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ISSN 2518-8143 N° Décembre 2019

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N°Décembre2019

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FOLOFOLORevuedesscienceshumainesetdes

civilisationsafricaines

Décembre2019

http://www.http://folofolo.univ-ao.edu.ci

UNIVERSITEALASSANEOUATTARA–BOUAKE

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AdministrationetRédaction

DirecteurdepublicationBAMBAMamadou

Rédacteurenchef KAMARA Adama

RédacteurenchefadjointKONEKpassiguéGilbert

WebmasterALLABADjamaIgnace

ChargédediffusionetdemarketingALLABADjamaIgnace

TrésorièreKOUADIOAffouéSylvie

Comitéscientifique

ALLOUKouaméRené,Professeurtitulaire,UniversitéFélixHouphouët-Boigny

SékouBAMBA,Directeurderecherches,UniversitéFélixHouphouët-Boigny/IHAAA

OUATTARATiona,Directeurderecherches,UniversitéFélixHouphouët-Boigny/IHAAA

OSSEYNOUFaye,Professeurtitulaire,UniversitéCheickAntaDiop

LATTEEgueJeanMichel,Professeurtitulaire,UniversitéAlassaneOuattara

KOUAKOUAntoine,Professeurtitulaire,UniversitéAlassaneOuattara

GUIBLEHONBony,Professeurtitulaire,UniversitéAlassaneOuattara

ASSIKaudjisJosephPierre,Professeurtitulaire,UniversitéAlassaneOuattara

MarieMIRAN,Maîtredeconférences,EHESS/IMAFParis

GBODJESékréAlphonse,Maîtredeconférences,UniversitéAlassaneOuattara

CAMARAMoritié,Maîtredeconférences,UniversitéAlassaneOuattara

COULIBALYAmara,Maîtredeconférences,UniversitéAlassaneOuattara

KOUASSIKouakouSiméon,Maîtredeconférences,UniversitéFélixHouphouët-Boigny

BATCHANAEssohanam,Maîtredeconférences,UniversitédeLomé

N'SONSSISAAuguste,Maîtredeconférences,UniversitéMarienN'gouabideBrazzaville

N’GUESSANMahomedBoubacar,Maîtredeconférences,UniversitéFélixHouphoët-Boigny

BEKOIN Tano Raphaél Maître de conférences, Université Alassane Ouattara

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Comitédelecture

KOUAKOUAntoine

BATCHANAEssohanam

CISSIsmaila

VEIKpanNoél

GOMA-THETHETJoachimEmmanuel

N’SONSSISAAuguste

CAMARAMoritié

FAYEOsseynou

IDRISSABâ

BAMBAMamadou

SARRNissireMouhamadou

GOMGNIMBOUMoustapha

DEDOMONClaude

DEDEJeanCharles

BAMBAAboulaye

DIPOIlaboti

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EDITORIAL

Ce numéro aborde avec un regard pluriel la problématique de l’évolution des sociétés africaines.

Les aspects politiques, socioculturels, économiques, religieux et philosophiques ont fait l’objet de recherches inédites et bien documentées.

L’engagement des universitaires africains à relever et décrire les forces et faiblesses des sociétés africaines trouve un écho favorable dans ce numéro qui offre des contributions commandées par l’intérêt éthique et socioculturel doublé d’une épistémologie d’inter–référence des savoirs crédibles pour le progrès des sociétés africaines.

Les préoccupations des Africains et la considération de la contemporanéité impulsent un grand ensemble de centres d’intérêts pour les chercheurs et savants africains.

A travers ces productions d’histoire, de Géographie, de sociologie, de philosophie, d’archéologie..., ce numéro de décembre 2019 donne des résultats pertinents pour un lendemain meilleur.

L’Afrique doit au-delà des difficultés être optimiste. Car l’optimisme est un signe précurseur de progrès et de développement durable.

BAMBA MAMADOU

Directeur de publication

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TABLE DES MATIERES Alphonse N’goran BROU / Samuel Konan KOUASSI: Le port dans le développement économique d’Abidjan de 1950-1994…………………. 8–30 Lopez Yao DJE: Le franc cfa et la souvérainéte de la Côte d’Ivoire 1945-2010……………………………………………………………………... 31–44

François Koudou OZOUKOU / Jean-Joel BAHI: Société civile et exigences éthiques en Afrique : une contribution à la lumière de la pensée éducative d’Aristote, Marx, Rawls et Joseph Ki-Zerbo…………………………... 45–59

TAKI Affoué Valéry Aimée: La responsabilité de la femme africaine face à la crise migratoire : une responsabilite au-delà de la responsabilité…… 60–69 KPAYE Koffi Bakayota: L’État postcolonial en Afrique de 1960 à nos jours : de l’indépendance proclamée à la dépendance vécue………………..... 70–85

Hervé ONDO ASSOUMOU: Le Gabon et la gestion de la paix en Afrique centrale : cas de la République centrafricaine de 1996 à 2016……… 86–100

Karamoko SYLLA: La fête de l’igname et le développement socioéconomique en pays akan : le cas du royaume agni-diabè………..…………….… 101–119

Idrissa Manga / Mor Ndao: Histoire des politiques alimentaires au Sénégal…………………………………………………….………….. 120–134 Obiang Nnang Noël Christian-Bernard: La vita Augusti de Pat. SOUTHERN. Essai d’analyse d’une passionnée du Princeps.….…………………. 135–146

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PIERRE MBID HAMOUDI DIOUF / STÉPHANE FAYE: L’éducation à Athènes et à Sparte : quelques aspects de la formation élitiste à travers certaines œuvres grecques antiques………………………………… 147–161 Issa SORY : La gestion partagée et disputée des déchets solides à Ouagadougou (Burkina Faso)…………….………………………...... 162–177

Katiénéffooua Adama OUATTARA: L’intervention de l’opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (2004-2017)…………………………..….…... 178–198 Benjamin DIOUF: Stratifications sociales en Afrique ancienne : performances et stagnations……...………………………………………………….. 199–213

Jérémie Guirayo et Dr Esaïe Yambaye: Campagne électorale tchadienne comme baromètre de la démocratisation du pays……... 214–225

Mahamoudou OUBDA: Les relations diplomatiques entre l’Arabie Saoudite et le Burkina Faso (1960-1980)………………………………………… 226–243 El Hadji Amadou Ba NDIAYE: Défis et enjeux de l’éducation populaire au Sénégal, 1947 -1974…………………………………………….…… 244–261 N’Doua Etienne ETTIEN: Prospection archéologique à Songon (Sud Côte d’Ivoire) : Bilan sur l’état de conservation des sites d’amas coquilliers………………………………………………….………..…. 262–277 Virginie WANYAKA BONGUEN O. : Du discours au renouvellement de la « culture militaire » au Cameroun : 1960-2016……………………….. 278–291 KONATE Arna: Enseignement islamique traditionnel en Côte d’Ivoire, du XVIIIe siècle à la fin de la première moitié du XXe siècle……….…...… 292–311

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Essohanam BATCHANA: Attentat de Sarakawa », entre mythe et histoire : quelle implication dans la consolidation du régime Eyadema ? (1974-1990)………………………………………………………….……….. 312–329 Mamadou BAMBA : Formation du peuple Goli, un sous-groupe Baoulé du centre de la Côte d’Ivoire, XVIIe-XIXe siècles…..……………..…….. 330–350 Roselyne Gladys Immongault Nomewa: L’hospitalité dans le monde romain à l'épreuve de l'aquae et ignis interdictio sous la Royauté et la République….……………………………………………………...….. 351–365

KOFFI Kanga / GBAKRE Gneto Jean Patrice: La royauté chez les peuples Akan de Côte d’Ivoire : XVIIè siècle à 2012………………………….. 366–373 Sougle-Noma LAGBÉMA: L’initiation Malcont à l’épreuve des missions chrétiennes chez les Moba et Gourma du Nord-Togo (1936-1952)…………………………………………………….…………….. 374–393 Diégane SÈNE: Presse catholique et laïcat missionnaire. Une décennie de militantisme en AOF (1951-1960)……………….………….……….. 394–419 IBRAHIM Ahmed: La migration de la crise du nord vers le centre du Mali : 2012-2019………………………………………....………………….. 420–428

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KPAYEKoffiBakayota:L’ÉtatpostcolonialenAfriquede1960ànosjours:del’indépendanceproclaméeàladépendancevécue

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L’État postcolonial en Afrique de 1960 à nos jours : de l’indépendance proclamée à la dépendance vécue

KPAYE Koffi Bakayota

Université de Lomé (Togo)

[email protected]

Résumé

Depuis 1960, année de la proclamation de l’indépendance de la plupart des pays africains, jusqu’à nos jours, les États africains vivent encore sous domination. Cette réalité se vit à travers la nature des relations qui existent entre les nouveaux États indépendants de l’Afrique et leurs anciens maîtres. Ces derniers, préoccupés par la conservation et la préservation de leurs intérêts en Afrique s’ingèrent dans la vie de jeunes États, jeunes États, pourtant indépendants. Les accords secrets conclus çà et là et qui sous-tendent les relations privilégiées entre certains États africains et les anciennes puissances coloniales sont sources d’interférence dans les affaires intérieures des États africains. Ces derniers, incapables de trouver les voies et moyens pour leur développement, se tournent, par le biais de la coopération, vers ces puissances occidentales leur offrant loyalement l’occasion de perpétuer la domination connue désormais sous le vocable de néocolonialisme. La souveraineté de ces États est remise en cause du fait qu’ils n’ont plus une marge de manœuvre assez significative dans leurs relations de coopération qui sont conditionnelles. L’accession de ces États à l’indépendance est purement théorique et leur souveraineté est tronquée au regard de la marginalisation dont souffre le continent dans le concert des nations.

Mots clés : indépendance, souveraineté internationale, ingérence, développement, coopération, aide, gouvernance.

Abstract

Since 1960, the year of the proclamation of the independence of most African countries, until today, the African states still live under domination. This reality is experienced through the nature of the relations that exist between the new independent states of Africa and their great masters. The latter, preoccupied with the preservation and preservation of their interests in Africa, are interfering in the life of the young, yet independent states. The secret agreements concluded the privileged relations between certain states and the old colonial powers. The latter, unable to find ways and means for their development, to turn, through cooperation, by the Western powers, to give them a fair opportunity to perpetuate domination, now to be born of neocolonialism. The sovereignty of these states is called into question by the fact that they no longer have a significant margin of maneuver in their relations of cooperation which are conditional. The accession of these states to independence is purely theoretical and their sovereignty is truncated in view of the marginalization suffered by the continent in the concert of nations.

Keywords : independence, international sovereignty, interference, development, cooperation, aid, governance.

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Introduction

Après près d’un siècle de domination coloniale occidentale, les Africains, à la faveur de certains facteurs, réclamèrent et obtinrent leur indépendance au cours de la seconde moitié du XXe siècle consacrant ainsi la naissance de nouveaux États souverains. L’accession à la souveraineté internationale de ces derniers les plaça dans la logique de la prise en main de leur destin. La souveraineté, elle-même, est perçue comme « le pouvoir suprême reconnu à l’État, qui implique l’exclusivité de sa compétence sur le territoire national et son indépendance internationale, où il n’est limité que par ses propres engagements ». Donc l’indépendance devait conférer aux nouveaux États africains une autonomie dans la gestion de leur territoire y compris les ressources qui s’y trouvent, une liberté d’action au plan interne et externe, l’égalité avec les autres États sur le plan international, entre autres.

La proclamation de l’indépendance des États africains fut vécue comme l’avènement d’une ère nouvelle de liberté conformément à la doctrine diplomatique d’inspiration idéaliste qui naît au lendemain de la Première Guerre mondiale : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Qu’elle soit pacifique ou armée, l’indépendance des territoires jadis colonisés est la résultante d’une lutte sans relâche menée par les Africains. La résistance et le désir de s’affranchir du joug colonial eurent raison de la réticence des colonisateurs dont la volonté est d’exercer un contrôle sur le continent et ses richesses.

Une fois les indépendances proclamées, les jeunes États africains firent face à de nombreux défis qui mirent à rudes épreuves les élites portées à leur tête. Au plan interne, les difficultés économiques, les querelles politiques et la mauvaise gouvernance fragilisèrent le fonctionnement normal de l’État africain, incapable de régler ses problèmes, d’où des ingérences étrangères, en l’occurrence celles des anciennes métropoles. Le continent est continuellement handicapé par ses impuissances que sont le délabrement économique, les conflits armés avec leur cortège de drame humanitaire, des crises alimentaires, des épidémies, etc. Cette situation fait de l’Afrique un acteur marginal dans les relations internationales et condamnée à l’aide de la part de ses partenaires bilatéraux et multilatéraux.

Cet article pose la problématique de la dépendance de l’Afrique « indépendante » vis-à-vis de l’extérieur. Il part de l’hypothèse selon laquelle beaucoup de voix s’élèvent du fait de l’ingérence étrangère en Afrique. À celle-ci s’ajoute le constat selon lequel l’Afrique, en certaines circonstances, ne peut compter que sur l’assistance étrangère pour résoudre des problèmes qui se posent au continent. De laquelle de ces deux hypothèses les relations entre l’Afrique et l’occident peut-elle se prévaloir ou, autrement dit la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’extérieur est-elle une ingérence ou une nécessité ? Les États africains, peuvent-ils se passer de l’intervention extérieure, notamment celle de leurs anciennes métropoles ? Étudier l’ingérence étrangère dans les affaires des États indépendants africains revient à montrer que celle-ci est fonction, à la fois, des intérêts des puissances étrangères et des États africains. Cette étude, qui s’appuie sur des sources variées, notamment des travaux réalisés globalement sur la thématique et les rapports des organismes publics et indépendants dont le croisement permet de conduire l’analyse en deux parties :

- Les indépendances africaines : mythe ou réalité ?

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- L’intervention des anciennes puissances coloniales dans les affaires africaines : nécessité, incapacité, assistance ou ingérence ?

1. Les indépendances africaines : mythe ou réalité ?

Le 6 mars 1957, l’indépendance de la Gold Coast (Ghana) concrétisa les efforts de revendication de l’accession à la souveraineté internationale des territoires africains sous domination coloniale. Elle fut suivie un an plus tard du refus de la Guinée d’appartenir à la Communauté franco-africaine proposée par De Gaulle, d’où la proclamation de son indépendance le 2 octobre 1958. À la suite de cette dernière, les années 1960 furent marquées par la libération de la quasi-totalité des territoires africains sous domination coloniale. Cependant quelques années après la décolonisation du continent, les jeunes États africains se montrent incapables de gérer leur indépendance.

1.1. L’indépendance factice des États africains

Les puissances coloniales ont été contraintes de négocier les indépendances avec les colonies d’Afrique sous l’influence de facteurs historiques où le rôle de l’élite politique africaine fut déterminant. Celle-ci s’exprimant à travers des mouvements politiques et syndicaux. Au nombre de ces facteurs, il faut noter l’indépendance de l’Inde en 1947, les guerres de libération d’Indochine, de Madagascar, d’Algérie et du Cameroun, la conférence de Bandung, la pression des opinions publiques européennes, l’anticolonialisme affiché des USA et de l’URSS, entre autres.

L’accession des anciens territoires africains sous domination coloniale à l’indépendance est la conséquence logique de l’éveil du nationalisme entamé depuis la conférence de Manchester en 1945 qu’organisa W.E. Dubois qui réclama déjà en 1949, conformément aux Quatorze points du président W. Wilson, « le droit des peuples noirs à disposer d’eux-mêmes ». À cette rencontre, étaient conviés les futurs leaders africains comme Kwamé N’Krumah, Namdi Azikiwe, Jomo Kenyatta, Wallace Johnson, Hastings Banda (Y. Zerbo, 2003, p. 114). Ces leaders furent donc le fer de lance de la contestation du colonialisme sur leur terre et sur leurs peuples, surtout après la Deuxième Guerre mondiale.

Au cours de celle-ci, les puissances coloniales furent affaiblies par la guerre favorisant ainsi la remise en cause des liens coloniaux avec leurs possessions d’outre-mer. À l’évidence, les peuples colonisés réalisèrent au cours de la guerre que la puissance militaire des métropoles était moins extraordinaire qu’ils ne le pensaient (P. Boniface, 2014, p.15). Dès la fin de la guerre, en Afrique, l’idée d’une indépendance immédiate s’accéléra en opposition à une quelconque autonomie proposée par certaines puissances coloniales en l’occurrence la France. En réalité, les indépendances africaines, au-delà de toutes considérations, furent arrachées. Sinon comment peut-on expliquer les guerres d’indépendance de l’Algérie, du Mozambique, de la Guinée-Bissau, de la Rhodésie du Sud et les violences intervenues au Cameroun et au Madagascar ? On peut, dès lors, considérer à partir de ces illustrations que les puissances coloniales ne voulurent pas quitter le continent et les indépendances furent donc acceptées sous la pression de nombreux facteurs.

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Même la position des États-Unis et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) sur la question de la décolonisation restent à nuancer dans la mesure où leur position n’a pas été constante sur la question au regard de leurs intérêts en Afrique.

En ce qui concerne les États-Unis d’Amérique, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les intérêts américains étaient perçus en termes d’avantages commerciaux. Les États-Unis devraient à cet égard soutenir le démantèlement du « pacte colonial » qui leur interdisait le marché des territoires sous domination européenne. Dans ces conditions, la position des États-Unis en faveur de la décolonisation des territoires africains devait être justifiée. Cependant, il est à relever que la position des États-Unis vis-à-vis de la décolonisation des territoires africains évolua en fonction de leurs intérêts stratégiques et idéologiques sur le continent. Pour les Américains, tout en attirant la sympathie des peuples coloniaux, il fallait préserver les intérêts de leurs alliés (Français et Anglais) et éviter que l’indépendance des territoires africains ne les oriente pas plus tard vers le communisme. C’est à juste titre que les États-Unis soutiennent que :

« Le basculement des régions dépendant de l'orbite des puissances coloniales non seulement affaiblit les alliés européens potentiels des États-Unis, mais aussi prive les États-Unis eux-mêmes de l'accès aux bases et ressources matérielles de ces régions en cas de guerre. Si les pays récemment ou actuellement libérés s'orientent vers l'URSS, la sécurité militaire et économique des États-Unis serait sérieusement menacée » (K. Noraogo, 1992, p. 536).

Le soutien américain à la France dans le maintien des territoires sous le joug colonial est évident lorsqu’en 1946 le président Truman déclara que :

« En accord avec notre politique de base d'assister la France moralement et physiquement pour qu'elle recouvre sa force et son influence d'antan, et en pensant que si judicieusement l'empire français ou « Union » peut contribuer à cette force, nous sommes content de voir que l'Afrique de l'Ouest française reste sous le contrôle de la France, aussi longtemps que la politique extérieure française n'est pas faite au Kremlin » (K. Noraogo, 1992, p. 537).

L’attitude des Soviétiques à l’égard de la décolonisation des territoires africains répond au même schéma même si en certaines circonstances, ils ont pu soutenir ces derniers dans des imbroglios diplomatiques contre leurs propres intérêts. L’URSS cherchait indirectement à contrôler idéologiquement ces nouveaux États en gestation. C’est pourquoi les Soviétiques ont cherché à donner à leurs relations avec les nouvelles nations une base solide en instituant des mécanismes qui leur permettent de tirer plus de bénéfice et d’exercer un contrôle plus serré (K. Valkenier, 1973, p. 86).

Au regard de ces différentes positions, il est assez clair que les indépendances africaines ont été un passage d’une situation de domination à une autre puisqu’en réalité, les anciennes métropoles sont parties pour rester au moyen d’une autre stratégie. S’il est vrai qu’au lendemain des indépendances on assista au contrôle des institutions politiques, économiques et sociales locales par les Africains, la réalité est que ce fut plutôt un contrôle dicté par les anciens maîtres. Ceux-ci continuèrent à avoir un droit de regard sur ces institutions. Ils

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décidèrent même du choix des dirigeants politiques, des politiques économiques à adopter et au nom de la coopération, ils imposèrent des modèles culturels importés d’occident.

Au prime abord, il faut signaler qu’à la faveur de la coopération militaire, les anciennes métropoles conclurent avec les nouveaux États, concomitamment avec leurs indépendances, des accords de défense lesquels leur permirent d’avoir une mainmise sur l’appareil sécuritaire de ces États. Ces accords furent conclus avec la Côte d’Ivoire (1960), la République Centrafricaine (1960), le Djibouti (1977), le Gabon (1960), le Sénégal (1960, révisé en 1974), le Cameroun (1960, révisé en 1974), les Comores (1973, révisé en 1978) et le Togo (1963). Selon certaines dispositions de ces accords, il était permis à la France, sur demande de ses partenaires africains, d’intervenir pour assurer la sécurité en cas de troubles internes dans ces pays. Plus remarquable demeure l’existence de clauses secrètes donnant à la France le monopole des droits d’exploitation des ressources naturelles dans les pays concernés. De plus, l’octroi de l’indépendance était conditionné, pour certains États, par le respect des engagements pris. Albert Bourgi révèle à ce propos que dans une lettre adressée, le 15 juillet 1960 par Michel Debré, alors Premier ministre français, au futur président de la République gabonaise, Léon M’Ba « la France donne l’indépendance à condition que l’État une fois indépendant s’engage à respecter les accords de coopération signés antérieurement. Il y a deux systèmes qui entrent en vigueur simultanément : l’indépendance et les accords de coopération. L’un ne va pas sans l’autre ».1

Ensuite, découlant naturellement de cette réalité, la France développa une politique de bases militaires un peu partout sur le continent, notamment dans des zones dites stratégiques. Certaines sont plus anciennes que les États africains eux-mêmes, notamment celles de Côte d’Ivoire2 ou du Gabon3. Si la présence militaire française en Afrique est plus ancienne que les indépendances, il faut admettre que d’autres puissances telles que les États-Unis d’Amérique, le Japon ou en encore la Chine ont établi récemment des bases sur le continent. R. Aguessi4 soutient à cet effet que : « Tout le monde s’intéresse à l’Afrique aujourd’hui. La présence de puissances étrangères sur la terre africaine avilit la souveraineté des États africains en les maintenant encore sous influence ».

L’ensemble de ces éléments suffit à démontrer que les indépendances africaines ne furent que de simples proclamations sans réelle effectivité d’exercice de la souveraineté par les Africains. Dans cette analyse, le volet politico-militaire est privilégié, car dans d’autres

1Albert Bourgi cité par [email protected], consulté le 18 mars 2019 à 15h 18.

2 Héritières du régiment colonial, créé en août 1914 sous le nom de 43e régiment d'infanterie coloniale, puis rebaptisé en 1958, 43ème bataillon d’infanterie de marine (BIMA), et par la suite, Force Licorne en 2002, les forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI), créées le 1er janvier 2015 (Cf. www.agenceecofin.com/hebdop1/1603-55296-le-panorama-des-forces-armees-etrangeres-presentes-en-afrique, consulté ce 18 mars 2019 à 17h 21 mn.). 3 La France déploie des forces armées au Gabon depuis l'indépendance de ce pays en 1960 et conformément aux accords de défense d'août 1960. Répondant aux orientations du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, les éléments français au Gabon (EFG) ont remplacé les forces françaises au Gabon (FFG) au 1er septembre 2014 (www.agenceecofin.com/hebdop1/1603-55296-le-panorama-des-forces-armees-etrangeres-presentes-en-afrique, consulté le 18 mars 2019 à 17h 21 mn.). 4 Lors de l’entretien du 07 juillet 2019 à Lomé.

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domaines clés de souveraineté comme l’économie par exemple, les nouveaux États africains n’ont pu obtenir quelque indépendance que ce soit. La pseudo indépendance a eu pour effet l’intervention constante des anciennes puissances coloniales et des autres dans les affaires politiques, économiques, militaires, et même culturelles des pays africains (S.-P. Ekanza, 2006, p. 613). La présence continue des anciennes puissances coloniales ainsi que d’autres en Afrique reste largement encouragée par les problèmes de gouvernance que connaissent les États du continent.

1.2. De l’incapacité de gouvernance à la fragilité des États africains

La proclamation de l’indépendance des anciens territoires africains sous domination coloniale suscita une lueur d’espoir parmi les peuples épris de justice et d’égalité. Les élites politiques avaient, à cet égard, la lourde responsabilité de conduire leurs peuples à la vraie indépendance, c’est-à-dire la liberté et le bien-être économique et social. L’indépendance en réalité implique des responsabilités notamment celles de mettre les populations à l’abri de la pauvreté et d’exercer des fonctions régaliennes de l’État. Cependant, depuis les indépendances, les États indépendants d’Afrique sont confrontés à la question cruciale de la mauvaise gouvernance qui freine tout effort de développement et les plaçant ainsi sous dépendance extérieure.

Sur la question du développement, beaucoup d’analyses sont favorables à la capacité des États africains à y parvenir. M. Rocard (2003, p.21) soumet cette possibilité à trois conditions :

« La première est de donner la priorité absolue à tout ce qui touche la gouvernance : guerre ou paix, sécurité civile, nature des États, stabilité administrative, juridique et fiscale, pratique de la démocratie. La deuxième est d’accepter une remise en cause complète de tous les concepts, procédures et instruments dont se servent aujourd’hui les pays riches pour aider les pauvres. La troisième est d’accepter l’idée que le développement ne se parachute pas, et ne peut venir de l’extérieur. Il ne s’affirme que lorsqu’il est autocentré et puissamment piloté par une volonté nationale forte, éclairée et légitime ».

L’Afrique est le continent de tous les contrastes où pauvreté et richesse cohabitent. Le continent est réputé à cause surtout de l’abondance de ressources naturelles qui restent largement exploitées par des compagnies étrangères. Malgré l’indépendance proclamée, le continent est incapable d’exploiter ses propres ressources au profit de son propre développement. Les compagnies étrangères exploitent une main-d’œuvre abondante et moins chère avec une faible pression fiscale leur permettant de réaliser d’énormes bénéfices au détriment des États. La mauvaise gouvernance intervient à ce niveau lorsque ces compagnies reversent des redevances minières à l’État ou aux collectivités territoriales, et celles-ci sont détournées par une minorité laissant les populations dans la misère. Non seulement les États sont incapables d’exploiter les richesses naturelles dont la nature les a dotées, mais ils sont surtout pervers dans la redistribution des richesses nationales en encourageant ainsi le maintien des masses populaires dans la pauvreté.

Même si l’extrême pauvreté a connu un recul rapide à l’échelle mondiale, elle continue de progresser en Afrique subsaharienne, qui abritait en 2015 plus de la moitié de la population

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mondiale vivant avec moins de 1,90 dollar par jour5. La Banque mondiale, dans plusieurs rapports, fait état de l’accroissement de la pauvreté en Afrique sub-saharienne et conclut que la crise de gouvernance constitue l’un des facteurs explicatifs de l’échec des politiques de développement. Deux raisons seraient à l’origine de cette crise de gouvernance : l’abus de certains groupes locaux des fonds publics et l’ignorance des pratiques locales par les organisations internationales (I. K. El Mehdi, 2011, p. 69). Il découle de cette situation que les dirigeants africains, pour tenter de trouver des solutions aux différentes situations de crise, se tournent vers l’extérieur, ce qui place le continent dans une situation de dépendance. L’aide extérieure devient la panacée idéale à la crise de gouvernance qui sévit en Afrique. Ce constat est confirmé par O. Aminou6 qui explique que : « Les États africains ont encore besoin de l’aide pour se développer et cette aide ne peut provenir que des puissances étrangères qui sont nanties de resources financières et techniques. Cependant leur intervention est préjudiciable à l’indépendance réelle du continent »

Au lendemain des indépendances, les anciennes puissances coloniales n’abandonnèrent guère, exclusivement certains domaines de souveraineté aux nouveaux États. C’est ainsi que les affaires de défense et sécurité, étrangères, économiques, entre autres, sont influencées par ces anciennes métropoles.

En matière de défense et de sécurité, la France, par exemple, conserva des liens privilégiés avec ses anciennes colonies incapables de disposer de réelle politique de défense et de sécurité. Les élites militaires étaient formées dans les écoles françaises et des coopérants français très présents dans le dispositif de défense et de sécurité des pays en question. De même, les équipements étaient fournis parfois à titre gracieux par la France. Ne disposant pas de moyens, ces États indépendants n’avaient pas une marge de manœuvre significative dans la protection de leurs territoires. L’exercice de cette fonction régalienne de l’État était donc influencé par la France au mépris de la souveraineté de ces États. Toute l’action de contrôle de l’ancienne puissance coloniale se résume aux accords de défense conclus entre les deux parties. Ceux-ci furent à la base du maintien de la présence militaire française en Afrique après la décolonisation, du pré-positionnement des forces sur les territoires de pays africains, servant à la coopération avec ces pays et permettant d’intervenir au besoin, pour faire face à des crises résultant de menaces externes ou internes. Certains accords visaient la possibilité d’intervention de la France en vue du maintien de l’ordre intérieur (Côte d’Ivoire, Gabon, Togo) et il y avait aussi les fameux accords secrets (J.-F. Guilhaudis, 2016).

Si à la proclamation de l’indépendance un vent d’optimisme se pointait à l’horizon quant à l’avenir du continent, il faut cependant rappeler que déjà en 1962, certaines analyses réalistes montraient que les nouveaux États indépendants de l’Afrique avaient pris un mauvais départ. À contrario de l’optimisme dominant des années d’indépendance, il y avait ce que représentaient les énormes ressources du continent pour l’occident et les défis liés à la gouvernance de ces nouveaux États. La gestion de l’État postcolonial en Afrique rimaient

5www.worldbank.org/opendata/fr/l-extreme-pauvrete-continue-de-progresser-en-afrique-subsaharienne, consulté le 20 mars 2019 à 17h 36 mn.

6 Lors de l’entretien du 10 juillet 2019 à Lomé.

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avec l’inadéquation des politiques agricoles et éducatives, la corruption, le népotisme, l’accaparement des terres, le colonialisme de classe qui voit les élites urbaines, comme avant eux les colons, usurper les fruits du travail des masses paysannes, empêchant ainsi l’enclenchement d’une vraie dynamique de développement (Solignac Lecomte, Henri-Bernard, 2013, p.50).

Dans le domaine agricole, par exemple, l’inefficacité des politiques agricoles conduit à la désorganisation complète de la filière entraînant une forte dépendance de l’extérieur. Au Niger, L. Dupraz, Catherine, et Angèle Postolle (2017) expliquent que, sous la pression de la Banque mondiale, le gouvernement supprima, en 1982, les subventions aux intrants et se désengagea de la gestion des périmètres rizicoles irrigués au profit des coopératives. Il découle de cette situation de nombreux dysfonctionnements dans l’acquisition des intrants, l’entretien des équipements et la dégradation des ouvrages d’irrigation. Le Niger se trouva ainsi obligé de subir la concurrence des importations de riz asiatique et l’aide alimentaire en nature du Japon et des États-Unis d’Amérique (C. Laroche-Dupraz et A. Postolle, 2010, p. 117).

À l’évidence, on se rend compte que l’indépendance des anciens territoires africains, dominés par les puissances coloniales entre les XIXe et XXe siècles, devenus des États n’a été qu’une simple proclamation, car certaines relations de domination des anciens maîtres vont perdurer, l’exploitation économique et financière subsista. Y. Person (1981, p. 274) fait remarquer à cet effet que : « La coupure profonde dans l’histoire de l’Afrique a été la colonisation, alors qu’il y a une continuité évidente entre la structure mise en place par l’ancienne métropole et l’État contemporain qui se dit indépendant ». K.L.Attessi ajoute que : « L’Etat africain ne pouvait pas être autre chose que ce qu’il est aujourd’hui au regard des traces laissées par la colonisation. Ce constat est renfforcé par la disponibilité des dirigeants africains à perpétuer la situation d’antan afin de protéger leurs privilèges ainsi que ceux des occidentaux7 ».

La nouvelle élite politique à la tête de ces nouveaux États se montra incapable d’assurer le bien-être économique et social des populations africaines alors que la souveraineté proclamée à l’indépendance implique des responsabilités de l’État notamment celles de protéger les populations : protections sécuritaire, alimentaire, sanitaire, etc. On peut convenir avec B. Yacine-Touré (1993) que « l’indépendance de l’Afrique reste un mythe ; les transformations structurelles internes attendues n’ont pas eu lieu et, à l’extérieur, sur la scène internationale, l’Afrique reste plus que jamais marginalisée et dominée ». Et dans l’incapacité de résoudre ses propres problèmes et de gérer ses affaires internes, l’État postcolonial africain se tourne vers l’assistance étrangère mettant ainsi en cause sa souveraineté. Cette assistance émane, pour la plupart des cas, des anciennes puissances coloniales.

7 Lors de l’entretien du 21 juin 2019 à Lomé.

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2. L’intervention des anciennes puissances coloniales dans les affaires africaines : nécessité, incapacité, assistance ou ingérence ?

L’accession à souveraineté internationale des territoires africains suppose une entière indépendance vis-à-vis des anciens maîtres que furent les puissances coloniales. Aussi, dans les relations internationales, le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États devrait-il mettre les nouveaux États indépendants d’Afrique à l’abri des ingérences étrangères. À cet égard, R. Marchal et Y. Banégas (2005, p.6) soulignent qu’après la création des Nations Unies (ONU), il y avait eu une double évolution : d’une part, une extension et un approfondissement des conceptions solidaristes inspirées par les droits de l’homme et, d’autre part, une réaffirmation de l’illégalité de l’ingérence dans les affaires intérieures d’un État. Cependant, les pays africains sont constamment sous l’emprise de l’intervention étrangère.

2.1. L’État postcolonial africain entre indépendance et assistance

Malgré leur indépendance, les États africains, au regard de leur faiblesse, continuent de recourir à l’assistance étrangère dans le contexte de la coopération bilatérale ou multilatérale. Même si la politique d’africanisation des cadres et celle de la nationalisation des entreprises locales furent considérées comme des gestes forts d’une affirmation de la souveraineté des nouveaux États issus de la colonisation, il est indéniable que dans nombre de domaines, les États du continent manquaient cruellement de ressources humaines, matérielles et financières pour s’auto-administrer. C’est à juste titre qu’ils se tournèrent vers leurs anciennes métropoles dans le cadre de la coopération bilatérale.

L’indépendance politique ne permit pas aux nouveaux États africains de sécréter les ressources nécessaires au développement. La question du financement de leur développement à partir des ressources internes, notamment l’épargne interne, a été une illusion. R. Badouin (1968, p. 834) explique que :

« De nombreux États africains ne peuvent pas sécréter à partir de leur économie l'épargne nécessaire à leur développement. Cette réalité avait été perçue dès que, sous le régime colonial, la puissance tutrice s'était préoccupée d'aménager l'économie de ses territoires africains. Elle avait été plus ressentie dans les territoires francophones que dans leurs voisins anglophones (…). L'accession à l'indépendance politique n'a pas modifié la situation. Elle a même rendu plus pressant l'appel à une aide extérieure ».

À cet égard, l’assistance économique et financière aux pays africains s’est matérialisée à travers l’aide publique au développement (APD) essentiellement constituée de fonds publics provenant des États ou des collectivités locales. Sous forme de prêt ou de dons, cette assistance financière a permis aux gouvernements africains de résoudre des difficultés budgétaires et bien d’autres. Au-delà de l’exportation des matières premières, l’assistance étrangère avait été l’une des principales sources de financement de développement des États africains et les anciennes puissances coloniales jouent un rôle prépondérant dans ce domaine. T. Simon (2010) fait comprendre que :

« En Afrique subsaharienne, les aides bilatérales au développement ont été principalement concédées par les deux puissances européennes colonisatrices : France et Grande-Bretagne, qui furent par ailleurs rivales lors de la conquête de ces territoires. Par le biais du bilatéralisme, dont le fondement repose sur

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des accords de coopération, les deux ex puissances tutélaires se réapproprient, sans solution de continuité, un espace géopolitique majeur au sud du Sahara ».

L'aide extérieure est surtout utilisée pour la mise en place de nouvelles structures, qu'il s'agisse de créer un minimum d'infrastructures, d'entraîner le démarrage du secteur industriel, de faciliter le changement du système d'économie agricole. On ne peut en attendre des résultats spectaculaires surtout lorsque ces transformations s'accomplissent au moment où se manifeste une poussée démographique.

L’assistance financière a constitué tout le ciment de la relation bilatérale entre les pays africains et leurs anciennes métropoles. Tous les secteurs, de la santé en passant par l’agriculture ou encore la défense, n’ont échappé à l’assistance financière et technique. En sus des anciennes métropoles, la communauté internationale vient au secours du continent dans le contexte de son développement. En effet, les organismes internationaux ont été sollicités et sont souvent accusés de s'être trop longtemps désintéressés du continent africain et de ses problèmes. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) et ses filiales sont désormais présents sur le territoire africain (R. Badouin, 1968, p.835). Les États du continent sont très dépendants de la coopération multilatérale. Même si on reconnaît la présence des agences de l’ONU partout dans le monde et principalement dans les pays sous-développés, il faut reconnaître que c’est en Afrique que celles-ci sont sollicitées au regard des situations d’urgence dans lesquelles se trouvent les États du continent (sécheresse, famine, inondations, déplacés, réfugiés, etc.).

Même en matière de maintien d’ordre intérieur, les États du continent sont obligés de se tourner vers l’assistance étrangère pour acquérir le matériel, souvent sous forme de don ou à travers des prêts, avec des taux d’intérêt exorbitants, pour en acquérir. Pis encore, lorsque des conflits internes éclatent dans les pays africains, les anciennes puissances coloniales sont sollicitées au nom des accords de défense qui les lient aux États indépendants d’Afrique. Cette pratique avait permis à la France, par exemple, d’intervenir en Afrique pour faire et défaire des régimes.

L’incapacité des États africains à faire face aux troubles internes entraîne également une assistance de la part des puissances étrangères. En effet, la période post-indépendance (1960-1980) fut marquée par une intervention relative des anciennes puissances coloniales dans les affaires internes aux États. Mais après les années 1980, on nota un désintérêt du continent. Depuis le début de la décennie 2000, un réinvestissement notable de la part des puissances extérieures au continent se précise avec les États-Unis, la Chine ou l'Inde qui y déploient une activité croissante en s’ajoutant aux puissances traditionnelles : la France et le Royaume-Uni. Les causes en sont diverses : la richesse en matières premières et en énergie intéresse, tandis que l'instabilité du continent inquiète. L’Afrique étant devenue de plus en plus un espace de conflits, les puissances occidentales sont confrontées à un double enjeu : la protection de leurs intérêts et la solidarité avec les États du continent. Les interventions militaires extérieures, quoique nécessaires, ne règlent cependant pas les conflits africains. Diversement appréciées

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par les acteurs, elles sont perçues comme une forme d’ingérence, facteur d'instabilité supplémentaire.

Face aux difficultés rencontrées dans la gestion de l’État postcolonial, et à la vulnérabilité du continent à diverses sortes d’aléas, l’assistance étrangère devient une nécessité. Même si l’assistance s’inscrit dans le contexte de la coopération, il faut toutefois relever que l’assistance fournie aux États indépendants du continent est un nouveau moyen de contrôle exercé sur ceux-ci de la part de leurs anciens maîtres. La constante sollicitude de ces anciennes métropoles place le continent dans une situation de domination en transformant la souveraineté acquise en une indépendance nominative.

2.2. Des États indépendants à souveraineté assujettie

L’indépendance est l’absence de relation de sujétion ou de cause à effet, entre différentes entités. Par contre, la souveraineté qualifie la caractéristique d’une entité autant par rapport à elle-même que par rapport aux autres. En raison de ses liens étroits avec la guerre, c’est une notion éminemment politique qui se situe au cœur des relations entre communautés, groupes sociaux, États. Les liens entre ces deux notions sont très forts, voire superposables, quand elles portent sur l’État. Pour être souverain, il faut qu’un État soit indépendant ; mais pour vivre son indépendance, il faut que l’État soit souverain.

Au regard des conditions dans lesquelles les indépendances africaines furent obtenues, on peut admettre qu’elles ont été arrachées, car, qu’elle soit pacifique ou violente, l’accession à l’indépendance a tout de même été une lutte. Donc, en réalité, les anciennes métropoles n’ont fait que changer la nature de la relation qui les lie désormais aux nouveaux États indépendants d’Afrique. Dans ces conditions, la souveraineté qui est le symbole de l’indépendance a été détournée et confiée à la nouvelle classe dirigeante choisie par la puissance coloniale. Le colonisateur a pu continuer à gérer, par personnes interposées, le sort des populations qu’il dominait.

La souveraineté suppose que les États sont autonomes, donc indépendants vis-à-vis de leurs anciens maîtres. La réalité africaine est toute autre. Le continent continue de faire l’objet de dépendance étrangère de la part des anciennes métropoles devant l’impuissance de ses dirigeants. Cette domination est plurielle : elle se manifeste à travers les idéologies et les institutions importées, les relations privilégiées sur les plans politique, économique, militaire avec les anciennes puissances coloniales (B. Yacine-Touré, 1983, p. 108).

D’abord, l’avènement des États africains souffre d’un mal congénital notamment le mimétisme colonial. L’État en Afrique est une création des anciennes métropoles dont les modèles d’organisation sont calqués sur ceux des anciennes métropoles. Ce qui a entraîné une forte dépendance des pays indépendants d’Afrique vis-à-vis de leurs anciennes métropoles dans le cadre des relations étroites qui lient ces dernières à leurs anciennes possessions. C’est là le sens de la priorité accordée par la France à ses anciennes colonies de l'ancienne Afrique occidentales françaises(AOF) ou de l'ancienne Afrique équatoriale française (AEF) ainsi que la place centrale qu'occupe la Grande-Bretagne dans la coopération bilatérale avec ses anciennes colonies. L’assujettissement des États indépendants d’Afrique aux anciennes

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métropoles est bien observable dans les relations de coopération entre les États africains et l’occident.

L’attitude messianique de la France en Afrique répond bel et bien à la stratégie de « il fallait que tout change pour que tout reste la même chose ». En réalité, en accordant l’indépendance aux territoires sous domination coloniale, la France réussit à se maintenir pendant plus de trente ans dans ses anciennes colonies, et même au-delà, sans grand problème en s’appuyant sur certains bastions comme le Gabon, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal (Médard, 1999, p.24). Ceux-ci se contentèrent d’exécuter les ordres venant de l’Élysée et de protéger les intérêts français dans des pays pourtant souverains au détriment de leurs populations. La coopération bilatérale « à la française » est la poursuite de la domination coloniale sous un autre vocable. Thobie (1990) cité par J.-F. Médard (1999, p. 24-26) expose la conception de la coopération selon le général De Gaulle :

« La coopération est à la fois un des moyens de rayonnement qui restent à la France, mais aussi un legs du devoir colonial (...) ; nous avons une responsabilité devant l’Histoire. Il s’agit d’une question d’honneur et de rang. La vocation de la France s’exerce désormais par la coopération. Oui, la coopération est désormais la grande ambition de la France ».

R. M. Obam estime pour sa part que :

« Certaines puissances occidentales, notamment la France, ne peuvent pas exister sans les États africains. Ceux-ci constituent la réserve dans laquelle ces puissances peuvent puiser les ressources nécessaires à leur survie. Ressources naturelles, agricoles, financières et humaines africaines sont les facteurs de développement et du rayonnement de ces puissances. Se détacher de l’Afrique est synonyme de leur inexistence. Pour atteindre cet objectif, elles brandissent la coopération bilatérale ou multilatérale 8 ».

À l’analyse de l’histoire des relations entre la France et les États africains nouvellement indépendants, il apparaît que l’indépendance a été octroyée moyennant des concessions de part et d’autre. La France devait y maintenir ses privilèges et intérêts en assurant une protection aux régimes africains dans un environnement socio-politique marqué par des coups d’État et dominé par des crises économiques et financières. C’est ce qui justifie la mise sous tutelle de la souveraineté des États africains devenus dans ces conditions des « États indépendants assujettis ». Dans ce sens, L. Golo9 souligne que :

« La siuation dans laquelle se trouve le continent est source de d’intervention étrangère. Les crises politiques, économiques et autres dépassent la capacité des États africains à leur trouver des solutions, donc l’intervention étrangère, même si elle assujettit la souveraineté de ces pays, elle a sa raison d’être ».

Si la France utilise le canal de la coopération pour maintenir sous domination les États africains, les États-Unis, quant à eux, ont opté pour la politique des conditionnalités. En effet, l’aide américaine aux pays en développement en général, est conditionnée par certaines valeurs que défendent les Américains. À ce sujet, I. Biagiotti (1999, p. 49) rappelle que : 8 Lors de l’entretien du 05 avril 2019 à Addis-Abeba. 9 Lors de l’entretien du 16 juillet 2019 à Lomé.

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« À partir de 1990, les États-Unis se sont fait une image différente de ce qui devait être leur politique d’assistance. Fort de la fin de la guerre froide et du renforcement de leur influence politique sur l’ensemble des nations, Washington a voulu placer l’ensemble de sa politique extérieure sous le signe de la promotion du respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la gouvernance ».

Les États africains devant bénéficier de l’aide américaine sont donc assujettis à ces conditionnalités. Ce qui amène à comprendre que ces derniers n’ont aucune marge de manœuvre dans le processus de décision de l’aide devant leur être accordée, c’est-à-dire que leur souveraineté se trouve être réduite vis-à-vis du donateur.

L’accession des anciens territoires africains à la souveraineté internationale n’a été qu’une transition vers une autre forme de domination par le truchement de la coopération. Incapable de se développer avec des ressources propres, l’Afrique indépendante, au mépris de sa souveraineté, s’en remet à l’aide internationale. Finalement, l’aide crée une dépendance perpétuée par la mauvaise gestion des dirigeants africains. En conséquence, les partenaires multilatéraux et les gouvernements occidentaux font de l’image victimaire de l’Afrique un business. Dans ces conditions, les indépendances n’ont été qu’une simple proclamation et la souveraineté des États africains n’est que symbolique.

Conclusion

Dans les années 1960, la quasi-totalité des territoires jadis colonisés par les puissances étrangères en Afrique obtint son indépendance. Désormais libérés de la domination coloniale, ces nouveaux États indépendants étaient appelés à prendre en main leur destin en main afin d’assurer le bien-être économique et social des populations. Après l’indépendance, la question fondamentale qui s’est posée en Afrique était celle du développement dans toutes ses dimensions. Face à la problématique des ressources à mobiliser à cet effet, les jeunes États africains, à la faveur des relations historiques qu’ils entretiennent avec leurs anciennes puissances coloniales, se tournèrent vers celles-ci pour apporter des solutions aux problèmes de financement de leur développement.

Les anciennes métropoles, ayant des intérêts à protéger dans cette partie du monde aussi riche en ressources minières, énergétiques et agricoles, entres autres, et voulant contrôler des zones stratégiques sur le continent, conclurent des alliances secrètes avec des dirigeants africains, soucieux de préserver leur pouvoir de toute entreprise de déstabilisation. En réalité, les anciennes puissances coloniales n’ont jamais quitté le continent. La coopération pour le développement a été la nouvelle politique mise en place en substitution au fait colonial. La coopération entre l’Afrique indépendante et l’occident s’est transformée en une liaison en sens unique à travers l’aide qui est devenue un levier indispensable dans la gestion de l’État postcolonial. L’aide à l’Afrique subsaharienne manifeste une incidence massive en termes quantitatifs et le continent est devenu la région du monde la plus dépendante de l’aide : 5,3 % du PNB (en incluant le Nigeria et l’Afrique du Sud). Certains pays constituent des extrêmes, comme le

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Mozambique : 59 % du PNB, ou la Guinée-Bissau : 68 % du PNB, en contraste avec, par exemple, le Nigeria : 0,64 % du PNB10.

La dépendance des États africains vis-à-vis de l’occident malgré leur accession à la souveraineté internationale fragilise leur position en tant qu’États souverains. Les indépendances proclamées après des luttes, parfois sanglantes, sont loin de libérer le continent de toute ingérence. Si le principe de la souveraineté existe pour protéger les États faibles des appétits des États puissants et empêcher les forts d’imposer leur volonté aux faibles, la relation entre les nouveaux États indépendants d’Afrique et les anciennes métropoles est plutôt une domination néocoloniale au mépris de ce principe de souveraineté.

Sources et bibliographie

1- Sources 1.1. Sources orales N° Nom et Prénoms Date et lieu de

l’entretien Qualité

1 OBAM Jean-Rigobert Metayang 05 avril 2019 à Addis-Abeba

Chercheur indépendant en politique africaine

2 ATESSI Kodjo Lébéné

21 juin 2019 à Lomé

Conseiller politique au Centre interafricain de Développement et de la Coopération (CIIDC)

3 AGUESSI Romuald 07 juillet 2019 à Lomé Expert en politique culturelle

4 AMINOU Osseinou 10 juillet 2019 à Lomé Economiste à la retraite

5 GOLO Lucas 16 juillet 2019 à Lomé Juriste à l’ONG L’Afrique de demain, membre de la société civile

1.2. Sources électroniques

[email protected], consulté le 18 mars 2019 à 15h 18.

www.worldbank.org/opendata/fr/l-extreme-pauvrete-continue-de-progresser-en-afrique-subsaharienne, consulté le 20 mars 2019 à 17h 36 mn.

www.agenceecofin.com/hebdop1/1603-55296-le-panorama-des-forces-armees-etrangeres-presentes-en-afrique, consulté ce 18 mars 2019 à 17h 21 mn.).

10Alice Sindzingre : La dépendance vis-à-vis de l’aide en Afrique subsaharienne: éléments d’économie politique, Centre national de la recherche scientifique, Paris, p. 59-60.

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www.agenceecofin.com/hebdop1/1603-55296-le-panorama-des-forces-armees-etrangeres-presentes-en-afrique, consulté le 18 mars 2019 à 17h 21 mn.

2- Bibliographie

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