divine ct infinie s'afl'aiblit graduellemenl a mesure qu'elle passe dans le fini: Comment cst-il possible, se demande-t-il, que la facultd divine s'afi'aiblisse, se modifie et se corporifie , et que faction de l'agent premier sc montrc plus dans certaines substances que dans certaines autres, puisque la facultd divine est le plus haul degre de facultd et de perfection et la (1) Voy. Franck,La Kabbale, pap. 285 et suiv. (2) Cf. les Extraits, liv. V, 38, 39, 40. (3) Voy. ci-dessus, pag. 167, et ibid., note 2.1

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liraite extreme de toute puissance? A cette objection il repond dans des termes assez obscure, dont Ie sens est: que la lumiere infinic, qui d'abord remplissail tout, se retira en elle-meme, c'est-a-dire, que ses rayons infinis se retirerent duns Ie centre et laisserent le tout dans l'ombrc, el qu'cnsuite cette lumiere divine se eommuniqua graduellement et avec plus ou moins dc force, selon la rdceptibilite dc la matiere et scion ce que la Volonte divine a voulu lui donner .IN'estcc pas la la tbeoric dc la concentration ( )piofessce par les kabbalistes? La lumiere de l'etre infini (En-soph), discnt ces derniers, remplissait tout; mais, pour se manifester, elledevait creer, c'estadire se developper graduellement par !'emanation. Elle sc concentra done en sa propre substance, et c'est cello concentration qui a donne naissance a 1'espace,ou a un monde que la lumiere remplit ensuite successivement et a des degres ditferents ( .II nous parait probable que les kabbalistes out puise ces iddes dans Ics paroles d'lbn-Gebirol que nous venons d'indiqucr, ct qui nous olfrent la trace la plus ancienne de cettetheorie dc la concentration.

L'idee dc 1'irradiation revicnt trcs souvent dans la philosophic d'lbn-Gebirol, et on sait quelle n'e.t pas moins familicrc aux neoplalonicicns ct aux kabbalistes. On a vu (pie la Volonte qui se repand dans la matierc pour lui donner la forme estcomparee par Ibn-Gebirol a la faculte visuelle qui sc repand dans fair et s'unit avec la lumit re tin soleil

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fait unc elude plus appmioudic dc la philosophic dc ces temps. On sait du reste que, des le IV siecle, les travaux de Jean Scot l.tigene repandircnl dans les ccolcs chrolicnncs la pliilosoplue dc Platon, ct jusqu'au commencement du XIII*siecle, le platonismc et la philosophic alexandrine complaient dans ces ccolcs de nombreirx representants. Adelard de Bath, Bernard de Chartres, Alain de Lille, et d'autres encore, professaient des doctrines analogues a celles d'lbn-Gebirol, et, dans l'Eglise, comme dans la Synagogue, on se jeta dans les bras du mysticisme pour echapper aux consequences rigoureuses des doctrines pantheistcs ( .G'esl dans les ac'uvres de leurs devanciers, et surtout dans la Theologic attribute a Aristote, qu'Amaury ct David ont pu !miser leur doctrine pernicieuse de !'unite de la substance !*>, et rien ne prouve jusqu'ici que lc Fons vita ait etc la principale source de leurs heresies. Quoi qu'il en soit, la sensation (pie fit cet ouvrage pendant tout Je XIII siecle et la eelebrite qui lui restait dans les ecoles jusqu'a l'epoque dc la Renaissance sont des choscs trop bien dtablies pour que nous ayons besoin d'y insislcr, quoiqu'on ne connaisse pas encore dans tous ses details l'influence que la lecture du Fons vita a exercee sur certains penseurs hardis jusque vers la fin du XVI siecle. II peut etre interessant d'examiner le role que joue le livre d'lbn-Gebirol dans l'histoire du pantheisme, etde poursuivre les transformations qu'a subies la doctrine de notre philosophe, pour aboutir, par une pente naturelle, au systeme de Spinosa. qu'lbn-Gebirol aurait desavoue avec borreur. Mais cet expose historique est en dehors dc la mission que jc me suis donnce; il demanderait d'ailleurs des rcchcrches plus approfondics que celles que j'ai0 e

(1) Cf. Vacherot, Hisloire critique de Vicole

d'Alexandrie,

t. I l l , pag. 117 et suiv.(2) Cf. Ilaurdau, De la Philosophie scolastique, t. 1, pag. 404

et suiv. La doctrine attribu6c & Amaury sc resume dans celle formule: Omnia unum, quia quicquid est, csl Deus. Ibid., p. 403.

- 293 pu faire sur ces matures. Je dois done me borner a quelques apereus gdncraux. Dans lcsccoles chretiennes, comme dans les ecoles juives, Avicebron devait avoir pour adversaires, non-seulement les theologiens ortbodoxes, mais aussi tous les partisans du peripatetismc pur. Les principales objections faites'par ces derniers au systeme de notre philosophe etaient, selon Albert le Grand, au nombre de cinq ^ : 1 L'idee de la matierc premiere n'est pas bien determinee; car, n'ayant pas d'etre reel, elle ne saurait ni etre en elle-meme un principe, ni etre emanee du principe supreme, dont faction consistc a achever l'etre ou a faire un etre cn acte. 2 La matiere premiere universellc est cvidemment la plus imparfaite d'entre les diflerentes matieres; car elle n'est qu'unc simple faculte d'etre, et n'est absolument rien en acte; or, selon Avicebron, ce serait prccisement cette matiere la plus imparfaite qui serait susceptible dc devenir en acte ce qu'il y a de plus parfait (c'est-a-dire, l'intellect universel). 3 Ce qui est en puissance ne passe a I'acte que par Ie mouvement; il n'est done pas rationnel de dire que la matiere premiere passe de la puissance a facte sans mouvement( ). 4 Ce qui est le plus en puissance, et ce qui Test par rapport a la plupart des choses , ne devrait pouvoir parliciper de la perfection, de l'etre premier que par plusieurs mouvements; il est done impossible que la matiere premiere2 (r,)

(1) Voy. Dc causis et processu universilatis, liber I , tract. I , cap. 6 (Opera, 6dit. dc Jammy, t. V, pag. 533, 534). (2) II faut sc rappelcr que, scion Avicebron, Ie mouvement des substances simples sc faisant cn dehors du temps, qui ne commencc qu'au mondc dc la nature, n'est pas un mouvement proprement dit; celui par lequcl les substances supbrieures passent de Ia puissance & facte n'est qu'unc csptce de disir ct ^attraction (voy. Ics Extrails, liv. V, 4S-53, 59, 63). C'est pourquoi Albert Ie Grand fail dire a Avicebron : Materia prima actum primum sine motu suscipit. Ibid., chap. V, pag. 533 a. (3) Cest-idirc : cc qui est plus denud dc formes ct a la facultd dc devenir toute chose, comme la malidre premiere universelle.

universelle, qui est plus en puissance que les autres matieres et qui est sans mouvement, participe le plus (cn rcccvant la forme universelle) dc la perfection dc l'agent premier; 5 11 est contraire aux principes de tous les philosophes de dire que l'agent premier agit par l'intermediaire de la Volonte; car il est dans la nature meme du principe premier d'agir par luimeme et par son essence, sans qu'il y ail rien qui determine son action. Telles sont les principals objections alleguees par les peripateliciens du X I I I siecle conlrc le systeme d'Avicebron. On reconnaitra que la science n'a rien a gagncr a ces disputes de mots, et on nous saura grc de ne pas entrer a ce sujet dans de plus longs details. Que l'on nous pennette sculement de citer encore quelques arguments prod nils par Albert lc Grand contrc la thdorie de la Volontt : La Volonlc, dit-il, nc saurait etre lc principe unique dc tout l'etre; car la Volonte, comme telle, est disposce a vouloir des choses diverses, ct il est absurde de dire que le principe premier est dispose par des choses diverses a des actions divers