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Rapport de mission exploratoire
Du 16 avril au 5 mai 2014
Les stagiaires 2013-2014 :
Joël Bégin
Alexandre Duval Isabelle Giroux
Anaïs Jalbert Audrée Ross
MA
RO
C
برالمغ
REMERCIEMENTS
Établir un horaire de rencontres en vue d’une mission exploratoire de près de trois semaines dans un pays étranger comme le Maroc représente un défi considérable. Heureusement, nous avons pu compter sur l’appui de divers intervenants dont les judicieux conseils nous ont permis de mener à bien l’élaboration de notre mission. Sans leur précieuse aide, nous n’aurions pas pu apprendre autant que nous l’avons fait lors de notre séjour au Maroc.
Nous tenons donc à offrir nos plus chaleureux remerciements à toutes ces personnes qui, depuis Québec, nous ont soutenus dès les premiers instants de la préparation de notre mission exploratoire au Maroc. Merci à :
Tous les membres du conseil d’administration de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant et plus particulièrement à son ex-vice-président, M. Claude Cousineau, pour avoir manifesté un enthousiasme débordant envers notre projet;
Mme Fatima Houda-Pepin, ex-membre de l’Assemblée nationale, pour nous avoir fourni les bases nécessaires à la compréhension de son pays d’origine;
M. Jean Dumas, ex-directeur des communications, des programmes éducatifs et de l’accueil de l’Assemblée nationale, pour nous avoir donné le goût du Maroc à travers son intérêt indéniable pour cette destination;
Mme Claire Dumais-Faber, coordonnatrice du programme de stages, pour nous avoir chapeautés tout au long du processus et s’être souciée de nos besoins comme elle seule sait le faire;
M. Nemer Ramadan, du ministère des Relations internationales du Québec, pour nous avoir orientés dans nos prises de rendez-vous;
M. Mustapha Nassiri, chef du Service de la presse, de l’information et des relations publiques de la Chambre des Représentants, pour nous avoir pris sous son aile dès notre arrivée à Rabat et avoir travaillé si fort à nous organiser des rencontres au Parlement;
Enfin, merci à toutes les personnes qui, durant nos séjours à Casablanca et à Rabat, nous ont généreusement accordé un peu de leur temps afin de nous entretenir au sujet de leur magnifique pays. Même les ouvrages les plus complets sur le Maroc ne sauraient nous transmettre des connaissances aussi riches que celles que nous sommes allés chercher à travers nos contacts avec les élus, membres du personnel parlementaire, chercheurs universitaires, citoyens et autres acteurs de la société marocaine. Choukran!
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 1
1. LA NOUVELLE CONSTITUTION ........................................................................................ 7
2. LA SÉPARATION DES POUVOIRS ...................................................................................... 9
2.1 LE POUVOIR EXÉCUTIF .................................................................................................. 9
2.1.1 Le Roi ............................................................................................................................. 9
2.1.2 Les coalitions gouvernementales ............................................................................. 12
2.1.3 Le présent gouvernement ......................................................................................... 13
2.1.4 La participation des technocrates ............................................................................ 14
2.2 LE POUVOIR LÉGISLATIF ............................................................................................. 14
2.2.1 Le système électoral ................................................................................................... 14
2.2.2 Les partis politiques marocains ................................................................................ 17
2.2.3 La Chambre des Représentants et la Chambre des Conseillers .......................... 20
2.2.4 Le processus législatif ................................................................................................ 27
2.2.5 Le rôle de l’opposition ............................................................................................... 29
2.3 LE POUVOIR JUDICIAIRE ............................................................................................. 31
2.3.1 Le système judiciaire marocain ................................................................................ 31
2.3.2 La Cour constitutionnelle du Maroc ........................................................................ 32
3. L’OPÉRATIONNALISATION DE LA CONSTITUTION ................................................ 34
3.1 Les lois organiques ........................................................................................................... 34
3.1.1 Liste des lois organiques et avancement de leur adoption .................................. 34
3.1.2 Le cas de la Cour constitutionnelle .......................................................................... 36
3.2 Les défis de l’administration parlementaire ................................................................. 38
3.2.1 Le manque de ressources des parlementaires ........................................................ 38
3.2.2 L’absence d’une chaine parlementaire .................................................................... 39
3.2.3 Le rôle et la présence des femmes au Parlement ................................................... 41
4. LES RELATIONS INTERNATIONALES ............................................................................ 44
5. L’ÉCONOMIE ......................................................................................................................... 48
6. LA QUESTION AMAZIGHE ............................................................................................... 52
6.1 Historique du mouvement et revendications ............................................................... 53
6.2 Réponse de l’État .............................................................................................................. 55
CONCLUSION ........................................................................................................................... 58
ANNEXE I : COMPOSITION DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS..................... 61
ANNEXE II : HORAIRE DES ACTIVITÉS ET DES RENCONTRES .................................. 62
ANNEXE III : BUDGET ............................................................................................................. 68
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................... 69
ACRONYMES
Partis politiques
MP Mouvement populaire
PAM Parti authenticité et modernité
PI Parti de l’Istiqlal
PJD Parti de la justice et du développement
PPS Parti du progrès et du socialisme
RNI Rassemblement national des indépendants
UC Union constitutionnelle
USFP Union socialiste des forces populaires
Autres
IRCAM Institut royal de la culture amazighe
INTRODUCTION
Parmi les nombreux volets du stage de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant, la mission
exploratoire est une occasion privilégiée d’approfondir notre connaissance d’un État
étranger et de nous familiariser avec le fonctionnement de son Parlement. Dans certains
cas, la comparaison d’un système présentant
plusieurs similarités avec le nôtre permet de
mieux comprendre notre propre réalité et de
dégager des pistes de réflexion pour l’améliorer.
Dans d’autres, l’histoire et la situation politique
du pays visité sont tellement différentes de celles
que nous connaissons au Québec que ce sont ces
nouveaux apprentissages qui font la richesse de
l’expérience. Notre mission exploratoire nous a
permis d’atteindre ces deux objectifs : bien que le
Maroc et le Québec soient régis par des
monarchies constitutionnelles, les différences
entre les deux États sont considérables.
Nous avons choisi cette destination à la suite d’un processus décisionnel auquel chacun
et chacune des membres de l’équipe a participé. Nous avons tout d’abord établi une
liste d’une dizaine de destinations potentielles selon nos intérêts et les objets d’étude
possibles, et selon des critères de faisabilité1. Nous avons ensuite effectué une recherche
1 Ces critères étaient les suivants : - Nouveauté (destination où les boursiers n’étaient pas allés dans les dernières années) ; - Situation politique (système démocratique) ; - Sécurité ; - Budget (coût de la vie) ; - Langue (possibilité d’effectuer la mission en français ou en anglais, sans interprète).
Les boursiers devant le parlement, à Rabat
2
sommaire sur ces destinations et nous avons discuté des avantages et des inconvénients
de chacune jusqu’à en arriver à un consensus : nous étudierions le Royaume du Maroc.
En plus de satisfaire tous nos critères de faisabilité, le Maroc nous a interpellés par les
liens récents que sa Chambre des Représentants a noués avec l’Assemblée nationale du
Québec. La Commission permanente interparlementaire Maroc-Québec, créée en mai
2012, a pour objectif le développement des institutions parlementaires et le
renforcement des liens socio-économiques et culturels entre les peuples marocain et
québécois.
Surtout, cette destination offrait plusieurs objets d’étude intéressants. Il s’agit d’une
démocratie relativement récente et en pleine évolution. Malgré le fait qu’ils présentent
un régime politique similaire, le Canada et le Maroc vivent des situations politiques et
sociales très différentes (voir le tableau de la page suivante). Ces différences ont éveillé
notre intérêt et ont conforté notre choix du Maroc comme destination. L’objectif de
notre mission était d’étudier le système politique marocain sur les plans constitutionnel
et parlementaire, à l’aune de notre expérience canadienne et québécoise. Ce rapport
présente une synthèse des informations que nous avons récoltées durant notre mission,
ainsi que nos observations et notre analyse de la situation politique marocaine. Les
éléments présentés proviennent à la fois des lectures que nous avons effectuées et des
rencontres que nous avons faites avec des parlementaires, des fonctionnaires, des
chercheurs et des représentants de la société civile.
La nouvelle Constitution marocaine, adoptée en 2011, sert de trame de fond pour le
présent rapport. Nous aborderons tout d’abord l’histoire récente ayant mené à
l’adoption de cette Constitution et les innovations majeures apportées par celle-ci. À
travers elle, nous nous attarderons ensuite à la séparation des pouvoirs au Maroc, en
détaillant le fonctionnement du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et du pouvoir
3
judiciaire. En troisième lieu, nous traiterons des enjeux actuels liés à
l’opérationnalisation de la Constitution. Nous terminerons en examinant les relations
internationales, la situation économique et la situation du peuple berbère au Maroc.
Québec Canada Maroc
Régime politique Monarchie
constitutionnelle Monarchie
constitutionnelle Monarchie
constitutionnelle
Chef de l’État
Reine Élisabeth II, représentée par le
lieutenant-gouverneur
Reine Élisabeth II, représentée par le
gouverneur général
Roi Mohammed VI
Régime Parlementaire, monocaméral
Parlementaire, bicaméral
Parlementaire, bicaméral
Nombre de députés (chambre basse)
125 338 395
Suffrage Universel (18 ans) Universel (18 ans) Universel (18 ans)
Mode de scrutin
Uninominal majoritaire à un
tour
Uninominal majoritaire à un
tour Proportionnel
Langue(s) officielle(s) Français Anglais Français
Arabe Amazigh
Type d’État État unitaire
(Province fédérée) Fédération État unitaire
Population (habitants) 8 155 300 34 835 841 32 987 206 (approx.)
Superficie (km2) 1 667 712 9 984 670 446 550
Âge médian 41,6 41,7 28,1
Taux de croissance de la population (%)
0,6 0,76 1,02
Taux d’immigration (immigrant/1000 habitants)
4,99 5,66 -3,46
PIB/hab ($ en PPA) (2012)
35 730 40 500 5100
Indice de développement humain
0,967 0,911 0,591
Coefficient de Gini - 31,1 (2005) 40,9 (2007) Sources : Institut de la statistique du Québec, 2014 ; CIA, 2014
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Le Maroc : des évolutions démocratiques récentes
Après 50 ans de protectorats français et espagnol, le Maroc devient un État indépendant
en 1956. Le Roi Mohammed V, en faveur de l’indépendance et en exil depuis 1953,
rentre au pays. Son fils Hassan II lui succède en 1961. Les années qui suivent, les
« années de plomb », sont difficiles pour la population. Pour renforcer le pouvoir et
stabiliser l’économie, le nouveau monarque interdit toute dissidence politique. L’état
d’exception est en vigueur de 1965 à 1970 et le Parlement est suspendu pendant une
dizaine d’années. Le pays s’endette de plus en plus et les inégalités augmentent parmi
la population. Le Roi est critiqué de toutes parts, entre autres pour la répression et la
violence à l’égard des dissidents ainsi que pour l’augmentation des prix des denrées de
base. Hassan II finit par céder aux militants en faveur des droits de l’homme et crée la
commission Vérité et Réconciliation en 1991 afin d’enquêter sur les violations commises
sous son propre règne (Lonely Planet, 2011, pp. 424-428).
Mohammed VI succède à Hassan II, son père, en 1999. Dès son accession au pouvoir, il
promet des changements à la population marocaine. Il est effectivement perçu comme
un souverain ouvert et moderne, un vecteur de changement. Il travaille au
renforcement des droits de l’homme et offre des réparations aux victimes des années de
plomb. Des avancées sociales voient le jour, dont le Code de la famille, qui donne
davantage de droits aux femmes (Lonely Planet, 2011, pp. 408-410).
Malgré ces améliorations, la population est insatisfaite du régime en place. Elle déplore
les inégalités, la corruption, le clientélisme et les violations des droits humains. Dans la
foulée du « printemps arabe » qui donne lieu à des révoltes populaires dans plusieurs
pays voisins, le Maroc connait son propre mouvement de contestation. Celui-ci débute
sur Facebook, où des jeunes se rassemblent pour discuter de leur insatisfaction devant
5
les insuffisances démocratiques de leur pays. Une vidéo circule sur Facebook et invite
les citoyens à manifester le 20 février 2011.
Le 20 février 2011, des dizaines de milliers de manifestants sont au rendez-vous, et ce,
dans une centaine de villes. Ont répondu à l’appel une grande diversité de citoyens,
jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, de partout au Maroc. Le « Mouvement du
20 février » est alors né. Il revendique la dissolution du gouvernement, des
changements constitutionnels qui garantiraient les droits et libertés des citoyens, la
séparation des pouvoirs, la libération des détenus politiques et l’inculpation des élites
corrompues (Glacier, 2011).
Le Mouvement prend de l’ampleur par la suite, et des manifestations ont lieu à un
rythme soutenu. Le 9 mars, le Roi s’adresse au peuple et promet des réformes
constitutionnelles importantes, qui devraient permettre le renforcement du pluralisme,
des droits et libertés, de même que du rôle du premier ministre et des partis politiques.
La Commission chargée de planifier cette réforme constitutionnelle est nommée par le
Roi. Pour cette raison, de nombreux participants du Mouvement du 20 février
considèrent que les revendications de la population n’ont pas réellement été entendues :
la mobilisation continue. Les participants font face à une certaine répression dès les
premières manifestations, mais à partir du 15 mai, celle-ci s’amplifie (Glacier, 2011).
Mehdi Bouchoua, un militant du Mouvement du 20 février que nous avons rencontré,
explique que le Mouvement rassemblait des groupes très différents les uns des autres,
des gauchistes aux islamistes, qui se sont finalement associés sous le sigle d’une
revendication commune : l’opposition au pouvoir en place, au despotisme et à la
corruption. Les débats idéologiques sont toutefois présents au sein même du
Mouvement. Le groupe islamiste Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance),
mouvement islamique radical de droite, a une capacité de mobilisation importante et en
6
vient à contrôler une bonne partie de la présence aux manifestations. Selon M.
Bouchoua, les promesses du Roi comportent une certaine dualité qui vise à plaire à la
fois aux gauchistes et aux islamistes.
Le Mouvement appelle au boycott du référendum sur l’adoption de la Constitution,
alors que le Roi appelle à voter en faveur de celle-ci. Le 1er juillet 2011, la Constitution
est adoptée par 98,5 % des électeurs. Un scrutin hâtif a lieu le 25 novembre 2011 et est
remporté par le Parti de la justice et du développement (PJD), un parti islamiste.
Par la suite, le Mouvement du 20 février s’essouffle. Le groupe Justice et bienfaisance
quitte le mouvement. La présence aux manifestations devient symbolique. Selon
M. Bouchoua, il continue en tant que dynamique, qui représente toujours une menace
pour le pouvoir2. Il a au moins permis l’éveil d’une conscience protestataire chez les
Marocains. Quant au Roi, la réponse qu’il a émise aux doléances de son peuple semble
démontrer que la stabilité de l’État qu’il dirige est désormais tributaire de sa capacité à
prendre en compte les aspirations de ses concitoyens, prêts à manifester. L’affection que
le peuple marocain porte à son monarque est grande, mais elle n’est peut-être plus
imperméable aux perturbations qui secouent les États voisins.
2 L’expression « Makhzen » est souvent utilisée au Maroc pour désigner le « pouvoir », c’est-à-dire l’État et la monarchie.
7
1. LA NOUVELLE CONSTITUTION
Le 9 mars 2011, le roi Mohammed VI annonce une révision constitutionnelle. La
préparation de la réforme est confiée à une commission consultative dont les 17
membres ont été désignés par le Monarque. Dans le but de pallier le manque de
légitimité politique et démocratique de la première commission, cette instance est
doublée d’un comité nommé « Mécanisme politique de suivi de la réforme
constitutionnelle », conduit par le conseiller du souverain et composé de chefs de partis
politiques et de syndicats (LeMonde.fr, 2011). Le 1er juillet 2011, le peuple marocain
adopte le texte de la nouvelle Constitution par voie référendaire.
Le Maroc a déjà été l'hôte de plusieurs débats constitutionnels. Durant le règne
d’Hassan II (1961-1999), le pays a connu cinq constitutions différentes. La Constitution
de 2011 se distingue de la précédente, en vigueur depuis 1996, sur plusieurs aspects.
Celle de 1996 est la première à diviser le Parlement en deux chambres. Elle assure au
Roi la mainmise sur les institutions issues de la Constitution et même au-delà, de par sa
qualité de Commandeur des croyants (Zouanoui, p. 1). La Chambre des Représentants
et la Chambre des Conseillers détiennent toutes deux le pouvoir d'initier les lois et le
droit de les amender. Un veto législatif est octroyé à cette dernière (Zouanoui, p. 3). La
nature du régime politique et le statut du Roi demeurent les préoccupations centrales
des différentes réformes adoptées en 2011.
La Constitution de 2011 se démarque des précédentes par sa détermination à
moderniser les institutions et à renforcer « les principes de participation, de pluralisme
et de bonne gouvernance » (Constitution, 2011, préambule). Illustrant un changement
de paradigme en faveur du soutien des minorités, le nouveau texte accorde pour la
8
première fois un statut officiel à la langue amazighe. Contrairement au texte de 1996, la
Constitution de 2011 délimite mieux les contours de la séparation des pouvoirs. L'article
premier désigne le régime comme étant fondé « sur la séparation, l’équilibre et la
collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les
principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la
reddition des comptes ». En effet, les pouvoirs du Parlement se voient largement
augmentés et le pouvoir législatif obtient un cadre juridique explicite. À cet égard, la
dynamique entre la majorité et l'opposition est réaménagée afin de créer un réel
équilibre des pouvoirs. L'article 80 de la nouvelle constitution explicite le partage des
compétences entre les deux Chambres. La Chambre des Représentants jouit d’une
prépondérance en matière législative et la Chambre des Conseillers voit son véto
législatif révoqué (Constitution, 2011, a. 65). Les articles 129 à 134 de la Constitution de
2011 énoncent les nouveaux rôles du Conseil Constitutionnel, dorénavant converti en
Cour Constitutionnelle. À sa fonction de veiller à la conformité et à la constitutionnalité
des lois s’ajoute la possibilité de reconnaitre des exceptions d’inconstitutionnalité dans
les lois déjà existantes.
Le texte de 2011 n'annihile pas les prérogatives royales, mais met en place une
nécessaire collaboration entre le Monarque et les instances compétentes dans l'exercice
du pouvoir. Dans cet État musulman souverain, c'est le Roi qui est garant du libre-
exercice des cultes religieux (Constitution, 2011, a. 41).
La nouvelle Constitution démontre aussi l’ambition du Maroc d’affirmer sa place sur la
scène internationale. La volonté d'intensifier les relations de coopération et de solidarité
avec les pays de l'Afrique et de l'Union européenne est exprimée dans le préambule.
Ainsi, le Maroc souscrit aux principes universels de primauté des droits de l'homme.
9
2. LA SÉPARATION DES POUVOIRS
2.1 LE POUVOIR EXÉCUTIF
2.1.1 Le Roi
La monarchie est au Maroc vieille de plus de 1200 ans. Idris Ier fonda le Royaume du
Maroc en 789 et y régna jusqu’en 791, donnant naissance à la première dynastie de
monarques marocains. Le Royaume couvrait alors les territoires actuels du Maroc,
d’une partie de l’Algérie, du Sahara occidental, et s’étendait même jusqu’en Mauritanie
et au Mali. Le Maroc vit dans le millénaire qui suivit huit dynasties se succéder, avant
que les Alaouites ne prennent le pouvoir en 1666. La dynastie alaouite est dite
chérifienne, tout comme les dynasties idrisside (788-974 et 1465-1472) et saadienne (1554-
1659), puisque le monarque est présenté comme un descendant du prophète Mahomet
(Cattedra et al.).
L’actuel monarque est Sa Majesté Mohammed VI, fils de
Hassan II, représentant de la dynastie alaouite. Puisque la
Couronne du Maroc et les droits constitutionnels qui en
découlent se transmettent de façon héréditaire3, Mohammed
VI est entré en fonction à la mort de son père. Cela eut lieu
en juillet 1999. Le Roi était alors âgé de 35 ans (Stora).
Le Roi du Maroc porte plusieurs chapeaux. Son
rattachement à un lignage prophétique annonce en premier
lieu une dimension religieuse à son pouvoir : il est d’abord et
3 Par ordre de primogéniture, et toujours aux descendants mâles.
Mohammed VI, roi du Maroc depuis 1999
10
avant tout commandeur des croyants. Ce faisant, il « veille au respect de l’Islam [et] est
Garant du libre exercice des cultes » (Constitution, 2011, a. 41). Il préside le Conseil
supérieur des Ouléma, dont il précise les attributions, la composition et les modalités de
fonctionnement par dahir (décret royal). Le Conseil est responsable du contrôle des
mosquées et des imams, et chargé de l’étude de questions d’ordre religieux qui lui sont
soumises. Seules les Fatwas (avis juridiques à propos de la loi islamique) émises par le
Conseil sont officielles. Le Roi exerce de façon exclusive ces prérogatives religieuses
conférées par la Constitution.
Le Roi marocain constitue aussi le Chef de l’État et détient à cet égard un grand pouvoir
exécutif :
Le Roi, Chef de l’État, son Représentant suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’État et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume. Il est le Garant de l’indépendance du Royaume et de son intégrité territoriale dans ses frontières authentiques (Constitution, 2011, a. 42).
Sur le plan des institutions politiques, ces responsabilités prennent différentes formes :
le Roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête aux
élections (Constitution, 2011, a. 47), nomme les ministres sur proposition du chef du
gouvernement et peut les démettre (Constitution, 2011, a. 47), préside le Conseil des
ministres (Constitution, 2011, a. 48), promulgue les lois (Constitution, 2011, a. 50) et
peut dissoudre les deux Chambres du Parlement (Constitution, 2011, a. 51). Il agit sur le
plan diplomatique en accréditant les ambassadeurs et en ratifiant les traités
(Constitution, 2011, a. 55). Il est le chef suprême des forces armées et détient un pouvoir
de nomination aux emplois militaires (Constitution, 2011, a. 53), en plus de présider le
Conseil supérieur de sécurité (Constitution, 2011, a. 54), organe de concertation sur les
11
stratégies de sécurité intérieure et extérieure de même que de gestion des situations de
crise. Même si certains de ces pouvoirs sont exercés sur proposition, sur demande ou
après consultation obligatoire du Chef du gouvernement, il n’en demeure pas moins
que le Roi possède des prérogatives exécutives étendues. En comparaison, le
représentant de la monarchie au Québec, le lieutenant-gouverneur, a un rôle plutôt
symbolique et ses prérogatives sont limitées. Il nomme les membres du gouvernement
et de la Cour du Québec, convoque, proroge et dissout l’Assemblée nationale,
sanctionne les lois et ratifie les décrets, mais toujours sous recommandation du
gouvernement ou suite à la politique déterminée par celui-ci. Le rôle du gouverneur
général du Canada est sensiblement le même. Il agit principalement à la demande du
premier ministre.
Par ailleurs, le Roi prend part au pouvoir législatif en émettant des dahirs. Il est
notamment habilité à proclamer l’état d’exception si l’intégrité du territoire national est
menacée ou le fonctionnement des institutions constitutionnelles est entravé
(Constitution, 2011, a. 59). Le cas échéant, il exerce la totalité des pouvoirs exécutifs et
législatifs (Bendourou, 2012).
Le Roi détient enfin certaines prérogatives concernant le pouvoir judiciaire, étant
« garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire » (Constitution, 2011, a. 107). Il exerce
le droit de grâce (Constitution, 2011, a. 58) et préside le Conseil supérieur du pouvoir
judiciaire (Constitution, 2011, a. 56), chargé de veiller à l’application des garanties
accordées aux magistrats, à élaborer des rapports sur l’état du système judiciaire et
d’émettre des avis circonstanciés sur toute question se rapportant à la justice
(Constitution, 2011, a. 113). Il nomme en outre six des douze membres de la Cour
constitutionnelle, habilitée à statuer sur la constitutionnalité des lois organiques et sur la
régularité des opérations électorales comme référendaires (Constitution, 2011, a. 132). Il
en désigne également le président (Constitution, 2011, a. 130).
12
En somme, le Roi cumule, de par son statut de Représentant suprême de l’État, des
fonctions qui relèvent des trois grandes branches du pouvoir étatique, et transcende ce
faisant la séparation des pouvoirs. Les attributions conférées à la royauté par la
Constitution de 2011 demeurent ainsi très étendues, peut-être parfois au détriment des
institutions démocratiques, mais contribuent sans doute à faire de Mohammed VI le
facteur de stabilité qui a permis au Maroc de modifier profondément ses institutions et
de traverser le printemps arabe sans rupture brutale.
2.1.2 Les coalitions gouvernementales
Le système électoral marocain, de par son caractère proportionnel et le tracé de sa carte
électorale, rend inévitables les gouvernements de coalition. Depuis l’adoption de la
Constitution de 2011, le Roi a l’obligation de nommer le chef du parti arrivé premier
aux élections comme chef du gouvernement. Par la suite, le parti arrivé premier
enclenche le processus de formation d’une coalition gouvernementale, ce qui se fait
d’une manière plutôt informelle. Certains partis sont intéressés à intégrer la coalition
gouvernementale, d’autres pas, tout dépendant de l’issue des négociations et des
compromis qui peuvent être faits entre les différentes factions. Une charte de coalition,
qui officialise la coalition et engage tous les partis visés à travailler ensemble, doit être
produite, signée puis entérinée par le Roi. Les partis politiques formant la coalition
enclenchent alors le processus menant à l’élaboration d’un programme gouvernemental
commun qui sera la feuille de route suivie au cours de la législature.
En principe, la coalition devrait durer le temps de la législature, mais il arrive parfois
que certains différends poussent un parti à la quitter, comme ce fut le cas à l’automne
2013. Le Parti de l’Istiqlal (PI) avait alors jugé bon de se retirer de la coalition
gouvernementale, considérant que les compromis avec le parti arrivé premier, le Parti
de la justice et du développement (PJD), n’étaient plus satisfaisants. Les négociations
13
ont donc repris afin d’éviter que le gouvernement ne tombe. Le Rassemblement
national des indépendants (RNI) a alors quitté l’opposition officielle pour intégrer la
coalition gouvernementale à la place du PI. Si aucun compromis n’avait pu être trouvé
afin de reconstituer une coalition gouvernementale, on peut croire que des élections se
seraient tenues ultérieurement pour constituer une nouvelle Chambre des
Représentants et, ultimement, un nouveau gouvernement.
2.1.3 Le présent gouvernement
À l’issue des élections du 25 novembre 2011, les 395 sièges de la Chambre des
Représentants du Parlement marocain se répartissent entre 18 partis politiques
différents, dont 10 ont quatre sièges ou moins (Bladi.net, 2011). On constate que le mode
de scrutin proportionnel plurinominal permet la représentation de plusieurs petits
partis politiques au sein du Parlement. L’annexe I présente les résultats détaillés de
l’élection.
Comme le PJD est arrivé premier, son secrétaire général, Abdel-Ilah Benkirane, est
devenu le chef du nouveau gouvernement. Après plus d’un mois de négociations, le
Conseil des ministres a été nommé par le Roi, sur proposition du chef du
gouvernement. Ce Conseil est formé de ministres provenant de tous les partis de la
coalition, et ce proportionnellement au poids qu’occupe chaque formation au sein de la
Chambre des Représentants. Les partis composant la première coalition
gouvernementale de l’actuelle neuvième législature étaient le PJD, le PI, le MP ainsi que
le PPS. Comme nous l’avons vu précédemment, le PI s’est retiré de la coalition à l’été
2013. Une nouvelle coalition gouvernementale a vu le jour le 10 octobre 2013, avec cette
fois le RNI à la place du PI.
14
La coalition gouvernementale, au moment de notre visite, était donc formée du PJD, du
RNI, du MP et du PPS.
2.1.4 La participation des technocrates
Il est courant qu’un ou plusieurs ministres d’État soient des « technocrates ». Cela
signifie que ces derniers ne sont pas élus, et, en théorie, qu’ils sont indépendants.
Comme les technocrates sont nommés par le chef du gouvernement, leur responsabilité
ministérielle revient au chef du gouvernement, qui demeure imputable face aux actions
de ses technocrates. Présentement, on dénombre sept ministres qui ont un statut
d’indépendant au sein du gouvernement Benkirane. À titre d’exemple, les ministères de
l’Intérieur, des Habous et des affaires islamiques, de l’Agriculture et de la Pêche
maritime, de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, de même que
celui de l’Industrie et du commerce. sont présentement dirigés par des ministres
technocrates.
2.2 LE POUVOIR LÉGISLATIF
2.2.1 Le système électoral
Une fois tous les cinq ans, les citoyens marocains âgés de 18 ans et plus sont appelés aux
urnes afin d’élire les membres de la Chambre des Représentants au suffrage direct
(Constitution, 2011, a. 62). La désignation de ces membres se fait selon un mode de
scrutin proportionnel plurinominal de listes fermées. Les électeurs votent donc pour
une liste de candidats préalablement soumise par chaque formation politique et la
répartition des sièges s’effectue proportionnellement au nombre de voix exprimées
pour chaque parti.
15
Au moment de voter, les électeurs marocains doivent choisir deux listes de candidats :
une qui permettra d’élire les représentants de leur circonscription locale plurinominale
– qui compte de deux à six sièges4 – et une autre qui concerne les représentants de la
circonscription dite nationale. Au total, 305 des 395 membres que compte la Chambre
des Représentants sont élus à partir des circonscriptions locales plurinominales et 90
sont issus de la circonscription nationale (Chambre des Représentants, 2011, article
premier). Cette dernière est particulière en ce qu’elle réserve 60 de ses sièges aux
femmes et 30 aux jeunes âgés de moins de 40 ans, ce qui assure une représentation
minimale de ces deux groupes à la suite de chaque élection.
Dans les 92 circonscriptions locales plurinominales que compte le Royaume du Maroc,
une formation politique doit atteindre un seuil minimal de 6% des voix exprimées pour
que sa liste de candidats soit considérée dans le calcul de répartition des sièges. Dans la
circonscription nationale, ce seuil est plutôt de 3%. La répartition des sièges s’effectue
en deux temps. Un quotient électoral – qui représente le nombre total de voix exprimées
en faveur des listes ayant atteint le seuil minimal, divisé par le nombre de sièges à
pourvoir dans la circonscription – est d’abord calculé. Si le quotient électoral est de
40 000 voix, par exemple, un siège sera accordé pour chaque tranche de 40 000 voix
obtenue par une liste de candidats (Herardi, 2009). Si des sièges demeurent vacants
après cette première répartition en fonction du quotient électoral, les voix qui n’ont pas
encore été traduites en sièges sont considérées comme un « reste ». La liste de candidats
dont le « reste » est le plus élevé se voit alors attribuer le premier siège encore vacant et
l’on procède de cette manière jusqu’à ce que tous les sièges soient comblés; c’est « la
règle du plus fort reste » (Herardi, 2009).
4 Le faible nombre de sièges par circonscription est d’ailleurs un problème décrié par certains observateurs, qui soutiennent que le mode de scrutin peut difficilement être qualifié de proportionnel lorsque seuls deux ou trois sièges sont en jeu (Anonyme, 2011b).
16
La tenue d’une élection partielle représente toutefois une exception au mode de scrutin
proportionnel plurinominal. Comme un seul siège est à pourvoir lors d’une élection
partielle, c’est plutôt un scrutin à la majorité simple qui la régit (Chambre des
Représentants, 2011, article premier). Toute élection, qu’elle soit partielle ou générale,
est organisée par le ministère de l’Intérieur, qui est également responsable de
l’établissement de la carte électorale marocaine ainsi que des listes électorales.
Actuellement en refonte, la carte électorale marocaine devra être largement modifiée au
cours de la présente législature. Selon certains parlementaires de la coalition
gouvernementale que nous avons rencontrés, l’actuel découpage manque de cohérence.
La carte devra ainsi être redessinée de manière à mieux respecter les principes listés à
l’article 2 de la Loi organique relative à la Chambres des Représentants tels que l’équilibre
démographique entre les circonscriptions et l’obligation qu’au moins une
circonscription soit créée dans chaque préfecture et province.
Les listes électorales générales du Maroc posent aussi un certain nombre de défis,
notamment en ce qui a trait à leur mise à jour. Bien que la carte d’électeur, dont
l’obtention était administrativement complexe pour les citoyens (ce qui décourageait
ainsi bon nombre d’entre eux de se rendre aux urnes), ait été abandonnée lors des
dernières élections de la Chambre des Représentants, le 25 novembre 2011 (Anonyme,
2011a), l’inscription des nouveaux électeurs sur les listes électorales demeure une
procédure complexe qui tient plusieurs Marocains à l’écart du scrutin.
À preuve, le nombre d’électeurs inscrits sur les listes lors de la dernière élection
n’atteignait que 13,6 millions de personnes, ce qui semble relativement peu par rapport
aux 32 millions d’habitants que compte le pays, et ce, même en prenant en
considération que plus de 30% de ses citoyens ne sont pas en âge de voter. Quoique
faible, le taux de participation de 45% obtenu à cette élection des membres de la
17
Chambre des Représentants dépassait de huit points de pourcentage celui des élections
précédentes, tenues en 2007.
Il est utile de souligner que contrairement à la Chambre des Représentants, la Chambre
des Conseillers du Parlement marocain est régie par un mode de scrutin indirect : les
citoyens n’en élisent pas eux-mêmes les membres. Les trois cinquièmes des membres de
la Chambre des Conseillers sont élus dans chaque région du pays par un collège
électoral représentant les collectivités territoriales, tandis que les deux cinquièmes
restants sont élus dans chaque région par un collège électoral composé d’élus de
diverses Chambres professionnelles et d’élus nationaux représentant des salariés
(Constitution, 2011, a. 63).
2.2.2 Les partis politiques marocains
En raison de son système électoral proportionnel qui favorise le pluralisme, de
nombreux partis politiques se partagent la scène politique marocaine. Nous
présenterons ici les huit partis politiques les plus importants en termes de sièges
récoltés lors des élections législatives du 25 novembre 2011. L’annexe I présente les
résultats détaillés des élections.
Parti de la justice et du développement (PJD)
Le PJD a été fondé en 1967 sous le nom « Mouvement populaire
démocratique et constitutionnel », pour s’opposer à l’état d’exception. Il a
adopté son nom actuel en 2008. Il s’agit d’un parti politique islamiste,
nationaliste et conservateur. Il est arrivé en tête des dernières élections,
récoltant 107 sièges.
18
Parti de l’Istiqlal (PI)
Le PI est le plus ancien parti politique marocain. Le Comité d’action
marocain, fondé en 1934, prend le nom de « Parti de l’Istiqlal » en 1943. Son
nom signifie « Parti de l’indépendance » et il a effectivement été créé pour
revendiquer l’indépendance du Maroc. Aujourd’hui, le PI met de l’avant une idéologie
conservatrice et nationaliste. Le PI a terminé deuxième lors des dernières élections, avec
60 sièges.
Rassemblement national des indépendants (RNI)
Le RNI a été fondé en 1978. Il ne s’agit pas, comme son nom pourrait le
laisser entendre, de députés indépendants réunis sous une bannière
commune, mais bien d’un parti avec une idéologie propre, qui prône le
libéralisme social. Il a obtenu 52 sièges lors des dernières élections.
Parti authenticité et modernité (PAM)
Le PAM a été créé en 2008 à partir de la fusion de cinq
partis politiques. Il est composé de proches du Roi et a
été l’une des cibles du Mouvement du 20 février. Il prône le libéralisme. Assez
populaire et pressenti pour obtenir un excellent score aux dernières élections, il a
obtenu 47 sièges.
Union socialiste des forces populaires (USFP)
L’USFP a été fondée en 1975 à la suite d’une scission avec l’Union nationale
des forces populaires (UNFP). Il présente une idéologie socialiste et
19
progressiste. Il a obtenu 39 sièges lors des dernières élections.
Mouvement populaire (MP)
Le MP a été fondé en 1957. Il défend une idéologie libérale sur les
questions économiques et conservatrice sur les questions de mœurs. Il a
obtenu 32 sièges lors des dernières élections.
Union constitutionnelle (UC)
L’UC a été fondée en 1983. Il adopte une vision libérale des questions
économiques et conservatrice des sujets sociaux. Il a obtenu 23 sièges lors
des dernières élections.
Parti du progrès et du socialisme (PPS)
Le PPS a été fondé en 1974, mais existait auparavant sous les noms du
Parti communiste du Maroc, du Parti communiste marocain et du Parti
de la Libération et du socialisme. Il promeut une idéologie socialiste. Il a obtenu 18
sièges lors des dernières élections.
Autres partis politiques
En plus de ces huit principaux partis, dix autres partis ont obtenu entre un et quatre
sièges lors des dernières élections. Il s’agit du Parti travailliste (PT), du Parti du
renouveau et de l’équité (PRE), du Mouvement démocratique et social (MDS), du Parti
de l’environnement et du développement durable (PEDD), du Parti Al Ahd Ad
Dimocrati (AHD), du Front des forces démocratiques (FFD), du Parti de l'action (PA),
20
du Parti unité et démocratie (PUD), du Parti de la liberté et de la justice sociale (PLJS) et
du Parti de la gauche verte (PGV). L’annexe I présente les résultats détaillés des
élections.
2.2.3 La Chambre des Représentants et la Chambre des Conseillers
Le Parlement marocain est composé de deux instances législatives : la Chambre des
Représentants – qui joue le rôle de « chambre basse » - et la Chambre des Conseillers –
qui joue le rôle de « chambre haute ». Les travaux des deux Chambres se déroulent
somme toute de façon assez similaire : non seulement siègent-elles chaque année à
raison de deux sessions d’au moins quatre mois chacune (la première débutant le
deuxième vendredi d’octobre et la seconde débutant le deuxième vendredi d’avril),
mais leurs instances parlementaires et leurs organisations administratives se
ressemblent beaucoup. Cette configuration bicamérale, qui diffère de celle qui prévaut à
l’Assemblée nationale depuis que le Québec a aboli son Conseil législatif en 1968,
possède cependant quelques particularités sur lesquelles il importe de s’arrêter.
2.2.3.1 La Chambre des Représentants
Composée de 395 membres élus, dont 305 sont issus des 92 circonscriptions locales
plurinominales et 90 proviennent de l’unique circonscription nationale, la Chambre des
Représentants est renouvelable tous les cinq ans à l’occasion d’élections générales. Les
citoyens marocains ayant le statut d’électeur et jouissant de leurs pleins droits civils et
politiques peuvent s’y porter candidats (Chambre des Représentants, 2011, a. 4), hormis
ceux qui se retrouvent dans une ou plusieurs des conditions d’inéligibilité listées au
chapitre 2 de la Loi organique relative à la Chambre des Représentants. Par exemple, les
magistrats, les membres des Forces armées royales et les inspecteurs des finances ayant
21
Les huit groupes parlementaires actuels de la Chambre des Représentants (Parlement du Maroc, 2014) :
Groupe justice et développement
Groupe istiqlalien de l’unité et de l’égalitarisme
Groupe du Rassemblement national des indépendants
Groupe authenticité et modernité
Groupe socialiste
Groupe de la mouvance
Groupe de l’union constitutionnelle
Groupe du progrès démocratique
cessé d’exercer leurs fonctions
moins d’un an avant la tenue
d’un scrutin ne peuvent déposer
leur candidature (Chambre des
Représentants, 2011, a. 7).
En vertu de l’a. 61 de la
Constitution, les députés de la
Chambre ne peuvent pas
changer d’allégeance politique
en cours de mandat. Qui plus
est, ils disposent d’une immunité parlementaire limitée au sens où ils ne peuvent pas,
dans le cadre de leurs fonctions, porter atteinte au respect dû au Roi, mettre en cause la
forme monarchique de l’État marocain ou questionner la place centrale de la religion
musulmane (Constitution, 2011, a. 64).
La Chambre des Représentants compte actuellement 8 groupes parlementaires
(Royaume du Maroc, 2012). Pour être considéré comme tel, un groupe parlementaire
doit être composé d’au moins 20 députés appartenant à un ou à plusieurs partis
(Royaume du Maroc, 2012). Ainsi, les formations politiques ayant fait élire un grand
nombre de députés lors d’une élection générale, comme ce fut le cas du Parti de la
justice et du développement
lors du scrutin du 25
novembre 2011, peuvent
former un groupe
parlementaire à eux seuls.
Quant aux partis plus
faiblement représentés à la
22
Chambre, ils disposent de deux options pour être reconnus sur le plan parlementaire.
Ils peuvent soit former des coalitions avec d’autres formations politiques afin de
totaliser 20 députés et ainsi obtenir le statut de groupe parlementaire, soit former un
groupement parlementaire. Ce dernier statut diffère de celui de groupe parlementaire,
car il ne requiert que l’alliance d’un minimum de quatre députés (Royaume du Maroc,
2012). Actuellement, il n’y a qu’un seul groupement parlementaire à la Chambre des
Représentants.
Tout comme c’est le cas à l’Assemblée nationale du Québec, le statut de groupe
parlementaire au sein de la Chambre des Représentants du Parlement marocain est un
élément structurant du travail politique. Non seulement donne-t-il accès à des
ressources humaines et matérielles fournies par le Bureau de la Chambre des
Représentants, mais il permet aussi de procéder à la répartition du temps de parole lors
des travaux parlementaires.
Ces travaux se déroulent essentiellement
en séance plénière ainsi qu’au sein des
neuf commissions permanentes de la
Chambre des Représentants. Jusqu’à tout
récemment, la Chambre ne comptait que
huit commissions (Royaume du Maroc,
2012) : ce n’est qu’en avril 2014 que la
création d’une commission du contrôle
des finances publiques est venue porter le
compte à neuf. Il est à noter que
contrairement aux travaux des
commissions parlementaires de
l’Assemblée nationale du Québec, qui sont publics, télédiffusés et dont les débats sont
Mêmes fonctions, différentes appellations :
Le « chef » d’un parti politique, comme nous l’appelons au Québec, est plutôt un « secrétaire général » au Maroc. Quant au responsable d’un groupe parlementaire, que l’on appelle le « chef du groupe parlementaire » à l’Assemblée nationale, son équivalent marocain est le « président du groupe parlementaire ». Au Maroc, le secrétaire général du parti politique et le président du groupe parlementaire sont généralement deux personnes différentes, car les affaires du groupe parlementaire sont considérées comme distinctes de celles du parti politique. Un précédent a toutefois été créé lors de notre passage : le secrétaire général de l’USFP, Driss Lachgar, a également été élu président de son groupe parlementaire.
23
systématiquement sténographiés, les travaux des commissions permanentes de la
Chambre des Représentants du Parlement marocain sont secrets (Royaume du Maroc,
2011a : a. 68). Un rapport, uniquement accessible sur demande, est néanmoins produit à
chaque réunion des commissions.
En ce qui concerne les travaux des séances plénières de la Chambre des Représentants,
ils se divisent en plusieurs volets. Chaque mardi, une période de deux heures est
consacrée aux questions orales et aux réponses du gouvernement (Royaume du Maroc,
2012). La dernière version du règlement de la Chambre stipule cependant qu’à chaque
semaine, les dossiers traités lors de cette période de questions concernent des
départements ministériels différents, de sorte que seuls les ministres concernés sont
appelés à se déplacer en Chambre pour répondre aux questions des députés. Selon le
Secrétaire général de la Chambre des Représentants, cette formule offre l’avantage de
laisser les ministres non concernés vaquer à d’autres occupations, ce qui maximise leur
temps de travail. Le nouveau règlement indique également que les députés peuvent
désormais réagir aux réponses que les ministres livrent durant la période de questions
et de réponses orales, ce qui augmente l’interaction et le dynamisme au sein de la
Chambre.
Une autre nouveauté réglementaire est que les députés de la Chambre disposent
dorénavant de la possibilité de faire une intervention sur une préoccupation de leur
choix à chaque fin de séance. Qui plus est, un volet des débats parlementaires est
spécifiquement réservé aux questions d’actualité, auxquelles le gouvernement doit
répondre dans une fenêtre de 20 jours. Enfin, le chef de gouvernement doit se présenter
devant la Chambre des Représentants une fois par mois pour répondre aux questions
des élus (Royaume du Maroc, 2012). Les thèmes alors abordés sont de l’ordre de la
politique générale du gouvernement (Constitution, 2011, a. 100). Récemment, toutefois,
les députés de l’opposition ont fait connaître leur mécontentement par rapport à la
24
formule adoptée pour cette plénière mensuelle. Ils en ont principalement contre
répartition du temps, qu’ils jugent inéquitable entre la majorité gouvernementale et
l’opposition, ainsi que contre la détermination des questions thématiques qui se fait à
l’avance, ce qui dépouille en partie la séance de sa vitalité et de sa spontanéité (Rerhaye,
2013).
Les séances plénières de la Chambre sont animées par son président qui, à l’instar du
président de l’Assemblée nationale, est élu au scrutin secret par les membres de la
Chambre. Son élection a cependant lieu à deux reprises au cours d’une même
législature : à l’ouverture de la législature ainsi qu’à la session d’avril de la troisième
année de la législature. Outre l’animation des débats parlementaires, le président de la
Chambre des Représentants est notamment chargé de veiller au bon déroulement des
travaux de la Chambre, d’assurer la coordination entre ses différentes instances et de
présider le Bureau de la Chambre des Représentants (Royaume du Maroc, 2012).
Tout comme le président de la Chambre, les membres du Bureau de la Chambre des
Représentants subissent l’épreuve électorale au scrutin secret au début de la législature
et au moins d’avril de la troisième année de la législature. Leur présence au sein du
Bureau, qui compte huit vice-présidents, deux questeurs et trois secrétaires, reflète
cependant le poids politique de chaque groupe au sein de la Chambre. Le Bureau
s’assure de la gestion globale de la Chambre des Représentants et il en établit le
calendrier ainsi que l’ordre du jour (Royaume du Maroc, 2012).
Organe législatif prépondérant du Parlement marocain, la Chambre des Représentants
voit tous les projets de loi être déposés prioritairement en son sein, hormis quelques
exceptions (voir section 2.2.5). En cas de désaccord entre les deux Chambres à propos
du texte d’un projet de loi, c’est celui de la Chambre des Représentants qui est adopté
en dernier ressort (Royaume du Maroc, 2012).
25
Autre fait témoignant de sa prééminence, la Chambre des Représentants possède le
pouvoir d’accepter ou de refuser le programme gouvernemental : au début d’une
nouvelle législature, ledit programme fait l’objet d’un vote de confiance à la majorité
absolue des membres de la Chambre. Sans cette confiance, le gouvernement ne peut
être investi de son pouvoir exécutif (Constitution, 2011, a. 88). De plus, la Chambre peut
retirer sa confiance au gouvernement à tout moment, ce qui entraîne automatiquement
la démission collective de ce dernier. À l’aide d’une motion de censure, qui doit être
signée par un cinquième de ses membres au moins et qui doit être adoptée à la majorité
absolue, la Chambre des Représentants peut en effet défaire le gouvernement
lorsqu’elle le juge nécessaire. Lorsque le gouvernement tombe ainsi, il devient
impossible pour la Chambre de déposer une autre motion de censure sur une période
d’une année complète (Constitution, 2011, a. 105). Le gouvernement peut toutefois
engager lui-même sa responsabilité devant la Chambre sur une déclaration de politique
générale ou sur le vote d’un texte. Le cas échéant, le Chambre peut forcer la démission
du gouvernement s’il lui refuse sa confiance à la majorité absolue (Constitution, 2011, a.
103).
2.2.3.2 La Chambre des Conseillers
Le Parlement marocain étant bicaméral, une deuxième chambre – qui joue le rôle d’un
sénat – est chargée de l’accomplissement du travail législatif aux côtés de la Chambre
des Représentants. Totalisant actuellement 270 membres dont le mandat est d’une
durée de neuf ans, la Chambre des Conseillers était, jusqu’à l’adoption de la
Constitution de 2011, renouvelable par tiers tous les trois ans. Une fois que les nouvelles
dispositions constitutionnelles relatives à la Chambre des Conseillers seront entrées en
vigueur, elle ne comptera plus qu’entre 90 et 120 membres dont le mandat sera réduit à
six années (Constitution, 2011, a. 63). La Chambre des Conseillers sera alors
renouvelable dans son entièreté.
26
D’ici la fin de la neuvième législature, une nouvelle loi organique relative à cette
Chambre haute viendra fixer les tenants et aboutissants de sa nouvelle configuration. Le
nombre de membres exacts de la Chambre, le régime électoral régissant leur accession à
un siège, le nombre de membres devant être élus par chaque collège électoral, la
répartition des sièges sur le territoire marocain ainsi que les conditions d’éligibilité et les
cas d’incompatibilités sont autant de paramètres que la loi organique viendra
éventuellement préciser (Constitution, 2011, aé 63).
Élus indirectement, les membres de la Chambre représentent les collectivités
territoriales du Royaume au sein du Parlement. Cela explique entre autres pourquoi les
projets de loi traitant des collectivités régionales et du développement régional sont
parmi les rares textes déposés prioritairement devant cette instance plutôt que devant la
Chambre des Représentants.
En ce qui concerne les travaux de la Chambre des Conseillers, ils ressemblent à ceux de
la Chambre des Représentants. Chaque semaine, une séance plénière est réservée pour
les questions orales des conseillers et les réponses des ministres concernés. De plus, tout
comme c’est le cas à la Chambre des Représentants, la Chambre des Conseillers reçoit le
chef de gouvernement en plénière, une fois par mois, pour qu’il réponde à des
questions portant sur sa politique générale (Constitution, 2011, a. 100).
Les membres de la Chambre des Conseillers siègent également au sein de commissions
permanentes où sont examinés les projets de loi que priorise le gouvernement – hormis
la seule journée par mois qui est consacrée à l’étude des propositions de loi, dont celles
de l’opposition. Les présidents de ces commissions permanentes, tout comme le
président de la Chambre des Conseillers et les membres du Bureau de la Chambre des
Conseillers sont élus, à l’instar de leurs homologues de la Chambre des Représentants, à
27
deux reprises lors d’une même législature : au début ainsi qu’à la mi-mandat
(Constitution, 2011, a. 63).
Une différence qui existe dans l’organisation des travaux des deux chambres concerne
la convocation de séances extraordinaires : tandis qu’une telle séance peut être
convoquée avec l’assentiment d’un tiers des membres de la Chambre des Représentants
seulement, il faut un vote à la majorité absolue à la Chambre des Conseillers pour que
cette instance siège à l’extérieur des travaux parlementaires réguliers (Constitution,
2011, a. 66).
Il demeure peu fréquent que la Chambre des Conseillers travaille de concert avec la
Chambre des Représentants. Depuis que la nouvelle Constitution a supprimé la
commission mixte paritaire qui se réunissait lorsque les deux chambres étaient en
désaccord sur le texte d’un projet de loi – et que c’est le texte de la Chambre des
Représentants qui a préséance lorsqu’un tel désaccord survient – les occasions où les
membres des deux Chambres tiennent des réunions communes sont assez rares.
L’ouverture, par le Roi, de la session parlementaire débutant le deuxième vendredi
d’octobre, la présentation du projet de loi de finances de l’année et les déclarations du
Chef de Gouvernement figurent parmi les quelques moments de rencontre entre les
deux Chambres du Parlement qui sont prévus par la Constitution de 2011 (Constitution,
2011, a. 68).
2.2.4 Le processus législatif
L’article 78 de la Constitution de 2011 stipule que l’« initiative des lois appartient
concurremment au Chef du Gouvernement et aux membres du Parlement ». D’une part,
les projets de loi sont issus du gouvernement et sont en priorité déposés sur le bureau de
la Chambre des Représentants – sauf ceux ayant trait aux collectivités territoriales, au
développement régional et aux affaires sociales, qui sont déposés en priorité sur le
28
bureau de la Chambre des Conseillers (Royaume du Maroc, 2012). Cela constitue une
nouveauté par rapport à l’ancienne Constitution, qui prévoyait que les projets et
propositions de lois pouvaient être déposés sur l’un ou l’autre des bureaux. D’autre
part, les propositions de loi sont issues de membres du Parlement et sont déposées sur le
bureau de la Chambre à laquelle appartient son auteur. Une journée par mois est
réservée à l’examen des propositions de loi, dont celles de l’opposition. Notons aussi
que seul le gouvernement est habilité à déposer des projets de loi tendant à modifier les
dépenses approuvées dans le cadre de la loi de finances (Constitution, 2011, a. 75).
Les parlementaires de l’opposition rencontrés nous ont fait état d’un cas de concurrence
patent entre les pouvoirs de proposition législative dévolus au gouvernement et à la
Chambre : alors que la frange parlementaire de la coalition gouvernementale était
impliquée avec l’opposition dans l’élaboration d’une proposition de loi organique
concernant les commissions d’enquête, le gouvernement a créé un projet de loi parallèle
sur le même sujet. Il semble que même les députés de la majorité aient été surpris par
l’initiative. Leur proposition de loi a été écartée, puisque c’est le gouvernement qui fixe
l’agenda législatif des deux Chambres.
Certains députés du parti de l’Istiqlal ont en outre évoqué cette attitude du
gouvernement, coûteuse en temps et en énergie et qui tend à bloquer l’opposition
parlementaire dans ses propositions législatives, comme raison de leur départ de la
coalition gouvernementale.
Cette concurrence dans l’initiative en matière législative est ainsi déséquilibrée par le
pouvoir que détient le gouvernement de déterminer les priorités législatives. Ce
pouvoir lui confère aussi une responsabilité : c’est à lui que revient ultimement la
charge d’opérationnaliser la Constitution de 2011. Le statut et les droits de l’opposition
29
parlementaire ont été constitutionnalisés (Constitution, 2011, a. 10), mais le respect de
ceux-ci n’est pas acquis pour autant.
Revenons à la procédure parlementaire. Après leur dépôt, les projets et propositions de
lois sont soumis pour examen et adoption aux commissions concernées au sein de la
Chambre. Ils sont par la suite examinés et votés en séances plénières dans la Chambre
des Représentants, avant d’être transmis à la Chambre des Conseillers. Tout projet ou
proposition de loi est ainsi examiné successivement par les deux Chambres du
Parlement pour parvenir à l’adoption d’un texte identique. Une Chambre, saisie d’un
texte voté par l’autre Chambre, délibère sur le texte tel qu’il lui a été transmis. En
dernière instance, cependant, c’est la Chambre des Représentants qui adopte le texte
examiné. Par exemple, si la Chambre des Représentants initie une proposition de loi,
elle l’étudie et l’adopte avant de l’envoyer à la Chambre des Conseillers qui, après avoir
apporté ses amendements, la renvoie à la Chambre des Représentants pour l’adoption
finale. Si c’est la Chambre des Conseillers qui initie une proposition de loi, elle
l’étudiera avant de la transmettre à la Chambre des Représentants pour adoption finale.
Dans le premier cas, le texte passe deux fois par la chambre basse et une fois par la
chambre haute; dans le second cas, il passe une seule fois dans chaque chambre. Cela
montre la prédominance de la Chambre des Représentants sur la Chambre des
Conseillers et allège considérablement la procédure législative édictée par la
Constitution de 1996, qui prévoyait davantage de va-et-vient entre les deux Chambres
et la formation d’une commission mixte paritaire en cas de désaccord sur le texte final.
2.2.5 Le rôle de l’opposition
Les dispositions relatives au rôle de l’opposition figurent dans la nouvelle Constitution
à l’article 10 : « La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui
conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses
30
missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique ». Cet article lui garantit
également certains droits tels que la liberté d’opinion, d’expression et de réunion, le
bénéfice du financement public, la participation effective au contrôle du travail
gouvernemental, à travers notamment les motions de censure et l’interpellation du
gouvernement, ainsi que des questions orales adressées au gouvernement et dans le
cadre des commissions d’enquête parlementaires. En plus de ses responsabilités
parlementaires, la minorité se fait octroyer des droits de représentation et de
financement (Mohamed Wargui, 2009). Autre privilège, l’opposition obtient la
présidence de la commission de la justice, de la législation à la Chambre des
Représentants et des droits de l’homme. Cette commission est l’une des plus occupées
du Parlement, car elle s’affaire notamment à l’étude des lois organiques.
Telles que définies par la Constitution marocaine, les responsabilités de l’opposition
relèvent essentiellement de l’exercice d’un contre-pouvoir. Théoriquement, l’opposition
a pour rôle d’empêcher toute dérive de la coalition gouvernementale pouvant remettre
en cause les droits et libertés fondamentaux des citoyens. Le nouveau texte
constitutionnel a donné à l’opposition un statut non équivoque. Il existe désormais un
corpus normatif, composé de lois organiques, de lois ordinaires, et des règlements
intérieurs des deux Chambres, qui définissent l’ensemble des compétences dévolues à
la minorité parlementaire, chargée de remplir la fonction d’opposition à la majorité
gouvernementale. L’opposition obtient ainsi la garantie explicite de participer aux
activités législatives et de contrôle de l’action gouvernementale. À titre d’exemple,
l’opposition se voit réserver une journée par mois pour l’étude des propositions de loi
provenant de ses rangs (Helmut Reifeld, 2013). Par sa nouvelle constitution, le Maroc
opte donc pour un régime fondamentalement lié à un idéal démocratique en
institutionnalisant un espace d’échange réciproque entre la majorité gouvernementale
et la minorité parlementaire (Ayoub Naïm, 2011).
31
Bien que le raffermissement des droits de l’opposition dans l’espace législatif soit
indéniable, les groupes parlementaires formant l’opposition demandent à obtenir les
moyens nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. En effet, ils jugent les ressources
humaines et matérielles qui leur sont attribuées présentement insuffisantes à
l’accomplissement de leur rôle renforcé5.
2.3 LE POUVOIR JUDICIAIRE
2.3.1 Le système judiciaire marocain
Le système judiciaire marocain est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif.
Comme c’est le cas dans plusieurs États, le Maroc dispose de tribunaux de première
instance et d’appel. Une Cour de cassation agit à titre de dernière instance. L’article 107
de la Constitution énonce que le Roi est garant de l’indépendance judiciaire.
La Constitution institue le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Cette institution,
dont au moins deux sessions sont présidées par le Roi chaque année, « veille à
l’application des garanties accordées aux magistrats » (Constitution, 2011, a. 113). Les
juges, une fois nommés par le Conseil, sont inamovibles et indépendants. De sa propre
initiative, le Conseil peut élaborer des rapports sur l’état de la justice et proposer des
recommandations. À la demande du Roi, du gouvernement ou du Parlement, le Conseil
peut fournir des avis circonstanciés sur toute question liée à la justice, sous réserve du
principe de la séparation des pouvoirs.
Selon l’article 115 de la Constitution de 2011, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire
est composé des intervenants suivants :
5 Ces informations ont été obtenues dans le cadre d’un entretien avec les groupes parlementaires de l’opposition le 23 avril 2014.
32
« Du Premier-président de la Cour de Cassation en qualité de Président–délégué ; Du Procureur général du Roi près de la Cour de Cassation ; Du Président de la Première Chambre de la Cour de Cassation ; De quatre représentants élus, parmi eux, par les magistrats des cours d’appel ; De six représentants élus, parmi eux, par les magistrats des juridictions du premier degré ; Du Médiateur ; Du Président du Conseil national des droits de l’Homme ; De cinq personnalités nommées par le Roi, reconnues pour leur compétence, leur impartialité et leur probité, ainsi que pour leur apport distingué en faveur de l’indépendance de la justice et de la primauté du droit, dont un membre est proposé par le Secrétaire général du Conseil supérieur des Ouléma. »
2.3.2 La Cour constitutionnelle du Maroc
La Cour constitutionnelle du Maroc est composée de 12 membres nommés pour un
mandat de neuf ans non renouvelable. L’institution est complètement indépendante des
autres composantes de l’État marocain, n’étant même pas liée au système judiciaire
marocain dans son ensemble. La moitié de ses membres est nommée par le Roi, parmi
lesquels est désigné le Président de la Cour. Dans l’autre moitié, chaque Chambre
nomme trois membres grâce à un vote secret dont la majorité doit former les deux tiers
de la Chambre. Les décisions des membres de la Cour constitutionnelle sont rendues à
la majorité des deux tiers, c’est-à-dire qu’au moins huit membres de la Cour doivent
être d’accord sur une décision. Mohammed Amine Benabdallah, membre de la Cour,
nous a appris que la grande majorité des décisions se prennent à l’unanimité, après un
processus de délibération durant lequel les juges doivent se convaincre entre eux afin
d’en arriver à un consensus. Il n’a été nécessaire de trancher par un vote qu’à quelques
reprises au cours des dernières années.
33
La Cour constitutionnelle a plusieurs mandats. Les lois organiques et les règlements de
la Chambre des Représentants doivent lui être obligatoirement soumis pour
approbation avant leur promulgation, afin d’en valider la conformité à la Constitution.
La Cour a également pour mandat de statuer sur la régularité des élections et gère aussi
les opérations de référendum. La Cour a un délai d’un an pour rendre des décisions
quant à la régularité des élections. L’action de la Cour constitutionnelle dans ce
domaine prend souvent la forme d’une annulation de l’élection locale en question. Cela
donne lieu à des élections partielles ou à un remaniement sur la base de la liste locale
plurinominale.
En ce qui concerne les lois ordinaires, c’est-à-dire celles qui ne sont pas organiques, la
Cour constitutionnelle ne dispose pas du pouvoir d’auto-saisine. Six entités peuvent la
saisir sur une question de conformité d’une loi à la Constitution : le Roi, le chef du
gouvernement, le Président de la Chambre des Représentants, le Président de la
Chambre des Conseillers, le cinquième des membres de la Chambre des Représentants
ou bien 40 membres de la Chambre des Conseillers (Constitution, 2011, a. 132). La Cour
dispose d’un délai d’un mois pour rendre sa décision. Cependant, si c’est le
gouvernement qui lui en fait la demande en urgence, la Cour dispose de huit jours pour
rendre sa décision.
Depuis la promulgation de la nouvelle Constitution, la Cour a compétence lorsqu’il
s’agit de reconnaitre une exception d’inconstitutionnalité, s’il est soulevé, lors d’un
procès, qu’une loi existante menace les droits et libertés garantis par la Constitution. Les
particuliers peuvent attaquer la constitutionnalité d’une loi devant la Cour.
34
3. L’OPÉRATIONNALISATION DE LA CONSTITUTION
3.1 Les lois organiques
La promulgation de la sixième constitution de l’État marocain, le 30 juillet 2011, a mené
à l’élection d’une nouvelle Chambre des Représentants. La Constitution a confié un
mandat exceptionnel à ces élus : celui d’adopter toutes les lois organiques qu’elle
prévoit à l’intérieur de la neuvième législature, soit entre le 25 novembre 2011 et la
dissolution de la Chambre en 2016. En effet, l’article 86 prévoit que les « lois organiques
prévues par la présente Constitution doivent avoir été soumises pour approbation au
Parlement dans un délai n’excédant pas la durée de la première législature suivant la
promulgation de ladite Constitution ».
Les lois organiques revêtent une importance toute particulière puisqu’elles sont des lois
auxquelles la Constitution confie le soin de préciser certaines de ses dispositions ou le
fonctionnement de certains organes constitutionnels. L’adoption de ces lois représente
en ce sens le premier pas vers une véritable opérationnalisation, c’est-à-dire une mise en
pratique effective, de la Constitution.
3.1.1 Liste des lois organiques et avancement de leur adoption
Le texte constitutionnel prévoit l’adoption de 19 lois organiques. Certaines d’entre elles
créent de nouveaux organes institutionnels ou encadrent l’exercice de nouveaux droits,
et doivent en ce sens être conçues de toutes pièces; d’autres doivent simplement être
révisées pour s’harmoniser avec les nouvelles dispositions constitutionnelles. Les lois
organiques dénombrées sont les suivantes :
1) Caractère officiel de la langue amazighe (Constitution, 2011, a. 5)
35
2) Conseil national des langues et de la culture marocaine (Constitution, 2011,
a. 5)
3) Partis politiques (Constitution, 2011, a. 7)
4) Présentation des motions en matière législative par les citoyens
(Constitution, 2011, a. 14)
5) Présentation de pétitions aux pouvoirs publics par les citoyens (Constitution,
2011, a. 15)
6) Droit de grève (Constitution, 2011, a. 29)
7) Conseil de Régence (Constitution, 2011, a. 44)
8) Liste des établissements et entreprises stratégiques dont le responsable doit
être nommé par le Conseil des ministres (Constitution, 2011, a. 49)
9) Chambre des Représentants et son régime électoral (Constitution, 2011, a. 62)
10) Chambre des Conseillers et son régime électoral (Constitution, 2011, a. 63)
11) Commissions d’enquête (Constitution, 2011, a. 67)
12) Loi de finances (Constitution, 2011, a. 75)
13) Organisation et conduite des travaux du gouvernement et statut de ses
membres (Constitution, 2011, a. 87)
14) Statut des magistrats (Constitution, 2011, a. 112)
15) Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Constitution, 2011, a. 116)
16) Cour constitutionnelle (Constitution, 2011, a. 131)
17) Reconnaissance d’une exception d’inconstitutionnalité par la Cour
constitutionnelle (Constitution, 2011, a. 133)
18) Collectivités territoriales (Constitution, 2011, a. 146)
19) Conseil économique, social et environnemental (Constitution, 2011, a. 153)
L’effort réclamé de cette neuvième législature est ainsi considérable puisque le travail
relatif aux nouvelles lois organiques s’ajoute aux fonctions habituelles des
parlementaires6. Au moment de notre passage au Parlement du Maroc, seulement six de
ces 19 lois avaient été promulguées. La plupart des députés rencontrés semblaient peu
6 À cet agenda chargé s’ajoute encore un événement circonstanciel : la célébration du 50ème anniversaire du Parlement du Maroc. Le Secrétaire général de la Chambre des Représentants, M. El Khadi, a souligné que cet anniversaire a été l’occasion d’un bilan qui s’accompagnera d’un plan stratégique en matière parlementaire. Certaines réformes internes, parfois liées à la nouvelle Constitution mais pas toujours, sont ainsi mises en branle ou revendiquées au sein de cette législature.
36
confiants quant à l’atteinte de l’exigence fixée par la Constitution, c’est-à-dire adopter
les 13 autres lois dans les deux ans restant à la législature. Un député de l’opposition a
d’ailleurs souligné que les sessions d’automne étaient ordinairement consacrées à
l’étude de la loi de finances (l’équivalent du budget à l’Assemblée nationale du Québec)
et que l’agenda législatif mis de l’avant par le gouvernement lors de la dernière année
de la législature serait accaparé par des intérêts électoraux, ce qui laissera peu de place
pour l’adoption des lois organiques.
3.1.2 Le cas de la Cour constitutionnelle
D’autres facteurs viennent ralentir
ou bloquer le processus d’adoption
des lois organiques. Un cas
éloquent est la loi organique vouée
à déterminer les règles
d’organisation et de fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, au
sujet de laquelle nous a entretenus
Mohammed Amine Benabdallah,
membre de ladite Cour
constitutionnelle 7 et professeur de
droit public à l’Université
Mohammed V (Agdal-Rabat).
7 La loi organique en question n’ayant pas encore été adoptée, la « Cour constitutionnelle » fonctionne à partir de sa loi organique antérieure qui encadrait le « Conseil constitutionnel ».
Les boursiers avec M. Mohammed Amine Benabdallah, Membre de la Cour constitutionnelle.
37
La Chambre des Conseillers n’a pas été renouvelée depuis la promulgation de la
nouvelle Constitution et a donc été formée sur la base des anciennes dispositions
législatives. Les autorités compétentes attendent, avant de dissoudre cette Chambre,
que la loi organique sur les collectivités territoriales (no. 18 de la liste ci-dessus) soit
adoptée8. Cette loi viendra modifier l’organisation, le nombre et le pouvoir dévolu aux
collectivités territoriales représentées par les trois cinquièmes des membres de la
Chambre des Conseillers (selon l’article 63 de la Constitution et la loi organique – no. 10
dans notre liste – qui en découle). Selon M. Benabdallah, ceci affecte la légitimité
constitutionnelle de ladite Chambre des Conseillers qui, de par la nature même du
Parlement bicaméral et de la procédure législative qui en découle, devra approuver les
lois organiques qui affecteront sa propre composition.
Cette situation perturbe le fonctionnement de la Cour constitutionnelle. La Chambre
des Conseillers, via son Président, nomme trois des douze membres de la Cour. Elle
s’abstient cependant de le faire, vu le déficit de légitimité allégué. Ainsi, le successeur
de Moulay Rchid Abderrazzaq, dont le mandat se termine en 2014, n’a pas encore été
nommé.
Ce cas montre bien la difficulté qu’implique la mise en œuvre de la Constitution de
2011. Elle charge certaines institutions de prendre part à la modification et la création
d’autres instances ou institutions. Cela fait en sorte que chaque modification prévue par
la Constitution exige une série de modifications préalables qui demandent, à leur tour,
des changements institutionnels, et ainsi de suite. La situation ne peut que mettre en
lumière les interrelations et interdépendances qui unissent les différentes institutions et
pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Bien entendu, cela est vrai de l’ensemble des
8 L’élaboration de la loi organique sur les collectivités territoriales est aussi tributaire des autorités communales, qui seront renouvelées sous peu. L’attente de ces élections contribue à la lenteur du processus.
38
pays démocratiques. Les profondes modifications institutionnelles que vit actuellement
le Maroc permettent seulement d’en observer plus directement l’étendue.
3.2 Les défis de l’administration parlementaire
3.2.1 Le manque de ressources des parlementaires
Lors de notre visite, plusieurs députés nous ont fait part du manque de ressources dont
disposent les députés pour se consacrer à leur fonction de parlementaire. Sur ce thème,
de nombreuses différences peuvent être soulevées entre les conditions de travail des
députés québécois et marocains. En ce qui a trait au salaire, par exemple, les députés
marocains touchent environ 5 000 $ par mois. Dépendamment des retenues enlevées, on
parle d’un salaire mensuel allant de 4 000 à 5 000 $ par mois.
Les députés marocains n’ont pas de bureaux de circonscription financés par le
Parlement, ni même de bureau au parlement, ni d’avantages pour se loger à Rabat. Ils
disposent d’une carte de transport ferroviaire et de certains tarifs avantageux auprès de
la ligne aérienne nationale, mais ces moyens de transport ne desservent pas toutes les
régions du Maroc.
Ce manque d’allocations pour le transport et l’hébergement vers la capitale explique en
partie la problématique de l’assiduité des députés du Royaume. Le Parlement a mis en
place une cellule spéciale chargée de faire la surveillance de l’assiduité des députés, en
répertoriant leurs absences. Le règlement intérieur de la Chambre contient des
dispositions à prendre en cas d’absences fréquentes, mais, en pratique, elles ne sont pas
appliquées. Le Secrétaire général de la Chambre des Représentants croit qu’avec les
conditions de travail actuelles, il est normal que plusieurs députés vivant en région
éloignée ne puissent se permettre d’aller régulièrement à Rabat.
39
Les parlementaires disposent par ailleurs de très peu de ressources humaines. Qui plus
est, il y aurait un grand écart entre les ressources dont disposent les parlementaires au
pouvoir et ceux à l’opposition; ceux issus de la coalition gouvernementale ont en
pratique plus de ressources, car ils peuvent bénéficier de l’expertise de la fonction
publique marocaine. La situation est différente du côté de l’opposition. Par exemple, les
49 élus du PAM bénéficient du travail de 10 attachés parlementaires, qu’ils doivent se
partager. Même s’ils pouvaient en engager davantage, ils ne disposeraient pas de locaux
pour eux. Considérant cela, certains députés rencontrés dans l’opposition nous ont
mentionné qu’au final, ils disposent de très peu de temps pour se consacrer à leur
travail de député, car ils sont seuls à faire leur secrétariat et à gérer leur agenda, aussi
bien en comté qu’à Rabat.
La Chambre des Représentants travaille actuellement sur un projet de loi visant à
améliorer les conditions de travail de ses membres, afin d’assurer le professionnalisme
des élus. L’annexion d’un nouvel édifice au parlement, prévue en mai 2014, devrait
permettre à plus de parlementaires d‘avoir un bureau à Rabat. Pour le moment, on
dénombre 325 fonctionnaires au Parlement, ce qui inclut les membres du personnel
politique, pour une clientèle de 395 députés. À titre de comparaison, près de 625
employés soutiennent les 125 députés du Québec. Ce nombre ne comprend pas le
personnel politique attaché aux députés en circonscription ou au parlement. Selon
Cécile Abadie, de la délégation de l’Union européenne à Rabat, l’UE a récemment
accordé une aide financière de 3 millions de dollars afin de renforcer l’institution
parlementaire marocaine.
3.2.2 L’absence d’une chaine parlementaire
Notre rencontre avec le Secrétaire général de la Chambre des représentants, monsieur
Najib El Khadi, nous a permis de constater que l’instauration d’une chaîne
40
parlementaire permanente fait partie des grands défis administratifs à venir pour son
organisation. En effet, monsieur El Khadi est d’avis qu’une meilleure diffusion des
débats permettrait aux citoyens de mieux connaitre leur institution. Cette vague de
transparence pourrait réduire le cynisme lié à un certain courant que le Secrétaire
nomme « antiparlementarisme ».
Pour le moment, les citoyens ont seulement accès à la télédiffusion de la période de
questions orales qui a lieu une fois par semaine. Le défi est double, car les travaux des
deux Chambres devraient faire l’objet d’une diffusion, autant sur un support télévisuel
que sur Internet. Ce ne seraient cependant pas tous les travaux parlementaires qui
seraient diffusés. Seules les périodes de questions orales et les séances plénières le
seraient. Le manque de budget demeure la principale cause de l’absence de
développements majeurs dans l’instauration de cette chaîne parlementaire. L’ajout de
Les boursiers avec le Secrétaire général de la Chambre des Représentants, M. Najib El Khadi.
41
l’Amazigh comme langue officielle rendra également plus compliquée l’instauration de
cette chaîne.
3.2.3 La présence des femmes au Parlement
Si l’article 19 de la constitution de 2011 pose le principe de l’égalité entre l’homme et de
la femme et annonce la création d’une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes
formes de discrimination, on constate qu’en pratique, beaucoup de travail reste à faire
concernant l’égalité des sexes, notamment sur le plan politique. Présentement, on
dénombre 67 femmes sur les 395 parlementaires de la Chambre des Représentants du
Maroc. Elles représentent ainsi 17% des députés marocains.
En 2002, le ministère de l’Intérieur et les partis politiques du Maroc ont adopté un
accord conjoint, lequel consacrait leur engagement à faire élire un minimum de 30
femmes au Parlement, soit 10 % de l’effectif parlementaire, par le biais d’une nouvelle
liste électorale nationale. Après l’adoption de cette mesure, 35 femmes ont fait leur
entrée au Parlement, ce qui représentait une avancée majeure comparativement aux
quatre femmes élues du scrutin de 1997 (Touahri, 2007). Fruit du travail constant de
plusieurs organisations féministes auprès des partis politiques, le quota de femmes sur
la liste nationale a été revu par les partis politiques en 2011.
La nouvelle liste électorale nationale, toujours en vigueur aujourd’hui, réserve 60 sièges
aux femmes, et 30 sièges aux jeunes de 40 ans et moins. Les élections de 2011 ont permis
l’entrée de 67 femmes au Parlement : 60 sur la liste nationale et sept sur les listes locales.
Bien que ce soit assurément là une avancée, les effets du quota sont mitigés. Selon les
femmes parlementaires que nous avons rencontrées, l’instauration des quotas a fait en
sorte que les partis politiques ont déplacé leurs candidatures féminines d’une liste à
l’autre : plusieurs femmes qui auraient pu se faire élire sur les listes locales ont été
42
délibérément placées sur la liste nationale pour être remplacées par des hommes sur les
listes locales. Si ce quota avait pour objectif d’encourager les partis politiques à
présenter un plus grand nombre de femmes sur les deux listes, on peut donc croire que
l’initiative n’a pas encore porté fruit. De même, soulignons que le quota de 30 jeunes est
rempli entièrement par des hommes, et que les femmes de moins de 40 ans ont été élues
sur la liste nationale dédiée aux femmes.
En décembre 2012, un groupe de travail sur l’égalité comprenant des femmes
parlementaires de tous les partis a été mis sur pied. Peu après, ce groupe a signé un
mémorandum destiné au Président de la Chambre des Représentants, afin d’exiger une
modification du règlement intérieur de la Chambre, rendant obligatoire la présence
d’une femme parlementaire à l’un des trois postes politiques (présidence de
commissions parlementaires, présidence de la Chambre, composition des missions à
l’étranger). Cette proposition a été acceptée.
Lors de notre visite, à l’ouverture de la session d’avril, un parti politique ne s’était pas
conformé à cette mesure, sans être toutefois sanctionné par le Président de la Chambre.
Ainsi, il ne suffit pas seulement pour les femmes marocaines de travailler au sein de
leur parti politique pour être choisies comme candidates et entrer au Parlement. Le
travail pour une meilleure représentativité se poursuit à l’intérieur même des murs de
l’instance démocratique.
Le même phénomène quant à la présence de femmes est observé au Conseil des
ministres. Avant la constitution de 2011, sept femmes étaient ministres avec
portefeuille. Après l’adoption de la constitution de 2011, seules deux femmes sont
devenues ministres avec portefeuille, alors que quatre autres ont été nommées ministres
déléguées à un ministre de sexe masculin. Selon une députée rencontrée, Naima Ben
Yahia, cela constitue une régression de la représentation des femmes au sein des plus
43
hautes instances du pouvoir. Cette dernière est aussi d’avis que les partis politiques
marocains ont une grande responsabilité en ce qui a trait à la participation des femmes
et des jeunes en politique. Elle attribue les dernières grandes avancées légales pour les
femmes aux actions du Roi, qui a modifié le Code de la famille en 2005.
44
4. LES RELATIONS INTERNATIONALES9
Les relations internationales du Maroc sont des plus intéressantes à étudier, et ont été
un thème récurrent dans nos rencontres. Dans le cadre de ce rapport, nous allons
aborder deux pans majeurs de ces relations, soit le conflit géopolitique du Sahara
occidental et la relation du pays avec l’Union européenne. Nous terminerons cette
section par un bref portrait de la diplomatie interparlementaire du pays maghrébin.
Le conflit du Sahara occidental dure depuis près de quatre décennies. À l’indépendance
du Maroc en 1956, l’État réclame le nord du pays occupé par l’Espagne, le centre qui
l’était par la France, et le sud, c’est-à-dire le Sahara occidental, qui était colonisé par
l’Espagne. Le Maroc considère les habitants de cette partie du territoire, les Sahraouis,
comme des Marocains. En 1975, l’Espagne signe les Accords de Madrid avec la
Mauritanie et le Maroc, dans desquels la puissance coloniale s’engage à se retirer du
territoire. L’entente stipule que le Maroc et la Mauritanie administreront le territoire
conjointement. À cela, on ajoute la participation d’un groupe qui existait avant 1975, le
Front Polisario, qui faisait à l’origine la promotion de l’émancipation du Sahara
occidental du pouvoir espagnol.
Après la signature des Accords, le groupe a milité pour l’indépendance du Sahara
occidental. Soutenu financièrement et militairement par l’Algérie, le Front Polisario
s’engage dans une guerre qui l’oppose à la Mauritanie et au Maroc de 1975 à 1991,
moment où L’ONU réussit à imposer un cessez-le-feu. Depuis, l’ONU a mis en place la
MINURSO, mission de paix qui est toujours en place et qui est renouvelée au mois
d’avril de chaque année. Au début de son mandat, l’ONU a proposé aux forces en place
9 Mis à part la dernière partie portant sur les relations interparlementaires, l’ensemble de cette section est basée sur notre rencontre avec Jawad Kerdoudi, directeur de l’Institut Marocain des Relation Internationales (IMRI).
45
de demander à la population sahraouie, par le biais d’un référendum, le choix de l’État
auquel elle désirait appartenir. En prévision de ce référendum, il s’est avéré très
complexe de dresser une seule liste électorale qui aurait pu être reconnue comme
légitime par tous les acteurs en place. Le Maroc et le Front Polisario n’avaient pas les
mêmes listes, et il était pratiquement impossible de faire un recensement fiable qui
aurait pu être reconnu par toutes les parties.
Une question demeure : pourquoi l’Algérie soutient-elle le Front Polisario ? Jawad
Kerdoudi, de l’Institut Marocain des Relations Internationales, répond à cela qu’il faut
savoir que depuis longtemps, l’Algérie et le Maroc se font compétition pour obtenir le
leadership du Maghreb. L’Algérie, puissance militaire de la région, de loin la plus riche
avec ses réserves de pétrole et de gaz naturel, cherche à consolider son hégémonie. En
1983, sous les pressions de l’Algérie, l’Union des États africains admet comme membre
la République arabe sahraouie, ce qui entraine le départ express du Maroc de
l’organisation internationale. L’Algérie souhaiterait idéalement la création d’une
République arabe sahraouie indépendante qui serait sous son influence. Cela lui
donnerait indirectement un accès facilité à l’Atlantique pour ses exportations. Enfin,
géopolitiquement, l’indépendance du Sahara occidental amputerait le Maroc de près
d’un tiers de son territoire et limiterait son influence.
Quelles sont les conséquences de ce conflit de nos jours? On en trouve plusieurs. La
frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc est fermée depuis une trentaine d’années.
Le Maroc continue d’exercer le pouvoir de facto au Sahara occidental : il est le seul à
financer les infrastructures et à assurer l’offre de services d’éducation et de santé à la
population sahraouie. Monsieur Kerdoudi spécifie que le pays aurait dépensé près d’un
milliard de dollars en investissements dans cette région depuis son indépendance en
1952. En terme de coûts, le Maroc dépense énormément d’argent pour maintenir sa
frontière avec l’Algérie fermée et pour maintenir des troupes armées advenant une
46
fracture du cessez-le-feu. De plus, comme le statut politique de cette partie du territoire
n’est pas reconnu par la communauté internationale, bon nombre d’investisseurs
étrangers ne sont pas intéressés à investir dans la zone, qui est pourtant riche en
ressources naturelles de toutes sortes.
Le second aspect des relations internationales que nous voulions aborder est la relation
qu’entretient le Maroc avec son principal partenaire économique : l’Union européenne.
Les deux tiers des échanges commerciaux du Maroc se font avec l’Union européenne.
De ces échanges, environ la moitié (soit un tiers des importations et exportations totales
du pays) serait réalisée avec la France. L’État maghrébin s’affaire toujours à diversifier
ses échanges afin de limiter sa dépendance envers l’Europe.
Le Maroc a déjà tenté d’intégrer l’Union
européenne, sans succès, car il ne fait pas
partie de l’espace géographique du projet
d’intégration. Néanmoins, le pays a réussi
à obtenir un « statut avancé » auprès de
l’Union, à travers lequel il s’engage à
tendre vers une harmonisation de sa
législation avec celle de l’Union
européenne. Cette coopération renforcée
ne garantit pas tout. Récemment, l’Union
européenne a changé unilatéralement les
exigences douanières concernant l’entrée
des produits agricoles étrangers, ce qui nuira grandement à la compétitivité des
produits agricoles marocains au profit de ceux de l’Espagne. Craignant une crise
agricole au sein du pays, la classe politique marocaine a vivement dénoncé ce geste de
Les boursiers devant la Délégation de l'Union européenne à Rabat.
47
l’Union. L’avenir nous dira si cet imbroglio diplomatique causera une fracture ou non
dans cette relation privilégiée. Soulignons enfin que seulement 3% des relations
commerciales du Maroc sont effectuées avec les autres pays maghrébins. Ce très faible
pourcentage pourrait être expliqué par les tensions animant la relation maroco-
algérienne, dont on dit qu’elles bloqueraient les échanges vers les pays orientaux du
nord de l’Afrique.
Terminons maintenant avec la diplomatie interparlementaire du pays. Bien que le
développement de la diplomatie parlementaire du Maroc soit récent, force est de
constater que de nos jours, le Parlement du Maroc s’implique activement dans plusieurs
forums interparlementaires internationaux. Le pays rayonne en occupant la présidence
de l’Union Interparlementaire (UIP), organisation internationale favorisant la
concertation des Parlements à l’échelle mondiale. Cette présidence est occupée par
monsieur Abdelwahad Radi, ancien président de la Chambre des Représentants du
Maroc.
La Chambre des Représentants s’illustre aussi en participant à de nombreux groupes de
travail et d’amitié avec la France, l’Espagne, le Québec et l’Union européenne. Dans le
cas qui nous intéresse, le Maroc a signé un accord de coopération permanent avec le
Québec en 2011. Depuis, tour à tour, les élus marocains et québécois se visitent une fois
l’an. Lors de la récente visite des parlementaires marocains au Québec, en février 2014,
ces derniers ont notamment échangé sur les pratiques de l’Assemblée nationale du
Québec en matière de relations avec les citoyens pour en apprendre davantage sur le
processus de dépôt de pétitions au Parlement québécois.
48
5. L’ÉCONOMIE
Comme dans tous les systèmes politiques du monde, l’économie du Maroc exerce une
influence certaine sur la conduite des affaires étatiques. Il n’est donc guère surprenant
que ce thème ait émergé à plusieurs reprises lors de nos rencontres. Question de rendre
justice à l’importance de la question économique, il convient ici de dresser un bref
portrait de la situation qui prévaut au Maroc. Inspirées des entretiens que nous avons
réalisés tout au long de notre séjour, les informations de la présente section sont aussi le
fruit de recherches additionnelles.
Certains affirment que l’économie marocaine se partage entre une économie dirigiste,
centrée sur le secteur primaire, et une économie informelle, centrée sur un modèle de
micro-entreprises et le commerce de la drogue. Ce système à deux vitesses serait d’une
grande fragilité, car il souffre de défaillances structurelles importantes. D’une part, les
faiblesses du système d’éducation public engendrent une main d’œuvre largement non
spécialisée. D’autre part, son économie est dite de rente, c’est-à-dire qu’« elle repose sur
la création, la protection et l'exploitation de privilèges, de faveurs ou d'opportunités
d'affaires à l'abri de la concurrence et de l'efficience économique » (Lahcen, 2013). C’est
le monarque qui distribue la grande majorité des rentes.
En outre, le Maroc demeure le premier exportateur mondial de phosphates et détient les
plus grandes réserves mondiales de cette ressource. La société de production de
phosphate, dont l’État est actionnaire, constitue la plus grande réussite économique du
pays. Ce sont cependant les grands besoins pétroliers du pays qui causent le plus grand
déficit commercial à ce jour.
L’histoire contemporaine de l’économie marocaine est conditionnée par le
développement du pays. Dans les années 60, les pouvoirs publics adoptent une
49
stratégie d’industrialisation par substitution. Afin de réduire le fardeau imposé par les
barrières tarifaires associées aux importations, le pays procède à une industrialisation
par secteur, ciblant les productions où leur dépendance vis-à-vis de l’étranger est la
plus importante. Cette vague de protectionnisme, prenant la forme de la politique
industrielle de marocanisation, atteint ses limites au début des années 80.
Accusant un déficit budgétaire croissant et un manque de diversification industrielle et
d’innovation technologique, le pays est particulièrement affecté par la chute du prix des
phosphates et voit ses finances publiques plonger dans le rouge à la fin de la décennie
80. Cette malédiction des ressources s’illustre notamment dans le secteur agricole qui
reste fortement influencé par la pluviométrie. « Les sécheresses cycliques que connaît le
Maroc, marquent fortement ce comportement chaotique » (Al-Mamlakah, 1999). Elle
cause des fortes oscillations dans le taux de croissance du PIB encore aujourd’hui.
En 1983, les programmes d’ajustements structurels (PAS) d’inspiration libérale sont mis
en place sous l’impulsion du FMI et de la Banque mondiale. On cherche à ouvrir
l’économie marocaine sur l’extérieur et moderniser les secteurs à valeur ajoutée. Les
résultats de ces réformes sont toutefois mitigés, car elles n’arrivent pas à réduire les
profondes inégalités sociales qui persistent au sein de la société. Cela explique aussi la
reprise de l’économie informelle dans la nécessaire régulation économique et sociale.
Depuis 1992, date de la sortie des PAS, le Maroc a conduit une série de réformes, dont
les principales mesures ont touché le système monétaire et financier du pays (Warghi,
2009). Lorsque l’industrie du textile – moteur de la transition – perd son avantage
comparatif au profit de l’Asie, le gouvernement change de stratégie.
En 2005, le gouvernement marocain lance le Plan Émergence, une série de réformes
volontaristes étendues sur neuf secteurs d’activités et visant à revitaliser l’économie du
pays. Le Plan se fonde sur deux piliers : « d’une part, le renforcement et la
50
redynamisation du tissu industriel marocain ainsi que son accroissement concurrentiel
et, d’autre part, une politique volontariste orientée vers de nouveaux secteurs
prometteurs pour lesquels le Maroc dispose d’avantages compétitifs » (France Monde
express, 2009). Les incitations fiscales prévues au Plan Émergence semblent aussi se
diriger vers l’atteinte des cibles de 20% d’investissements directs étrangers (IDE) fixées
par le ministre de l’Industrie. Le Plan Émergence est source d’une grande mobilité du
capital et de la main d’œuvre. Depuis son instauration, plusieurs grands chantiers ont
été mis en branle par l’État (routes, barrages, etc.) pour stimuler l’économie locale, mais
ce sont les grandes entreprises privées qui réussissent à stimuler la croissance là où les
pouvoirs public montrent leurs limites.
La rente est un problème majeur de l’économie marocaine. Ce phénomène peut être
perçu comme un mécanisme de corruption généralisé, comme une banalisation de la
malversation et ultimement son institutionnalisation. « Elle est intimement liée à la
nature néo patrimoniale de l’État marocain, État Makhzen » (Lahcen, 2013). La rente
peut prendre plusieurs formes telles que l’octroi de contrats ou de licences dans les
domaines des transports, des carrières ou des pêches maritimes, le tout dans le but de
canaliser les richesses vers des groupes particuliers. Le nœud de ce type de système est
qu’il revêt un caractère légal. Il est en effet structuré par plusieurs lois. Ce cadre légal
inadéquat provoque une asymétrie de l’information et réduit l’attractivité du Maroc
pour les IDE. La dénonciation du phénomène d’économie de rente a d’ailleurs été l’une
des revendications du mouvement 20 février, dans la foulée du printemps arabe.
D’aucuns expliquent que l’enjeu de la rente est d’autant plus problématique qu’il est
doublé d’une économie massivement souterraine. On estime à 40% la part de
l’économie informelle au Maroc. Le caractère hautement vivrier de son économie –
centrée sur un modèle de micro-entreprises présentes notamment dans les souks – rend
difficile la mesure réelle de la production nationale, sans compter que plus de 80 000
51
familles d’agriculteurs vivent aux crochets des grands cartels de la drogue (Mdidech,
2014). En effet, 75% de la production mondiale de haschisch provient du Maroc.
Toutefois, les producteurs de cannabis ne récoltent qu’un pourcent des profits générés
par les ventes de cette drogue.
Tout récemment, les forces policières ont réussi à ficher une grande proportion de ces
agriculteurs dans l’illégalité. Le poids économique de ces derniers est toutefois si grand
que deux partis politiques, le PAM et le PI, se sont positionnés ouvertement en faveur
de la légalisation du cannabis. Ils font actuellement pression auprès de la coalition
gouvernementale et du Roi afin de dénoncer le phénomène bien intégré de blanchiment
des profits du commerce de la drogue. Comme celui-ci se destine majoritairement à
l’international, les autorités marocaines ont tout avantage à prendre le contrôle de cette
industrie et ainsi protéger la relation privilégiée que le pays entretient avec l’Union
européenne.
52
6. LA QUESTION AMAZIGHE
Les Amazighs, aussi appelés Berbères,
représentent un ensemble de populations
dispersées sur le territoire maghrébin et qui
forment le peuple le plus ancien d’Afrique
du Nord. Au fil des conquêtes, ils ont subi
l’influence des langues et cultures
phéniciennes, grecques, romaines, arabes,
espagnoles, portugaises et françaises.
L’Afrique du Nord est ainsi devenue une
mosaïque de langues et de cultures
(Boukous, 2012). De nombreuses communautés amazighes existent encore partout dans
la région. D’ailleurs, certaines régions sont peuplées majoritairement de Berbères ; c’est
le cas entre autres de la Kabylie, en Algérie.
La population marocaine est très métissée, de sorte qu’une grande partie des habitants
peut se revendiquer d’un héritage amazigh. Si la plupart reconnaissent l’importance de
ce legs historique, tous ne s’identifient pas à cette culture. Il est difficile d’évaluer
combien de personnes se définissent comme Amazighes et utilisent cette langue au
quotidien aujourd’hui. Selon le dernier recensement, datant de 2004, 28 % de la
population disait parler amazigh. Cette proportion était plus importante en milieu rural
(34 %), qu’en milieu urbain (21 %). La langue amazighe est en effet particulièrement
répandue dans certaines régions montagneuses et désertiques. Trois dialectes de la
langue amazighe sont parlés au Maroc, selon les régions : le tamazight, le tachelhit et le
tarifit (CIA, 2014). Selon l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), ce
recensement, qui posait la question de la langue pour la première fois, comportait
Les couleurs du drapeau amazigh représentent les Amazighs de la côte, des montagnes et du désert.
53
toutefois plusieurs limites et la population amazighophone aurait été sous-estimée
(Boukous, 2012).
6.1 Historique du mouvement et revendications
Le mouvement amazigh marocain est composé d’une pluralité d’acteurs et de discours.
Nous avons eu la chance d’en rencontrer un représentant, M. Mounir Kejji, militant et
auteur de plusieurs publications sur le sujet. Nous avons également assisté à quelques
manifestations lorsque nous étions à Rabat.
Le mouvement amazigh s’est développé à partir des années 60, sous la forme d’un
courant visant à défendre la culture et les arts populaires. L’Association marocaine
d’échanges et de recherche culturelle est créée en 1967, et visait la défense de la culture
populaire autant amazighe qu’arabe. Elle tentait ainsi de libérer la langue amazighe de
son statut folklorique. Le mouvement amazigh se politise à partir des années 90. Les
revendications deviennent davantage identitaires. La Charte d’Agadir de 1991 est le
premier texte programmatique produit par le mouvement. Il énonce sept
revendications :
« Premièrement, que la Constitution reconnaisse le caractère national de la langue amazighe.
Deuxièmement, que soit exhumé le projet d’Institut national d’études et de recherche berbères, promis des années plus tôt.
Troisièmement, que soient introduites la langue et la culture amazighes dans les divers champs d’activités culturelles et éducatives.
Quatrièmement, que cette langue soit incluse dans les programmes de recherche scientifique.
Cinquièmement, que celle-ci soit présente dans les médias écrits et audiovisuels.
54
Sixièmement, que soient promues la production et la création dans le champ de la connaissance et de la culture.
Septièmement, que des moyens d’expression et d’apprentissage en langue amazighe soient mis en place, diffusés et utilisés.
Au fur et à mesure viennent s’ajouter d’autres revendications : une présence plus conséquente dans l’administration, la signature et la ratification d’instruments internationaux, etc. » (Feliu, 2004)
À la même époque, le mouvement amazigh marocain commence à s’internationaliser.
Un Mémorandum sur les droits culturels et linguistiques amazighs est présenté à la
conférence des droits de l’Homme de Vienne en 1993. Le Congrès mondial amazigh est
créé en 1995 et organise des rassemblements mondiaux à tous les deux ou trois ans à
partir de 1997, où l’affluence est de plus en plus importante.
En 2000, Mohammed Chafik, l’une des figures de proue du mouvement amazigh,
rédige et diffuse le Manifeste berbère, un document qui exprime les revendications du
mouvement :
« 1. l'ouverture d’un dialogue national autour de l’amazigh ;
2. la reconnaissance constitutionnelle de l’amazigh comme langue nationale et officielle ;
3. le développement économique des régions amazighes ;
4. l’enseignement de la langue amazighe ;
5. la réécriture de l’histoire marocaine ;
6. la valorisation de l’amazigh dans les mass médias officiels ; valorisation des arts amazighs ;
7. l’arrêt immédiat de l’arabisation touchant les régions des Amazighs et l’encouragement des associations ainsi que la presse amazighes en leur reconnaissant leur utilité publique et en leur accordant le soutien financier et logistique. » (CEFAN, 2014)
55
Un million de personnes signent une pétition lancée peu après sur les mêmes bases.
6.2 Réponse de l’État
À partir de 1994, l’État répond à certaines des revendications du mouvement. Lors d’un
discours en 1994, le Roi Hassan II s’engage à favoriser l’enseignement des trois dialectes
amazighs. Un bref journal télévisé en trois dialectes est créé peu après.
En 2001, le roi Mohammed VI annonce la création de l’IRCAM. Cet institut a pour
mission de donner avis au Roi concernant les mesures et les politiques publiques visant
à sauvegarder et à promouvoir la langue et la culture amazighes. Il a également une
mission académique axée sur la recherche, et procède à la standardisation de la langue
amazighe. Ses centres de recherche portent sur la linguistique, la pédagogie,
l’expression littéraire et artistique, l’histoire et l’environnement, la sociologie et
l’anthropologie, les nouvelles technologies et la traduction. Il publie finalement un
bulletin d’information au sujet
de ses activités et des
nouveautés concernant le
rayonnement de la culture
amazighe.
En 2011, la langue amazighe est
reconnue comme langue
officielle dans la nouvelle
Constitution. L’arabe demeure la
langue officielle de l’État, mais
l’amazigh constitue aussi une Les boursiers avec le recteur de l’IRCAM, M. Ahmed Boukouss, ainsi que le Secrétaire général de l’IRCAM, M.
Houssaïn El Moujahid.
56
langue officielle, « en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans
exception » (Constitution, 2011, a. 5). De même, un Conseil national des langues et de la
culture marocaine est créé, dont le mandat est de protéger et de favoriser le
développement de l’arabe, de l’amazigh et des « diverses expressions culturelles
marocaines » (Constitution, 2011, a. 5). Des lois organiques doivent être adoptées pour
permettre l’intégration de l’amazigh dans l’enseignement et dans la vie publique, ainsi
que pour mettre sur pied le Conseil national.
Ainsi, le mouvement amazigh a obtenu gain de cause par rapport à certaines de ses
revendications. Il continue toutefois de lutter pour une reconnaissance accrue de
l’identité amazighe et pour une plus grande place pour sa langue dans la société. Des
défis importants restent à venir.
Sur le plan institutionnel, les moyens manquent pour mettre en œuvre les bonnes
intentions énoncées dans la nouvelle Constitution. D’ailleurs, c’est à la surprise générale
des membres de la Chambre des Représentants qu’une députée s’est exprimée en
langue amazighe pour la première fois, en mai 2012, lors d’une période de questions et
de réponses orales. Le Parlement, qui fonctionne à toutes fins pratiques exclusivement
en arabe, n’est actuellement pas équipé pour permettre la traduction simultanée.
L’officialisation de la langue amazighe n’implique rien de moins que l’établissement
d’un bilinguisme institutionnel au sein du Parlement. Aux dires du secrétaire général
de la Chambre des Représentants, cette opération prendra du temps car elle requiert
d’importantes ressources humaines, matérielles et financières.
Selon les responsables de l’IRCAM que nous avons rencontrés, un autre enjeu
important pour la communauté amazighe est la situation très précaire de sa société
traditionnelle rurale, souvent pauvre. Pour cette raison, plusieurs s’installent en ville et
57
finissent par perdre leur langue. La transmission demeure donc le plus grand problème
de la culture amazighe.
58
CONCLUSION
Pour toute cohorte de boursiers, la mission exploratoire est sans contredit un moment
fort en apprentissages et riche en évasion. Cette expérience sans pareille nous offre
l’occasion de découvrir les différentes formes que peut prendre la démocratie.
L’exercice est agréablement pédagogique. Comparer les similarités et les différences des
régimes politiques marocain et
québécois nous a non seulement
permis de découvrir l’inconnu, mais
aussi de consolider notre connaissance
du parlementarisme québécois. Nous
nous considérons comme privilégiés
d’avoir été si bien reçus au Parlement
marocain et d’avoir pu bénéficier des
connaissances et de l’expérience de ses
membres.
Au-delà de l’étude du système parlementaire, cette mission nous a permis de dresser un
portrait d’ensemble du Maroc. Le Maroc offre un dépaysement surprenant grâce à ses
paysages variés, sa gastronomie, ses langues et son architecture à couper le souffle.
Chaque rencontre avec des acteurs engagés de la société civile nous permettait de placer
une nouvelle pièce dans notre compréhension des multiples enjeux auxquels font face
les groupes sociaux et la classe politique du Maroc. Nos rencontres avec les Amazighs
nous ont sensibilisés aux revendications et situations vécues par cette minorité
culturelle et linguistique. Nous avons ainsi pu établir quelques parallèles avec la place
qu’occupent les minorités au Québec et au Canada. Passant de la capitale économique à
la capitale politique, puis de celle-ci aux cités impériales et aux villages isolés des
montagnes, avant d’aboutir dans le désert du Sahara, nous avons pu observer les
59
différences démographiques, économiques et géographiques qui font la richesse et la
diversité du Maroc. Bien que le système démocratique constituait le centre de notre
mission, l’éventail de rencontres et de lieux visités nous aura permis de faire un bain de
culture et d’élargir véritablement nos horizons.
Parallèlement à toutes ces nouvelles connaissances, l’organisation même de cette
mission a mis en lumière notre capacité à travailler en équipe. De ses tout débuts
jusqu’à la rédaction finale de ce rapport, en passant par les rencontres sur le terrain,
nous avons dû collaborer afin que notre séjour reflète le mieux possible les intérêts de
chacun. Faire des compromis autant sur nos objets d’étude que sur l’hébergement, gérer
un budget pour cinq personnes et vivre les aléas du voyage dans un pays étranger, avec
ses moments mémorables et ses imprévus, est a priori un défi. La proximité que notre
mission a fait naître entre nous cinq a donc été l’occasion de développer notre esprit
d’équipe encore davantage, au-delà de la dynamique quotidienne qui avait déjà pris
forme depuis le début de notre stage. Ces nouvelles aptitudes nous serviront
certainement dans nos prochains défis professionnels.
Enfin, la mission a constitué pour nous un moment fort du stage. Ce fut un privilège
d’étudier une démocratie en consolidation, à la fois si proche et si loin de la nôtre.
Arrivés peu après le printemps de 2011 et l’adoption de la Constitution qui a suivi, nous
avons pu prendre toute la mesure
de l’importance de la présente
législature, chargée de conduire de
nombreux changements
institutionnels. Si la démocratie
marocaine est perfectible, elle est
assurément inspirante dans son
contexte géopolitique. Nous
60
remercions la Fondation Jean-Charles-Bonenfant de nous avoir permis de vivre cette
expérience unique, qui nous a fait grandir de plusieurs façons, et dont plusieurs
souvenirs demeureront impérissables.
61
ANNEXE I : COMPOSITION DE LA CHAMBRE DES
REPRÉSENTANTS
Résultats des élections du 25 novembre 2011
Parti de la justice et du développement (PJD) 107 sièges
Parti de l’Istiqlal (PI) 60 sièges
Rassemblement national des indépendants (RNI) 52 sièges
Parti authenticité et modernité (PAM) 47 sièges
Union socialiste des forces populaires (USFP) 39 sièges
Mouvement populaire (MP) 32 sièges
Union constitutionnelle (UC) 23 sièges
Parti du progrès et du socialisme (PPS) 18 sièges
Parti travailliste (PT) 4 sièges
Parti du renouveau et de l’équité (PRE) 2 sièges
Mouvement démocratique et social (MDS) 2 sièges
Parti de l’environnement et du développement durable (PEDD) 2 sièges
Parti Al Ahd Ad Dimocrati (AHD) 2 sièges
Front des forces démocratiques (FFD) 1 siège
Parti de l'action (PA) 1 siège
Parti unité et démocratie (PUD) 1 siège
Parti de la liberté et de la justice sociale (PLJS) 1 siège
Parti de la gauche verte (PGV) 1 siège
Les partis politiques mis en évidence en gris foncé formaient la coalition
gouvernementale au moment de notre visite.
62
ANNEXE II : HORAIRE DES ACTIVITÉS ET DES RENCONTRES
15 avril au 5 mai 2014
MARDI, 15 avril
22h05 Départ de l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau (Montréal)
MERCREDI, 16 avril
10h05 Arrivée à l’aéroport Mohammed V (Casablanca)
JEUDI, 17 avril
10h Casablanca Finance City
Rencontre avec Mme Manal Bernoussi et Mme Lamia Merzouki
VENDREDI, 18 avril
16h Institut marocain des relations internationales (IMRI)
Rencontre avec M. Jawad Kerdoudi, directeur de l’Institut et auteur de plusieurs publications sur les relations internationales du Maroc
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SAMEDI, 19 avril
10h Institut marocain des relations internationales (IMRI)
Conférence de M. Abdallah Mouttaqi : « Matières premières en Afrique : Quels enjeux pour le continent et pour le reste du monde ? »
Conférence de M. Sylvain Alassaire : « Aspects juridiques des investissements en Afrique Subsaharienne »
DIMANCHE, 19 avril
11h45 Train de Casablanca à Rabat
LUNDI, 21 avril
7h45 Café-rencontre sur le thème de l’économie du Maroc
M. Tariq El Kadiri, chercheur au Centre d’études sociales, économiques et managériales (CESEM)
M. Hammad Squalli, chercheur au CESEM
15h Parlement du Maroc
Rencontre avec des parlementaires de la majorité :
Mme Sabah Boucham, Parti justice et démocratie (PJD)
Mme Aatimad Zahidi, Parti justice et démocratie (PJD)
M. Abdelmalek Bekkaoui, Rassemblement national des indépendants (RNI)
M. Adil Essoubai, Mouvement populaire (MP)
18h30 Souper-rencontre sur le thème de l’Islam et de la politique
M. Abdellah Labdaoui, professeur à l’École de gouvernance et
64
d’économie de Rabat (EGE)
M. Ahmed Bendella, chercheur
MARDI, 22 avril
14h30 Visite guidée du Parlement et séance de la Chambre des Conseillers
17h Café-rencontre sur le thème de la fonction publique marocaine avec M. Najib Kalai Tlamsani, employé du ministère du Commerce extérieur
MERCREDI, 23 avril
15h Parlement du Maroc
Rencontre avec des parlementaires de l'opposition :
Mme Naima Ben Yahia, Parti de l'Istiqlal (PI)
M. Omar Sentissi, Parti de l'Istiqlal (PI)
M. Mansour Lembarki, Parti de l'Istiqlal (PI) [pas sur la photo]
M. Samir Belfkih, Parti authenticité et modernité (PAM)
M. Cherkaoui Roudani, Parti authenticité et modernité (PAM)
M. Mehdi Bensai, Parti authenticité et modernité (PAM)
17h15 Café-rencontre sur le thème du mouvement du 20 février et des droits de l’homme au Maroc
M. Mehdi Bouchoua, activiste, juriste et spécialiste des droits de l’homme au Maroc
65
JEUDI, 24 avril
10h Délégation de l’Union européenne au Maroc
Mme Cécile Abadie, chef de la section Affaires Politiques, Presse, Culture et Information
13h Dîner-rencontre
Mme Carole St-Louis, conseillère politique à l’Ambassade du Canada au Maroc
16h Rencontre sur le thème du mouvement amazight
M. Mounir Kejji, militant et auteur de plusieurs publications sur le mouvement amazight
VENDREDI, 25 avril
9h Parlement du Maroc
Rencontre avec le Secrétaire général de la Chambre des Représentants, M. Najib El Khadi
16h Parlement du Maroc
Séance d’ouverture de la Chambre des Représentants
LUNDI, 28 avril
9h45 Cour constitutionnelle
M. Mohammed Amine Benabdallah, membre de la Cour constitutionnelle
14h Centre d’études sociales, économiques et managériales (CESEM)
M. Driss Ksikes, directeur du centre, professeur et auteur
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MARDI, 29 avril
10h Parlement du Maroc
Rencontre sur le thème des femmes en politique
Mme Naima Ben Yahia, Parti de l’Istiqlal (PI)
11h Parlement du Maroc
Séance de la Chambre des Représentants, période de questions et réponses orales
15h Institut royal de la culture amazight (IRCAM)
M. Ahmed Boukouss, recteur
M. Houssaïn El Moujahid, Secrétaire général
17h Parlement du Maroc
Rencontre avec le Secrétaire général de la Chambre des Représentants, M. Najib El Khadi (suite)
MERCREDI, 30 avril
11h30 Train de Rabat à Marrakech
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VENDREDI, 1er mai
SAMEDI, 2 mai
DIMANCHE, 3 mai
Excursion guidée dans le Haut Atlas et le désert du Sahara
Visite de villages berbères
Visite d’ateliers d’artisanat
Campement traditionnel nomade dans le désert, rencontre avec des Berbères, repas traditionnel
DIMANCHE, 3 mai
20h55 Train de Marrakech à Casablanca
LUNDI, 4 mai
15h10 Départ de l’aéroport Mohammed V (Casablanca)
17h55 Arrivée à l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau (Montréal)
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ANNEXE III : BUDGET
Postes budgétaires Prévisions Dépenses réelles
Hébergement:
Rabat 10 nuits 1400 1445,30 Casablanca 4 nuits 550 491,05 Marrakech 2 nuits 200 154,33 Casablanca 1 nuit 160 146,94
Total hébergement 2310 2237,62
Transport:
Avion 4500 4328,95 Interurbain: - Qc<->Mtl 515 513,65 - Casa->Rabat 40 24,56 - Rabat->Marra 130 128,96 - Marra->Casa 100 63,14 Tramway et taxis 170 233,86
Total transport 5455 5293,12
Nourriture:
1er repas aéroport 107,50 60,87 Per diem 5000 5000
Total nourriture 5107,50 5060,87
Divers:
Téléphone 70 54,72 Guide 35 36,70 Assurances 305 304,12 Cadeaux 200 189,36
Total divers: 610 584,90
Activités culturelles:
Méharée (excursion) 700 599,08 Autres activités 200 42,09
Total activités: 900 641,17
Imprévus:
300 85,51
Indemnité forfaitaire 1080,00
Total imprévus: 300 1165,51
Total mission 14682,50 14983,19
69
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