textes de nabe, carlos, pound, arundhati roy, a-s benoit

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LA VÉRITÉ Mensuel Janvier 2004 Terrorisme - PĂ©guy - Argent - Pub - Saddam Hussein - Michel Drucker - Milosevic - Daniel Schneidermann Textes de Nabe, Carlos, Pound, Arundhati Roy, A-S Benoit, Yann Moix, JĂ©sus-Christ - Dessins de Vuillemin « Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vĂ©ritĂ© ? » Êpitre de Paul aux Galates (4.16) N°3 ON A TROUVÉ L’AXE DU MAL !

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LA VÉRITÉMensuel Janvier 2004

Terrorisme - PĂ©guy - Argent - Pub - Saddam Hussein - Michel Drucker - Milosevic - Daniel Schneidermann

Textes de Nabe, Carlos, Pound, Arundhati Roy, A-S Benoit, Yann Moix,JĂ©sus-Christ - Dessins de Vuillemin

« Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vĂ©ritĂ© ? » Êpitre de Paul aux Galates (4.16)N°3

ON A TROUVÉ L’AXE DU MAL !

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EZRA POUND VOUS PARLE !Toujours par amour de la vĂ©ritĂ©, Ezra Pound effectue un retour sur l'AmĂ©rique qu'il a aimĂ©e, celle de la RĂ©volution et de ses fondateurs (Adams, Jefferson,etc..). Il revient sur l'esprit de la Constitution qui s’est perdu Ă  la fin du XIXe siĂšcle Ă  travers, notamment, des lois sur l'Or et l'Argent qui ont fait du dol-lar une monnaie pervertie. Juste un mot encore (avant de laisser la parole Ă  notre cher Ă©ditorialiste) pour signaler que le fameux « Archie » dont il parlen'est autre que Archibald MacLeish, poĂšte amĂ©ricain et ancien ami d'Ezra, qui lutta contre le fascisme et qui devint dĂšs 1939, sous l'impulsion deRoosevelt, bibliothĂ©caire de la bibliothĂšque du CongrĂšs.

Inédit

Perduration

J’ai dit la derniĂšre fois que mongrand-pĂšre en avait fait partieavant moi. Dit que c’était MA

guerre, et que mon grand-pĂšre avait Ă©tĂ©dedans avant moi. Et nous Ă©tions etnous sommes encore du mĂȘme cĂŽtĂ©. LaderniĂšre fois que j’ai vu le vieux, jedevais avoir environ 12 ans. Je le voisencore assis dans ce qu’on appelait labibliothĂšque Ă  Wyncote, dans un grandrocking-chair, devant une drĂŽle degrille de foyer en fer avec au-dessus leportrait de mon arriĂšre grand-mĂšre.C’était l’autre partie de la famille quipensait qu’ils Ă©taient supĂ©rieurs Ă  nous.

L’arriĂšre-arriĂšre-petit-fils d’unbaleinier passait son temps Ă  Ă©tudier legrec, pendant que ceux de l’autre cĂŽtĂ©allaient Ă  l’universitĂ©. Bien. Il arriva queje partis pour l’étranger, et je savais trĂšspeu de chose sur lui, et puis par chancemon pĂšre est venu me rendre visite et aapportĂ© des albums de souvenirs. Et il yavait des coupures de journaux avec desvieilles bagarres politiques, 1878,Grover Cleveland, etc. L’arnaque de ladĂ©monĂ©tisation du mĂ©tal-argent..

C’était ça l’AmĂ©rique.C’était une promesse.

Je pourrais Ă©crire toute une histoiredes Etats-Unis Ă  travers des personnesinconnues, quatre ou cinq familles. Maisla Guerre a Ă©tĂ© toujours la mĂȘme. JohnAdams, Jefferson, Van Buren, et Jacksonet finalement Abe Lincoln. Tous luttantcontre les usuriers enjuivĂ©s, tousessayant de gagner leur croĂ»te honnĂȘte-ment. Tous essayant de faire que l’ar-gent de l’Etat soit honnĂȘtement dĂ©pen-sĂ©. Je n’ai pas lu la vie de Gallatin parHenry Adams, que ce Juif ait Ă©tĂ© hon-nĂȘte ou plus simplement habile. Je laisseça aux personnes qui peuvent avoiraccĂšs Ă  la vie d’Albert Gallatin parHenry Adams et la documentationultĂ©rieure. Si Jefferson avait soutenuJohn Adams, au lieu de se rĂ©concilieravec lui quand ils Ă©taient tous les deuxretirĂ©s des affaires, les choses auraientĂ©tĂ© diffĂ©rentes. Mais l’Histoire ne s’in-tĂ©resse guĂšre Ă  ce qui aurait pu sepasser si. Jefferson au moins a tenu tĂȘteĂ  Alex Hamilton. Deux grandes amitiĂ©s,Ă  la base de l’histoire des Etats-Unis.John Adams et Jefferson, Van Buren etAndy Jackson. On peut passer sontemps Ă  lire cette histoire-lĂ . Lesgarçons qui la lisent seront de meilleurscitoyens. Ca rend tout jeune hommeplus amĂ©ricain Ă  condition qu’il s’entienne d’abord Ă  la vraie histoire amĂ©ri-caine avant d’avaler les perversionsexotiques.

Comment en est-on arrivĂ© lĂ  ?POURQUOI Signor Zobi offrait-il en1850 les U.S. Ă  l’admiration de l’Europe ?Racontant George Washington Ă  seslecteurs. Pourquoi Landor, connu de laplupart d’entre vous pour la civilisationgrecque, s’est-il dĂ©tournĂ© de Pericles et

d’Aspasie pour Ă©crire un poĂšme Ă  lagloire du gĂ©nĂ©ral Jackson ? C’était çal’AmĂ©rique. C’était une promesse. Jedirai qu’il y avait une promesse et beau-coup plus encore. Tu vois ça Archie,l’AmĂ©rique ce n’était pas qu’unepromesse. L’AmĂ©rique, c’était l’archi-tecture coloniale, la bonne nourriture,mĂȘme dans ma jeunesse, le cuisiniernoir savait faire un vrai ragoĂ»t. Je n’aijamais eu droit Ă  de la mauvaise cuisineavant de me mettre Ă  manger dans lesrestaurants quand j’étais Ă  l’universitĂ©.Et Ă  cette Ă©poque lĂ , nom de Dieu, unemarmite d’huĂźtres c’était une marmited’huĂźtres. Je veux dire en ce qui con-

cerne la cuisine, personne n’étaitmeilleur que nous.

Les chefs français c’était du flan.Mais la crĂšme glacĂ©e faite avec de laCRÈME, de la crĂšme et des pĂȘches, devraies pĂȘches, n’était pas dĂ©passĂ©e parSindar. Il n’y avait rien comme ça enEurope.

Une loi s’est faufilĂ©e, quimettait fin au mĂ©tal-argent. Et jamais plus il n’ya eu au CongrĂšs suffisam-ment de forces honnĂȘtespour faire passer une loihonnĂȘte sur la monnaie.

Les orfĂšvres amĂ©ricains, le mobili-er colonial amĂ©ricain, mĂȘme le simpletravail de sculpture sur les pierres

tombales. La maison de Jefferson,comme maison d’homme fortunĂ©, ou entous cas d’un homme qui vĂ©cut commes’il Ă©tait riche et avait fait faillite. Lamaison de Monroe, celle d’un hommequi vivait plus simplement que sesmoyens le permettaient. La maisond’Adams, les deux maisons, celle d’unhomme pauvre et fils de pauvre. Toutesces maisons vous enseignaient quelquechose, quelque chose concernant lapolitique, dans le sens Ă©levĂ© que cevieux Harry Stotle dĂ©fendait, dĂ©fendaitpour l’admiration de tous. Quelquechose de plus Ă©levĂ© que l’éthique, uneextension de tout ce qu’il y a de plus

sain dans l’éthique. Et puis quelquechose a cassĂ©. En 1867 ça a cassĂ© ou çaa Ă©tĂ© cassĂ©. Et les documents sontdisponibles. La correspondance deSherman, Ikleheimer, Rothschild. Maisquand est-ce que vous autres vous allezvous mettre Ă  rĂ©flĂ©chir ? Puis, dix ansplus tard, une loi s’est faufilĂ©e, qui met-tait fin au mĂ©tal-argent. Et jamais plus iln’y a eu au CongrĂšs suffisamment deforces honnĂȘtes pour faire passer uneloi honnĂȘte sur la monnaie. Des tracts,des tentatives d’amendements poursauver ce qui pouvait l’ĂȘtre. Tentant deconserver en circulation, comme mon-naie d’échange, une partie de la dettequi ne supportait pas d’intĂ©rĂȘts.Calhoun aurait compris ça, aurait com-pris cette idĂ©e concernant la partie de ladette qui ne payait pas d’intĂ©rĂȘt. BiensĂ»r, inutile de l’émettre comme de ladette. Calhoun aurait compris le sens decette idĂ©e. Au moins une partie de la

dette ne supportait pas d’intĂ©rĂȘt. Netaxait pas l’homme ordinaire, tous leshommes des Etats-Unis, nuit et jour.John Adams aurait compris ça, Lincolnaurait compris ça. ET COMMENT.

Adressez-vous Ă  M. Sandburg, dis-moi, Carl, demande Ă  Archie, ce qu’il enest de cette question de la partie de ladette exonĂ©rĂ©e d’intĂ©rĂȘts. Qu’a Ă  direl’éminent directeur de la bibliothĂšquedu CongrĂšs quant Ă  cette notion ? et sinon, pourquoi non ? AprĂšs tout Archien’était pas impliquĂ© Ă  l’époque danscette sociĂ©tĂ© vĂ©reuse du PrĂ©sident,lancĂ©e au moment de l’inflation enAllemagne. Archie s’est assis relative-ment tardivement Ă  la table des« kikes ». J’espĂšre qu’on ne vous a pasdonnĂ© Ă  manger de la semelle.

Mais qui doit Ă©mettre ledollar ?

Et puis bien sĂ»r il y a l’affaire dumĂ©tal-argent. On voulait briser lemonopole de l’or, mais pas de façonvraiment honnĂȘte. On voulait empĂȘcherque le racket de l’or soit exclusif, maisau moyen d’un autre racket. Des typesbien qui sentaient qu’ils avaient besoinde soutien, comme Sir Montagu Webb,ayant les hommes du mĂ©tal-argent aveceux, mais ne disant pas tout. Cas de con-science trĂšs difficile. Un type entre auCongrĂšs grĂące au soutien des milieuxde l’argent. A le droit de demander lesmĂȘmes droits pour le mĂ©tal-argent quela vermine de l’or pour son or. MAIS :veut que ses droits soient transformĂ©sen racket. Se fout complĂštement desdroits des hommes, du mouton ou descĂ©rĂ©aliers. Bien, c’a a Ă©tĂ© la faiblesse del’Argent. Aucune matiĂšre premiĂšren’est supĂ©rieure de droit aux autres eten plus on ne mange pas de MÉTAUX.

Le dollar comme matiĂšre premiĂšre ;ce vieux Warren avait raison sur ceplan-lĂ . Mais qui doit Ă©mettre le dollar ?Il faut retourner Ă  notre vieilleConstitution, vieille et trahie. Mais queraconte le Baltimore Sun, ou le New YorkSun, au sujet de la Constitution desEtats-Unis ? Qu’a Ă  dire le colonelMcCormick au sujet de la Constitution ?Il m’a foutu dehors, ou en tous cas sestrouillards de rĂ©dacteurs m’ont foutu Ă la porte trop tĂŽt de son journal de Paris.Aucune importance. Mais qu’a-t-il Ă dire MAINTENANT Ă  propos de laConstitution des Etats-Unis ? Peut-ĂȘtrequ’il a attendu 20 ans, peut-ĂȘtre plus,mais c’est vingt ans de trop.

On se reverra. Que disent les par-venus du mĂ©tal-argent Ă  propos de lamonnaie nationale ? Non je ne suis pasun bienfaiteur. J’ai dĂ©passĂ© cette voie -lĂ . Je suis un homme de la monnaie demon pays.

Et il devrait y avoir PLUSd’AMÉRICAINS AVEC MOI.

9 mai 1942. Discours improvisé àRadio-Rome.«The Duration». Traduction : Anne-SophieBenoit

Ezra Pound

Ezra Pound à Venise à la fin des années 20

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RĂ©flĂ©chissez au lieu de hurler. Depuisl’Attentat des attentats (comme on dit leCantique des cantiques) du 11 septembre

2001, aucun acte terroriste dans le monde n’estidiot, insensĂ© ou incomprĂ©hensible. C’est ça qu’ainventĂ© Ben Laden : l’attentat intelligent. La moin-dre bombe explosera pour une bonne raison !C’est toujours pour punir les collabos qui aidentles Yankees Ă  rĂ©duire les Arabes en esclavage queles attentats ont lieu. Faites la liste.

Le 11 avril 2002, attentat de Djerba. Pourquoi ?Parce que les Tunisiens sont des MaghrĂ©bins ram-pants qui n’en ont rien Ă  foutre des problĂšmes duvrai Orient, et que les terroristes sont les dernierssur terre Ă  dire, violemment, que le tourisme estun mal. Terrorisme contre tourisme, la voilĂ  lavraie guerre de fond : c’est elle qui a Ă©galementsuscitĂ© l’attentat de Bali. Celui de Karachi, le 14juin 2002, les terroristes le justifieraient (si on leleur demandait poliment) par la volontĂ© de dĂ©tru-ire le consulat amĂ©ricain, ce qui est de bonneguerre. En mai 2003, c’est le cercle de l’AllianceisraĂ«lite qui saute Ă  Casablanca. Pourquoi ? Parceque le Maroc est un autre pays du Maghreb quisert d’oasis royal Ă  tous les Pieds-Noirs en mald’exotisme, Ă  tous les friquĂ©s du show-biz et desLettres qui Ă©taient contre la guerre en Irakuniquement par peur qu’on leur fasse sauter leursvillas Ă  Marrakech! L’attentat de Ryad en novem-bre 2003 n’est pas plus « gratuit ». Pas detouristes ni d’AmĂ©ricains dans les lieux saintsd’Arabie Saoudite, ce pays de pourris ! Quediraient les ChrĂ©tiens si on installait un « Stringfellows » ou un « Hulster club » Ă  Lourdes ?Rien, bien sĂ»r, car les Catholiques sont devenusdes larves. Tant mieux si les Musulmans qui veu-lent prĂ©server leur Mecque n’en sont pas !

En Irak, depuis la « fin » de la guerre, les atten-tats sont encore plus faciles Ă  expliquer.L’ambassade de Jordanie a Ă©tĂ© visĂ©e pour hautetrahison, car la Jordanie a Ă©tĂ© le seul paysfrontalier Ă  avoir laissĂ© passer les colonnes de GIet favorisĂ© l’espionnage contre leur voisin arabeagressĂ©... Le siĂšge des Nations-Unies Ă  Bagdad futla cible d’une attaque-suicide corsĂ©e parce quel’ONU (Sergio Vieira de Mello ou pas) est uneorganisation ponce-pilatienne, une salope aban-donneuse, responsable des sanctions de l’embargoet du lĂąchage total du pays le plus vulnĂ©rable aumoment oĂč il aurait eu le plus besoin de sa pro-tection... Rien d’étonnant non plus Ă  ce que descasernes d’Italiens ou des postes de Polonais etd’Espagnols (tous alliĂ©s de Bush), ou encore descommissariats de police bourrĂ©s d’indics et detraĂźtres irakiens, ex-du Baas reconvertis dans ladĂ©nonciation de leurs compatriotes, reçoiventrĂ©guliĂšrement sur la tronche des « bombes de lamort »... Et mĂȘme, dans le sanctuaire chiite deNadjaf, la voiture d’un ayatollah a Ă©tĂ© piĂ©gĂ©e.Pourquoi faire semblant de se demanderpourquoi ? Comme l’autre qui avait Ă©tĂ© poignardĂ©Ă  son retour d’« exil » londonien, celui-ci Ă©tait unvendu total qui, en plein mausolĂ©e d’Ali ! appelaitles Irakiens Ă  ne pas chasser les AmĂ©ricains...Enfin, si l’hĂŽtel Rashid a Ă©tĂ© criblĂ© de balles, c’estparce que s’y trouvait cette ordure de PaulWolfowitz au dĂ©but du Ramadan !

Tout s’explique. Si toutes ces actions Ă©taientremises dans le contexte historique du combat desrĂ©sistants contre les nazis pendant la deuxiĂšmeguerre mondiale, beaucoup de gens les trouveraittrĂšs justes. Les guerriers de la RĂ©sistance, qu’ilsappartiennent Ă  al Qaida, Ă  la Jemaah Islamiyah,ou bien Ă  l’ancienne garde de feddayine deSaddam, n’ont qu’un seul but : la LibĂ©ration d’unpays arabe occupĂ©. Et on appelle ça du fanatismereligieux ! C’est une lutte armĂ©e pour dĂ©fendre sa

terre, exactement comme la pratiquaient les Sioux.Rien ne m’a semblĂ© plus tristement symboliqueque d’apprendre que, dans un attentat Ă  Mossoul,un soldat «amĂ©ricain » tuĂ© Ă©tait un descendant deCrazy Horse !...

Quand Le Monde titre Ă  la une : « Les attentatsen Turquie visent l’islam modĂ©rĂ© » (22 novembre2003), c’est faux. Ce n’est pas parce que la Turquiea instituĂ© un « islam modĂ©rĂ© » (sic !) qu’elle a Ă©tĂ©visĂ©e par l’« islam radical »; c’est parce qu’ellesoutient aujourd’hui l’AmĂ©rique comme elle avaitsoutenu l’Allemagne pendant la guerre de 14-18...Sous prĂ©texte qu’ils sont des Musulmans laĂŻques,les Turcs ont ouvert leur port Alexandrette auxtroupes amĂ©ricaines, et laissĂ© survoler leur terri-toire par les chasseurs US. Sous prĂ©texte qu’ilsveulent Ă  tout prix entrer dans l’Europe (sansabjurer le massacre des ArmĂ©niens), ils font lalĂšche Ă  l’Angleterre. Sous prĂ©texte que leursKurdes (dĂ©jĂ  des traĂźtres) avaient Ă©tĂ© mis au paspar Saddam Hussein, ils Ă©taient prĂȘts Ă  envoyerdix mille soldats contre l’Irak. La Turquie a trahi :elle paye !

MĂȘme Pierre Loti aurait du mal Ă  dĂ©fendre laTurquie, dirigĂ©e comme elle est par des hypocritesqui veulent bouffer au rĂątelier occidental. Lui quise mĂ©fiait dĂ©jĂ  de l’europĂ©aniste Mustapha KĂ©mal,abolisseur du califat et premier responsable ducomplexe occidentaliste des Turcs, ce peuple sichouette entre Europe et Asie, comme disent lesprospectus... Un pays entre deux chaises : ellesviennent de s’écrouler. Attentats sanglants pourfĂȘter la fin du Ramadan Ă  Istanbul. Deux syna-gogues en flammes, le consulat anglais en lam-beaux. C’est triste et douloureux pour unamoureux du Bosphore comme moi, mais c’étaitpresque inĂ©vitable vu la grande crapulerie du gou-vernement turc depuis plus d’un an. Les Turcsn’ont-ils pas compris que l’Irak Ă©tait aussi leurcombat ? Comme celui de tous les rĂ©sistants dumonde, dans tous les domaines ? Et pendant cetemps Ă  Londres, les deux brutes endimanchĂ©esBush et Blair, hypnotisĂ©s par leur idĂ©alisme demidinettes dĂ©mocratiques, continuent, malgrĂ© lesmanifs, Ă  baver par tous les pores de leur indĂ©-cence leur discours sur la « libertĂ© » et le « Bienqui triomphera». Qu’y a t-il de plus intelligent Ă leur opposer que du terrorisme ?

Ça ne suffit plus de manifester son dĂ©sir d’un« autre monde » et de brandir des pancartesdans les rues de Rome, de Madrid... Ou mĂȘme deCancun : ça aussi, ça fait partie de l’obscĂ©nitĂ© occi-dentale. Les derniers attentats en plein Orient con-tre l’Occident au moment du sommet amĂ©ricano-britannique, c’est aussi une façon de demanderaux manifestants de cesser de faire l’enfant. Il y ena encore qui sont « contre la guerre en Irak », sixmois aprĂšs la chute achetĂ©e de Bagdad !

Ceux qui ont participĂ© Ă  cette injustice suprĂȘme,divine, extraterrestre du dĂ©but du troisiĂšme millĂ©-naire qu’a Ă©tĂ© la guerre en Irak n’ont rien Ă  crain-dre du « terrorisme ». Et pourtant, lesFranchouillards tremblent de peur que deskamikazes s’écrasent cet hiver sur la Tour Eiffel !Ah, les abrutis shootĂ©s au Camembert ! Moins devingt-quatre heures aprĂšs le carnage de Stamboul,les Français se plaignent dĂ©jĂ  du manque Ă gagner... « Le monde du tourisme est inquiet ».« Beaucoup d’annulations de voyages pour lesvacances». Il n’y a que ça qui les prĂ©occupe, alorsqu’on n’a pas encore enlevĂ© les cadavres du trot-toir de Beyoglu... Comment s’appitoyer sur desgens pareils ? Comment respecter des demeurĂ©sd’une telle bassesse ? « Jihad is the language theyunderstand», comme il est Ă©crit sur les tee-shirtspalestiniens...

Le seul moyen d’arrĂȘter le terrorisme, c’est delaisser les terroristes s’expliquer sur les raisons deleurs actions et non de condamner d’abord, parprincipe moral, leur maniĂšre d’agir. Rien que d’ad-mettre publiquement que sur le fond, ils n’ont pastout Ă  fait tort de cibler tel ou tel traĂźtre Ă  la justecause d’un monde affranchi de l’impĂ©rialismeamĂ©ricain, ça ferait, j’en suis sĂ»r, baisser lafrĂ©quence et la violence des attentats. Au lieu deça, les gendarmes du « Bien » ne veulent riensavoir : ils condamnent ! Il faut beaucoup dejugeotte pour ne pas juger. L’Occident n’a pas cettematuritĂ©-lĂ , je ne parle mĂȘme pas d’intelligence.

L’intelligence, pour l’instant c’est le terrorismequi la possĂšde. Qu’on me trouve un seul attentatgratuit depuis deux ans dans le monde ! Un seulqui soit animĂ© par l’absurditĂ© aveugle et la hainepure pour « l’autre », par l’intĂ©rĂȘt ou la rancoeur,le non-courage, le non-dĂ©sespoir, ou la non-volon-tĂ© de faire bouger les choses, autant de sentimentsqui dĂ©finissent parfaitement la mentalitĂ© occiden-tale. On ne se rend plus compte, en Occident igno-ble, ce que ça veut dire que de vendre son Ăąme, etmĂȘme pas la sienne, celle de Dieu, pour quelquesdollars de plus !... Un «islamiste » d’Al Qaida quifait la « guĂ©rilla » dans le « triangle sunnite »(plus mystĂ©rieux dĂ©sormais que celui desBermudes !) n’a rien Ă  foutre de l’Irak, ni mĂȘme deSaddam Hussein. Il ne cherche pas Ă  imposer l’is-lam comme religion au reste du monde commeveulent le faire croire les mauviettes athĂ©es, il veutjuste rendre une certaine dignitĂ© aux peuples quirĂ©sistent Ă  l’occupation occidentaliste, c’est tout.

Avant, le terrorisme n’était pas si pertinent.MĂȘme celui d’Action Directe . Pendant que SergeJuly se pavanait sur son boulevard de la LibĂ©rationpercĂ© grĂące Ă  leurs idĂ©es, les « terros » MĂ©nigonet Rouillan dessoudaient le patron de chezRenault, par idĂ©alisme et fidĂ©litĂ© Ă  leurs convic-tions... Abattre Georges Besse sur son trottoirparce que c’était un enfoirĂ© du systĂšme capitalistedes annĂ©es soixante-dix, ce n’était pas une bonneaction directe. Les attentats aujourd’hui volentquand mĂȘme plus haut ! TrĂšs bien organisĂ©s,excellents stratĂšges et insaisissables, lesterroristes sont de plus en plus intelligents et doncde plus en plus mĂ©chants : ils frappent oĂč ça faitmal, pas lĂ  oĂč il faudrait que ça soit bien de frap-per. Seuls les professeurs de dĂ©mocratie s’ac-crochent encore au fantasme d’une « croisadepour Allah», et affirment que c’est au «Christ desJuifs et des chrĂ©tiens » que les mĂ©chants martyrss’attaquent. Non ! Aucun idĂ©alisme religieux chezl’Irakien qui cache un lance-roquettes dans unecariole de lĂ©gumes tirĂ©e par un Ăąne, et qui vise lafaçade de l’hĂŽtel Ishtar... Quel est l’ĂȘtre humain quipeut encore trouver ça indigne sans se vomirdessus de honte ? AndrĂ© Glucksmann peut-ĂȘtre,qui voit du terrorisme partout et jamais de rĂ©sis-tance nulle part. Au fait, comment considĂšre-t-ilses chers TchĂ©tchĂšnes qui luttent contre l’impĂ©ri-alisme russe, si ce n’est comme des rĂ©sistants ? LĂ ,comme par miracle, ce ne sont plus des « terror-istes » ! On est toujours le terroriste de quelqu’unqui ne vous considĂšre pas comme rĂ©sistant.

Quand l’indiffĂ©rence sera vaincue, le terrorismesera jugulĂ©. C’est tout simple. Regardez le nombrede gens qui crĂšvent qu’on ne les Ă©coute pas ! Dansle mĂ©tro, au boulot, et mĂȘme au dodo, il n’y a queça : des hommes et des femmes qui n’ont jamaiseu le droit de dire qu’ils sont mal. Donner la paroleĂ  celui qui ne l’a pas, ça le vide de toutes ses rages.C’est magique ! On n’a plus envie de poser unebombe grosse comme un coeur, si on a l’occasionde dire enfin tout ce qu’on avait dessus.

Marc-Édouard Nabe

INTELLIGENCE DU TERRORISME

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Amérique Latine

PĂšre Ubu : Je veux faire les lois maintenant.Plusieurs magistrats : Nous nous opposons Ă  tout change-ment.PĂšre Ubu : Merdre. D’abord les magistrats ne seront pluspayĂ©s.Magistrats : Et de quoi vivrons-nous ? Nous sommes pau-vres.PĂšre Ubu : Vous aurez les amendes que vous prononcerez etles biens des condamnĂ©s Ă  mort.Magistrats : Horreur – Infamie – Scandale – IndignitĂ©, nousnous refusons Ă  juger dans des conditions pareilles.PĂšre Ubu : A la trappe les magistrats.MĂšre Ubu : Eh ! Que fais-tu PĂšre Ubu ? Qui rendra main-tenant la justice ?PĂšre Ubu : Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien.MĂšre Ubu : Oui, ce sera du propre.(Ubu Roi, Alfred Jarry - 1888.)

Aujourd’hui, Petit Ubu met Ă  la trappe leministre de la justice, les magistrats,quelques policiers dont la tĂȘte d’ailleurs

ne lui revient pas, les autres Ă©tant chargĂ©s desous-traiter la justice, et placarde les africains,les arabes et les musulmans dont la sĂ©rĂ©nitĂ©dĂ©range ce petit homme tous nerfs dehors.TrĂšsbientĂŽt, le Petit Ubu va remplacer les magistratset les avocats par des policiers, ce sera plus sim-ple et plus Ă©conomique. D’ici peu, ils auront toutsur place, les empreintes gĂ©nĂ©tiques que l’on tir-era au sort pour dĂ©signer les coupables, les

enregistrements audiovisuels numĂ©risĂ©s,retraitĂ©s pour les rendre plus jolis.Quand il va Ă  Dakar, Petit Ubu, c’est le marchĂ©aux poissons qui le passionne. Il aime cesinstants Ă©ternels pleins de poĂ©sie, tout comme cemoment magique du matin, quand il se rasedevant le miroir.Petit Ubu est toujours joyeux et ardent pourgrimper sur l’Olympe, sur les Ă©paules du vieuxCapitaine Bordure.Il s’occupe de tout mais n’a qu’une toute petitephobie qui le gratte derriĂšre l’oreille, LE SANI-TAIRE. Quiconque prononce ce mot haĂŻ devantlui, part aussitĂŽt Ă  la trappe : Merdre !Il hait Le Sanitaire, Petit Ubu, les quinze millemorts de chaud, ce n’est pas lui, il ne s’occupepas du Sanitaire, il a horreur de ça. Il n’a rien su,on ne lui a rien dit, c’est le Grand Carabin qui lesa mis Ă  la trappe. Pourtant, il est aussi le boss dela SĂ©curitĂ© civile des citoyens et par seulement lechef bien aimĂ© de la police.Il a tort le Petit Ubu, d’évacuer ce dĂ©tail qui pour-rait devenir plus grand que lui.

Isabelle Coutant-Peyre

LE PETIT UBU BONNE ANNÉE2004

Tous les bons chrĂ©tiens devraient porter le deuil dela capture de Saddam Hussein, vendu. Le prĂ©sidentde l’Irak a protĂ©gĂ© les chrĂ©tiens, garantissant leurs

droits et construisant des lieux de culte dignes de ces anci-ennes communautĂ©s monophysites plus ou moins “vatican-isĂ©es” depuis 250 ans.

La “croisade” de Bush Jr. l’est aussi contre les chrĂ©tiensd’Orient. ParallĂšle Ă  faire avec la guerre contre les Taliban,laquelle livre l’Afghanistan nettoyĂ© de drogues Ă  des ban-des armĂ©es de narco-trafiquants travestis en “moudjahi-dine” alliĂ©s de “l’AmĂ©rique”.

Mes vƓux les meilleurs pour les lecteurs de LA VÉRITÉ.JOYEUX NOËL DE RÉSISTANCE en Terre Sainte, en

MĂ©sopotamie, et chez la Fille aĂźnĂ©e de l’Église.2004 sera une annĂ©e de durs combats pour la LIBERTÉ

des peuples et la SOUVERAINETÉ des nations.J’y participerai. Avec mon stylo.AmitiĂ©s rĂ©volutionnaires,

CARLOS

Si le PĂšre Ubu avait un fils, qui ça pourrait bien ĂȘtre... Pourquoi pas un de nos ministres ?

I l y a encore quelques jours, dans l’un de mes coursde langues, j’ai eu le droit à une vieille rengaine.C’est notre pain quotidien (trop cuit) à nous, les

expatriĂ©s latino-amĂ©ricains. Il faut dire que je l’ai bienmĂ©ritĂ© : j’ai osĂ© poser un petit bĂ©mol Ă  la belle phraseque l’un de mes Ă©lĂšves venait de pondre, tant bien quemal, en espagnol. Il s’emportait contre les Arabes quiviennent se faire plastiquer « chez nous » tout en levantl’index, en concluant que c’était dans l’ordre des choses,liĂ© au choc des civilisations
 Le tract de Huntington
Que visiblement Monsieur n’avait mĂȘme pas lu. Et aprĂšslui avoir expliquĂ© en quelques minutes – de la façon laplus gentille possible et dans mon espagnol de cours deniveau 1 – que Huntigton Ă©tait una buena mierda,Monsieur l’élĂšve se croisa les bras et se contenta derĂ©pondre la phrase fatidique : « Et bien voyez-vous,mon cher ami, vous pensez comme un latino-amĂ©ri-cain ».

Aujourd’hui, je me demande encore ce que veut biendire penser « comme un latino-amĂ©ricain ». J’aidemandĂ© une analyse plus prĂ©cise
 Monsieur l’élĂšveĂ©tait aux anges
 Et a bien profitĂ© de l’occasion pourm’illustrer la façon d’ĂȘtre de tout le «sous-continent » :il paraĂźt que nous sommes tous des rĂ©volutionnaires(sauf Vargas Llosa, quand mĂȘme, l’exception culturellede la rĂšgle), que nous adorons les coups d’état (et lescoups tout court), la fiesta, la tequila et le football, et voy-

ager en Europe. Nous sommes tous d’extrĂȘme-gauche,avons les cheveux longs et portons des chemises du Che.Monsieur ignore sĂ»rement que le Che lui-mĂȘme n’auraitjamais portĂ© une chemise Ă  son effigie, comme les adosparisiens le font dĂšs l’ñge des premiers boutons sur lagueule. Un jour, j’ai demandĂ© Ă  un jeune qui traĂźnait Ă Beaubourg s’il savait qui Ă©tait le bonhomme imprimĂ©sur son t-shirt. Il m’a rĂ©pondu que ce type avait Ă©tĂ© unestar du rock des annĂ©es 70, tout comme Jimmy Hendrixet Carlos Santana.

Le plus triste est que Monsieur mon Ă©lĂšve ne fait querĂ©pĂ©ter les bĂȘtises que des « spĂ©cialistes des questionslatino-amĂ©ricaines » profĂšrent dans la presse nationale,qui n’est d’ailleurs pas mĂȘme foutue de reproduire unecarte du sous-continent sans confondre joyeusementl’Uruguay avec le Paraguay, ou de mettre des Castro,Marcos et des hĂ©ritages incas ou aztĂšques partout ou dementionner PerĂłn pour justifier en cinq minutes lesmalheurs de nos pays. Nous latino-amĂ©ricains, onapprend en lisant les analyses des Adler, des Couffignalet autres spĂ©cialistes que pour son mouvementzapatiste, Marcos s’est inspirĂ© Ă  fond d’Althusser et del’inusable Debray, que la gauche mexicaine est unhĂ©ritage aztĂšque, que nos crises Ă©conomiques rĂ©cur-rentes ne sont pas le produit des plans Ă©conomiquessuivis depuis 20 ans, mais les suites des traumatismes dela conquĂȘte du XVIĂšme siĂšcle de nos Ă©tats-nations en

quĂȘte d’identitĂ©, et que la guerre entre l’Honduras et ElSalvador en 69 est dĂ» au 3-0 d’un match retour, commesi la dĂ©composition de l’Ex-Yougoslavie Ă©tait le rĂ©sultatdes bagarres de supporteurs de l’Etoile Rouge et leDynamo de Zagreb. On simplifie, on fait vite et en plus,il faut vous donner raison, Ă  vous autres Français, car sion vous contredit, c’est sĂ»rement Ă  cause de notre cĂŽtĂ©contestataire et rĂ©volutionnaire, et donc voilĂ  finalementcomment vous avez toujours eu raison dĂšs le dĂ©part.

Donc en Ă©crivant ceci j’ai commis un crime de lĂšse-pensĂ©e française : je m’avoue profondĂ©ment latino-amĂ©ricain et pourtant j’ai Ă©crit quelques lignes sans lamoindre trace de rĂ©alisme magique, folklore indien,danseurs de Tango ni appel Ă  la RĂ©volution. J’avoue quede surcroĂźt je n’aime pas danser, je ne sniffe pas et quede PerĂłn, on se fout pas mal en Argentine. Quant Ă  monballon de foot, il ne me reste qu’un ballon imaginaire,faute d’espace dans mon petit studio. D’ailleurs j’aimebeaucoup le balancer dans la gueule de mes Ă©lĂšvesfrançais qui me demandent si dans ces pays-lĂ  on faittoujours des sacrifices humains, si l’on parle catalan, quipensent que nos dictatures Ă©taient toutes communistes(alors que Castro Ă©tait l’exception) et qui me demandentsi mon pĂšre porte son sombrero. Inutile de raisonner unhabitant du pays de la Culture


Jorge Rodriguez-Lasso

LE CHE N’AURAIT JAMAIS PORTÉ UNE CHEMISE À SON EFFIGIE

Molle et morte, la critiqueaime ce qui est mou et mort.Craignant que l’homme armĂ©d’une idĂ©e ne pousse un cri

qu’on n’ait pas l’habituded’entendre, elle prĂ©fĂšre, et debeaucoup, ceux qui Ă©crivent

pour ne rien dire.

ERNEST HELLO1872

SALUT NELLY KAPRIÈLIAN !

Je m’appelle Abdel.Tu vas voir ce qui va t’arriver un de ces soirs, quand tu rentreras

chez toi, toute seule, dans le noir...

Message personnel

5

Service Public

STOP PUB RAJOUTE UNE COUCHE DE PUB !

Depuis quelques mois, les panneaux publicitaires du mĂ©tro parisien se couvrentde tags. C’est le fruit des opĂ©rations Stop Pub oĂč des centaines de personnesregroupĂ©es en petites bandes sillonnant les stations de mĂ©tro pour se faire les

panneaux avec leurs marqueurs ou leurs pots de peinture. Difficile de trouver une affichequi n’ait pas Ă©tĂ© «visitĂ©e » par les nouveaux casseurs de pub.

En finir avec la pub omniprĂ©sente est une initiative heureuse mais le rĂ©sultat desactions commando de Stop Pub est, lui, trĂšs malheureux. Stop Pub en rajoute une couchesur la pub en parsemant les affiches du mĂ©tro de petits commentaires Ă  la Debord, imbĂ©-ciles, aigris et moralisateurs. Les tags sont pitoyables : « Pub sexiste » ; « la femme n’estpas une marchandise » ; «La Pub ou la vie» ou sur les affiches promouvant les concerts deFlorent Pagny des « T’as de la chance tu paies de gros impĂŽts ». Sur les encarts de tourisme,les commentaires crayonnĂ©s rappellent que le prix du voyage proposĂ© est Ă©gal au SMIC etque les pauvres ne peuvent se payer de tels voyages. Comme d’habitude, les contestatairesse trompent de cible : ce qui est Ă©cƓurant ce n’est pas le prix du voyage, c’est le voyage lui-mĂȘme.

Les messages rajoutĂ©s en surimpression sur les publicitĂ©s dĂ©cuplent l’intĂ©rĂȘt que l’onporte aux publicitĂ©s. Alors que l’on ne les voyait plus, on commence soudainement Ă  lesregarder plus attentivement. La Pub a gagnĂ©. Recouvrir toutes les publicitĂ©s de peinture

blanche ou d’images de champs de coquelicots, c’est sĂ»rement ce que devrait faire Stop Pub pour enfin dĂ©truire la publicitĂ©. Cela fait bien longtemps que la Pub a intĂ©-grĂ© les tags pour vendre. Stop Pub risque bien de continuer Ă  ĂȘtre le dindon de la grosse farce qui fatigue tout le monde. C’est l’acte, le message. Il ne faut jamais ajouterde message et encore moins ses commentaires personnels (le plus grand attentat du monde ne fut pas revendiquĂ©), l’acte doit se suffire Ă  lui-mĂȘme. Pas d’explication,pas d’argumentation. Ne jamais perdre son temps Ă  contester un systĂšme : le dĂ©truire !

Une absence totale de publicitĂ© sur les panneaux, des murs redevenus blancs, des champs de blĂ©s ou de fleurs, c’est ce qui nous soulagerait ou nous stupĂ©fieraitprofondĂ©ment, nous, les voyageurs du mĂ©tro plutĂŽt que d’ĂȘtre obligĂ©s de se fader la Pub et les tags moralisateurs de Stop Pub quand, par malheur, on n’a pas rĂ©ussi Ă trouver son exemplaire gratuit de 20 minutes. A-S. B

MICHEL DRUCKER, 40 ANS DE TÉLÉVISION :QUELLE SANTÉ !

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Reportage

J'ai loué une Twingo chez Avis, direc-tion Villeroy, pour voir enfin à quoiressemblait la tombe de Péguy, « mort

au combat ». Parlons-en, de la mort deCharles PĂ©guy ! Charles PĂ©guy n'est pas mortau combat, non. Charles PĂ©guy s'est suicidĂ© aucombat. Dans son champ de betteraves, sabreau clair, pour se plomber la cervelle, il autilisĂ© une arme peu commune, une arme Ă grande Ă©chelle, une arme grandeur nature,une arme pas petit joueur : la France. Il s'esttuĂ© lui-mĂȘme avec l'honneur de la France. Ils'est mis un coup d'honneur de la France enpleine tĂȘte, septembre 1914. PĂ©guy en avaitparlĂ© dans ses livres, mais personne ne l'avaitlu. Il l'avait Ă©voquĂ© trĂšs souvent, le champ debetteraves. Il Ă©tait avec sa section, il faisaitplutĂŽt beau. Lieutenant, il donnait des ordres.Ses hommes se sont couchĂ©s : les AllemandsĂ©taient de l'autre cĂŽtĂ© de la luzerne. Ils Ă©taientlĂ -bas, tranquilles. Ils ne tiraient pas spĂ©-cialement. Ils tiraient un peu. Ils jouaientvaguement du fusil parce que c'Ă©tait laguerre. Mais c'Ă©tait une guerre qui ne savaitpas encore qu'elle Ă©tait la Grande Guerre, uneguerre qui ne se savait pas elle-mĂȘme entrain d'ĂȘtre la guerre de 14-18. Donc, lesAllemands ne tiraient pas exactementcomme ils auraient tirĂ© s'ils avaient su qu'ilsfaisaient la guerre de 14-18. Non : ils tiraientquelques coups de dĂ©but de guerre, desdouilles de septembre 14, ils rechargeaientleurs canons de morceau de guerre, de cam-pagne cool française, d'automne pas entamĂ©,de guerre qui sentait encore la paix d'hier.C'Ă©tait une guerre dĂ©butante ; c'Ă©tait uneguerre oĂč les Allemands Ă©taient encore desgens : de Francfort, de Hambourg, desgarçons sympathiques de Munich. Ce n'Ă©-taient pas des soldats de la guerre 14 ; ils nese battaient pas encore rĂ©ellement contre lesFrançais ; ils Ă©taient surtout dans un champavec des bottes, une gourde, un chef dont il neconnaissait pas le prĂ©nom, et un peu de soleildans les yeux.

La véritable horreur, c'estqu'un pinson se soit poséun lundi ensoleillé à 14 h 06sur un barbelé tùché desang.

Ce soleil-lĂ  Ă©tait un soleil normal. Ons'imagine toujours que les saisons, les soleils,les oiseaux, les couleurs de l'Ă©tĂ© sont dif-fĂ©rents quand ils forment le dĂ©cor des grandsĂ©vĂ©nements tragiques de l'humanitĂ©. Non, ilssont trĂšs normaux. Les saisons ont passĂ©pareil sur Verdun. Il y avait, dans la cam-pagne verdissante et neuve des Ă©tĂ©s, Ă Verdun, des roitelets qui, patiemment, fai-saient leur nid. Des pies qui se posaientdoucement sur la branche, dans la fraĂźcheurjaune d'un matin d'Ă©tĂ© tout neuf, tout propre,tandis que remuait dans son terrier unrenard, ici une gentille taupe, et, par-dessusles arbres Ă©lancĂ©s qui respiraient bien, desnuĂ©es de canards oranges, des envolĂ©es belleset Ă©lancĂ©es, extrĂȘmement Ă©lĂ©gantes, d'oiessauvages comme dans la chanson de MichelDelpech. La nature vivait, le vert existait, jeveux dire : la couleur verte. Pour restituer lavraie rĂ©alitĂ©, il faut laver mentalementVerdun des couleurs verdunoises quel'Histoire nous a lĂ©guĂ©es : ce noir-et-blancbrumeux, pluvieux, dĂ©trempĂ©, historique, cessaisons documentaires faites de fumĂ©esnoires et d'hivers cramĂ©s de blanc, car la vĂ©ri-table horreur, c'est bien qu'un pinson se soitposĂ© un lundi ensoleillĂ© Ă  14 h 06 sur un bar-belĂ© tĂąchĂ© de sang. Que ce sang ait sĂ©chĂ© ausoleil, un beau soleil pour la saison. La vĂ©ri-table horreur, ce n'est pas le noir-et-blanc deVerdun, c'est le Technicolor, c'est la fin du

monde parmi les saisons, l'exterminationbucolique, les dĂ©cors de peintre et la respira-tion des chlorophylles alentour. Je prĂ©tendsdonc que la guerre 14-18 n'Ă©tait pas en noir-et-blanc. Je prĂ©tends, en mĂȘme temps, que lessoldats Ă©taient des gens, qu'ils ne marchaientpas en accĂ©lĂ©rĂ©, que les tranchĂ©es Ă©taientdans les tons boue, avec des morceaux fuch-sia, des endroits violets, que quelques bellesĂ©tendues vertes s'allongeaient sous les pas –et je me dis que souvent sur les charniers,que souvent sur les corps des Poilus de 14passaient quelques rares nuages dans un cielbien bleu.

Ce jour-lĂ , qui n'Ă©tait pas un jour commeles autres parce qu'il allait ĂȘtre, il s'apprĂȘtaitĂ  ĂȘtre le jour de la mort de Charles PĂ©guy, cejour-lĂ  ne savait pas vraiment qu'il Ă©tait unjour de guerre. Je me mets Ă  la place de cejour-lĂ  : je suis un samedi, et j'Ɠuvre commeun samedi. Je ne m'inquiĂšte pas car je saisque PĂ©guy a une tĂȘte, je sais que PĂ©guy a unCV qui le porte Ă  pĂ©rir un dimanche. Et c'estlĂ  l'erreur ! Les gens qui ne comprennentrien Ă  PĂ©guy en font un ĂȘtre dominical. Lescons ! C'est un fiĂ©vreux du samedi, Charles.Lorsqu'il allait Ă  Suresnes, Ă  pied, vers l'im-primerie oĂč il passait des heures Ă  traquer lescoquilles des Cahiers (qu'il s'agĂźt de sa«copie » ou de la «copie » des autres) ehbien c'Ă©tait le samedi. Nombre de cahiers por-tent la date du samedi. C'est le cĂŽtĂ© Travoltade PĂ©guy – et c'est en Travolta, nous le ver-rons, en Travolta dansant la Carmagnole aumilieu des betteraves qu'il va mourir. La mortde PĂ©guy est dansante. Le suicide de PĂ©guyfut disco.

Nous sommes, je suis, un samedi. Appelez-moi, arbitrairement, «samedi 5 septembre1914» et je verrai ce que je peux faire. Je vaisvoir comment les vies humaines sedĂ©rouleront sur mon dĂ©cor. J'ai Ă©tĂ© un same-di trĂšs calme, trĂšs beau, il y avait, vu d'avion,des fermes posĂ©es sur des Ă©tendues jaunes,vertes, jaunes, et d'autres plus rousses (Ă cause de la moisson, je suppose, mais je nesuis pas trĂšs bon en agriculture). C'estaujourd'hui que Charles PĂ©guy a dĂ©cidĂ© defaire le malin. Ça couvait depuis longtemps.Dans son Ɠuvre, dans sa vie, dans son destin,dans son sommeil la nuit derniĂšre. Il Ă©taitprĂȘt. Il a dĂ» espĂ©rer que le suicide ne se ver-rait pas trop. Qu'il allait pouvoir le camou-fler sous l'habit d'une vraie mort, d'une mortau combat. Au milieu de l'action, sous lamitraille drue, on n'y verrait que du feu. Ilpourrait disparaĂźtre tranquillement, trichersur les motifs de sa mort, rouler tout lemonde, y comprit l'ennemi qui, croyant buter

un salaud de français, allait euthanasier legĂ©rant des Cahiers qui n'en pouvait plus degĂ©rer, qui n'en pouvait plus d'Ă©crire dans levide, n'Ă©crivant plus que pour se lire,n'Ă©crivant plus que Dieu, c'est-Ă -dire pourlui-mĂȘme. Il savait, pendant la derniĂšremarche de nuit avec sa section, quel'Allemand qui allait lui donner la mort exis -tait, qu'il Ă©tait quelque part, Ă  quelques arbresde lĂ , Ă  quelques fermes, Ă  quelques lieues.L'Allemand, qui n'avait pas lu une seule lignede PĂ©guy, Ă©tait nĂ© un jour, en Allemagne, dis -ons Ă  DĂŒsseldorf, ou plutĂŽt Ă  Gelsenkirchen,et il avait passĂ© toutes ses jeunes annĂ©es sanssavoir qu'il Ă©tait celui qui allait mettre fin à« l'aventure des Cahiers de la Quinzaine ».Personne n'a jamais essayĂ© de pour savoirQUI a tuĂ© le lieutenant Charles PĂ©guy. QUI, cejour-lĂ , un samedi trĂšs pĂ©guyen, a rendu ceservice Ă  PĂ©guy. Tout le monde a cru, tout lemonde croit que PĂ©guy est mort pour laFrance. C'est faux : il est mort pour lui. Ce quiest vrai, en revanche, c'est qu'il est mort PARla France. Il n'a pas servi sa patrie, oh non : ils'est servi de sa patrie pour mourir. Ceux quine me croient pas peuvent enquĂȘter cinqminutes : PĂ©guy est le premier mort de laBataille de la Marne, et, en gros, le premiermort de 14-18 tout court. C'est donc bien qu'ilavait hĂąte. Qu'il ne comptait pas attendre1918 pour profiter de l'aubaine. Il a quandmĂȘme fallu une guerre mondiale pour avoirraison de PĂ©guy !

Je suis le samedi 5 septembre 1914 et jesais de quoi je parle. La mort de CharlesPĂ©guy, c'est mon truc. Ma spĂ©cialitĂ©, mondomaine. J'enseigne cette matiĂšre. Je connaistout sur la betterave, les petits sentiers, lesbuissons de Villeroy, les chemins jaune pous-siĂšre qui mĂšnent au combat. J'emploie« mener » au prĂ©sent, parce que je suis arrĂȘtĂ©dans le temps. Je n'ai pas continuĂ© mon des-tin de samedi, je n'ai pas dĂ©bordĂ© sur lemoindre dimanche. Je suis figĂ©, condamnĂ© Ă ĂȘtre Ă©ternellement ce samedi-lĂ , en terre deFrance, entre Beuvronne, Thieux, pas trĂšsloin de Moussy-le-Neuf. Je suis cette journĂ©epour toute la vie.

PĂ©guy a toujours su qu'unseul homme serait capablede l'abattre et que cethomme, c'Ă©tait lui.

Je suis le samedi 5 septembre 1914 : le seuljour de la vie de PĂ©guy oĂč il fut Ă  la fois vivantet mort, vivant le matin et mort le soir. Je suisle seul jour de toute l'histoire de l'humanitĂ©pour lequel on puisse dire, indiffĂ©remment :« PĂ©guy est vivant» et « PĂ©guy est mort ». Il ya eu, dans ce mĂȘme samedi, les deux vĂ©ritĂ©s.Je les contiens. Je vis avec. PĂ©guy mort etPĂ©guy vivant m'appartiennent Ă  Ă©galitĂ©. Je lesaime tous les deux. Je ne fais, comme vousautres, aucune distinction entre les deux. Cesont mes enfants. Je n'ai pas de prĂ©fĂ©rence. Ilssont jumeaux.

La vĂ©ritĂ©, c'est que PĂ©guy, lui, faisait uneautre guerre, une guerre parallĂšle. Uneguerre intĂ©rieure. Avec lui-mĂȘme. PĂ©guy fai -sait la guerre Ă  PĂ©guy. Lui qui n'avait eu quedes ennemis en tant de paix, vous croyez queça allait le gĂȘner d'en avoir en temps deguerre, c'est-Ă -dire dans une configurationoĂč tout un pays a des ennemis, oĂč des mil -lions d'hommes ont tout Ă  coup desennemis ? La guerre, il l'avait fait toute sa vie.Jamais on ne lui ficha plus la paix qu'enguerre. Toute sa vie, les gens l'avaient com-battu, tuĂ©, humiliĂ©, frappĂ© : il Ă©tait ressortivivant de tout cette guerre pire que la guerre,puisque c'est la guerre, non des peuples etdes nations, mais des pigistes et des critiqueset des petits journalistes. Une guerre livrĂ©e

par les hommes de lettres. PĂ©guy a toujourssu qu'un seul homme serait capable de l'abat-tre et que cet homme, c'Ă©tait lui.

Regardez-le (je vous le prĂȘte quelquesinstants) sur le sentier, sur la route de Thieux,avec sa section, fourbu mais content, soleil etpoussiĂšre, Ă©glises, fermes, foin : on a l'im-pression, n'est-ce pas, qu'il n'a pas peur demourir. Eh bien non. Il a peur, en vĂ©ritĂ©. Peurde ne pas mourir ! Toute sa vie, il a vĂ©cu dansune boutique campĂ©e en face de la Sorbonne,son ennemie. Il s'apprĂȘte maintenant Ă camper la (plus petite encore) boutiquequ'est son corps en face d'un autre ennemi :les Allemands. Mais ni la Sorbonne nil'Allemagne ne sont ses vĂ©ritables ennemis :ils sont, au contraire, le moteur de son gĂ©nie.La Sorbonne voulait tuer son Ɠuvre ;l'Allemagne va tuer sa vie. On l'a dĂ©corĂ© parcequ'il est mort en hĂ©ros. On l'a dĂ©corĂ© pour lesraisons symĂ©triquement opposĂ©es aux vraismotifs de sa mort. Lui qui a dĂ©tournĂ© le vraisens de la Guerre 14 pour servir son Ɠuvre,lui qui est coupable de dĂ©tournement de con-flit mondial Ă  des fins personnelles (se sup-primer physiquement pour allĂ©ger sonƓuvre du fardeau que reprĂ©sentait sa figurehumaine), le voici martyr de la GrandeGuerre, le voici copain des scouts de France,des limite-fachos, de quelques nationalisteset des types vieux jeux qui croient en laFrance Ă©ternelle et en un seul Dieu.

Il est parti pour nous laiss-er son Ɠuvre, pour que sonƓuvre enfin, soit visible,soit lisible.

Ce qui est fascinant, c'est que PĂ©guy estrestĂ© dans nos, pardon : dans vos mĂ©moires,Ă  cause de sa mort. Pas Ă  cause de sa vie, maisde sa mort. Sa biographie se confond avec sanĂ©crologie. Quant Ă  son Ɠuvre : elle aussi, estenterrĂ©e. Ensevelie sous mille, dix mille hon-neurs rendus. Il a des rues, Charles, desĂ©coles, des avenues, des ruelles, des faubourgsparce qu'il est mort « au combat ». Qui a-t-ilcombattu ? L'Allemagne ? Vous plaisantez,j'espĂšre. Il s'est combattu lui-mĂȘme : il nesupportait plus que son corps fasse de l'om-bre Ă  son esprit ; il est parti pour nouslaisser son Ɠuvre, pour que son Ɠuvre enfin,soit visible, soit lisible. Une Ɠuvre dĂ©livrĂ©e deson auteur pour l'Ă©ternitĂ© - des milliers defeuillets que la prĂ©sence humaine, lourde,pataude, furax et maudite de Charles-PĂ©guy-l'ĂȘtre-humain ne contaminera plus jamais,n'abĂźmera pas, ne gĂąchera pas. Une Ɠuvretoute seule dans sa postĂ©ritĂ©. Une ƓuvreabandonnĂ©e dans son infinie lisibilitĂ©. 229Cahiers de la Quinzaine Ă  lire dans leur totalegratuitĂ© pure, sans l'inertie d'une vie qui lescontinue, les promeut, les dĂ©fend, lesimprime et les anime. Quatre tomes dePlĂ©iade virtuels, quatre tomes de PlĂ©iade pos-sibles qui attendent leur heure pour toujours,qui, Ă  jamais dĂ©connectĂ©s du corps deCharles PĂ©guy, sont posĂ©s dans une lumiĂšrecalme, disponibles Ă  tout moment, figĂ©s dansune prose qui se sait inĂ©dite Ă  cent pour cent,Ă  mille pour cent. Une prose qui n'a jamaisĂ©tĂ© lue mais qui sait, car elle a hĂ©ritĂ© de toutl'orgueil du mort, que des jeunes lecteurss'approcheront, sans crainte de l'obstacle quereprĂ©sentait la prĂ©sence physique du petitbarbu fĂąchĂ©-sanguin qui les eĂ»t insultĂ© detoute façon, et que, passĂ©e la zone de mĂ©fi-ance, ils la liront. Cette Ɠuvre vacante, cetteƓuvre achevĂ©e, terminĂ©e, cette Ɠuvre est lĂ .Elle est ici. Servez-vous. Vous pouvez Ă  toutmoment vous la procurer. Elle est vivante.PĂ©guy est mort pour que vive son Ɠuvre. Viveson Ɠuvre !

Yann Moix

MORT PAR LA FRANCEAujourd'hui, PĂ©guy Ă©crirait dans notre journal. Et plus encore : c'est lui-mĂȘme qui ferait La VĂ©ritĂ©, tout seul avec quelques amis, dans sa boutique de larue de la Sorbonne ! VoilĂ  pourquoi il faut reprendre Charles PĂ©guy aux faiseurs de notre Ă©poque qui osent se rĂ©clamer de lui. Les Edwy Plenel et lesFinkielkraut n'y comprennent rien. Notre collaborateur Yann Moix s’est rendu sur les lieux de la mort de PĂ©guy, au champ « d’honneur».

Charles PĂ©guy en 1914

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TĂ©moignage

POURQUOI JE SUIS ANTISÉMITENotre collaborateur Wang-Chu-Lei souffre, lui aussi, en Chine, de la perpĂ©tuelle accusation d’antisĂ©mitisme dont chaque esprit libre est la victime.Journaliste idĂ©pendant Ă  PĂ©kin, Wang-Chu-Lei a Ă©crit, pour La VĂ©ritĂ©, ce texte passionnant.

Wang-Chu-Lei

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DĂšs que j’ai vu la tĂȘte deSaddam, je suis reparti. Pasquestion de rester pour les

fĂȘtes dans cet Occident triomphateur.C’est la jubilation des minables. EnOrient, vite ! Ah, si j’avais pu emporter latĂȘte du dictateur avec moi sous le bras.Les AmĂ©ricains l’ont servie sur un plateauaux mĂ©dias du monde entier avec trop dedĂ©gueulasserie. On parle partout de pĂšreNoĂ«l qui se serait lui-mĂȘme offert encadeau Ă  Georges Bush. Mais sur cesimages, Saddam a plutĂŽt un petit cĂŽtĂ©saint Jean-Baptiste, avec ses longscheveux et sa barbe de prophĂšte. LaSalomĂ© yankee a assez dansĂ©, elle a eu cequ’elle voulait. Ô Fuir le cynisme, faire unpetit bilan au Liban.

À peine arrivĂ© Ă  l’aĂ©roport deBeyrouth, un air de fraĂźcheur souffle. Çane vient pas seulement de la mer, maisdes regards des familles libanaisesmassĂ©es derriĂšre la barriĂšre, et qui atten-dent les voyageurs avec une espĂšce depassion... Ici aussi c’est la guerre, mais aumoins est-elle perdue. Au Liban, jerespire comme un poisson dans l’eau. Uneeau chaude et pure, dans laquelle on jettequelques fleurs d’oranger. Les Libanaisappellent ça un cafĂ© blanc. C’est excellentpour digĂ©rer. Il va m’en falloir du cafĂ©blanc, ici, sur la colline d’Acharfieh, toutprĂšs de l’église de Notre Dame del’Assomption, pour digĂ©rer cette annĂ©e.

TrĂšs lourde, la 2003... Je pensaisqu’elle allait se terminer mieux qu’ellen’avait commencĂ©. Au contraire, Ă  l’auberouge, Saddam s’est fait piquer, trahi pardes Kurdes peshmergas. On l’a retrouvĂ©thĂ©Ăątralement dans une sorte de trou dusouffleur, mais la piĂšce Ă©tait finie... Ilavait Ă  ses cĂŽtĂ©s une mallette de 750 000dollars et un seul livre de chevet. Je me ledonne en mille, Crime et ChĂątiment, enarabe. OĂč en Ă©tait Raskolnikov aumoment de la capture de son prestigieuxlecteur ? Seul son marque-page en formede poignard babylonien pourrait le dire...Lire DostoĂŻevski quand on a la tĂȘte deTolstoĂŻ, c’est du vice !

C’est bien la fin du pre-mier chapitre de ce grandroman qui s’appelle leTroisiĂšme millĂ©naire !

À en croire les Occidentards, SaddamĂ©tait un monstre de bĂȘtise et de cruautĂ©qui ne cherchait qu’à s’enrichir, Ă  fairesouffrir par plaisir son peuple, Ă  torturerdes opposants, Ă  mettre des chapeauxbizarres, fumer des cigares Ă©normes etpersĂ©cuter les Chiites... Non, tout ça cesont les consĂ©quences de sa politique car-actĂ©rielle mais pas les raisons de soncombat. Et ce combat pendant trente ans,il a Ă©tĂ© trĂšs prĂ©cis. Objectifs : rassemblertous les Arabes, faire tirer la langue desOccidentaux sur le pĂ©trole et Ă©craser lavolontĂ© de puissance d’IsraĂ«l. Quel Arabeest contre ça, s’il ose encore se regarderdans la glace ? En France, je n’en connaispresque plus qui en soient capables, et ici,je demande Ă  voir. Pour l’instant, Ă Solidere, il y a surtout des serveursdĂ©guisĂ©s en costumes typiques rouge etjaune. Ils portent des sarouels, ces

pantalons Ă  l’entre-jambe flasque. Ils nesemblent plus bons qu’à entretenir uneseule flamme, celle des narghilĂ©s desclients. Comment ne pas penser alors queles Arabes prennent dĂ©sormais tout ce quibrĂ»le avec des pincettes, et qu’enmarchant, ils ont tous l’air d’avoir chiĂ©dans leur froc ?

C’est bien la fin du premier chapitrede ce grand roman qui s’appelle leTroisiĂšme millĂ©naire! Petite expĂ©riencevisuelle : d’un cĂŽtĂ©, vous mettez le WorldTrade Center en fumĂ©e et de l’autre le vis-age de Saddam sorti de son « trou Ă  rats »,comme disent les anti-racistes. Aucunrapport, puisqu’on sait qu’il n’y avait pasde lien rĂ©el entre l’attentat de New York etla guerre en Irak, et pourtant il s’agit detoute une histoire racontĂ©e lĂ , celle del’Occident enculĂ© le 11 septembre 2001 etde l’Orient puni pour cela le 13 dĂ©cembre2003. Le crime et le chĂątiment, les revoilĂ ,Ă  la grande joie des Occidentaux.Imaginer le rĂ©veillon de Bush me donneenvie de dĂ©gueuler. Ce n’est plus lavolaille immangeable qu’il avait apportĂ©een surprise Ă  ses boys Ă  Bagdad que cesalaud va s’avaler, mais un bon groscadavre de dinde criblĂ©e de marrons. Riende tel aprĂšs avoir recouvert de crachats lePĂšre NoĂ«l ! Ici aussi, on crache sur lesPĂšres NoĂ«l, mon chauffeur de taxi ne segĂšne pas. Il dit que tous ceux qui pullulentdans les rues de Sodeco sont desmoukhabarats syriens sous leur barbeblanche, et il leur lance de grands glaviotspar la portiĂšre de sa voiture. « PTUIFF !»

Les Arabes savent bien aufond que ce n’est pasSaddam Hussein qu’on ahumiliĂ©, c’est eux.

Quelle annĂ©e 2003 ! De « The game isover » Ă  « We got him». Tout est dit etpourtant il faut le redire et le redireencore, ça ne rentre pas assez, la guerreen Irak fut une ignominie et tous ceux quil’on approuvĂ©e, acceptĂ©e, tolĂ©rĂ©e oumĂȘme combattue sans rien faire sontcoupables. Coupables, les Arabes et lesnon Arabes qui croient peut-ĂȘtre encoreque sans Saddam le monde ira mieux ;avec Bush rĂ©Ă©lu, il va Ă  sa perte Ă  coupsĂ»r ! Il est clair que Bush, comme sonnom l’indique, se prend pour le buissonardent. Dieu parle Ă  travers lui Ă  MoĂŻse,tout son complexe biblique vient de lĂ , ilfallait l’éteindre dĂšs le dĂ©but, maintenantc’est trop tard, le brasier a pris, c’est luiqui a mis le feu Ă  la planĂšte, ce n’est pasBen Laden. L’incendie millĂ©nariste ne faitque s’étendre. cette guerre a Ă©tĂ© brĂšve carelle n’a Ă©tĂ© qu’une allumette qu’onscratche. Il y a un an Ă  peine, on croyaitencore que les inspections sepoursuivraient jusqu’au printemps, queHans Blix et les siens continueraient Ă chercher des armes de destruction mas-sive comme des Ɠufs de PĂąques dans lejardin d’Eden !

À Beyrouth, comme Ă  Tripoli et Ă SaĂŻda, tout le monde est dĂ©primĂ©.ChrĂ©tiens, Musulmans, Grecs orthodoxes,Druzes, Chiites, Sunnites, tous ne se con-tentent pas de rĂąler sur la violation de laconvention de GenĂšve qui a permis de

voir ça : un chef d’Etat exhibĂ© comme ungrand singe du ZaĂŻre, dans les poilsduquel un infirmier glacial cherche despoux, ausculte la dentition et tripatouillela glotte, en toute impunitĂ©.Gorille groggy. En France, les Arabes deplus en plus passifs font semblant ne pasvoir qu’il s’agit d’un des leurs. En Orient,les plus occidentalisĂ©s, qui se prennentpour des «PhĂ©niciens», savent bien aufond que ce n’est pas Saddam Husseinqu’on a humiliĂ©, c’est eux. Qu’est ce qu’ilva leur falloir, de plus, aux Arabes de touspays, pour se rĂ©volter enfin ? Depuis deuxans, la plupart se terrent, terrorisĂ©s d’ĂȘtrepris pour des terroristes. La dĂ©faite duplus grand chef panarabe du 20Ăšme siĂšcleaprĂšs Nasser est Ă  l’image de leur dĂ©con-fiture mentale.

On a oubliĂ© comment s’est prĂ©parĂ©ela guerre en Irak. Comment elle s’est faiteet comment elle s’est terminĂ©e ! Le tyrande Bagdad Ă©tait dĂ©chu bien avant qu’il neprenne la fuite. Dans la grande cohĂ©rencede son destin, il s’est montrĂ© non pas telqu’il est mais tel que tous les Occidentauxveulent que les Arabes soient. Sales, hir-sutes, peureux, dociles, mĂ©prisĂ©s, mĂ©pris-ables, inoffensifs, puants. Un jour, j’espĂšrequ’il y aura un adjectif qui les fera rĂ©agir.Saddam n’avait pas Ă  se prĂ©senterautrement, Ă©tant donnĂ© qu’il a Ă©tĂ© trahi etvendu par les siens. C’est au contraire unefin magnifique qui en dit long sur tout cequi s’est passĂ© pendant cette annĂ©e trag-ique. Certains romantiques auraientvoulu qu’il se dĂ©fende jusqu’à la mort,qu’il crĂšve la kalachnikov vide Ă  la main,ou alors qu’il se suicide Ă  la Hitler dansson bunker. Mais il n’avait pas de bunker,je me suis tuĂ© Ă  le dire ! Pas plus que desosies, c’était lui et lui seul dans sa grotteĂ  moitiĂ© nu et fou, vautrĂ© sur son tas dedollars. DĂ©jĂ  spectre comme l’Allemandperdu dans sa mine, tirant des balles d’orsur Blueberry !...

Saddam Hussein n’avait pas Ă  finir en« hĂ©ros ». Il n’a pas Ă©tĂ© lĂąche, il a Ă©tĂ© lĂąchĂ©.Quand on lui a demandĂ© pourquoi il nes’était pas suicidĂ©, il a rĂ©pondu enfrançais : « Merde ! ». Le loosergrandiose, voilĂ  le hĂ©ros d’aujourd’hui etdonc de demain. Quel honneur y a t’il Ă avoir soudoyĂ© un plouc d’Irak pour qu’il

donne la cachette de son ex-raĂŻs haĂŻ ?LesG.I. ne l’ont pas trouvĂ© tout seuls, le spi-der hole, il a bien fallu qu’on leur dĂ©signela trappe recouverte d’un petit tapispourri et quelques balayures dans la courd’une fermette dĂ©glinguĂ©e d’Al Dahourpour qu’ils en extraient le troglodyte.C’est comme PosĂ©idon sortant de l’eauque Saddam Ă  jailli de sa cave. QuellemajestĂ© inversĂ©e ! Oui, c’est comme çaque serait Saladin aujourd’hui, etNabuchodonosor. L’image d’Épinal n’estplus permise. « Clodo de Tikrit », « men-diant de l’Histoire », « SDFd’Apocalypse ». Les chansonniers et lesdessinateurs humoristiques s’en sontdonnĂ©s Ă  cƓur joie, mais moi je sais qu’ilsn’ont pas de cƓur, ni de joie. Honte Ă  ceuxqui ont dessinĂ© des mouches autour duvaincu pour bien montrer qu’il puait ausens propre ! Tous n’ont su le comparerqu’ Ă  Karl Marx, au chanteur Antoine, oubien Ă  Michel Simon dans Boudu sauvĂ©des eaux ! Pourquoi pas Ă  Marek Alter ?MisĂšre de la gaudriole. Pas un observa-teur occidental, bien au chaud dans sonsentiment dĂ©mocrateux, tout Ă  son bon-heur de voir enfin le tyran satanique prisau piĂšge, pour simplement fermer sagueule devant l’image la plus indĂ©centede ce dĂ©but de siĂšcle.

C’est maintenant qu’on peut dire quel’annĂ©e s’achĂšve , ça se lit dans le regardde Saddam, et pas besoin d’ADN grattĂ© Ă la spatule, Ă  l’intĂ©rieur de ses joues pourĂȘtre sĂ»r que c’est lui. Ça ne peut ĂȘtre quelui pour avoir ce regard lucide et fataliste,non pas «hagard » et «perdu » commel’affirment les prĂ©sentateurs de journaltĂ©lĂ©visĂ© qui lĂ©gendent n’importe quelleimage du contraire de ce qu’elle exprimeĂ  l’évidence. Il y a un ou deux plans decette fameuse vidĂ©o de la visite mĂ©dicaledu premier prisonnier du monde qui ontĂ©chappĂ© aux voyeurs. Ceux de sa trogned’ogre digne et dĂ©goĂ»tĂ©, de RobinsonCrusoĂ© roublard encore vif et un tantinethautain, et toisant son destin comme unvrai MĂ©sopotamien. Les mĂ©dias amĂ©ri-canisĂ©s ont prĂ©fĂ©rĂ© montrer le cowardqui n’a pas voulu crever la gueuleouverte, et qui se tapote la barbe avantqu’on le rase et qu’on lui coupe lescheveux comme Ă  Samson pour luienlever la derniĂšre force qu’il lui reste :celle d’un homme qui n’en a plus. SiSaddam Hussein a souvent Ă©tĂ© ignobledans sa vie, il n’a jamais Ă©tĂ© plus nobleque le jour de sa capture.

On imaginait Saddam enFloride, Ă  Miami, au bord desa piscine pleine de sessosies...

Tellement de conneries se sont ditesdepuis la chute de Bagdad ! SaddamdĂ©guisĂ© en bĂ©douin, passant de tente entente dans le dĂ©sert, ou alors s’échappantjusqu’en Syrie par un tunnel creusĂ© sousl’Irak. On a mĂȘme affirmĂ© que l’ambas-sadeur russe Ă©tait revenu aprĂšs la guerrepour l’emmener avec lui dans son taxisous une couverture et que Poutine leplanquait depuis en BiĂ©lorussie ! FidelCastro aussi a Ă©tĂ© soupçonnĂ© de l’avoirrecueilli Ă  Cuba via Damas, ou bien en

BILAN

Le ProphÚte Jérémie par Michel-Ange

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combine avec la CIA, les AmĂ©ricainsauraient tout montĂ© eux-mĂȘmes aprĂšsavoir bradĂ© Bagdad. On imaginaitSaddam en Floride, Ă  Miami, au bord desa piscine pleine de ses sosies multipliantles acrobaties aquatiques pour le dis-traire. Saddam en chapeau de paille ausoleil de Malibu en train de s’activerautour d’un barbecue ou de se taper unpoker en compagnie de ses derniersfidĂšles avec les fameuses cartes Ă  leureffigie ! On racontait aussi que SaddamHussein Ă©tait un as de la prestidigitation.Il se faisait lui-mĂȘme disparaĂźtre ! OĂč estdonc le Saddam de pique, il Ă©tait ici, il nel’est plus, vous ĂȘtes sĂ»r ? GagnĂ©, perdu.Atroce bonneteau !

Que dirait-on si, du jourau lendemain, le prĂ©sidentdu BĂ©nin, pays devenu leplus puissant de la Terre,dĂ©cidait d’aller faire laguerre au Groenland ?

HĂ©las, comme disent les journalistes,tout s’est Ă©croulĂ© comme un chĂąteau decartes et avec ces cartes, les AmĂ©ricainsont fait le jeu des tĂȘtes mises Ă  prix.Sinistre rĂ©ussite ! Pour Bush, la guerreest un jeu qui se joue seul. Il faut voircomment il a abattu l’as de cƓur et l’asde trĂšfle. La liquidation des deux fils deSaddam, le 22 juillet pour la sainte Marie-Madeleine fut l’un des crimes les pires del’occidentalisme moderne. Et pourtantquelle antiquitĂ© ! Y a-t-il eu plus bibliqueque l’exĂ©cution de OudaĂŻ et QousaĂŻ dansune villa criblĂ©e de missiles Ă  Mossoul ?Six heures de siĂšge et deux cents soldats,des hĂ©licos, des bombes, il a fallu tout celaaux Yankees pour dĂ©loger les deux petitsmonstres reclus comme GuĂ©rin dans sonfort Chabrol ou la bande Ă  Bonnot dansleur garage. Bravo ! « Beau coup » commeon dit les journaux. Bush voulait unexemple, il a sorti les deux cadavresplombĂ©s et les a exhibĂ©s au nez et Ă  labarbe de la convention de GenĂšve. On seserait cru porte de Clignancourt en 79quand les flics de Broussard ont transfor-mĂ© Mesrine en gibier trouĂ©. Champagnesur les macchabĂ©es embaumĂ©s Ă  la va-vite et puis rigolade de G.I autour, etapologie de la dĂ©lation puisque OudaĂŻ etQousaĂŻ ont Ă©tĂ© vendus of course.

Les spectateurs qui n’ont pas applau-di se sont contentĂ©s de baisser la tĂȘtedevant les deux fils rafistolĂ©s, il a falluleur refaire le visage tellement ils Ă©taientmĂ©connaissables. Et Moustapha le petit-fils, oĂč est-il passĂ© ? Lui aussi s’est battu,Ă  14 ans ! Tellement dĂ©chiquetĂ© par leflingage des lĂąches, il ne devait pas ĂȘtrebeau Ă  voir et encore moins Ă  montrer.C’est l’image qui manque : le petit jokerescamotĂ©. Les dĂ©mocrates vont nous direque lui aussi Ă©tait un monstre potentiel,qu’il fallait l’éliminer comme son oncleOudaĂŻ la plus grande ordure jamais vuesur la terre, d’aprĂšs ce que les mĂ©disantsmĂ©dias disent, alors que c’était un simplefils Ă  papa qui abusait de son pouvoir. Onl’a montrĂ© dans une discothĂšque pelotantune blonde et tirant sur des ballons enbuvant un whisky-coca comme si c’était

l’horreur absolue mais des OudaĂŻ,grandes gueules destroy, voyous bourrĂ©squi cherchent la bagarre, il y en a desmilliers par week-end en boite de nuit...Un fĂȘtard surpris Ă  l’aube dans le pluscheap night club de Dieppe serait toutaussi monstrueux. Dans le mĂȘme genre, jeme demande si Joey Starr n’est pas plusterrifiant qu’OudaĂŻ Hussein!

Dommage pour lui, les AmĂ©ricainsavaient dĂ©cidĂ© de se le faire. Ils sontcomme ça les AmĂ©ricains, un pays lesdĂ©becquete, ils vont l’envahir et commec’est au nom de la Justice, tout le mondetrouve ça juste. Que dirait-on si, du jourau lendemain, le prĂ©sident du BĂ©nin, paysdevenu le plus puissant de la Terre,dĂ©cidait d’aller faire la guerre auGroenland parce que la rĂ©gion polaire est

dirigĂ©e par un Esquimau particuliĂšre-ment cruel ? Oui, le chef du BĂ©ninlancerait soudain ses troupes d’Africainssur-armĂ©s sur le pĂŽle Nord, direction labanquise. Les BĂ©ninois ne peuvent paspiffer les habitants de l’Arctique dont lemode de vie les insupportent. Ils veulentprendre possession des glaces et on voitbientĂŽt des milliers de Noirs atterrir surdes icebergs ! Ils effraient les pingouins,poussent quelques ours, giflent deux outrois phoques et cassent de l’Esquimau.Le maĂźtre de Cotonou a bien le droit de nepas aimer le froid ! La neige est bientĂŽtrouge de sang. Tous les Esquimaux sonttrĂšs vite mis en esclavage par le grandNoir frileux. À ce scĂ©nario, qui trouveraitquelque chose Ă  redire : L’ONU, l’Europe,la France ?

Saddam Hussein ne plaĂźt pas Ă George W. Bush parce qu’il a fait bobo Ă son papa, alors il dĂ©cide de lui massacrerson pays, bombarder ses villes, assassinerses fils, son petit-fils et maintenant luiregarder le fond de la gorge. On peutpenser qu’il ne pourra pas aller plus loin,mais c’est mal connaĂźtre le Protestant !La recherche bredouille des armes dedestruction massive ne s’arrĂȘte pas Ă  l’in-spection du pharynx du RaĂŻs. Bush veutentrer dedans, se faire avaler commeJonas par la baleine, comme Pinocchiodans le cachalot Ă  la recherche de sonpĂšre. Qui sait si ce n’est d’ailleurs pas sonGepetto que Bush junior va retrouver

dans le corps caverneux du LĂ©viathan del’Euphrate ? Cette marionnette est capa-ble de tout. Son nez n’a pas arrĂȘtĂ© dementir. Et tous les oisillons des dĂ©mocra-ties occidentales se sont perchĂ©s dessusen frissonnant de peur.

Je ne crois pas un mot Ă  la compas-sion que les commentateurs disent avoirressenti Ă  la vision du visage de SaddamHussein. C’est un peu facile et bien troptard. Voici l’homme. Il faut que lecriminel soit transformĂ© en Christ pourqu’on le considĂšre comme un ĂȘtrehumain. Pour moi, pas de diffĂ©rence entreles journalistes qui versent une petitelarme de crocodile en voyant Ă  la tĂ©lĂ© lelion domptĂ© par Monsieur DĂ©loyal et ceuxqui, dans la salle oĂč Paul Bremer, retenantses sanglots de virilitĂ© pathĂ©tique, leur aannonçé la bonne nouvelle, hurlaient derage, postillonnaient d’insultes ettendaient le poing contre un vieuxcradingue dĂ©glinguĂ© avec la mĂȘme furieque les sacrificateurs demandĂšrent Ă Pilate de relĂącher Barrabas. « À mortSaddam ! Saddam Ă  mort ! Qu’il soit cru-cifiĂ© ! » Ce serait bien la premiĂšre foisqu’on clouerait sur une croix made inOccident le corps d’un homme du doublede l’ñge de JĂ©sus !

C’est Saddam qui a gagnĂ©.

Avec sa grande intelligence bibliquede se rĂ©signer Ă  l’échec, Saddam Husseinest devenu en un instant plus chrĂ©tienque tous les Bush du monde. Si jamaisSaddam n’a Ă©tĂ© plus beau, c’est quejamais il n’a Ă©tĂ© plus religieux ! Desimages de la Vierge et un calendrierd’une arche de NoĂ© retrouvĂ©s dans sabicoque ne sont encore rien commesignes, prĂšs de la tĂȘte qu’il s’est fait enneuf mois. La tĂȘte de Dieu mĂ©langĂ©e Ă celle du fils de Dieu. Quelle orthodoxie !On l’avait quittĂ© pĂšre, on le retrouve fils.Le grand choc, il est lĂ . En ce sens, il n’estpeut ĂȘtre pas chrĂ©tien, mais christique,si ! Qu’est ce qu’un pĂšre devient quand ilest pris ? Un fils. Il fallait que les deuxsiens meurent pour lui laisser cette placesymbolique. La place qui gĂȘne tout lemonde, la place du martyr qu’on ne peutplus considĂ©rer seulement comme undictateur sanguinaire.

Les tĂ©lĂ©s ont ressorti comme parhasard, et avec la veulerie qui les carac-tĂ©rise, les documents les plus sordides deses heures de gloire. Oreilles coupĂ©es,types qui explosent avec un bĂąton dedynamite dans la poche de la chemise,bĂ©bĂ©s Kurdes bleuis par les gaz et dissi-dents qui racontent comment le Baas leurĂ©lectrocutait les testicules... Rien de toutcela ne changera cette figure d’un hommequi a gagnĂ© ! Car c’est Saddam qui agagnĂ© lĂ  oĂč Hitler, Mao et Staline ontperdu. MĂȘme Mussolini, pendu Ă  un crocde boucher, et Ceausescu fusillĂ© dans unecour d’école avec maman n’ont pas rĂ©ussileur sortie. Saddam, lui, ne l’a pas loupĂ©e.Il nous rappelle qu’en 2003 nous sommestoujours Ă  l’ñge du Christ. En allant s’en-terrer dans le trou de sa naissance, il acompris que la victoire mystique luiappartenait sur la terre-mĂȘme oĂč sesancĂȘtres avaient exilĂ© les prophĂštesd’IsraĂ«l. Il est devenu celui des Arabes,

quoi qu’en disent les traĂźtres et les colla-bos. Il n’a plus besoin de lancer desmenaces contre JĂ©rusalem ni mĂȘme de selamenter. Pourtant qu’est ce qu’il ressem-ble Ă  JĂ©rĂ©mie peint par Michel Ange ! Tusais tout, ĂŽ Éternel ! Souviens-toi de moi,ne m’oublie pas, venge-moi de mes persĂ©-cuteurs ! ( JĂ©. 15 )

L’Irak, c’est fini mais unenouvelle guerre com-mencera bientît.

Mi-Che mi-Zeus, Saddam est lĂ  pourl’éternitĂ© avec son infirmier de dos qui luiabaisse la langue : « Vous avez une rhinopharyngite, monsieur Hussein ! ». Le mes-sage des AmĂ©ricains est clair : c’est ainsiqu’on traite les «bougnouls » , commedes gibbons qu’on Ă©pouille. Qu’on se ledise, de BarbĂšs Ă  Alexandrie ! La paranoĂŻaarabe s’emballe aussitĂŽt : les Yankeesauraient chopĂ© Saddam le 28 juin et l’au-raient droguĂ© pendant six mois enl’obligeant Ă  se laisser pousser la barbe.Puis foutu dans le trou du cul du monde,parce que c’est un « trou du cul », et ilsl’en auraient sorti comme bouche-trou,juste avant la bĂ»che de NoĂ«l. Bouche,gorge, George, Bush... Non, les Yankees nesont pas si lacaniens ! C’est mal connaĂźtreleur simple bĂȘtise et l’incroyable pathosvulgaire de leur esprit. C’est vrai, ils ontfait d’un lion une descente de lit mais ilsvont se prendre les pieds dedans ! L’Irakc’est fini mais une nouvelle guerre com-mencera bientĂŽt. Je l’entends dĂ©jĂ .

Boom ! Boom ! Qu’est ce que c’estque ces deux explosions ? Je ne suispourtant pas Ă  Bagdad, mais Ă  Beyrouth,le dernier jour de l’an 2003. On m’ex-plique qu’il s’agit de chasseurs israĂ©liensqui passent de temps en temps au-dessusdu Liban et franchissent le mur du son,histoire de montrer qu’ils sont toujourslĂ . Depuis le raid contre la Syrie, la ten-sion est remontĂ©e jusqu’ici. Deux fois parsemaine, les avions de Sharon survolentle territoire libanais. Aucun autre État nese permettrait ça ! Je vois mal l’armĂ©e del’air espagnole faire boom ! Boom ! dansle ciel portugais. Personne ne bouge. OnreconnaĂźt le droit international a ce qu’ilse viole facilement ! À quand une nou-velle opĂ©ration « Raisins de la colĂšre » ? Iln’y a pas si longtemps finalement que lestroupes israĂ©liennes se sont retirĂ©es duSud-Liban. Et si c’était d’ici que tout allaitrecommencer ? Je descends Ă  RaouchĂ©,tout est calme au CafĂ© d’Orient. Deuxfemmes voilĂ©es fument leurs narghilĂ©s enlĂąchant des regards rĂȘveurs sur la grotteaux pigeons. La MĂ©diterranĂ©e ondulecomme de la tĂŽle. Le soleil n’a pas enviede se coucher.

Adieu 2003 ! Demain, c’est la nouvelleannĂ©e : elle sera pire, c’est-Ă -diremeilleure pour ceux qui ont compris qu’ilne s’agit plus d’écrire autre chose que cequi se passe. Puisque ce qui se passe estdĂ©jĂ  de l’écriture ! Être Ă  la hauteur de lafiction de la rĂ©alitĂ©, tel sera le travail detous ceux qui ne veulent toujours pas setaire.

Marc-Édouard Nabe

31 décembre 2003, Beyrouth.

AU LIBAN

Le Clodo Saddam par George Bush

«Malheur Ă  vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parceque vous fermez aux hommes le royaume des cieux,vous n'y entrez pas vous-mĂȘmes, et vous n'y laissez

pas entrer ceux qui veulent entrer.« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que

vous dévorez les maisons des veuves, et que vous faites pourl'apparence de longues priÚres ; à cause de cela, vous serez jugésplus sévÚrement.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous courez la mer et la terre pour faire un prosélyte et, quand ill'est devenu, vous en faites un fils de la géhenne deux fois plus quevous.

« Malheur à vous, conducteurs aveugles ! qui dites : "Si quelqu'unjure par le temple, ce n'est rien, mais, si quelqu'un jure par l'or dutemple, il est engagé ". Insensés et aveugles ! Lequel est le plusgrand, l'or, ou le temple qui sanctifie l'or ? Si quelqu'un, dites-vousencore, jure par l'autel, ce n'est rien ; mais, si quelqu'un jure parl'offrande qui est sur l'autel, il est engagé. Aveugles! Lequel est leplus grand, l'offrande, ou l'autel qui sanctifie l'offrande ? Celui quijure par l'autel jure par l'autel et par tout ce qui est dessus ; celui quijure par le temple jure par le temple et par celui qui l'habite ; et celuiqui jure par le ciel jure par le trÎne de Dieu et par celui qui y estassis.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous payez la dßme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et que vouslaissez ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricor-de et la fidélité : c'est là ce qu'il fallait pratiquer, sans négliger lesautres choses. Conducteurs aveugles ! qui éliminez le moucheron, etqui avalez le chameau.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qu'au-dedans ilssont pleins de rapine et d'intempérance. Pharisien aveugle ! nettoiepremiÚrement l'intérieur de la coupe et du plat, afin que l'extérieuraussi devienne net.

« Malheur Ă  vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous ressemblez Ă  des sĂ©pulcres blanchis, qui paraissent beaux au-dehors, et qui, au-dedans, sont pleins d'ossements de morts et detoute espĂšce d'impuretĂ©s. Vous de mĂȘme, au-dehors, vous paraissezjustes aux hommes, mais, au-dedans, vous ĂȘtes pleins d'hypocrisieet d'iniquitĂ©.

« Malheur Ă  vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous bĂątissez les tombeaux des prophĂštes et ornez les sĂ©pulcres desjustes, et que vous dites : Si nous avions vĂ©cu du temps de nospĂšres, nous ne nous serions pas joints Ă  eux pour rĂ©pandre le sangdes prophĂštes. VOUS tĂ©moignez ainsi contre vous-mĂȘmes que vousĂȘtes les fils de ceux qui ont tuĂ© les prophĂštes. Comblez donc lamesure de vos pĂšres. Serpents, race de vipĂšres ! comment Ă©chappe-rez-vous au chĂątiment de la gĂ©henne ? C'est pourquoi, voici, je vousenvoie des prophĂštes, des sages et des scribes. Vous tuerez et cruci-fierez les uns, vous battrez de verges les autres dans vos synago-gues, et vous les persĂ©cuterez de ville en ville, afin que retombe survous tout le sang innocent rĂ©pandu sur la terre, depuis le sangd’Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vousavez tuĂ© entre le temple et l'autel... Je vous le dis en vĂ©ritĂ©, tout celaretombera sur cette gĂ©nĂ©ration. »

JĂ©sus-Christ

Dans l'Évangile selon Matthieu (23, 1-36), JĂ©sus a la haine desscribes et des pharisiens, c'est-Ă -dire des intellos et des colla-bos. Quelle inspiration quand il s'agit d'insulter ceux qui font« peser sur les hommes de lourds fardeaux, portent de largesphylactĂšres et de longues franges Ă  leurs habits, et se placentaux premiers rangs dans les synagogues». Bref, les « assisdans la chaire de MoĂŻse qui disent mais ne font pas ». LeChrist, lui, aime les actes ! Ah, qu'on ne nous dise plus jamaisque JĂ©sus-Christ est un doux rĂȘveur maso venu apporter« l'amour» et la « paix » sur Terre... Plus jamais !

« RACE DE VIPÈRES ! » Pamphlet Médias

Parents de Daniel Schneidermann tombés sur le culen apprenant que leur fils était passé du Monde à Libération

SOUS LA TOMBE D’EZRA POUND

Je suis allĂ©e Ă  Venise raconter Ă  ci-gĂźt Ezra Pound qu’il collabore Ă  La VĂ©ritĂ© depuis novembre. J’ai pris levaporetto 42 depuis les Fondamente nuove pour le cimetiĂšre sur l’üle de San Michele. AprĂšs ĂȘtre allĂ©e saluerDiaghilev, le baron Corvo et la petite fille de la famille Bembo morte il y a plus d’un siĂšcle (c’est ma tombe

prĂ©fĂ©rĂ©e), j’ai cherchĂ© de longues minutes dans le carrĂ© protestant Ă©vangĂ©lique la tombe du seul rĂ©dacteur mortdu journal pour l’instant, d’autres suivront. Il pleuvait sur l’üle, terre fourrĂ©e aux morts, nella vulva umidadell’Europa. Àdeux doigts de dĂ©sespĂ©rer, j’ai trouvĂ© Ezra Ă  cĂŽtĂ© d’Olga. Pas de pierre, juste de la terre, une plaquesans date, des fleurs et un nom recouvert de feuilles.

J’ai remarquĂ©, enfoncĂ© dans la terre, quelque chose qui brillait, j’adore les trĂ©sors, alors j’ai creusĂ© un petitpeu et j’ai dĂ©terrĂ© un stylo en bois gorgĂ© d’eau avec un capuchon en or. AprĂšs l’avoir essuyĂ© et essayĂ©, je l’aireplantĂ© parce qu’il ne faut pas profaner les tombes.

J’ai voulu reprendre le vaporetto, mais sur le quai il venait de partir. Je me suis dit que c’était trop dommagede ne pas Ă©crire mon prochain article dans le journal avec un stylo-bille offert par Ezra Pound. Comme j’avais20 minutes avant le prochain bateau et, remplie de trouille d’attirer sur moi la malĂ©diction d’un mort ou de deuxmorts si la personne qui a enterrĂ© ce stylo n’est plus de ce monde, je suis retournĂ©e au carrĂ© protestant sous lapluie pour nĂ©gocier le stylo. À nouveau je l’ai dĂ©terrĂ©, Ezra n’a pas dit un mot et j’ai enterrĂ© mon bic bleu Ă  laplace. J’ai mis mon nouveau stylo dans la poche de mon manteau rouge en jurant Ă  Ezra que je le lui rapporteraiet que je ne laisserai jamais personne d’autre que moi Ă©crire avec.

La tombe dans le dos, je suis partie en essayant de ne pas courir. En serrant le stylo dans ma poche je mesuis dit que j’allais peut-ĂȘtre me mettre Ă  parler avec une voix d’homme ou avoir des vers et des serpents quiallaient sortir de mon corps. Sur le quai, Ă  la sortie du cimetiĂšre, il ne faut surtout pas se retourner parce que siça se trouve, Ezra est juste derriĂšre toi, tout mort avec sa barbe et ses orbites vides qui te serre le bras avec sesphalanges vertes en te redemandant son stylo. Je suis montĂ©e dans le bateau et sur la lagune, j’ai fait un pari avecla mer. Je lui ai promis que je ne
 plus jamais de
 et que je
toujours. Et pour que ce ne soit pas des parolesen l’air, j’ai jetĂ© une
 dans la


Petit Ă  petit, mon stylo d’Ezra Pound est redevenu lisse et sec. Aujourd’hui, il brille, nous sommes en bonnesantĂ©, et il Ă©crit trĂšs bien.

Audrey Vernon

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IL Y A DE LA VIE SUR MARS !

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Marchés

Tous les arguments de nos« anti-américains » contre lapolitique « impérialiste »

amĂ©ricaine ne valent rien. Des argu-ments, ce ne sont que des paroles, chaquecamp en trouvera toujours de meilleurscontre l’autre. Une phrase, pour convain-cre, doit ĂȘtre un acte. C’est ce que les« terroristes » ont, depuis longtemps,compris. Bush aussi. MalgrĂ© ses discoursque nos petits français estiment« dĂ©biles», Bush n’argumente pas, il agit :il fout directement sur la gueule de sonennemi, en l’occurrence Saddam Husseinet son pays l’Irak.

Etre vraiment «anti-amĂ©ricain »pour un europĂ©en aujourd’hui ce n’estpas argumenter contre les Etats-Unis envertu de je ne sais quels Droits-de-l’Homme mais agir ! En commençantpar prendre conscience que noussommes tous responsables de ce pouvoirque possĂšdent aujourd’hui les Etats-Uniscar nous y participons et le consolidonschaque jour. Il ne s’agit pas de dĂ©signeridĂ©ologiquement un ennemi mais desavoir prĂ©cisĂ©ment contre quoi on lutteconcrĂštement ! Le vĂ©ritable ennemi n’estpas Georges Bush mais le maĂźtre qu’ilsert, en l’occurrence l’argent, cettemachinerie qui tourne Ă  vide et qui estdevenue la seule «valeur » de notremonde Occidental. Cette fausse valeurque l’AmĂ©rique et nous-mĂȘmesimposons au monde entier tout en piĂ©ti-nant ce qu’il a de plus sacrĂ©, ce qu’il a deplus profondĂ©ment humain. Un con-tenant qu’on fait passer pour un contenu.

George Bush tient Ă  la gorge tous lespetits « anti-amĂ©ricains » europĂ©ens quilui donnent des leçons de morale oud’idĂ©ologie mais qui continuent pourtantĂ  vivre tranquillement dans une sociĂ©tĂ©qui est une sociĂ©tĂ© de type amĂ©ricain, quifonctionne sur le mode amĂ©ricain,exactement comme il tient Ă  la gorge unbon nombre de chefs d’états qui votenttoujours « comme il faut » Ă  l’ONU afinde sauvegarder, soit leurs intĂ©rĂȘts per-sonnels, soit les petites affairesĂ©conomiques de leur nation.

Il faudrait commencer parse demander ce que notrecivilisation a à défendre ouproposer.

La vĂ©ritable force des Etats-Unis n’estpas leur armĂ©e mais leur pouvoirĂ©conomique, l’aura qu’il exerce, autantdire la force de persuasion qu’a aujour-d’hui l’argent dans notre monde. Inutilede se voiler la face et de nier le pouvoird’attraction du modĂšle amĂ©ricain et lesmilliers — si ce n’est les millions —d’étrangers qui rĂȘvent chaque jour derentrer aux Etats-Unis. « USA go homeand take us with you » comme on dit auMoyen-Orient. L’hospitalitĂ© sacrĂ©e orien-tale n’a d’ailleurs pas fait long feu devantles primes octroyĂ©es pour la capture de lafamille Hussein.

L’Irak n’est pas un pays que lesAmĂ©ricains ont envahi un beau jourcomme Saddam a envahi le KoweĂŻt, c’estun pays qui a Ă©tĂ© ACHETÉ. Morceau parmorceau. Semaine aprĂšs semaine. Et lepire est que ce pays a Ă©tĂ© vendu par tous,« anti-amĂ©ricains » compris. L’ONU futla premiĂšre Ă  le troquer en Ă©change de satranquillitĂ©. Tous les pays dĂ©cideurs del’ONU, mĂȘme la France malgrĂ© ses

pinaillages de circonstance, ont baissĂ©leur froc par peur de reprĂ©sailles. LesgĂ©nĂ©raux Irakiens ont Ă©tĂ© achetĂ©s etBagdad fut livrĂ©e presque clĂ©s en mains.Les enfants de Saddam Hussein ont Ă©tĂ©trahis et criblĂ©s de balles pour 30 mil-lions de dollars et Saddam Hussein luimĂȘme a Ă©tĂ© vendu. Ce pays a Ă©tĂ© laminĂ©non pas grĂące aux armes sophistiquĂ©esdes forces amĂ©ricaines mais grĂące aupouvoir de l’argent et ses avatars : intim-idation, chantage, falsification, et par-dessus tout une incitation Ă  la dĂ©lationtoujours fortement rĂ©compensĂ©e.

Choc de civilisations ? Guerre dereligions ? Mais tout cela ne veut riendire
 Des dĂ©bats d’intellectuels de pro-amĂ©ricains contre anti-amĂ©ricains.. Ilfaudrait peut-ĂȘtre commencer par sedemander ce que notre civilisation a Ă dĂ©fendre ou proposer ? LibertĂ©,dĂ©mocratie ? Des mots qui ne signifientplus rien... La perte de signification detous les mots de notre langage est lapreuve mĂȘme de notre dĂ©chĂ©ancespirituelle. Qu’est-ce que la libertĂ© si ellen’a pas de sens ? La tyrannie, mal -heureusement, inspire quelquefois plusles hommes. Et c’est d’inspiration qu’ontbesoin les hommes ! A quoi sert ladĂ©mocratie quand on ne sait pas pourquoi voter !

C’est une dictature del’argent que les AmĂ©ricainset nous-mĂȘmes imposons aumonde.

Qu’est-ce que notre civilisationaujourd’hui a Ă  offrir aux autres peuples ?Rien ! Il n’y a pas de choc de civilisa-tions, c’est le NĂ©ant qui engloutit la Vietout simplement. Nous n’avons rien Ă offrir aux pays arabes si ce n’est laspoliation pure et simple. Qu’on arrĂȘte dedire qu’un kamikaze palestinien ou BenLaden est « nihiliste » quand nousautres, Occidentaux, ne pouvons mĂȘmepas dire pour quoi nous serions capablesde donner notre vie. Posez-vous la ques-tion ! Pour quoi pourriez-vous donnervotre vie ? Je pense qu’un arabe, unafricain, un indien peut rĂ©pondre trĂšsvite Ă  cette question mais nous autres ilnous faut pas mal de temps pour y rĂ©pon-dre, il nous faut chercher une rĂ©ponse quine coule pas de source pour la simple rai-son que, pour la plupart d’entre nous,notre vie n’a pas de vrai sens et c’estpourquoi nous ne pouvons mĂȘme pas ladonner. Rien Ă  donner. Rien. Personne,ici, ne donnerait quoi que ce soit pour cequ’il croit ĂȘtre la VĂ©ritĂ© parce que pournous il y a, Ă©videmment, des vĂ©ritĂ©s
Donc rien ne vaut le coup
 Tout est vrai,tout est faux. Et bien, c’est ça lenihilisme


On s’étonne de l’intĂ©grisme religieuxdes Musulmans mais cet intĂ©grisme est larĂ©ponse mĂȘme Ă  notre propre intĂ©-grisme : celui de l’argent. C’est une dic-tature de l’argent que les AmĂ©ricains etnous-mĂȘmes imposons au monde en tantque modĂšle de vie et que nous nommons« dĂ©veloppement », « libertĂ© » et« dĂ©mocratie ». Il est tout Ă  fait normalque Saddam Hussein, le « dictateur » aitĂ©tĂ© un des derniers remparts face Ă  ladĂ©ferlante amĂ©ricaine. Ce que nousappelons la « folie » de Saddam (gal-vanisant son peuple dans une guerre per-due d’avance contre les USA) est sĂ»re-ment la derniĂšre forme d’hygiĂšne

spirituelle. Saddam Hussein a Ă©tĂ© lavĂ© dusang qu’il avait sur les mains le jourmĂȘme oĂč les AmĂ©ricains ont posĂ© unpied en Irak. C’est ce que tout « anti-amĂ©ricain » qui ose encore dĂ©nigrerSaddam Hussein devrait comprendre.

Qui peut croire que l’Irak gardera cequi lui reste d’ñme avec une Ă©conomie demarchĂ© ou une dĂ©mocratisation qu’iln’est pas prĂȘt Ă  recevoir ? Peu de paysl’ont gardĂ©e. Il suffit de regarder IsraĂ«l.Oubliez les histoires de sionisme ou d’an-tisionisme, il n’est pas Ă©vident que ce soitAriel Sharon et ses co-Ă©quipiers quipourrissent ce pays (ou leurs ennemis), ilest encore plus pourri par l’argent quepar sa politique nĂ©vrotique. La vĂ©ritĂ© estque la « Terre Promise » n’excite plusbeaucoup de monde mis Ă  part les Juifscontraints de fuir leur pays d’originepour problĂšmes fiscaux. Nous sommesdĂ©jĂ  bien loin d’IsraĂ«l et de ses kibboutzsoixante-huitards. IsraĂ«l n’a plus d’ñme,pas mĂȘme une Ăąme factice et ce ne sontpas les Palestiniens qui la lui ont enlevĂ©e.Ce pays a beau jeu de construire un muranti-kamikazes... On se demande bienpourquoi IsraĂ«l, afin d’éviter les attentats- suicide, n’interdit-il pas tout simple-ment l’entrĂ©e de tout Palestinien sur sonterritoire. Parce qu’IsraĂ«l a besoin desPalestiniens comme main-d’Ɠuvre pourremplir ses usines et faire tourner ses McDo et, pour son malheur, il se trouve quedans le lot il y en a quelques uns que Dieu« fanatise » plus que l’argent.

Chaque personne devrait se deman-der pour quoi elle travaille. Les « anti-amĂ©ricains », au lieu de gueuler avec lesloups, devraient, avant tout, se poser cettequestion. Tous les Occidentaux vont tra-vailler chaque jour pour faire tourner lagrosse machine Ă  l’ñme amĂ©ricaine. Ilsvendent leurs mains et, pire encore, leurintelligence pour des entreprises detoutes nationalitĂ©s dont ils savent Ă  peinece qu’elles vendent rĂ©ellement et surtoutpour quoi elles les vendent. La plupartdes entreprises sont d’ailleurs tellementdĂ©connectĂ©es de la rĂ©alitĂ© qu’elles nevendent que des services qui permettrontĂ  un autre de vendre autre chose. Oui,c’est ça brasser de l’air. Cette civilisationnage en plein surrĂ©alisme.

Les raisons pour lesquelles GeorgesBush a envahi l’Irak sont aussi insignifi-antes (au sens littĂ©ral du mot) que cellesde l’individu europĂ©en qui se lĂšve chaquematin pour travailler sans comprendreprofondĂ©ment pourquoi il travaille.Travailler est une chose souhaitable. Seprostituer en est une autre. Bush mĂšneune politique du profit mais il ne faut pasoublier que c’est aussi celle que mĂšne leplus petit salariĂ© ou la minuscule PME.Ce n’est pas parce qu’on gagne moinsqu’on est moins salaud. Ce n’est pas parcequ’on est exploitĂ© qu’on est moins pourrique l’exploiteur. Il va falloir finir par lecomprendre. Les plus virulents de nos« anti-amĂ©ricains », sont toujours ceuxqui s’estiment laissĂ©s-pour-compte dansnotre sociĂ©tĂ© : chĂŽmeurs,« intermittents » , paysans dĂ©goĂ»tĂ©s parle cassage des prix, ouvriers, etc..Donnez-leur de l’argent, un travailgrassement payĂ©, leur four Ă  micro-ondeset comme par enchantement leur « anti-amĂ©ricanisme » disparaĂźt.

Une casquette Nike, une canette deCoca , un Ă©pi de maĂŻs transgĂ©nique nesont pas dĂ©testables en eux-mĂȘmes, c’estle systĂšme qui les colporte qui doit ĂȘtredĂ©testĂ©. Les « anti-amĂ©ricains » sont trĂšs

fiers de boycotter Coca-Cola et d’acheterdu Mecca-Cola (« Buvez engagĂ© ! ») maisil n’y a aucune diffĂ©rence fondamentaleentre ces deux produits ! L’acheteur deMecca-Cola (quel nom inepte) s’offre ensupplĂ©ment une bonne petite consciencepolitique. C’est d’ailleurs cela qu’on luivend prĂ©cisĂ©ment ! Les deux entreprisessont aussi capitalistes l’une que l’autre,c’est-Ă -dire aussi profondĂ©ment amĂ©ri-caines dans leurs rouages l’une quel’autre. Mecca-Cola octroie 10 % de sesdividendes (bĂ©nĂ©fices nets) aux enfantsPalestiniens mais Coca-Cola aussi donneaux orphelins du Maroc ou Ă  je ne saisquelle cause qui fait vendre. Que Mecca-Cola donne 100 % de ses dividendes Ă  laPalestine et cette entreprise aura unsens ; cette entreprise assĂšnera un vĂ©rita-ble coup au capitalisme et Ă  l’amĂ©rica-nisme.

Certains Irakiens ont trahipour de l’argent, tous icinous trahissons chaquejour pour de l’argent.

Toutes les religions et les mouve-ments politiques « contestataires » sonttoujours acceptĂ©s quand ils collaborentĂ©conomiquement, c’est-Ă -dire quand ilsreconnaissent une valeur en soi Ă  l’ar-gent. Arlette Laguillier et ses confrĂšrestrotskistes adorent l’argent quand il estdonnĂ© aux ouvriers et aux camarades, etla seule rĂ©volution de la LCR consiste Ă manifester pour augmenter ses points-retraite (du fric ! ). Aucune diffĂ©renceentre nos rĂ©volutionnaires et AlainMadelin sauf un systĂšme de distributionde l’argent en opposition. LibertĂ© de s’en-richir pour Madelin contre Ă©galitĂ© de ladistribution des dollars pour Laguillier.Au lieu de saccager des usines par dĂ©pitou de brĂ»ler leurs rĂ©coltes invendues, lescontestataires feraient mieux de brĂ»lerleurs billets, de foutre en l’air absurde-ment leur salaire. La voilĂ  la RĂ©volution !La vraie LibĂ©ration ! Ce n’est pas haĂŻr, dubout de sa laisse, le patron capitaliste,l’ennemi « amĂ©ricain » mais se libĂ©rer dulien qui vous attache Ă  lui.

Certains Irakiens ont trahi pour del’argent, tous ici nous trahissons chaquejour pour de l’argent. Toute concession, laplus infime, faite au nom de l’argent estdu pro-amĂ©ricanisme. Nous ne devonspas travailler pour gagner de l’argentmais plutĂŽt en gagner pour pouvoir tra-vailler , c’est-Ă -dire faire quelque chosequi donne un sens Ă  la vie humaine. Jeterson fric par la fenĂȘtre voilĂ  ce que toutepersonne saine d’esprit doit faire. Le pau-vre comme le riche. Que l’argent soit niĂ©,par celui qui le donne, et par celui qui lereçoit, et nous Ă©changerons vraimentquelque chose Ă  cet instant prĂ©cis.

C’est cela, vĂ©ritablement, ĂȘtre «anti-amĂ©ricain », pas besoin de thĂ©ories, demanifestations dans la rue ou de je nesais quel alter-mondialisme. Des actes !Tout de suite, dans sa propre vie, car tousnous sommes responsables de ce qu’il sepasse en Irak en collaborant chaque jourĂ  un systĂšme inhumain. Ce n’est pas enDieu que croit le pouvoir amĂ©ricain, c’esten nous, c’est en vous tous, le plus petitcomme le plus grand. Apprenez Ă  lire : iln’est pas Ă©crit « In God we trust » sur lesdollars amĂ©ricains mais « In You weTrust ».

Anne-Sophie Benoit

GUERRE ET ARGENT

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Georges W. Bush est pour lapeine de mort : pas moi.Mais Georges W. Bush est

roi du monde. Et pas moi. Je n’airien Ă  dire, moi. On ne m’invite pas Ă douter, Ă  dĂ©battre, Ă  m’insurger, onme contraint au contraire Ă  baisserpavillon, Ă  me soumettre Ă  l’idĂ©olo-gie parasitaire ambiante. Point. Pourpenser W, je dois donc m’adapter.DigĂ©rer l’idĂ©ologie parasitaireambiante et la recracher dans ungros vomi conventionnel. Pensercomme W. M’engouffrer dans le tun-nel de sa doctrine. Savoir ce que Wpenserait de lui s’il Ă©tait, commemoi, par la force des choses, devenul’ennemi intime de W. Ce qu’il feraitĂ  ma place et moi Ă  la sienne.Respecter W Ă  la lettre .

De ce point de vue, le verdict nesouffre pas de discussion : W mesomme d’abattre W. W m’ordonned’éliminer W une bonne fois pourtoutes. Non seulement parce que West sur le plan philosophique, mili-taire, civique et racial pour la peinede mort. Parce que zigouiller sonprochain est en somme son hobby.Le train-train de son quotidienhomicide, par temps de paix commepar temps de guerre. Mais parce queW milite pour la suppressionphysique de tous ceux qui se mettentsur la voie glorieuse de W. Parce qu’ilest ontologiquement pour l’extermi-nation dĂ©finitive de tout opposant.Pire ennemi de Saddam qu’il colleavant jugement au poteau d’exĂ©cu-tion, W est aussi minĂ©ralement, West aussi intimement que moi le pireennemi de W. C’est indiscutable.

RĂ©cusant la peine capitale, goĂ»-tant peu la vue du sang, je n’ai pasune tĂȘte d’assassin. Je n’ai jamaisrĂ©ussi Ă  dĂ©gommer une ampoule delampadaire avec un lance-pierre.

J’en profite donc, moi simple alterego, pour passer une petite annonce.

Tel DiogĂšne, W bis arpente lescolonnes de ce journal Ă  la recherched’un homme. Pas n’importe lequel. Ilcherche le nouveau Lee Harwey.L’Oswald du troisiĂšme millĂ©naire. Çadoit se trouver, ça. Non ?L’AmĂ©rique a dĂ©gringolĂ© bien bas,mais tout de mĂȘme. Mais enfin. Unmarginal dans la mouscaille, un fouarmĂ© jusqu’aux dents, un extrĂ©mistede droite-ou-gauche sans rien dansla cafetiĂšre, les States doivent enavoir quelques lĂ©gions en rĂ©serve.Les banlieues pourries de la CitĂ©-Monde doivent regorger de typesprĂȘts Ă  en dĂ©coudre. Un bon cave. Leportrait-robot du bouc-Ă©missaireidĂ©al. Celui qui va endosser le crimestratĂ©gique ultime que nul n’osecommettre, parce que nous sommestous devenus si frileux, si« humains », si idĂ©ologiquementparasitairement nuls.

W aurait bien dĂ©jeunĂ© ce matin-lĂ . Un bretzel chaud avalĂ© de bonnehumeur avec un Coca light. Ilgagnerait sa limousine dĂ©capotable.Il serait assis sur le siĂšge arriĂšredroit. Il ferait beau. Les drapeauxclaqueraient au vent. Mme Wprendrait place Ă  ses cĂŽtĂ©s, entailleur rose. On serait peut-ĂȘtre ducĂŽtĂ© de Dallas. Le long cortĂšge prĂ©si-dentiel dĂ©marrerait au quart de tour.W serait rayonnant, avec une petitebandaison en route sur la route deson destin. Il Ă©craserait un petdominateur sur la banquette cirĂ©e.Et puis tout Ă  coup, alors que laparade tourne Ă  gauche pour s’en-gager devant un dĂ©pĂŽt de livres sco-laires, bang bang bang ! Trois bastosdans la gueule. Son regard de pri-mate se vrille. Il tire la langue d’oĂčs’écoule un filet de bave en dentelles.

C’est fini.Recommandations pour ce

coup-ci : 1° dans le cas oĂč une tiercepersonne est atteinte, ne pas brandirune balle intacte pour expliquer legrand nombre des blessures, ça nefait pas crĂ©dible ; 2° ne pas fairedescendre le suspect par le patrond’une boĂźte de strip-tease liĂ© Ă  lamafia, mais plutĂŽt le laisser mettrefin Ă  ses jours dans son cachot,comme le grand garçon dĂ©sĂ©quili-brĂ© qu’il est ; 3° laisser enfin les jour-nalistes faire leur travail : vu leurtalent d’enquĂȘteurs, on peut ĂȘtresĂ»rs qu’ils ne dĂ©couvriront jamais lefin mot de l’histoire.

Le temps jouera pour nous. LesWilliam Reymond et les ThierryMeyssan du futur, les rĂ©visionnistesmĂ©diatiques de tout poil diront for-cĂ©ment que l’histoire est plus com-pliquĂ©e que ça. Que notre assassinest 100% innocent. Un jour oul’autre, le pauvre mec sera rĂ©habilitĂ©.Il n’aurait pas fait de mal Ă  unemouche. Blanchi total. La moraleserait sauve : personne n’aurait tirĂ©ce jour-lĂ . Bush aurait Ă©tĂ© abattu parun fantĂŽme, en quelque sorte. Parlui-mĂȘme, au fond. On ne sauraitjamais que cet article subliminal(Ă©crit par un hypnotisĂ©) a Ă©tĂ© ledĂ©tonateur des trois dĂ©tonations.Personne n’y serait pour rien et onrespirerait un peu mieux dans lesprovinces du monde. L’avenir auraitcomme des lueurs d’aurore.

C’est concevable, vous ne croyezpas, que l’histoire se dĂ©roule ainsi ?Qu’un complot libĂ©rateur soit ourdiet triomphe en secret ? Sinon c’est Ă dĂ©sespĂ©rer de Hegel et de la thĂ©oriemarxienne du possible. Abattez-le !

Paul-Éric Blanrue

ABATTEZ-LE !CATSAP

Himmler est mon idole.

Nul n'est prophĂšte dans son lit.

C'est quand on est dans la merde qu'on reconnaĂźt la crotte deses amis.

Tous les goûts sont dans la culture.

Il n'y a d'Ă©chec que lĂ  oĂč la culpabilitĂ© palpite.

Ce que je sais de moi, je l'ai appris en m'ennuyant.

J'aimerais qu'on dise de moi : « Dire qu'il a existé... ».

Quelle gloire Ă  ĂȘtre connu quand on s'aime dĂ©jĂ  ?

C'est ce que je n'ai pas Ă©crit qui me perdra.

Entre baiser une conne et violer une intellectuelle, je préfÚreme branler.

Vivre me paraĂźt un peu juste pour exister.

Avant de tirer la chasse, je dis à mon caca : « au revoir, chéri».

J'offre des fleurs pour sentir bon.

Savoir qu'on va mourir n'est pas une raison pour réussir sa vie.

J'adorerais que le mot « enculé» fasse penser à moi.

Ce que j'ai de plus que les autres ? Je prends trois prozac parjour.

J'aime bien faire la vaisselle, j'ai l'impression de me purifier.

Le bisou nous protĂšge du reptile.

Tant d'anus et si peu de sodomie !

J'ai envie de baiser avec une tortue.

Ce n'est pas d'amour qu'on a le plus besoin, c'est d'indulgence.

Un peu de malheur, et la vie est belle.

Philosophie

VICTOIRE D’UN CRIMINELMilosevic, inculpĂ© pour gĂ©nocide et crimes de guerre, vient pourtant d’ĂȘtre Ă©lu au parlement serbe. Il ne pourra pas Ă©videm-

ment siĂ©ger Ă  Belgrade puisqu’il siĂšge dĂ©jĂ  sur le banc des accusĂ©s au Tribunal PĂ©nal International de La Haye. On se demandesi le prochain scrutin « dĂ©mocratique » en Irak ne verra pas Ă©lire, mĂȘme s’il ne s’est pas prĂ©sentĂ©, Saddam Hussein. Les

ressemblances avec Milosevic finissent par ĂȘtre frappantes
 Comme il est Ă©trange qu’un chef d’état chrĂ©tien orthodoxe Ă©lu dĂ©mocra-tiquement et qu’un dictateur arabe laĂŻc prĂ©sentent tant de similitudes


Saddam Hussein s’est pris une flanquĂ©e de bombes pour des raisons aussi surrĂ©alistes que celles pour lesquelles l’OTAN a bombardĂ©la Yougoslavie. Il a Ă©tĂ© vendu par son pays (25 millions de dollars ?) comme Milosevic que le gouvernement serbe livra Ă  la Haye en Ă©changede quelques dizaines de millions de dollars d’aide Ă©conomique. On cherche toujours les armes de destruction massive en Irak comme oncherche toujours les charniers du Kosovo, preuve du gĂ©nocide des Albanais Kosovards. Les AmĂ©ricains ne se sont pas gĂȘnĂ©s pour produiredes faux Ă  l’ONU afin de lĂ©gitimer l’invasion de l’Irak. Carla Del Ponte, PrĂ©sidente du TPI qui se croit Ă  Nuremberg, s’est aussi fendue defaux, Ă  l’époque, pour ĂȘtre sĂ»re d’enfoncer Milosevic.

Le jour approche oĂč les institutions dites internationales vont se retrouver aux prises avec la dĂ©mocratie, oĂč elles vont devoir finir paravouer qu’au fond elles luttent contre la dĂ©mocratie. C’est ce qui est en train de se passer en Serbie. A-S.B

Fantasme

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SixiĂšme sens

MĂ©sopotamie. Babylone. Le Tigre etl’Euphrate. Combien d’enfants,dans combien de classes Ă  travers

combien de siĂšcles, ont naviguĂ© dans le passĂ©,transportĂ©s par ces mots
 Et maintenant lesbombes sont tombĂ©es, humiliant et dĂ©truisantcette civilisation ancienne. Sur les torses d’aci-er de leurs missiles, les soldats amĂ©ricainsadolescents ont griffonnĂ© des messages col-orĂ©s de leur Ă©criture d’enfant : « For Saddam,from the Fat Boy Posse » [Pour Saddam, avecle meilleur souvenir de la bande des grosbras]. Un bĂątiment s’est Ă©croulĂ©. Un marchĂ©.Une maison. Une fille qui aimait un garçon.Un enfant qui n’avait jamais voulu que joueravec les billes de son grand frĂšre.

Le 21 mars, le jour suivant l’invasion illĂ©-gale et l’occupation de l’Irak par les troupesUS et britanniques, un correspondant de CNNĂ  Bagdad interviewait un soldat US : « Jeveux y aller et mordre du terrain », disait lePremiĂšre-Classe A.J. « Je veux me venger du11 Septembre. » Le correspondant de CNNsuggĂ©ra faiblement que, jusqu’à ce jour, il n’yavait aucune preuve d’un quelconque lienentre le gouvernement irakien et les Ă©vĂ©ne-ments du 11 septembre. Le PremiĂšre-ClasseA.J. tira la langue jusque sur le menton :« Ouais
 Tout ça me dĂ©passe. »

Quand les USA ont envahi l’Irak, unsondage du “New York Times” et de “CBSNews” estimait Ă  42 % ceux qui croyaientSaddam Hussein directement respons-able des attaques du 11 septembre sur leWorld Trade Center et le Pentagone. Unsondage ABC Ă©valuait Ă  55% le nombred’AmĂ©ricains qui pensent que SaddamHussein soutien Al-Qaeda. Aucune de cesopinions n’est basĂ©e sur des preuves (puisqu’iln’y en a pas). Tout cela est basĂ© sur desinsinuations, de l’autosuggestion et de sim-ples mensonges que font circuler les mĂ©diasUS.

Une civilisation ancienne a étédécimée par une trÚs récente ettrÚs brutale nation.

Le soutien public amĂ©ricain pour la guerreen Irak Ă©tait basĂ© sur un Ă©difice Ă  plusieursniveaux de mensonges et de tromperies coor-donnĂ©s par le gouvernement US et fidĂšlementamplifiĂ©s par la presse. Il y a eu les liensinventĂ©s entre l’Irak et Al-Qaeda. Nous avonseu la panique organisĂ©e Ă  propos des “armesde destruction massive” de l’Irak. Aucunearme de destruction massive n’a Ă©tĂ© retrou-vĂ©e. Maintenant que la guerre a Ă©tĂ© faite etgagnĂ©e, que les contrats de reconstruction ontĂ©tĂ© signĂ©s, le “New York Times” publie que :« LA CIA a entrepris une Ă©tude afin de dĂ©ter-miner si oui ou non l’ensemble des servicessecrets s’est fourvoyĂ© dans ses affirmationsd’avant-guerre au sujet du gouvernementirakien et de son programme d’armement. »

Pendant ce temps-lĂ , une civilisation anci-enne a Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©e par une trĂšs rĂ©cente et trĂšsbrutale nation. Pendant plus d’une dizained’annĂ©es, les AmĂ©ricains et les Anglais ontlarguĂ© des milliers de missiles et de bombessur l’Irak. Les terres irakiennes ont reçu 300tonnes d’uranium appauvri.

Au cours des bombardements, la coalitiona visĂ© et dĂ©truit les usines de traitement del’eau, sachant trĂšs bien qu’elles ne pouvaientĂȘtre rĂ©parĂ©es sans une assistance Ă©trangĂšre.Dans le sud de l’Irak, il y a eu une multiplica -tion par quatre de cancers chez les enfants.

Pendant les dix ans de sanctionsĂ©conomiques qui ont suivi la premiĂšre Guerredu Golfe, les civils irakiens se sont vus refuserl’accĂšs aux soins, aux ambulances, Ă  l’eaupotable – les bases de la vie. On estime Ă  undemi million le nombre d’enfants irakiensmorts de ces sanctions. Les mĂ©dias ont jouĂ©un vĂ©ritable rĂŽle en taisant les nouvelles de la

dĂ©vastation de l’Irak et des Irakiens. Ils ontprĂ©parĂ© le terrain avec la mĂȘme routine demensonges et d’hystĂ©rie pour une guerre con -tre la Syrie, l’Iran et, qui sait, contre l’ArabieSaoudite.

C’est drĂŽle comme les intĂ©rĂȘtsdes sociĂ©tĂ©s US sont si souvent, sidĂ©libĂ©rĂ©ment confondus avec lesintĂ©rĂȘts de l’économie mondiale.

La prochaine guerre sera peut-ĂȘtre le joyaude la couronne de George W. Bush pour sacampagne Ă©lectorale de 2004. Il n’aura peut-ĂȘtre pas Ă  aller jusque-lĂ  puisque lesDĂ©mocrates ont annoncĂ© leur stratĂ©gie pour2004 : prouver que les RĂ©publicains sontfaibles en matiĂšre de sĂ©curitĂ© nationale. Oncroirait entendre l’ado du village qui trouveque la mafia a trop de scrupules.

Les Ă©lections prĂ©sidentielles US semblentdevoir ĂȘtre une perte de temps pour tout lemonde. Rien de nouveau lĂ -dedans.

L’invasion de l’Irak par les USA Ă©tait peut-ĂȘtre la guerre la plus lĂąche de toute l’histoire.AprĂšs avoir utilisĂ© les “bons services” de la

diplomatie de l’ONU (sanctions Ă©conomiqueset inspection des armements) pour s’assurerque l’Irak Ă©tait sur les genoux, aprĂšs s’ĂȘtreassurĂ©e que la plupart des armes Ă©taientdĂ©truites, la “Coalition des Volontaires, plusconnue sous le nom de “Coalition des Bruteset des Vendus”, a envahi l’Irak.

Alors les mĂ©dias se sont glorifiĂ©s d’une vic -toire juste et brillante !

Les tĂ©lĂ©spectateurs sont tĂ©moins du bon-heur apportĂ© Ă  l’Irakien par l’armĂ©e amĂ©ri -caine. Tous ces gens nouvellement libĂ©rĂ©s, agi -tant des drapeaux amĂ©ricains, qu’ils avaientprobablement accumulĂ©s pendant les annĂ©esde sanctions.

Qu’est-ce que ça peut faire si le dĂ©boulon-nage de la statue de Saddam Hussein placeFerdaous (montrĂ© et remontrĂ© Ă  la tĂ©lĂ©) Ă©taitun ballet soigneusement exĂ©cutĂ© par unepoignĂ©e de figurants dirigĂ©s par les Marines ?Robert Fisk a parlĂ© de « la plus grande miseen scĂšne depuis Iwo Jima ».

Qu’est-ce que ça peut faire si, dans les joursqui suivirent, les soldats amĂ©ricains ont tirĂ©sur des manifestants irakiens pacifistes, nonarmĂ©s, qui rĂ©clamaient le dĂ©part des troupesd’occupation ? Quinze personnes sontmortes.

Qu’est-ce que ça peut faire si, quelquesjours plus tard, les soldats amĂ©ricains ont tuĂ©deux autres personnes et blessĂ© bien d’autresqui protestaient contre le fait qu’on puissetuer de simples manifestants ? Ne vousinquiĂ©tez pas : ils ont tuĂ© dix-sept personnesĂ  Mossoul. Ne vous inquiĂ©tez pas : la tuerie vase poursuivre (mais elle ne sera pas retrans-mise Ă  la tĂ©lĂ©).

Il ne faut pas que ça vous tracasse qu’un

pays laĂŻc soit poussĂ© au sectarisme religieux.Ça ne vous tracasse pas d’ailleurs que le gou-vernement amĂ©ricain ait soutenu SaddamHussein lors de son accĂšs au pouvoir et pen-dant ses pires excĂšs, y compris la guerre dehuit ans contre l’Iran et le gazage en 1988 desKurdes de Halabja (des crimes qui, quatorzeans plus tard, ont Ă©tĂ© rĂ©chauffĂ©s et resserviscomme de bonnes raisons pour attaquerl’Irak).

Ça ne vous dĂ©range pas qu’aprĂšs la pre-miĂšre Guerre du Golfe, les AlliĂ©s aient fomen-tĂ© un soulĂšvement des Shias de Bassora avantde se dĂ©tourner et laisser Saddam HusseinĂ©craser la rĂ©volte et tuer des milliers de gens.

AprĂšs l’invasion de l’Irak, les chaĂźnes detĂ©lĂ©vision occidentales, qui dĂ©veloppaient unecuriositĂ© sordide pour les charniers, ont vitechangĂ© de sujet quand elles ont compris queles corps Ă©taient irakiens, morts Ă  la guerrecontre l’Iran et pendant la rĂ©volte Chiite. Larecherche de charniers appropriĂ©s, dĂ©cents, sepoursuit.

Que cela ne vous dĂ©range pas : les troupesamĂ©ricaines et britanniques avaient reçu l’or-dre de tuer, pas de protĂ©ger. Leurs prioritĂ©sĂ©taient claires. La sĂ©curitĂ© du peuple irakienn’était pas leur souci. La protection de ce quirestait des infrastructures irakiennes n’étaitpas leur souci. Mais la protection des puits depĂ©trole, oui. Les puits ont Ă©tĂ© “sĂ©curisĂ©s”presque avant que l’invasion ne dĂ©bute.

Il est intĂ©ressant de souligner que la recon-struction de l’Afghanistan – qui se trouvedans un Ă©tat bien plus lamentable que l’Irak –n’a pas rencontrĂ© le mĂȘme enthousiasmeĂ©vangĂ©lique que celui qui prĂ©side Ă  la recon-struction de l’Irak. MĂȘme l’argent promispubliquement Ă  l’Afghanistan n’a pas encoreĂ©tĂ© entiĂšrement versĂ©. Peut-ĂȘtre parce quel’Afghanistan n’a pas de pĂ©trole ? Et qu’il n’y aguĂšre d’argent Ă  extraire de ce pays vaincu.

D’un autre cĂŽtĂ©, on nous a dit que les con-trats de reconstruction de l’Irak pourraientbooster l’économie mondiale. C’est drĂŽlecomme les intĂ©rĂȘts des sociĂ©tĂ©s US sont sisouvent – et avec autant de succĂšs ! – sidĂ©libĂ©rĂ©ment confondus avec les intĂ©rĂȘts del’économie mondiale. Le discours sur lepĂ©trole irakien aux Irakiens, sur la guerre delibĂ©ration, sur la dĂ©mocratie et les Ă©lectionslibres a eu son temps. Et son utilitĂ©.Aujourd’hui, les choses ont changé 

AprĂšs avoir escortĂ© une civilisation vieillede 7000 ans vers l’anarchie, George Bush aannoncĂ© que les Etats-Unis sont en Irak poury rester « indĂ©finiment ».

Les USA, en fait, ont promis que l’Irak pou-vait avoir un gouvernement reprĂ©sentatif,mais seulement s’il reprĂ©sente les intĂ©rĂȘts descompagnies pĂ©troliĂšres amĂ©ricaines. End’autres termes : vous avez la libertĂ© d’ex-pression tant que vous dites ce que nousvoulons vous entendre dire.

Le 17 mai, le “New York Times” Ă©crivait :« Retournement brutal de situation : les USAet l’Angleterre retardent Ă  l’infini le plan quiaurait permis aux forces d’opposition iraki-enne de former une assemblĂ©e nationale et ungouvernement intĂ©rimaire d’ici Ă  la fin dumois. Au lieu de cela, les diplomates amĂ©ri-cains et britanniques qui conduisent l’effortde reconstruction ici ont dit ce soir aux chefsen exil que les officiels alliĂ©s conservaient ladirection de l’Irak pour une pĂ©riodeindĂ©finie. »

Bien avant que l’invasion ne commence, leshommes d’affaires du monde entier se fĂ©lici-taient des sommes d’argent que la reconstruc-tion de l’Irak mettrait en jeu. On l’a intitulĂ©e“le plus gros effort depuis la reconstructionde l’Europe aprĂšs la DeuxiĂšme GuerreMondiale par le plan Marshall”. La firmeBechtel, siĂ©geant Ă  San Francisco, mĂšne lahorde de chacals qui s’installe en Irak.CoĂŻncidence : l’ancien secrĂ©taire d’État G.Schultz, est un des directeurs de Bechtel et il

se trouve qu’il a Ă©galement siĂ©gĂ© en tant queprĂ©sident de la “Section Conseil” du ComitĂ© deLibĂ©ration de l’Irak. Quand le “New YorkTimes” lui a demandĂ© s’il Ă©tait concernĂ© ounon par l’existence d’un conflit d’intĂ©rĂȘts,monsieur Schultz a rĂ©pondu : « Je ne pensepas que Bechtel en soit particuliĂšrementbĂ©nĂ©ficiaire. Mais s’il y a du travail Ă  faire,Bechtel est le genre de compagnie compĂ© -tente. Mais personne ne regarde ce travailcomme fructueux. »

Bechtel a dĂ©jĂ  un contrat de 680 millions dedollars mais, selon le “New York Times”, « desestimations indĂ©pendantes chiffrent Ă  20 mil -liards de dollars le coĂ»t final de l’effort dereconstruction dans le contrat Bechtel-USAID ».

L’Irak n’est plus un pays. C’estune ressource. L’Irak n’est plusgouvernĂ©. L’Irak est possĂ©dĂ©.

Dans un article judicieusement titré« FrĂ©nĂ©sie souterraine : toutes lescompagnies du monde veulent leur part dugĂąteau », le “Times” Ă©crit (sans la moindreironie) : « Les gouvernements mondiaux etles sociĂ©tĂ©s qui les soutiennent ont fait le siĂšgede Washington afin d’obtenir un morceaud’Irak Ă  reconstruire » ; «Les Anglais,bien que leur demande soit discrĂšte, prĂ©sen-tent l’argument le plus convaincant pour l’ad-ministration Bush : ils ont versĂ© du sang enIrak. » Le sang de qui ? Ce n’est pas trĂšs clair.Le “Times” n’évoquait sĂ»rement pas le sanganglais ou amĂ©ricain. Il Ă©voquait sans doute lefait que les Anglais ont aidĂ© les AmĂ©ricains Ă verser du sang irakien. Donc, « le cas le plusconvaincant », en matiĂšre de reconstruction,c’est quand un pays peut se vanter d’ĂȘtre com-plice des meurtres d’Irakiens.

Lady Simmons, le dĂ©putĂ© chef de laChambre des Lords, s’est rĂ©cemment renduaux USA avec quatre industriels anglais. Outrele fait d’appuyer ses exigences sur son statutde co-assassin, la dĂ©lĂ©gation britannique aaussi Ă©voquĂ© son passĂ© colonial – Ă  nouveausans la moindre ironie – insistant sur la « rela-tion de longue date avec l’Irak et ses marchĂ©sdepuis l’époque impĂ©riale du dĂ©but du XXĂšmesiĂšcle jusqu’aux sanctions internationales desannĂ©es quatre-vingt-dix. » NĂ©gligeant de sesouvenir que la Grande-Bretagne avaitsoutenu Saddam Hussein dans les annĂ©essoixante-dix et quatre-vingt.

Ceux d’entre nous qui appartiennent Ă d’anciennes colonies voient l’impĂ©rialismecomme un viol. Donc, vous violez. Puis voustuez. Puis vous exigez le droit de violer lecadavre. C’est ce que l’on appelle de lanĂ©crophilie.

Poursuivant cette analogie Ă©cƓurante,Richard Perle disait rĂ©cemment : « LesIrakiens sont plus libres aujourd’hui, et noussommes davantage en sĂ©curitĂ©. DĂ©tendez-vous, et profitez-en. » Au bout de quelquesjours de guerre, le prĂ©sentateur du journaltĂ©lĂ©visĂ© Tom Broxant, ajoutait : « Une deschoses que nous nous refusons Ă  faire c’estdĂ©truire les infrastructures de l’Irak parce quedans quelques jours ce pays nous appartien-dra. » Maintenant, les contrats de possessionsont en train d’ĂȘtre signĂ©s. L’Irak n’est plus unpays. C’est une ressource, une propriĂ©tĂ©, unbien. L’Irak n’est plus gouvernĂ©. L’Irak est pos-sĂ©dĂ©. Et l’Irak appartient pour la plus grandepartie Ă  Bechtel. Peut-ĂȘtre que Halliburton etune ou deux sociĂ©tĂ©s anglaises obtiendrontquelques os.

Notre combat doit ĂȘtre menĂ© contre lesoccupants et contre les nouveaux propriĂ©-taires de l’Irak.

Arundhati Roy« Day of the Jackals». 31 mai 2003.Traduction Anne Dion.

LE TEMPS DES CHACALSArundhati Roy est nĂ©e en 1961 d'une mĂšre chrĂ©tienne et d'un pĂšre Hindou. Elle a grandi dans le milieu syrien chrĂ©tien Ă  Kerala, une ville oĂč coexistaient quatre " reli-gions " : Christianisme, Islam, Hindouisme et Marxisme. Personne n'a oubliĂ© Le Dieu des petits riens (" The God of small things "), qui a reçu le cĂ©lĂšbre Booker Prizeen 1997. Depuis, Arundhati Roy n'Ă©crit plus de fictions et prĂ©fĂšre en dĂ©coudre avec la rĂ©alitĂ©. C'est ce qu'elle fait en continuant Ă  publier des textes " politiques " ou enprenant la parole dĂšs qu'elle le peut, comme dans ce discours prononcĂ© Ă  Washington, au National Anti War teach- in . Un texte restĂ© jusqu'Ă  prĂ©sent inĂ©dit en français.

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BEN LADEN SURPRIS DANS SA CACHETTE.

L’AXE DU MAL, C’ÉTAIT LUI !

Scoop

En ces temps d'incertitude gĂ©nĂ©rale, de bordelnihiliste, voici qu'au dĂ©tour d'un kiosque Ă  jour-naux, je dĂ©couvre le journal "LA VERITE". DĂ©jĂ , jeme dis, putain, y zont pas peur d'ĂȘtre modestes ! etpuis, attirĂ© par le dessin de Vuillemin sur les signesreligieux Ă  l'Ă©cole, je me dis "boaaf ! peut-ĂȘtre unconcurrent de charlie-hebdo ? Je dĂ©bourse donc lestrois euros demandĂ©s et commence ma lecture. Et lĂ ! suite de bondieuseries haineuses et politisĂ©es,d'ambiguĂŻtĂ©s toutes plus pourries les unes que lesautres (Ezra pound, Leni Riefenstahl... vous avezraison, pas de censure ! Ă©duquons notre bellejeunesse Ă  coup de "Mein Kampf" !), prise de particatholico-islamique intĂ©griste, dĂ©fense de cetteracaille de Tarik ramadan et de Ben Laden ?! et c'estalors que je vois, en derniĂšre page, le nom du con-cepteur-dictateur de cet immonde torchon : Marc-Édouard Nabe ! Tout s'explique ! Le pape des grosbourgeois mondains qui ont besoin d'Ă©motionsfortes !

PS : Pour le voile, tu devrais commencer par lemettre sur ta tronche, ça nous épargnerait !

PIERRE, chĂŽmeur, 31 ans 14/12/03

Déçu. La VĂ©ritĂ© m'a déçu au plus haut point. J'airelu hier mes deux numĂ©ros de L'EternitĂ©: ça, c'Ă©taitun journal ! mais La VĂ©ritĂ© - et le second numĂ©roplus encore que le premier - ne peut soutenir la com-paraison avec L'Eternité  dĂ©cevant donc
 Je passesur le rĂšglement de comptes avec Cancer ! , c'est effec-tivement idiot d'avoir accueilli Dupin et Monvillepour d'aussi minuscules attaques. Non seulement cesdeux pages n'avaient rien, mais rien, de " littĂ©raire "mais en plus on y sentait une jalousie et un ressenti-ment sordides
 Pourquoi Nabe a-t-il commis l'er-reur de publier ces rĂšglements de compte qui ne leconcernent pas ? Est-ce Ă  cause de l'excellent textede Bruno Deniel-Laurent sur Simone Weil ? Nabeaurait-il Ă©tĂ© jaloux qu'on lui vole sa chĂšre Simone ?Je trouve aussi que les collaborateurs de Nabe sontbien mĂ©diocres : Audrey Vernon est une jolie fillemais elle ferait mieux de ranger sa plume. Est-ce Ă cause de sa petite notoriĂ©tĂ© mĂ©diatique ( Canal Plus)que Nabe l'a embarquĂ©e dans sa galĂšre ? Les apho-rismes de Catsap sont d'une nullitĂ© dĂ©sespĂ©rante.Les " billets " de Carlos n'ont aucun intĂ©rĂȘt sinon delire un Ă©niĂšme radotage marxiste. Le texte de DekraLiman sur Ben Laden, digne du premier siteislamiste venu, n'est pas plus intĂ©ressant. Quant Ă Anne-Sophie Benoit, elle ferait bien d'arrĂȘter de" singer " le style de Nabe et de soigner plutĂŽt lamaquette du journal
 Je ne suis pas d'accord avecle rĂ©dacteur du Grain de sable qui a Ă©crit Ă  Anne-Sophie Benoit que son texte Ă©tait l'un des meilleurssur le sujet de l'euthanasie. Je pense au contraire quece texte Ă©tait trĂšs mauvais, sans charitĂ©, sanshumanitĂ©, scandaleux au mauvais sens du terme.Un texte bĂȘte et mĂ©chant. Anne-Sophie a sans doutevoulu imiter Nabe dans son cynisme mais elle n'a

pas les Ă©paules de son maĂźtre
 Et puis quel intĂ©rĂȘtde publier les discours de Saddam Hussein ? il n'y apas plus de " vĂ©ritĂ© " dans la propagande irakienneque dans celle des AmĂ©ricains. C'est le mĂȘme dis -cours plat et formatĂ©. Bien sĂ»r, on trouve quelquestextes intĂ©ressants, par exemple l'interview avecl'immense Braxton, le texte du docteur Carton et lesdessins de Vuillemin sont toujours aussi drĂŽles
Mais cela ne rattrape pas le niveau gĂ©nĂ©ral de LaVĂ©ritĂ©. S'ennuyer ferme en lisant un journal publiĂ©par Nabe, quelle ironie ! et quelle dĂ©ception


Christophe GUINOISEAU 16/12/03

Je suis un fidÚle non abonné ! je continuerai àl'acheter au numéro !

Cela me permet Ă  chaque fois de placer Votrejournal en meilleure place et en Ă©vidence dans lesrayons des maisons de la presse ...

Bonne continuation !

Marc-Pierre JULIEN 18/12/03

Je tiens à vousdire que l'articlede Anne-SophieBenoit sur VincentHumbert (dans lepremier numérode La Vérité ) estune abomination,une glose absolu-ment répugnante.Les rédacteurs deLa Vérité sontobsédés par"l'indécence" denotre société maisils la pratiquentallÚgrement. Lemépris d'Anne-Sophie Benoitpour un garçonminé par la mal-adie la plus pro -fonde et la plus douloureuse est absolumenteffrayant. Comment cette fille, qui a la chance dejouir d'un corps, d'une bonne santé et d'une totaleliberté de mouvement, peut-elle se permettre dejuger les actes d'un garçon réduit à l'état de"légume" ? Qu'a-t-elle vécu pour pouvoir juger l'indi -cible, pour pouvoir juger un supplication ? Depuisquand le confort a-t-il le droit de juger le malheur ?Cela me fait penser à cette phrase de la Bible : « Al'infortune, le mépris » opinent les gens heureux, "uncoup de plus à qui chancelle !" (Job 12 -5)

Le texte d'AS Benoit est instructif : Plus Nabe etde ses suiveurs se réclament de certaines valeurs (lavérité, la charité, la décence), plus ils les foulent aupied. Plus ces gens parlent de vérité, plus ils mentent.Plus ils parlent sur la charité, moins ils sont capablesdu moindre beau geste. Leur discours de catholiqueagressif n'est que le cache-sexe de leur incapacité àl'amour véritable, lumineux. L'aigreur explose àchaque page. Et je suis triste de voir CatherineEmmerich, Paul Carton, et Léon Bloy défendus parde tels gens.

Anne-Claire CHARPENTIER 20/12/03

Cher Monsieur,

Cette lettre, peut-ĂȘtre un peu longue, pour vousposer un certain nombre de questions.

VoilĂ  deux ans que je vous suis, depuis votre"Une Lueur d'espoir". Je trouvais enfin un Ă©crivaincontemporain qui avait quelque chose Ă  dire, mĂȘmesi j'Ă©tais loin de partager toutes vos idĂ©es. Je me suisdonc empressĂ© de lire vos Journaux, Je suis mort,Alain Zannini, L'Âge du christ, Visages de turcs,Printemps de feu etc. Puis je me suis mis Ă  vousĂ©couter, chez Ardisson, TaddĂ©ĂŻ et mĂȘme Chancel etses Figures de proue. Je comprenais ainsi quellesĂ©taient vos motivations, l'origine (souvent justifiĂ©e)de vos "esclandres" supposĂ©es. Votre engagement lit-tĂ©raire m'apparaissait de façon nette. Puis quand LaVĂ©ritĂ© est sortie, je me suis prĂ©cipitĂ©, content de lireenfin la presse! Mais pour le second numĂ©ro, monengouement fut amoindri. En effet, quels sont en faitvotre message, votre thĂšse, votre philisophie (celledu journal bien sĂ»r). Le Nabe qui m'intĂ©resse c'estcelui de Parker ou de Suares, et non celui qui laissepublier les articles de Pound ou de Hussein !

Sous prĂ©texted'ĂȘtre anti amĂ©ri-cain et pro arabe,faut-il Ă  chaque foisy intĂ©grer deuxtrois ingrĂ©dients Ă la limite de la haineraciale, car si je lisbien le texte dePound, il y a de celalĂ  dedans, oue x p l i q u e z - m o i ?Idem pour Hussein,qui pour moi Ă©taittout sauf un rĂ©sis-tant !!! Un lĂąchesurtout vu la façondont il s'est faitcueillir !! Mais peuimporte, j'ai peur devoir les intellectuelsaujourd'hui, quisous prĂ©texte dedĂ©fendre une cause

(ici les humiliés), perpétuent le shéma ignoble de lahaine de l'autre, de la xénophobie. Choisir HusseinplutÎt que Bush.

Alors je sais bien qu'on vous accuse de celadepuis 20 ans, et que comme vous l'Ă©crivez dans lalettre Ă  Ramadan, vous y rĂ©agissez par l'attaque etnon par la dĂ©fense. Moi-mĂȘme, je ne me faisaisaucune idĂ©e lĂ -dessus, j'avais bien lu Coups d'Ă©pĂ©edans l'eau ; mais lĂ  expliquez-moi le pourquoi de cesdeux textes ? Sans oublier Carlos. Quel est l'intĂ©rĂȘtde demander Ă  ce type d'Ă©crire sa vision de la poli-tique ?? Refuser ce monde pourri (dixit vous dansParis DerniĂšre), trĂšs bien, mais n'utilisez-vous pasd'autres moyens eux-aussi, ignobles pour y par-venir ? Bref, voici des questions qu'un lecteur assidude vos Ă©crits en tous genres (car il y a des articlesauxquels j'adhĂšre ; merci Ă  Anne Sophie Benoit pourson hommage Ă  "Flocon de Neige") aimerait voirfleurir de quelques bribes de rĂ©ponses.

Cette lettre n'est pas du tout une lettre d'injures,comme je vous l'ai Ă©crit, loin de moi d'attaquer cejournal pour ce qu'il est ; mais ces questions sem-blent importantes pour que je continue Ă  vous suiv-re, notamment le 9 janvier. Bien Ă  vous.

J-L GLÉMIN 23/12/03

Alfred, clochard du mois,

Ta prĂ©sence muette capturĂ©e par l’Ɠil pho-tographique d’Arnaud Baumann m’a beaucouptouchĂ©. Comme une caresse d’outre-tombe.

UN INCONNU qui te croise souvent, uninconnu qui pense souvent Ă  toi. 19/12/03

Bonjour Ă  toute l'Ă©quipe.. de Marc-Edouard Ă Ilitch Ramirez, en passant par Isabelle, Anne-Sophieet les autres...

Je viens de rentrer du Moyen-Orient, si cher ànous tous, et je découvre la Vérité ! Enfin ! Une bouf-fée d'air frais dans le PIF

(Paysage de l'Information Française...)A trÚs bientÎt et bonne continuation.

Ammar ABD RABBO 20/12/03

Ô ! Toi ! “La VĂ©ritĂ©â€ , mon amour

Je vous Ă©cris du fin fond de la France. Je prĂ©fĂšrene pas dire oĂč. C’est prĂ©fĂ©rable. J’aime laisser le mys-tĂšre de l’anonymat planer sur ma fragilitĂ©. Ma dĂ©li-catesse n’a pas de prix, alors je m’offre .

J’ai adorĂ© votre beau journal qui me fait jouir,chaque mois, lorsque je vais chez mon marchand dejournaux et lui demande, avec un sourireĂ©vangĂ©lique, s’il a “La VĂ©ritĂ©â€ ?
 et il l’a ! GrĂące Ă vous “La VĂ©ritĂ©â€ est partout. Merci, bravo, et contin-uez !PS : j’ai songĂ© Ă  quelques slogans de propagandepour “La VĂ©ritĂ©â€. Les voici :“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui prend Ă  la gorge !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui dit tout haut ce que Dieupense tout bas !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui a la grĂące !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui rĂ©veille la France !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui rassure en faisant peur !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui n’écarte pas les cuisses !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui lave plus noir !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui broie du blanc“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui aime son prochaincomme vous-mĂȘme ! “La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui a des couilles au cul !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui donne envie de vivre !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui ne craint que Dieu !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui fait l’amour Ă  seslecteurs !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui dĂ©livre du Mal !La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui s’imprime avec le sang duChrist !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui ridiculise toute la pressefrançaise !“La VĂ©ritĂ©â€, le journal qui se relit avant d’ĂȘtre lu !

PATRICK 22/12/04

Fais gaffe...

Marcel ZANINI 27/12/03

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Courrierdes lecteurs

J’aurais aimĂ© souhaiter aux dĂ©tracteurs de l’Islam unebonne et heureuse annĂ©e 2004, mais ils comprendront quecela m’est impossible puisque je ne suis encore qu’en

1424 ! Le Moyen Age, comme vous dites ! Un Ăąge qu’eux-mĂȘmes n’ont pas trop de mal Ă  me rappeler ! 15Ăš siĂšcle : MevoilĂ  donc retenue dans un harem oĂč, pour le plus grand bon-heur du « fils d’Allah » qui m’a acquise pour quelques dinars,je passe le plus clair de mon temps, « cinq fois par jour », aumoins, « le derriĂšre en l’air» comme dit Oriana Fallaci ! (Voussavez comme les Arabes sont pratiquants !)

Mais, enfermĂ©e dans cette Ă©troitesse que certains espritsme prĂȘtent, comment pourrai-je enfin traverser les siĂšcles quinous sĂ©parent pour parvenir Ă  leur entendement, au progrĂšs, Ă l’intelligence et Ă  la tolĂ©rance qui sont les leurs ? Soucieuxd’établir le contact, mes contemporains et moi avons souventeu recours aux pigeons voyageurs. Avant le 11 septembre 2001,ceux-ci semblaient plutĂŽt fiables.

Les derniers « pigeons » ont pourtant achevĂ© de nousbannir, de nous tenir aussi Ă©loignĂ©s que possible de ce siĂšclequi s’ouvre Ă  peine pour les autres, mais qui pour nous, et pournous seuls, est dĂ©jĂ  Ă  jamais fermĂ©. NĂ© des cendres new-yorkaises, s’élĂšve depuis, le plus solide, le plus haut, le plusinfranchissable des Murs. C’est dĂ©cidĂ©, les Arabes resterontderriĂšre !

Certains d’entre nous, qui refusent de l’admettre, qui ne serĂ©signent pas Ă  devenir invisibles pour le monde d’aujour-d’hui, se confectionnent d’étranges machines Ă  remonter letemps. Celles-ci, apparemment mal rĂ©glĂ©es, finissent toujours

par leur exploser Ă  la figure. Pauvres de nous, il est vrai quedepuis l’invention des chiffres... ! Cependant, si nous,Orientaux, vous avons gĂ©nĂ©reusement lĂ©guĂ© notre gloire, vouspermettant ainsi de sortir du Moyen Age que vous nousattribuez Ă  prĂ©sent, s’il est vrai que l’on n’a rien gardĂ© pournous et que notre histoire depuis se rĂ©sume Ă  une longue ago-nie, est-ce une raison pour cautionner, pour inciter, pour vousrĂ©jouir autant de notre actuelle tragĂ©die ? Oui, « tragĂ©die » !Penserez-vous encore que l’Arabe que je suis exagĂšre ? Car jepeux aussi dire « descente aux enfers », celle-lĂ  mĂȘme quevotre hĂ©ros, Bush, et le nĂŽtre, Ben Laden, ont Ă  eux deux sisavamment prĂ©cipitĂ©e. L’enfer sur leur terre ou le paradisd’Allah : reprocherez-vous Ă  ceux que vous refusez d’appeler« rĂ©sistants », Ă  ces simples « candidats au suicide », d’avoirtrop vite fait leur Shoah ? Pardon, leur « choix » ?

En ce qui me concerne, c’est l’indĂ©cision, plus que lecourage, qui m’oblige ainsi Ă  vivre notre sort les yeux grandouverts. Internet, presse Ă©crite, tĂ©lĂ©vision, « littĂ©rature » si jepuis dire : je ne peux plus y Ă©chapper. Aucun d’entre nous nele pourra, les images sont claires : nous serions aussitĂŽt faitscomme des « rats », Ă  moins qu’on ne dise dĂ©jĂ  « faits commedes Arabes » ? Le monde nous est-il devenu hostile ? Tousnos malheurs ne rĂ©sulteraient-ils que de cette dite, de cettemaudite « islamophobie » ?

Eh bien moi, je ne crois pas ! D’abord, parce que nousavons aussi notre part de responsabilitĂ©s dans cette« Histoire ». Cette part n’est ni celle que s’empresse volontiersde nous accorder TF1, ni celle que nĂ©gligerait presque Al

Jazeera. Cherchons plutĂŽt quelque « part » entre les deux.Ensuite, parce qu’en « victimisant » les miens Ă  outrance, jene voudrais pas, monsieur Cukierman, prendre le risque devous voler la vedette. Je ne vous suivrai donc pas sur ce ter-rain-lĂ , ni sur aucun autre terrain d’ailleurs, alors inutile deretrousser vos manches, vous n’aurez pas de mur Ă  exhausserentre nous !

S’il est un affront, cependant, que je me permettrais devous faire, c’est celui de n’avoir personnellement jamais pu« haĂŻr » vos coreligionnaires ! N’insistez pas, tout ce que vouspouvez dire ou faire n’y change rien. Certains artistes —humoristes, musiciens ou poĂštes — dignes de leur Electiondivine... et humaine, parviendront toujours Ă  me faire oubliervos oeuvres et « leur chef » que je reprends ici : le score deJean-Marie Le Pen au premier tour est « un message auxmusulmans leur indiquant de se tenir tranquilles » ! Vousrendez-vous compte, monsieur Cukierman, de ce que celaimpliquerait si « les musulmans », mĂȘme les plus dĂ©sespĂ©rĂ©s,dĂ©cidaient soudain de vous obĂ©ir et de « se tenir tranquilles » ?Monsieur Bush et monsieur Sharon ne vous auraient-ils doncrien appris ?

Pendant que les Occidentaux formulent leurs voeux pour2004, je crois qu’il vaut finalement mieux que moi j’en reste Ă mon annĂ©e 1424. Mes coreligionnaires et moi devons enprofiter autant que possible : il ne nous reste plus quequelques dĂ©cennies avant que ne soit dĂ©couverte l’AmĂ©rique !

Dekra Liman

LE SIÈCLE SE LÈVERA-T-IL ENCORE SUR L’ORIENT ?

LE BILLET DE CARLOS

La Véritéest une publication de

La Rose de Téhéran , SARL de presse.au prix de 3 euros

SiĂšge social : 127 rue Amelot. 75011 Paris.Directeurs de publication :

Anne-Sophie Benoit et Alain Zanninihttp://www. laverite.com - Email : [email protected]

RĂ©dactrice en chef : Anne-Sophie Benoit Conseiller artistique : Marc-Édouard Nabe

Imprimeur : ICT Villejuif DépÎt légal : Janvier 2004. ISSN : en cours - Commission paritaire : en cours.

© 2003 – La Rose de TĂ©hĂ©ran.Ont participĂ© Ă  ce numĂ©ro :

Arnaud BaumannAnne-Sophie Benoit

AurĂ©lie BenoitPaul-Éric BlanrueAlain Bourmaud

Carlos,Catsap

Isabelle Coutant-PeyreAnne Dion

Marco DolcettaDekra LimanYann Moix

Marc-Édouard Nabe Jorge Rodriguez-Lasso

Audrey Vernon Vuillemin

16

J’ai visitĂ©l’Irak pour lapremiĂšre fois

en 1975. J’ai gardĂ©depuis une demeureĂ  Bagdad, ville oĂčhabitent nombre demes camarades etdes amis proches.

Les relations denotre O.R.I(Organisation deRévolutionnairesInternationalistes)avec le Gouvernentirakien, étaient ami-cales et arquées parle respect mutuel.

Le Parti Baas et ses structures de pouvoir n’interfĂ©raientpoint avec nos camarades ou notre travail organisation-nel, et nous ne nous immiscions pas dans leurs affairesintĂ©rieures.

Pendant sa prĂ©sidence, feu le MarĂ©chal AhmedHasssan avait exprimĂ© Ă  l’occasion ses sentimentschaleureux pour un jeune vĂ©nĂ©zuĂ©lien, et pour sescamarades internationalistes venus se battre pour laCause arabe.

Contrairement au PrĂ©sident Jacques Chirac, je n’aipas maintenu de relations personnelles avec SaddamHussein, Ă  qui je conserve nĂ©anmoins intact tout monrespect et ma solidaritĂ©.

Jacques Chirac envoyait mĂȘme Ă  Saddam Hussein descostumes sur mesure et des cravates Ă  la mode, quand ilĂ©tait encore Vice-PrĂ©sident du Conseil deCommandement de la RĂ©volution.

Les relations entre l’Irak et la France Ă©taient trĂšsĂ©troites (mĂȘme trop Ă  notre goĂ»t), dans TOUS lesdomaines, renseignements inclus.

Suite au meurtre du Général René Audran, et à lalibération de Bruno Bréguet aprÚs Magdelena Kopp, jefus invité à Bagdad par le Directeur des

« Moukhabarate » (Direction des RenseignementsGĂ©nĂ©raux), feu le Lieutenant-GĂ©nĂ©ral Fadel Al-Barrak,qui « mettant le paquet » ( il me fera mĂȘme cadeau deson pistolet personnel ), me demande « d’homme Ă homme » d’intervenir personnellement pour ramenerle calme en France, aprĂšs m’avoir expliquĂ© en dĂ©tailcomment les terminaux pĂ©troliers iraniens sur le Golfeavaient Ă©tĂ© dĂ©truits avec des missiles Exocet lancĂ©s pardes avions Super-Ă©tendards “ empruntĂ©s ” Ă l’AĂ©ronavale française.

La France participa intensĂ©ment Ă  la guerre d’agres-sion contre la RĂ©publique Islamique d’Iran, seule puis-sance dĂ©mocratique de la rĂ©gion.

La France a Ă©tabli une relation stable d’amitiĂ© avecl’Irak aprĂšs l’élection de ValĂ©ry Giscard d’Estaing Ă  laprĂ©sidence de la RĂ©publique.

En 1974, Jacques Chirac Ă©tant le Premier Ministre, j’aipassĂ© par Paris Ă  l’ñge de 24 ans. Un cadre clandestin dela RĂ©sistance Palestinienne me transmet une invitationĂ  visiter l’ambassade d’Irak, qui demandait NOTRE avissur la nouvelle donne politique en France.

Pour des raisons Ă©videntes de sĂ©curitĂ© j’ai dĂ©clinĂ©l’invitation, mais j’ai fait transmettre mon analyse pourle reprĂ©sentant de la RĂ©sistance, avec la recommanda-tion d’aider Jacques Chirac, politiquement et financiĂšre-ment.

Àmon souvenir, l’aile Chaban-Delmas de l’UDR avaitreçu cette annĂ©e-lĂ  4 millions de dollars.

L’acte fondateur du RPR en dĂ©cembre 1976 fut trans-mis en DIRECT par la tĂ©lĂ©vision irakienne, puisretransmis en boucle sur la chaĂźne TV en languesĂ©trangĂšres, accompagnĂ© de commentaires dithyram-biques sur Jacques Chirac.

Je me trouvais Ă  Bagdad, oĂč des responsables baa-sistes me disaient sans ambages et avec beaucoup defiertĂ©, que le RPR Ă©tait une « ORGANISATION SƒUR »,fondĂ©e avec les Dinars irakiens. Ce qui n’empĂȘchera pasla distribution d’“enveloppes” aux autres partis poli-tiques français, Ă  la gabonaise, mais en plus volu-mineux.

Un officier des Renseignements irakiens me con-

firmera en souriant que mon “rapport” de 1974 Ă  Parisavait Ă©tĂ© trĂšs bien reçu et qu’il coĂŻncidait avec la vue de« Monsieur le Vice-PrĂ©sident » point par point.

Je n’ai pas fait en Irak des contacts officiels avec lesresponsables français
 mais j’ai Ă©tĂ© tenu au courantpar les autoritĂ©s de leurs dĂ©marches ; nos opinionsâ€œĂ©clairĂ©es” sur la France Ă©taient enregistrĂ©es avec beau-coup d’intĂ©rĂȘt par nos hĂŽtes irakiens.

La France a Ă©tĂ© le principal alliĂ© et complice de l’Irak,c’est un indĂ©niable fait historique.

Je raconte ces faits anecdotiques sans aucun espritopportuniste.

J’ai Ă©tĂ© un partisan de Chirac dans toutes les Ă©lec-tions dĂšs le premier tour, jusqu’en 2002, je “ vote ” alorsArlette Laguillier, et au deuxiĂšme tour Jean-Marie LePen, sans regrets.

La suite m’a donnĂ©, hĂ©las, raison.Saddam Hussein a Ă©tĂ© capturĂ© dans une ferme sur la

rive orientale du Tigre face Ă  sa rĂ©gion natale, vraisem-blablement, par des commandos de l’Union Patriotiquedu Kurdistan, aprĂšs avoir Ă©tĂ© neutralisĂ© avec un gazincapacitant.

Les villageois ont observĂ© que tous les moutons quipaissaient dans les environs de la ferme avaient Ă©tĂ©â€œdroguĂ©s”.

Vendu pour 25 millions de dollars, exhibĂ© titubantpar l’acheteur yankee Ă  l’intention des mĂ©dias com-plaisants, au mĂ©pris des Conventions de GenĂšve.

Les dĂ©clarations malheureuses du PrĂ©sident de laRĂ©publique Française, qui a joint sa voix Ă©hontĂ©e auconcert haineux des soi-disant GRANDS de ce monde,est le summum de l’ingratitude.

Jacques Chirac « a perdu une bonne occasion de setaire ».

PETITE PRÉCISIONIl paraĂźt qu’il y a plusieurs vĂ©ritĂ©s dans la presse française. La nĂŽtre est celle de Dieu,elle n’est donc ni « pornographique » (VÉRITÉS), ni « trotskyste» ( La vĂ©ritĂ© ), il n’y aaucune confusion possible entre nous qui travaillons pour la VĂ©ritĂ© et les militants detous bords qui travaillent pour les mensonges du sexe et de la politique. Quand unmagazine publiera sur sa couverture une photo de LĂ©on Trotsky tout nu, nous envi-sagerons de changer de titre !