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N O 1 – Mai 2012 Responsabilité médicale En bref 430, rue St-Pierre, Montréal (Québec) H2Y 2M5 Téléphone : (514) 842-3937 Télécopieur : (514) 842-7144 © LES ÉDITIONS YVON BLAIS TOUTES REPRODUCTION OU DIFFUSION INTERDITE SANS AUTORISATION ISSN : 1929-4743 EN MANCHETTE CHRONIQUE Diag- nos- tic-du-cancer-et-responsabilité-médicalepar M e  Jean-Pierre Ménard L’auteur traite de la responsabilité des différents intervenants en cas de faute de diagnostic de cancer, de diagnostic erroné et de non-divulgation de l’infor- mation. p. 2 JURISPRUDENCE MacMillan c. Abbott-Laboratories, EYB 2012-205512 (C.S., 16 avril 2012) La demande d’autorisation d’exercer un recours collectif contre les fabri- cants des médicaments commercialisés sous les noms de Meridia® et Apo- Sibutramine est refusée. p. 8 Watters v. White, EYB 2012-201989 (C.A., 9 février 2012) Un médecin, ayant diagnostiqué une maladie neurologique héréditaire chez un enfant en 1971, n’avait pas l’obligation d’informer les membres de la parenté du risque qu’ils avaient de transmettre la maladie à leurs enfants. p. 11

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NO 1 – Mai 2012

Responsabilité médicale

En bref

430, rue St-Pierre, Mont réal (Québec) H2Y 2M5 Téléphone : (514) 842-3937 Télécopieur : (514) 842-7144

© LES ÉDITIONS YVON BLAIS TOUTES REPRODUCTION OU DIFFUSION INTERDITE SANS AUTORISATION ISSN : 1929-4743

EN MANCHETTECHRONIQUE

Diag­nos­tic­du­cancer­et­responsabilité­médicale, par Me Jean-Pierre Ménard

L’auteur traite de la responsabilité des différents intervenants en cas de faute de diag nos tic de cancer, de diag nos tic erroné et de non-divulgation de l’infor-mation. p. 2

JURISPRUDENCE

MacMillan c. Abbott­Laboratories, EYB 2012-205512 (C.S., 16 avril 2012)

La demande d’autorisation d’exercer un recours collectif contre les fabri-cants des médicaments commercialisés sous les noms de Meridia® et Apo- Sibutramine est refusée. p. 8

Watters v. White, EYB 2012-201989 (C.A., 9 février 2012)

Un médecin, ayant diagnostiqué une maladie neurologique héréditaire chez un enfant en 1971, n’avait pas l’obligation d’informer les membres de la parenté du risque qu’ils avaient de transmettre la maladie à leurs enfants. p. 11

2 Reproduction ou diffusion interdite

Résumé

L’auteur­traite­de­la­responsabilité­des­différents­inter­venants­en­cas­de­faute­de­diag­nos­tic­de­cancer,­de­diag­nos­tic­erroné­et­de­non­divulgation­de­l’information.

INTRODUCTION

Le cancer occupe une place importante dans le système de santé. Selon la Société canadienne du cancer, 46 500 nou-veaux cas ont été diagnostiqués au Québec en 2011, et plus de 20 100 personnes en décéderont. Environ deux Cana-diens sur cinq en souffriront un jour ou l’autre. Parmi les nouveaux cas, 88 % sont diagnostiqués chez les 50 ans et plus. Selon la Société canadienne du cancer, le nombre de nouveaux cas de cancer continuera de croître de façon sou-tenue en raison du fait que la population canadienne aug-mente et vieillit1.

La médecine a fait des progrès considérables depuis plu-sieurs années dans la lutte contre le cancer. Les taux de succès ne cessent de s’améliorer. Les progrès en matière de connaissances médicales, de technologies, de techniques d’intervention et de médication ont tous contribué à ces progrès. En raison de tous ces facteurs, et surtout de cette très grande activité médicale et hospitalière à l’égard du cancer, il ne faut pas se surprendre de retrouver de nom-breuses situations où la responsabilité médicale ou hospi-talière a été mise en cause. Parmi ces situations, les litiges relatifs au diag nos tic sont les plus fréquents. Il est en effet unanimement reconnu que la précocité du diag nos tic est un facteur déterminant pour le traitement et la survie du cancer, tout délai pouvant entraîner, s’il s’avère moindre-

* Me Jean-Pierre Ménard, Ad. E. est un associé du cabinet Ménard Martin. Il se spécialise en droit médical, plus particulièrement en responsabilité civile médicale et en psychiatrie légale, dans la défense des usagers du système de santé.

1. Voir le site Internet de la Société canadienne du cancer : www.cancer.ca.

ment long, des conséquences sur le pronostic de survie et l’ampleur du traitement dans la plupart des cas de cancer2.

Le traitement du cancer n’est pas l’apanage d’une spécialité médicale particulière. Du point de vue juridique, plusieurs spécialités médicales sont reconnues pour traiter un aspect ou l’autre de cette condition, mais l’ensemble des médecins cliniciens, peu importe leur spécialité, peut être appelé à investiguer, à suivre ou à traiter un tel cas.

I – LA FAUTE DE DIAG NOS TIC

La faute de diag nos tic peut prendre de nombreuses formes. Elle obéit aux règles générales de l’erreur de diag nos-tic3. Ainsi, la loi n’impose pas l’infaillibilité au médecin à cet égard. Ce dernier peut se tromper de diag nos tic sans pour autant commettre une faute. Aux fins de détermi-ner le caractère fautif ou non d’une démarche diagnosti-que, il faut évaluer si le médecin a fait une investigation appropriée (histoire, examens, tests et consultation), s’il a interprété correctement ces données et s’il a contrôlé le diag nos tic. Cette analyse s’effectue dans le cadre d’une obligation de moyens, en se demandant ce qu’un médecin raisonnablement prudent, compétent et diligent aurait fait en semblables circonstances. La norme du comportement attendu du spécialiste sera plus élevée que celle attendue du généraliste.

Le diag nos tic de cancer est généralement le résultat de la collaboration de plusieurs médecins. Il y a d’abord le méde-cin traitant, qui peut être un généraliste ou un spécialiste. On retrouve par la suite d’autres spécialistes qui peuvent être impliqués de diverses manières dans la démarche diag-nostique, soit un radiologiste qui interprète les documents d’imagerie médicale, puis un chirurgien ou autre spécialiste qui prélèvera les tissus pour fins de biopsie, et, enfin, un pathologiste qui analysera les tissus prélevés. La détermi-nation de la responsabilité à la suite d’un diag nos tic erroné pose des difficultés importantes. Il faut examiner le travail de chaque intervenant.

II – LE MÉDECIN TRAITANT

Le médecin traitant, peu importe sa spécialité, joue un rôle central dans l’élaboration du diag nos tic. Nous en retrou-vons un bon exemple dans la décision récente Émond c. Benhaim4. Dans cette affaire, un homme est suivi depuis quelques années par le docteur Benhaim, son médecin de

2. Certains types de cancer donnent encore aujourd’hui peu de chance aux patients de s’en tirer, dès lors qu’ils sont diagnos-tiqués. Le délai de diag nos tic n’aura alors pas de conséquence physique pour ces patients. Cela ne signifie pas qu’ils n’auront pas de dommages psychologiques en raison du délai.

3. Pour une analyse plus détaillée, voir Jean-Pierre MÉNARD, « L’erreur de diag nos tic : fautive ou non fautive », dans Déve­loppements­récents­en­responsabilité­médicale­et­hospita­lière, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 347, EYB-2005DEV1071.

4. Émond c. Benhaim, 2011 QCCS 4755, SOQUIJ AZ-50785409, EYB 2011-195528.

Diag nos tic du cancer et responsabilité médicale

Me JEAN-PIERRE MÉNARD*Avocat

CHRONIQUE

Reproduction ou diffusion interdite 3

famille. En 2005, lors d’une évaluation annuelle, il ques-tionne le médecin sur l’opportunité de subir une colonos-copie. Bien qu’il ne présente aucun symptôme ou problème de nature pulmonaire, le docteur Benhaim lui propose une radiographie pulmonaire. La radiographie est prise le jour même à la clinique et elle est interprétée par le docteur Donovan, radiologiste d’expérience.

Une semaine plus tard, le patient revoit son médecin de famille, qui lui explique, selon la version du patient, que la radiographie ne révélait qu’un « morceau de chair » sans conséquence. Le médecin n’avait pas à ce moment le rap-port écrit du radiologiste. Or, ce dernier signalait la présence d’une opacité d’étiologie incer-taine de 1,5 à 2 centimètres dans la partie supérieure du poumon droit. Il suggérait que les films antérieurs soient obtenus aux fins de compa-raison ou, sinon, qu’une tomoden-sitométrie (scan) soit faite.

Le médecin de famille ne demande pas les radiographies antérieures, bien qu’elles soient disponibles, et pres-crit une nouvelle radiographie qui sera réalisée environ deux mois après la radiographie initiale. Le même radio-logiste interprète la radiographie pulmonaire et confirme le nodule vu antérieurement, sans autre changement. Il suspecte une lésion chronique et recommande un suivi dans quatre mois.

Sur réception du rapport, l’infirmière du docteur Benhaim communique avec le patient pour l’informer que les résul-tats sont normaux, bien que le dossier du médecin fasse mention d’un résultat anormal. Le dossier du médecin fait état de l’appel de l’infirmière. Le médecin témoigne avoir rappelé le patient deux semaines plus tard pour lui rappeler le suivi dans quatre mois, mais aucune note au dossier ne fait mention de cet appel. Le patient confirme la conversa-tion avec le docteur Benhaim, mais soutient que ce dernier a tenu des propos rassurants et n’a jamais parlé de rendez-vous dans quatre mois.

Le patient revient à la clinique le 4 décembre 2006 pour son rendez-vous annuel. Une nouvelle radiographie pul-monaire est prescrite par le docteur Benhaim et inter-prétée par le même radiologiste. Comme la lésion vue en novembre 2005 a progressé, le radiologiste suspecte une néoplasie (cancer). Le patient est alors envoyé rapide-ment à d’autres spécialistes qui diagnostiquent un cancer du poumon de stade IV, incurable. Il décède peu après le dépôt de sa poursuite.

Après voir entendu la preuve, le tribunal retient la respon-sabilité du médecin généraliste, le docteur Benhaim, et du radiologiste, le docteur Donovan, pour une faute de diag-nos tic. Nous traiterons plus loin de la faute du radiologiste.

Le caractère fortuit de la découverte du nodule n’allégeait pas l’obligation du docteur Benhaim comme médecin trai-tant. Ainsi, une fois informé de la présence d’une opacité au poumon de son patient, il ne pouvait l’ignorer. Il se devait alors, selon le témoignage de tous les experts, de comparer les films antérieurs comme l’avait suggéré le radiologiste. Le tribunal retient ici que le médecin a manqué à son obliga-tion de moyens, d’autant plus qu’aucune explication vala-ble n’a été apportée pour justifier qu’il soit passé outre à

la recommandation du radiologiste. Cela lui aurait permis d’écarter l’hypothèse de la lésion chronique suggérée par ce dernier.

Comme médecin généraliste, il avait l’obligation de ques-tionner le rapport du radiologiste et, s’il n’en comprenait pas la portée, d’en discuter avec ce dernier. Il n’a rien fait de tel. En ne comparant pas les films antérieurs et en ne prescrivant pas la tomodensitométrie suggérée par le radio-logiste, le docteur Benhaim a fait preuve, selon le tribu-nal, de laxisme et de négligence susceptibles d’engager sa responsabilité. S’il n’était pas en mesure d’interpréter les résultats ou d’assurer le suivi requis, il devait, communi-

quer avec le radiologiste pour saisir les enjeux du rapport ou diriger le patient vers un spécialiste, comme il l’a fait l’année suivante. Le fait qu’il soit un généraliste et non un pneumologue ou un oncologue ne

peut suffire à l’exonérer. En l’absence de note au dossier en ce sens, le tribunal ne croit pas le témoignage du méde-cin selon lequel il a suggéré à monsieur Émond un contrôle dans quatre mois.

Il faut donc retenir qu’en matière de cancer, la responsabi-lité du médecin traitant est lourde. Il doit porter attention à toute anomalie et investiguer au degré suffisant pour conclure à son caractère inoffensif. Le défaut de le faire est généralement considéré comme fautif. Il n’appartient pas au patient de prouver à son médecin qu’il a le cancer. Il appartient plutôt au médecin de prouver au patient qu’il n’a pas le cancer dès lors qu’une anomalie est détectée. La jurisprudence en ce sens est constante. Nous pouvons affir-mer que celle-ci met de l’avant le principe qu’une anoma-lie suspecte doit être présumée cancéreuse jusqu’à preuve du contraire par le médecin.

Une autre cause un peu plus ancienne implique un méde-cin qui n’avait pas porté attention à une anomalie. Dans l’affaire Stunell c. Pelletier5, une patiente enceinte consulte le défendeur gynécologue. Elle lui demande de lui enle-ver un grain de beauté sur la fesse pour une raison esthé-tique. Il accepte de le faire au moment de l’accouchement et demande à la patiente de le lui rappeler. L’accouche-ment est difficile et le grain de beauté n’est pas enlevé. Le défendeur assure le suivi auprès de la patiente pour deux autres grossesses par la suite, dont la première des deux s’est terminée par une fausse couche. Lors de la deuxième grossesse, la patiente se plaint de fortes douleurs au dos et aux jambes que le défendeur attribue à la grossesse. Vers la fin de sa grossesse, la patiente est hospitalisée d’urgence. On accouche d’urgence son bébé par césarienne et la mère décède quelques jours plus tard d’un mélanome avec métas-tases ganglionnaires.

La Cour retient la responsabilité du médecin gynécologue car il a omis de consigner les renseignements pertinents dans le dossier et il n’a ni informé sa patiente des dangers potentiels que présentait le grain de beauté ni de la néces-sité d’en surveiller l’évolution.

5. Stunell c. Pelletier, SOQUIJ AZ-99022081, EYB 1999-15091.

Il faut donc retenir qu’en matière de cancer, la responsabilité du médecin traitant est lourde.

4 Reproduction ou diffusion interdite

Dans l’affaire Labonté c. Tanguay6, le juge retient comme fautive l’omission du chirurgien d’avoir prescrit une colo-noscopie rapide après une intervention chirurgicale dont les analyses microscopiques laissaient planer des doutes de cancer. L’action a été rejetée en raison de l’absence de lien causal entre cette faute et le décès.

C’est également pour une insuffisance d’investigation (soit l’omission de faire subir des examens plus approfondis, en l’occurrence des radiographies et une laryngoscopie sous anesthésie générale) que le tribunal retient la responsabi-lité d’un oto-rhino-laryngologiste qui a omis de diagnosti-quer une tumeur cancéreuse du larynx7.

Le médecin traitant n’est pas toujours un généraliste. Dans l’affaire Massinon c. Ghys8, la patiente était prise en charge par un radiologiste, qui agissait à la fois comme médecin traitant et comme radiologiste. Dans cette cause, la patiente a fait l’objet d’un délai de diag nos tic de la part du défen-deur, dont le travail a été considéré comme fautif. Plus particulièrement, la Cour retient 10 reproches contre le défendeur, dont la majorité en sa qualité de médecin trai-tant et d’autres en sa qualité de radiologiste.

Comme médecin traitant, la Cour lui reproche d’avoir ignoré le caractère suspect de l’examen clinique, alors qu’il avait palpé une masse au sein qui n’existait pas quelques mois aupa-ravant. Le caractère « assez dur » de la masse en augmentait la suspicion de cancer. La Cour reproche également au médecin de ne pas avoir effectué un examen clinique de la masse conforme aux règles de l’art, l’examen devant s’effectuer alors que la patiente est en position couchée plutôt qu’en position debout, comme l’a fait le défendeur. L’examen du médecin était également incomplet en ce que les lésions mention-nées ne faisaient l’objet d’aucun détail quant à leurs dimen-sions, leur contour et leur emplacement.

L’affaire Fisch c. St­Cyr9 traite également de la responsa-bilité du médecin traitant dans le diag nos tic de cancer, notamment à l’égard de l’attention particulière qu’il doit porter aux plaintes formulées par la patiente. Ainsi, le médecin n’est pas tenu d’entreprendre une investigation lorsqu’aucune plainte n’est rapportée par le patient. De plus, lorsque la plainte est trop générale, il peut se conten-ter d’un simple suivi ou de confier la patiente à son méde-cin traitant, si ce n’est pas déjà ce dernier qui la suit.

Il en est autrement lorsque la plainte devient plus précise. Le médecin doit alors porter attention aux interrogations du patient. Dans l’arrêt Fisch, la demanderesse est victime d’un retard de diag nos tic de cinq mois pour lequel, par son manque de transparence sur ses réelles inquiétudes, sa res-ponsabilité est engendrée. Cependant, la Cour conclut que le docteur Bouchard, gynécologue, a manqué à son devoir

6. Labonté c. Tanguay, 2001 CanLII 16438 (QC CS) AZ 50108143, EYB 2002-30030, appel rejeté, C.A. Québec, 200-09-003822-019, 2 juin 2003, REJB 2003-42896.

7. Côté c. Larouche, SOQUIJ AZ-01021202, J.E. 2001-476, [2001] R.R.A. 192, REJB 2001-22320.

8. Massinon c. Ghys, SOQUIJ AZ-96021712, J.E. 96-1713, [1996] R.J.Q. 2258, [1996] R.R.A. 1234 (rés.), REJB 1996-30352.

9. Fisch c. St­Cyr, 2005 QCCA 688 (CanLII), EYB 2005-93221.

de prudence et de suivi en ne cherchant pas à connaître les inquiétudes de sa patiente. Bien que l’âge et l’absence de masse au sein de la demanderesse aient donné à croire qu’il n’y avait rien d’anormal, les plaintes de douleur de cette der-nière auraient dû faire l’objet d’une plus grande attention.

En ce qui a trait au gynécologue traitant, soit la docteure Fisch, la Cour lui reproche également un manque de com-munication, mais aussi d’avoir contrevenu aux règles de l’art en ce qu’elle n’a pas consulté les notes prises par le docteur Bouchard avant de poser elle-même un diag nos tic. Bien qu’elle se soit défendue en affirmant qu’il s’agit d’un moyen pour elle de ne pas se laisser biaiser par l’opinion de ses collègues, la Cour a tout de même conclu à un manque de diligence de sa part. La Cour a retenu la responsabilité des deux gynécologues, tout en attribuant une partie de celle-ci à la demanderesse. La Cour d’appel a réduit de 2/3 à 1/3 la part supportée par la demanderesse, tout en concluant que le délai de diag nos tic n’a pas causé de séquelles phy-siques à la patiente.

Dans l’investigation du cancer, le médecin traitant doit faire appel à d’autres spécialistes. Le radiologiste est le plus fré-quemment impliqué. Il sera appelé à faire passer au patient des examens d’imagerie médicale de diverses natures (radio-

graphies, échographies, imagerie par résonance magné tique (IRM), tomo den sitométrie (scan)) et à les interpréter.

III – LE RADIOLOGISTE

Le médecin traitant qui a sollicité l’examen par un radio-logiste est en droit de se fier sur ce dernier, à moins qu’il n’ait lui-même les connaissances et l’information adéqua-tes pour écarter l’opinion de ce dernier ou ne pas avoir à en tenir compte. Le radiologiste n’est pas le médecin traitant, mais il joue un rôle important dans le diag nos tic. Il peut ainsi suggérer des diag nos tics, bien que le diag nos tic final de cancer ne soit jamais un diag nos tic d’imagerie médicale, mais plutôt le résultat d’une biopsie. Le radiologiste ne suit pas le patient, mais il peut faire des recommandations que le médecin traitant aurait intérêt à suivre à moins qu’il soit en mesure de les écarter.

Le radiologiste a une obligation de moyens. Son rôle dans la démarche diagnostique se situe surtout dans l’interpréta-tion des images. Il n’est pas tenu à l’infaillibilité, mais il doit interpréter les données d’imagerie médicale comme le ferait un radiologiste raisonnablement prudent, compétent et diligent. Si des films antérieurs lui sont disponibles, la com-paraison s’impose. Plus un élément d’imagerie a un carac-tère suspect, plus la précision diagnostique sera de rigueur.

L’affaire Benhaim10 implique aussi la responsabilité du radio-logiste. Appelé à interpréter une deuxième radiographie simple après avoir constaté lors d’une première l’appari-tion d’un nodule, le docteur Donovan, radiologiste, omet de mentionner le risque d’un processus néoplasique (cancer) alors qu’il craignait qu’un tel processus soit déjà enclenché. Le tribunal retient qu’il a commis une faute en proposant une radiographie de contrôle seulement quatre mois plus tard. De plus, le risque d’un cancer était augmenté par le

10. Précitée, note 4.

Dans l’investigation du cancer, le médecin traitant doit faire appel à d’autres spécialistes.

Reproduction ou diffusion interdite 5

fait qu’il s’agissait d’un nodule unique dans un lobe supé-rieur du poumon. Ce geste fautif aura contribué à rassurer faussement le docteur Benhaim dans son évaluation du cas.

La responsabilité du radiologiste a également été étudiée dans l’affaire Massinon c. Ghys11, où ce dernier agissait à la fois comme médecin traitant et comme radiologiste. Parmi les 10 fautes retenues contre le défendeur, plusieurs impli-quaient l’erreur de diag nos tic du radiologiste spécialisé en cancer du sein. Ainsi, à titre de radiologiste, la Cour lui reproche les éléments suivants :

a) un examen incomplet du sein gauche, qui se limitait à une seule incidence latérale oblique, alors qu’il aurait fallu une deuxième incidence supéro-infé-rieure ;

b) l’absence d’examen mam-mographique du sein droit ;

c) l’omission de comparer les images mammographiques ;

d) négligence du caractère indirect de malignité en ne faisant qu’une seule incidence ;

e) l’omission de procéder à un examen mammographi-que complet ;

f) l’attribution d’une valeur diagnostique à des examens négatifs non reconnus, tels que la thermographie et la diaphanoscopie, tests encore expérimentaux dont la valeur diagnostique n’est pas établie ;

g) l’échec de la kystographie, tant à l’égard de l’incer-titude du produit injecté que de la technique même de réalisation de l’examen.

IV – LE PATHOLOGISTE

Le pathologiste joue un rôle déterminant dans le diag nos-tic du cancer. La règle d’or pour confirmer ou infirmer un diag nos tic de cancer repose en effet sur l’interprétation des tissus par le pathologiste. Comme pour le radiologiste, l’infaillibilité n’est pas la norme légale : le pathologiste doit interpréter les prélèvements comme l’aurait fait, en sem-blables circonstances, un pathologiste raisonnablement pru-dent, compétent et diligent.

Dans une décision rendue tout récemment, soit Shubak c. Ferenczy12, la Cour retient la responsabilité d’un patholo-giste et d’un chirurgien pour l’exérèse inutile d’un poumon.

Dans cette cause, la Cour retient comme fautif le fait, pour le pathologiste, d’avoir procédé à une analyse incomplète d’un prélèvement, soit une cytologie, sans effectuer d’étu-des d’application de tests immunohistochimiques, tests qui étaient disponibles et requis par les règles de l’art, et de ne pas avoir considéré un diag nos tic différentiel. Le diag-nos tic initial du défendeur, soit un cancer épidermoïde du poumon, impliquait une chirurgie majeure, soit l’enlève-ment du poumon, alors que le bon diag nos tic, qui se fait à partir de l’ensemble des tests décrits ci-dessus, était celui d’un lymphome, qui se traite sans chirurgie, par une chimio-thérapie. Connaissant les conséquences graves de son pre-

11. Massinon c. Ghys, précitée, note 8.12. C.S. Mont réal, 500-17-042523-087, 9 mai 2012 (j. Kevin Downs),

EYB 2012-206258.

mier diag nos tic, le défendeur se devait, selon la Cour, de redoubler de prudence, d’autant plus qu’il n’y avait pas d’urgence.

La responsabilité du pathologiste ne se limite pas à la seule interprétation des prélèvements. Il faut également que la documentation générée au laboratoire de pathologie soit traitée rigoureusement.

Dans l’affaire Goupil c. Centre­hospitalier­universitaire­de­Québec13 une résidente en pathologie intervertit par inad-vertance les feuilles de réquisition de la demanderesse, âgée de 46 ans, avec celle d’une autre patiente. Le rapport signé par le pathologiste indique chez la demanderesse un cancer qui amènera le chirurgien à pratiquer une exen-tération pelvienne. Ce dernier se rend compte de l’erreur

lors de la chirurgie et interrompt sa procédure. La Cour retient la res-ponsabilité du pathologiste pour l’erreur de sa résidente, car il a failli à son obligation de supervision et

de vérification, démontrant du même coup son manque de diligence.

Nous avons examiné ci-dessus un ensemble de situations impli-quant des fautes générant un délai de diag nos tic de cancer. C’est toujours le développement subséquent du cancer qui en permet ultérieurement le diag nos tic, avec souvent des consé-quences tragiques pour le patient et ses proches.

Nous retrouvons aussi en jurisprudence l’inverse de cette situation. Il est sera en effet ainsi lorsque le diag nos tic de cancer se révèle erroné parce que le patient n’en meurt pas ou que son état n’évolue pas comme il le devrait.

V – LE DIAG NOS TIC ERRONÉ DE CANCER

Le diag nos tic erroné d’un cancer a des conséquences consi-dérables. Le patient recevra des traitements inutiles, allant des procédures chirurgicales à la radiothérapie ou à la chimiothérapie. Ces traitements administrés sans motif peu-vent avoir des répercussions considérables non seulement psychologiques, en raison de la peur de mourir, mais aussi physiques, comme conséquence des traitements.

Dans l’affaire Cloutier­Cabana c. Rousseau14, la patiente consulte le docteur Leclerc le 31 juillet 1995, après avoir ren-contré un dermatologue, afin de procéder à une série d’exa-mens préopératoires visant à l’exérèse d’un mélanome malin au mollet gauche. Entre-temps, elle se présente à l’urgence pour des céphalées persistant depuis deux semaines. À la suite des examens entrepris afin de trouver la source de ses céphalées, la docteure Rousseau, neurologue de garde, en vient à la conclusion que la patiente est atteinte d’un cancer se manifestant par trois métastases au cerveau et qu’il lui reste au plus six mois à vivre. La patiente suivra plusieurs trai-tements de radiothérapie afin de pallier sa douleur. Quel-ques trois mois plus tard, un « scan » cérébral révèle qu’en fait, elle ne souffre pas de métastases, mais plutôt d’anévris-mes géants. Mme Cloutier-Cabana reproche aux défendeurs

13. Goupil c. Centre­hospitalier­universitaire­de­Québec, SOQUIJ AZ-01021806, REJB 2001-25337.

14. Cloutier­Cabana c. Rousseau, 2008  QCCS  3513, SOQUIJ AZ-50505957, J.E. 2008-1738, [2008] R.R.A. 713, EYB 2008-142785.

Le pathologiste joue un rôle déterminant dans le diag nos tic du cancer.

6 Reproduction ou diffusion interdite

d’avoir posé un diag nos tic erroné et de lui avoir administré un traitement de radiothérapie contre-indiqué dans les cir-constances. La Cour retient, dans des proportions différen-tes, la responsabilité de la neurologue, du chirurgien et de la radio-oncologue pour le diag nos tic erroné.

Autre exemple de diag nos tic erroné dans l’affaire Bouchard c. D’Amours­et­Rousseau15. Dans cette affaire, le docteur D’Amours annonce au patient qu’il souffre d’un cancer du foie qui ne lui laisse que quelques mois à vivre. Le patient reçoit alors de la morphine qui est augmentée graduel-lement jusqu’à l’annonce de l’erreur de diag nos tic. Il en subit des séquelles psychologiques importantes. Le tribu-nal retient que, bien que le médecin ait été en droit d’avoir certains doutes sur la possibilité d’un cancer du foie, il se devait d’effectuer d’autres examens avant de conclure à l’existence de métastases hépatiques.

Par contre, dans l’affaire Desjardins c. Jodoin16, le tribunal n’a pas retenu la responsabilité du radiologiste. Étant victime de douleurs abdominales, de nausées et de vomissements, la demanderesse subit une tomodensitométrie abdominale et pelvienne dont les résultats, interprétés par le docteur Jodoin, radiologiste, l’amènent à considérer deux diag nos-tics possibles. Sur la base de son rapport, le chirurgien trai-tant a procédé à une laparotomie exploratoire qui a révélé l’absence des lésions cancéreuses suspectées. À la suite du diag nos tic erroné ayant amené à une chirurgie inutile, la deman-deresse a fait une réclamation en dommages-intérêts qui a été reje-tée par la Cour.

En effet, comme discuté précédemment, la faute se démar-que de l’erreur en ce qu’elle doit faire état de la négligence du professionnel. Dans le cas du radiologiste, seule une interprétation inconcevable appuyant le manque de dili-gence et prouvant que le professionnel n’a pas utilisé tous les moyens mis à sa disposition afin d’arriver à une inter-prétation juste des clichés peut laisser croire à une faute de sa part engendrant ainsi sa responsabilité.

VI – LA NON-DIVULGATION DE L’INFORMATION

Une deuxième source de responsabilité à l’égard du diag-nos tic concerne la divulgation des résultats. Tout le proces-sus diagnostique vise en effet à déterminer si l’anomalie suspectée est cancéreuse ou non. C’est la responsabilité du médecin d’obtenir ce résultat et de le divulguer à son patient en temps utile. Il faut que les médecins impliqués s’entendent entre eux pour s’assurer que le résultat soit communiqué au patient dans les meilleurs délais.

Dans l’affaire Laferrière c.­Lawson17, la Cour suprême du Canada retient la responsabilité du chirurgien qui procède à la biopsie-exérèse d’une masse au sein qui se révélera can-céreuse. Il n’en communique jamais le résultat à sa patiente, ce qui aura pour résultat que cette dernière n’apprendra que quatre ans plus tard que la masse était cancéreuse lors

15. Bouchard c. D’Amours, SOQUIJ AZ-99021149, J.E. 99-302, [1999] R.R.A. 107, AZ 990-21149, REJB 1998-09908, appel rejeté, C.A. Québec, 200-09-002409-990, 30 avril 2001, REJB 2001-23794.

16. Desjardins c. Jodoin, 2009 QCCQ 7991, SOQUIJ AZ-50574838, EYB 2009-163764.

17. Laferrière c. Lawson, SOQUIJ AZ-91111039, J.E. 91-538, [1991] R.R.A. 320 (rés.), [1991] 1 R.C.S. 541, EYB 1991-67747.

de la biopsie. Malheureusement, cette information ne lui est communiquée qu’au moment où elle est atteinte d’un cancer généralisé qui l’emportera. Bien que la Cour ait rejeté la perte de chance comme base d’indemnisation au motif d’absence de preuve que l’évolution de la maladie aurait été en toute probabilité différente si la patiente avait su plus tôt que la masse était cancéreuse, elle lui a tout de même accordé des dommages moraux pour sanc-tionner la non-divulgation du diag nos tic par le chirurgien.

Un autre exemple reflétant l’importance d’une bonne com-munication entre le patient et son médecin traitant se présente dans l’arrêt Kiley­Nikkel c. Danais18. Se fiant aux analyses d’un pathologiste, le docteur Danais, le docteur Brown procède à l’ablation du sein gauche de sa patiente. Quelques jours plus tard, soit le 6 janvier 1982, l’analyse des coupes, faite par le docteur Bilodeau, révèle que les cellu-les constituant la masse que la patiente avait dans son sein n’étaient pas cancéreuses. Ce nouveau diag nos tic sera abordé en août de la même année par le docteur Bonenfant dans une lettre ouverte, mais ne sera lu par la demanderesse que le 3 mars 1988, soit un peu plus de six ans plus tard. Pendant ces six années, il appert que le docteur Brown ne divulgue pas à sa patiente les résultats des analyses. Il allègue pour sa part avoir fait part de l’erreur à la patiente, qui aurait réagi de manière plutôt calme vu les circonstances. La Cour retient que

la réaction de la patiente ne peut que confirmer que celle-ci n’avait pas bien compris l’information. Elle retient également que le docteur Brown a tout mis en œuvre pour que cette erreur soit oubliée. Elle

conclut que la conduite de ce dernier était fautive et enga-geait sa responsabilité.

CONCLUSION

En résumé, les principes à retenir de l’examen de la jurispru-dence en matière de diag nos tic de cancer sont les suivants :

- Toute suspicion de cancer exige, de tous les médecins impli-qués, une grande prudence dans l’établissement du diag-nos tic.

- Toute anomalie suspectée de cancer doit être traitée comme une présomption de cancer, à charge pour le méde-cin de prouver qu’il n’y a pas de cancer.

- Le diag nos tic de cancer est une démarche multidiscipli-naire qui implique, selon le cas, plusieurs spécialités, chaque intervenant engageant sa propre responsabilité.

- Chacun des médecins impliqués est en droit de se fier aux autres intervenants, sauf s’il est en mesure de s’apercevoir de l’erreur ou des constats erronés de l’autre intervenant.

- Le diag nos tic doit être divulgué au patient. S’il comporte des incertitudes, le patient doit en être averti.

- Toute erreur de diag nos tic doit être divulguée au patient dès lors qu’elle est constatée.

18. Kiley­Nikkel c. Danais, SOQUIJ AZ-92021613, J.E. 92-1651, [1992] R.J.Q. 2820, [1992] R.R.A. 939 (rés.), EYB 1992-83995.

En effet, comme discuté précédemment, la faute se démarque de l’erreur en ce qu’elle doit faire état de la négligence du professionnel.

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EYB 2012-205403

Cour d’appel

Perreault c. McNeil PDI inc.

200-09-007173-104 (approx. 21 page(s))

19 avril 2012

Décideur(s)

Dutil, Julie ; Gagnon, Guy ; Wagner, Richard

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge É. Parent) ayant rejeté une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif. REJETÉ.

Indexation

RECOURS COLLECTIF ; AUTORISATION ; JUGEMENT D’AUTORISATION ; PROCÉDURE CIVILE ; APPEL ; FAITS ALLÉGUÉS JUSTIFIANT LES CONCLU-SIONS RECHERCHÉES ; PROTECTION DU CONSOMMATEUR ; PRATIQUES DE COMMERCE ; PRATIQUES INTERDITES ; REPRÉSENTATIONS FAUSSES OU TROMPEUSES ; OMISSION DE RÉVÉLER UN FAIT IMPORTANT ; RECOURS CIVILS ; DOMMAGES-INTÉRÊTS PUNITIFS (DOMMAGES EXEMPLAIRES) ; STATUT DE REPRÉSENTANT

Résumé

L’appelante s’est vu refuser l’autorisation d’exercer un recours collectif contre les compagnies pharmaceutiques intimées. Elle souhaite exercer contre ces compagnies un recours fondé principalement sur la Loi sur la protection du consommateur, et ce, au nom de toutes les personnes ayant été parents, gardiens ou tuteurs légaux d’au moins un enfant âgé de six ans et moins et ayant acheté au Canada, à l’exclusion de la Colombie-Britannique , au moins un médicament destiné à des enfants de moins de six ans, inclus dans la liste produite avec la requête, qui est fabriqué, produit, commercialisé ou dis-tribué par une des intimées. En appel, l’appelante a précisé qu’elle souhai-tait maintenant limiter la composition du groupe aux résidants du territoire du Québec. De plus, elle abandonne sa réclamation de dommages-intérêts compensatoires. Seuls le remboursement du coût des médicaments qu’elle a achetés vers le 1er octobre 2007 et la condamnation à des dommages-intérêts punitifs demeurent en litige.

Pour les raisons qui suivent, la Cour est d’avis de rejeter le pourvoi.

Avant de se pencher sur la question de savoir si le juge de première instance a erré dans son analyse des sous-paragraphes a) et b) de l’article 1003 C.p.c., il convient de faire deux remarques préliminaires au sujet de situations qui, bien qu’elles n’aient pas été abordées par le juge de première instance, consti-tuent des irritants à l’obtention de l’autorisation recherchée par l’appelante. La première difficulté résulte du silence même de la procédure concernant le médicament « Tylenol rhume pour nourrissons », mis en marché par l’intimée McNeil PDI inc. Il est admis que ce médicament est l’un des médicaments que l’appelante s’est procurés dans la semaine du 1er octobre 2007. Malgré cela, elle ne l’a pas inclus dans la liste de produits dénoncés dans sa requête pour autorisation. Puisqu’il est précisé dans cette requête que les conclu-sions recherchées ne concernent que les médicaments visés par la requête et qu’aucun autre médicament de la liste n’est mis en marché par McNeil, force est de conclure que le recours dirigé contre cette intimée est voué à l’échec à sa face même. L’autre difficulté touche l’intimée Wyeth Soins de santé inc., laquelle fabrique et commercialise les médicaments Dimetapp pour enfants. L’appelante a été informée lors de l’audition en première ins-tance de l’existence du programme de remboursement volontaire mis en place par cette intimée à l’automne 2007. Même si l’appelante réclamait en première instance le remboursement du coût du produit Dimetapp qu’elle s’était procuré dans la semaine du 1er octobre 2007, elle a informé le juge qu’elle ne souhaitait pas se prévaloir de ce programme. Vu le coût modi-que du produit, la règle de la proportionnalité l’invitait pourtant à considé-

rer sérieusement cette option avant de décider d’exercer un recours collectif recherchant le remboursement du coût du produit en cause.

L’appelante soutient que le juge de première instance a erré dans son ana-lyse des conditions prévues par le sous-paragraphe b) de l’article 1003 C.p.c. Elle admet pourtant, tant pour elle-même que pour ses enfants, n’avoir subi aucun dommage de l’utilisation des médicaments litigieux. Cette reconnais-sance soulève à elle seule des interrogations sur la capacité de l’appelante à former valablement une demande en justice. Celle-ci allègue cependant agir en vertu de la Loi sur la protection du consommateur. Il est vrai que, en présence d’un manquement d’un fabricant à l’une des obligations que lui impose la LPC, le consommateur bénéficie d’une présomption absolue de préjudice. L’existence d’une pratique interdite par la LPC constitue en soi un dol démontré au sens de l’article 1401 C.c.Q. Toutefois, il va de soi que, pour profiter de la force de cette présomption et revendiquer le droit de béné-ficier de l’une des mesures de redressement prévues par l’article 272 LPC, il faut d’abord faire la preuve d’une atteinte à la LPC. L’appelante soutient d’abord que les intimées ont fait des représentations trompeuses concernant la dangerosité de leurs produits. Plus précisément, ils auraient commis un dol par omission en négligeant d’informer les consommateurs sur les dangers inhérents à la consommation de leurs produits. La demande se fonde indis-tinctement sur la présomption simple de dol contenue à l’article 253 LPC et sur l’article 272 LPC. Par contre, l’appelante n’allègue pas avoir été induite en erreur par le contenu des étiquettes accolées aux produits des intimées. Elle n’allègue pas non plus que l’information contenue sur ces étiquettes est insuffisante pour prévenir les personnes responsables d’administrer ces médicaments du danger lié au non-respect de la posologie établie. Elle ne prétend pas non plus que l’information associée aux produits litigieux n’est pas conforme à la réglementation ou aux directives de Santé Canada. Bref, elle ne démontre pas prima facie la dangerosité des produits des intimées, lorsque consommés par des enfants de moins de six ans. Sa seule preuve, concernant l’omission reprochée aux intimées, repose sur trois documents, à savoir l’avis que la Food and Drug Administration des États-Unis (la FDA) a publié le 15 août 2007 et les avis que Santé Canada a publiés les 11 octo-bre 2007 et 18 décembre 2008. La réticence invoquée consisterait en un manquement des intimées au devoir de loyauté et d’information qu’elles ont à l’égard des consommateurs. L’appelante leur reproche d’avoir caché des faits importants concernant leurs produits, faits qui ont été révélés par les autorités américaines et canadiennes dans leurs avis respectifs. Il reste que, lorsqu’on lit les avis litigieux, l’on se rend compte que ceux-ci s’em-ploient uniquement à mettre en garde les utilisateurs des produits destinés aux enfants de moins de six ans contre les risques associés à une consom-mation qui ne respecte pas la posologie prescrite par le fabricant. Absolu-ment rien dans ces avis n’amène à croire que les attributs intrinsèques de ces produits sont nocifs pour la santé des enfants, lorsque consommés selon la posologie prescrite. En somme, ce n’est pas la dangerosité comme telle des produits qui est dénoncée dans ces avis, mais les risques associés à une uti-lisation non conforme aux prescriptions du fabricant. Or, ces risques étaient déjà dénoncés aux consommateurs sur les étiquettes collées sur les produits. Le juge de première instance était donc parfaitement fondé à conclure que les allégations de la requête ne démontrent pas, même de manière prima facie, que les produits achetés par l’appelante étaient objectivement nocifs pour la santé des enfants de moins de six ans lorsque consommés selon les prescriptions du fabricant.

L’appelante soutient que les avis de Santé Canada constituaient néanmoins un signal concret de la dangerosité des médicaments litigieux, ce qui aurait dû inciter les intimées à dénoncer avec plus de diligence les effets possibles d’une surconsommation. D’une part, il a déjà été mentionné que les intimées n’avaient manqué à aucune des obligations que leur impose la LPC. D’autre part, les sentiments d’urgence et de nécessité auxquels l’appelante fait réfé-rence ne se reflètent pas dans la preuve. En effet, Santé Canada a pris huit mois pour délibérer sur la question et, une fois arrivée à son constat, elle a consenti aux fabricants un délai de dix mois pour procéder à un nouvel éti-quetage de leurs produits. Qui plus est, la preuve démontre que, le 10 octo-bre 2007, l’intimée Wyeth a publié une lettre aux consommateurs pour les informer qu’elle retirait volontairement du marché ses produits Dimetapp

JURISPRUDENCE

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pour enfants. L’intimée McNeil a fait de même deux jours plus tard, soit le 12 octobre. Or, le premier avis de Santé Canada a été publié le 11 octobre. Dans ces circonstances, on peut difficilement accuser les intimées de laxisme. À l’instar du juge de première instance, la Cour conclut donc que l’appe-lante n’a pas fait la preuve prima facie que les intimées se sont livrées à des représentations trompeuses ou, encore, qu’elles ont négligé de signaler avec diligence un fait important concernant la sécurité de leurs produits. La pré-somption absolue de dol prévue par l’article 272 LPC n’est donc d’aucun secours à l’appelante.

L’appelante reproche ensuite aux intimés d’avoir fait de fausses représenta-tions concernant l’efficacité de leurs produits. Plus précisément, elle plaide que les intimées ont attribué à leurs produits un avantage particulier en pré-tendant qu’ils étaient efficaces. Il est vrai que, Santé Canada, dans son avis du 11 octobre 2007, manifeste des inquiétudes quant à cet aspect des médi-caments et que, dans son avis du 18 décembre 2008, elle précise que « les données démontrant leur efficacité chez les enfants sont limitées ». Il reste que, malgré cette réserve, Santé Canada a autorisé les fabricants à inscrire sur leurs étiquettes et sur leurs emballages la mention « soulage temporai-rement les symptômes du rhume ». De plus, le fait de détenir des données « limitées » sur l’efficacité d’un produit ne permet pas d’inférer qu’il s’agit là d’une indication sérieuse et concrète que les produits litigieux sont ineffi-caces. À cet égard, l’appelante confond l’absence de preuve relative à l’effi-cacité du produit avec la preuve de son inefficacité. Qui plus est, l’appelante a affirmé devant le juge de première instance que les produits qu’elle a uti-lisés avaient apporté les effets escomptés, soit le soulagement des symptô-mes liés au rhume. Bref, elle a admis que les produits avaient été efficaces et qu’ils n’avaient pas causé de problèmes de santé à ses enfants. Ce second reproche fait aux intimés est donc mal fondé également.

La Cour ajoute que, même si l’appelante avait réussi à démontrer que les intimées avaient commis un ou des manquements à la LPC, la recevabilité de son recours en dommages-intérêts punitifs se serait heurtée de toute façon à une importante difficulté. En effet, l’octroi de tels dommages-intérêts relève au premier plan du pouvoir discrétionnaire du juge, lequel doit apprécier l’ensemble du comportement du commerçant pour déterminer si celui-ci a fait preuve d’une insouciance marquée à l’égard du consommateur. Or, l’ap-pelante n’allègue aucun fait montrant que les intimées ont manifesté à son égard et à l’égard du consommateur en général une indifférence liée à leur situation, pas plus d’ailleurs qu’elle n’a démontré que les intimées s’étaient montrées insensibles aux éléments dévoilés par Santé Canada. L’attitude des intimées témoigne plutôt du contraire. Enfin, l’appelante n’a pas davantage démontré que les intimées avaient eu une conduite désinvolte, insouciante ou marquée de la négligence sérieuse rendant nécessaire l’application d’une sanction aux fins de prévenir la répétition d’un comportement reprochable.

La Cour ne retient pas non plus l’argument de l’appelante que les intimées ont manqué aux dispositions de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur les aliments et drogues.

Un mot en terminant concernant la capacité de l’appelante à agir à titre de représentante du groupe. L’appelante soutient que son recours vise à sanc-tionner la conduite des intimées, qu’elle juge irresponsable. La Cour n’entend pas se prononcer sur la légitimité de cette motivation. Elle note cependant le caractère impulsif du recours exercé contre les intimées. En effet, l’ap-pelante a décidé d’exercer un recours collectif contre les intimées le lende-main même de la parution de l’avis de Santé Canada du 11 octobre 2011, sans consulter de médecin ou de pharmacien et ne faisant aucune recherche sérieuse au préalable. Elle n’a pas non plus identifié formellement de mem-bres du groupe avec qui elle aurait dû échanger sur son projet de recours. Non seulement cette absence de consultation met en cause sa capacité à agir comme représentante du groupe, mais elle soulève aussi de sérieuses interrogations sur la valeur de son affirmation selon laquelle les questions soulevées par sa demande d’autorisation sont similaires à celles de tous les membres du groupe. Bref, si tant est que l’appelante eût possédé un droit valable à l’égard des intimées, elle n’a pas établi qu’elle était cette personne « par qui les membres accepteraient d’être représentés si la demande était formée selon l’article 59 C.p.c. ».

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Québec, nº 200-06-000091-077, 27 août 2010, j. Étienne Parent, EYB 2010-179274

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1401

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 55, 59, 1003, 1003a), 1003b), 1003d)

Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, art. 52(1), 74.01(1)

Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1, art. 219, 253, 272

Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, art. 9(1), 9(2)

Jurisprudence citée

Association des consommateurs du Québec c. WCI Canada inc., REJB 1997-3050, J.E. 97-2064 (C.A.)

Bouchard c. Agropur coopérative, EYB 2006-110653, 2006 QCCA 1342, J.E. 2006-2095 (C.A.)

Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., [2011] 1 R.C.S. 214, 2011 CSC 9, EYB 2011-186410, J.E. 2011-355

Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, EYB 2012-202688, J.E. 2012-469

Doctrine citée

LAFOND, P.-C., Le recours collectif, le rôle du juge et sa conception de la justice : Impact et évolution, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, 388 p.

L’HEUREUX, N. et LACOURSIÈRE, M., Droit de la consommation, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, 940 p., p. 487-489

EYB 2012-205512

Cour supérieure

MacMillan c. Abbott Laboratories

500-06-000528-105 (approx. 23 page(s))

16 avril 2012

Décideur(s)

Roy, Claudine

Type d’action

REQUÊTE pour autorisation d’exercer un recours collectif contre les compa-gnies pharmaceutiques intimées. REJETÉE.

Indexation

RECOURS COLLECTIF ; AUTORISATION ; FAITS ALLÉGUÉS JUSTIFIANT LES CONCLUSIONS RECHERCHÉES ; RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ DU FABRICANT ; FAUTE ; PRÉJUDICE ; LIEN DE CAUSALITÉ ; COMPOSITION DU GROUPE ; STATUT DE REPRÉSENTANT

Résumé

Le requérant sollicite l’autorisation d’exercer un recours collectif contre les compagnies pharmaceutiques intimées. Essentiellement, il leur reproche d’avoir faussement représenté l’efficacité sur le traitement de l’obésité de la sibutramine, un médicament commercialisé sous le nom Meridia® (ou, pour son équivalent générique, sous le nom Apo-Sibutramine) et d’avoir manqué à leur obligation d’informer les patients des risques cardiovasculai-res liés à sa consommation. Il ajoute que la gravité des risques par rapport aux bénéfices escomptés fait que le médicament n’aurait pas dû être mis en vente. Ses prétentions s’appuient sur trois éléments : une étude scien-tifique (l’étude SCOUT), son cas personnel et le retrait du médicament du marché, en octobre 2010.

Le requérant a amendé sa requête pour ajouter la compagnie Apotex inc. comme intimée. Celle-ci a vendu le Apo-Sibutramine au Canada de mars à octobre 2010. Cependant, le requérant n’a jamais consommé ce médicament générique. Le dossier ne contient d’ailleurs aucune information

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concernant le générique. Il n’y a donc aucun lien de droit entre le requé-rant et Apotex. Ce dernier aurait pu s’adjoindre un corequérant qui aurait consommé le générique, mais il n’a pas jugé bon de le faire. Il ne connaît aucune personne qui aurait consommé le générique et il n’a pas fait de recherche pour en trouver une. Cela est suffisant pour rejeter dès mainte-nant la requête en ce qui concerne l’intimée Apotex.

D’entrée de jeu, il convient de noter que l’allégation du requérant que c’est l’intimée Laboratoires Abbott limitée, domiciliée au Québec, qui fabrique le médicament Meridia® est erronée. La preuve non contredite révèle que c’est plutôt l’intimée Abbott Laboratories, une société américaine, qui fabrique le médicament. Le requérant admet qu’il n’a procédé à aucune vérification. Il infère toutefois la solidarité entre les deux intimées en raison de leurs liens rapprochés. Cependant, là encore, il admet ne pas avoir vérifié le lien réel entre les deux compagnies. Sans conclure pour ce seul motif au rejet de la requête en ce qui concerne Laboratoires Abbott limitée, le tribunal constate toutefois qu’il s’agit d’une lacune dans la préparation du dossier.

Ainsi qu’il a été mentionné, le requérant base son recours, en partie, sur l’étude SCOUT. Il allègue que cette étude révèle un risque accru de 16 % d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral (AVC) non fatals chez les participants de l’étude. Il omet cependant de préciser que les deux groupes de sujets chez qui ce risque accru a été révélé (ceux qui présentaient un historique de maladie cardiovasculaire et ceux qui présentaient à la fois un historique de maladie cardiovasculaire et souffraient de diabète de type 2) sont deux groupes de patients pour qui le médicament est contre-indi-qué. En outre, les participants à l’étude avaient en moyenne 63 ans alors que le médicament n’est pas recommandé pour les patients âgés de plus de 65 ans. Enfin, les participants à l’étude ont utilisé le médicament pour une durée moyenne de trois à quatre ans, alors que la monographie précise que l’innocuité et l’efficacité du médicament n’ont pas été établies pour un traitement de plus d’un an. En somme, l’étude SCOUT démontre seule-ment qu’il y a un risque accru d’infarctus du myocarde ou d’AVC chez les personnes à qui le médicament n’est pas destiné ; elle n’établit pas qu’il y a un tel risque accru chez les autres patients. Le requérant prétend aussi que l’étude démontre que les participants ont perdu en moyenne 2,5 % de leur masse corporelle après 60 mois, ce qui est un taux inférieur aux représen-tations du fabricant dans sa monographie. Ici encore, cette affirmation est inexacte. Qui plus est, le requérant n’explique pas quel serait le préjudice d’un membre du groupe qui aurait consommé le médicament et n’aurait pas connu de perte de poids aussi importante que celle espérée. La mono-graphie recommande de cesser le traitement s’il n’y a pas de perte de poids cliniquement significative après six mois.

Le requérant base aussi son recours sur le retrait du médicament du marché, à la suite des recommandations de la FDA et de Santé Canada. Il est vrai que le fait que les autorités réglementaires aient considéré que le ratio ris-ques/bénéfices ne justifiait pas la mise en marché du médicament est un élément préoccupant. Celles-ci ont dit vouloir attendre que des études com-plémentaires soient effectuées avant de reprendre la vente. Cependant, le requérant n’explique pas comment il entend faire le lien entre cet élément et la responsabilité du fabricant. Le requérant reproche également aux inti-mées de ne pas fournir d’autres études prouvant l’innocuité et l’efficacité de leur médicament. C’est toutefois au requérant de démontrer l’apparence de droit, et non l’inverse.

Le requérant, on l’a mentionné, base aussi sa requête sur son cas person-nel. Il soutient que le médicament est inefficace, parce qu’il a repris le poids perdu après l’arrêt du médicament. La monographie indique pourtant expres-sément que le patient reprendra du poids s’il arrête le traitement sans avoir modifié ses habitudes alimentaires et augmenté son niveau d’activités phy-siques. Or, le requérant n’allègue pas et ne témoigne pas avoir modifié ses habitudes de vie durant la période où il a consommé le médicament. Il n’établit donc pas l’apparence de droit de sa réclamation personnelle sur cette question. Le requérant allègue aussi qu’il croit avoir été victime d’un infarctus du myocarde en 2005, soit un an et quatre mois après avoir com-mencé à prendre le médicament. Il décrit cet événement comme étant le plus traumatisant de sa vie. Pourtant, la preuve révèle qu’il n’a pas jugé bon d’en parler à son médecin avant le mois de juin 2006, alors que son dossier médical révèle qu’il a régulièrement consulté pour des problèmes de santé bien moins sévères. Qui plus est, il n’a jamais jugé utile d’aller subir l’élec-trocardiogramme que son médecin lui a prescrit en juin 2006, et ce, même

si son procureur a indiqué au tribunal qu’une expertise serait produite avant l’audition de la requête. En somme, le requérant n’a rien fait depuis 2005 pour vérifier son hypothèse qu’il aurait été victime alors d’un infarctus du myocarde et que ce malaise aurait été causé par le médicament. Comme si cela n’était pas suffisant, son dossier médical indique que son médecin lui a prescrit de l’Élavil au moment où il lui avait prescrit le médicament, alors que la monographie du fabricant précise qu’il est contre-indiqué de combiner le Meridia® avec l’Élavil. Le dossier indique aussi que le requérant a utilisé le médicament durant plus d’une année. Finalement, la preuve ne démontre pas que la tension artérielle du requérant a été vérifiée selon ce que recom-mande la monographie. Pour ce qui est de sa prétention qu’il est toujours à risque de développer des problèmes cardiaques dans le futur, le tribunal note qu’il n’a déposé aucune preuve indiquant que le risque, si risque il y a, perdure après que le patient a cessé de prendre le médicament. Or, cela fait six ans que le requérant a cessé de prendre le médicament.

À l’audience, le requérant a précisé qu’il voulait exercer un recours uni-quement pour les effets secondaires non divulgués dans la monographie du fabricant. Ni lui ni son avocat ne sont toutefois en mesure de préciser à quels autres effets secondaires ils font référence. Par ailleurs, même si le recours était autorisé, le groupe ne saurait comprendre toutes les personnes qui ont consommé le médicament. En effet, pour avoir droit à une indem-nisation, il faut avoir subi un préjudice. Donc, seulement les personnes qui ont subi un infarctus du myocarde ou un AVC pourraient être incluses dans le groupe. À ce jour, quatre personnes ont contacté le cabinet responsable du dossier et la preuve n’établit pas, même prima facie, que l’une d’elles aurait subi un de ces malaises.

Un mot en terminant sur « les héritiers et autres membres de la famille » que souhaite représenter le requérant, et sur les « acheteurs ». Le dossier ne contient aucune information sur les héritiers et autres membres de la famille et il n’y a aucun requérant de cette catégorie. Qui plus est, l’étude SCOUT, sur laquelle se fonde en partie la requête, conclut à une augmentation du risque d’infarctus du myocarde et d’AVC « non fatals ». Bref, il n’y a aucune raison qui justifierait d’inclure les proches dans la description du groupe. Pour ce qui est des personnes qui auraient acheté le médicament sans le consom-mer, il n’y a dans le dossier aucun indice démontrant que ces personnes auraient subi un préjudice. À leur égard, il n’y a aucune apparence de droit.

Le tribunal conclut donc que les éléments offerts ne sont pas suffisants pour démontrer que les faits paraissent justifier les conclusions recherchées. La condition de l’article 1003b) C.p.c. n’est donc pas remplie.

La condition du sous-paragraphe c) relatif à la composition du groupe n’est pas remplie non plus. En effet, puisque le requérant ne démontre pas, même prima facie, qu’un seul utilisateur du médicament a subi un infarctus du myo-carde ou un AVC, le tribunal est incapable de conclure à l’existence même d’un groupe. Le requérant n’a pas non plus convaincu le tribunal qu’il avait la capacité d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe, c’est-à-dire qu’il serait un représentant adéquat. La condition du sous-para-graphe d) n’est donc pas remplie elle non plus.

Vu ce qui précède, il n’est pas utile de déterminer si la condition prévue au sous-paragraphe a) est remplie. Le tribunal mentionne seulement que, s’il avait accordé l’autorisation, il aurait restreint les onze questions que le requérant estime être « identiques, similaires ou connexes », et il les aurait reformulées.

Législation citée

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 59, 67, 1003, 1003a), 1003b), 1003c), 1003d)

Jurisprudence citée

Berthiaume c. Réno-Dépôt inc., EYB 1995-71129, [1995] R.J.Q. 2796, J.E. 95-2056 (C.A.)

Bouchard c. Agropur coopérative, EYB 2006-110653, 2006 QCCA 1342, J.E. 2006-2095 (C.A.)

Brito c. Pfizer Canada inc., EYB 2008-134053, [2008] R.J.Q.  1420, 2008 QCCS 2231, J.E. 2008-1215 (C.S.)

10 Reproduction ou diffusion interdite

Brousseau c. Laboratoires Abbott ltée, EYB 2011-196625, 2011 QCCS 5211, J.E. 2011-1797 (C.S.)

Carrier c. Québec (Procureur général), EYB 2011-192582, [2011] R.J.Q. 1346, 2011 QCCA 1231, J.E. 2011-1236 (C.A.)

Contat c. General Motors du Canada ltée, EYB 2009-163744, 2009 QCCA 1699, J.E. 2009-1769 (C.A.)

Contat c. General Motors du Canada ltée, C.S.C., nº 33423, 28 janvier 2010

Dallaire c. Eli Lilly Canada inc., EYB 2006-108431, 2006 QCCS 4233, J.E. 2006-1750 (C.S.)

Dubuc c. Bell Mobilité inc., EYB 2008-149071, 2008 QCCA 1962, J.E. 2008-2047 (C.A.)

L. (F.) c. Astrazeneca Pharmaceuticals PLC, EYB 2010-169675, 2010 QCCS 470, J.E. 2010-675 (C.S.)

Harmegnies c. Toyota Canada inc., EYB 2008-130376, 2008 QCCA 380, J.E. 2008-584 (C.A.)

Harmegnies c. Toyota Canada inc., C.S.C., nº 32587, 25 septembre 2008

Hollick c. Toronto (Ville), [2001] 3 R.C.S. 158, 2001 CSC 68, REJB 2001-26157, J.E. 2001-1971

Hotte c. Servier Canada inc., REJB 2002-29909, [2002] R.J.Q. 230, J.E. 2002-259 (C.S.)

Laferrière c. Lawson, [1991] 1 R.C.S. 541, EYB 1991-67747, [1991] R.R.A. 320, J.E. 91-538

Mazzonna v. DaimlerChrysler Financial Services Canada Inc./Services financiers DaimlerChrysler inc., EYB 2012-203721, 2012 QCCS 958, J.E. 2012-763 (C.S.)

Option consommateurs c. Novopharm Limited, EYB 2008-133488, [2008] R.J.Q. 1350, 2008 QCCA 949, J.E. 2008-1173 (C.A.)

Sigouin c. Merck & Co. inc., EYB 2006-111055, 2006 QCCS 5325, J.E. 2006-2360 (C.S.)

Vignola c. Chrysler Canada ltée, EYB 1984-142421, [1984] R.D.J. 327, J.E. 84-590 (C.A.)

Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, 2001 CSC 46, REJB 2001-25017, J.E. 2001-1430

EYB 2012-204893

Cour d’appel

L. (F.) c. Marquette

500-09-022380-125 (approx. 9 page(s))

5 avril 2012

Décideur(s)

Bich, Marie-France

Type d’action

REQUÊTES pour permission d’appeler d’un jugement de la Cour supérieure (juge D. Grenier) ayant rejeté une action en raison de son caractère abusif. REJETÉES.

Indexation

PROCÉDURE CIVILE ; APPEL ; PERMISSION D’APPELER ; TRIBUNAUX ET JUGES ; POUVOIR DE SANCTIONNER LES ABUS DE LA PROCÉDURE ; REJET DE LA DEMANDE EN JUSTICE ; ADMINISTRATION DE LA PREUVE ET AUDI-TION ; PROCÉDURES SPÉCIALES ; INTERROGATOIRE PRÉALABLE ; EXPERTISE ; RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE ; MÉDECIN ; FAUTE ; PRÉJUDICE

Résumé

Les requérants demandent la permission d’appeler d’un jugement reje-tant leur action en responsabilité médicale, celle-ci ayant été jugée abusive.

La permission d’appeler ne peut être accordée étant donné que les moyens d’appel ne soulèvent aucune question nouvelle ou de principe, ni aucune question de droit controversée. L’appel concerne des questions de fait et à

cet égard, les requérants n’ont pas démontré une erreur manifeste et déter-minante qui justifierait un appel. Cela étant dit, l’appel n’aurait aucune chance raisonnable de succès.

Le jugement de première instance rejette l’action sur la base de l’arti-cle 54.1 C.p.c. Cet article n’est par ailleurs pas réservé aux « poursuites-bâillons ». Le pouvoir de rejeter une action sur cette base peut être exercé à tout moment, mais de manière prudente. Il ne peut donc être reproché au médecin d’avoir invoqué cet article en 2010, alors que l’action avait été intentée en 1999.

À la suite des interrogatoires préalables, la juge a conclu que l’action était manifestement mal fondée, frivole ou dilatoire, étant donné l’absence d’in-dications sérieuses relativement à la faute alléguée. À plus forte raison, l’immunité relative dont bénéficiait l’intimé nécessitait une preuve d’incurie ou de négligence grossière. Le rapport d’expert déposé par les requérants n’étaye aucunement cette thèse et est insuffisant, considérant son impré-cision et son caractère spéculatif. Le préjudice allégué ne trouve également aucun appui dans la preuve.

Bien que certains motifs de la juge de première instance traitent de la quéru-lence de la requérante, il ne s’agit pas là du véritable fondement de la déci-sion. La juge n’a donc pas commis d’erreur en rejetant l’action.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Mont réal, nº 500-05-052973-995, 11 janvier 2012, j. Danielle Grenier, EYB 2012-200504

Législation citée

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 26 (4.1) al. 2, 54.1 et s., 54.1, 54.1 al. 1, 54.2, 54.3, 75.1 (abrogé)

Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participa-tion des citoyens aux débats publics, L.Q. 2009, c. 12, art. 6, 8

Jurisprudence citée

2636-5205 Québec inc. c. Beaudry, EYB 1993-64176, J.E. 93-1754 (C.A.)

Acadia Subaru c. Michaud, EYB 2011-191484, [2011] R.J.Q. 1185, 2011 QCCA 1037, J.E. 2011-1064 (C.A.)

Advantech Réseaux de satellites inc. c. Association des ingénieurs et scien-tifiques de Satellite Networks, EYB 2010-178902, 2010 QCCA 1597, J.E. 2010-1776 (C.A.)

Aliments Breton (Canada) inc. c. Bal Global Finance Canada Corporation, EYB 2010-177130, 2010 QCCA 1369, J.E. 2010-1378 (C.A.)

Centre d’hébergement et de soins de longue durée Vigi de l’Outaouais c. Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre d’hébergement et de soins de longue durée Vigi de l’Outaouais, EYB 2010-171380, 2010 QCCA 558, J.E. 2010-665 (C.A.)

Dallaire c. RCM Modulaire inc., EYB 2006-107598, 2006 QCCA 934, J.E. 2006-1609 (C.A.)

Grimard c. Boucher, EYB 2011-192851, 2011 QCCA 1285, J.E. 2011-1229 (C.A.)

Habitations consultants H.L. inc. c. Corporation de l’externat St-Jean-Berch-mans, EYB 2010-180738, 2010 QCCA 1867, J.E. 2010-1948 (C.A.)

La Boissonnière c. Syndicat de professionnelles et professionnels du gouver-nement du Québec (SPGQ), EYB 2010-179614, 2010 QCCA 1716 (C.A.)

Schnabel c. Tiffany Towers Condominium Association, EYB 2010-176118, 2010 QCCQ 5485 (C.Q.)

Syndicat des cols bleus regroupés de Mont réal, section locale 301 c. Mont-réal (Ville de), EYB 2009-163570, 2009 QCCA 1678, J.E. 2009-1703 (C.A.)

Reproduction ou diffusion interdite 11

EYB 2012-201989

Cour d’appel

Watters v. White

500-09-020928-107 (approx. 41 page(s))

9 février 2012

Décideur(s)

Kasirer, Nicholas ; Rochette, Louis ; Thibault, France

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge B. Riordan) ayant accueilli une action en dommages. ACCUEILLI. APPEL incident. REJETÉ.

Indexation

RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE ; MÉDECIN

Résumé

En 1971, un médecin, le Dr Watters, a diagnostiqué une maladie neurologi-que héritée d’un gène de la mère chez un garçon, Corey. Le Dr Watters n’a pas informé les membres de la famille, sauf le père de l’enfant, du risque qu’ils avaient de transmettre la maladie à leurs enfants. Trente ans plus tard, un membre de la famille du garçon malade a donné naissance à un enfant, Jacob, qui souffre d’une maladie neurologique ayant des symptômes simi-laires. Les parents de Jacob ont poursuivi le Dr Watters, alléguant que ce dernier n’a pas pris les moyens raisonnables pour informer la parenté d’un diag nos tic antérieur de cette maladie. Si la mère avait été au courant du risque d’avoir un enfant malade, elle aurait mis fin à sa grossesse. Le juge de première instance leur a donné raison et a accordé un montant de plus de 6 000 000 $ pour les dommages reliés à la naissance de leur enfant en 2002. Le Dr Watters appelle de ce jugement. Il soutient qu’il n’a pas commis de faute, qu’il n’avait pas le devoir d’informer la parenté ou de voir à ce qu’elle soit informée et même s’il devait le faire, sa conduite ne peut pas avoir causé les dommages associés à la naissance de l’enfant malade plu-sieurs années plus tard. Les parents ont déposé un appel incident, affirmant que le juge de première instance a sous-estimé leurs dommages.

La question en litige consiste à se demander si un médecin doit informer la parenté de son patient des risques associés à une maladie héréditaire.

Le juge de première instance a appliqué le mauvais test en droit pour déter-miner si le Dr Watters avait commis une faute en ne prenant pas les moyens d’informer la parenté des risques associés au diag nos tic d’une maladie héré-ditaire. Le juge de première instance a exclu ce qu’un médecin raisonnable aurait fait dans les circonstances. En effet, le juge de première instance a imposé un devoir d’informer basé sur une personne raisonnable et non sur un médecin raisonnable.

Même s’il était important que la parenté soit au courant du diag nos tic de maladie héréditaire, cette information impliquait une violation de confiden-tialité. Il y a des exceptions qui justifient de passer outre ce devoir fondamen-tal de confidentialité d’un médecin envers son patient : la santé publique, l’urgence ou un danger imminent. Ces exceptions ne sont pas applicables en l’espèce.

La preuve d’expert a révélé qu’il n’y avait pas de pratique médicale qui impo-sait aux médecins d’avertir les gens autres que leurs patients des risques géné-tiques associés avec un diag nos tic de maladie de Plott dans les années 1970. Si un enfant avait une maladie neurologique héréditaire, la pratique était d’informer les parents des implications génétiques de la maladie et il n’était pas inhabituel de fournir cette information à un seul parent. De plus, la pra-tique médicale était de laisser aux parents le soin de donner l’information médicale aux autres membres de la famille. C’est ce que le Dr Watters a fait.

La preuve suggère qu’après la naissance de Jacob, les médecins ont testé la mère et le garçon pour la maladie de Pelizaeus-Merzbacher (PMD). La mère a avorté d’un fœtus mâle après la naissance de Jacob quand elle a su qu’elle était porteuse de PMD. Mais l’on ne peut pas comparer les circonstances qui sont survenues après la naissance de Jacob avec celles de la période avant

sa naissance, sur la base d’un diag nos tic de maladie de Plott, la chance qu’un garçon malade naisse étant seulement mesurée sur une probabilité statistique. Il n’y a pas de preuve qui indique qu’en 2002, des patients qui étaient soupçonnés d’être porteurs de la maladie de Plott auraient eu des tests prénataux de PMD. Cette erreur était primordiale et le lien de causa-lité n’a pas été établi.

D’autre part, l’omission du père de Corey a brisé le lien de causalité entre le défaut du Dr Watters de l’encourager à informer sa femme et sa parenté et la perte subie par les intimés résultant de la naissance de Jacob. Même si le Dr Watters avait encouragé davantage le père d’informer les membres de la famille, cette naissance serait quand même survenue. En effet, il appert que le père de Corey ne se sentait pas concerné par le bien-être de la famille de sa femme, dont il était séparé.

Le juge de première instance a erré en concluant à une faute du Dr Watters et à un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par les parents de Jacob. L’appel principal est donc accueilli et l’appel incident, rejeté.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Mont réal, nº 500-17-025581-052, 5 juillet 2010, rectifié, 22 juillet 2010, J. Brian Riordan, EYB 2010-177104

Législation citée

Code civil du Bas Canada, C.c.B.C., art. 1053

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 2846, 2849

Jurisprudence citée

H.L. c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 401, 2005 CSC 25, EYB 2005-89538, J.E. 2005-845

Hébert c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec - Hôpital de l’Enfant-Jésus, EYB 2011-194586, [2011] R.J.Q. 1553, 2011 QCCA 1521, J.E. 2011-1517 (C.A.)

Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, REJB 2002-29758, J.E. 2002-617

Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, [1992] 1 R.C.S. 351, EYB 1992-67846, J.E. 92-302

Leduc c. Soccio, EYB 2007-114713, [2007] R.R.A. 46, 2007 QCCA 209, J.E. 2007-476 (C.A.)

Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, EYB 1991-67727, [1991] R.D.I. 239, [1991] R.R.A. 314, J.E. 91-412

Safer v. Pack (1996), 677 A.2d 1188

Smith v. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, REJB 1999-11415, J.E. 99-723

Ter Neuzen c. Korn, [1995] 3 R.C.S. 674, EYB 1995-67069, J.E. 95-1970

Doctrine citée

BAUDOUIN, J.-L., « Le secret professionnel du médecin - son contenu - ses limites », (1963) 41 Can. Bar Rev. 491, 505

BAUDOUIN, J.-L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, Volume II - Res-ponsabilité professionnelle, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, 1152 p., nº 46, p. 47, nº 57, p. 57, 58, EYB2007RES35

CRÉPEAU, P.-A., « La responsabilité civile du médecin », (1977) 8 R.D.U.S. 25, 29

FLANAGAN, W.F., « Genetic Data and Medical Confidentiality » (1995) 3 Health L.J. 269

GOLD, J.-L., « To Warn or Not to Warn ? Genetic Information, Families and Physician Liability », (2004) 8(1) McGill Journal of Medicine 72, 73

GUAY, H. et KNOPPERS, B.-M., « Information génétique : qualification et communication en droit québécois », (1990) 21 R.G.D. 545, 553

LESAGE-JARJOURA, P., PHILIPS-NOOTENS, S. et KOURI, R.-P., Éléments de res-ponsabilité civile médicale. Le droit dans le quotidien de la médecine, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, 602 p., nº 27, EYB2007RCM3, 66, EYB2007RCM4, 426, EYB2007RCM17

LETENDRE, M., « Le devoir du médecin de prévenir les membres de la famille d’un patient atteint d’une maladie génétique » (2004) 49 McGill L.J. 555

12 Reproduction ou diffusion interdite

NYCUM, G., KNOPPERS, B. et AVARD, D., « Intra-familial Obligations to Communicate Genetic Risk Information : What Foundations ? What Forms ? » (2009) 3 McGill J. Law & Health 21, 37

VINEY, G. et JOURDAIN, P., Traité de droit civil : Les conditions de la respon-sabilité civile, 3e éd, Paris, L.G.D.J., 2006, nº 464

WATTERS, G.V., and FITCH, N., « Familial laryngeal abductor paralysis and psychomotor retardation », (1973) 4(5) Clin.Genet. 429

EYB 2012-201773

Cour supérieure

Han c. Demers

500-17-033397-061 (approx. 19 page(s))

3 février 2012

Décideur(s)

Chrétien, Jean-Pierre

Type d’action

REQUÊTE en dommages. REJETÉE.

Indexation

RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE ; MÉDE-CIN ; OPTOMÉTRISTE

Résumé

Monsieur Han poursuit le docteur Demers, ophtalmologiste, le docteur Ber-geron, optométriste, et la Société 3887804 Canada inc. connue sous le nom de Clinique Lasik MD Mont réal en relation avec une intervention au laser effectuée sur ses cornées visant à diminuer sa forte myopie. Monsieur Han réclame 200 000 $ à titre de dommages physiques et moraux, diminution de la vision, nuisibilité visuelle sensorielle, perte de jouissance de la vie, dépres-sion et angoisse face à l’avenir et 400 000 $ à titre de dommages exemplaires.

Monsieur Han a eu de nombreuses consultations auprès de plusieurs oph-talmologistes et rétinologues qui lui ont tous expliqué qu’il n’y avait aucun lien entre ses problèmes aux yeux et l’intervention chirurgicale faite à ses cornées situées à la surface de ses yeux. Après avoir analysé l’ensemble de la preuve testimoniale et documentaire, le docteur Demers n’a commis aucune faute professionnelle dans le cadre de sa relation sur le plan médi-cal avec monsieur Han.

Quant au docteur Bergeron, le seul reproche qui lui est fait par monsieur Han est qu’il aurait changé le médecin pour l’opération. La raison expliquant le changement serait que l’opération a été déplacée à la demande de monsieur Han car il ne voulait pas être opéré durant les Fêtes. Or, il n’y a rien de causal dans ce récit. Le docteur Bergeron a montré le résultat de tous les examens qu’il avait faits des yeux de monsieur Han au docteur Demers. Il était pré-férable que l’intervention soit faite par le médecin qui a analysé le résultat des examens afin que le médecin soit bien préparé. Cette explication a été acceptée par monsieur Han, le docteur Bergeron n’a donc pas commis de faute et la poursuite doit être rejetée quant à lui également.

Pour ce qui est de la Clinique Lasik, la poursuite est aussi rejetée car aucune faute valable ne lui est reprochée ni n’a été prouvée et surtout car elle n’avait aucun pouvoir de surveillance et de contrôle sur les gestes médicaux et chirurgicaux du docteur Demers lors de l’intervention et sur les examens d’évaluation faits au préalable sur monsieur Han par le docteur Bergeron.

Bref, monsieur Han n’a pas subi de dommages causés par l’intervention en cause et il n’a pas droit à un dédommagement.

Étant donné qu’une offre avait été faite à maintes reprises à monsieur Han pour qu’il abandonne son recours et qu’il a toujours décliné cette offre et surtout vu que la cause de monsieur Han n’est pas fondée, monsieur Han doit acquitter certains frais dans les circonstances. Ainsi, il est condamné à payer une partie significative des dépens afin qu’il réalise qu’il y a des ris-

ques financiers lorsqu’on persiste à continuer un recours judiciaire qui, plus il progresse, plus il se révèle sans aucun fondement. De plus, monsieur Han devra payer au docteur Demers le tiers du compte d’honoraires de son expert.

Suivi

Requête en rejet d’appel, C.A. Mont réal, nº 500-09-022464-127, 2 mars 2012

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 587.2, 587.3, 2809, 3096

Décret désignant la province de Québec pour l’application de la défini-tion de « lignes directrices applicables » au paragraphe 2(1) de la Loi sur le divorce, DORS/97-237

Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl.), art. 2(1), 2(5), 6.1, 6.2, 17, 17(1), 17(4), 17(5), 17(7)

Jurisprudence citée

L.M.P. c. L.S., 2011 CSC 64, EYB 2011-199870, J.E. 2012-18

N. (M.) c. C. (S.), sub nom. Droit de la famille - 103038, EYB 2010-182140, AZ-50690671, 2010EXP-3879, [2010] R.D.F. 647, 2010 QCCA 2074, J.E. 2010-2088 (C.A.)

P. (L.) v. S. (Lo.), sub nom. Droit de la famille - 10897, EYB 2010-172837, [2010] R.D.F. 235, 2010 QCCA 793, J.E. 2010-796 (C.A.)

EYB 2012-201946

Cour d’appel

Guénard c. Oliver

500-09-020861-100 (approx. 4 page(s))

30 janvier 2012

Décideur(s)

Bouchard, Jean ; Duval Hesler, Nicole ; Kasirer, Nicholas

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge L. Lemelin) ayant rejeté une action en responsabilité médicale. REJETÉ.

Indexation

RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE ; MÉDECIN

Résumé

La juge de première instance n’a pas commis d’erreur manifeste quant à l’appréciation des faits de la cause et a bien appliqué les principes de la res-ponsabilité médicale.

Malgré ses prétentions, le patient a dûment consenti à une épidurale ainsi qu’à une anesthésie générale. À ce propos, il s’en serait remis aux recom-mandations de ses médecins. Son consentement était explicite et a été donné alors qu’il semblait alerte et bien orienté. Le consentement peut être verbal.

La complication qui a suivi l’anesthésie est rarissime et n’avait pas à être divulguée préalablement par l’anesthésiste. De plus, les anesthésiques que ce dernier a choisis sont couramment utilisés.

L’appel est donc rejeté.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Hull, nº 550-05-012274-026, 16 juin 2010, J. Louise Lemelin, EYB 2010-175569

Législation citée

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 54.1

Reproduction ou diffusion interdite 13

EYB 2012-201276

Cour supérieure

Masson c. Centre de santé et de services sociaux de St-Jérôme (CSSS)

700-17-003615-068 (approx. 56 page(s))

25 janvier 2012

Décideur(s)

Hallée, Carole

Type d’action

REQUÊTE en dommages en responsabilité médicale. REJETÉE.

Indexation

RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE ; MÉDECIN ; RESPONSABILITÉ HOSPITALIÈRE

Résumé

À la suite du décès de sa mère, madame Riverin, madame Masson réclame des défendeurs, Centre de santé et des services sociaux de St-Jérôme (CSSSS St-Jérôme), Hôpital Maisonneuve Rosemont, docteur Jolivet, docteur Géli-nas, docteure Lessard, docteure Laberge et Pfizer Canada inc. (Pfizer) la somme de 200 000 $. Le certificat de décès indique une embolie pulmo-naire massive et une néoplasie rénale probable comme étant les causes de décès. Madame Masson soutient que sa mère a été victime de fautes hos-pitalières, médicales et pharmaceutiques. Elle soulève plus particulièrement le manque de suivi des médecins et la prescription sur plusieurs années de Premarin comme étant à l’origine du décès de sa mère.

La preuve révèle que le décès de madame Riverin est survenu dans le cours normal des choses, étant lié à l’évolution naturelle d’une pathologie que malheu-reusement nul ne pouvait suspecter et qui s’est développée de façon insidieuse.

La docteure Laberge a offert un suivi annuel adéquat à madame Riverin et il était en tout temps indiqué de renouveler la prescription de Premarin afin de contrôler les symptômes de la ménopause de madame Riverin conformé-ment aux normes de pratique et aux témoignages des experts. La Dre Laberge n’avait pas à faire de suivi quelconque du kyste simple du rein droit diagnos-tiqué chez madame Riverin en raison de la nature de ce kyste et de l’absence de recommandation du radiologiste. La Dre Laberge a investigué adéquate-ment la condition de madame Riverin en lui prescrivant les examens appro-priés et en formulant les recommandations qui s’imposaient. Le Dr Gélinas a évalué adéquatement le cancer du sein de madame Riverin, il a pratiqué chez elle une mastectomie partielle conformément aux règles de l’art et il a assuré un suivi approprié de sa condition. Le Dr Jolivet a effectué une éva-luation adéquate des risques de récidive du cancer du sein de madame Rive-rin et a prescrit le traitement approprié. La Dre Lessard a élaboré un procédé adéquat de traitement de radiothérapie, lequel a été administré en entier à madame Riverin. La néoplasie rénale que madame Riverin a développée et l’embolie pulmonaire dont elle est décédée ne sont pas liées aux évaluations, à la chirurgie et aux traitements dispensés par ces médecins défendeurs.

Pour avoir gain de cause contre l’Hôpital Maisonneuve Rosemont et le CSSSS St-Jérôme, madame Masson devait démontrer une faute particularisée des établissements hospitaliers. Madame Masson n’a aucunement administré une telle preuve.

Pour ce qui est de la responsabilité de Pfizer comme fabricant du Premarin, elle n’est pas non plus retenue. La preuve a démontré que le médecin traitant de madame Riverin a discuté avec elle des risques et bénéfices reliés à l’hormono-thérapie, mais que toutes deux ont décidé de poursuivre la consommation du Premarin étant donné les effets bénéfiques du médicament. La preuve révèle qu’il n’existe aucun lien possible connu entre la consommation de Premarin et le cancer du rein. Quant à la cause de l’embolie pulmonaire, la preuve est plutôt à savoir qu’elle serait une complication liée au cancer du rein et non liée à la consommation du Premarin qui avait été cessé quelque mois avant.

Madame Masson n’a pas rempli son fardeau de prouver que les dommages qu’elle soutient avoir subis sont liés aux soins prodigués par les médecins et/ou les

centres hospitaliers et/ou Pfizer. Au surplus, madame Masson n’a offert aucune preuve satisfaisante de dommages que ce soit à titre de dommages moraux per-sonnels que d’indemnisation du préjudice moral subi par sa mère de son vivant.

Ainsi, la requête est rejetée.

Suivi

Requête en rejet d’appel, C.A. Mont réal, nº 500-09-022450-126, 14, 15, 16 mars 2012

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 625, 1607, 2803, 2849

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 477

Loi médicale, L.R.Q., c. M-9, art. 31

Jurisprudence citée

Ami c. Stephenson, REJB 2000-19204, 2000 IIJCan 19118, [2000] R.R.A. 781, J.E. 2000-1644 (C.S.)

Augustus c. Gosset, [1996] 3 R.C.S. 268, REJB 1996-30154, J.E. 96-1925

Bélanger c. Villa St-Honoré inc., REJB 2001-25789, AZ-01021883, [2001] R.R.A. 789, J.E. 2001-1638 (C.S.)

Charbonneau c. Centre hospitalier Laurentien, EYB 2009-165772, [2009] R.R.A. 1062, 2009 QCCS 4974, J.E. 2009-2136 (C.S.)

Ferland c. Ghosn, EYB 2008-132464, [2008] R.R.A. 295, 2008 QCCA 797, J.E. 2008-987 (C.A.)

Ferland c. Ghosn, C.S.C., 6 septembre 2007

Hollis c. Dow Corning Corp., [1995] 4 R.C.S. 634, EYB 1995-67074, J.E. 96-124

Hôpital de l’Enfant-Jésus c. Camden-Bourgault, REJB 2001-23496, 2001 CanLII 17133, [2001] R.J.Q. 832, [2001] R.R.A. 329, J.E. 2001-835 (C.A.)

Hydro-Québec c. Moteurs électriques Dupras inc., 1998 IIJCan 11388, [1999] R.J.Q. 228, J.E. 99-208 (C.S.)

Perron c. Hôpital général de la région de l’Amiante Inc., EYB 1979-135933, AZ-79011153, [1979] C.A. 567, J.E. 79-858 (C.A.)

L. (N.) c. Sabbah, EYB 2009-159649, [2009] R.R.A. 852, 2009 QCCS 2338, J.E. 2009-1233 (C.S.)

L. (N.) c. Sabbah, EYB 2009-165334, 2009 QCCA 1995 (C.A.)

Laferrière c. Lawson, [1991] 1 R.C.S. 541, EYB 1991-67747, 1991 CanLII 87, [1991] R.R.A. 320, J.E. 91-538

Leduc c. Soccio, EYB 2007-114713, [2007] R.R.A. 46, 2007 QCCA 209, J.E. 2007-476 (C.A.)

Mowrey v. Johnson & Johnson, EYB 1996-105380, [1997] R.R.A. 17, J.E. 97-178 (C.A.)

St-Jean c. Mercier, [2002] 1 R.C.S. 491, REJB 2002-28009, J.E. 2002-434

Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, [1992] 1 R.C.S. 351, EYB 1992-67846, J.E. 92-302

Ltée c. Lumbermen’s Mutual Insurance Co., [1984] R.D.J. 523 (C.A.)

L. (P.) c. Benchetrit, EYB 2010-178136, EXP 2010-2900, [2010] R.J.Q. 1853, [2010] R.R.A. 606, 2010 QCCA 1505, J.E. 2010-1600 (C.A.)

Ter Neuzen c. Korn, [1995] 3 R.C.S. 674, EYB 1995-67069, J.E. 95-1970

Tessier c. Paquette, EYB 2005-92629, 2005 CanLII 24164 (C.Q.)

Therrien c. Launay, EYB 2005-86098, 2005 CanLII 5311, [2005] R.R.A. 349, J.E. 2005-664 (C.S.)

Therrien c. Launay, EYB 2005-92515, 2005 QCCA 665, J.E. 2005-1345 (C.A.)

Therrien c. Launay, C.S.C., nº 31151, 16 février 2006

Thibault c. St. Jude Medical inc., REJB 2004-70248, J.E. 2004-1924 (C.S.)

Weissman-Fickler c. Bouzaglo, REJB 2004-64707, 2004 CanLII 646, [2004] R.R.A. 1010, J.E. 2004-1299 (C.S.)

Doctrine citée

GAGNÉ, M., Le droit des médicaments au Canada et autres produits de santé, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, 1 300 p., p. 573-577

14 Reproduction ou diffusion interdite

LEROUX, T. et GIROUX, M., « La protection du public et les médicaments : les obligations du fabricant », (1993) 24 R.G.D. 309, 312, 317, 330 et s.

EYB 2012-200504

Cour supérieure

L. (F.) c. Marquette

500-05-052973-995 (approx. 10 page(s))

11 janvier 2012

Décideur(s)

Grenier, Danielle

Type d’action

REQUÊTE en rejet d’action en raison de son caractère abusif. ACCUEILLIE.

Indexation

PROCÉDURE CIVILE ; TRIBUNAUX ET JUGES ; POUVOIR DE SANCTIONNER LES ABUS DE LA PROCÉDURE ; FARDEAU DE PREUVE ; REJET DE LA DEMANDE EN JUSTICE ; QUÉRULENCE ; TRIBUNAUX ; IMMUNITÉ ; RESPONSABILITÉ CIVILE ; FAUTE ; ABUS DE DROIT ; ABUS DU DROIT D’ESTER EN JUSTICE (ABUS DE PROCÉDURE) ; PERSONNES ; EXERCICE DES DROITS CIVILS ; RES-PONSABILITÉ PROFESSIONNELLE ; MÉDECIN

Résumé

Le médecin demande le rejet de l’action en responsabilité médicale que les demandeurs ont intentée contre lui au motif que cette dernière est abu-sive et mal fondée. Les demandeurs allèguent que le médecin a commis une faute dans le diag nos tic qu’il a posé relativement au demandeur dans le cadre d’une expertise ordonnée par le juge d’un procès tenu pour accu-sations de voies de fait. Le médecin concluait alors que le demandeur était apte à subir son procès.

Les transcriptions de témoignages du médecin produites par les demandeurs ne démontrent aucune faute. Au surplus, les interrogatoires des demandeurs ne révèlent ni faute ni préjudice. Plus précisément, les demandeurs ne sont pas en mesure d’expliquer en quoi le diag nos tic du médecin était malicieux, ni de préciser les dommages subis. Étant donné l’immunité relative dont le médecin bénéficie en raison de son rôle de témoin, sa responsabilité ne peut être retenue que s’il y a une preuve de mauvaise foi. Cela peut inclure la faute intentionnelle, l’incurie et l’insouciance grave.

Préalablement à la présente requête, les demandeurs ont négligé de démon-trer que le médecin avait contrevenu aux règles de l’art. Cette preuve est nécessaire dans une poursuite en responsabilité médicale et doit se faire par expertise. Bien que les demandeurs aient déposé une telle expertise lors du délibéré, l’action demeure malgré tout vouée à l’échec.

En effet, rien dans la requête introductive d’instance ou dans les pièces dépo-sées à son soutien ne démontre que le médecin aurait posé un diag nos tic en ayant une intention malicieuse. Les affirmations que font les demandeurs à ce chapitre sont gratuites, injustifiées et irrationnelles.

La demanderesse prend part à 16 litiges devant des tribunaux de première instance du district judiciaire de Mont réal et est également partie à des affai-res devant la Cour d’appel et la Cour suprême. Il est à noter que la demande-resse a été déclarée quérulente dans un dossier, ce qu’elle a porté en appel.

La présente action a été intentée en 1999 et depuis 2003, les demandeurs n’ont fait aucune démarche en vue de faire progresser la cause.

Par conséquent, le recours des demandeurs est rejeté, puisqu’il est mal fondé et abusif, n’ayant pour seul but que de nuire au médecin.

Suivi

Requête pour permission d’appeler rejetée, C.A. Mont réal, nº 500-09-022380-125, 500-09-022384-127, 5 avril 2012, EYB 2012-204893

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 2805

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 54.1

Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), ch. Y-1

Jurisprudence citée

Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17, 2004 CSC 36, REJB 2004-65746, [2004] R.R.A. 713, J.E. 2004-1254

L. (N.) c. Sabbah, EYB 2009-159469, [2009] R.R.A. 852, 2009 QCCS 2338, J.E. 2009-1233 (C.S.)

Lebrun c. Brassard, EYB 2009-160181, [2009] R.R.A. 863, 2009 QCCS 2664, J.E. 2009-1393 (C.S.)

Roy c. Gélinas, EYB 1993-58067, [1993] R.D.J. 432, J.E. 93-632 (C.A.)

Doctrine citée

BAUDOUIN, J.-L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, Volume I - Prin-cipes généraux, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, 2018 p., nº 1-301, p. 279

EYB 2012-200281

Cour supérieure

Union des consommateurs c. Pfizer Canada inc.

500-06-000442-083 (approx. 17 page(s))

9 janvier 2012

Décideur(s)

Prévost, André

Type d’action

REQUÊTES pour approbation d’une transaction fondées sur l’article 1025 C.p.c. ACCUEILLIES.

Indexation

RECOURS COLLECTIF ; TRANSACTION ; APPROBATION ; CRITÈRES

Résumé

Entre 2004 et 2008, plusieurs requêtes pour autorisation d’exercer un recours collectif contre la compagnie pharmaceutique Pfizer Canada inc. ont été déposées à travers le Canada. Les dossiers ouverts à l’extérieur du Québec ont été réunis en un seul (le recours ontarien). Au Québec, trois dossiers dis-tincts ont été ouverts. Essentiellement, on reproche à Pfizer d’avoir fabriqué et mis sur le marché deux médicaments dangereux pour la santé — le Cele-brex et le Bextra — et d’avoir, dans sa publicité, minimisé leur innocuité, se rendant coupable de représentations trompeuses. Dès 2008, avant même que l’exercice des recours ait été autorisé, Pfizer a entrepris des pourparlers dans le but de régler l’ensemble des procédures prises contre elle tant au Canada qu’aux États-Unis. Au Canada, un médiateur (le juge Louis Lacour-sière) a été nommé pour superviser les négociations. Le 23 août 2011, une transaction réglant l’ensemble des recours au Canada a été conclue. Sept jours plus tard, soit le 30 août, le soussigné a autorisé l’exercice des recours collectifs dans les trois dossiers québécois. Le 30 novembre 2011, un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a approuvé la transaction dans le cadre du recours exercé en Ontario. Le soussigné doit aujourd’hui se pencher sur les demandes d’approbation de la transaction présentées dans le cadre de deux des trois recours exercés au Québec. Le troisième recours a été sus-pendu en attendant le présent jugement.

Au Québec, trois membres se sont opposés par écrit à la transaction, dont un qui s’est toutefois exclu du groupe. De plus, bien qu’elle ait signé la tran-saction à titre de représentante des membres du groupe dans un des deux dossiers litigieux, l’Union des consommateurs s’oppose aujourd’hui à son approbation, ce qui est pour le moins inusité.

Reproduction ou diffusion interdite 15

L’Union explique que, au moment de signer la transaction, elle entretenait les mêmes réserves et objections qu’elle soulève aujourd’hui. Elle dit que, si elle a néanmoins signé celle-ci, c’est parce que les membres désignés et certains autres membres consultés considéraient que la transaction était dans le meilleur intérêt des membres. L’Union ne peut cependant remettre en question aujourd’hui, au stade de la demande d’approbation judiciaire, le consentement qu’elle a donné librement. La transaction est un contrat qui lie les parties qui l’ont signée. L’Union ne remet pas en question la vali-dité des conditions de la formation de la transaction. Elle souhaite seule-ment débattre de l’opportunité ou non de l’approuver. Elle précise que, si le tribunal, au terme de son analyse, décidait d’approuver la transaction, elle souhaiterait alors être autorisée à renoncer à son statut de représentante des membres du groupe et que lui soient substituées, à ce titre, les mem-bres Diane Guay et Micheline Labrie.

Avant de déterminer si l’entente est juste, raisonnable, équitable et dans l’intérêt des membres du groupe, le tribunal tient à mentionner que la situa-tion dans laquelle se retrouve aujourd’hui l’Union des consommateurs, situa-tion qui s’apparente à un conflit d’intérêts, devrait être évitée. Constatant la position dans laquelle elle se trouvait, il aurait été préférable que l’Union se retire du dossier et qu’elle se laisse remplacer par les deux membres dési-gnées avant que la transaction ne soit signée. Ainsi qu’il a été mentionné, l’Union a signé librement la transaction, à titre de représentante des membres du groupe. Elle est donc liée par les conditions qu’elle comporte et elle ne peut plus contester celles-ci. Cela dit, puisque certains des motifs d’oppo-sition qu’elle soulève se rapportent aux critères d’approbation d’une tran-saction mettant fin à un recours collectif, le tribunal devra néanmoins en discuter dans le cadre de son analyse.

L’Union plaide tout d’abord l’insuffisance du montant offert, soit 12 M$. Selon elle, la transaction se limite essentiellement à dédommager les mem-bres ayant été victimes de complications de nature cardiaque. Or, sa requête pour autorisation d’exercer un recours collectif avait également comme objectif la sanction du comportement fautif de Pfizer consistant en des repré-sentations trompeuses sur l’innocuité du Celebrex du point de vue gastrique. Pour les victimes de cette faute, aucun montant n’est prévu dans la tran-saction, hormis des « miettes » pour le remboursement du prix payé pour le médicament. Les représentants de Pfizer répliquent à ce motif d’opposition en invitant le tribunal à beaucoup de prudence sur cette question. Ils expli-quent en effet que le milieu scientifique a très rapidement décrié l’étude vantant l’innocuité du Celebrex du point de vue gastro-intestinal que Pfizer avait publiée en 2000. De plus, la communauté scientifique aurait reconnu que ce médicament comportait certains avantages par rapport à d’autres anti-inflammatoires. Finalement, les deux membres désignées, mesdames Guay et Labrie, soulèvent l’incertitude quant à l’application à cette partie du litige des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur permet-tant de réclamer des dommages-intérêts punitifs, puisque la publicité qu’on reproche ici à Pfizer visait la communauté médicale, et non les consomma-teurs eux-mêmes. Le tribunal estime que ces arguments de Pfizer et de mes-dames Guay et Labrie laissent planer des doutes sérieux sur les chances de succès qu’aurait la position soulevée par l’Union des consommateurs, adve-nant qu’un procès doive avoir lieu. Le tribunal ajoute que le montant des dommages-intérêts versés aux membres victimes d’un problème cardiaque que prévoit la transaction se compare favorablement aux indemnités ver-sées aux victimes américaines.

Comme second motif d’opposition, l’Union soulève l’absence, dans la tran-saction, d’ententes conclues avec les assureurs en santé publique (dont la Régie de l’assurance maladie du Québec) relativement aux sommes qui pourraient leur être versées à même le fonds de règlement créé. La preuve démontre que les parties ont déjà entrepris des démarches auprès des assu-reurs en santé publique. De toute façon, comme l’expliquent mesdames Guay et Labrie, l’intérêt des membres du groupe est protégé, puisque tout paiement à un assureur en santé publique devra être préalablement auto-risé par le tribunal. Le tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu d’empêcher l’ap-probation de la transaction pour ce seul motif.

Finalement, l’Union s’en prend aux sommes accordées aux représentants et aux membres désignés. La transaction prévoit en effet le paiement d’une somme de 5 000 $ à chacun des représentants et membres désignés des groupes requérants, pour les dédommager partiellement du temps qu’ils ont consacré à leur dossier respectif et des inconvénients subis. Mesdames Guay

et Labrie précisent qu’elles n’ont été prévenues de l’ajout de ce dédommage-ment qu’à la toute fin des négociations. Elles ne l’avaient pas demandé. Le tribunal note que l’indemnisation des représentants est un concept généra-lement accepté aux États-Unis et dans plusieurs provinces canadiennes. Les tribunaux de ces juridictions ont d’ailleurs l’autorité pour ordonner un tel dédommagement même en cas de contestation. Aucun pouvoir semblable n’est cependant accordé à la Cour supérieure du Québec, laquelle ne pos-sède aucune discrétion sur la question. Par ailleurs, le tribunal note que le montant accordé à ce titre représente une partie infime du montant total accordé, soit 35 000 $ sur un montant total de 12 M$. De plus, le montant en cause a fait l’objet de négociations avant d’être ajouté à la transaction.

De ce qui précède, le tribunal conclut que les critères permettant d’approuver la transaction sont ici satisfaits. Pfizer a une défense sérieuse à opposer aux demandeurs. De plus, un procès dans cette affaire nécessiterait une preuve scientifique élaborée sur les effets secondaires du Celebrex et du Bextra, une preuve dont l’administration serait nécessairement longue et compliquée. La transaction soumise prévoit pour sa part un mécanisme d’indemnisation permettant d’établir la causalité individuelle de façon souple et peu oné-reuse. Elle vise les membres ayant subi les dommages les plus importants et la somme globale allouée est raisonnable, compte tenu du nombre anticipé de réclamations indemnisables (environ 90). Aussi, la période visée par l’in-demnisation est beaucoup plus étendue que celle entourant la publication de l’étude de 2000 et des réactions qu’elle a entraînées. Le tribunal note en outre que tant les avocats de mesdames Guay et Labrie que ceux du repré-sentant du recours ontarien et de Pfizer recommandent l’approbation de la transaction. Tous sont des avocats qui possèdent une grande expérience en matière de recours collectifs. Seuls les avocats de l’Union des consom-mateurs s’opposent — en partie — à l’approbation de la transaction. Il faut aussi rappeler que les négociations ayant mené à la transaction ont impli-qué le juge Lacoursière à titre de médiateur, un juge ayant une expérience reconnue en matière de recours collectifs. Enfin, le tribunal estime que les coûts engendrés par un procès seraient très élevés, et ce, sans garantie d’un résultat tangible.

La transaction signée le 23 août 2011 est donc approuvée et homologuée. L’Union des consommateurs est autorisée à renoncer à son statut de repré-sentant des membres du groupe du premier dossier. Mesdames Guay et Labrie, qui possèdent les qualités requises pour agir comme représentantes, lui sont substituées à ce titre.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 2631

Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 1025, 1048

Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1

Loi sur l’assurance maladie, L.R.Q., c. A-29, art. 18

Jurisprudence citée

Arseneault c. Québec (Société immobilière), REJB 1997-5121, J.E. 98-237 (C.S.)

Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec (A.P.E.I.Q.) c. Corporation Nortel Networks, EYB 2007-124196, 2007 QCCA 1208, 2007 QCCA 1209, J.E. 2007-1865 (C.A.)

Bouchard c. Abitibi Consolidated, REJB 2004-66455, J.E. 2004-1503 (C.S.)

Dabbs c. Sun Life, [1998] O.J. 1598 (C.S. Ont.)

Pellemans c. Lacroix, EYB 2011-188350, 2011 QCCS 1345, J.E. 2011-734 (C.S.)

Québec (Société des loteries) c. Brochu, EYB 2006-109757, [2006] R.J.Q. 2042, 2006 QCCA 1117, J.E. 2006-1794 (C.A.)

Doctrine citée

AUDREN, M., « L’article 1048 C.p.c. : une disposition d’exception » dans Développements récents sur les recours collectifs (2005), Service de la for-mation permanente, Barreau du Québec, vol. 232, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, 208 p., p. 136-138, EYB2005DEV1084

LAFOND, P.-C., Le recours collectif, le rôle du juge et sa conception de la justice : Impact et évolution, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, 388 p., p. 178-180

16 Reproduction ou diffusion interdite

Contenu publié dans les parties I et II de la Gazette officielle du Québec (du 1er janvier au 2 mai 2012)

Aucune modification n’a été apportée à la législation pertinente.

DOCTRINE

NOISEUX, J.-F., La responsabilité des chiropraticiens, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011.

BERNHEIM, E., Garde en établissement et autorisation de soins : quel droit pour quelle société ?, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011.

FORMATIONS

Le droit du patient au consentement aux soins : ce qu’il faut savoir, par Me Mylène Beaupré, à Montréal le 20 septembre 2012 et à Québec le 28 septembre 2012.

La responsabilité médicale, sous la présidence de l’honorable Louis Lacoursière, avec Mes Dominique Gagné, Suzanne Courchesne, Julia Garzon, Judith Rochette, Julie Savard, Jean-Pierre Ménard, Priscille Pelletier et Pierre Bélanger, à Montréal le 18 octobre 2012 et à Québec le 25 octobre 2012.

Pour plus d’informations et une liste complète, visitez www.editionsyvonblais.com

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