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Premier bilan du CAP+ et de l’activité Numook au CFA de Saint-Grégoire (35)
Septembre-Octobre 2018 : prise de contact
Les apprentis
Contrairement à l’année précédente, les jeunes étrangers accueillis cette année dans la classe de CAP+
sont principalement des réfugiés et possèdent un petit niveau de français (Alphabétisation, A1-A2).
Ils sont originaires majoritairement du Soudan et d’Afghanistan, ont entre 17 et 28 ans et exercent des
métiers différents dans le bâtiment.
La rentrée de ces jeunes s’est effectuée le lundi 17 septembre pour la plupart mais s’est échelonnée
sur plusieurs semaines et se poursuit encore actuellement.
Chaque lundi et un mardi par mois, les apprentis viennent au CFA pour suivre des modules de FLE,
maths et dessin. Deux modules hebdomadaires en moyenne sont dédiés au projet Numook mais sont
aussi un prolongement des cours de français langue étrangère.
L’oral, dans un premier temps, sera privilégié compte-tenu que certains écrivent très peu le français.
Le mot retenu cette année pour amorcer le travail d’écriture est LE BONHEUR.
Le groupe est composé de 12 jeunes : Ali, Amine, Hakim, Moussa, Hussain,
Khaled, SamiUllah, Naqib, Adama, Leopaul, Al Taib et Filmon, dernièrement
arrivé. Tous, ou presque, peuvent s’exprimer plus ou moins facilement en
français à l’oral (hormis un) ; une minorité écrit le français mais leur
enthousiasme, leur volonté d’apprendre lèvent bien des freins à la difficulté
de communiquer.
Les premiers lundis ne sont pas explicitement destinés à l’élaboration du
Numook même si les jeunes ont rapidement pris connaissance de ce qui a
été réalisé l’an dernier par le précédent groupe. Dans l’ensemble, ils ont
bien assimilé le fait d’une création commune autour d’une histoire plutôt
imaginaire. Ils ont aussi compris que l’écriture de ce récit s’accompagnerait
de l’usage d’outils numériques.
Compte-tenu des langues d’origine différentes, les échanges ont majoritairement lieu en français,
même si ça et là, des sonorités arabes et dari se font entendre lorsque l’un des apprentis est en
difficulté de compréhension. L’ambiance de travail est assez joyeuse et active, intensément
bienveillante.
Teaser Lien teaser
Lundi 17 septembre (2 séances)
La 1ère séance est une séance de prise de contact où les apprentis se présentent en binôme. A partir
d’un questionnaire, ils donnent des informations sur eux-mêmes à un autre et ce dernier en rend
compte à toute la classe.
Dans un 2ème temps, j’organise une visite de l’établissement et à l’aide d’un document réalisé à partir
de pictogrammes, je leur détaille les règles de vie au CFA.
Lors de la 2ème séance de la journée, sur une carte du monde, chacun vient localiser son pays d’origine,
tracer le parcours qu’il a réalisé pour arriver jusqu’en France. Certains découvrent pour la 1ère fois une
carte du monde et des repères géographiques jusque-là très vagues (par exemple, les continents, les
points cardinaux, les frontières, la situation physique de leur pays sur un planisphère…).
Ensuite, à partir d’images représentatives d’endroits du monde, ils essayent de les localiser sur la carte.
Ainsi, en dehors du continent qui les a vus naître, ils rencontrent des difficultés à localiser des villes
comme New-York ou Sidney, ignorent tout des pôles mais s’émerveillent de la diversité des paysages.
Lundi 24 septembre
Lors de cette séance, je les mets en contact avec l’outil informatique et le traitement de textes dont
tous n’ont pas la maîtrise. Il s’agit de remplacer certains mots du texte et de le personnaliser avec son
identité propre et de vérifier s’ils ont déjà les bases d’un traitement de textes.
Au passage, je glisse quelques notions d’usage (comme l’utilisation des majuscules pour les noms
propres, les principales règles de la ponctuation), je leur apprends à insérer une image dans un
document et à enregistrer leur travail.
Pour les plus avancés, ils prennent connaissance du Numook réalisé l’an passé.
C’est un public très demandeur et très studieux. Aussi je décide de leur donner chaque semaine un
exercice à réaliser chez eux (2-3 questions, un verbe à conjuguer).
Lundi 01 octobre
Sur cette séance, les apprentis finalisent le travail en informatique et le prolongent par un autre
exercice leur permettant de réinvestir ce qu’ils ont vu lors du précédent exercice (majuscules, accents,
apostrophes, vocabulaire, enregistrement des données) et j’ajoute quelques notions de vocabulaire
supplémentaires ainsi que la réalisation d’un tableau simple.
Dans l’immédiat, le Numook est très peu évoqué. Un exemplaire imprimé est mis en évidence dans la
salle et certains le consultent de manière hebdomadaire lorsqu’ils ont terminé le travail demandé.
C’est presque devenu un objet de curiosité.
Lundi 08 octobre
A l’aide d’un modèle, chaque apprenti choisit un pays et réalise une petite carte d’identité de ce pays
avec la recherche puis l’impression d’une image représentative. Cette affiche sera présentée à
l’ensemble du groupe à l’oral. Tous, sauf un, choisissent leur pays d’origine.
Mardi 09 octobre (3 séances)
La journée mensuelle du mardi est uniquement consacrée à l’enseignement du FLE (2 modules) et au
projet Numook (un module le matin et deux l’après-midi)
Le fil conducteur sur lequel l’histoire va s’élaborer est le mot BONHEUR. Ecrit au tableau, il est
complété par sa traduction dans les langues parlées au sein du groupe (pachto, dari, arabe, bambara,
four, tigre) et répété à l’oral par chacun d’entre nous. Le tableau sera étoffé lors de la prochaine séance
par d’autres langues choisies par eux, à l’aide de leur propre connaissance (certains sont restés
plusieurs mois dans un autre pays européen que la France) ou du traducteur google.
Puis chaque jeune tente de produire une phrase commençant par : Je suis heureux quand.
Je donne un exemple. Je suis heureuse quand il fait beau dehors. L’exercice est compris par tous mais
il semble que le fait d’être heureux se conjugue plutôt au futur. Néanmoins, je décide de conserver les
phrases en leur état (on corrige juste les éventuelles fautes d’orthographe).
Je suis heureux quand je deviens électricien. (Amine)
Je suis heureux quand je vais en Iran voir ma famille. (Ali)
Je suis heureux quand je peux acheter une belle voiture. (Hakim)
Je suis heureux quand je visite d’autres villes. (Al Taib)
Je suis heureux quand je trouve une femme. (Naqib)
Je suis heureux quand je vais à Dinard. (Moussa)
Je suis heureux quand je trouve un appartement. (Adama)
L’après-midi, nous avons convenu avec la Médiathèque, une visite du lieu. Avant de s’y rendre, je
donne quelques précisions aux jeunes et explique brièvement ce qu’est le lieu où nous nous rendons.
A cette visite, s’ajoute également une exposition de photos sur l’Iran, susceptible d’intéresser une
partie du groupe (qui connaît ce pays).
Un petit défi de questions simples leur est remis avec la promesse d’un lot pour celui ou ceux qui
répondra à toutes les questions.
La visite de la médiathèque est un réel plaisir pour tous. Cécile et Solène sont enthousiastes à présenter
l’endroit où elles travaillent et ont préparé pas mal de ressources liées aux pays d’origine de chacun
des apprentis (livres, dvd, cd). Les jeunes se montrent très curieux et très attentifs, quel que soit leur
niveau de compréhension.
Après la visite de l’exposition du photographe iranien Hamid Janipour, nous nous installons dans une
petite pièce et Cécile fait la lecture à voix haute d’un conte intitulé Petite fille et le loup d’Agnès
Grunelius-Hollard, illustrée par Chris Rashka.
L’attention est remarquable. Ils semblent imprégnés par la voix de Cécile et même s’ils ne
comprennent pas tous les mots, les illustrations du livre captent leur esprit. A l’issue de l’histoire,
spontanément, ils applaudissent la lectrice.
Les jeunes restent un moment encore à manipuler les ouvrages mis à leur disposition et certains
empruntent même livres et cd et l’après-midi s’achève par un moment convivial autour d’un verre.
Lundi 15 octobre
Le tableau sur le bonheur est finalisé. Les nouveaux apprentis (Khaled et Hussain) complètent avec une
phrase personnelle.
Dans le cadre d’un projet audiovisuel mené par trois lycéens sur la classe de CAP+, je remets aux jeunes
un questionnaire de présentation à préparer à l’oral. Je laisse la possibilité de s’enregistrer en français
et dans sa langue maternelle. Cette petite préparation permet de sécuriser les jeunes lorsqu’ils
passeront devant la caméra, 1 semaine plus tard*.
J’aide à formaliser des phrases à l’oral pour ceux qui ont le plus de difficultés à s’exprimer.
Lundi 22 octobre (2 séances)
L’équipe de lycéens est présente toute la journée. Elle a installé sa caméra. Les jeunes sont un peu
intimidés.
Je remets des lots aux deux apprentis qui ont répondu brillamment aux questions liées à la sortie à la
Médiathèque, Amine et Adama.
Je distribue deux poèmes dont le thème est le BONHEUR. Chacun met son téléphone en mode
enregistrement et je commence la lecture à voix haute de chaque poème. J’essaie d’expliquer certains
mots difficiles mais dans 1er temps, le sens n’est pas essentiel. Je veux leur faire entendre la musique
des deux textes.
Les deux poèmes ont été découpés de manière à ce que chaque jeune lise au moins une strophe
entière. A tour de rôle, le poème se déroule, avec plus ou moins d’aisance mais beaucoup de sérieux.
J’ai tenté d’adapter les morceaux choisis en fonction des possibilités de chacun.
Je leur demande d’apprendre par cœur un passage pour la prochaine fois.
LE BONHEUR
Le bonheur n’est pas accroché à la lune,
Suspendu à quelque astre lointain ;
Il n’est pas sur Jupiter, Mars ou Neptune,
Mais à portée de main.
Le bonheur n’est pas au-delà des mers,
Dans un monde céleste, merveilleux, incertain…
Il est sur notre propre terre,
A portée de main.
Le bonheur n’est pas sur une île lointaine,
Quelque part sur l’Océan terrible :
Il est chez nous, dans la plaine,
Dans ta maison paisible.
Le bonheur n’est pas dans un château grandiose,
Habité par des reines et des rois ;
Il est dans ton jardin de roses,
Dans ta maison de bois.
Le bonheur n’est pas dans une nuit vénitienne,
Faite de musique et d’amour,
Il est dans les choses quotidiennes,
Que tu retrouves chaque jour.
Le bonheur n’est pas dans quelque grande ville,
Où l’on parle de richesses et de joie ;
Il est dans ta chambre tranquille,
Tout près de toi.
Le bonheur n’est pas dans les choses qu’on espère,
Et qu’on réclame du lendemain ;
Il est dans celles qui nous entourent,
Et qui reposent entre nos mains.
Aimée Degallier-Martin
AMINE
KHALED
ADAMA
HUSSAIN
LEOPAUL
FILMON
AMINE
LE BONHEUR
Le bonheur c'est tout petit,
si petit que, parfois,
on ne le voit pas,
alors on le cherche,
on le cherche partout.
Il est là, dans l'arbre qui
le chante dans le vent,
dans l'oiseau qui le crie
dans le ciel,
la rivière le murmure,
le ruisseau le chuchote,
le soleil et la goutte de pluie
le disent.
Tu peux le voir, là,
dans le regard de l'enfant
dans le pain qu'on rompt
et que l'on partage,
dans la main que l'on tend.
Le bonheur, c'est tout petit,
si petit que, parfois,
on ne le voit pas
et on le cherche dans le béton,
l'acier, la fortune,
mais le bonheur n'y est pas,
ni dans l'aisance, ni dans le confort.
On veut se le construire,
mais il est là,
à côté de nous et
on peut passer sans le voir,
car le bonheur, c'est tout petit,
il ne se cache pas,
c'est là son secret,
il est là, tout près de nous,
et parfois en nous !- Maurice CAREME -
MOUSSA
ALI
HAKIM
SAMIULLAH
NAQIB
AL TAIB
L’après-midi, tous (sauf 2 qui ne le souhaitent pas) s’expriment à tour de rôle devant la caméra. C’est
un exercice difficile, qui les intimide un peu mais ils se montrent, une fois de plus, extrêmement
volontaires et enjoués, malgré leur difficulté en français. L’expérience se réalise dans une bonne
humeur communicative.
Pour achever l’après-midi, je distribue un ensemble d’images représentatives d’un état de bonheur
(plus spécifiquement issues de la culture européenne). Je leur demande d’en choisir une qui leur plaît
et d’écrire une phrase en lien avec cette photo.
Le soleil se couche sur la mer. C’est beau. (Amine)
Ils font un pique-nique dans la montagne. Ils sont très heureux. (Khaled)
Avec ma voiture, je pars en Iran. (Ali)
Je suis très heureuse car j’ai trouvé un nouveau mari. (Naqib)
Ils sont contents de faire du vélo ensemble. (Hakim)
Je suis heureux quand je trinque avec un ami. (Ali)
Ils sont très contents car ils ont gagné la coupe du monde. (Al Taib)
Ils sont heureux dans la savane. (Adama)
Je suis heureux quand je fais du sport. (Sami)
Je suis heureux quand je vois le bambou et l’eau qui coule. (Hussain)
L’ours est dans la forêt. (Naqib)
Je leur demande, pour la prochaine fois, de chercher à leur tour, une photo qui peut symboliser un
état de bonheur et de la conserver sur leur téléphone pour la présenter aux autres.
A l’issue de cette première période, le groupe est déjà parvenu à travailler ensemble sans difficultés.
Il y a beaucoup de communication entre eux. La joie d’être ici au CFA est perceptible et crée un fort
dynamisme dans le groupe.
Leur enthousiasme est un réel bonheur et s’ils ne sont pas encore en mesure de l’écrire à l’intérieur
d’une histoire, il se vit déjà à chaque séance. Et c’est encourageant et réellement stimulant.
Une partie du groupe en compagnie de Stéphanie, la formatrice de FLE.
*Lien vers le film réalisé par les trois lycéens. https://youtu.be/YnrKeJ-g4oQ