théorème limite pour une équation différentielle à coefficient aléatoire à mémoire longue

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C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004) 167–170 Probabilités Théorème limite pour une équation différentielle à coefficient aléatoire à mémoire longue Renaud Marty Laboratoire de statistique et probabilités, Université Paul Sabatier, 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 4, France Reçu le 1 er février 2003 ; accepté après révision le 12 novembre 2003 Présenté par Marc Yor Résumé Nous considérons une équation différentielle dépendant d’un petit paramètre et comportant un coefficient aléatoire à mémoire longue. Nous établissons que la solution de l’équation différentielle considérée converge en loi vers la solution d’une équation différentielle stochastique dirigée par un mouvement brownien fractionnaire. L’indice de ce mouvement brownien fractionnaire dépend du comportement asymptotique de la fonction de covariance du coefficient aléatoire. La démonstration de la convergence utilise la théorie des « rough paths » de T. Lyons. Pour citer cet article: R. Marty, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004). 2003 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Limit theorem for a differential equation with a long-range random coefficient. We consider an ordinary differential equation depending on a small parameter and with a long-range random coefficient. We establish that the solution of this ordinary differential equation converges to the solution of a stochastic differential equation driven by a fractional Brownian motion. The index of the fractional Brownian motion depends on the asymptotic behavior of the covariance function of the random coefficient. The proof of the convergence uses the T. Lyons theory of “rough paths”. To cite this article: R. Marty, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004). 2003 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction et résultat On considère la famille de processus (X ε ) ε>0 dans R d avec X ε défini par l’équation différentielle : dX ε dt (t) = g ( t,X ε (t) ) + 1 ε α m t ε 2 f ( t,X ε (t) ) , t ∈[0, 1], X ε (t = 0) = x 0 R d , (1) α est un réel dans ]0, 1[,f et g sont des fonctions régulières de R × R d dans R d , et m un processus aléatoire stationnaire à mémoire longue. On s’intéresse dans cette Note au comportement asymptotique de X ε lorsque ε tend vers 0. Un mouvement brownien fractionnaire W H d’indice de Hurst H ∈]1/2, 1[ est défini comme étant un processus gaussien centré de covariance E[W H (t)W H (s)]= 1 2 {|t | 2H +|s | 2H −|t s | 2H }, 0 s t 1. Un mouvement Adresse e-mail : [email protected] (R. Marty). 1631-073X/$ – see front matter 2003 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.crma.2003.11.010

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Page 1: Théorème limite pour une équation différentielle à coefficient aléatoire à mémoire longue

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C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004) 167–170

Probabilités

Théorème limite pour une équation différentielleà coefficient aléatoire à mémoire longue

Renaud Marty

Laboratoire de statistique et probabilités, Université Paul Sabatier, 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 4, France

Reçu le 1er février 2003 ; accepté après révision le 12 novembre 2003

Présenté par Marc Yor

Résumé

Nous considérons une équation différentielle dépendant d’un petit paramètre et comportant un coefficient aléatoire àlongue. Nous établissons que la solution de l’équation différentielle considérée converge en loi vers la solution d’unedifférentielle stochastique dirigée par un mouvement brownien fractionnaire. L’indice de ce mouvement brownien fractdépend du comportement asymptotique de la fonction de covariance du coefficient aléatoire. La démonstration de la coutilise la théorie des « rough paths » de T. Lyons.Pour citer cet article : R. Marty, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004). 2003 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Limit theorem for a differential equation with a long-range random coefficient. We consider an ordinary differentiaequation depending on a small parameter and with a long-range random coefficient. We establish that the solutioordinary differential equation converges to the solution of a stochastic differential equation driven by a fractional Brmotion. The index of the fractional Brownian motion depends on the asymptotic behavior of the covariance functiorandom coefficient. The proof of the convergence uses the T. Lyons theory of “rough paths”.To cite this article: R. Marty, C. R.Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004). 2003 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction et résultat

On considère la famille de processus(Xε)ε>0 dansRd avecXε défini par l’équation différentielle :

dXε

dt(t)= g

(t,Xε(t)

)+ 1

εαm

(t

ε2

)f(t,Xε(t)

), t ∈ [0,1], Xε(t = 0)= x0 ∈ R

d, (1)

oùα est un réel dans]0,1[, f et g sont des fonctions régulières deR × Rd dansRd , etm un processus aléatoir

stationnaire à mémoire longue. On s’intéresse dans cette Note au comportement asymptotique deXε lorsqueε tendvers 0.

Un mouvement brownien fractionnaireWH d’indice de HurstH ∈ ]1/2,1[ est défini comme étant un processgaussien centré de covarianceE[WH(t)WH (s)] = 1

2{|t|2H + |s|2H − |t − s|2H }, 0 � s � t � 1. Un mouvement

Adresse e-mail :[email protected] (R. Marty).

1631-073X/$ – see front matter 2003 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.crma.2003.11.010

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sus dunné à la

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par

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e

tionnairede

brownien fractionnaireWH d’indiceH admet une modification continue que l’on note encoreWH . Celle-ci a destrajectoires àp-variation finie pour toutp tel que 1/H < p < 2.

Dans [2,3], il est démontré l’existence d’une fonctionnelle géométrique « rough » d’ordre 1 au desmouvement brownien fractionnaire. Ainsi, en utilisant le Théorème 4.1.1, p. 298 de [5], un sens est dosolution de l’équation différentielle stochastique

dX(t)= g(t,X(t)

)dt + f

(t,X(t)

) ◦ dWH(t), t ∈ [0,1], X(t = 0)= x0 ∈ Rd, (2)

oùf etg sont des fonctions régulières. Il est important de préciser que cette construction d’équations différestochastiques généralise les équations différentielles stochastiques de Stratonovich. Pour plus de détailsse référer à [5,6,4,2,3].

Nous sommes en mesure d’énoncer le résultat principal de cette Note.

Théorème 1.1.Soientf,g :R × Rd → R

d régulières,α ∈ ]0,1[, etm un processus gaussien, centré, continumorceaux, stationnaire, admettant des moments d’ordre2, et de fonction de covariancer(t) = E[m(0)m(t)]. SoitXε la solution de

dXε

dt(t)= g

(t,Xε(t)

)+ 1

εαm

(t

ε2

)f(t,Xε(t)

), t ∈ [0,1], Xε(t = 0)= x0 ∈ R

d . (3)

Si r(t)∼ c/tα quandt → ∞ avecc > 0, alors, quandε tend vers0, Xε converge en loi dansC([0,1],Rd) vers lasolutionX de

dX(t)= g(t,X(t)

)dt + c0f

(t,X(t)

) ◦ dWH(t), t ∈ [0,1], X(t = 0)= x0 ∈ Rd ,

oùWH est un mouvement brownien fractionnaire d’indiceH = (2− α)/2 et c20 =H−1(2H − 1)−1c.

Un exemple de processus vérifiant les hypothèses du Théorème 1.1 est le bruit blanc fractionnaire d’iH

(1/2<H < 1) que l’on notemH et qui est défini parmH(t) := WH(t + 1)−WH(t) pour toutt ∈ R oùWH estun mouvement brownien fractionnaire d’indiceH . Il est montré dans [7], p. 335, que la fonction de covariancmH est équivalente àc/t2−2H quandt → ∞ où c est une constante strictement positive siH > 1/2.

Lors de la preuve du Théorème 1.1, l’hypothèse «r(t) ∼ c/tα quandt → ∞ avecc > 0 » peut être remplacépar l’hypothèse

E

[(1

εα

t∫s

m

ε2

)dθ

)2]↗H−1(2H − 1)−1c|t − s|2−α quandε → 0 avecc > 0, ∀s, t ∈ R (4)

qui se vérifie plus facilement sur certains exemples. C’est le cas pour le processus d’Orstein–Uhlenbeck stafractionnaire d’indiceH (1/2 < H < 1) que l’on noteνH et qui est défini comme étant la solutionνH (t)=WH(t)− ∫ t

0 νH (θ)dθ − ∫ 0−∞ eθWH (θ)dθ, oùWH est un mouvement brownien fractionnaire d’indiceH .

Le processusνH s’exprime sous la forme expliciteνH (t) = WH(t) − e−t∫ t−∞ eθWH(θ)dθ. En utilisant la

représentation harmonisable du mouvement brownien fractionnaire on montre queνH vérifie l’hypothèse (4).

2. Démonstration du Théorème 1.1

On pose

wε(t) := 1

εα

t∫m

ε2

)dθ = ε2H

t/ε2∫m(θ)dθ,

0 0

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R. Marty / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004) 167–170 169

quere 1tion.

nnaire

p. 337 de

ur

et on notewε la fonctionnelle géométrique d’ordre 1 dewε , c’est à direwε(s, t) :=wε(t)−wε(s). Pourp ∈ ]1,2[,on introduit la distance dp définie pour deux fonctions continues de variation finieu etv par

dp(u, v) :=(

supD

∑l

∣∣u(tl)− u(tl−1)− (v(tl )− v(tl−1)

)∣∣p)1/p

+ supt∈[0,1]

∣∣u(t)− v(t)∣∣,

où supD est pris sur les subdivisions finies{tl}l de[0,1]. Par le Théorème 4.1.1, p. 298 de [5] il suffit de montrerwε converge en loi pour le distance dp quandε tend vers 0 vers la fonctionnelle géométrique « rough » d’ordd’un mouvement brownien fractionnaireWH d’indice H . C’est ce que nous allons montrer dans cette secEn fait, la tension pour la distance dp, avec unp ∈ ]1/H,2[, suffit. En effet, la stationnarité dem ainsi que larenormalisation font que, si limite il y a, la limite a pour covariance celle du mouvement brownien fractiod’indiceH à une constante près. C’est ce que nous précisons dans le lemme suivant.

Lemme 2.1.Sous les hypothèses du Théorème1.1, quandε tend vers0, les lois fini-dimensionnelles de(wε)ε>0convergent vers les lois fini-dimensionnelles dec0WH où c2

0 = H−1(2H − 1)−1c et WH est la fonctionnellegéométrique d’un mouvement brownien fractionnaire d’indiceH .

Démonstration. Commem est supposé gaussien centré, il suffit de montrer que

limε→0

E[wε(s)wε(t)

]= limε→0

ε4H

t/ε2∫0

s/ε2∫0

dσ r(θ − σ)= c20

2

{t2H + s2H − |t − s|2H }.

Le reste de la preuve est une adaptation au cas continu de la démonstration du Théorème 7.2.11,G. Samorodnitsky et M.S. Taqqu [7].✷

Nous établissons un lemme qui nous sera utile pour la tension de(wε)ε>0.

Lemme 2.2. Il existe une constanteC telle queE[(wε(t)−wε(s))2] � C|t − s|2H pout toutt et s dans[0,1].

Démonstration. Si on posew(t) := ∫ t0 m(θ)dθ il suffit alors de montrerE[(w(t)−w(s))2] � C|t− s|2H . Comme

r(t) ∼ c/tα quandt → ∞ et quem admet des moments d’ordre 2, alors il existe une constanteC′ > 0 telle quer(t)� C′/tα pour toutt ∈ [0,∞[. On a donc pours < t :

E[(w(t)−w(s)

)2]=t∫

s

t∫s

dσ r(θ − σ)� C′t∫

s

t∫s

dσ |θ − σ |2H−2 = C′

H(2H − 1)(t − s)2H ,

ce qui permet de conclure.✷Par le critère de tension classique de Kolmogorov [1], on obtient le corollaire suivant :

Corollaire 2.3. La famille(wε)ε>0 est tendue dans l’espace des fonctions continues sur[0,1].

Pour toutn ∈ N et toutk = 0,1, . . . ,2n, on posetnk := k/2n. Le Lemme 2.2 admet un autre corollaire utile pola suite :

Corollaire 2.4. Pour toutγ > 0 etp ∈ ]1/H,2[, il existe une constanteC > 0 telle que pour toutε > 0 :

+∞∑nγ

2n∑E[∣∣wε

(tnk−1

)−wε

(tnk)∣∣p]� C.

n=1 k=1

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170 R. Marty / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 338 (2004) 167–170

lles

lique

sormalisée,

ggestions

22 (2002)

erlag,

51–464.

On rappelle deux lemmes techniques, le premier démontré dans [4], le second dans [3] :

Lemme 2.5. Soientq ∈ ]1,2[ et (xε)ε>0 une famille de fonctionnelle géométrique deq-variation finie, telle que((xε(0, t))t∈[0,1])ε>0 est tendue dans l’espace des fonctions continues muni de la norme uniforme et que

limA→+∞ sup

ε>0P

[(supD

∑l

∣∣xε(tl−1, tl)∣∣q)1/q

> A

]= 0, (5)

où supD porte sur les subdivision finies{tl}l de [0,1]. Alors (xε)ε>0 est tendue dans l’espace des fonctionnegéométriques d’ordre1 pour la distancedp pour toutp > q .

Lemme 2.6. Soientq ∈ ]1,2[ et x une fonctionnelle géométrique d’ordre1 de q-variation finie. Alors il existedeux constantesγ, λ positives indépendantes dex telle que

E

[supD

∑l

∣∣x(tl−1, tl)∣∣q]� λ

+∞∑n=1

nγ2n∑k=1

E[∣∣x(tnk−1, t

nk

)∣∣q].Nous sommes maintenant en mesure d’établir la tension de(wε)ε>0.

Lemme 2.7. La famille de fonctionnelles géométriques(wε)ε>0 est tendue pour la distancedp pour toutp ∈ ]1/H,2[.

Démonstration. D’après le Lemme 2.5 et le Corollaire 2.3, il suffit de montrer (5). Pour ce faire, on appsuccessivement l’inégalité de Markov, le Lemme 2.6, et le Corollaire 2.4.✷

3. Perspectives

Il serait intéressant d’obtenir le même résultat en n’imposant plus au coefficient aléatoirem d’être gaussien, maien supposant qu’il admet une représentation harmonisable et que sa primitive converge, correctement renvers un processus gaussien ayant la bonne covariance.

Remerciements

Je tiens à exprimer ma reconnaissance envers Laure Coutin, Josselin Garnier et Antoine Lejay. Leurs suet leurs remarques m’ont apporté une aide précieuse.

Références

[1] P. Billingsley, Convergence of Probability Measures, Wiley, 1968.[2] L. Coutin, Z. Qian, Stochastic analysis, rough path analysis and fractional Brownian motions, Probab. Theory Related Fields 1

108–140.[3] M. Ledoux, T. Lyons, Z. Qian, Lévy area of Wiener processes in Banach spaces, Ann. Probab. 30 (2) (2002) 546–578.[4] A. Lejay, An introduction to rough paths, in: Séminaire de Probabilités XXXVII, in: Lecture Notes in Math., vol. 1832, Springer-V

2003.[5] T. Lyons, Differential equations driven by rough signals, Rev. Mat. Iberoamericana 14 (2) (1998) 215–310.[6] T. Lyons, Differential equations driven by rough signals (I): an extension of an inequality of L.C. Young, Math. Res. Lett. 1 (1994) 4[7] G. Samorodnitsky, M.S. Taqqu, Stable Non-Gaussian Random Processes, Chapman and Hall, 1994.