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Modèle markovien d'impacts croisés

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  • Jol EYMARD (*)

    Modle markovien d'impacts croiss)

    prsent par Michel GODET (**)

    Le modle markovien d'impacts croiss propos par J. Eymard constitue une nouvelle et importante tape dans la construction formalise de scnarios et dans la

    . mise en vidence de leurs probabilits. En effet, ce modle permet de connatre non seule- ment - comme la mthode SMIC 74 [5] - les proba- bilits des scnarios de situation mais aussi les proba- bilits des scnarios d'volution ; c'est--dire qu'il donne l'ordre dans lequel se sont produits les vne- ments correspondant chaque situation future. En revanche, le modle de J. Eymard, contrairement SMIC 74, ne teste pas systmatiquement la cohrence des rponses aux questions poses et ne se prte pas directement une analyse de sensibilit.

    Finalement, une nouvelle voie de recherche s'ouvre pour une utilisation combine de ces deux approches afin de dresser une image de l'avenir, la plus complte et la plus cohrente possible.

    La prvision long terme ncessite la prise en compte d'vnements possibles pouvant survenir et influencer le phnomne que l'on cherche prvoir. Lorsque ces vnements sont indpendants entre eux le problme est simple. Par contre, lorsque l'un des vnements peut favoriser ou retarder l'apparition d'un autre vnement, on doit tenir compte, pour la cohrence de l'volution prvue, de ces interactions.

    (*) AEROPORT de PARIS (B) Etude de cas concrets SEMA - Marketing et Modles de Dcision.

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  • METRA

    Deux voies de recherche assez diffrentes ont t explores par les mthodes

    d'impacts croiss : les unes, visant l'aspect pratique pour l'utilisateur, ont tent de

    construire des scnarios par tirage au hasard d'vnements (Gordon [2], Kane [3]), malheureusement sans appui solide sur la thorie des probabilits et avec des rsultats douteux comme l'ont montr Florentin et Dognin [9] ; d'autres ont cherch une plus grande rigueur en s'attachant donner des images cohrentes au futur un horizon dtermin (Battelle [4], Duperrin et Godet [5]). Ces dernires mthodes ont suscit un intrt grandissant car dans leur principe elles permettent de filtrer l'information souvent contradictoire qu'apporte un expert questionn sur les probabilits de telles ou telles ventualits. La mthode SMIC 74 est la seule avoir russi jusqu' prsent fournir des rsultats compatibles avec les exigences de la rigueur mathmatique. En outre, fournissant une mesure sur l'ensemble des tats

    possibles, ou "scnarios de situation", son interprtation est plus aise et plus riche

    d'enseignements.

    A l'occasion d'une tude ralise en commun par AEROPORT DE PARIS et la SEMA, au cours de laquelle la mthode SMIC a t applique [7], nous avons t amens chercher un moyen d'obtenir non plus des scnarios de situation mais des scnarios d'volution dans lesquels la variable temporelle figure explicitement. Ce dernier point permet de poser les questions ou termes de relations de cause

    effet, formulation plus intuitive que les probabilits conditionnelles.

    La thorie des chanes de MARKOV fournit un cadre thorique bien adapt ce problme.

    La mthode est illustre d'un exemple reprenant certains lments du

    problme de l'nergie, et en particulier du dveloppement des centrales nuclaires, inspirs d'une tude mene en 1974 par E.D.F. et le C.E.A. [8].

    I - CONCEPTION DU MODELE (1)

    Il importe de dfinir avec prcision le concept d'vnement qui est la base de toute mthode d'impacts croiss. Pour nous, un vnement sera une modification permanente et localisable dans le

    temps du systme tudi. Ainsi, par exemple, une "augmentation de

    300 % du prix la production du ptrole brut" est un vnement au sens o nous l'entendons.

    Ayant dfini n vnements, nous appellerons "tat du systme" ou plus simplement "tat" la ralisation ou non ralisation de chacun des vnements considrs. Chaque vnement tant soit ralis, soit

    non ralis, il y a donc 2n tats possibles.

    Ayant dfini une chelle de temps discrte, nous appellerons transition le passage d'un tat un autre un instant donn de

    l'chelle de temps et nous ferons l'hypothse suivante :

    (1) La dmonstration des formules est donne en annexe pour ne pas alourdir l'expos.

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  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    - Hypothse 1 : la probabilit d'une transition ne dpend que de l'tat initial et de l'tat aprs transition.

    Ceci signifie que la probabilit de passer de l'tat e, l'tat ej l'instant t ne dpend ni de t, ni de la succession des transitions ayant amen le systme l'tat e;. Compte tenu de la dfinition que nous avons choisie pour les vnements, cette hypothse n'est pas exagr- ment restrictive pour les applications pratiques envisages.

    Il rsulte de ces hypothses que la fonction alatoire e (t) faisant correspondre un tat chaque valeur de t et que nous appellerons "scnario" est une chane de MARKOV stationnaire et homogne [10], et qu'elle est par consquent entirement dfinie par sa matrice de transition, c'est--dire par les 22n probabilits de transition : si nous pouvons estimer tous les lments de cette matrice, nous pourrons calculer pour chaque tat initial la probabilit de chaque scnario, la loi de probabilit de la date d'apparition de chaque vnement, l'tat le plus probable chaque instant, etc.

    Cependant, le nombre d'lments de la matrice est rapidement trs lev si le nombre d'vnements pris en compte augmente : pour 5 vnements il y a 1 024 probabilits de transition, pour 6 vnements il y en a 4 096. Ce nombre de questions poser aux experts consults risquerait donc d'tre excessif ; mais en ralit le nombre d'lments non nuis de la matrice est beaucoup plus rduit. En effet, la transition d'un tat dans lequel un des vnements est ralis vers un tat dans lequel le mme vnement n'est pas ralis est impossible et sa probabilit est donc nulle. Le nombre d'lments non nuls, pour n vnements, est alors :

    n 2n_ P CP = 3n

    p=0 o

    soit 243 pour 5 vnements ou 729 pour 6 vnements.

    Le nombre de donnes ncessaires peut encore tre rduit moyen- nant une hypothse supplmentaire :

    - Hypothse 2 : pendant un intervalle de temps unit, les vnements sont indpendants.

    Cette hypothse est d'autant mieux vrifie que l'intervalle de temps choisi est plus court ; comme la dpendance des vnements est prise en compte lorsqu'on passe de l'instant t l'instant t + 1, l'approximation ainsi faite est alors acceptable.

    Sous cette hypothse, les probabilits de transition d'un tat donn chacun des tats successeurs possibles peuvent tre calcules

    193

  • METRA

    partir des seules probabilits de chacun des vnements nouveaux possibles et le nombre de questions ncessaires pour dterminer la matrice de transition devient pour n vnements :

    n

    y Xo 0

    soit 80 pour 5 vnements ou 92 pour 6 vnements.

    La nature particulire de chaque systme tudi peut encore rduire le nombre de donnes ncessaires la construction de la matrice de transition. Nous avons jusqu'ici admis implicitement que chaque vnement a une influence sur la ralisation de chacun des autres. Si, dans un problme particuJier, la ralisation ou la non ralisation d'un vnement Ei n'a pas d'influence sur l'apparition de Ej, la probabilit de transition d'un tat contenant Ei vers un tat contenant Ej est la mme que si, dans l'tat initial, Ei n'est pas ralis, et la donne correspondante est donc dj fournie par ailleurs. Il est donc intressant de dterminer qualitativement avant toute chose les influences mutuelles des vnements envisags, qui sont au nombre de n (n - 1) pour n vnements.

    Si l'une de ces influences est considre comme nulle par les experts interrogs, le nombre de donnes fournir est diminu de 2n.2 (nombre d'tats contenant Ei et pas Ej), soit 8 pour 5 vnements ou 16 pour 6 vnements. On ne peut donner de formule gnrale pour calculer le nombre de questions ncessaires car ce nombre dpend de la structure des influences qualitatives ; il est cependant facile d'en tenir compte lors de l'laboration du questionnaire.

    Un dernier problme rsoudre est celui du choix de l'intervalle de temps unit. Le modle n'est intressant que si le nombre d'inter- valles unitaires l'intrieur de la priode tudie est suffisant pour que les mcanismes d'interaction puissent jouer de faon sensible et pour que l'hypothse d'indpendance soit admissible.

    Or il est difficile l'expert interrog de fournir des estimations de probabilits de transition dans un intervalle de temps trop restreint. La majorit des problmes de prvisions long terme porte sur une priode de 10 20 ans et les experts interrogs peuvent rpondre d'une faon satisfaisante sur les probabilits d'apparition des vne- ments au cours d'un intervalle de 5 10 ans. Par ailleurs, pour pouvoir comparer les rsultats fournis par deux experts ayant choisi un intervalle de temps diffrent il est souhaitable de ramener les rponses une chelle de temps commune. Pour cela nous faisons une hypothse supplmentaire :

    194

  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    - Hypothse 3 : la densit de probabilit d'apparition d'un vnement au cours de l'intervalle de temps choisi par l'expert est constante.

    Cette hypothse est la plus critiquable de celles que nous avons t conduits poser dans cette tude, car elle ignore des phnomnes comme par exemple un dlai minimum entre l'apparition de deux vnements. Il y aura donc lieu de s'assurer de sa validit lorsqu'on dsirera ramener l'intervalle de temps unit une valeur donne.

    Sous cette hypothse, si la dure d'intervalle choisie par l'expert est de K units de temps et si P dsigne la probabilit d'apparition d'un vnement au cours de cet intervalle, la probabilit du mme vnement pendant un intervalle unit est :

    P,- 1 -(1 i pj 1 /K

    On pourra recourir systmatiquement cet artifice si on s'int- resse essentiellement aux rsultats qualitatifs du modle, c'est--dire, par exemple, lorsqu'on dsire connatre les vnements ayant un effet favorable ou dfavorable sur la ralisation d'un vnement donn ou d'un tat donn.

    Il - MISE EN OEUVRE DU MODELE

    La mise en ouvre comporte trois phases :

    1 - choix des vnements et analyse qualitative de leurs inter- actions,

    2 - constitution du questionnaire comportant le nombre mini- mum de questions permettant de dfinir la matrice de transition,

    3 - exploitation des rponses au questionnaire.

    Premire phase : choix des vnements et analyse qualitative.

    C'est la phase la plus importante et des essais ont montr que la condition primordiale pour obtenir des rsultats intressants est que les vnements soient parfaitement dfinis. On s'efforcera d'analyser les consquences immdiates de chacun des vnements, ainsi que les circonstances qui peuvent contribuer directement leur ralisation. On peut, dans cette phase, s'aider d'un modle d'analyse qualitative de la structure du systme tudi tel que ceux dcrits dans [1] et [6]. Ces modles permettent de dlimiter le systme tudi et de slectionner les vnements dont le rle est le plus important dans son volution tout en tant troitement interdpendants. A l'issue de cette phase, on

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  • METRA

    disposera d'une description prcise des vnements retenus (au maxi- mum cinq ou six pour ne pas avoir trop de donnes demander aux experts) et d'un tableau indiquant la prsence ou l'absence d'in- fluence directe d'un vnement sur la ralisation de chacun des autres.

    Deuxime phase : questionnaire permettant de construire la ma- trice de transition.

    Nous disposons d'un petit programme permettant d'diter le questionnaire sous une forme claire, comportant les questions nces- saires et suffisantes pour construire le processus, partir du tableau des interactions obtenu prcdemment. L'expert consult remplit le questionnaire et indique la dure de la priode pour laquelle il fournit ses estimations de probabilit.

    A la diffrence des autres mthodes d'impact croiss, le prsent modle ne permet pas de tester la cohrence des rponses fournies puisque, leur nombre tant minimal, elles ne sont pas redondantes. Il appartient l'expert interrog de contrler lui-mme ses rponses, en vrifiant aprs avoir rempli le questionnaire que les probabilits attribues chacun des vnements varient dans le "bon" sens (selon l'ide qu'il s'en fait) en fonction de l'tat initial.

    Troisime phase : rsultats.

    Les rponses des experts sont traites par un programme qui calcule la matrice de transition et fournit, pour chaque tat initial possible :

    - l'tat le plus probable pour chaque instant de l'chelle de temps,

    - la fonction de rpartition de la date d'apparition de chaque vnement,

    - l'volution la plus probable pour un horizon donn.

    Dans une approche normative, on pourra dduire facilement de ces rsultats les vnements moteurs pour un objectif donn en comparant les fonctions de rpartition d'un mme vnement obtenues pour chaque tat initial.

    Nous allons maintenant traiter compltement un exemple pour illustrer ces considrations.

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  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    III - EXEMPLE D'APPLICATION (1)

    Le problme de l'nergie nuclaire est la mode, et nous n'avons pas voulu manquer l'occasion d'apporter un lment d'apprciation supplmentaire un dbat dj confus.

    L'exemple a t ralis avec la participation d'un expert des problmes du dveloppement de l'industrie nuclaire et des mthodes d'impacts croiss, la fois pour la dfinition du systme tudi et pour les rponses au questionnaire sur les probabilits.

    1 - Description des vnements considrs

    Evnement n 1 - "Mise en service des surgnrateurs" (2) Il s'agit de caractriser le dveloppement de l'industrie nuclaire par un fait significatif de la russite du programme actuellement envisag en France et sur lequel se cristallise l'opposition environ- nementaliste. Cet vnement sera la mise en service, au rythme prvu de 1 000 MW par an environ, de centrales lectriques sur-rgnrateurs, pendant la priode de temps choisie par l'expert.

    Evnement n 2 - "Pnurie d'nergie fossile" L'vnement suivant caractrisera le risque o, selon de nombreux spcialistes, se trouve notre conomie d'tre gravement atteinte par une pnurie d'nergie fossile, soit par puisement des res- sources, soit par une augmentation de son prix portant un coup d'arrt au dveloppement de la socit industrielle. Cet vnement tait primitivement dsign, dans le questionnaire, par "arrt de la croissance par pnurie", mais, au cours de l'exprimentation, il est apparu que cela conduisait des difficults d'apprhension des situations tudies.

    Evnement n 3 - "Arrt volontaire de la croissance" Le troisime vnement envisag sera un changement de politique industrielle des pays dvelopps, orientant la croissance vers des innovations ayant pour but de diminuer les besoins d'nergie, dans une socit plus soucieuse de la qualit de la vie que de la quantit de biens matriels. Nous l'appellerons "arrt volontaire de la croissance", sous-entendant qu'il s'agit de la croissance des besoins en nergie par habitant.

    (1) Cet exemple a t ralis avec la collaboration de M. Jean-Claude DUPERRIN (2) Ou plus exactement "sur-rgnrateurs".

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  • METRA

    Evnement n 4 - "Loi contre les surgnrateurs" Puisque le but de cet exercice est d'essayer d'valuer les perspec- tives de dveloppement de la production d'nergie, nous devons introduire un vnement reprsentatif d'une rupture dans le dveloppement envisag de l'industrie nuclaire. Cet vnement sera dfini comme une rglementation trs svre interdisant pratiquement la construction et l'exploitation des centrales sur- rgnratrices.

    Evnement n 5 - "Utilisation de sources nouvelles" Il nous reste introduire dans le systme tudi une alternative envisageable terme l'nergie nuclaire pour un certain nombre d'applications, utilisant la gothermie, l'nergie solaire ou toute autre source d'nergie communment appele "nouvelle". Pour que cet vnement corresponde bien la dfinition donne ci-dessus il est ncessaire que la substitution soit nettement dfinie dans le temps et on considrera donc un changement de technologie suffisant pour modifier de faon importante en quelques annes au plus la structure de nos approvisionnements nergtiques.

    Nous nous sommes limits ces cinq vnements pour deux raisons, la premire tant de restreindre le nombre d'estimations de probabilits demandes.

    Il n'a pas paru possible en effet de diminuer ce nombre en supposant ngligeable une des influences mutuelles entre vnements, car il nous a sembl que chacun d'eux pouvait ragir directement sur l'apparition des autres, ce qui donne en fait tout son intrt une telle analyse. En consquence, l'expert a d fournir 80 estimations de probabilits pour dcrire le systme.

    La deuxime raison de cette limitation rsulte d'une exprience d'application d'une mthode de "cross-impact" ralise en 1972, dans laquelle vingt vnements avaient t considrs.

    Cette mthode exigeait l'estimation des probabilits condition- nelles des vnements deux deux, en plus des probabilits "a priori" de chacun d'eux. Il tait apparu clairement que malgr toute la bonne volont de l'exprimentateur, le fait d'envisager quelque 400 inter- actions exigeait une gymnastique intellectuelle telle que les rponses n'avaient plus gure de fiabilit, de sorte que le processus conduisant des probabilits "a posteriori" ne pouvait gure que corriger partielle- ment les distorsions dues la lassitude de l'expert.

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  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    2 - Constitution du questionnaire

    La prsentation du questionnaire doit faciliter la cohrence des rponses puisque notre mthode, contrairement celles que nous avons voques prcdemment, ne corrige pas en principe les probabilits fournies. Le programme qui dite automatiquement ce questionnaire prsente successivement les diffrents tats possibles du systme et, dans chacun d'eux, demande la ou les probabilits d'vnements ncessaires la constitution de la matrice de transition. L'expert interrog se place donc mentalement dans une situation explicitement dcrite sur la feuille du questionnaire et peut donc apprcier l'ensem- ble des relations causales conduisant son estimation, comme on peut le constater sur la figure 1, reprsentant une des 31 pages du question- naire correspondant l'exemple trait.

    L'ensemble des rponses donnes par l'expert est donn par le tableau n 1.

    L'examen de ce tableau rvle quelques anomalies dans les rponses fournies : ainsi la probabilit attribue l'vnement n 2 (crise due la pnurie de ptrole) est de 10 % dans l'tat n 0 (aucun des autres vnements ne s'est produit) et de 20 % dans l'tat n 16 (alors que l'on dispose des sur-rgnrateurs.)

    Ceci ne doit pas surprendre : en effet, les rponses une mme question pose sous des formes varies et un certain intervalle de temps ont une dispersion invitable. Le but des mthodes d'impacts croiss telles que [5] est prcisment de filtrer ces rponses par la thorie des probabilits pour en extraire l'information significative apporte par l'expert. Aussi doit-on s'interroger, au vu de cette dispersion, s'il faut demander l'expert d'amliorer la cohrence des rponses fournies, en comparant comme nous le faisons, les probabi- lits donnes un mme vnement dans diffrents tats, une fois l'ensemble du questionnaire rempli : cette faon de procder risque en effet d'introduire un biais dans les estimations donnes, par rapport la connaissance intuitive qu'a l'expert du systme tudi. Il est donc souhaitable que les changements apports aux rponses pour satisfaire la logique soient aussi faibles que possible : nous verrons en effet que, heureusement, une caractristique remarquable de la mthode est la stabilit des rsultats obtenus vis--vis de telles modifications, stabilit due simplement au fait que le grand nombre de probabilits fournies par rapport au nombre d'vnements tudis corrige en quelque sorte la dispersion, du moins pour certains types de rsultats.

    3 - Rsultats

    Nous nous sommes intresss principalement l'aspect qualitatif des interactions des vnements et, par consquent, il tait commode

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  • METRA

    de ramener la dure d'une priode, estime cinq ans par l'expert, un an afin de multiplier les tapes intermdiaires du processus. Ayant calcul la matrice de transition P, de dimension 32 x 32, nous avons ensuite calcul ses puissances successives jusqu' la quinzime, et tous les rsultats dcoulent de l'observation de ces matrices pk pour k = 1 15. Dans la suite de l'expos un tat sera repr par son numro d'ordre qui est la valeur du nombre not en systme binaire par xxxxx o x vaut 0 ou 1 selon que l'vnement correspondant est ralis ou non.

    a - Fonction de rpartition de la date d'apparition d'un vnement donn

    L'lment (i,j) de la k ime puissance de la matrice est la probabilit d'tre l'tat e. au bout de k annes en partant de l'tat ei. 1

    Pour obtenir la probabilit que l'vnement E se soit produit avant k annes, pour un tat initial donn, il suffit donc de faire la somme des lments de la matrice Pk pour la ligne correspondant l'tat initial choisi et pour les colonnes correspondant aux divers tats contenant l'vnement E.

    Ainsi, partant de l'tat 0 dans lequel aucun des vnements retenus ne s'est ralis, nous obtenons les fonctions de rpartition de la date d'apparition de chacun des vnements, telles qu'elles apparaissent la figure 2.

    Par exemple, le dlai correspondant une probabilit de 50 % pour chaque vnement est ici de :

    - 3 ans pour l'vnement 1, - 15 ans pour l'vnement 2, - 20 ans environ pour l'vnement 3, - trs largement au-del des limites de l'tude, et peut-tre mme

    jamais, pour l'vnement 4, - 11 ans pour l'vnement 5.

    Mais l'intrt de ces rsultats est surtout de mettre en vidence la variabilit de ces chiffres en fonction d'une hypothse sur l'tat de dpart. Ainsi, si nous nous intressons l'vnement n 1 "mise en service des sur-rgnrateurs", nous trouvons que la probabilit que cet vnement soit ralis au bout de 10 ans est de :

    - 85 % partir de l'tat 0 0 0 0 0, - 93 % partir de l'tat 0 1 0 0 0 (pnurie de ptrole),

    3 % partir de l'tat 0 0 1 1 1 (changement de socit, loi

    contre les sur-rgnrateurs et utilisation des sources nouvelles d'ner-

    200

  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    gie) ; l'influence de chacun de ces vnements pris seul est de ramener la probabilit initiale de 85 % 39 % pour l'vnement 4, 66 % pour l'vnement 3 et 82 % pour l'vnement 5.

    La mme analyse pour l'vnement n 5, "utilisation de sources nouvelles d'nergie", donne les rsultats suivants pour un dlai de 10 ans :

    - 49 % partir de l'tat 0 0 0 0 0 - 74 % partir de l'tat 0 0 1 1 0 - 42 % partir de l'tat 1 0 0 0 0

    (les influences individuelles des vnements 3 et 4 sont respectivement de 66 % et 70 %).

    b - Recherche de scnarios La possibilit d'obtenir des scnarios munis d'une chelle de

    temps explicite est certainement l'apport le plus intressant de la mthode. En effet, on a besoin pour toute tude de prvision long terme dont les rsultats dpendent d'un ensemble d'ventualits, de fixer un ou plusieurs scnarios dans lesquels les vnements pris en compte sont prciss ; quelles que puissent tre les rserves devant une telle description du futur, il est bien vident que l'apport d'une certaine rationalit ce stade est prfrable l'empirisme total.

    Un scnario tant une suite d'tats du processus, il semble naturel de chercher quelle est la suite qui correspond une probabilit maximale pour construire le scnario tendanciel. En ralit, ce pro- blme n'a gure de sens : en effet, la probabilit d'une suite de n tats est :

    n

    rrp (ei, ej) si P (ei' ei) dsigne la probabilit de transition de l'tat e, l'tat e,. Or le maximum de ce produit, pour un tat initial donn, dpend de n et, pour des valeurs de n diffrentes, peut donner des suites d'tat qui diffrent mme sur leurs premiers lments. En outre, la probabilit d'une telle suite est extrmement faible : pour un horizon de 10 ans et 5 vnements, par exemple, il y a 115 , soit environ 160000 scnarios dont la probabilit n'est pas a priori nulle.

    On pourrait alors imaginer, dans le but de dfinir un scnario tendanciel indpendant de l'horizon retenu, de considrer chaque tape la transition de probabilit maximale ; il est facile de voir que ce choix est absurde car si nous rduisons la dure de l'intervalle de temps, la transition la plus probable sera le maintien de l'tat initial et le "scnario le plus probable" celui dans lequel rien ne se produit.

    201

    2

  • METRA

    La solution que nous proposons consiste considrer la suite des tats les plus probables chaque instant pour un tat de dpart donn. L'inconvnient est que ce n'est pas ncessairement une trajectoire possible du processus, car on peut ventuellement obtenir deux tats conscutifs correspondant une transition impossible. En contrepartie, les avantages sont nombreux :

    - indpendance de l'horizon de l'tude, - stabilit vis--vis d'une variation de l'intervalle de temps uni-

    taire : on constate en effet qu'un choix diffrent de la dure entre transitions conserve gnralement la date d'apparition des vnements,

    - en gnral, cette suite d'tats est un scnario possible comme nous l'ont montr divers essais du modle,

    - enfin, les dates d'apparition des vnements dans cette suite d'tats sont voisines des dates pour lesquelles la probabilit cumule d'appaiition depuis l'instant origine dpasse 0,5, date dite "probable" d'apparition.

    Pratiquement, on obtient cette suite d'tats en retenant pour chaque valeur de k et pour chaque tat de dpart e. l'tat e. J correspondant au maximum de P(k) (i,j). Dans l'exemple prsent ici, et pour l'tat initial 0, la suite obtenue est bien une trajectoire du processus, pour laquelle on obtient l'vnement E1 au bout de 3 ans, puis les vnements E2 et E5 11 ans aprs, c'est--dire moyen terme le dveloppement de l'nergie nuclaire, puis, long terme et peu prs en mme temps, l'puisement des ressources fossiles et la mise en valeur des sources nouvelles (fig. 3, p. 207).

    Pour obtenir des scnarios contrasts, il suffit de choisir un tat de dpart diffrent, contenant par exemple l'un des vnements qui ne sont pas apparus dans le scnario tendanciel.

    Si nous supposons l'instant initial que l'vnement E3 (chan- gement de socit) est apparu, nous obtenons le scnario suivant : E1 se produit au bout de 5 ans, soit deux ans plus tard que dans le tendanciel, et E5 trois ans aprs, soit 6 ans plus tt ; E2 n'apparat plus. Le scnario est donc celui d'une socit moins dpensire en nergie, plus prudente vis--vis du nuclaire et poussant les recherches d'autres sources d'nergie, scnario assez reprsentatif des aspirations de certains milieux scientifiques.

    Choisissons maintenant un scnario plus conflictuel, en supposant l'instant origine la promulgation d'une loi contre le dveloppement du nuclaire. Nous voyons alors apparatre au bout de 4 ans E2 (la pnurie de ptrole), puis 4 ans aprs, un an d'intervalle, E5 puis E1. On remarque galement que la suite des tats obtenus n'est pas une trajectoire possible car l'apparition de E5 se fait par l'tat 0 0 0 1 1,

    202

  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    dans lequel E2 a disparu. Cependant la squence reste intuitivement satisfaisante dans la mesure o la pnurie disparat naturellement avec l'utilisation de toutes les formes d'nergie.

    Cette anomalie rsulte en fait d'une certaine ambigut dans le choix des vnements : le fait que certains d'eux sont antagonistes est difficilement conciliable avec la permanence dans le temps que mat- rialise la matrice de transition.

    Dans ces trois scnarios, le dveloppement de l'industrie nuclaire apparat inluctable. Si nous cherchons quelles sont les conditions initiales ncessaires pour l'empcher, nous trouvons les combinaisons suivantes :

    0 0 0 1 1 : nergies nouvelles et loi contre les sur-rgnrateurs, 0 0 1 1 0 : changement de socit et loi contre les sur-rgnrateurs, 0 0 1 1 1 : runion des prcdents, 0 1 1 1 1 : mme chose, malgr la pnurie en ptrole.

    Cette brve description des rsultats trs varis que l'on obtient par la simple observation des puissances successives de la matrice de transition montre bien la richesse de la mthode, qui n'a pas encore t totalement explore. Ainsi, il serait intressant d'indiquer pour chaque tat initial, outre l'tat le plus probable chaque instant, le ou les tats dont la probabilit est suffisamment leve ; il est vraisem- blable que l'on obtiendrait de la sorte une fourchette pour chaque date d'vnements dans les scnarios, ce qui permettrait d'en apprcier la stabilit vis--vis des donnes fournies.

    4 - Stabilit des rsultats

    Il s'agit d'un problme crucial car la mthode n'a d'intrt que si les rsultats obtenus ne dpendent pas trop de l'imprcision des estimations de probabilit. Dans notre exemple un premier essai avait t effectu avec des donnes non relues,sans aucune vrification de cohrence des rponses. Les principales anomalies portaient sur les probabilits attribues l'vnement E2 : elles taient en moyenne nettement plus leves lorsque E1 n'tait ralis que dans le cas contraire. En outre, l'effet de E5 sur E4 apparaissait dans certains cas invers, de mme que l'influence de E4 sur E5. En tout, 11 valeurs de probabilits ont t modifies, par change de valeurs donnes ou corrections des estimations, l'amplitude des modifications allant de 5 % (mais sur une estimation de 10 %) 50 % sur trois valeurs et mme 60 % sur deux autres.

    203

  • METRA

    Or, malgr ces changements, on constate que :

    - Les fonctions de rpartition sont pratiquement inchanges pour tous les tats initiaux, les variations n'excdant pratiquement jamais 5 % ; deux ou trois d'entre elles changent nettement, en particulier celle de l'vnement n 2 pour l'tat initial 0, mais on pouvait videmment s'y attendre puisque les principales modifications de probabilit ont port sur cet vnement.

    - Les scnarios obtenus comme il est indiqu ci-dessus varient peu, les variations portant non pas sur la succession des vnements qui apparaissent mais sur le dlai qui les spare. L'explication de cette stabilit a dj t donne : la probabilit d'un vnement ou d'un tat une poque donne est la somme des probabilits d'un trs grand nombre de trajectoires du processus, de sorte que mme si celles-ci sont fortement modifies il en rsulte assez peu d'effet sur les grandeurs que l'on veut observer. Ainsi, le fait que nous demandions 80 estimations pour tudier un systme 5 vnements seulement rtablit la cohrence qui semblait faire parfois dfaut dans les rponses.

    IV - CONCLUSION

    II a pu paratre dans l'exemple prsent ici que les rsultats obtenus relevaient de l'vidence intuitive et qu'il n'tait pas besoin de toute cette mcanique complique pour en arriver l.

    Nous pensons que c'est au contraire un signe montrant que la mthode atteint le but recherch. En effet, il ne faut pas oublier que le but des mthodes d'impacts croiss n'est pas de fournir une "Pythie lectronique" mais de reprsenter sous une forme claire et complte les diverses implications d'un faisceau d'intuitions d'un expert dans un certain domaine. Il serait donc plutt inquitant d'obtenir en sortie quelque chose que l'expert n'y avait pas mis ou qu'il serait lui-mme surpris de trouver. Par contre, lorsque le problme pos a t bien analys qualitativement au pralable, la mthode permet d'obtenir un classement des futurs possibles et de fixer les hypothses prcises ncessaires toute prvision long terme.

    204

  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    Figure 1 : fac-simil d'une page du questionnaire

    QUESTIONNAIRE X-I-M CODE CARTE PERFOREE iL 0 COL 1 2

    SI LES EVENEMENTS SUIVANTS SONT MAIS PAS LES EVENEMENTS SUIVANTS : ARRIVES :

    ARRET VOLONTAIRE DE LA CROYANCE MISE EN SERVICE DE SURGENERATEURS LOI CONTRE LES SURGENERATEURS ARRET DE LA CROISSANCE PAR PENURIE U11 LISATION DE SOURCES NOUVELLES

    QUELLE EST LA PROBABILITE POUR QUE SE PRODUISE, PENDANT LA PERIODE SUIVANTE:

    MISE EN SERVICE DE SURGENERATEURS 1 1 1 COL 11 1 12

    ARRET DE LA CROISSANCE PAR PENURIE 1 COL 21 22

    Rpondre en indiquant la probabilit en pourcentage dans les cases correspondantes

  • METRA

    ANNEXE : QUELQUES RESULTATS COMBINATOIRES

    1/ La matrice de transition du processus a autant de lignes et de colonnes qu'il y a d'tats du systme, c'est--dire 2n pour n v- nements. Elle a donc 2" x 2n = 22n lments. Parmi ceux-ci, les probabilits correspondant une transition impossible, c'est--dire d'un tat dans lequel un vnement est ralis vers un tat o il n'apparat plus, sont nulles.

    Le nombre de probabilits non nulles, partir d'un tat o p vnements sont raliss, est gal 2*""P', puisque chacun des nu p autres vnements peut tre ou non ralis.

    Comme le nombre d'tats contenant p vnements est gal CP, on en dduit le nombre d'lments non nuls, soit :

    n

    L CP n 2n-P = (2 + 1)n = 3n

    p=0 0

    2/ Sous l'hypothse 2 d'indpendance des vnements il suffit, pour calculer les 2n-p probabilits de transition partir d'un tat contenant p vnements, de fournir les n - p probabilits des autres vnements. Le nombre de rponses fournir est alors gal :

    n

    S' In - pl CP p=0 0

    que l'on peut calculer partir de l'expression de la drive de la fonction y = (x + 1 )n : -.

    n- 1 n (x + (n - p) xn-p- 1 q n

    p=0 0

    Il suffit alors de donner x la valeur 1 pour obtenir le rsul- tat n. 2n- 1 .

    La probabilit de transition vers un tat o apparaissent les vnements Ei et pas les vnements Ei est alors gale :

    n p. n (1 - Pj) ! E;\ 1 Ej

    ( - Pj)

    (Pi et Pj dsignent les probabilits d'apparition de chacun des vnements considrs).

    3/ Le nombre de trajectoires d'un processus 2n tats pour m transitions est gal (2n)m, soit environ 10?5 pour 5 vnements et 10 ans ; en fait, de nombreuses trajectoires sont impossibles d'aprs la dfinition que nous avons donne. Le nombre de trajectoires de probabilit non nulle est en fait seulement de (m + 1 )n, puisque

    208

  • MODELE MARKOVIEN D'IMPACTS CROISES

    chacun des vnements peut se produire soit l'occasion d'une des m transitions, soit au-del de la dernire : il y a ainsi m + 1 possibi- lits pour chaque vnement.

    4/ L'interprtation de la formule donnant les nouvelles proba- bilits aprs rduction de l'intervalle de temps est la suivante : si nous supposons que l'intervalle donn par l'expert est partag en K parties gales pour lesquelles la probabilit d'apparition est la mme, la probabilit pour que l'vnement ne se produise sur aucun des K sous-intervalles est (1 - P')k = 1 - P ; mais cette formule n'est va- lable que si les vnements correspondant l'apparition dans chaque sous-intervalle sont indpendants, ce qui n'est pas exactement le cas ici puisque chaque vnement ne peut apparatre qu'une seule fois. Mais il nous a sembl plus conforme la pense intuitive de l'ex- pert de considrer que les probabilits qu'il donne correspondent en fait la runion d'un ensemble de circonstances dans lesquelles l'vnement considr est inluctable, et cet ensemble de circonstances peut alors se prsenter plusieurs fois au cours de la priode de temps.

    On peut contester cette faon de procder et prendre P' = P/K, si on le prfre, mais de toute faon, cela n'a gure d'importance sur la succession des vnements dans un scnario.

    BIBLIOGRAPHIE

    [1] TENIERE-BUCHOT F. - Le modle POPOLE, Analyse et pr- vision, Sedeis (fv.-mars 1973).

    [2] GORDON J.J., HAYWARD H. - Initial experiments with the cross-impact matrix method of forecasting, FUTURES, Guilford (Surrey, Great Britain, dcembre 1968). GORDON J.J. - Cross impact matrices, FUTURES (dc. 1969).

    [3] KANE J. - A primer for a new cross impact language, Techno- logical forecasting and social changes, Vol. 4 (New York, 1972).

    [4] DUVAL A. - Cross-impact, BA TTELLE (1972). Et FONTELA E., GABUS A., DUVAL A. -Cross-impact a handbook on concepts and applications, DEMATEL - Innovative methods, report n 1.

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    [6] DUPERRIN J.C., GODET M. - Prospective du systme de l'ner- gie nuclaire, Rapport conomique C.E.A., n R 4541 (dc. 1973).

    209

  • METRA

    [7] GODET M. - Les scnarios du transport arien l'horizon 1990, Revue METRA, Vol XIV, n 1 ( 19751.

    [8] DUPERRIN J.C., GODET M., PUISEUX L. -Les scnarios du dveloppement de l'nergie nuclaire l'horizon 2000 : analyse stratgique par la mthode SMIC 74, Rapport conomique C.E.A. ( paratre courant premier semestre 1975).

    [9] FLORENTIN et DO G N I N - Utilisation de l'analyse d'interaction (Cross-impact analysis) dans la planification stratgique, Thse de doctorat de 3e cycle, Universit de PARIS IX Dauphine (juin 1973).

    [10] De nombreux ouvrages prsentent la thorie des chanes de MARKOV, dont on n'utilise ici que les rsultats les plus simples. On pourra consulter, par exemple l'ouvrage de A. TORTRAT : Processus alatoire, Dunod (Paris), ou celui de KAI LAI CHUNG : MARKOV chains with stationnary transition probabilities, Sprin- ger Verlag (Allemagne).

    210

  • Jean BIABAUT (*)

    Maintenance dans les raffineries de ptrole(a)(1)

    Le budget d'entretien d'une raffinerie est lev et tient une place importante dans les charges d'exploitation. Et pourtant ce mme budget ne tient pas compte des manques gagner sur la production qui rsultent de l'indisponibilit des installations et qui sont d'un ordre de grandeur au moins quivalent.

    Comment savoir alors si les dpenses d'entretien sont raisonnables vis--vis des indisponibilits qu'elles ont vocation limiter ?

    La rponse est chercher dans l'tude des "grands arrts" des units qui constituent le cadre directeur de l'ensemble des actions d'entretien.

    Ces "grands arrts" regroupent en effet toutes les interventions prventives sur les matriels vitaux et ces dernires annes ont vu s'allonger les "courses" qui les sparent. Mais y a-t-il une limite dans cet allongement ?

    La connaissance prvisionnelle du comportement des matriels est ncessaire pour rationaliser ces interventions d'inspection et de rnovation o les dcisions sont prises en fonction de critres trop souvent locaux.

    Le modle des "grands arrts" dvelopp dans cet article consiste dterminer, au sein d'un calendrier, les meilleures politiques de maintenance pour chaque matriel par un programme dynamique, puis choisir entre divers calendriers proposs le meilleur. Le critre principal est de minimiser l'esprance des charges directes et indirectes ou, ce qui est quivalent, de minimiser les dpenses directes sous rserve de ne pas dpasser un certain total de nombre de jours d'indisponibilit.

    PEGASE, "programmation de l'entretien aux grands arrts des systmes d'exploitation", est l'ensemble des programmes qui rsolvent numriquement le problme des grands aerts. Les informations prises en compte par ce programme

    (') SEMA - Marketing et Modles de Dcision. (B) Etude de cas concrets. (1) Cet article est inspir d'un ensemble d'tudes sur la maintenance dans les raffineries

    de ptrole, ralises par la SEMA dans le cadre d'une souscription laquelle tint particip quatre des plus grandes compagnies ptrol.ires fraoaises.

    Que Messieurs Marc RICHARME et Yves TABOURIER trouvent ici l'expression de la reconnaissance de l'auteur pour la collaboration efficace qu'ils lui ont apporte dans la ralisation de ces tudes.

    211

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    portent sur la dfinition des calendriers, l'activit prvisionnelle de l'unit concer- ne de la raffinerie, les types et les caractristiques des matriels. Les rsultats

    qu'apportent ces programmes se prsentent sous deux formes, synthtique pour les

    dpenses et pertes de production prvisionnelles pour chaque calendrier propos, analytique pour la liste dtaille des travaux du premier grand arrt du calendrier retenu et pour "la bible" des matriels o sont explicites les politiques recomman- des.

    Outre la solution au problme pos - quand faire les grands arrts ? - l'tude des calendriers apporte d'utiles enseignements sur l'importance des charges indirectes, la valeur marginale des jours d'arrts supplmentaires, l'opportunit de l'allongement des courses, la sensibilit aux dates, l'activit de l'unit de fabrication concerne, etc.

    De mme, outre la solution au problme pos - que faire lors des grands arrts et entre grands arrts ? - qui apparat sous forme de liste des travaux et d'indicateurs de recommandation sur les dcisions prendre, l'tude calendrier donn fait apparatre la dpendance des politiques sur les matriels au contexte

    conomique et contribue amliorer la reprsentation que l'on se fait du

    comportement des matriels.

    1 - LES CARACTERES GENERAUX DE LA MAINTENANCE DANS LES RAF- FINERIES DE PETROLE

    1.1 - La place de la maintenance dans les raffineries de ptrole

    Dans notre civilisation industrielle, une raffinerie de ptrole reprsente un investissement considrable qui s'accompagne, pour tre maintenu en bon tat de fonctionnement, d'un budget d'entretien dont

    l'importance est en due proportion.

    Pour apprcier cette importance, et sans prendre les chiffres la lettre pour faire d'ventuelles comparaisons avec des installations

    existantes, car il faudrait alors dtailler le contenu de ces chiffres, disons qu' une raffinerie moyenne moderne traitant 6 millions de tonnes de ptrole par an correspond :

    - un investissement en installations de 600 MF, - un budget de production de 75 MF, - un budget d'entretien de 15 MF,

    conduisant des ratios assez significatifs de :

    - 20 % pour le ratio entretien/production, - 2,5 % pour le ratio entretien/installation.

    213

  • METRA

    Cette importance est donc substantielle et pourtant elle ne met en valeur que les cots directs ; elle passe sous silence les manques gagner qui peuvent rsulter de l'indisponibilit des installations et qui sont pourtant d'un ordre de grandeur au moins comparable.

    Car ces investissements considrables ne sont rentabiliss que par une production continue, jour et nuit, de sorte que tout arrt peut tre considr en conjoncture onomique normale comme une perte de production.

    Pour en apprcier galement l'importance, et sans vouloir trop prciser le contenu des dfinitions, disons que le manque gagner rsultant en certaines priodes de l'anne de l'indisponibilit d'une unit dans une raffinerie peut tre valu sur la base du prix de revient des produits fabriqus quelque 0,3 MF/jour.

    Ainsi pour une raffinerie comportant 5 units arrtes en moyenne 10 jours par an, retrouverait-on l'ordre de grandeur des dpenses directes.

    Si donc des dpenses d'entretien sont consenties c'est bien dans le but d'viter ces arrts inopportuns parce que coteux. Mais dans quelle mesure le rsultat escompt est-il atteint ?

    Cette question ainsi pose est beaucoup trop gnrale pour qu'il soit possible de lui donner une rponse immdiate. Pouvoir rpondre suppose d'abord que l'on ait pu prciser les objectifs recherchs, examiner quels types de solutions peuvent en regard tre prsents et finalement, par rfrence la meilleure solution, dterminer si le budget dvolu est d'un niveau globalement suffisant et si la rpartition qui en est faite travers ses utilisations apporte la meilleure efficacit.

    1.2 - Les aspects originaux de la maintenance dans les raffineries

    L'ensemble des oprations de maintenance dans une raffinerie s'articule autour d'interventions de grande envergure qui portent le nom de "grands arrts".

    Ces interventions se traduisent en effet par l'arrt complet d'une unit pendant une dure de l'ordre d'une semaine quinze jours et au cours duquel un certain nombre de matriels sont dmonts, inspects, nettoys et ventuellement remis en tat ou remplacs.

    Le nombre d'oprations raliser pendant cette dure relative- ment brve ncessite la prsence simultane de nombreuses quipes de travail sur le chantier. Parfois ces quipes appartiennent la Compagnie mais le plus souvent des entreprises extrieures spcialises, encadres seulement par la matrise du Service entretien de la Compagnie.

    214

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    De sorte que les "grands arrts" des units se prparent longtemps l'avance, qu'il s'agisse des commandes de matriels ou de la passation des marchs avec les entreprises, ou qu'il s'agisse de la planification proprement dite des oprations pendant l'arrt pour que toutes les entreprises contractantes puissent effectuer leur prestation dans les meilleures conditions.

    Cette prparation est non moins importante du ct de la production puisqu'il s'agit de prvoir pour cette priode des stockages et donc une fabrication de certains produits par anticipation, voire des approvisionnements de substitution pour les units en aval dans le processus d'laboration des produits de l'unit arrte.

    Que l'on examine alors la maintenance dans les raffineries sous l'angle de l'activit du personnel permanent du Service entretien, ou sous l'angle des dpenses consenties,ou mme sous l'angle des manques gagner ds aux pertes de production, les grands arrts des units y prennent la part essentielle.

    Bien entendu, cela ne signifie pas pour autant que les autres formes de maintenance, comme l'entretien courant, les inspections normales, ou le dpannage occasionnel n'existent pas, mais elles sont toujours directement dpendantes de la planification prvue par les grands arrts. Nombre d'oprations localises ne sont souvent envisa- ges que par rfrence au prochain grand arrt et lances seulement en fonction de sa proximit sur le calendrier.

    Ces caractres originaux de la maintenance dans les raffineries incitaient donc fortement entreprendre l'tude approfondie de ces "grands arrts" et essayer de rpondre aux deux problmes fonda- mentaux :

    - quand les faire ? c'est--dire quelle date, sachant que de telles oprations sont par nature peu frquentes,

    - qu'y faire ? c'est--dire quelle est la liste des interventions raliser sur les matriels que comportent l'unit.

    2 - LA RECHERCHE D'UNE REPRESENTATION DES G RANDS ARRETS D'UNE UNITE DANS UNE RAFFINERIE

    2.1 - Les conomies d'chelle ralises par les "grands arrts"

    Les grands arrts ont leur origine dans les conomies d'chelle qu'ils apportent dans l'entretien prventif des matriels ; car si chacun de ces entretiens ncessite l'arrt de l'ensemble des installations

    215

  • METRA

    auxquels ils appartiennent, autant arrter une bonne fois l'unit et faire pendant cet arrt toutes les oprations prventives qui paraissent opportu nes.

    Ces dernires annes ont vu progressivement s'lever la course sparant deux grands arrts conscutifs d'une mme unit dans une raffinerie ; elle dpasse gnralement un an et atteint parfois deux trois ans. Mais si cet allongement est intressant sur le plan de la diminution des arrts prventifs et donc sur le plan des frais fixes et des pertes de production, il risque de le devenir beaucoup moins sur le plan des charges variables !

    Chaque arrt d'une installation comporte en effet des temps d'indisponibilit incompressibles : que la cause en soit due au processus thermodynamique ou chimique, par la mise temprature et pression ambiantes pour l'arrt ou par la remise en charge pour le dmarrage, ou par la purge ou le nettoyage des capacits ou des racteurs, ou que la cause en soit due la mise en place du chantier, par le dressage des chafaudages ou le dmontage des protections et enceintes extrieures. Tout allongement des courses est donc en ce sens profitable.

    Malheureusement les courses devenant plus longues, il devient encore plus impratif de laisser, aprs chaque grand arrt, les matriels dans un tat de rnovation qui laisse esprer que l'on puisse atteindre sans incident le prochain grand arrt. De sorte que cette recherche de scurit conduit rnover volontiers une partie des installations, ce qui se traduit finalement par des charges directes d'entretien de plus en plus importantes.

    Et ces charges sont d'autant plus ressenties qu'il est difficile d'en contrler la ncessit faute de pouvoir se rfrer un systme d'apprciation cohrent des risques courir.

    La dtermination de ces courses et des oprations raliser lors de ces arrts devait s'appuyer troitement sur la connaissance que l'on pouvait esprer avoir des matriels quant leur technologie, leur fiabilit et leurs conditions d'emploi.

    2.2 - La connaissance du comportement des matriels

    L'objet de la maintenance prventive des matriels est de rempla- cer temps les organes qui vont dfaillir, l'idal conomique tant de les remplacer au dernier moment. Hlas ce systme n'est qu'exception- nellement possible car nombre de matriels ne manifestent pas ext- rieurement de traces apparentes d'usure et pour nombre d'autres leur observation permanente est impossible ou dmesurment coteuse.

    216

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    Les interventions de maintenance prventive se dcomposent alors en deux tapes : l'une d'inspection et l'autre de dpose et de remplacement.

    L'inspection permet d'tre inform sur l'tat de dgradation du matriel et,en fonction de l'tat constat, il devient alors possible de prendre une dcision quant l'opportunit du remplacement.

    Dans le cas des matriels concerns par les grands arrts, ces deux interventions ne sont pas gratuites : toute inspection, et a fortiori toute rnovation, s'accompagne de mesures d'essais ou de dmontages, donc de charges de personnel ou de dpenses de matriels et de temps d'immobilisation des installations. Il s'agit donc de dterminer bon escient ces interventions raliser.

    Sur le terrain, ces dcisions sont prises sans difficult par les oprationnels, mais malheureusement dans un cadre souvent trop troit, en fonction de critres techniques se ramenant une compa- raison entre ce que l'on pourrait appeler la dure de vie rsiduelle estime du matriel et la course jusqu'au prochain grand arrt, en introduisant dans cette comparaison des coefficients de scurit assez arbitraires.

    Cette faon de procder, purement tactique, comporte plusieurs inconvnients :

    - elle suppose connue la date du prochain grand arrt (c'est-- dire une partie du problme rsolu),

    - elle ne permet pas de prvoir l'avance quelles seront les dcisions prises (la dcision est locale),

    - elle ne tient pas compte explicitement des considrations de cots directs et indirects (le risque d'avarie n'est pas valoris en termes montaires),

    - elle autorise par l'arbitraire des coefficients de scurit une grande htrognit dans les dcisions.

    Rationaliser l'entretien suppose au contraire que l'on ait une connaissance prvisionnelle des comportements de l'ensemble des mat- riels de faon prvoir l'ventail des dcisions possibles et dter- miner dans un mme cadre de rfrence des politiques d'entretien pour chaque matriel qui assurent une homognit et une cohrence globale.

    Les dures de vie rsiduelles estimes ne pouvaient suffire elles seules caractriser ces comportements; la composante de dispersion attacher ces dures de vie a t trouve en les rapportant aux dures de vie habituelles de la classe des matriels analogues placs dans des conditions d'emploi comparables.

    217

    3

  • METRA

    La transformation de ces observations en lois statistiques de comportement rendait ensuite facile le couplage entre les caractris- tiques de fiabilit des matriels et les donnes conomiques descriptives de l'activit des installations.

    2.3 - L'introduction de calendriers de grands arrts

    Dterminer les interventions raliser lors d'un grand arrt relve d'une grande complexit qui tient la double interdpendance existant entre les dates et les matriels.

    Comme on l'a dit, les interventions sur un matriel, inspection ou rnovation,vont dpendre de l'ide que l'on se fait de l'tat dans lequel le matriel sera trouv au moment de l'inspection, cet tat ventuel tant fonction des informations collectes lors du prcdent grand arrt, et vont dpendre du risque que l'on envisage de faire courir ce mme matriel, donc de la course effectuer jusqu'au prochain grand arrt.

    Il est non moins vident que le prochain grand arrt envisag ne sera rellement retenu que si le nombre d'interventions raliser sur les matriels se trouve tre suffisant pour "amortir" les temps fixes d'arrt des installations ncessaires pour rendre ces oprations possibles sur le site. Ce qui rend les matriels interdpendants entre eux.

    Cette complexit a conduit poser le problme des grands arrts comme tant celui de dterminer, pour une unit de fabrication, la meilleure squence des dates d'arrts jusqu' un certain horizon de temps et de dfinir, au sein de cette squence, les interventions raliser sur les matriels que comporte cette unit de fabrication.

    Il s'agit en effet de "squences de dates d'arrts" envisager, dans la mesure o de nombreuses contraintes psent sur le choix des dates :

    - les contraintes de saisonnalit pour la demande de produits fabriqus par la Compagnie liminent d'emble certaines priodes de l'anne o tout le potentiel de fabrication est requis,

    - les contraintes climatiques pour les installations extrieures retirent les priodes froides,

    - les contraintes sociales pour les congs de personnel de la Compagnie ou des Socits extrieures intervenant sur le chantier liminent les priodes chaudes,

    - les contraintes de visite des appareils sous pression par le Service des Mines interdisent des courses trop longues, etc.

    De sorte que l'on a t conduit proposer un ensemble de "calendriers" chacun correspondant, jusqu' un horizon commun,

    218

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    une squence de grands arrts ralisables, le problme se ramenant ainsi choisir "le meilleur calendrier".

    Par exemple :

    Septembre 75 - Mai 1976 - Octobre 1976 - Juin 1977 - Mars 1978 - etc. - Octobre 1983.

    L'introduction de tels calendriers permet, outre la suppression de l'interdpendance entre les dates, les interventions raliser et les matriels grs, la connaissance de l'ensemble des charges fixes et des arrts de production qu'il recouvre.

    Il suffit dsormais de dterminer pour chaque matriel, de faon indpendante des autres, la maintenance lui assurer au sein d'un calendrier, la seule difficult restante tant que cette maintenance ne peut tre de nature priodique pour deux raisons :

    - la premire est que le calendrier n'est pas ncessairement lui-mme priodique,

    - la seconde, beaucoup plus importante, est que le matriel se dgradant dans le temps, que cela soit progressivement ou par coups, voit ses chances de tomber en panne augmenter et demande donc une surveillance croissante ; on ne peut donc envisager l'existence d'un d'un rgime permanent.

    La meilleure solution globale correspondra au calendrier qui apportera la plus grande satisfaction, soit au vu d'un critre principal comme celui de l'ensemble des cots directs et indirects, soit au vu de critres complmentaires comme le nombre d'avaries par priode de temps, ou l'talement dans le temps des charges d'entretien.

    3- LE MODELE DES GRANDS ARRETS

    3.1 - Gnralits sur le modle

    Le modle repose sur la prise en considration de calendriers de grands arrts et la dtermination au sein de chacun d'eux des politiques de maintenance respective chaque matriel.

    La nature alatoire du comportement du matriel a t repr- sente par une loi de fiabilit mettant en vidence des tats progressifs de dgradation.

    219

  • METRA

    Les politiques ont t dfinies par un programme dynamique et la rsolution pratique dont on donnera le schma s'appuie sur les algorithmes propres cette mthode ; on procde ainsi en deux balayages aller et retour du temps :

    - en remontant du futur vers le prsent, on dtermine de proche en proche les dcisions optimales (inspection et rnovation) et le cot de ces politiques optimales,

    - en redescendant du prsent vers le futur, on dtermine les conditions d'application de ces politiques, eu gard aux informations dont on dispose sur l'tat initial des matriels.

    Les rsultats obtenus comportent :

    - les charges globales directes et indirectes actualises de chaque calendrier,

    - la rpartition de ces charges dans le temps,

    et

    - la liste des travaux entreprendre aux grands arrts, - la bible des matriels (dcisions prendre en fonction de l'tat

    des matriels).

    Le critre principal utilis dans le modle est celui de la minimisation de l'esprance mathmatique des dpenses au sein d'un calendrier donn. La comparaison entre calendriers peut aussi utiliser un critre secondaire tel que celui de la rpartition des dpenses au long du calendrier : homognit des dpenses d'un grand arrt au suivant, homognit des avaries au fil du temps.

    Par ailleurs, le modle propos peut accepter toute autre forme de critre principal compatible avec les exigences du principe d'optimalit de Bellman (fonctions de gains satisfaisant les conditions de sparabi- lit et de monotonie de Mitten).

    Enfin, en explicitant les temps d'indisponibilit (au lieu d'intro- duire directement les cots indirects d'indisponibilitl,on peut rsoudre le problme quivalent d'une minimisation des dpenses d'entretien tout en ne dpassant pas un certain total de nombre de jours d'indisponibilit.

    Cette rsolution se traduit simplement par plusieurs itrations dans l'application du modle pour dterminer la valeur marginale associer cette contrainte (mthode de Fibonacci).

    220

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    3.2 - Notations du modle

    3.2. 1 - Reprage du temps X rfrence d'un calendrier n indice du ni?me grand arrt (grand arrt GAn ) N (X) dernier grand arrt rel du calendrier X

    n = 0, 1... , N (X) + 1 tn (X) date du nime grand arrt GAn du calendrier X t date courante T date courante Dn (X) dpenses fixes du nime grand arrt GAn du calendrier X. j taux d'actualisation 3.2.2 - Donnes sur les matriels ( 1 ) i indice d'un matriel k tat de dgradation alun matriel

    k=1,...,a(i) + 1 a(i) tat limite de dgradation d'un matriel i avant l'avarie

    (tat a (i) + 1) fk (t) probabilit pour que le matriel i, s'il est dans l'tat k,

    tombe en panne l'instant t ultrieur

    Pk'/k (t) probabilit pour que le matriel i, s'il est dans l'tat k, se trouve dans l'tat k' l'instant t ultrieur

    ci (t) valorisation d'une avarie du matriel i survenant l'ins- tant t

    ci v cot d'inspection du matriel i

    ci 8 cot de rnovation du matriel i

    3.2.3 - Caractres d'une politique (dans le cadre d'un calendrier X) (2) (t, X) cot d'une politique optimale applique un matriel i

    trouv dans l'tat k la date t

    d" cot d'une politique optimale d'inspection dates libres applique un matriel i dans l'tat k

    X) date du prochain grand arrt o il faudra inspecter le matriel i trouv dans l'tat k la date t (dans le cadre d'une politique optimale)

    X) tat de dgradation limite pour un matriel i lors d'une inspection au nime grand arrt, partir duquel il est prfrable de rnover (dans le cadre d'une politique optimale)

    (1) Voir "Figuration de l'tat de dgradation d'un matriel", p. 234. (2) Voir "Nature des dcisions prendre sur un matriel", p. 235.

    221

  • METRA

    A*' (t, X) probabilit d'avarie du matriel i la date t (dans le cadre d'une politique optimale)

    Vi' (tn, X) probabilit d'inspecter le matriel i au n'me grand arrt GA (dans le cadre d'une politique optimale)

    R*i (tn, X) probabilit de rnover le matriel i au nime grand arrt GA (dans le cadre d'une politique optimale)

    W*' (tn, X) probabilit d'inspecter le matriel i au nime grand arrt GA (dans le cadre d'une politique optimale)

    (X) dpenses variables du nime grand arrt GAn (dans le cadre d'une politique optimale)

    (X) dpenses variables sur avaries entre le (n - 1 )me grand arrt GAn-1 et le n"me GAn (dans le cadre d'une poli- tique optimale)

    3.3 - Dtermination des politiques optimales pour chaque matriel (remonte du temps calendrier fix)

    Cette dtermination se fait de proche en proche en remontant le temps partir de l'horizon d'tude du calendrier.

    On verra successivement : - le choix d'une politique optimale pour un matriel tombant en

    avarie entre deux grands arrts, - le choix d'une politique optimale pour un matriel inspect

    lors d'un grand arrt, - l'tablissement des conditions finales, - la dfinition des conditions initiales.

    3.3. 1 - Choix d'une politique optimale pour un matriel i tombant en avarie l'instant t entre deux grands arrts GAn et GAn+ i situs respectivement aux dates tn (X) et tn + 1 (X) ( 1)

    Il s'agit de dterminer quel prochain grand arrt GAn+ du calendrier situ la date tn+q il y a lieu d'aller rinspecter le matriel.

    La recherche se fait pour q = 1, N (X) + 1 - n.

    La rponse est donne par l'quation dynamique :

    X) = Min [1 + S] q= 1, N Ix) + 1 - n

    avec tn+ l

    CA (U) + (u, X) 1 e- i lu - t) fi (u - t) du 1 = f t

    [C (u) + (u, X) e-in-n t) f, (u - t) du t t

    (1) Voir "Politique optimale pour un metriel tomb en avarie", p. 236.

    222

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    OE(1)+ 1 _

    S = k k

    [Cv + (t n + q' X)] 1 g-iltn+q-t) pi k' /1 (tn+q- t) k'= k

    La premire partie (I) de cette quation exprime le cot actualis que reprsente une avarie pouvant survenir avant le grand arrt vis et la politique optimale qui lui sera ensuite applique aprs la remise en tat du matriel.

    La seconde partie (S) de cette quation exprime le cot actualis que l'on supporte, si le matriel atteint le grand arrt vis, selon l'tat dans lequel on l'y trouvera et la politique optimale qui lui sera alors applique.

    On conserve de cette recherche : - le cot de la politique optimale (t, X), - la date de rinspection optimale Ol (t, X).

    33.2 - Choix d'une politique optimale pour un matriel i inspect lors d'un grand arrt GAn situ la date tn (X) ( 1 )

    Il s'agit de dterminer la fois : - s'il y a lieu de rnover sur le champ ce matriel, - quel prochain grand arrt GAn+q du calendrier situ la date

    tn+ q il y a lieu d'aller rinspecter le matriel.

    La rponse est donne par l'quation dynamique

    (tn, X) = Min [E, Min (1 + S)] q= 1.N (X)+ 1- n

    avec :

    E = CR (tn, X)

    1 =f tn +

    X) 1 e- i (u - tn) fk du tn

    $ adl) (tn+q, - j(t + - t) ( ) S = a E (1) + Jki, (tn+q' X)l e n q p k'/k (tn.q-tj k G=rk k

    La premire partie (E) exprime le cot entran par la dcision de rnover sur le champ et l'application de la politique optimale par un matriel rnov.

    La seconde partie ( 1 + S) alternative la prcdente, correspondant la dcision de ne pas rnover le matriel, exprime :

    (1) Voir "Politique optimale pour un matriel inspect un grand arrt", p. 237.

    223

  • METRA

    - d'une part le cot actualis que reprsente une avarie pouvant survenir avant le prochain grand arrt vis et la politique optimale qui lui sera ensuite applique,

    - d'autre part le cot actualis que l'on supporte, si le matriel atteint le grand arrt vis, selon l'tat dans lequel on l'y trouvera et la politique optimale qui lui sera applique.

    Il y a naturellement autant de telles quations qu'il y a d'tats de dgradation observables lors de l'inspection ce grand arrt :

    k = 1, ... a (i)

    Le calcul met en vidence un tat de dgradation limite 1*'(tn X) partir duquel il est prfrable de rnover

    '

    k > 1 *i (tn X) rnovation

    On conserve de cette recherche, et pour chaque tat observable du matriel lors de ce grand arrt :

    - le cot de la politique optimale (t", X), - la date de rinspection optimale B k (tn, X), - la dcision ventuelle de rnovation.

    3.3.3 - Etablissement des conditions finales On introduit un grand arrt supplmentaire GAN (X)l 1, fictif

    mais ralisable, au-del de l'horizon d'tude, la date tN (X)+ 1 .

    Au-del de ce grand arrt, les matriels seront censs pouvoir tre inspects des dates libres, sans imposition de dates prdtermines.

    Soit e le cot de la politique optimale dans ces conditions, pour le matriel i dans l'tat k.

    - pour k > 1 !lIki = Min [E, Min (1 + S)] tk k

    avec

    E = c" 1

    tk 1

    = f [Ci (T)dT o o

    adj) s = OE (1) ICV

    _

    + ,,*i - jtk i (tk ) k ='k V 'Pk'] e Pk'/k tek

    224

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    - pour k = 1

    Min [I + S] ti

    avec

    t1 1

    = f [C + 0*1 l e- f', (7) d7 0 o ali)

    _ _ _

    _

    a 5' s k =1 1 [Cv + k e-

    itl pi k ./k (ti

    La partie (E) exprime le cot entran par la dcision de rnover sur le champ et l'application de la politique optimale libre ensuite.

    La partie ( + S) alternative la prcdente et consistant ne pas rnover, exprime le cot actualis qui rsulte de la politique consistant aller rinspecter une date libre t. dterminer.

    Quand le matriel est dans l'tat neuf ou rnov, la premire alter- native n'existe pas naturellement.

    3.3.4 - Conditions initiales Le matriel a t vu pour la dernire fois la date - 0, soit : . lors d'une inspection (un grand arrt de la priode prcdente), . lors d'une avarie,

    et laiss ensuite dans un certain tat (k").

    A l'instant actuel, il se trouve donc dans un tat k avec une probabilit :

    _ _

    Pk/k" (0\ Pk/k" (0) k= k"

    et auquel cas il conviendrait de lui appliquer avec cette probabilit la politique ? k (0, X) dfinie par :

    X) = Min

  • METRA

    3.4 - Application des politiques optimales pour un matriel (redescente du temps calendrier fix) ( 1 ).

    Cette application se fait de proche en proche en redescendant le temps jusqu' l'horizon d'tude du calendrier.

    On verra successivement : - l'influence d'une avarie, - l'influence d'une inspection lors d'un grand arrt.

    34. 1 - Influence entrane par l'avarie l'instant t d'un matriel i sur l'entretien et le comportement ultrieur de ce matriel

    Cette influence directe se fait sentir jusqu' la date 01 (t, X) - au niveau des avaries possibles jusqu' cette date : sous forme

    cumulative, la probabilit d'avoir une avarie la date T (T = t + 1, (tn, X)) est :

    A*i (T, X) = A*i (T, X) + A*' (t, X) . fi (T - t)

    On en dduit en finale les cots variables d'avaries entre grands arrts, soit r* (X) pour t_ < r < tn

    - au niveau des inspections au grand arrt GAn correspondant cette date, c'est--diretelle que tn (X) = (t, X).

    Sous forme cumulative, la probabilit d'avoir y inspecter le matriel et de l'y trouver dans l'tat k' est :

    vil (t,, X) = V*@ (tn, X) + A*i (t, X) (tn -t)

    Les probabilits d'inspecter et de rnover s'en dduisent en finale :

    W*i (t," X) Vki (t,, X) k'= 1

    OE

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    En particulier si l'tat k, dpasse l'tat limite de rnovation 1*' (t, X), le matriel sera rnov et l'influence se fera sentir jusqu' la date X)

    - au niveau des avaries possibles jusqu' cette date : sous forme cumulative, la probabilit d'avoir une avarie la date T pour un matriel laiss dans l'tat k aprs le grand arrt GAn est :

    A*! (T, X) = A*' (T, X) + V (tn, X) . fi (T - tj pOUr tn+ 1

    On en dduit en finale les cots variables d'avaries entre grands arrts, soit (X) pour < T < tn+q

    - au niveau des inspections au grand arrt GAn+q correspondant cette date, c'est--dire telle que tn+q (X) = Ok' (t, X).

    sous forme cumulative, la probabilit d'avoir y inspecter le mat- riel et de l'y trouver dans l'tat k', pour un matriel laiss dans l'tat k aprs le grand arrt GAn est :

    Vki. (tn+q, X) = V)1 + Vk (t,, X) . Pk'/k (tn+q tn)

    Les probabilits d'inspecter et de rnover s'en dduisent galement en finale :

    adj) (tn, X)

    k'=1 1

    a (i) (tn, X) = Nk (tn, X)

    ainsi que les cots variables correspondants + q (X).

    4- LE PROGRAMME PEGASE ET SES RESULTATS

    PEGASE, c'est la "Programmation de l'Entretien aux Grands Arrts des Systmes d'Exploitation".

    C'est aussi, concrtement, l'ensemble des programmes qui, sur ordinateur, s'emploient rsoudre numriquement les quations dyna- miques proposes dans le modle.

    227

  • METRA

    Nous nous proposons de montrer dans ce qui suit la nature des informations rellement prises en compte et l'ventail des rsultats que l'on peut obtenir.

    4.1 - Les informations prises en compte

    Ces informations concernent les calendriers et l'activit de l'unit, et les caractristiques des matriels composant l'unit.

    4. 1. 1 - Les calendriers et l'activit

    La connaissance de l'activit intervient la fois dans le choix des calendriers ralisables (squences de dates possibles de grands arrts) et dans l'tablissement des cots indirects de pertes de production, lesquels peuvent, notamment en fonction de la saisonnalit de la fabrication, tre trs variables et jouer aussi bien sur les temps d'immobilisation des avaries que lors des grands arrts. On prcise pour chaque grand arrt les charges fixes d'implantation de chantier et les dures ncessaires d'immobilisation.

    4.1.2 - Les caractristiques des matriels (cf. le tableau des donnes dans la bible des matriels)

    La mthodologie mise en ouvre dans les programmes concerne des matriels aussi varis dans leur technologie que :

    - des matriels tournants (compresseurs gaz, turbines de d- tente, pompes de circulation),

    - des matriels de fours (faisceaux tubulaires et rfractaires), - des appareils tubulaires (changeurs, rfrigrants), - des tours de distillation, - des racteurs, - des capacits et ballons, - etc.

    dcomposs en autant d'organes pouvant faire l'objet d'un entretien diffrenci.

    Pour tous ces matriels, il est possible par analyse de dterminer partir de la forme d'entretien qu'ils subissent ou qu'ils peuvent subir :

    - les caractristiques de fiabilit, - les caractristiques de cot des interventions, en distinguant les

    parties systmatiques (accs, nettoyages...) indpendantes de la dci- sion qui sera adopte en ce qui concerne le remplacement du matriel, et les parties conditionnelles lies cette dcision.

    228

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    Les dures d'immobilisation sont introduites de faon distincte des dpenses de personnel et de matriel de faon pouvoir faire intervenir la variabilit des cots indirects.

    Ces donnes possdent une certaine actualit communique sous la forme de la date de dernire inspection et de la dure de vie rsiduelle que l'on avait alors estime.

    Enfin un certain nombre de contraintes, du type priodicit maximale de rinspection ou priodicit des preuves lgales, sont introduites. Pratiquement elles apportent une simplification dans la rsolution numrique dans la mesure o elles rduisent l'amplitude du balayage des boucles de certaines parties des programmes.

    4.2 - La forme des rsultats

    Ces rsultats classent en deux parties : - les rsultats synthtiques qui permettent de choisir le meilleur

    calendrier, - les rsultats analytiques qui, au sein du calendrier retenu,

    dfinissent les actions entreprendre et les politiques suivre.

    4.2. 1 - Les rsultats synthtiques

    Ils sont donns pour chaque calendrier et concernent : - les dpenses prvisionnelles aux grands arrts, ventiles par

    nature d'intervention et par nature de dpense, pour chaque grand arrt, avec le cumul actualis (1).

    Les pertes de production figurent la fois sous forme brute (jours immobiliss) et sous forme valorise (cots indirects).

    - les dpenses prvisionnelles en avaries, tales tout le long du calendrier avec un pas appropri, avec galement un cumul actualis (2).

    Les pertes de production sur avaries figurent galement sous les deux formes.

    4.2.2 - Les rsultats analytiques Ils ne sont tablis que par le calendrier retenu et concernent : - la liste des travaux prvoir au premier grand arrt effectif (3). Cette liste recense en fait l'ensemble des matriels de l'unit et

    prcise pour chacun d'eux les actions entreprendre lors de ce grand arrt.

    (1) Voir "Rsultat synthtique : dpenses prvisionnelles aux grands arrts", p. 239. (2) Voir "Rsultat synthtique : dpenses prvisionnelles sur avaries et dpenses totales",

    p. 240. (3) Voir "Rsultat analytique : liste des travaux prvoir pour le premier grand arrt",

    p. 241.

    229

  • METRA

    Naturellement ces actions sont conditionnelles car tout matriel peut avant cette chance tomber en avarie, ce qui remettrait en cause ce que l'on a prvu de faire ("inspecter sauf si..."), et l'tat de dgradation que l'on pourra constater n'est pas connu avec certitude ("inspecter... et rnover si la vie rsiduelle..." ou "ne pas inspec- ter"). De sorte que les inspections et les rnovations des matriels ne sont donnes qu'en probabilit.

    Enfin une apprciation du risque encouru est donne par l'esp- rance du nombre d'avaries attendues d'ici la date du grand arrt.

    - la bible des matriels (1). ). Cette bible tablie pour l'ensemble des matriels regroupe leurs

    caractristiques (donnes conomiques et techniques) et les politiques leur appliquer au sein du calendrier retenu (rsultats) en fonction des diverses circonstances dans lesquelles le matriel pourra se trouver.

    4.3 - L'utilisation des rsultats

    Ces rsultats sont considrer diffremment selon que l'on s'intresse aux enseignements apports par l'tude comparative des calendriers ou selon que l'on s'intresse l'organisation proprement dite des grands arrts retenus.

    4.3.1 - Les enseignements apports par l'tude des calendriers

    Le choix du meilleur calendrier permet de rpondre la question "quand faire les grands arrts".

    Mais cette rponse est beaucoup plus riche d'enseignements : - elle permet de visualiser dans le temps l'talement et la

    rpartition des engagements de maintenance ainsi que la densit des incidents qu'apportent les manifestations d'avaries,

    - elle fait apparatre les poids respectifs des dpenses de mainte- nance proprement dites et des pertes de production entranes par l'indisponibilit des installations,

    - elle sensibilise les gestionnaires l'importance des charges indirectes ; un rle largement majoritaire de ces pertes de production, notamment lors des grands arrts, conduirait les rduire soit en frquence par allongement des courses, soit en dure par diminution des temps fixes,

    - elle permet de visualiser l'accroissement des incidents de fabri- cation qui rsultent d'un allongement des courses et d'apprcier l'opportunit d'en prendre le risque,

    - la valeur des charges indirectes d'un calendrier propos est tablie partir d'une apprciation a priori sur le manque gagner

    (11 Voir "Rsultat analytique : page d'une bible des matriels", p. 242.

    230

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    d'une indisponibilit des intallations par unit de temps. On peut galement, en procdant plusieurs itrations (et en supposant que ce manque gagner unitaire est constant), dterminer quel est le cot marginal que reprsente la limitation du nombre total de jours d'arrts.

    Le rapprochement de la valeur marginale obtenue avec le cot a priori du manque gagner est naturellement du plus grand intrt : si cette valeur est trssuprieure il y a manifestement avantage accepter plus de jours d'arrt dans le programme de fabrication de l'usine, et inversement.

    - elle permet, toutes autres hypothses tant conserves, de savoir quel prix revient la dcision de ne pas choisir le calendrier optimal, problme qui apparat pratiquement sous la forme : combien cela cote-t-il en plus de repousser (ou avancer) tel grand arrt prvu pour telle date, telle date !

    - elle permet enfin de tester sur les rsultats l'effet de modifi- cation d'hypothses, notamment les hypothses d'activit de l'unit de production, et de faire apparatre entre les calendriers celui qui reste le plus intressant travers les diffrents niveaux d'activit possible.

    La comparaison des rsultats obtenus avec ceux que l'on obtient en appliquant une politique rfltant les habitudes traditionnelles des services d'entretien (du type : dure de vie rsiduelle x coefficient de scurit par exemple) montre largement l'intrt qu'il y a de rationa- liser l'tablissement des rgles de dcision.

    Ceci ne doit pas surprendre car retenir un mme coefficient de scurit pour tous les matriels ne peut conduire qu' des cots plus importants, soit par insuffisance du coefficient (il y aura beaucoup d'avaries), soit par excs (il y a des dpenses d'entretien surabon- dantes). Et si l'on distingue les coefficients de scurit en fonction des cots et de la dispersion relative des dures de vie, on est conduit rechercher ce qui a t justement appel une politique optimale.

    4.3.2 - L'organisation des grands arrts Le choix du meilleur calendrier permet galement de rpondre

    la question "que faire lors des grands arrts et entre les grands arrts", puisque l'on obtient la liste des travaux entreprendre et la politique suivre vis--vis de chaque matriel.

    Ces rsultats oprationnels par nature peuvent cependant un peu dconcerter, dans la mesure o ils ne sont pas toujours strictement tranchs, du style "inspecter" - "rnover"... alors qu'il importe pourtant de prparer l'avance le chantier en passant les commandes de matriel et de personnel et en ordonnanant les travaux. Mais ceci est inhrent au problme reprsent : comme un certain nombre d'vnements sont susceptibles de se produire d'ici le grand arrt, il

    231

  • METRA

    aurait t anormal que les rsultats n'en tiennent pas compte et recommandent des actions quoi qu'il arrive d'ici l. Ce sont donc les indices (probabilits et probabilits conditionnelles) qui pourront orienter finalement le dcideur dans sa prparation des travaux, lequel d'ailleurs pourra prendre en compte toutes les informations compl- mentaires dont le programme n'aura pas eu communication.

    Ces rsultats sont par ailleurs riches en enseignements sur les matriels par les caractristiques des politiques qui leur sont associes.

    L'tat de dgradation, limite au-del duquel il faut le rnover, est souvent considr comme une donne technique ; la dtermination par le calcul de cette limite, tout en confirmant son existence, met bien en vidence qu'elle dpend du contexte conomique et qu'elle n'a rien d'absolu.

    Le rapprochement des matriels et des politiques permet aussi d'amliorer la qualit des donnes prises en compte : la reprsentation atteint une finesse suffisante pour qu'au vu des rsultats on puisse, par comparaison, se poser de pertinentes questions sur le caractre anormal de caractristiques que certains matriels peuvent possder.

    4.3.3 - Conclusion Amliorer la maintenance en l'abordant par une approche aussi

    gnrale et rationnelle que possible reprsente un travail ambitieux et l'on peut se demander sagement si des modles tels que celui prsent pour matriser le problme des grands arrts apportent des moyens efficaces.

    Il est vident la lecture du paragraphe prcdent que les rsultats apports par cette tude tmoignent de leur intrt. Les problmes sont ncessairement poss en termes prcis, chiffrs, et mme si les informations et les rsultats sont discutables, on ne peut les contester qu'avec d'autres mesures et aprs avoir vu l'incidence de ces imprcisions sur les rsultats.

    On retrouve, comme toujours dans les modles logiques, non seulement les rsultats oprationnels correspondant l'objectif fonda- mentalement vis, mais aussi un certain nombre de rsultats dont l'utilit est toute aussi grande par tous les clairages ou les explications complmentaires qu'ils apportent.

    Mais il est non moins vident que le pouvoir de synthse que reprsente l'application de tels modles suppose que l'ensemble des donnes ncessaires qui entrent dans la description de ces oprations de maintenance puissent tre disponibles. Ceci impose alors une certaine discipline au niveau du recueil des informations sur le site. L'exprience montre que c'est ce niveau que les difficults pratiques

    232

  • MAINTENANCE DANS LES RAFFINERIES DE PETROLE

    sont les plus grandes, mais de tels modles ont alors l'avantage de mettre en vidence quelles sont justement les donnes quantitatives qu'il est utile ou indispensable de recueillir.

    Il est aussi vain de prendre des dcisions sans rflexion, donc de faire de la gestion sans modle, que de rflchir sans se dcider, donc de faire des modles sans les insrer dans une organisation.

    233

    4

  • Jacques ANTOINE (*)

    Les media et la communication publicitaire dans le cadre des budgets-temps (suite) (C)

    On trouvera la premire partie de cet article, ainsi que la bibliographie, dans le numro 1 du volume Xi V (p. 127).

    L'conomtrie de la consommation analyse classiquement la structure des budgets, les dcisions d'achat et de consommation sous la contrainte du revenu disponible et compte tenu du systme des prix. On a peu tudi jusqu' prsent d'autres choix soumis d'autres contraintes. C'est le cas des choix des activits de l'individu soumis la contrainte du temps. Pour l'audience des mass-media et la communication des messages publicitaires les contraintes d'emploi du temps et de style de vie sont souvent beaucoup plus importantes que celles des prix et des revenus.

    Cet essai mthodologique se situe dans cette perspective, qu'il explore plusieurs niveaux :

    - celui d'une interrogation de la prospective sociale sur l'volution des conditions et des facteurs de la communication sociale, et plus spcialement des mdia et des messages publicitaires (chap. 1),

    - celui d'une analyse des relations entre structures d'emplois du temps et possibilits de contacts avec les mdia publicitaires (chap. Il), ),

    - celui d'une proposition pour tablir une typologie des individus selon leurs structures de budget-temps (chap. III) et pour utiliser cette typologie en mdia-planning et dans le marketing des mdia (chap. IV).

    On rcapitule enfin (chap. V) un ensemble d'hypothses et de thmes d'tudes, recherches et enqutes autour du thme explor dans les chapitres prcdents.

    (') SEMA-SOFRES. (c) Article thorique.

    243

  • METRA

    III - TYPOLOGIE DES BUDGETS-TEMPS ET DES MEDIA

    Intrt d'une typologie des budgets-temps

    Il est possible de concevoir une typologie gnrale des budgets- temps (B.T.) ou plus prcisment des individus selon leurs structures de budgets-temps. Nous sommes persuads qu'une bonne typologie des budgets-temps serait extrmement utile possder (10). On peut prendre l'analogie des catgories socio-professionnelles. Ce code, tabli vers 1952-1953 par Jean PORTE, est une typologie des milieux sociaux. Il est bti partir de plusieurs variables de base : le type d'activit, la profession individuelle, le niveau hirarchique, le statut, l'activit collective ; il s'agit donc d'une variable de synthse.

    La constitution de cette nomenclature, et son utilisation, ont apport un progrs considrable l'analyse socio-conomique. Cette typologie se rvle en effet trs fortement discriminante dans des domaines trs varis : comportements d'achats et de consommations, attitudes psychologiques et opinions politiques, etc.

    On peut penser qu'il en sera de mme avec une typologie des budgets-temps.

    Cette variable aurait un caractre de synthse et exprimerait de faon opratoire l'existence de diffrents modes de vie : le col bleu ou le col blanc de milieu industriel urbain, l'agriculteur, le petit com- merant, le retrait, la femme au foyer, etc., ont sans doute des profils d'emploi du temps trs diffrents.

    Nous venons ici d'voquer les variables socio-dmographiques habituelles de sexe, d'ge, de milieu social, d'habitat, etc. L'hypothse est que la variable B.T. serait plus fortement explicative que ne le sont chacune de ces variables prises sparment (comme la catgorie socio- professionnelle est globalement plus fortement explicative que le statut, la profession, l'activit collective prises sparment).

    Variable explicative, certes, mais explicative de quoi ? Certains domaines des choix et dcisions des individus et, partant, de leurs satisfactions, ont dj t analyss partir des budgets-temps, parfois avec l'intention d'en tirer des enseignements sur des actions mener pour amliorer ces satisfactions. Ainsi en est-il par exemple des tudes sur la cellule-logement, en fonction des activits individuelles, mna- gres et familiales qui s'y exercent. Plus largement, tout le champ de

    (10) Les enqutes de base ncessaires pourraient relever de la comptence de l'INSEE. Mais la suite des travaux cits en bibliographie, l'INSEE n'a pas actuellement de projet d'ensemble ce sujet.

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  • MEDIA - COMMUNICATION PUBLICITAIRE - BUDGETS-TEMPS

    l'urbanisme et de l'amnagement du territoire est un domaine pour lequel l'approche par les budgets-temps est encore riche de poten- tialits, qu'il s'agisse des choix de localisation relative des lieux de rsidence et des lieux de travail, des choix de modes de transports, des choix de lieux d'achats, de l'accessibilit des services publics et autres quipements collectifs, etc. Sur un plan plus gnral, on se proccupe actuellement de prolonger la comptabilit conomique nationale par une comptabilit globale des biens et services chappant l'conomie marchande. Des conomistes tels qu'Alfred SAUVY ont soulign l'intrt d'une comptabilit sociale qui retracerait la faon dont les individus exercent leurs choix d'emploi du temps, compte tenu des contraintes lies au travail, la prsence d'enfants, au milieu de vie, etc. Cette comptabilit mettrait en vidence notamment les activits qui ne sont pas prises en compte dans la comptabilit conomique nationale, parce que ne donnant pas lieu une rmunration mon- taire (11).

    Premire remarque Le code des catgories socio-professionnelles voqu plus haut a

    t lui-mme construit partir des variables de base : profession, statut, etc. On a dcid par exemple que le directeur (mtier indivi- duel) d'une usine d'armement (activit collective) de l'Etat (statut) ferait partie de la catgorie des "cadres administratifs suprieurs, secteur public".

    La mthode que nous prconisons pour les budgets-temps est au contraire celle qui - grce aux mthodes statistiques nouvelles et aux programmes d'ordinateur correspondants disponibles depuis quelques annes - part des situations observes sur un chantillon reprsentatif important de personnes et recherche pragmatiquement les structures existant dans cet ensemble de donnes. Nous avons cit plus haut, propos des exemples (col bleu ou col blanc, etc.) des variables socio-dmographiques. C'tait pour mieux situer rapidement quelques cas que chacun puisse se reprsenter facilement. En ralit, nous prconisons que, parmi les variables destines servir de base la typologie, on ne retienne aucune des variables socio-conomiques usuelles, mais uniquement des variables exprimant des lments de structures de budgets-temps (structures largies, ainsi que nous l'avons montr au chapitre 1 des facteurs de lieux, de contexte social, ...). ).

    C'est dans un deuxime temps que l'on pourra chercher dcrire, voire expliquer, les structures B.T. obtenues par les variables de situation et d'environnement.

    (11) Alfred SAUVY aime citer cette boutade pour mieux faire comprendre le caractre arbitraire de certaines rgles de la comptabilit nationale : "lorsqu'un vieux cliba- taire pouse sa bonne, il fait diminuer le revenu national" (auparavant il lui versait un salaire, qui disparat lorsqu'il s'agit du travail mnager non rmunr d'une matresse de maisonl.

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  • METRA

    Deuxime remarque Regrettant que la typologie gnrale B.T. n'existe pas, nous

    n'allons pas en construire une qui soit adapte tous les problmes cits plus haut. Notre domaine tant celui de la communication publicitaire et du media-planning, nous cherchons une typologie adap- te ce domaine. Nous qualifierons cette typologie de "budget-temps media", en abrg B.T.M., pour bien montrer qu'elle doit tre plus spcifique que la typologie gnrale B.T. Il est fort probable que la typologie B.T.M. puisse se raccorder une typologie B.T., ou encore qu'en l'absence de cette dernire typologie gnrale, des chercheurs en amnagement du territoire et urbanisme puissent se servir utilement de la typologie B.T.M. Nanmoins, nos choix seront dicts par le souci de rpondre le mieux possible aux problmes que nous tudions, savoir : rechercher d