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Note d’analyse prospective n° 136 25 juillet 2013 EURO-MÉDITERRANÉE : QUAND LE COMMERCE AGRICOLE RÉVÈLE DES DISSONNANCES STRATÉGIQUES Sébastien Abis

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Note d’analyse prospective n° 136 25 juillet 2013

EURO-MÉDITERRANÉE :

QUAND LE COMMERCE AGRICOLE RÉVÈLE DES DISSONNANCES STRATÉGIQUES

Sébastien Abis

Euro-Méditerranée : quand le commerce agricole révèle des dissonances stratégiques

2 © Futuribles International / Système Vigie Note dʼanalyse prospective n° 136, 25 juillet 2013

À travers la problématique des échanges agricoles et de leurs dynamiques, c’est toute la complexité de la relation politique, commerciale et stratégique entre l’Union européenne (UE) et les pays du pourtour méditerranéen qui peut être observée. Cette note, après avoir présenté rapidement les sensibilités sur l’agriculture dans le débat euro-méditerranéen depuis la fin du XXe siècle et l’évolution très lente des négociations, propose un aperçu général sur le commerce des produits agricoles et alimentaires entre l’UE et les pays arabes méditerranéens (PAM) 1 de 2006 à 2012. Ces bases étant posées, il s’agira dans un dernier temps de réfléchir aux scénarios possibles pour l’avenir des relations euro-méditerranéennes et des négociations commerciales dans un contexte régional et international en pleine mutation. Une série d’annexes statistiques complète cette note, avec notamment un focus sur la France et son commerce agricole avec les PAM.

Entre craintes, polémiques et risques : un rythme lent pour les négociations et une frilosité politique durable Dans le cadre euro-méditerranéen, mis en place avec le processus de Barcelone en 1995 2, les relations agricoles ont toujours constitué un domaine spécifique. Une partie des peurs commerciales euro-méditerranéennes proviennent du risque de compétition renforcée entre les deux rives du Bassin sur les mêmes productions agricoles (huile d’olive, fruits et légumes, etc.). Au Nord, les producteurs de l’Union européenne redoutent de devoir affronter une concurrence accrue en cas de disparition de la préférence communautaire. Au Sud, les exportateurs demandent un accès plus large au marché communautaire. Ces sensibilités expliquent que l’agriculture ait été jusqu’ici l’un des parents pauvres de la coopération euro-méditerranéenne. Tandis que le commerce était censé constituer l’une des pierres angulaires de la coopération régionale, avec le but de créer à l’horizon 2010 une zone euro-méditerranéenne de libre-échange, le secteur agricole a fait l’objet d’une exception et il est resté très contrôlé.

Par ailleurs, plusieurs études 3 ont été menées pour évaluer les impacts d’une possible libéralisation des échanges agricoles euro-méditerranéens. Les conclusions les plus

1 À savoir ici l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Tunisie et la Syrie. 2 En novembre 1995, l’UE décide d’accorder à la Méditerranée toute l’attention que cet espace exige. La déclaration de Barcelone sonne alors comme un puissant signal d’espoir dans une région qui semble pouvoir bénéficier des dividendes du nouvel ordre mondial post-bipolaire. Prolongeant les politiques méditerranéennes de l’Europe initiées dans les années 1970, le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) se décline en trois volets (politique, économique et socioculturel) qui fixaient autant d’objectifs à atteindre à moyen-long terme : le développement d’une zone de paix et de stabilité, la création d’une zone de libre-échange à l’horizon 2010 et le renforcement des relations humaines et sociales. À partir du milieu des années 2000, les critiques et les déceptions se sont accumulées sur cette initiative géopolitique bousculée par les transformations du paysage stratégique international et régional, et par les difficultés croissantes rencontrées pour mener des programmes de coopération à caractère multilatéral. L’Union pour la Méditerranée (UpM), promue par la France à partir de 2007, et dont le sommet de Paris en juillet 2008 marqua un moment assurément fort sur le plan politique, n’a pas permis de relancer le PEM. Elle aurait même plutôt contribué à démontrer, une fois encore, toute la complexité à penser l’espace méditerranéen dans son ensemble à l’heure où tensions, divisions et replis sur soi prolifèrent sur ses différentes rives. Sur ces dynamiques de la coopération euro-méditerranéenne, voir ABIS Sébastien, « 2007 : année zéro pour la Méditerranée ? », Futuribles, n° 321, juillet-août 2006 ; et « Europe et Méditerranée : se souvenir du futur », La revue internationale et stratégique, n° 83, IRIS/Armand Colin, septembre 2011. 3 JACQUET Florence et alii, Impacts of agricultural trade liberalization between the EU and Mediterranean countries, Synthesis report, EUMED-AGPOL Programme, European FP6 Project, 2007. URL : http://eumed-agpol.iamm.fr/html/publications/prj_report/d27.pdf ; KIRKPATRICK Colin et alii, Étude d’impact de durabilité de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne, Manchester : Centre de recherche sur l’étude d’impact,

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fréquentes indiquaient que les conséquences seraient vraisemblablement limitées pour l’UE prise dans son ensemble, en raison du poids trop faible des pays méditerranéens dans son commerce agricole extérieur. L’ouverture des marchés pourrait au contraire stimuler les exportations européennes sur la rive sud de la Méditerranée, là où les besoins sont forts et croissants sur des produits de base que l’Europe marchande assez bien (céréales, lait et viandes). En revanche, prise isolément, l’Europe méridionale pourrait être affectée par une libéralisation agricole brute. Les producteurs des filières fruits et légumes, situés en Espagne, dans le sud de la France, en Italie ou en Grèce, pourraient être fragilisés par l’ouverture des échanges. Ce sont ces derniers qui furent le plus souvent au rendez-vous de la contestation politique face à la perspective d’un libre-échange agricole euro-méditerranéen. Or, sur ce plan précis, les recherches et les estimations ont convergé pour souligner que le potentiel d’accroissement des exportations sud-méditerranéennes en fruits et légumes à destination de l’UE n’était pas considérable, et que les craintes évoquées ci-dessus s’avéraient très souvent injustifiées 4.

En outre, les perdants européens seraient peu nombreux et concentrés dans quelques régions. Il pourrait donc être possible d’envisager la mise en place de mesures de compensation par les différentes autorités publiques. La plupart des travaux de recherche relatifs à la libéralisation des échanges agricoles ont ainsi conclu à l’intérêt mutuel de ce processus sur le commerce euro-méditerranéen 5. Les contraintes à la croissance de l’offre agricole (augmentation de la population, raréfaction des ressources naturelles) et la mise en place de barrières non tarifaires (normes sanitaires et phytosanitaires notamment) soutiennent par ailleurs les prévisions indiquant un potentiel somme toute limité d’exportations agricoles des PAM. Enfin, les études d’impact ont insisté sur le risque d’effets bien plus vastes dans les PAM. La répercussion dépasserait le seul cadre agricole, affectant socio-économiquement des exploitations agricoles et des sociétés rurales mal préparées à l’ouverture des marchés. En outre, peu connectées aux dynamiques commerciales, celles-ci ne bénéficieraient pas de l’élan potentiel offert par la libéralisation des échanges avec l’Europe. L’élaboration de scénarios contrastés, dans le cadre du programme de recherches Sustainmed, montre globalement que la libéralisation doit être mise en œuvre en tenant compte de l’acuité des problèmes de développement humain, de croissance insuffisamment inclusive, de pauvreté en milieu rural et de pressions migratoires 6.

Il faut attendre novembre 2003 pour que soit organisée, à Venise sous présidence italienne, la première conférence euro-méditerranéenne des ministres de l’Agriculture, dont les conclusions ont porté sur le développement rural, la promotion de la qualité des produits agricoles et le soutien à l’agriculture biologique. Par son format institutionnel en présence de 27 pays (15 membres de l’UE et 12 partenaires méditerranéens), cette rencontre reste unique à ce jour dans l’historique de la coopération euro-méditerranéenne. En 2005, l’UE

Institut pour la politique et la gestion du développement, Université de Manchester, rapport préparé pour la Commission européenne, 2005 ; LIPCHITZ Anna, « La libéralisation agricole en zone Euro-Méditerranée: la nécessité d’une approche progressive », Notes et études économiques, n°23, septembre 2005, ministère français de l’Agriculture et de la Pêche. 4 EMLINGER Charlotte et alii, « Tariffs and other trade costs: assessing obstacles to Mediterranean countries’ access to EU-15 fruit and vegetable markets », European Review of Agricultural Economics, Vol. 35, Oxford University Press, 2008. 5 GRETHE Harald et alii, « The development and future of EU agricultural trade preferences for North-African and Near-East countries », XIth EAAE International Congress, Copenhague, août 2005. 6 HADAD-GAUTHIER (El) Fatima et alii, « Sustaining societies and agriculture in the Mediterranean Countries », International Innovation Review, mars 2013, pp. 39-40. Voir également toutes les études du programme SustainMed sur le site Internet dédié: http://sustainmed.iamm.fr/

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décide d’ouvrir des négociations avec les pays partenaires méditerranéens afin d’accroître la libéralisation réciproque des échanges de produits agricoles et de la pêche, qu’ils soient frais ou transformés. Ainsi, dès 2006, la Commission traite le chapitre agricole de manière bilatérale avec les pays qui le souhaitent, en insistant sur la nécessaire réciprocité, car l’effort doit être partagé entre l’UE et les partenaires méditerranéens. Le processus doit également reposer sur une approche graduelle et progressive, avec le principe de l’asymétrie temporelle (l’UE devant accepter un rythme d’ouverture plus lent chez les pays méditerranéens) ainsi que sur la définition par pays d’une liste d’exception avec les produits les plus sensibles à ne pas inclure dans le processus de libéralisation.

Depuis 2006, le rythme des négociations est cependant beaucoup plus lent que prévu. En 2007, la Jordanie a conclu un accord de libéralisation additionnelle avec l’UE qui intègre désormais les produits agricoles. Mais la quantité de produits concernés ne représente pas de grands volumes et les négociations se sont vite achevées. Ce fut ensuite au tour de l’Égypte : l’accord, entré en vigueur en juin 2010, donne à l’UE un accès libre et immédiat au marché égyptien pour près de 90 % des exportations de produits agricoles et de la pêche, à l’exception du tabac, des vins, des spiritueux, de la viande de porc, des sucreries, du chocolat, des pâtes alimentaires et des produits de la boulangerie, dont les droits de douane seront réduits de moitié. En contrepartie, le marché de l’UE sera libéralisé pour tous les produits, à l’exception des tomates, des concombres, du riz, des artichauts ou des fraises, entre autres, pour lesquels les accords en vigueur continueront de s’appliquer.

En avril 2011, l’UE décide d’exempter les produits agricoles et halieutiques des Territoires palestiniens de droits de douane. Si les échanges commerciaux demeurent modestes du point de vue européen, ils revêtent une importance particulière pour les Territoires palestiniens, pour lesquels ces produits représentent 60 % de la valeur totale des échanges. Ainsi, tous les produits agricoles, poissons et produits de la pêche originaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza seront exemptés de droits de douane pour une période transitoire de 10 ans, éventuellement renouvelable. Toutefois, les fruits et légumes ne sont pas concernés ici par la suppression des droits de douane.

Après de longs mois de négociations et de vifs débats au Parlement européen, sans oublier les oppositions syndicales exprimées par les agriculteurs espagnols notamment, c’est enfin le Maroc qui signe en février 2012 un accord de libre-échange agricole avec l’UE. Entré en vigueur en octobre 2012, il assure que 55 % de la valeur des exportations marocaines entrent en franchise dans l’Union européenne, sans contingents et sans aucun calendrier. La plupart des produits agricoles du Maroc bénéficient donc d’un accès libre au marché communautaire, à l’exception des produits jugés sensibles (ail, clémentine, concombre, courgette, fraise et tomates) et dont les quotas progresseront sur une période de cinq ans. Dans le cas de la tomate, qui défraie souvent la chronique au sujet de la libéralisation des échanges euro-marocains, le contingent augmentera au final de 52 000 tonnes. Les raisins de table, les pêches, les nectarines et les abricots bénéficient de prix d’entrée conventionnels inférieurs de 30 % aux prix d’entrée OMC (Organisation mondiale du commerce). En revanche, l’accord n’inclut par le sucre et, d’ailleurs, un système de surveillance pour les importations de produits le contenant est mis en place. Pour le Royaume, cet accord constitue une victoire importante qui s’intègre avec la stratégie de développement agricole promue depuis 2008 dans le cadre du plan « Maroc Vert ». L’UE va également bénéficier de cette négociation, puisque 45 % de la valeur de ses exportations vers le Maroc sont libéralisés depuis cet accord. Cette proportion passera ensuite à 70 % à l’horizon 2022. Les animaux reproducteurs et les semences seront également libéralisés sur 10 ans. Les produits laitiers, les œufs, les légumineuses, la biscuiterie, la chocolaterie et la confiserie, à libéraliser, connaîtront un accès facilité et graduel sur 5 à 10 ans. Enfin, pour les blés, le lait et l’huile d’olive, des quotas restent

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prévus. Il faut aussi replacer cet accord agricole avec celui spécifique sur la pêche qui, lui, n’a pas été renouvelé en 2012. Or, il présentait des avantages importants pour les pays de l’UE, notamment l’Espagne. Des discussions sont toujours en cours pour définir les modalités futures des échanges euro-marocains en matière de pêche. Mais les négociations progressent très lentement, notamment parce que le Royaume s’agace de l’insertion de références sur les droits de l’homme dans celles-ci.

Un commerce agricole euro-méditerranéen asymétrique Sur la base des données fournies chaque année par la Direction générale au commerce de l’UE, à travers les fiches-pays mises à jour, il est possible d’observer l’évolution des échanges avec les pays tiers et donc avec les PAM 7. Compilées sur plusieurs années, depuis 2006, date charnière pour le commerce agricole euro-méditerranéen, ces informations façonnent une série statistique qui peu à peu s’enrichit et permet de suivre les tendances.

L’UE, rappelons-le, est un acteur majeur du commerce international agricole. En ce sens, c’est un domaine dans lequel l’UE reste une puissance mondiale, et ce même en période de crise économique 8. Avec les États-Unis, elle domine le marché des exportations, suivie par le Brésil, la Chine et l’Argentine. En 2012, les exportations totales européennes de produits agricoles ont été de 114 milliards d’euros. Parmi les partenaires commerciaux de l’UE, les États-Unis, avec 13 %, la Russie, avec 10%, et la Chine/Hong-Kong, avec 9%, sont les trois destinations privilégiées des exportations agricoles. C’est d’ailleurs avec la Chine, mais aussi avec l’Arabie Saoudite, que la croissance des exportations est la plus forte depuis 2010. Sur le plan des importations, l’UE, avec 102 milliards d’euros achetés aux quatre coins du globe lors de l’année 2012, constitue le premier pôle d’achat de produits agricoles sur la planète.

Quelles sont les tendances dans la relation agro-commerciale avec la Méditerranée ? Une première évidence doit ainsi être rappelée : la part des PAM reste marginale dans le commerce agricole de l’UE. En effet, depuis 2006, ils comptent pour 8 % à 9 % en moyenne dans les exportations européennes. En 2012, elle est même tombée à 7,6 %. Cela dit, ce poids n’est pas si faible au regard de la taille démographique des PAM, qui ne représentent que 3 % de la population mondiale. Il convient donc de relativiser la position marginale de ces pays au sein des exportations agricoles totales de l’UE. L’Algérie et l’Égypte, deux des plus grands pays importateurs de la planète en denrées agricoles, captent la moitié de ces flux de l’UE vers les PAM. D’ailleurs, ce sont en direction de ces deux pays que les ventes européennes connaissent les meilleures progressions.

Pour les autres PAM, la tendance est similaire, c’est-à-dire en forte croissance. Le montant des exportations agricoles de l’UE a presque doublé depuis 2006, passant de 4,9 milliards d’euros à 9,7 milliards en 2012. Cela s’explique à la fois par le renchérissement des produits agricoles (notamment les denrées de base et les céréales) et par des besoins accrus au sud de la Méditerranée. L’augmentation de la population et des dotations géographiques limitées en eau et en terre place l’ensemble des nations nord-africaines et proche-orientales dans une dynamique de dépendance croissante envers les approvisionnements extérieurs. Pour ces pays, les importations agricoles sont déterminantes : elles conditionnent pour

7 http://ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/ 8 COMMISSION EUROPÉENNE, « Agricultural Trade in 2012 : a good story to tell in a difficult year ? », Monitoring Agri-Trade Policy, n°01, 2013

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beaucoup leur sécurité alimentaire et donc leur stabilité politique. Cette réalité se renforcera dans les années à venir 9.

Exportations de l’UE vers les pays arabes méditerranéens (en millions d’euros)

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Algérie 1502,1 1843,8 2581,5 2060,0 2333,1 3518,3 3261,0 Égypte 947,3 947,5 1283,2 1639,2 2057,2 1888,6 2293,0

Jordanie 285,7 310,7 308,9 291,0 440,6 539,2 563,0 Liban 404,7 420,0 437,7 441,5 671,2 720,8 925,0 Maroc 842,5 1228,1 1505,5 1102,5 1330,8 1680,0 1588,0 Syrie 428,2 276,2 393,0 399,8 452,4 522,1 329,0

Tunisie 487,8 609,5 695,8 477,7 715,1 762,8 731,0

TOTAL 4 898,30 5635,80 7

205,60 6411,70 8 000,40 9631,80 9690,00

Source : Eurostat, Comext, DG Trade, avril 2013 Sur le plan des importations, seuls 2,6 % des approvisionnements agricoles de l’UE en 2012 avaient pour origine les PAM. Cette part est conforme à celle qui prévaut ces dernières années, sachant que l’Europe assure l’essentiel de son commerce agricole au sein même de l’espace communautaire. Le Maroc, avec 1,5 % en moyenne, est le PAM qui exporte le plus vers l’UE, avec un peu plus de deux milliards d’euros en produits agricoles en 2011 et en 2012. Dit autrement, le Royaume chérifien réalise près des deux tiers des ventes agricoles des PAM vers l’Europe. C’est d’ailleurs le seul pays qui présente une balance agrocommerciale excédentaire avec l’UE. Il faut immédiatement préciser ici que cette performance tient notamment aux exportations de produits de la mer, et pas uniquement au secteur des fruits et légumes, dans lequel le Maroc entretient une relation de plus en plus privilégié avec la Russie, devenu depuis peu son premier client avant l’UE. Néanmoins, il faut rappeler que 15,6 % des importations extra-communautaires de l’UE en légumes frais (tomates, courgettes, poivrons et haricots essentiellement) provenaient du Maroc en 2011, pour un montant de 534 millions d’euros (ce chiffre est à mettre en parallèle avec la part de la Chine, qui est de 20,9 %, de la Turquie avec 8,9 % et d’Israël avec 8 %)10. Enfin, il faut noter qu’entre 2006 et 2012, les achats agricoles européens auprès des PAM demeurent relativement stables, dans une fourchette allant de 3,3 à 3,5 milliards d’euros.

Importations de l’UE depuis les pays arabes méditerranéens (en millions d’euros) 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Algérie 56,7 48,9 48,0 36,0 34,6 117,2 73,0 Égypte 512,5 604,3 551,1 607,6 602,9 699,1 714,0

Jordanie 16,7 20,3 17,0 16,9 18,6 21,0 23,0 Liban 40,0 45,0 54,1 55,0 54,4 56,4 73,0 Maroc 1792,8 2069,5 1961,5 1928,6 1912,0 2042,0 2064,0 Syrie 174,7 149,6 72,8 60,5 80,0 82,9 62,0

9 ABIS Sébastien, Pour le futur de la Méditerranée, l’agriculture, Paris : L’Harmattan / La bibliothèque de l’iReMMO, n°04, 2012. 10 COMMISSION EUROPÉENNE, « The EU and major world players in fruit and vegetable trade », Monitoring Agri-Trade Policy, juillet 2012.

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Tunisie 745,4 623,5 644,4 422,5 438,2 463,6 490,0 TOTAL 3338,8 3561,1 3348,9 3127,1 3140,7 3482,2 3499,0

Source : Eurostat, op. cit. Le second constat qui s’impose donc concerne le creusement du déficit agricole entre l’UE et les PAM. Alors que le montant des importations européennes est caractérisé par une certaine régularité interannuelle, celui des approvisionnements des PAM depuis l’UE s’accroît. L’écart s’amplifie. Depuis 2006, ce qui frappe, c’est l’amplification de ce déficit en faveur de l’UE.

Évolution des échanges agricoles de l’UE avec les PAM 2006 à 2012 (en millions d’euros)

Source : Eurostat, op. cit. L’élargissement européen à l’est du continent ne peut suffire à lui tout seul pour expliquer cette tendance. Celle-ci repose aussi sur des flux commerciaux plus énergiques du nord vers le sud de la Méditerranée, avec une gamme de produits agricoles européens dont la valeur économique est généralement plus forte et qui a pu tirer profit du renchérissement international des prix (céréales notamment, mais aussi viandes et produits laitiers), à la différence des agrumes par exemple. La balance agrocommerciale de l’UE avec les PAM est excédentaire de 6,2 milliards d’euros en 2012. Il est intéressant de considérer ce chiffre à l’aune de l’excédent agricole total de l’UE en 2012, qui s’est élevé à 12,6 milliards d’euros, un record historique d’ailleurs. Cela signifie que les échanges avec les PAM assurent près de 50 % du surplus agrocommercial de l’UE. En termes sectoriels, citons simplement le cas des céréales de l’UE qui, dans le cadre des ventes sur pays tiers, partent majoritairement vers les PAM. L’Algérie, à elle seule, est responsable du quart des revenus de l’UE pour ce qui concerne ses exportations en blé. Géoéconomiquement et géopolitiquement, ces chiffres, qui créent donc des interdépendances dans un domaine vital (l’alimentation des populations), ne peuvent pas laisser indifférents.

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Source : calculs de l’auteur, à partir d’Eurostat. Note : Dans le cas de l’orge, outre le poids des PAM, soulignons que l’Arabie Saoudite capte environ 25%

des exportations en orge de l’UE L’avantage commercial européen s’explique aussi par l’absence de positions communes des PAM. Au bloc européen du Nord fait écho un éventail de partenaires commerciaux et de règles hétérogènes au Sud. Comme dans le domaine économique en général, cette non-intégration Sud-Sud freine la compétitivité agricole des PAM. Elle porte préjudice en termes d’importations, comme sur la filière blé par exemple. Chaque État se présente en effet seul à la table du commerce international alors que l’ensemble des approvisionnements de ces pays sur ce produit leur confère un poids stratégique considérable (les PAM ont représenté 19 % des importations mondiales de blé au cours de la campagne 2011-2012). Mais jusqu’à présent, cette masse critique ne se retrouve que dans les agrégations statistiques, pas sur le terrain de la géopolitique. Rien n’interdit cependant de penser que cette situation ne pourrait pas changer à moyen-long terme 11. La non-intégration maghrébine et, plus globalement, l’absence de position commune des PAM handicapent aussi, et bien entendu, leurs performances à l’export. Ainsi, à titre d’exemple, il n’existe pas de consortium sur les fruits et légumes. Or, si les PAM parvenaient à mutualiser leurs productions, leur influence commerciale dans cette filière serait sans aucun doute plus grande 12.

11 ABIS Sébastien, « Géopolitique du blé en Méditerranée », Futuribles, n° 387, juillet-août 2012. 12 Certains producteurs l’ont compris localement, comme dans le cas Maroc Fruit Board, regroupement agrumicole qui connaît des résultats de commercialisation significatifs (300 000 tonnes exportées sous la marque commune Maroc Select) à travers une politique de mutualisation et d’optimisation logistique partagée.

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Réflexions prospectives Il est important de replacer ces analyses sur le rythme des négociations agricoles euro-méditerranéennes et sur l’évolution du commerce Nord-Sud dans la région dans un contexte géoéconomique international et géopolitique régional en transition. Une très grande prudence domine dans les politiques européennes en Méditerranée, avec notamment l’incapacité à définir une nouvelle vision stratégique globale, pourtant si nécessaire 13.

Ce que les tendances annoncent Essayons d’abord d’appréhender la trajectoire du commerce agricole au niveau mondial. Assurément, l’échec du cycle de Doha, lancée en 2001, annonce une pause dans la négociation commerciale multilatérale. Il n’est pas question ici de revenir sur les facteurs ayant contribué à ce blocage entre les 159 États membres de l’OMC, mais simplement d’indiquer deux choses. Premièrement, que les questions agricoles ont été le point d’achoppement principal. Le libre-échange des produits agricoles à l’échelle multilatérale et internationale pose problème. C’est notre second point. En effet, l’une des conséquences de cet échec du cycle de Doha est d’enclencher une nouvelle séquence dans la gouvernance des relations commerciales internationales. Déjà se dessinait peu à peu une tendance à la régionalisation de la mondialisation des échanges, que l’Euro-Méditerranée ambitionnait elle-même à travers le processus de Barcelone, sans parler de l’UE qui constitue l’illustration première de cette stratégie depuis plusieurs décennies désormais. La régionalisation des échanges commerciaux semble se poursuivre, notamment dans le secteur agroalimentaire 14.

Mais ce que l’on observe aussi depuis quelques temps, c’est une croissance des accords de libre-échange bilatéraux. L’UE accélère les démarches dans ce sens. Avec Singapour, la Colombie, l’Amérique centrale (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama), des accords de libre-échange existent d’ores et déjà. D’autres sont pleinement en vigueur : avec le Pérou, la Corée du Sud, le Mexique, l’Afrique du Sud ou le Chili. Évidemment, dans la vaste galaxie des accords d’association conclus par l’UE avec des pays tiers figurent une composante sur la libéralisation commerciale : c’est le cas pour l’union douanière avec la Turquie, mais aussi avec les pays issus de l’ex-Yougoslavie et l’ensemble des PAM, exception faite de la Syrie. Des discussions se poursuivent pour aboutir à des accords prochainement avec le Canada, l’Inde, la Malaisie, le Viêt-nam et plusieurs pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). En mars 2013, des négociations ont été lancées avec le Japon et la Thaïlande. Il y a également le très controversé projet d’accord commercial avec les États-Unis. En janvier 2013, le président Obama s’est exprimé en faveur d’un partenariat global pour le commerce et l’investissement transatlantique. Or, ce processus pourrait être contrecarré par les réticences qui se manifestent en Europe par rapport aux conséquences d’un tel accord avec la puissance américaine. D’ailleurs, nous retrouvons en bonne place les problématiques agricoles au milieu de ces craintes. Souvent, c’est la libéralisation des échanges en agriculture qui freine les négociations ou limite l’amplitude des accords conclus par l’UE avec les pays tiers. Il faudra donc sans doute inventer de nouveaux modes de concertation et de

13 MORILLAS Pol, SOLER I LECHA Eduard, « La Unión Europea y la primavera arabe », El Pais, 18 juillet 2012. 14 SUBRAN Ludovic (sous la dir. de), « Trade routes: what has changed, what will change », Economic Outlook, mars 2013, Euler-Hermes.

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partenariat en matière de commerce agricole dans le futur sans perdre de vue l’importance de l’échelle multilatérale.

C’est dans ce contexte que l’Euro-Méditerranée, belle idée mais dont la pertinence géopolitique est questionnée en 2013 par rapport à 1995, semble en panne d’avenir. Son ambition était clairement de favoriser les relations multilatérales, de progresser vers l’intégration régionale et de stimuler la convergence des économies de la zone. Depuis le début des années 2000, le partenariat euro-méditerranéen est sérieusement mis à l’épreuve. Devant l’accumulation des difficultés, à plusieurs reprises, des tentatives de révision des contours tant géographiques que politiques de la coopération régionale ont été expérimentées. La Politique européenne de voisinage (PEV) a été formulée dès 2004, l’Union pour la Méditerranée (UpM) a créé une illusion d’optique diplomatique en 2008 et le Dialogue 5+5 15 a été relancé en 2012 pour tenter de sauvegarder une apparence de dialogue multilatéral méditerranéen. Entre-temps, les réalités géoéconomiques du monde ont fortement évolué et l’ascension des puissances émergentes s’est aussi effectuée dans un théâtre méditerranéen où la globalisation des échanges bat son plein.

Plus que jamais, l’idée d’une intimité euro-méditerranéenne est un mythe. L’UE n’est pas seule dans cette zone stratégique où les convoitises s’accroissent et où les PAM tissent des rapports multidirectionnels à travers toute la planète. Alors qu’une régionalisation des échanges commerciaux et agricoles progresse dans le monde, la Méditerranée n’est pas au rendez-vous. Des flux géoéconomiques intenses agitent cet espace mais sans véritablement dessiner une construction régionale. La Méditerranée, dans le domaine agricole, reste donc avant tout traversée par des échanges bilatéraux, avec des origines et des destinations de plus en plus variés en termes de commerce. C’est donc une interface avant d’être une région intégrée. La concurrence l’emporte sur la complémentarité et la rivalité réduit la coopération.

À cela s’ajoute bien évidemment le désordre général créé par trois ruptures géopolitiques : les révoltes arabes qui, depuis l’hiver 2010-2011, traversent une bonne partie des rives sud et est de la Méditerranée avec, comme dans le cas syrien, un plongeon dans l’inconnue de la guerre civile (i), la crise financière en Europe qui fragilise les États membres et les obligent à concentrer toute leur énergie au sauvetage de l’UE, avec pour effet immédiat de réduire la voilure en termes de coopération extérieure (ii) et le nouveau foyer de tensions dans la bande sahélo-saharienne qui engendre des vulnérabilités supplémentaires aux portes méridionales d’une Méditerranée déjà réputée pour son effervescence permanente (iii). L’action extérieure de l’Europe reste trop floue et nombreuses semblent être les hésitations à l’égard de la Méditerranée. La PEV rénovée, proposée dès le printemps 2011, reste handicapée par les tiraillements qui prévalent au sein même de l’UE entre des États qui plaident pour une relation forte avec la Méditerranée et d’autres qui veulent regarder ailleurs, soit en restant sur le seul périmètre du continent, soit en se tournant vers d’autres régions du monde. En outre, les États du sud de l’Europe sont bien plus tournés vers Bruxelles que sur le voisinage méditerranéen, dont la sismicité chronique inquiète plus qu’elle ne mobilise les chancelleries, les investisseurs ou les opinions publiques. Aussi, l’absence d’Europe forte et déterminée dans son action extérieure continuera à représenter un frein majeur au développement de l’intégration euro-méditerranéenne. Un tel blocage ne fera que persister si le passage d’une puissance économique à la puissance géopolitique 15 Le Dialogue « 5+5 » concerne 10 pays : Algérie, Espagne, France, Italie, Libye, Malte, Maroc, Mauritanie, Portugal et Tunisie. Il est issu d’une initiative diplomatique décidée en 1990 pour entretenir une concertation ambitieuse qui va au-delà d’un simple dialogue et vise à développer une coopération à la fois politique et économique dans un cadre informel et non contraignant sur des questions d’intérêt commun : affaires sociales, Ddéfense, tourisme, transport, éducation, environnement, sSécurité. Lire notamment COUSTILLIÈRE Jean-François (sous la dir. de), Le 5+5 face aux défis du réveil arabe, Paris : L’Harmattan, 2012.

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de l’Europe ne s’effectue pas. Or rien n’augure que cette mutation stratégique va s’opérer à court comme à moyen terme. Le risque est grand de voir cette Europe déboussolée perdurer longtemps dans une démarche hésitante, où la frilosité et les peurs l’emporteraient sur la confiance et la vision stratégique.

Le repli sur soi n’est pourtant sans doute pas la meilleure réponse pour accompagner les transitions en cours dans les PAM. Mais l’UE veut-elle réellement jouer un rôle dans ce virage de l’Histoire ? Et si oui, en a-t-elle véritablement les moyens ?

Ce que lʼEurope propose à court terme Suite aux événements politiques qui traversent la région depuis 2011, le Parlement européen plaide pour un développement renforcé du commerce avec les PAM 16. Il insiste notamment sur le besoin d’approfondir les relations euro-méditerranéennes dans le domaine agricole, en veillant, sur la rive Nord et sur celle du Sud, aux effets collatéraux sur les sociétés et les systèmes écologiques. Cet appel du Parlement s’inscrit dans la démarche lancée au printemps 2011 par l’UE et qui vise à redéfinir à la fois le mode opératoire et les priorités thématiques d’action de la PEV 17. En mettant en place, d’une part des instruments permettant d’apporter une aide accrue aux pays partenaires qui s’emploient à établir une démocratie solide et durable et de soutenir, d’autre part, le développement d’une économie solidaire, la nouvelle PEV vise à répondre aux défis des révoltes arabes dans la région méditerranéenne. Ses caractéristiques principales sont désormais de concentrer les activités autour des dossiers suivants : l’association politique et l’intégration économique, la mobilité des personnes, l’optimisation de l’aide financière de l’UE, un partenariat renforcé avec la société civile et une meilleure coopération concernant certaines politiques sectorielles spécifiques.

D’ailleurs, une nouvelle initiative propose d’accompagner le développement agricole et rural des pays méditerranéens: le Programme ENPARD (European Neighbourhood Programme for Agriculture and Rural Development). Selon les termes employés par la Commission européenne dans un rapport paru en mai 2012, l’objectif de ce Programme est d’aider ces États « à être plus efficaces sur les marchés étrangers, à tirer pleinement parti des futures zones de libre-échange approfondi et global et à stimuler l’agriculture locale »18. Le programme ENPARD s’applique actuellement à six États (Algérie, Égypte, Jordanie, Liban, Maroc et Tunisie) et le CIHEAM-IAM Montpellier s’est vu confiée par le Commission européenne la charge d’accompagner cette initiative19.

Trois grands objectifs sont au cœur du programme ENPARD :

• l’amélioration des revenus des agriculteurs et l’emploi en milieu rural (notamment des jeunes) ;

• l’optimisation des systèmes agricoles en améliorant la productivité et la qualité ; • le renforcement des capacités en termes d’organisation professionnelle et

institutionnelle pour répondre aux principes opérationnels de bonne gouvernance.

16 PARLEMENT EUROPÉEN, The EU Trade and Investment Strategy for the Southern Mediterranean following the Arab Spring Revolutions, Report on Trade for Change, Strasbourg : Parlement européen, 2012. 17 Plus d’informations sur la PEV sur le site dédié: http://ec.europa.eu/world/enp/index_en.htm 18 COMMISSION EUROPÉENNE, High Representative of the EU for Foreign Affairs and Security Policy, Delivering on a new European Neighbourhood Policy, Joint communication to the European Parliament, the Council, the European economic and social Committee and the Committee of the Regions, 15 Mai 2012, Bruxelles. 19 Plus d’informations sur lesite dédié: http://www.iamm.fr/cooperation/enpard

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Dans cette perspective, un programme de travail pluriannuel est progressivement mis en place dans les pays, fondé sur un dialogue entre les partenaires nationaux concernés et articulé autour de deux axes principaux :

• la sécurité alimentaire locale et les modèles de développement rural en appuyant la productivité agricole durable, diversifiant l’économie rurale et accompagnant les institutions issues des communautés locales et de la société civile en zone rurale ;

• les standards de productivité et de qualité en favorisant un environnement adéquat pour les régulations foncières et les dynamiques du marché, en garantissant une modernisation des infrastructures et de la logistique, et en investissant dans les procédés de transformation et de mise en marché de produits agricoles.

La zone de libre-échange euro-méditerranéenne, qui devait être effective à l’horizon 2010, reste imparfaite, incomplète et inachevée. Si, parallèlement, l’UE encourage la promotion des échanges Sud-Sud, notamment à travers l’accord d’Agadir qui vise le libre commerce entre quatre États (Jordanie, Égypte, Maroc et Tunisie), là encore, les progrès sont faibles et la question agricole n’est pas centrale. Il n’est pas possible de revenir ici sur les contrariétés que cause la non-intégration maghrébine 20, mais soulignons que le potentiel est grand en termes d’opportunités agricoles et de commerce pour les Nations nord-africaines.

À ce stade donc, il apparaît que le processus de libéralisation des échanges agricoles euro-méditerranéens est très hétérogène et repose sur une logique strictement bilatérale. Plusieurs PAM n’ont toujours pas signé de véritable accord de libéralisation agricole avec Bruxelles. C’est le cas de la Tunisie, qui souhaiterait désormais accélérer les négociations, mais aussi du Liban et de l’Algérie. Il conviendra, en outre, d’inscrire ces discussions agricoles dans le cadre des accords commerciaux de nouvelle génération dans cette région. La Commission européenne a en effet ouvert des négociations en vue d’accords de libre-échange complets et approfondis (ALECA) avec l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie en décembre 2011, pour répondre aux changements politiques observés dans la région méditerranéenne. Or, deux de ces quatre États n’ont pas connu de révolutions, même si dans le cas de la Jordanie, des révoltes sporadiques ont plusieurs fois éclaté. C’est même le Maroc qui est le premier de ces États concernés, avec un démarrage des négociations en mars 2013.

L’objectif annoncé est de revaloriser l’accord d’association existant, qui a déjà permis d’échanger de nombreux produits en franchise de droits de douane depuis 2000. Dans le communiqué de presse du 22 avril 2013, faisant écho à la visite dans le Royaume chérifien du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, il est écrit : « Pour rendre plus efficaces les dispositions de libre-échange existantes, les négociateurs chercheront en outre à simplifier les procédures douanières et à alléger les barrières commerciales liées à la lourdeur de normes industrielles incompatibles ou superflues, ou encore, dues à des exigences en matière de sûreté alimentaire. Un chapitre consacré au développement durable permettra de faire en sorte que la libéralisation des échanges n’ait pas d’effet négatif sur l’environnement ou les normes sociales ». Inutile de dire que l’on n’a pas fini au sein de l’UE de parler du Maroc et du libre-échange avec ce pays, notamment dans le domaine agricole, sachant que les débats ont été extrêmement vifs jusqu’à présent au sein du Parlement européen. Les crispations sur le volet agricole de la coopération avec le Maroc contrastent avec l’étiquette de bon élève de la région attribué 20 ABIS Sébastien, « Non-Maghreb : coût économique ou coup politique ? », note d’analyse prospective, n° 128, 17 avril 2013, Futuribles International. URL : http://www.futuribles.com/fr/base/document/non-maghreb-cout-economique-ou-coup-politique/

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par Bruxelles au Royaume. Ce paradoxe montre les propres incohérences de l’UE, déclarant être en faveur d’une relation partenariale avec ce pays et les autres PAM, mais opérant dans les faits en les reléguant au rang de « voisins », pour seule distinction qualificative octroyée à ces nations pour leur proximité géographique parmi l’ensemble des pays tiers avec qui l’UE coopère.

Dans le paysage des relations extérieures de l’UE en matière de commerce, la multiplication des accords de libre-échange avec de nombreux pays du globe risque aussi de banaliser progressivement les PAM, et ce quand bien même les flux commerciaux resteraient significatifs, domaine agricole compris. La bilatéralisation des relations euro-méditerranéennes va également continuer à imprimer sa marque, parallèlement à cette banalisation. L’application des règles de la PEV, basée sur la différenciation et sur une conditionnalité accrue du partenariat avec les PAM, va par ailleurs se confirmer. Le principe de « donner plus pour recevoir plus », selon lequel les pays allant plus loin et plus vite dans leurs réformes pourront bénéficier d’un soutien plus important de la part de l’UE, sera la matrice fonctionnelle de cette nouvelle PEV. La dernière communication de Bruxelles à ce sujet ne dit rien d’autres : « L’UE devra de plus en plus répondre de manière différenciée aux progrès, aux ambitions et aux besoins très divers de ses partenaires »21. Face aux contextes sociopolitiques et économiques de moins en moins homogènes qui caractérisent les PAM, une telle politique de différenciation n’est pas dénuée de sens. Elle enterre cependant progressivement l’ambition géopolitique de l’Euro-Méditerranée formulée en 1995 à Barcelone, tout en altérant le volet « Sud » de la PEV car, après tout, celle-ci va opérer de manière spécifique avec chaque pays concerné, qu’il soit méditerranéen, européen de l’Est ou caucasien 22.

Des hypothèses dʼavenir contrastées Toutes ces considérations viennent finalement interroger la durabilité du projet euro-méditerranéen. La construction d’une région intégrée n’est pas pour demain, alors que les défis immenses plaident pour une stratégie multilatérale23. L’UE va privilégier les relations bilatérales pour conduire sa politique dans cette zone, avec laquelle la coopération est indispensable mais jamais simple. La France ne fait autre chose en optant pour des rapports différenciés selon les pays, et en misant davantage sur le Maghreb que sur le Proche-Orient dans son approche méditerranéenne actuelle. Si la Méditerranée reste un invariant de la politique extérieure française, des inflexions sont néanmoins notables entre l’action menée au cours de la présidence Sarkozy (2007-2012) et celle que mène depuis 2012 la présidence Hollande 24. Sur le plan du commerce agricole, tout porte à croire que les tendances à l’œuvre ces dernières années vont se conforter. Les exportations de l’UE devraient continuer à croître, étant donné les besoins alimentaires croissants des PAM et les difficultés climatiques qu’ils rencontreront davantage. Les importations de l’UE en

21 COMMISSION EUROPÉENNE, « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat », Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et sociale européen et au comité des régions, Join (2013) 4 final, 20 mars 2013. 22 KAUSCH Kristina, « The End of the (Southern) Neighborhood », PapersIEMed, n°18, Joint Series with Euromesco, avril 2013. 23 ROSSETTI DI VALDABERO DOMENICO et alii, « La région méditerranéenne à l’horizon 2030 », Futuribles, n° 378, octobre 2011. URL : http://www.futuribles.com/fr/base/revue/378/la-region-mediterraneenne-a-lhorizon-2030-defis-et/ 24 ABIS Sébastien, « François Hollande et la Méditerranée », in Annuaire de la Méditerranée 2013, IEMEd, Barcelone, à paraître.

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provenance des PAM ne suivront sans doute pas le même chemin et l’écart pourrait donc s’amplifier encore un peu plus dans la balance agro-commerciale. L’excédent en faveur de l’UE mériterait cependant d’être enfin perçu avec la tonalité géopolitique qu’il convient. Il n’est pas raisonnable de voir s’élargir le champ des possibles en matière d’exportations agricoles en direction des PAM, ce que les négociations pour la libéralisation des échanges soutiennent, et refuser simultanément que le marché communautaire reste hermétique aux produits agricoles du sud et de l’est de la Méditerranée. Avec la Turquie et Israël, dont les performances agricoles à l’export en direction de l’UE sont manifestes, le Maroc est le PAM le mieux placé pour doper ses ventes vers l’Europe. Encore faudra-t-il suivre le développement de l’ALECA (Accord de libre-échange complet et approfondi) et de son volet agricole à venir, au milieu des controverses qu’il suscite, comme pour les productions marocaines réalisées sur les terres du Sahara occidental, que contestent le Front Polisario et plusieurs organisations syndicales agricoles européennes. La série de tendances décrites précédemment n’induit pas forcément qu’un cercle vicieux est inévitablement enclenché. Des opportunités existent pour faire avancer le dossier agricole euro-méditerranéen et pour penser que la coopération multilatérale dans cette région reste envisageable dans de nombreux secteurs et dans le domaine commercial. Toutefois, il est vrai que ces tendances peuvent surprendre par rapport à la dimension géopolitique des rapports que l’UE aurait à construire avec les pays de la Méditerranée, pour lesquels l’activité commerciale se double d’un devoir de coopération spécifique. L’inaction dans ce domaine fait courir des risques à court et à long termes 25. L’initiative lancée par l’UE à travers le programme ENPARD (European Neighbourhood Programme for Agriculture and Rural Development) constitue une avancée et mérite d’être soutenue. Cela fait des années que la question du développement des territoires ruraux et des régions de l’intérieur se pose avec la plus grande acuité. Mais cela n’est pas suffisant. Au moment même où la sécurité alimentaire est plus que jamais d’actualité et que le monde semble redécouvrir toute l’importance de l’agriculture, l’Europe devrait réfléchir à la contribution qu’elle peut apporter à certains niveaux régionaux, à commencer par la Méditerranée. La réforme actuelle de la PAC aurait pu offrir l’occasion d’une réflexion globale sur la place de l’agriculture européenne dans un monde multipolaire, dans lequel l’espace méditerranéen aurait occupé une place stratégique. Compte tenu de la profondeur historique des relations économiques et humaines euro-méditerranéennes, des besoins alimentaires croissants des PAM et des enjeux géopolitiques qui se bousculent sur chacune des rives, force est de reconnaître que l’agriculture peut être un dénominateur commun capable de susciter des synergies. Ni le verdissement annoncé de la PAC ni le recentrage des priorités de l’UE sur elle-même ne peuvent favoriser un tel scénario prospectif où demain l’idée euro-méditerranéenne rebondirait sur une ambition agricole et de sécurité alimentaire collective. Pour pouvoir rester une puissance influente et cultiver l’esprit pionnier de ses pères fondateurs, l’UE a autant besoin de la bonne santé économique de ses États membres que de la stabilité et du développement des pays de la Méditerranée.

25 CIHEAM, Mediterra 2008. Les futurs agricoles et alimentaires en Méditerranée, Paris : Les Presses de Sciences-Po, 2008 ; DOLLÉ Vincent, « Sécurité alimentaire et agriculture en Méditerranée. Scénario d’une crise et perspectives en 2030 », in JOLLY Cécile (sous la dir. de), Demain, la Méditerranée. Scénarios et projections à l’horizon 2030, Paris : Ipemed, 2011.

15

ANNEXES

Balance agrocommerciale de l’UE avec les pays arabes méditerranéens (en millions d’euros)

Countries 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Algérie 1445,4 1794,9 2533,5 2024 2298,5 3401,1 3188 Égypte 434,8 343,2 732,1 1031,6 1454,3 1189,5 1579

Jordanie 269 290,4 291,9 274,1 422 518,2 540 Liban 364,7 375 383,6 386,5 616,8 664,4 852 Maroc -950,3 -841,4 -456 -826,1 -581,2 -362 -476 Syrie 253,5 126,6 320,2 339,3 372,4 439,2 267

Tunisie -257,6 -14 51,4 55,2 276,9 299,2 241 TOTAL 1 560 2074,70 3 857 3284,60 4 860 6 150 6191

Source : Eurostat - Comext - DG Trade, avril 2012

Balance agrocommerciale de l’UE avec les pays arabes méditerranéens (en millions d’euros) 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Total Importations de l’UE depuis les PAM 3338,8 3561,1 3348,9 3127,1 3140,7 3482,2 3499 Total Exportations de l’UE vers les PAM 4898,3 5635,8 7205,6 6411,7 8000,4 9631,8 9690

Balance agrocommerciale de l’UE avec les PAM 1559,5 2074,7 3856,7 3284,6 4859,7 6149,6 6191 Source : Ibidem.

Importations de l’UE depuis les pays arabes méditerranéens (en millions €)

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Part dans les importations

agricoles totales de

l’UE en 2008

Part dans les importations

agricoles totales de

l’UE en 2011

Part dans les importations

agricoles totales de

l’UE en 2012

Algérie 56,7 48,9 48,0 36,0 34,6 117,2 73,0 0,0% 0,1% 0,1% Égypte 512,5 604,3 551,1 607,6 602,9 699,1 714,0 0,5% 0,5% 0,5%

Jordanie 16,7 20,3 17,0 16,9 18,6 21,0 23,0 0,0% 0,0% 0,0%

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Liban 40,0 45,0 54,1 55,0 54,4 56,4 73,0 0,0% 0,0% 0,1% Maroc 1792,8 2069,5 1961,5 1928,6 1912,0 2042,0 2064,0 1,7% 1,5% 1,5% Syrie 174,7 149,6 72,8 60,5 80,0 82,9 62,0 0,1% 0,1% 0,0%

Tunisie 745,4 623,5 644,4 422,5 438,2 463,6 490,0 0,4% 0,3% 0,4% TOTAL 3338,8 3561,1 3348,9 3127,1 3140,7 3482,2 3499,0 2,7% 2,5% 2,6%

Exportations de l’UE vers les pays arabes méditerranéens (en millions €)

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Part dans les

exportations agricoles totales de l’UE en

2008

Part dans les

exportations agricoles totales de l’UE en

2011

Part dans les

exportations agricoles totales de l’UE en

2012

Algérie 1502,1 1843,8 2581,5 2060,0 2333,1 3518,3 3261,0 2,5% 3,1% 2,6% Égypte 947,3 947,5 1283,2 1639,2 2057,2 1888,6 2293,0 2,2% 1,7% 1,8%

Jordanie 285,7 310,7 308,9 291,0 440,6 539,2 563,0 0,5% 0,5% 0,4% Liban 404,7 420,0 437,7 441,5 671,2 720,8 925,0 0,7% 0,7% 0,7% Maroc 842,5 1228,1 1505,5 1102,5 1330,8 1680,0 1588,0 1,5% 1,5% 1,2% Syrie 428,2 276,2 393,0 399,8 452,4 522,1 329,0 0,5% 0,5% 0,3%

Tunisie 487,8 609,5 695,8 477,7 715,1 762,8 731,0 0,8% 0,7% 0,6% TOTAL 4 898,30 5635,80 7 205,60 6411,70 8 000,40 9631,80 9690,00 8,7% 8,7% 7,6%

Source : Ibidem.

Évolution du commerce de la France de produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture avec les pays arabes méditerranéens (en millions d’euros)

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Algérie export 224,798 342,284 372,223 428,091 445,852 936,685 752,468 773,074 1626,138 950,801

import 12,713 12,303 12,461 13,743 14,299 12,414 8,304 13,126 12,728 13,758 solde 212,085 329,981 359,762 414,348 431,553 924,271 744,164 759,948 1613,41 937,043

Maroc export 153,545 134,177 202,959 116,969 293,065 524,038 216,038 423,518 643,329 396,472 import 340,536 355,962 441,874 380,085 463,202 473,124 482,558 507,101 514,264 478,022 solde -186,991 -221,785 -238,915 -263,116 -170,137 50,914 -266,52 -83,583 129,065 -81,55

Euro-Méditerranée : quand le commerce agricole révèle des dissonances stratégiques

Futuribles International / Système Vigie 17 Note dʼanalyse prospective n° 136, 25 juillet 2013

Tunisie export 77,801 37,207 30,801 59,111 57,134 68,034 41,812 98,896 98,926 72,495 import 43,557 45,531 48,556 50,747 51,485 61,393 59,205 70,335 63,3 56,541 solde 34,244 -8,324 -17,755 8,364 5,649 6,641 -17,393 28,561 35,626 15,954

Egypte export 162,149 179,89 150,955 194,048 83,4 173,004 304,367 506,75 303,499 317,394 import 8,481 11,229 13,075 15,354 16,939 14,796 15,038 16,157 15,983 18,163 solde 153,668 168,661 137,88 178,694 66,461 158,208 289,329 490,593 287,516 299,231

Jordanie export 4,023 3,189 8,517 3,424 18,637 15,75 4,272 3,851 6,184 7,531 import 0,537 0,5 0,563 0,486 0,561 0,517 0,472 0,789 0,85 1,161 solde 3,486 2,689 7,954 2,938 18,076 15,233 3,8 3,062 5,334 6,37

Liban export 36,745 29,873 26,515 6,578 5,674 8,153 13,398 51,328 61,145 16,758 import 0,984 2,372 2,645 1,36 1,22 1,412 2,034 0,637 1,162 0,553 solde 35,761 27,501 23,87 5,218 4,454 6,741 11,364 50,691 59,983 16,205

Syrie export 2,323 3,367 4,836 1,92 2,531 12,844 28,247 7,831 24,554 1,633 import 4,504 4,242 4,457 2,106 1,902 1,362 2,003 3,826 3,502 2,131 solde -2,181 -0,875 0,379 -0,186 0,629 11,482 26,244 4,005 21,052 -0,498

Total export 661,384 729,987 796,806 810,141 906,293 1738,508 1360,602 1865,248 2763,775 1763,084 import 411,312 432,139 523,631 463,881 549,608 565,018 569,614 611,971 611,789 570,329 solde 250,072 297,848 273,175 346,26 356,685 1173,49 790,988 1253,277 2151,986 1192,755

Source : Douanes françaises. N.B. : Les données sur ces échanges de la France avec les PAM n’intègrent pas les produits transformés de l’agroalimentaire, tout comme ceux de l’UE utilisés dans cet article.

Euro-Méditerranée : quand le commerce agricole révèle des dissonances stratégiques

18 © Futuribles International / Système Vigie Note dʼanalyse prospective n° 136, 25 juillet 2013