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Travail présenté au Département de sociologie
de l'Université McGill pour l'obtentior. de la
Maîtrise en sociologie.
Nous exprimons toute notre gratitude au Dr l-tark Waldron
pour ses précieux conseils et sa bienveillar.te collaboration ~~s
l'élaboration de ce travail. :ious 'Ioulons aussi remercier toute
l'équipe de recherche de :'évec pour son assistance à l'~e ou l'au
tre phase de la recherche. liotre travail doit en particulier bea'..:
coup à Vincent Ross de la Direction gér.érale de la planificat:on
au ministère de l '::ducation qui, depuis trois ans, a été un précie'.lX
collaborate~ dans l'~laboration :e nos hj~othèses.
Résumé
Cette recherche s'inscrit dans la suite des études faites
aux Etats-Uuis et au Canada pour situer et expliquer la participation
des adultes à des cours et vise à les prolonger en étudiant une po
pulation d'un niveau socio-économique et d'un niveau de scolarité
peu élevés.
Elle tente de montrer l'importance, pour ces études de
participation, d'une variable peu explorée jusqu'à date qui est le
statut même de l'adulte. Elle dégage en particulier les différentes
incompatibilités structurelles qui peuvent exister entre l'adulte
et son retour aux études.
En mettant en relation la perception que des adultes ins
crits aux cours télévisés de Tévec se font de leur statut et leur
participation à ces cours, on tente de voir si cette variable peut
s'avérer significative. Cette relation est exacinee d~ côt~ de
la situation d'enseigne~ent créée par Tévec et aussi du côté de
l'~e que les adultes se font de leur statut d'adulte. Cette va
riable s'avère cependant peu significative en fonction de la d~
finition donnée à la participation. On tente ensuite d'expliquer
ce résultat et de suggérer des recherches ultérieures ?Our mieux
tester cette relation.
iii
TABLE DES MATIERES
Résumé ......... ...............................................
Table des matières
Bibliographie
CHAPITRE I:
CHAPITRE II:
CHAPITRE III:
CHAPITRE IV:
CHAPITRE V:
Conclusion
Annexe l
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
Annexe 5
Problématique de la ~echerche
Le projet Tévec et les ~épon~~t5
Le statut de l'adulte
La situation d'enseignement respecte-t-elle l'adulte?
L'évolution du statut de l'adulte
iv
page
iii
iv
v
1
23
53
67
79
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88
91
100
104
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ix
CHAPITRE l
Problé~ticue de la recherche •
En faisant le tour des recherches qU1, ces dernières années,
ont commencé à s'intéresser à l'éducation des adultes, on est frappé
par le volume des études qui ont abordé ce phénomène sous l'angle ~e
la participation.
Cette approche, lssue autant des interrogations des pra-
ticiens que des analystes de la réalité sociale, s'est sans doute
imposée par le fait que les adultes reviennent à l'enseignement s.ur
une base volontaire, à la différence des jeunes étudiants qui, eux,
y sont forcés par la loi ou les coutumes sociales qui ont prolongé
la fréquentation scolaire dans nos sociétés modernes. Il était donc
iœportant, dans cette perspective, de connaître avec plus de préci-
sions les clientèles avec lesquelles on avait affaire, cocme
de bien situer ce phénomène dans l'ense~ble du conde adulte.
Aussi, dans ces études, on a cherché à saVOlr quels groupes
d'adultes participaient davantage, en contrôlant des variables fcnda-
mentales cocme le sexe, l'âge, la classe sociale, l'état civil, le
niveau de scolarité atteint lors de la pé:iode réguli~re d'enseigne-
ment, le ~lieu de résidence, le niveau de revenu etc •••
"---------
L'enquête de Johnstone et Rivera (1), faite aux Etats-Unis en
1961, la plus complète que nous ayons jusq', 'à date, a ainsi permis de
dégager une sorte de profil social du participant typique à l'éduca-
tion des adultes.
"He is just as often a ..... oman as a man; 1S typically under
40; has completed high school or better; enjoys an above-average
1ncome; ..... orks full-time and most often in a ..... hite collar occupation;
lS typically ..... hite and Protestant; is married and a parent; lives
ln an urbanized area and more likely in suburbs than inside a large
city; and is found is all parts of the country ( ••• )"
Depuis cette étude, un certain nombre de travaux conti-
nuant sur la ~ême lancée, ont permis de raffiner ces variables fon-
damentales et d'~iver ainsi à une meilleure délimitatIon du phé-
nomène (2). Intimement liés à ce courant, plusieurs chercheurs ont
cherché à identifier par des variables plus individualisées les
facteurs de participation, co~e aussi les facteurs de non parti-
(1) Johnstone, John and Rivera, Ramon, Volunteers for Learning, HORe, Chicago, Aldine, 1965.
(2) Cf. l·!ark ~aldron,
A. Litchfie1d, The ~iature a!ld Pattern of partici'Oaticn in Adult Education, unpublished doctoral disser~ation, University of Chicago, 1965. Miller, n. Particioation of Adults in Education. A force-field analysis, Brookline, CSLEA, 1967. Knox, Alan 3., "Clientele analysis" Re'ne~ of Educational Research, XXXV, (1965), pp. 231-239.
2
pation. Plusieurs études se sont ainsi concentrees sur l'examen des
phenomènes d'abandon (drop outs), toujours assez élevés en éducation
des adultes, afin d'en chercher les raisons. (3)
Dans ces études, on a pu ainsi recueillir beaucoup d'infor-
mations sur les obstacles à la participation, ceux-ci se situant soit
au niveau des facilités ou contraintes matérielles comme la difficulté
de trouver le cours approprié ou le professeur intéressant, le tecps
disponible, la fatique de l'adulte en fin de journée, la mobilité géo-
graphique, les charges familiales, soit au niveau des conduites psycho-
sociologiques, comme la non-disposition à l'étude, l'absence de moti-
vation suffisante, les difficultés de temperament ou les degrés de
participation des étudiants etc ••• (4)
(3) La. littérature sur les "drop outs" est assez considérable, principal~ent. aux Etats-Unis. On trouvera dans Verner C. et Davis G.S., Jr., "Completions and drop outs: a reviev of research in Adult Education, 1964, 14(3), pp. 157-176, une analyse critique des quelques trente études portant sur ce problème parues avant 1963. Parmi ces trente, cinq études seulement concernaient des cours aux adultes. Dans un docw:ent ::lÎ.1!léographié de Mubarka Alam et E.N. Wright, A Study of Uight School DrOD outs, publié par le Research Departcent of the Eoard of Education for the City of Toronto, !·!arch 1968, on trouvera un r~sU!:lé plus à date de la recherche sur ce point. Enfin un docucent ~éographié de Raymond Bernier, Le ohéno:ène de l'abandon chez les étudiants adultes, publié par le Service de l'éducation des adultes de la Co~ission des écoles catholiques de :'!ontréal présente une excellente rev-Ile des résultats d'une cinquantaine de recherches sur le sujet.
(4) Cf. Vincent Ross, Récu~ération scolaire et forcation orofessio~~elle des adultes: ~~e expérience 1a~s la Gaspésie et le Bas St-Laurent 1964-65 et 1965-66. Etudes et doc~ents, Ministère de l'éducation du Québec, Québec, 1967, pp. 24-25
3
Dans beaucoup de ces enquêtes, on semble cependant prendre
trop facilement pour acquis qu'il est normal pour l'adulte de revenir
à l'école et que les raisons des abandons, comme aussi par inférence
de la non participation pure et simple, sont à chercher exclusivement
dans des données mettant en cause des mesures administratives ou des
comportements ou dispositions pédagogiques (5). Il faut dire aussi
que lorsqu'on interroge les adultes qui ne se sont pas inscrits à des
cours ou qui ont abandonné en cours de route, on recueille habituel-
lement des raisons de ce genre qui prennent vite l'allure de stéréo-
types. (6)
En critiquant davantage les ra1sons apportées par les adultes
qui ont abandonné, et surtout certaines d'entre elles plus imprécises
(5) Dans une analyse de trente trois études relatives à ce que les auteurs appellent "remectial adult education", John Iiiemi et Darrell Anderson notent que "this specifie program research has been chiefly concerned vith catters relating to instruction" et les auteurs d' aj outer: "Al though this work is important, more fundamental problems concern the overcoming of resistance to education (etc) ••• John A. Iiiemi and Darrell Anderson, Reme1ial Adult Education, An Analytical Review of Evaluation Research in Continuous Learnin~, vol. 3, no 2, March-April, 1969, p. 91
(6) ~~ fait sie~~e ces observations tirées des recherches faites aux Etats-Unis sur les "higa school drop outs": "people vho vithdrav do not readi11 supply useful inforcation rather they tend to orfer vague or ce~~ingless reasons ( ••• ) In addition, the ressons given are frequent11 simple statement ticked off on a questionnaire."
4
mais souvent plus riches (7), nous sommes arrivés à la conclusion qu'il
fallait auss~ ~hercher d'autres explications d'ordre plus général et
plus sociologique qui relèvent du domaine de la norme sociale. L'une
de celles-ci est le statut cême de l'adulte.
En effet, il nous apparaît que la participation de l'adulte
à l'enseignecent peut justement être entravée par l'idée que l'adulte
se fait de son propre statut et que cette idée peut comporter en
elle-même un obstacle psychologique significatif au retour à l'ensei-
gnement. Cette constatation constitue l'hypothèse de base de notre
thèse que nous allons présenter maintenant de façon plus complète.
Il est en effet facile de constater que l'éducation des
adultes systématique est une réalité nouvelle qui, jusqu'à tout der-
nièrement, n'existait pas. Au coctraire, on était habitué à ne voir
que des jeunes dans le système d'éducation. De la même manière,
l'éducation était pensée en termes temporaires pour un âge de la vie,
et non en termes permanents ou continus, pouvant s'étendre à plusieurs
âges de la vie, sinon à l'ensemble du cycle vital.
!lous ne voulons pas prétendre par là qu'il en a toujours
été ainsi, et cette situation peut avoir en réalité une courte tra-
dition dans l'histoire de l'h~anité, co~e les anthropologues nous
(7) Par exe=ple: "apathie", "fatalis=e", (Ross) "adjustcent difficulties", "feelings of rejection" (y~), teacher's inadequacï relating to studects, "significant ethers" reactions (~).
5
inclinent à le penser. nous n'avons pas le dessein pour le moment
d'entrer dans cette discussion ~ui nous paraît soulever des problèmes
sans doute très riches, mais relativement indépendants de l'objet de
notre recherche. En effet, quelqu'ait pu être l'évolution de la pen-
sée qui ait amené à penser l'éducation en terme temporaire, par oppo-
sition à une éducation répartie sur toute la vie, il apparaît d'em-
blée que cette conception de l'éducation est implantée depuis assez
longtemps pour qu'elle soit caractéristique d'une époque donnée, et
donc comme un fait de civilisation.
Cette conception s'enracine chez la plupart des individus
dans des faits d'expérience vécue, les mêmes pour tous, où l'éduca-
tion a été un phénomène non seulement temporaire mais lié à l'enfance,
accompagnant celle-ci et se terminant avec elle. "L'étude est conçue
dans notre politique actuelle, écrit ~!icbel Philibert (8), comme
une occupation à temps plein, exclusive par conséquent du travail
professionnel et plus généralement de l'action. nous la considé-
rons coc:e l'occupation convenable à l'enfance et à la jeunesse.
Les enfants et les jeunes gens étudient; une fois instruits, les
(8) Philibert, Hichel, "?rincipes d'une re!or:te tires d'une réflexion sur les âges de la .ie et 1'ecp1oi du te~s", dans Esürit, ~aijuin 1964, pp. 1145 à 1161; p. 1146. Cf. aussi du ~ê~e auteur "Le rôle et l'~age 1u vieillard dans notre société", Esprit, pp. 928-950, p. 948 et L'échelle des âges.
6
hommes travaillent, agissent , 'rivent enfin; ils n' étudiellt plus". (9)
Cette conception de l'éducation restreinte au temps de la
jeunesse est d'ailleurs explicitement formulée par Durkheim qui la
définit comme "l'action exercée par les générations adultes sur celles
(9) Cf. auss i Margaret r·!ead, Coming of Age in Samoa, Ch. XIII ou le même modèle est discuté à la lumière de l'expérience de Samoa. Cf. page 134 ~~ork for adults, play for children's pleasure and school as an inexplicable nuisance vith some compensations" Lucas, Rex "Some Dimensions of Adult Status".in La Revue canadienne de sociolo ie et d'anthroDolo ie, vol. 3, no 2, mai 196 , "the normative expectations equate childhood vith training and adulthood vith competence" p. 97. Robert Ravighurst, "Changing Status and Role during the Adult Life Cycle: Significance for Adult Education", in Robert W. Burns, Sociological Background of Adult Education, Chicago, 1964, p. 18: "Rot long ago it vas customary to divide the life cycle vith a period of infancy and childhood for olay, of childhood and adolescence for study, of adulthood for ~ork and old age for play again. Paul Lengrand "L'éducation des adultes et le concept de l'éducation permanente", Pièce au dossier, l~ontréal, reEA, mai 1969. "La vie était donc divisée en deux parties et le but de l'éducation première était d'équiper pour le restant de l'existence le futur adulte de tout ce dont il aurait besoin pendant le restant de sa vie pour jouer les rôles qui lui étaient attribués. En conséquence, toute l'éducation était mobilisée pour recplir le crâne des enfants des notions les plus abondantes possibles. Pendant toute la suite de ses jours, il devait tirer de ce capital qui avait été acc~ulé dans les différentes structures de son être, les références, les habitudes et les pratiques dont il avait besoin pour mener une vie convenable", p. 3.
7
qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. (10)
Ceci revient à dire que pour Durkheio, la place de l'adulte au ni-
veau de l'enseignement se définit uniquement ri.f~S un rôle de transmetteur,
de professeur, et nOll pas dans un rôle d'élève ou d'étudiant, qui est réser-
vé aux enfants et aux jeunes, "à ceux qui ne sont pas encore mûrs pour la vie
sociale". Cette définition du rôle de l'adulte-professeur en éducation fait
appel à des normes de prestige, de supériorité, de compétence, de pouvoir,
de maturité. En contrepartie, le rôle d'étudiant est défini par des norees
inverses, d'infériorité, de dépendance, d'incompétence, d'immaturité.
Cette conception de l'éducation qu'exprime Durkheim avec ses im-
plications sur les rôles réciproques de l'enfant-étudiant et de l'adulte-
professeur et de la dépendance des premiers par rapport aux seconds, c'est
partout dans la littérature pédagogique qu'on la retrouve comme une donnée
évidente qui va de soi et que l'on se donne rarement la peine de détailler.
(il)
(10) Durkheim, Education et sociolo~ie, 1922, Nouvelle édition, Paris, Puf. 1966, p. 41. Cf. aussi Les r~gles de la zéthode sociologiaue. Paris, Alcan, 9ième édition, 1938, p. 11 où il affirme "Toute éducation consiste dans un effort continu pour ~ooser à l'enfant des manières de voir, de sentir et d'agir auxquelles il ne serait pas spontanénent arrivé". On peut juger de la force de cette conception de l'éducation par ce mot de Léon Dion, dans un article de Cité libre, "trois points, il y a vingt ans encore disputés, sont prés~ntement acquis: l'homme, même adulte, est éducable ••• " (Cité libre, XIII, no 43, janvier 1962, Léon Dion, Education des adultes: choix des buts, p. 10). Cf. Gonzalve Poulin, Le Deutlle est-il éducable, !~ontréal, Edition de l'A.C.F., 1939, cf. chapitre III.
(il) Sur ce point, on consultera avec profit l'article de Vincent Ross, "La structure idéologique des :anuels de pédagogie qu~bécois", dans Rechercëes soeiographiques, '/01. X, ::lOS 2-3, :::ai-iéce:t.re 1969, pp. 171-196. Cette source québécoise est particulière:ent indiquée, étant donné la population que nous avons étudiée dans ce travail qui a connu l'école définie précisé:ent par ces cu'rrages.
8
Pourtant, lorsqu'on essaie de s'interroger sur le rôle social
assigné à l'éducation et surtout sur la f~0n dont elle est organisée
et pratiquée dans la société - ce qui témoigne précisément du rôle so-
cial qu'on lui attribue - on est frappé de voir combien une analyse
serrée de sa fonction sociale présente de richesses. On a vraiment
affaire à un système très organisé, très logique, à plusieurs dimen-
sions étroitement interdépendantes les unes des autres. Comme c'est
souvent le cas pour des réalités importantes de la vie, c'est grâce
au recul que permettent des remises en question plus radicales que
l'on arrive à cerner ce qu'on n'aurait peut-être pas distingué aussi
bien sans cela.
Le rôle social de l'éducation
Dans la littérature pédagogique, l'éducation telle qu'on la
connaît presentement est habituellement justifiée dans des termes comme
ceux-ci.
nrhe creation of the school by the members of the society
( ••• ) stands as acceptance of the faet that ~hile there are still
parental obligations to the education of the child so that he Day
take place in his society, nevertheless there are areas of lire and
living today that require the services of trained personnel, specia-
lists vhose ce:hined eecpeten:ies vithin one institution can more
adequately induct tèe your~ into the a1ult vorld. Tt i5 in these
areas ( ••• ) that the scheol serves "in 1eco parentis". (12)
(12) E~ice A. Clar~e, "In loce ?arentis" in Robert R. Bell, Ed., The Soclolorr of S=~:ation, Ha:~ood, the Dovny Press Inc., 1962, p. 353
9
10
Si l'on ajoute à cette délégation parentale une certaine
obligation sociale incarnée habituellement par l'Etat, de faire en
sorte que la société ait les compétences dont elle a besoin pour
fonctionner de façon efficace et qui s'exprime notamment par
des mesures imposant une fréquentation scolaire obligatoire jusqu'à
un âge donné, on recueille l'essentiel de la justification classique
de notre système scolaire actuel. Notre façon de concevoir l'éduca-
tion se trouve ainsi caractérisée par plusieurs éléments qu'il impor-
te de dégager.
1- Dans cette conception, l'éducation est identifiée à la sco-
larisation (schooling) définie selon les termes de Newman et Oliver
"as formaI instruction carried on ln an institution which has no other
purpose". (13) Lorsqu'on parle d'instruction formelle, on doit né-
cessairement sous entendre programmes, examens et certification, le
tout étant finalisé par la certification qui garantira la compétence
aux yeux de le société et à laquelle l'étudiant est soumis comme aux
règles mêmes du jeu.
2- Cette scolarisation est faite dans une institution qui est
à la fois un lieu (le bâticent scolaire) et une organisation sociale
(13) Fred M. Newman et Donald W. Oliver, "Education and Co~unit]" in Harvard Educationel Rene ... t pp. 61-106; p. 74.
spécifique, symbolisee par le premier. (14) En dehors de l'école, l'edu-
cation n'existe pas parce que ce qui se passe alors n'entre pas dans
la visee et le contrôle de l'école; il n'a qu'un statut de hasard par
rapport au détermine.
A l'intérieur de ce milieu scolaire obligatoire, l'étudi~~t
est ultimement déterminé par l'institution elle-même, par sa finalité,
ses règlements, qui pour admettre une certaine souplesse ou autoriser
qu'on lui substitue de temps en temps des finalités ou des activités
prenant leur origine dans les personnes, redeviennent impératifs à
certains moments strategiques. Le temps des examens est très signifi-
catif à cet egard. (15)
3- L'éducation est inscrite sous le signe de la dépendance,
justifiée dans les premiers âges de la V1e par l'état même des jeunes
enfants étroitement dépendants de leurs parents et que les professeurs
accueillent vraiment "in loco parentis". Cette dépendance continue
à jouer plus tard sous ~~ autre ~ode comme l'ecrit avec beaucoup de
(14) Les expressions "intra ~uros", "en résidence", "hors cacpus", "internat", "aller à l'école" sont très significati'/es sur ce point.
(15) Allan Tho~ a bien note ce point lorsqu'il écrit "The institution creates cocpetition ~ng individual students by public individuel evaluations, be r~.ards and ~J its systec of accreditation. 7ne student is ~ouped acccrding to criteria established by the institution; the groups are rational and sociological, not psycèolcgical except at the upper limits unless inspired teaching is acco::pa.n:ed by sc::e luck. ':'bus the relationship is ~e~c=i::a."ltl] one of studer:t to insti tuticn and onl] seconda.!"il: .. of student to student despi te the copes and Frotectior~ o~ gocd teachers. w
Il
perspicacité Allan Thomas "The dependency continues long after the in-
dividual's emergence from compulsory attendance and dependence on his
parents. In fact it continues right to tt. end of graduate school and
after. The authority of parents and paternal school systems is repla-
ced quite unobtruisively and almost (at least until recently) pain-
lessly by the authority of knovledge, competence and skill. Il is
replaced also by the institutional control of re~ards and accreèita-
tion, that is, of access to employment and prestige. (16)
Cette caractéristique de l'étudiant comme un être essen-
tiellement dépendant dans le système actuel d'éducation (17) a été
vigoureusement soulign~e depuis quelques années. En plus de l'ar-
ticle de Thomas déjà cité, il faut mentionner l'article de Farber
au titre significatif de "The Student as Nigger" (18) dans lequel
l'auteur établit un parallèle entre la façon dont la sociét~ traite
l'étudiant et le noir. Farber y affirmait que "most students have
(16) Allan t~. Thoz:tas, "Studentship and 1·1et:bership, A Study of Roles in Learning", Journal of Educational Thought, August, 1967, ·101..
no 2, p. 68
(17) w. E. l~ann, ("Adult Drop Outs" in Continuo\l5 Learning, vol. 5, no 3, May-June, 1966, p. 140) en fait un fait de culture; il écrit ( ••• ) a culture vhicr. regards all students as less than fully adul ts " •
(18) Gerry Farber, "The Student as liigger". Cet article a paru dans un bon nœbre de journaux ~tudiants w:éricains durant l'hiver 1967-68. lious n'avons DU :ettre la cain sur l'article en ques~ion, :ais on en tro~vera un bon r~sumé, de =~e qu'un critique da::5 l'article de l~. Burbidge, "':"he Status of Students" in Journal of Educationel 7ho~ht, August 1969, vol. 3, no 2, pp. 79-87. Ues citations qui suivent sont empruntées à 3urbidge.
12
a slave mentality vhich prompts thec to accept vithout question such
controlling mechanisms as exeminations and grades Il ou encore "most
students have long been disciplined to acccpt their inferior status
and rarely question it".
Mreme si dans ses commentaires, Burbidge diffère d'opinion et
refuse le parallelisme de Farcer, il n'en souligne pas moins avec vi
gueur l'etat de dependance dans lequel se trouve 1 'etudiant: "Until
they are emancipated, it vould be more accurate to consider them not
as niggers or slaves but as vards: vards of their pare~ts, the state,
or the particular institution vhich has been given the task of their
development. The period during vhich they are vards usually ends
rather abruptly ..,hen they are granted a diploma and they are then
alloved some kind of equality vith their eIders. Until then they are
subject to the authority of their betters and vithin the custody or
under the control of their guardians. Obedience and docility rather
than initiative and responsibility are the appropriate characteristies
of a vard". (19)
4- L'éducation est essentiellement conçue sous l'espect d'une
préoaration, préparation à la vie, à la profession, aux rôles de
l'adulte etc ••• Cette caractéristique e. deux implications, l'une
pour l'étudi~~t, l'autre pour l'éducation elle-même. Dans le pre
mier cas! elle i:nplique qu'un étudiant est un être en état de pré
paration sociale, qu'il est socie.le=ent un apprenti, ~~ être auquel
(19) M. Burbidge, article cité, p. 80
13
il manque quelque chose. Et ce manque est fondamental: il est con
sidére comme inca~able encore de voler de ses propres ailes, d'affron
ter la vie, d'y reussir. Dans le second cas, l'education est vue comme
instrumentale, c'est un moyen en vue d'une fin exterieure à elle-même.
Cette conception implique que l'education est restreinte à un temps
détermine, accompagnant la periode de croissance biologique de l'être
humain. ~ois betrays, ajoutent Nevman et Oliver, a confusion bet-
veen biological and mental development." Rien en effet ne nous permet
de restreindre le développement de l'esprit à la seule periode de la
jeunesse. (20)
5- L'education ainsi conçue est caractérisée par un état de
relative isolation. Elle se fait non seulement en un lieu particu
lier mais dans une perspective de ségrégation de l'ensemble du monde
des adultes et de la vie. S'il est vrai qu'initialement elle agran
dit l'univers de l'enfant en brisant le monopole du milieu fami
lial, il n'en demeure pas moins qu'elle le maintient ensuite dans
un milieu particulier qui est en dehors de la "vie réelle".
Elle éca~e de l'étudiant les difficultés, les probl~es, les
choix, les événeoents de la "vie réelle"; elle l'empêche aussi
de s'impliquer '/!'aÎ:lent dans le monde qui -lit au-delà des campus
scolaires, d'y agir, d'ass~er des responsabilités, d'exercer son
pouvoir de décision. Elle le place dans une sorte de retraite so-
(20) Uev:an and Oliver, article cité, p. 76
14
ciale où ses relations sociales significatives sont en priorité celles
qu'il peut avoir avec les etudiants du même groupe d'âge que lui à l'ex-
clusion des ~~tres (21), exception faite évidemment pour cette catégo-
rie particulière d'adultes specialisés pour ce milieu que sont les ex-
seignants et les administrateurs scolaires.
6- L'éducation est confiée en exclusivité à un personnel spé-
cialisé pour cette tâche: les professeurs et administrateurs scolai-
res. Dans la littérature pédagogique, les professeurs sont censes
être les délégués du monde adulte (parents et société) chargés de
former les jeunes générations à leur futur rôle dans le monde. Re-
présentants des adultes (22), les professeurs sont aussi les repré-
sentants des disciplines (découpées en programmes) et avec les admi-
nistrateurs scolaires, les représentants de l'institution. Cette
triple représentativité confère de facto au specialiste en éducation
un pouvoir d'une immense portée sur l'étudiant.
(21) llevman et Oliver font observer que "the preyailing conception that children can learn only ~ rather than ..,ith adults and the forced submission ot' youth to the rule of adults amplifies the conflict bet .... een generations". Op. cit. p. 77
(22) Encore que la réalité ne soit pas toujours aussi nette, Robert Bell, op. cit. p. 309, signale que "~nlike most professionals the teacher has a li~ited ~ount of prestige in the eyes of the community" ce qui s'accorde ~ avec les exigences d'une pareille délégation. En fait les éducateurs apparaissent bien davantage détercines par leur rattacheoer.t à l'institution ellemême et aux disciplines dont ils sont à la fois les dispensateurs, les interyrètes et les représer.t~~ts exclusifs pour les étudiants.
15
Dans la conception de l'éducation que nous avons essayé de
décrire plus haut et dans le système scolaire qui l'incarne, il est
difficile de penser que le professeur ne puisse pas être une figure
d'autorité. Le système l'oblige à cela. On peut sans doute trouver
des façons d'exercer cette autorité d'une façon souple et selon les
mots à la mode, plus décocratiques, mais les composantes structurelles
du rôle restent, à notre avis, fondamental~ent les mêmes. La ma-
nière dont les jeunes élèves apprennent en classe la docilité ou
l'art de rencontrer les attentes du professeur, tel que rapporté par
Henry (23), sont très significatives à cet égard. Cette docilité
"not based on authoritarian control backed by fear of punishment,
but rather on fear of loss of love" demeure fondamentalement liée
aux exigences autoritaires du rôle du professeur. Cette intério-
risation de la docilité, ce "sveet imprisonement vithout pain"
n'est pas sans rappeler les positions et le vocabulaire de Farber
cités plus haut.
Dans la même perspective, il est très intéressant d'exa-
miner le concept de gratitude et les attentes que le professeur
nourrit sur ce plan vis-à-vis l'étudiant. (24) Ce sentiment appar-
(23) Jules Henry, Docility or Giving Teacher vhat Sbe vants, in Robert Bell, Sociology of Education, p. 337-345. La citation est à la page 345.
(24) Ct. M. Burbidge, article cité, p. 87.
16
tient au même univers que celui de la docilité. Burbidge fait était
du rejet de ce sentiment par beaucoup d'étudiants contemporains, alors
que les professeurs, même les plus libéraux, ont l'habitude de le con-
sidérer comme un dû. L'amertume ou la frustation des professeurs (25)
sur ce point est un indice très significatif, à notre point de vue,
des déterminismes structurels qui régissent le rôle de professeur
dans le système scolaire.
Au fond, cet ensemble de sentiments et d'attentes est tout
à fait cohérent avec la relation pupille-tuteur soulignée par Bur-
bidge. Cette relation particulière de dépendance, avec ses compo-
santes autoritaires et affectives, renvoie naturellement au modèle
familial où l'étudiant est dans la position d'un enfant vis-à-vis
ses parents. nous n'avons rien contre le modèle familial en lui-
même, mais il ne faut pas oublier que la prolongation de ce modèle
au-delà de ses limites a depuis longtemps reçu le nom de paterna-
lisme.
Maintenant mieux caractérisée la conception de l'éducation
qui se dégage des pratiques conte:poraines, on peut se demander qu'est-
ce qui se produit lorsqu'un adulte y entre en tant qu'étudiant. Il
nous semble évident que l'on doit normal~ent faire l'hypothèse que
l'adulte auquel on propose de retourner à l'école est de ce fait placé
(25) "This lack of gratitude is just vhat :ost incenses a master or gua.rdian or 8llj"one vho feels that he ~i ts those rules". Eurbi~e, p. 87.
11
dans une situation conflictuelle qui sera d'autant plus forte qu'il
a précisément intériorisé les normes définissant ce statut d'adulte
auquel on l'avait habitué à penser dans sa ~ériode d'apprentissage
scolaire.
Mreme s'il ne le formule pas explicitement aux autres ou à
lui-même, il est en effet vraisemblable de penser que l'adulte puisse
sentir cette relative incompatibilité et que cela puisse agir sur sa
participation. Qu'il choisisse d'exprimer son abstention ou son aban
don par des motifs mettant en cause des facilités ou des insuffisances
pédagogiques ne change rien au problème; il peut vraiment au fond s'a
gir d'un conflit dont les racines se situent au niveau des normes
sociales et qui était simplement masqué par des raisons superficielles.
• En essayant maintenant de formuler cette hypothèse dans le
contexte concret de l'enseignement aux adultes, on se rend compte que
le conflit peut jouer à différents moments de l'insertion de l'adulte
dans un processus éducatif.
Il peut jouer d'abord avant même que l'adulte soit impliqué
dans une situation pédagogique concrète où il vivra vraiment la dif
ficulté de concilier le rôle d'adulte et le rôle d'étudi~~tt c'est-à
dire dans la période qui est celle de l'offre de cours, de l'incita
tion à les sui"lre et de la décision à prendre. L'expérience de ceux
qui ont tenté d'attirer des adultes à des cours dont ils pouvaient 00-
jectivecent avoir besoin est là-dessus riche d'enseigneQent. r.on seu-
18
lement on a senti !e besoin de faire de la publicité autour des faci-
lités offertes, mais on a souvent dû prendr~ des moyens assez specta-
culaiies pour susciter l'adhésion des adultes. En particulier, pour
ce qui est des sous-scolarisés (moins de 12 ans de scolarité) et des
classes sociales moins avantagées (ouvriers, agriculteurs, manoeuvres
etc ••• ) qui, suivant les constatations faites par Johnstone, sont des
catégories d'adultes dont le taux de participation à l'éducation est
très faible. On connaît par exemple le régime d'allocations qui a
été mis sur pied par la loi fédérale sur la formation professionnelle
pour inciter les chômeurs chroniques ou saisonniers à la participation,
l'animation sociale de la population faites dans le cadre du B.A.E.Q.,
qui a précédé les campagnes d'inscription des sous-scolariés de la
région du Bas du fleuve et de la Gaspésie en 1964-65, (26) et qui a
comporté des périodes de sollicitation soutenue, des visites répétées
de porte en porte, des contacts prolongés entre les organisateurs et
certains individus, ~ême le fait d'aller les chercher en automobile
pour le premier cours etc ••• On sait aussi que l'organisation de
Tévec au Saguenay Lac St-Jean (27) s'est sentie Obligée de garantir
l'anonycat des participants durant l'expérience et jusqu'aux examens
pour obtenir l'adhésion plus facile des adultes -tisés par le projet.
(26) Cf. Vincent Ross, Recuoération scolaire et formation orofessionnelle, op. cit. page 38 et page 44, où l'auteur fait allusion ~d'· , , . a es experlences an~cgues tentees aux Etats-Un~s.
(27) Téleyision éducatiye pour adultes; nous en parlerons plus longuecent dans notre deuxiè:e chapitre.
19
Ce conflit peut jouer aussi durant toute la durée de l'ensei-
gnement. Les premières semaines entre aut~es où le taux d'abandon est
toujours très élevé sont un des moments où l'intensité de ce conflit
nous apparaît pouvoir être la plus grande. (28) Le conflit à partir
de cette période devient plus difficile à analyser, parce qu'il peut
jouer au double plan des conduites et des normes. Et même si l'indi-
vidu persévère, cela n'implique en rien que le conflit est résolu,
il peut être très présent dans ce qu'on pourrait appeler le "coût
psychologique" de la formation dont l'article de Lucas, cité plus
haut constitue une des meilleures illustration que nous connaissions.
De la même manière, le conflit peut engendrer une participation qua-
litativement moins forte, soit qu'on ne participe pas à tout, que l'on
s'absente frequemcent, qu'on évite certaines exigences trop coûteuses,
soit qu'on diminue son rendement ou le travail qu'on devrait norma-
lement accomplir, en raison d'une pression sociale défavorable ou
~ perçue comme telle.
Jusqu'à date, nous avons surtout développé notre hypothèse
du côté des obstacles à la participation que celle-ci pourrait par-
tiellement expliquer. nous l'avons fait en raison de notre point de
départ: le rôle social attribue à l'éducation jusqu'à tout récem-
(28) Dans une étude assez originale, G.S. Davis Jr., a cherche à verifier si différents comp~rtecent5 du professeur, perçus cc~e tels par l'étudiant lors de la precière leçcn, pouvaient amener un changement significatif du nombre de présences à la deuxiè:e le~on. Un seul s'est trouvé positivecent relié au taux de persévérance, c'est celui qui consiste à "s'adresser aux étudiants c~e à des égaux". A.s. Davis, nA Study or Classrcc: Factors related to Drop Outs" in Adult Education, :~n:!, no. 1, pp. 38-40
20
ment. Il nous reste à montrer cocment notre hypothèse peut aussi ex
pliquer la participation des adultes à l'éducation. En effet, s'il
est vrai que beaucoup d'adultes choisissent de ne pas retourner à
l'école, et qu'un grand nombre abandonnent en cours de route, il
n'en demeure pas moins que les adultes retournent à l'école et cela
en nombre de plus en plus grand. On doit alors se demander comment
pour ces personnes le conflit que nous avons signalé a été résolu ou
encore comment se fait-il qu'ils ne l'aient pas senti avec autant de
force que d'autres. Sur ce point deux explications nous parai:~ent
logiquement s'imposer, si l'on part de l'existence d'un conflit. Ou
bien la situation d'enseignement s'est adaptée au statut de l'adulte
en acceptant diverses mutations qui ont laissé relativement intacts les
exigences normatives du statut de l'adulte. Ou bien, c'est le statut
de l'adulte qui s'est lui-même transformé en assoupliss~t ses normes
d'autrefois pour rendre compatibles ses propres exigences avec celles
d'une situation d'enseignement.
Ces deux explications nous apparaissent d'autant plus vrai
semblables que dans le développement de l'éducation des adultes, d'une
part, on a vu s'épanouir toutes sortes de formules d'org~~isation de
l'enseignement qui se sont éloignées de façon souvent assez considéra
bles de la formule de l'enseigneoent régulier, co~e par execple des
cours du soir, des sessions de fin de secai~e, des s~age5 en indas
trie, des cours sans exa:ecs, des sessions de fo~ation faisant beau
coup appel à la participation des étudiants adultes, des cours par
21
correspondance ou donnes à la radio ou à la télévision. D'autre part,
les changemel·ts profonds qu'a subi notre société depuis quelques temps
out eu pour conséquences une relativisation de beaucoup de normes con-
sidérées jusqu'alors comme obligatoires dans des secteurs importants
de la vie sociale, comoe la religion, la sexualité, la consommation,
l'autorité, la famille, pour n'en nommer que les plus apparentes. Il
est vraisemblable de penser, pour le sujet qui nous occupe, que ces
changements ont aussi atteint la définition normative des statuts so-
ciaux, comme celui de l'enfance et de l'etat d'adulte, surtout si l'on
considère l'expansion qu'a prise le phénomène éducatif et le développe-
ment quantitatif spectaculaire de cet "état de vie" qu'est en voie de
devenir la jeunesse. (29)
Ce sont precisément ces deux hypothèses explicatives que
nous allons tenter de verifier dans cette thèse à partir d'un groupe
d'adultes faiblement scolarisés inscrits, dans le cadre de Tévec, à
un cours de formation générale.
(29) cr. Kenneth Keoistor., '!o:.mJr radicals, Ziev York, nartcoU!"t 3race and Wald Inc., 1968, pp. 264-272.
22
CHAPITRE II
Le pro,jet Tevec et les reDOndants
Le projet Tevec est une expérience pilote d'education
organisee par le ministère de l'Education du Quebec à l'intention
des adultes moins scolarises de la region du Saguenay - Lac St-Jean.
En effet, à tous les adultes qui le voulaient bien, on
proposait de participe~ à un projet educatif de formation génerale
dont l'objectif était double: au plan purement scolaire on 7isait
à l'obtention du diplôme de 9ième année et au plan d'une education
globale, on invitait les individus et les collectivites locales à
un developpement socio-cul turel plus poussé par une prise de pos
session de leur propre univers régional.
Pour atteindre ces objectifs le projet Tévec a utilisé
plusieurs moyens educatifs qui pouvaient rejoindre l'étudiant-adulte
et lui apporter de différentes manières l'aide nécessaire à son
propre developpement educatif. En se combinant les uns aux autres,
ces moyens, a-t-on e5t~é, pouvaient se renforcer mutuellement.
23
Ce moyens pédagogiques peuvent être ramenés à quatre: la
télévision, le cours par correspondance cu document d'accompagnement,
l'assistance de personnes ressources et l'animation sociale.
La télévision constituait le medium principal. Durant
quarante-huit semaines et cinq fois par semaine, on a diffusé quatre
fois par jour sur les deux antennes locales (CKRS Jonquière et CJPM
Chicoutimi) une émission d'une heure et demie. Cette émission quo
tidienne comprenait, dans des proportions habituellement assez
constantes, une partie socio-économique qui servait aussi de thème
à l'émission et présentait des disc~ssions, des échanges de vue,
des informations sur des problèmes sociaux, économiques, culturels,
familiaux susceptibles d'intéresser l'adulte et de parfaire sa
formation générale, et en second lieu, une partie proprement sco
laire comportant une leçon de français, de mathématiques et d'an
glais.
Chaque étudiant inscrit avait préalablement reçu un guide
académique et en ~êce temps que se déroulaient les cours télévisés,
recevait à intervalles périodiques une brochure contenant des infor
mations complémentaires sur les problèces socio-économiques abordés
à la télévision et sur les matières scolaires au progr~e. Ces bro
chures contenaient aussi des exercices correspondant aux contenus
scolaires et socio-écono~iques diffusés pendant les éoissions qui de
vaient être envoyés par l'adulte, une fois complétés, au centre d'in
formatique pour y être corrigés et inscrits à son dossier.
24
Ces deux principaux moyens pédagogiques atteignaient l'adulte
chez lui, à son foyer. En plus du réseau d'entraide et de support fami
lial ou relationnel sur lequel les initiateurs du projet avaient misé,
on avait prevu deux autres structures d'assistance à l'adulte: 1)
le centre de revis ion de la localité où une fois par semaine un en
seignant qualifié était à la disposition des adultes qui voudraient le
consulter et lui demander des explications supplémentaires, 2) un
visiteur à domieile pour les adultes moins scolarisés qui étaient sus
ceptibles d'éprouver plus de difficultés à suivre les cours de Tévec.
Enfin, sous le nom d'animation sociale, on a organisé une
structure de participation au projet qui comportait un comité local
dans chaque municipalité (il y en a eu 71), quatre comités de sec
teurs au niveau des territoires sous-régionaux et un comité con
sultatif pour l'ensemble de la région. Ces comités avaient globa
lement la tâche d'assumer le projet dans leur milieu, de faire des
suggestions en cours de route, de soutenir les étudiants-adultes,
d'animer des discussions sur les problèmes socio-économiques, à
la suite d'une émission hebdocadaire spéciale de trente minutes
intitulée Téléclub.
Durée
Le projet a duré effectivement deux ans, soit, de nov~bre
1967 à déce:bre 1969. Il a cocporté quatre périOdes principales:
25
1) de novembre 1967 implantation, information, inscriptions à janvier 1968:
2) de janvier 1968 1ère etape de diffusion des émissions à juin 19é?:
3) d'octobre 1968 2ième etape de diffusion des emissions couronnée par les sessions d'examens
4)
à mai 1969:
de septembre 1969 à décembre 1969:
La. clientèle
période de récupération pour ceux qui n'avaient pas réussi tous les examens.
Le projet a suscite à son depart beaucoup d'enthousiasme
chez les adultes du Saguenay - Lac St-Jean. Après la campagne de
publicité et le travail des equipes responsables de l'information
et de l'animation du milieu, 34,532 adultes s'etaient inscrits
aux cours de Tévec, soit environ 22% de la population adulte to-
tale de cette region. (1) Une étude de l'ensemble des inscrit~
a permis d'etablir ainsi les caracteristiques de cette population:
46% étaient des hommes et 54% des fecmes; 16% étaient célibataires,
84% mariés, veufs ou séparés. Selon l'âge, la clientèle se venti-
lai t ainsi:
15 à 24 ans:
25 à 39 ans:
40 à 54 ans:
55 ans et plus:
16.3%
45.3%
32.1%
6.3%
(1) Adultes, c'e5t-à-~ire, de 15 ans et plus.
26
Comme le projet était formulé en terme de scolarisation,
il est assez piquant de voir cette distribution:
5 ans et moins: 14%
de 6 à 8 ans: 61%
9 ans et plus: 25%
La clientèle cible est représentée par la catégorie moyenne.
Mais comme aucune exclusion n'avait été faite, un certain nombre de
personnes (4,700) très peu instruites se sont inscrites en tentant
leur chance. Ce qui est plus surprenant, c'est le grand nombre de
personnes de plus de neuf ans de scolarité, donc déjà en possession
du diplôme promis, qui se sont inscrites. On a conclu qu'il l'avait
fait soit par solidarité avec un conjoint moins instruit, soit pour
rafraîchir leurs connaissances, soit attiré par le deuxième objec
tif proposé.
L'évolution de la particiDation
Par une série de sondages à intervalles périodiques, on a
pu établir ainsi l'évolution de la participation des adultes for
mellement inscrits.
27-
periodes dates évènements nombre % de par~i-
l
II
III
~.ipation
nov. 1967 inscription officielle 34,532 100%
15 janv. début des cours télévisés 29,318 84.9% 1968
1er fév. début de la 3ième semaine de 1968 cours 24,932 (1) 72.2%
juin 1968 fin de la 1ère étape 12,051 34.9%
oct. 1968 début de la 2ième étape Il,119 32.2%
mai 1969 fin de la 2ième étape 6,768 19.6% (2 )
La courbe de la participation à l'expérience Tévec est ex-
trêmement révélatrice. Elle a été assez commentée dans des travaux
de l'équipe de recherche de Tévec pour qu'il ne soit pas nécessaire
de répéter ici toutes les interprétations qu'on a pu en faire. (3)
Qu'il nous suffise ici pour notre propos de signaler qu'elle repro-
duit une fois de plus (bien que d'une manière encore plus dramatique)
les caractéristiques habituelles de la participation des adultes à
l'éducation, où le phénomène des abandons est toujours assez brutal.
Le pourcentage élevé des abandons doit cependant être interprété à
(1) La 3ième~ se:mlne de cours correspond à la date déterminée, après expérience, par la direction générale de l'Education permanente pour établir le recense!:lent des inscriptions "réelles" à des cours pour adultes.
(2) L'étude de la persévér~ce n'a pas été pours~vle lors de la période dite de récup~ration (septe=bre à décecbre 1969).
(3) En collaboration, Le ~rojet Tévec, rapport d'évaluation (en préparation).
28
la lumière de deux faits importants. Precièrement la qualité de l'enga
gement que constituait l'inscription initiale, faite deux mois avant le
début réel des cours, ne doit pas être surestimée. Comme l'inscription
ne coûtait rien à l'intéressé, et qu'elle était valorisée par la pu
blicité et l'incitation, elle a certainement été en fait soufflée.
Deuxièmement, un projet éducatif aussi libre que celui que proposait
Tévec, rejoignant l'individu chez lui, en dehors de toute contrainte,
fournissait un cadre assez lâche pour retenir les individus le moin
drement hésitants. Quoiqu'il en soit, ce déclin de la participation
pose d'une façon vraiment exceptionnelle le problème des explications
à donner à ce phénomène.
Les répondants aux questionnaires
C'est au moment de la deuxième étape de Tévec que nous
avons adressé aux inscrits les deux questionnaires que nous avons
utilisés pour ce travail. Ces questionnaires étaient intégrés aux
documents d'accompagnement dont nous avons par1~ plus haut et que
recevaient périodiquement les inscrits. Le premier a paru dans
le cahier num~ro 4, (période d~ 10 février au 14 mars 1969) et
il y fut répondu dans la 3ième secaine du mois de février. Le
second faisait partie du cahier numero 6, (période du 14 avril
au 16 mai 1969) et les inscrits y répondirent vers le 15 avril
1969.
Rien n'obligeait les inscrits à répendre à ces ques
tionnaires sinon leur intérêt pour Tévec, l'incitation que nocs
29
y mettions et l'habitude prise depuis deux ans d'envoyer à chaque
secaine par la poste leurs reponses aux exercices scolaires ainsi
qu'à quelques questionnaires de recherche et d'information inseres
périodiquement dans la sequence des exercices. Le nombre des re-
pondants est ainsi différent dans les deux questionnaires. (1)
1er question- nombre de estime du nocbre % des ,
repon-naire répondants de ses possi-(15 fev. 1969) perseverants bles
1er question-naire 2,514 7,424 33% (15 fev. 1969)
2ième ques-tionnaire 1,758 6,828 25% (15 avril 69)
Si l'on excepte les informations qui nous serviront dans
le chapitre III, où nous n'avons exploité que le premier question-
naire, toutes les données de cette thèse reposent sur une popula-
tion unifiée, c'est-à-dire que nous avons retenu dans notre po-
pulation seulecent les individus qui avaient répondu, à deux mois
d'intervalle, à la fois aux deux questionnaires.
(1) La courbe des répo~5es aux exercices scolai~es, ainsi que celle des réponses aux questionnaires de recherche (:oins élevée que la preQière) ont suivi en général la courbe de la persé'léreLce.
30
3l
Nous donnerons d'abord les caractéristiques générales de
cette population unifiée et nous ferons ensuite brièvement quelques
comparaisons avec l'ensemble de la population inscrite.
Le total des répondants s'établit ainsi à 940 personnes,
dont 296 hommes (31.5%) et 644 femmes (68.5%). 69 individus ont
déclaré avoir moins de 24 ans (7.3%); 371 se sont situés entre
25 et 39 ans (39.4%), 406 entre 40 et 54 ans (43.2%) et 89 avaient
plus de 55 ans (9.5%). (1) Pour le niveau d'éducation, on retrouve
143 individus dans la catégorie des moins de 5 ans de scolarité
(15.2%), 589 se sont situés entre 6 et 8 années d'études (62.7%)
et 208 ont affirmé avoir 9 ans et plus de scolarité (22.1%).
TABLEAU I: comparaison entre les répondants et les inscrits selon
le sexe.
répondants inscrits
nombre % 1 1
Hommes 1 296 31.5 46% 1 1
Femmes 644 68.5% 54%
Total 940 100% 100% (11: 34. 532 )
(1) 5 individus n'ont pas pu être classés selon l'âge.
32
TABLEAU II: comparaison entre les répondants et les inscrits selon
l'âge.
répondants inscrits âge
% % nombre
15-24 69 7.3 16.3
25-39 371 39.4 45.3
40-54 406 43.2 32.1
55 et plus 89 9.5 6.3
non identi- 5 0.5 fiés
Total 940 100% 100% (N: 34,532)
TABLEAU III: comparaison entre les répondants et les inscrits
selon le degré de scolarisation.
répondants inscrits
nombre % %
5 ans et - 143 15.2 14
6 à 8 ans 589 62.7 61
9 ans et plu 208 22.1 25
Total 940 100% 100~ (Ii: 34,532 )
fn peut voir par ces trois tableaux que si l'on excepte la
répartition selon le niveau de scolaris' ion, il y a des différences
assez notables entre les deux populations, notamment en ce qui con
cerne la représentation par sexes et la proportion de certains grou
pes d'âge. S'il s'agissait d'établir un indice de persévérance à
propos de cette dernière clientèle, on pourrait être amené à dire
que les femmes sont plus persévérantes que les hommes et que les
personnes âgées de plus de 40 ans l'emportent sur les autres groupes
d'âge plus jeunes. Mais encore là, cet indice devrait être précisé
davantage, parce que nous ne savons pas quelle est la composition
de l'ensemble de la population persévéra~te au moment de la réponse
aux questionnaires et nous sommes, par conséquent, dans l'impossi
bilité de faire de cette population répondante un échantillon va
lable, même de façon purement indicative, de l'ensemble de la po
pulation persévérante. Ces répondants représentent une partie de
la population persévérante, plus intéressée à Tévec que les autres
et plus soucieuse d'exprimer son avis sur un ensemble de questions.
En somme une population dont la participation peut 'rraisemblable
ment être qualifiée de qualitativement supérieure à celle de l'en
semble des persévérants.
33
CHAPITRE III
Le statut de l'adulte
"Age-grading is one aspect of society that ve tend to take
for granted. A good deal of study has been devoted to tean-agers and
the aged, but adults betveen the ages of tventy and sixt y have been
given little attention." (1) Cette remarque de Lucas, corroborée par
plusieurs sociologues qui ont été frappés par cette lacune (2),
peut sans doute trouver plusieurs lignes d'explication. D'une part
le développement de la psychologie, à la suite de Freud, s'est con-
centré avec une telle force sur les premières années de la vie humai-
ne que le reste de l'existence a pu sembler presque dénué d'intérêt
en comparaison, d'autant plus que dans la pensée de beaucoup de psy-
chologues, ce sont les premières années de la vie qui sont décisives
(3), les âges subséquents ne faisant que déployer ce qui a été acquis
ou subi au début de l'existence. Une seconde raison vient du fait
que les âges de la vie adulte présentent tellement d'aspects et
(1)
(2)
Rex. A. Lucas, "Some Dimensions of Adults Status", La revue canadienne de sociologie et d'anthroDologie, vol. 3, no. 2, mai 1966, p. 84.
Cf. S.U. Eisenstadt, From Generation to Generation, Age Groups and Social Structure, London, Free Press of Glencoe, 1956; Free Press Paperback Edition, 1964, p. 15 et ssg.
Cf. entre autres Orville G. Brio Jr. et Stanton Wheeler, Socialization after Childhood, ~JO essays, Nev York, John _ile] & Sons,
7> 21 19.:. p. • D. B. Brovley, The ?sycholog; .. of Hu:::lan Agei~g, narJardsvorth, (England), 1966.
34
de complexité de situation que l'on a été entratné naturellement à
étudier les adultes d'une façon beaucoup plus sectorielle que globale.
L'adulte est en effet mêlé à de multiples aspects de la société et la
fragmentarisation des recherches s'impose d'elle-même. La situation
est assez parallèle dans ce cas avec l'étude des sociétés contempo-
raines comparée avec celle des sociétés dites primitives qui par
leur relative simplicité offrent un objet plus accessible à la com-
préhension et à l'étude que les autres.
Une troisième raison pourrait venir du fait que la société
dite technologique qui est la nôtre est souvent distinguée de la
société traditionnelle par le fait que les liens de parenté et la
structure des âges présentés comme caractéristiques de l'organisation
sociale de l~ société traditionnelle ont fait place à une complexité
plus grande parmi lesquelles la structure des occupations, l'organi-
sation bureaucratique et les classes sociales apparaissent comme des
réalités bea~coup plus déter~inantes que les groupes d'âges.(4)
Quoiqu'il en soit, il semble qu'actuellement en sciences
humaines, la structure des âges connaisse un certain regain d'ac-
tualité canifesté surtout par les études r.ombreuses qui ont paru
ces derniers temps sur la culture des jeunes et par les travaux de
gérontologie.
(4) C'est en particulier, a-tee q'~el~ues nuances, le t:oint de -rue adopté par ~UJ Rocher, ~s son Introduetior. è la sociolo5i~ générale, ':'·c:e 2, :"orga::isaÜon sociale, !'~ontréal, ::~itions fOOi, 1968, pp. 222-
35
Ces études obligent de façon de plus en plus impérieuse,
à notre avis, à aborder plus nettement les groupes d'âges qui donnent
un sens ou qui servent constamment de groupe de référence à la jeunesse
et à la vieillesse. Notre travail s'inscrit précisément dans cette
intention en abordant ce qu'avec Lucas nous considérons volontiers
comme le groupe d'âge le plus négligé en tant que tel dans cet ensem-
bl (b') e.
Dans la société contemporaine, les groupes d'âges aussi
diversifiés qu'autrefois ont peut-être perdu un peu de leur lm-
portance, mais il n'en est rien à notre sens de l'état d'adulte.
La population de 20 à 60 ans constitue l'assise la plus nette de
la vie sociale, et son importance est manifeste dans un grand nom-
bre de concepts clés de notre société. Des expressions comme popu-
lation active, taux d'activité, passées dans les moeurs statistiques,
révèlent et circonscrivent l'importance de l'état d'adulte pris glo-
balement.
Mreme si cette population se prête à de multiples sous-
divisions pertinentes suivant le sexe, l'occupation, la situation
matrimoniale, le champ d'activité, la scolarisation, la stratifi-
cation sociale, le milieu géographique, et m~e s'il est possible
de distinguer plusieurs groupes d'âges en son sein, elle n'en cons-
titue pas moins, à un niveau ~lobal, une entité qui existe en tant
(6) Il est a~ssi significatif de voir ~~s Varagnac, k~dré Civilisation traditionnelle et ge~e ~e -rie, Paris, ~~chel, 1948, que la catégorie d'âge "?ères et :ères de fa:ille" est celle qui est la coins développée.
36
que telle.
Le droit détermine d'abord un âge fixe d'entrée dans l'état
d'adulte qui consacre une nette division entre l'adulte et le non
adulte (l'enfant) même si l'âge déterminé pour ce passage varie avec
les sociétés. Ce fait social est patent et comporte non seulement
des conséquences légales importantes - ce qui ne nous intéresse pas
ici - mais des conséquences sociales, psychologiques, qui entraînent
des attentes, des privilèges, des devoirs, des normes extrêmement
agissantes dans la réalité. Mreme si l'on peut constater des fluc
tuations ou une évolution dans cet ordre, il n'en demeure pas moins
que le statut d'adulte a vraiment un contenu, une réalité Objective
et subjective que l'on doit examiner sérieusement.
Essayons de préciser davantage les limites de ce statut.
Dans la logique de ce qui précède, on peut diviser la population
en deux groupes. Ceux qui ont le statut d'adulte et ceux qui ne
l'ont pas. Ou si l'on veut, les jeunes et les adultes. A un nI
veau un peu plus différencié, on peut faire intervenir une division
tripartite; les jeunes, les adultes ~t les vieillards, c'est-à-dire,
ceux qui n'ont pas encore le statut d'adulte, ceux qui en jouissent
pleinement et ceux qui l'ayant eu pleinement, en conserlent certaines
caractéristiques, tout en en perdant d'autres. Pour les fins de ce
travail, nous ferons abstraction de cette dernière catégorie qui n'est
37
guère pertinente à une étude mettant en cause l'enseignement.
Il est fréquent, dans des approches de ce genre, d'ajouter
une troisième catégorie: celle de l'adolescence qui occupe une posi-
tion intermédiaire entre les deux autres. Dans cette perspective, on
pourrait parler des enfants, des adolescents et des adultes, c'est-à-
dire, de ceux qui n'ont pas du tout le statut d'adulte, de ceux qui
sont en voie de l'acquérir, et de ceux qui l'ont pleinement. L'ado-
lescence constitue un problème particulièrement intéressant et dont
l'ampleur est considérable de nos jours. Cependant, pour les fins
de ce travail, nous avons choisi de ne pas nous en occuper spécifique-
ment, pour ne garder en réalité que les deux catégories jeunes et
adultes, en intégrant les adolescents à la catégorie jeunes. (6) Ajou-
tons que le problème de la délimitation des frontières entre jeunes et
(6) Nous suivons en particulier la position de Zygmunt Bauman, qui écrit: "Lorsque la jeunesse n'a plus de fonction sociale particulière, il n'existe que deux moyens de combler l'intervalle entre la période de l'enfance et la période de la vie adulte, soit retrancher la fin de la precière, soit avancer le début de l'autre. Les renseignements dont nous disposons sur tous les pays industriels montrent que de ces ceux palliatifs thé0riquement possibles, c'est le precier qui a été adopté de préférence, celui qui tend à prolonger jusqu'à un âge de plus en plus tardif le rôle social traditionnelle=ent associé à l'enfance. Cela signifie que des groupes d'ages de plus en plus nacbreux sont libérés des devoirs précis que les adultes doivent assucer ( ••• ) En résuœé, les jeunes demeurent plus longtemps des "enfants" au sens socio-culturel du terme. Zygmunt Bauman, "Quelques problè=es de l'éducation contecporaine" in Re'rue interr.ationale des sciences sociales, vol. 7JX (1967), co 3, pp. 357. Cf. aussi Robert R. Bell qui montre bien que le dêvelopp~ect d'une sous-culture de la jeunesse est précisément un in1ice de la non-intégration sociale de l'adolescent à l'état d'adulte, in "The Soclo10gy of Education, The adolescent Subculture, p. 106-109. Cf. aussi Linton, Ralph, Age and Sex Cate~ories, AS?, 1942 (1), p. 601, EiseÏDstadt, page l6ù.
38
adultes, très délicate à fixer, ne nous a pas non plus préoccupé.
Il nous a semblé suffisant de poser l'existence des deux status so-
ciaux fondam~~~aux comme deux pôles réels et mutuellement exclusifs,
l'adulte se définissant comme celui qui n'est plus un enfant, et ré-
ciproquement l'enfant, celui qui n'est pas un adulte. C'est donc
dire que ces deux status sont inséparables l'un de l'autre, le premier
faisant nécessairement référence au second et vice versa.
On voit facilement par les quelques remarques qui précè-
dent que "l'âge adulte" qui nous intéresse ici n'est pas tant l'âge
chronologique, (de quel âge à quel âge), l'âge psychologique, qui
tiendrait compte de la maturité réelle de l'individu, mais d'abord
de l'âge social, c'est-à-dire, du statut et des rôles assignés aux
individus pour cette partie de leur vie humaine. (6a)
Lorsque nous parlons du statut de l'adulte, nous renvoyons
à la position reconnue dans la société à cette catégorie d'individus
(7) que l'on nomme adultes et qui doivent de ce fait rencontrer les
attentes et les modèles nor:atifs attachés à cette position reconnue
socialement.
llotre étude ne se situe donc pas au niveau de statut, que
nous considérons cocme évident, ni non plus au niveau du rôle "géné-
(6a) Cf. Définition de groupe d'âge donnée par Radcliffe Br ove "the recognized di·.rision of' the life on the individual as he passes troc infancl to old age" cité dans Eisenstadt, OD. cit. page 325.
Cf. Bruce J. Biddle and Ed..nn T'hol:t2.S ed., Role Theo~ ConceDts and Research, rr~. York, JoCn Ailey and Sons Inc., 19v6, Part III Positions, p. 65 ssg.
39
ral" lui-même, c'est-à-dire, de la performance des individus que nous
observerions pour dégager les grandes caractéristiques des conduites;
elle se situ~ précisément au niveau des modèles (patterns) qui règlent
les conduites, qui fixent leur orientation et qui définissent les at
tentes générales des individus vis-à-vis les adultes en tant que tel.
C'est ce que Eisenstadt appelle le domaine des "general, basic role
dispositions into vhich more specific roles may be built". (8)
Maintenant mieux située la perspective théorique de ce chapi
tre, nous ferons un bref rappel des quelques indications données par
les auteurs sur ces modèles généraux à la base du rôle de l'adulte,
pour ensuite donner les résultats de nos recherches sur ce point.
Le contenu du statut de l'adulte
Lorsqu'il s'agit de caractériser l'adulte en t~~t que tel
dans son rôle social, on relève dans la littérature sociologique quel
ques indications qui jettent un début de luaière sur le contenu du
statut d'adulte.
Mentionnons d'abord S.N. Eisenstadt qui, dans ?rom Generation
to Generation affi~e que "one of the main criteria of adulthood is
defined as legitimate sexual maturity i.e. the right to establish a
racill and not merely the right to sexual intercourse". (9)
(8) Eisenstadt, op. cit. p. 22
(9) Eisecstadt, Fra: Ge~eratior. te Generatio~, 1956, p. 30
40
Cette idee est aussi reprise par Harry M. Johnson qui affir-
me: "in our society the goal of adulthood is considered to be attained
vhen a person can support himself or herself entirely independently of
the parental family. Full adulthood also implies the ability to form
a family of one's ovn". (la)
Pour sa part, Parsons, au cours de ses travaux a fourni
quelques indications precieuses. Dans le numero de l'American Socio-
logical Reviev consacre plus specifiquement à la structure des âges,
Parsons mentionnait la quasi obligation pOl,U' l'adulte masculin qui
veut mériter son propre respect et celui des autres de "gagner sa vie
dans une occupation reconnue". (11)
Enfin, reprenant plus tard certaines indications données
déjà dans cet article (12), Parsons notait que "the primarJ key-notes
to the adult occupational role, so far as these can be generalized
(10) S.A. Harry M. Johnson, "Socialization" reproduced in Robert. R. Bell, The Sociology of Education, Hocevood, The Dorsey Press Inc., 1962, p. 105.
(11) Talcot Parsons, "Age and Sex", ASR, 1942 (7) p. 608 Cf. aussi Eugene Friedman, "Changing value Orientations in Adult Life", in Hobert W. Burns, Sociologicsl Backgrounds of Adult Education, Chicago, 1964 qui écrit.: "the basic careers of york and faoily vhich traditionally defined the role of the adul-t--in our society" p. 58.
(12) id. p. 613 nit carries vith it to be sure the pr~J prestige of achieve:ent, resconsability and authority".
41
relative to the immense differentiated variet], are besides the commit-
ment to achiev~ent as such, independence, responsibility and compe-
tence". (13) Dans la même veine, Robin Williams mentionne "the res-
ponsibility and autonomy attributed to the mature adult (status)" (14).
Ces responsabilités découlent de l'indépendance économique de l'adulte,
selon Mayhev, qui le définit ainsi: "an economic unit, independent by
virtue of his productive labour and responsible for the control of his
society because he contributes a portion of his labour, in the form
of taxes, tovards the maintenance of that society". (15 r Cette inter-
prétation économique du statut de l'adulte est aussi formulée plus
clairement en termes de production. Ce qui serait caractéristique
de l'adulte.serait le fait qu'il est un producteur et non seulement
un consommateur (16), en somme qu'il donne à la société et ne se
contente pas de recevoir.
(13) Talcot Parson, Social Structure and Personality, nev York, 1964 . p. 218.
(l4) Robin Williams Jr., ~erican Society, Nev York, Alfred r_~opf, 2n ed. 1960, p. 78.
(15) Mayhew, L.B., "Changing the Balance of Pover", Saturday Reviev, (August 14, 1968), pp. 48-49.
(16) Opinion rapportée par Burbidge, op. cit. p. 82-83.
42
De la littérat~e consacrée à la culture des jeunes, où
nous nous attendions à trOU'ler des informations précieuses, nous n'a-
vons retenu que cette remarque de Hollingshead qui confirme les no-
tations de Parsons en faisant allusion au monde indéDendant de l'adul-
te (17).
Le point de vue des auteurs qui étudient la culture des
jeunes est en effet fondamentalement différent de celui qui nous oc-
cupe ici et qui concernerait plutôt - encore qu'indirectement - l'é'lo-
lution du rôle d'adulte ou les conflits entre les prescriptions et les
performances. Il est quand même curieux de 'loir combien cette litté-
rature se réfère au concept d'adulte, sans chercher à le définir.
Dans la ligne où nous nous sommes placés ici, l'auteur qui
nous semble aVOlr été le plus loin est à notre connaissance Rex A.
Lucas (18). Celui-ci a mis en lumière dix dimensions du statut de
l'adulte en étudiant un groupe de fetmles adultes engagées dans un
cours de recyclage. Ces dimensions sont induites des comportements
qu'il a pu observe~ chez des fe~es qui se sont ~ises en situation
d'enseignement. Ces dimensions correspondent pour elles à des
attentes, à des zones de légitimité que la situation d'enseignement
a plus ou moins ~ecacées. En tentant de généraliser à p~tir de ces
observatior.s, Lucas croit légitime d'affirmer, indépenra~ent de
(17) Hollingshead, ~ugust B., Elmto.T.'s !outh, Wiley, 1949, p. 149
(18) Rex A. Lucas, "Sœ:e Duensions of Adult Status", La Revue canadienne de sociologie et ~'anthronologie, 701. 3, no 2, ~i 1966, p. 84-97.
43
la différenciation des sexes et des classes sociales, qu'un adulte
normal
1 - opère à l'intérieur d'une aire de compétence
2 - maintient autour de lui une zone privée assez large (privacy)
dans laquelle il se suffit à lui-même
3 - valorise d'abord ce qui est pratique
4 - a une connaissance pratique des prescriptions de son rô!e; il
sait par expérience ce qu'il peut et doit faire, jusqu'où il
peut aller etc .••
5 - est habitué à une certaine activité où les temps de concentration
sont relativement brefs
6 - occupe des positions de responsabilités où il a à prendre une
foule de décisions par lui-même
7 - est habitué à ce qu'on tienne compte de sa personnalité et de
ses particularités propres
8 - occupe des positions où il exerce de l'autorité
9 - exerce son activité dans des situations qui minimisent la cri
tique publique
10 - exerce la cajeure partie de ses activités ~~s un climat non
compétitif. (19)
Ces quelques résultats de l'étude de Lucas sont précieux
parce qu'ils confirment, en les spécifiant sur plusieurs dicensions,
les re:arques fcndaoentales de Parsor~.
(19) Rex A. Lucas, op. Clt. p. 86-91
44
En nous inspirant sommairement des affirmations de Parsons
et des observRtions de Lucas, nous avons tenté dans notre étude d'un
groupe de participants à Tévec, de prolonger ces premières explora
tions, en interrogeant ces adultes sur la perception qu'ils avaient
de leur statut d'adulte. Notre méthode diffère de celle de Lucas
en ce que nous avons utilisé des questions fermées auxquelles on a
répondu à distance; cependant la situation se rapproche de la sienne
en ce que ces adultes étaient eux aussi en situation de recyclage sco
laire, même s'il ne s'agit pas d'une situation scolaire aussi enve
loppante que celle de cours à plein temps donnés dans une école.
Nous avons construit le questionnaire de la façon suivante:
nous avons choisi les dimensions du statut de l'adulte qui nous sont
apparues les plus pertinentes et nous avons demandé à chaque adulte
de qualifier chacune de ces dimensions selon l'importance plus ou
moins grande qu'il lui attribuait pour définir sa condition d'adulte.
Rous avons fait l'hypothèse qu'une dimension jugée importante repré
sentait un trait caractéristique du statut d'adulte, alors qu'une di
mension jugée peu importante indiquait le contraire. Cet ensemble
de dimensions pe~ettait de dégager un certain profil de la percep
tion que l'adulte se fait de lui-même, que nous pouvions contrôler
suivant le sexe, l'âge et la scolarité.
Voici les dimensions que nous avons privilégiées:
1 - Le travail, c'est-à-dire, l'activité professionnelle assurant le
gagne-pain. lious avons inclus dans cette dimension le travail
qu'accomplit la femme à la maison et qui, pour nous, représente
l'équivalent d'une activité professionnelle, même si elle n'est
pas rémunérée.
2 - L'expérience pratiaue de la vie. Cette expression exprime à la
fois le côté pratique de l'adulte mis en lumière par Lucas, la
maturité du comportement et ce que Parsons appelle l'''achievement''
en opposition avec une vision idéaliste, théorique ou nafve de la
réalité qui serait davantage une caractéristique de la jeunesse.
Elle peut comprendre aussi l'idée d'une compétence générale, celle
de quelqu'un qui connaît les règles et les rouages de la vie.
3 - Le fait d'avoir des resnonsabilités. Cette dimension recouvre
assez bien les dimensions signalées par Parsons et Lucas.
4 - La zone de 'lie orivée aui l'entoure, il s'agit ici précisément
de ce que Lucas appelle "privacylt.
5 - L'indéoendance: c'est-à-dire, le fait d'exercer une substan
tielle partie de son activité s~~s devoir rendre de compte à
d'autres.
Résultats
Pour l'enseoole des répondants, voici le pourcentage des
46
adultes q,ui ont jugé ces dÏ!:lensioDS importantes ou très importantes
(20) .
% Rang
1- Travail 50.4 4
2- Expérience pratique de la vie 78.3 1
3- Responsabilite 64.2 2
4- Vie privee 52.2 3
5- Indépendance 26.8 5
Il est significatif de voir que la dernière dimensions re-
cueille un pourcentage peu élevé des adultes interrogés. Elle semble,
toute proportion gardée, peu importante par rapport aux autres dimen-
s10ns. Il est aussi intéressant de constater que le travail bien
qu'important, ne vient pas en premier. Cette constatation est assez
révélatrice et montre que l'équation souvent faite entre adulte et
travail n'est peut-être pas aussi décisive qu'on le croyait.
Examinons ~ain~enant l'impor~ance de chacune de ces dimen-
sions suivant les sous-groupes de notre population.
A) Le tra'lall: il occupe la quatrième place en Ïl:lportance tant chez
(20) Le coabre de perso~es ~ui ont répocdu à ces questions est de 2,505 et la non réponse 'la de 3.6 à 7.9 suivant les questions. Celle-ci est iz::cluse dans le calcul des pourcentages.
les hommes que chez les femmes. Seuls les plus de 55 ans et les
peu scolarisés le valorisent plus que ;~ vie privée. Cependant,
les hommes le considèrent plus important que ne le font les fem
mes alors que les moins âgés (15 à 24 ans) et les plus scolarisés
(plus d'une 9ième) lui attribuent moins d'importance que les
autres classes d'âge ou les moins scolarisés.
Ces constatations s'expliquent sans doute par le fait que
les hommes sont plus identifiés au travail, au gagne-pain que
les femmes; quant aux jeunes adultes ou aux plus scolarisés, la
proximité de leur temps scolaire ou leur exposition plus grande
à celui-ci peuvent les avoir amenés, pour des raisons différentes,
à moins sentir la norme travail comme identifiée à l'adulte. Il
faut cependant faire remarquer que ces différences quant à l'im
portance attribuée au fait de travailler ne sont pas d'un ordre
de grandeur considérable. Ces variations ne dépassent guère 5%.
B) L'excérience nratiaue de la vie: cette dimension est de loin
celle qui a recueilli le plus de suffrage dans tous les sous
groupes exacinés. C'est celle qui est apparue COCI:!e la plus
représentative de l'adulte. Fait intéressant à signaler, son
importance augmente avec l'âge des répondants, allant de 74.2
pour les 15 - 24 ans à 83.9 pour les plus de 55 ans. La façon
dont la question était posée ne nous per:et é.ide=:ent pas de
savoir quelles représentations les répondants se sont faites
48
de cette "expérience pratique de la vie" qu'ils ont reconnue
comme un trait caractéristique de l'ét::-!; d'adulte, mais l'im
portance croissante de cette dimension avec l'âge des répondants
peut indiquer que pour cette dimension spécifique, la pratique
du rôle influe davantage sur la perception du statut.
C} Les resDonsabilités
Cette dimension insiste sur les obligations et les devoirs
de l'état d'adulte. Elle vient au second rang, immédiatement après
l'expérience, chez l'ensemble des répondants et aussi dans tous
les sous-groupes. Hommes et femmes, plus scolarisés et moins sco
larisés ont un jugement identique. Notons une légère tendance
des jeunes adultes à valoriser davantage cette dimension, si on
les compare aux adultes plus vieux. Il s'agit probablement là
d'une réalité du monde adulte qui frappe davantage ceux qui vien
nent d'y entrer ou qui sont à la veille de prendre des responsa
bilités sociales assignées à l'adulte (mariage, soutien de fa
mille, arrivée des enfants, etc ••• )
D) Vie Drivée
Cette ~ension, sur laquelle avait insisté Lucas, était à
notre sens, celle qu'un questionnaire comee le nôtre pouvait le
plus difficilement atteindre, parce qu'elle est :oins fréquecment
présentée et qu'elle fait appel, cac:e dans l'étude de Lucas, à
une réflexion plus approfondie de l'état d'adulte. Il est d'autant
plus significatif que plus de la moiti~ des répondants l'ait jugé
importante autant et plus que le travail.
Dans ses commentaires, Lucas croyait légitime d'extrapoler
cette dimension à l'ensemble des adultes, même s~ ses données
lui venaient d'un groupe exclusivement féminin et qu'il avait
décelé dans cette dimension des normes plus particulières à la
classe moyenne (21). Nos propres résultats confirment cette
attitude de Lucas. En effet, les répondants masculins ont des
pourcentages même légèrement supérieurs aux femmes, dans leur
jugement sur l'importance de cette dimension. En regardant,
par ailleurs, l'occupation des répondants, nous n'avons pu
trouver rien de vraiment significatif par rapport à la classe
sociale, malS une diversité assez curieuse qui mériterait d'être
explorée plus à fond. Dans les occupations que l'on pourrait
qualifier de représentatives de la classe moyenne, au sens où
l'entend Lucas (22), les eI:lployés de bureau, administrateurs', a-
vaient un pourcentage de 49.5 alors que les travailleurs quali
fiés totalisaient 55%. Par contre, dans les occupations tra-
ditionnellement assignées aux classes inférieures, les travail-
leurs non qualifiés totalisaient 55% alors que les agriculteurs
n'obtenaient que 44~.
(21)
(22 )
Cf. Lucas, page 87 et 93
Lucas 0 " c_;~. p. 84 , ~. -
50
Par contre, nous avons trouvé que l'importance donnée à
cette dimension diminuait graduellem~nt avec l'âge, passant de
58% chez les moins de 24 ans à 46.8% chez les pl~ de 55 ans.
Peut-être pourrait-on faire ici l'hypothèse que pour l'ensemble
des répondants, cette zone de vie privée autour de leur activité
n'a pas tellement été perçue dans sa signification profonde en
regard du statut de l'enfant, mais a été plutôt comprise en réfé
rence avec le monde de l'adolescence qui a son monde à lui et que
les adultes plus jeunes considèrent davantage comme une càracté
ristique du monde adulte que leur aînés?
E) L'indépendance:
Il nous apparaît assez significatif que cette dernière ca
tégorie ait été jugée peu importante par l'ensemble des répondants.
En effet, cette dernière dimension vient loin en arrière des au
tres avec seulement 26.8%. L'e~en des réponses des sous-groupes
ne change rien à ce fait capital qui demeure. Il faudrait sans
doute qualifier dav~~tage ce qu'on entend par inà~pendance, si
l'on voulait tenter de réconcilier ces résultats avec les posi
tions de Parsons et Lucas. De toute façon, une indépendance, con
sidérée comee ~~e sorte d'autonomie plus ou moins grande dans la
vie, - c'était le contenu que nous avions donné à cette question
n'apparaît pas du tout, aux yeux des répondants, caractéristi~ue
de l'adulte. Au contraire, l'adulte app~aîtrait plutôt c~e
très dépen~t de toutes sortes de choses, peut-être :êce pl~
dépendant que la jeunesse? Ce serait au :oins une hypothèse
51
intéressante à vérifier, tout à fait concordante par exemple avec
les études de Keniston sur la jeunesse américaine et sur son refus
d'entrer dans l'état d'adulte. (23)
(23) Cf. Kenneth Keniston, ~r.e Uncc~itted, A Delta Book, 1960 "the refusal c~ adulthocd~ pp. 196 55.
52
CHAPITRE IV
La situation d'enseignement resnecte-t-elle l'adulte?
Après avoir tenté de donner un aperçu sommaire du contenu
du statut d'adulte, tel que perçu par les répondants, nous allons
étudier maintenant les relations que nous avons postulées entre le
statut d'adulte et la oarticipation à l'éducation. Nous avons en
effet posé comme hypothèse que la perception qu'un adulte avait de
son propre statut d'adulte pouvait au moins partiellement rendre
compte de sa participation à l'enseignement. Si l'adulte perçoit
une forte dissonance entre les normes qui définissent son statut et
une situation d'enseignement, il aura tendance à ne pas participer
à celui-ci et s'il y participe, il sera davantage enclin à abandonner
son cours ou à y participer moins intensément. Cette dissonance
peut venir, soit de la façon dont il perçoit la situation d'appren
tissage dans laquelle il est engagé, soit de la façon dont il per
çoit son statut, soit évidemment des deux. Dans ce chapitre, c'est
la première partie de l'alternative que nous examinerons, c'est-à
dire la perception générale qu'il a de l'adaptation de la situation
d'apprentissage da.r.s laquelle il s'est engagé à son état d'adulte.
Ou en d'autres te~es, dans quelle :esure le répondant ad~te juge
t-il que le cours de T~·lec:s.u' il suit et la situation sociale que
53
ce fait crée chez-lui respectent son statut général d'adulte? (1)
(1) Allan Thomas a sur ce point proposé une intéressante distinction entre le rôle d'étudiant (studentship) et le rôle de membre (membership) qui est assez voisine de notre perspective. En effet pour lui "the student role is the formal institutionalized conventional role created by organized education". (p. 67) Ce rôle est caractérisé par un état de dépendance générale, quelque soit l'âge, et place l'étudiant dans un état d'individu par rapport à l'institution et les autres étudiants avec lesquels il est en compétition sur le plan du savoir; il implique un état d'isolation de l'action et de la prise de décision tant qu'il persiste. Le rôle de membre par contre, trouve sa place lorsque des adultes s'associent pour poursuivre un but commun. Ce rôle s'applique à l'éducation lorsque le gro~pe décide, pour atteindre le but au'il s'est fixé, d'acquérir ou de se donner des connaissances ou habiletés dont il sent le besoin. En conséquence, "the member is neither dependant upon institutional authority nor particularly selfconscious about the engagement in learning ( ••• ); the need for learning emerges from action and is part of it, however interesting the periods of teaching and experimentation in learning may be. The physical venue of this experience is ~ost alvays the learner's familiar action-bo~~d setting - the union hall, the conference room, the cc~unity centre - and the teacher ccmes to him rather !han he to the teacher". (p. 70-71) Interprétée dans cette perspective, notre question reviendrait plus ou moins à nous demander si la situation d'enseignement de Tévec est vécue par l'adulte dans le rôle d'étudiant ou dans le rôle de membre, les caractéristiques des cours de Tévec présentant une rupture certaine, bien que relative, avec la situation traditionnelle de l'étudiant. --Thomas, Allan H., "Studentship and ~!el:lbership, a Study of Roles in Learning", Journal of Educational thought, August 1967, vol. 1 no 2.
Reformulée de façon plus complète, notre hypothèse es~ celle
ci: la participation à Tévec sera propc-~ionnelle au jugement favo
rable que l'adulte posera sur l'adaptation à son statut d'adulte de
la situation d'enseignecent créée par Tévec.
Définitions onératoires
Pour rendre opératoire cette hypothèse, il fallait définir
plus précisément les deux variables en présence: la particiDation et
le jugement de l'adulte sur l'adaptation de la situation d'enseigne
ment à son statut d'adulte.
La participation
La façon la plus simple de définir la participation pour
rendre pleinement justice à l'hypothèse aurait été d'utiliser les
trois catégories de participation dont nous avons fait état anté
rieurement, soit les non participants, les gens qui ont abandon
né et les persévérants. Nous aurions eu ainsi trois degrés de
participa~ion nettecent continus et parfait~ent clairs: parti
cipation nulle, participation coyenne, participation forte, c'est
à-dire, dans le cas qui nous occupe, les gens qui ont refusé de
s'inscrire, ceux qui l'ont ~ait et ont suivi Tévec pendant un cer
tain te=ps avant d'abandor~er et ceux qui ont suivi T~vec jusqu'à
la fin de la deuxiè:e étape.
55
Etant donné le matériel que nous avons utilisé, nous n'avions
aucun renseignement sur les deux premier~ degrés de participation.
Ceux qui ont en effet répondu à notre questionnaire étaient tous
persévérants à l'époque, donc de la troisième catégorie (2). Il
fallait donc de toute évidence trouver une façon de ventiler cette
catégorie par degrés de participation. Nous avons donc dégagé pour
cette catégorie de participants un indice d'intensité dans la par-
ticipation. En effet, Tévec, comme nous l'avons vu, conportait une
certaine variété de moyer.s mis à la disposition des gens pour attein-
dre l'objectif du cours et nous disposions de renseignements addi-
tionnels sur les comportements des étudiants face à ces moyens. En
combinant trois indicateurs, le premier concernant la fréquentation
du Centre de revision, le second, le nombre d'heures de travail per-
sonnel en dehors des émissions, le troisième, relatif au fait d'en-
trer en relations avec d'autres personnes pour discuter des diffi-
cultés du cours, il était possible d'arriver à établir un indice
de l'intensité de la participation des adultes à Tévec, étant donné
que chacune des questions prlses comme indicateur comportait cinq
degrés dans les réponses. :ious sow:es ainsi arrivés à un indice
de participation allant de 0 à 12 que nous avons divisé en trois
groupes distincts: 1) les persévérants à faible participation (0-4),
2) les persévérants à participation coyenne (5-7), les persévé-
(2) Ajoutons que :es persévérants peuvent ~ê=e être considérés coc:e assidus par le seul fait qu'ils ont répondu à ce questionnaire. Cf. chapitre II.
56
rants à participation forte (8-12). (3)
Cet indice a permis de discrimine~ les répondants de la
façon suivante:
TABLEAU I: Distribution des réoondants suivant l'intensité de
leur oarticipation.
nanbre %
~articipation faible 0-4 481 51.17
lParticipation moyenne 289 30.74 5-7
~articipation forte 8-12 170 18.08
rrotal 940 100%
L'adaotation de la situation d'enseignement au statut de l'adulte
lIous avons expliqué dans le chapitre II les caractéristiques
du projet Tévec qui offrait aux adultes inscrits une situation pé-
dagogique assez particulière. C'est' en effet à partir de~ leçons
(3) Voir à l's""exe l les questions et leur pondération pour la fabrication de cet indice.
57
tirees d'expérience antérieures au Québec et dans d'autres pays,
que les organisateurs du projet avaient tenté de structurer la
situation d'enseignement d'une façon qui puisse être mieux adaptée
aux adultes que ce qu'on avait pu leur offrir jusque-là. Un bon
nombre de ces caracteristi~ues de l'organisation de Tévec pouvaient
ainsi servir d'indicateurs pour verifier jusqu'à quel point les
adultes avaien~ perçu en elles des tentatives d'adaptation de la
situation d'enseignement à leur condition presente d'adulte.
Dans notre questionnaire, nous avons ainsi demandé aux ré
pondants leur appréciation de sept de ces caractéristiques propres
à Tévec, suivant une échelle graduée à cinq positions. Les élé
ments que nous avons retenus sont les suivants:
1- le fait de pouvoir suivre les cours chez-soi,
2- le fait de pouvoir les suivre seul et non dans une classe,
3- le fait de pouvoir se faire aider au moment où chacun en sentait
le besoin,
4- le fait de pouvoir en même temps que les cours, remplir ses
obligations à la maison ou au travail,
5- l'insistance de Tévec à rapprocher l'enseignement des réalités
de la vie de l'adulte,
6- la preoccupation de Tévec de decander l'avis des gens sur les
cours,
7- le fait d'avoir choisi un :édiuo coc:e la télévision pour donner
les cours.
58
Les réponses à chacune de ces questions ont été pondérées
de 0 à 4, suivant le degré d'appréciation positive des répondants,
à partir du 0 qui indiquait que cette caractéristique était sans
importance pour le ré.pondant. En additionnant ensui te ces scores,
nous avons ainsi obtenu un indï"ce global représentant le jugement
des adultes sur l'adaptation de Tévec à leur statut d'adulte va-
riant de 0 à 28. (4)
Cet indice, regroupé ici en quatre catégo~ies nous a donné
la distribution suivante:
TABLEAU II: Distribution des rénondants suivant leur annréciation
de l'évolution de la situation d'enseignement.
Jugement des répondants scores nombre
Adaptation jugée sans importance o à 7 1 0.10
Adaptation appréciée un peu 8 à 14 29 3.08
Adaptation bien appréciée 15 à 21 193 20.53
Adaptation app~éciée énormé~ent 22 à 28 717 76.27
Total 940 100%
X': 23.9
(4) On trouvera à l'annexe 2 les questions et leur pondération pour ce deuxième indice.
59
Les hyPothèses secondaires
A l'intérieur de notre première hypothèse, nous avons aussi
fait trois hypothèses secondaires suivant certaines catégories de
répondants.
Rappelons d'abord l'hypothèse générale: plus un adulte ex-
primera une appréciation positive des éléments organisationnels de
Tévec qui visent directement le respect de son statut d'adulte, plus
sa participation à Tévec sera intense.
Du côté de la division des répondants par sexe, nous avons
prédit que la participation des hommes serait plus influencée par
cette appréciation positive de Tévec que celle des femmes.
Cette sous-hypothèse vient du fait que les femmes de ces
régions sont plus scolarisées que les hocmes et que l'éducation
primaire est habituellement à dominance nettement féminine (5),
constatation que nous avons pu ~ous-mê~es vérifier pour cette
(5) Cf. Robert Eell, The Sociology of Education, Hocevood, The Darsey Press, 1962, Part ~l The Teacher, "The majority of all teachers ,are 'Jo:nen, and this is particularly true in ele:::entary education ( ••• ) 7ne youngster in the ele~enta~J grades sees only a fe'" ad~t :ales and this :neans that most of the informa! ad~t role ~ehavior available to hi~ is cocing frcm 'JO!:1en", p. 310.
•
60
population précise dans d'autres questionnaires (6). Il était vrai-
semblable de penser dans ces conditions que les femmes se séntiraient
moins dépaysées que les hommes à revenir à l'enseignement et que
dans ces circonstances les hommes auraient plus tendance à être sen-
sibles aux adaptations faites par Tévec pour respecter leur statut
actuel.
En ce qui concerne les âges, nous avons prédit que l'influen-
ce de cette appréciation positive de Tévec s'exercerait sur la par-
ticipation des adultes proportionnellement avec l'âge des répondants.
Cette deuxième sous-hypothèse s'appuie sur l'idée qu'à mesure que
l'âge augmente les adultes ont plus de chance d'avoir intériorisé
les aspects normatifs de leur statut d'adulte, qu'ils ont acquis
plus d'habitude dans leur rôle d'adulte et en même temps qu'ils
ont plus de chance d'avoir intériorisé le rôle de l'adulte tel qu'il
se définissait autrefois à une époque ou le conflit entre le statut
d'adulte et la situation d'enseignement pouvait être perçu comme
plus grand. En conséquence, les plus âgés auraient plus tendance
à attribuer de l'importance aux caractéristiques de la situation
d'enseign~ent imaginées par Tévec pour tenir compte de l'image
qu'ils se faisaient d'eux~êces.
(6) C'est un fait que dans la région du Saguenay Lac St-Jean, l'enseigne~ent à l'école pricaire était habituellement dispensé par des institutrices. Les répondants ont d'ailleurs identifié leurs professeurs co:ce étant en :ajorité des fe:ces dans une proportion de 8o~. Cela vaut pour les fe:=es (90%) CAlS aussi pour les ho~es (64%). Cf. Tévec, Bulletin de recherche, no 23, mai 1968 (texte ~éographié)
61
Enfin, pour ce qui est du degré de scolarisation, nous
avons prédit que la participation des moins scolarisés serait davan
tage influencée par cette appréciation positive que celle des plus
.scolarisés. Cette troisième sous-hypothèse s'appuie sur les consta
tations faites par plusieurs recherches (7) qui ont montré que les
clients les plus habituels de l'éducation des adultes étaient des
gens déjà assez fortement scolarisés, alors que les gens peu sco
larisés participaient relativement beaucoup moins.
Au fond, les femmes, les moins âgées et les plus scolarisés
sont tous placés dans une situation où la familiarité avec la si
tuation d'enseignement est plus forte, où la participation rencon
trerait donc norcalement moins d'obstacles, et où par conséquent,
les caractéristiques de l'organisation de Tévec en fonction des
adultes devraient avoir moins d'importance, alors que le contraire
serait vrai pour les hommes, les plus âgés et les moins scolarisés.
Les résultats
Les résultats donnés dans le tableau III présentent des
caractéristiques intéress~~tes. On peut voir globalement que les
adultes persévérants ont beaucoup apprécié les éléments de Tévec
qui manifestaient un respect de leur statut d'adulte. En effet, le
score moyen de l'ensemble s'établit à 23.9. Ce fait est tellement
(7) Hota=oent Johnstone et 2ivera, Vol~~teers for learning.
62
63
Tableau III
Distribution des répondants selon les deux indices
~ participa- Participa- Participa-
Indice tion faible tion moyen- tien forte Total d'adaptation ne de Tévec à ltadulte 0-4 5-7 8-12
Adaptation jugée sans importance a a 1 1 0-7
Adaptation appréciée un peu 8-14 19 6 4 29
Adaptation bien appréciée 15 à 21. 106 58 29 193
-Adaptation appréciée .. enor-mément 356 225 136 717 22-28
Total 481 289 170 940
X 23.5 24.2 24.4 23.9
général qu'il admet à peine une légère progression au plan du score
moyen, si l'on fait intervenir l'indice de participation. Cette
progression n'est cependant pas statistiquement significative (8).
Au plan des sous-hypothèses, la seule qui se vérifie dans le
sens indiqué est celle portant sur le comporteoent des sexes. Alors
que le test n'a pas révélé que la relation était significative du
côté des femmes, il y a pour les hommes une relation significative
entre l'adaptation de Tévec à l'adulte et sa participation (9).
Du côté des âges, ce n'est que pour un seul groupe d'âge
qu'une relation s'est avérée sigr.ificative (10), les gens de 25 à
39 ans (hommes et femmes), alors que pour les moir.s de 25 ans, les
répondants de 40 à 54 ans et les plus vieux que 55 ans, aucune re-
lation significative n'est apparue.
Pour ce qui est du degré de scolarisation, le test de l'ana-
lyse de variance a fourni des résultats allant plutôt à l'inverse
de nos prédictions. La relation postulée n'est significative que
(8) Nous avons appliqué à ces s~ores le test F de l'analyse de variance qui s'est révélé non signi~icatif (p ~ .05) et insuffisant pour rejeter l'hypothèse nulle qui statuait que l'adaptation de Tévec à la situation de l'adulte n'aurait pas d'effet sur la participation.
(9) Avec p ~ .05, on trouvera à l'~~exe 3, les tableaux selon le sexe, l'âge et la scolarité.
(10) Avec p. ~ .05
64
pour les adultes ayant neuf ans de scol~ité et plus (11), alors ~ue
pour les gens de moins de 5 ans et ceux qui avaient entre 6 et 8
années de scolarisation, aucune relation ne s'est révélée signifi
cative.
Ces résultats ne sont pas sans poser quelques problèmes
d'interprétation. Rappelons cependant que l'indice de participation
que nous avons élaboré ne concerne en fait qu'une participation
intensive pour des gens que l'on doit reconnaître, au sens où la
plupart des études antérieures les ont définis, comme des partici
pants. Les conclusions auxquelles nous arrivons ne permettent cer
tainement pas de généraliser au niveau de tous les adultes et en
ce sens, notre hypothèse de base reste encore à tester. Ce que
nous révèlent cependant les chiffres donnés plus haut c'est que
la vâriable d'adaptation de l'enseignement à l'adulte n'exerce
pas une influence très considérable sur des adultes qui ont choisi
de participer et qui ont pris à coeur une situation d'enseignement.
Une fois des adultes décidés et plongés depuis longtemps dans une
situation d'enseigne~ent, cette variable ne joue pas telle~ent
pour influencer une participation plus intensive.
Il reste cependant que les ho:mes de~eurent influencés
dans une certaine ~esure dans leur acti7ité pédagogique par cette
(11) Avec p ~ .C5
65
variable (12). En contrôlant l'âge des hocmes, nous avons découvert
qu'il s'agissait surtout des moins de h~ ans parmi eux; serait-ce
que la conscience que l'on se fait de son statut est plus vive à
cet âge de la vie, alors que passé 40 ans, l'expérience de la vie,
la consolidation dans son état font qu'une fois acceptée la situa-
tion d'enseignement on y participe avec moins de réticence, comme
on aurait pu le faire avec tout autant d'intensité dans une si-
tuation scolaire assez rapprochée de ce qu'on avait connu autre-
fois?
(12 ) Hous avons :::esuré l'intensité de cette relation nu le coefficient ~ Cf. Blalock, Hubert, Social Statistics·, lie .. York, HcGrawhill, 1960, p. 266. Pour les ho=es f.: .2808, pour les personnes âgées de 25 à 39 ans ~ ~ .2669, poU!" les gens ayant 9 ans et plus de scolarité ~= .2231
66
CHAPITRE V
L'evolution du statut de l'adulte
Dans le chapitre précédent, nous avons examiné la dissonance
entre la perception que l'adulte se faisait de son statut et la situa
tion d'enseignement du côté de cette dernière. Nous allons mainte
nant examiner la question du côté de la perception que l'adulte se
fait de son statut. Il s'agit essentiellement de preciser dans quelle
mesure l'adulte voit dans la situation d'enseignement quelque chose
de plus ou moins incompatible avec l'idée Qu'il se fait de lui-même.
En effet, non seulement tous les adultes n'ont pas la même image des
exlgences de l'état d'adulte, mais les normes sociales ont beaucoup
évoluées depuis quelques années. Ce qui pouvait sembler incompatible
autrefois n'est peut-être pas nécessaire:ent perçu comme tel aujour
d'hui.
En effet, dans le domaine qUl nous occupe, plusieurs faits
sociaux nous permettent de poser co~e yraisemblable l'hypothèse d'un
assouplisse~ent du statut de l'adulte. Mentionnons l'a~entation
générale de la moyenne de scolarisation de la population, l'extension
du tecps scolaire jusq~e dans un âge relative:ent avancé qui ~tait
autrefois en bor~e partie cel~i de l'adulte, le développeQent consi
dérable de l'éd~cation des adultes dans la société co~te--poraine, la
67
diffusion d'une conception comme celle de l'éducation permanente qui,
par définition, répartit l'activité éducr-ive tout au lo~ de la vie.
Ces réalités entrainent insensiblement des modifications
dans les normes sociales ou en créent de nouvelles. Ce qui était illé
gitime autrefois devient légitime et vice versa. Il s'agit précisé
ment ici de voir dans quelle mesure l'image que l'on se fait de l'a
dulte a évolué pour admettre de façon légitime l'entrée dans une
situation d'enseignement et la prise du rôle d'étudiant.
Le statut de l'adulte étant inséparable du statut de la
jeunesse qui lui est complémentaire, on peut constater aussi une
évolution dans le statut du jeune qui n'est pas sans implication
sur celui de l'adulte. En effet l'on sait combien la jeunesse a
pris de l'importance dans notre société; d'un état de minorité, de
dépendance, de soumission considéré c~e naturel, la jeunesse a vu
croître son prestige dans les représentations sociales. Certaines
de ses caractéristiques plus négligées autrefois, comme l'éclat
(glamor), la fraîcheur, l'ouverture aux possibles, l'esprit d'aven
ture, la générosité, l'idéalis~e ont été mises en lumière et sont
devenues des valeurs scciale~ent attiran~es, même pour des adultes.
La jeunesse est cême devenue d'une certaine façon plus prestigieuse
par bien des côtés que l'état d'adulte. On est devenu sensible à
l'idée de "rester jeune", de prolonger des comporte~ents et des
attitudes qui lui appartier~ent en propre. Dans cette perspective,
on peut légitice:ent supposer que les frontières entre l'état d'adul-
68
te et l'état de jeune sont devenues moins apparentes et en fait plus
réduites.
Comme par ailleurs le statut du jeune est toujours identifié
pour une bonne part à la situation d'enseignement et qu'il est large-
ment encore défini par des références à l'éducation, au temps d'appren-
tissage et à la préparation à la vie, nous avons pris comme indice
d'évolution du statut de l'adulte vers l'acceptation d'une situation
d'enseignement la perception que l'adulte se fait de la distance qui
sépare maintenant les deux statuts. Une réponse indiquant que la
distance entre les deux statuts a diminué sera interprètée comme une
rupture dans les normes de comportement qui pouvaient empêcher la
participation de l'adulte à l'enseignement, d'autant plus que les
questions étaient posées dans une situation d'enseignement et qu'ainsi
les comparaisons entre statuts avaient bonne chance de jouer préci-
sément sur ce plan, alors qu'une réponse inverse indiquant que cette
distance entre les deux statuts n'a guère évolué (1) rejettera
l'hypothèse.
Définitions onératoires
Encore ici, nos deux variables doivent être définies de fa-
çon plus opératoires. Pour ce qui est est de la oarticination, nous
avons ecployé le ~~e indice qu'au chapitre précédent, soit une par-
(l) L'hypothèse voulant que certains puissent a~Sl percevoir plus de distance qu'autrefois entre les deux statuts, assez peu vraisecblable, est incluse dans celle-ci.
69
70
ticipation intensive à trois degrés à l'intérieur des participants
persévérants.
Le jugement sur la distance entre les deux statuts
Pour obtenir une mesure de cette distance, nous avons demandé
l'opinion des répondants sur un certain nombre de questions concernant
les jeunes et les adultes d'aujourd'hui et d'autrefois qui nous ont
fourni autant d'indicateurs qui, une fois ponderés, nous ont donné un
indice nous permettant d'obtenir un jugement global de chaque individu
sur la distance qu'il voit actuellement entre les deux statuts.
Voici les questions sur lesquels les répondants ont eu à
exprimer leur accord ou leur désaccord.
-1- Croyez-vous que les adultes d'aujourd'hui désirent plus
rester jeunes que les adultes d'il y a trente ans?
2- Croyez-vous que les jeunes d'aujourd'hui ont moins ou plus
de responsabilités sérieuses que les jeunes d'autrefois?
3- Croyez-vous que les jeunes d'a~1ourd'hui travaillent :oins
ou plus que les jeunes d'autrefois?
4- Croyez-vous que les jeunes d'a~iourd'hui ont %01n5 ou plus
d'expérience pratiq~e de la 'lie que les jeunes d'autrefois?
5- Croyez-vous que les jeunes d'aujourd'hui s'organisent moins
ou plus une ~e à eux que les jeunes d'autrefois? (2)
6- Les jeunes d'aujourd'hui vous semblent-ils avoir plus de
choses en commun avec les enfants ou avec les adultes?
7- Les jeunes d'autrefois vous semblent-ils avoir eu plus
de choses en commun avec les enfants ou avec les adultes?
8- Autrefois, croyez-vous qu'il y avait moins ou plus de
distance qu'aujourd'hui entrè un adulte et un jeune? (3)
Ces huit questions ont toutes une implication sur la dis-
tance entre le statut du jeune et le statut de l'adulte. Elles sont
posées tantôt à partir des jeunes et des adultes d'aujourd'hui, tan-
tôt à partir des jeunes et des adultes d'autrefois. Comme les ré-
pondants sont tous des adultes d'aujourd'hui, le jugement qu'ils
portent consiste en fait en un jugement de cesure de leur ~tat actuel
par rapport aux adultes d'autrefois (leurs parents) ou par rapport
aux jeunes d'aujourd'hui, avec la différence que par rapport aux
(2) Ces quatre questions reprennent les caractéristiques d.e l'adulte identifiées coc:e significatives (à plus de 50~ d'importance) par les répondants eux-oêces pour identifier leur propre statut actuel d'adulte.
(3) Cette questioc expri:e directe~ect l'hj~othèse posée. A cause cependant de l'~précision du :ct distance (qui peut être interprèté en ter=e psychologique aussi bien qu'en ter.=e de statut) nous n'en avons fait qu'un indicateur.
71
adultes d'autrefois, ils se mesurent soit en tant qu'adultes d'au-
jourd'hui, soit en tant que Jeunes d'autrefois. Etant donné la
complémentarité des statuts (jeune et adulte) nous avons inféré que
chacune de ces questions contenait au moins implicitement un juge-
ment des répondants sur l'évolution du statut d'adulte.
Chacune de ces questions comportait une possibilité de 5
réponses qui ont été pondérées suivant l'échelle suivante:
beaucoup plus de distance -2
un peu plus de distance -1
à peu près autant 0
un peu moins de distance +1
beaucoup moins de distance +2
En additionnant ces scores, on obtenait donc un indice
pouvant varier de +16 à -16 (4). Voici la distribution de nos
répondants suivant cet indice de l'évolution du statut.
(4) On trouve~a à l'annexe 4 le détail des questions et leur pondératioo.
12
TABLEAU IV: distribution des répondants suivant leur ,jugement sur la
distance actuelle entre le statut du jeune et celui de
l'adulte. (évolution du statut de l'adulte)
Indice nombre
beaucoup plus de distance -16 à -10 3
un peu plus de distance -9 à-4 58
à peu près autant -3 à +3 323
un peu moins de distance +4 à+9 426
beaucoup moins de distance +9 à+16 130
Total 940
Les hypothèses
Nous avons gardé pour cette hypothèse la même démarche que
dans le chapitre précédent. Après l'examen de l'hypothèse globale,
nous la testerons en fonction du sexe, de l'âge et de la scolarité.
%
0.32
6.17
34.36
45.32
13.83
100%
S'il nous secble 'rraisemblab1e de prédire que les feI:I:les, les
moins âgés et les plus scolarisés percevront ~oins de distance que les
ho~es, les plus âgés et les moins scolarisés entre le statut de l'a
dulte et celui du jeune, étant donné leur proxil:1ité re1ati'/e plus
grande de la situation d'enseignecent, il nous a semblé par contre
assez oalaisé de prédire les effets de cette perception sur la par
ticipation à des COUI3.
73
Les résultats
TABLEAU V: Distribution des répondants selon leur degré de oartici-
pation et selon leur jugement sur l'évolution du statut
d'adulte.
~dice de participation
Distance entre
partici- par~ici- par~ici~atlon patlon Ratlon falble moyenne rorte
les deux statuts 0-4 5-7 8-l2
beaucoup plus forte -16 à -10 2 1 o
un peu plus forte -9 à -4 28 17 13
sensiblement égale -3 à +3 164 102 57
. un peu moins forte +4 à +9 221 128 77
beaucoup moins forte + 9 à+16 66 41 23
total 481 289 170
51.17 30.74 18.08
4.4 4.4 4.3
Total %
3 0.32
58 6.17
323 34.36
426
130 13.83
940 100%
100%
4.4
74
L'examen des résultats rapportés dans le tableau V qui concer-
ne l' enseable des répondants montre que l~. proportion de ceux qui af-
firment une réduction de la distance entre jeunes et adultes l'empor-
te de beaucoup sur ceux qui pensent qu'elle est restée au même point
(ou augmenté). Dans ce cas les pourcentages vont à près de 60% contre
40%. La moyenne des scores s'établit à 4.4 soit dans la catégorie de
ceux qui pensent qu'elle est maintenant un peu moins forte.
En mettant en parallèle la distribution des scores par sexe
(5), par groupe d'âge et par niveau de scolarité, on s'aperçoit par
l'examen des moyennes que les résultats vont dans le sens de nos pré-
dictions, sauf pour la scolarité. Cependant, aucune de ces variables
ne s'est révélée avoir une influence significative sur la distribution
des scores (6).
Si nous regardons maintenant la relation entre cet indice de
l'évolution du statut et la participation des répondants pour l'ensem-
ble de la population, nous trouvons cette fois une relation significa-
tive. (7) l·tais en appliquant un test d'associati(n (8) pour :nesurer à la
fois la direction et l'intensité de cette relation, on s'aperçoit que
cette relation significative entre les deux indices s'exerce en sens
inverse de nos prédictions. Ilous avions en effet supposé que moins
(5) On trouvera à l'annexe 5 les tableaux selon le sexe, l'âge et la scolarité.
(6) lious avons appliqué à ces données le ~est de proportion (p !: .C5) (7) Le test F de l'analyse de "/ariacce s'établit à 6.63629 a'/ec p~.Ol. (8) Il s'agit du test d'association y; cf. Theodore R. Anderson ~~d Y~rris
Zelditch, A Basic course in Statistics, Foolt, Reinhart ar.d "ilson, 1968, pp. 152-155
75
16
les gens affirmeraient de distance entre les deux statuts aujourd'hui,
plus leur participation serait grande. En fait, ce qui ressort de nos
résultats c'est que la participation augmente avec une perception plus
grande de la distance entre les deux statuts. Ces résultats sont assez
surprenants et difficiles à interpréter.
La même relation significative négative se vérifie pour les
hommes (9) et les femmes (la), pour les groupes d'âge de 25 à 39 ~~s
(11) et de 40 à 54 ans (l2), et pour les personnes de 6 à 8 ans de
scolarité et pour les plus scolarisés (9ième et plus) (13). La seule
catégorie de personne pour laquelle cette relation est positivecent
significative (dans le sens de notre hypothèse) ce sont les jeunes
adultes de moins de 25 ans (14). Dans ce dernier cas cependant l'in-
tensité de l'association est voisine de zéro, aussi nous l'avons con-
sidéréé comme négligeable.
Pour toutes les autres catégories ou la relation est négative,
l'intensité de la relation deneure cependant très faible, comme on
peut en juger par la valeur du Y. !ious n' a'lons donc certainenent pas
affaire à une relation d'une grande portée explicative. Cependant
pour tenter d'interpréter ces résultats, nous a.ons pensé à l'expli-
cation suivante, cocce à la plus vraisemblable. Au lieu de chercher
à expliquer la participation par la distance perçue entre les 1eux
(9) p~.OOl; -.0546 (la) p ~ .05; -.0240 (11 ) p ~ .C01; -.l286 (l2) p = .05; -.0137 (13) tous les deux a· .. ec p!:.:H, 6 .. 8 ans Y -.0230, 9 et plus Y -.0546 a (14) p ~ .05 Y .0038
statuts, c'est peut-être exactement le contraire qu'il faut faire,
c'est-à-dire expliquer la distance perçue entre les deux statuts par
la participation.
En effet les adultes que nous avons interrogés suivaient Tevec
depuis presque un an et demi. Ils étaient dans un état d'habitude par
rapport à la situation d'enseignement créée par Tévec. Leurs résis
tances inspirées par la conscience de leur statut avaient eu bonne
chance de s'émousser. A supposer qu'ils en aient eu au départ, ils
avaient accepté vrai~ent à cette époque la situation d'enseignement
de Tévec et l'avaient faite leur. Dans la mesure où ils participaient
plus activement à Tévec que d'autres, on peut supposer qu'ils en re
cevaient plus de gratifications, co~e il est habituel dans n'importe
quelle entreprise de ce genre. Cette satisfaction pouvait vraisem
blablement renforcir la conscience qu'ils avaient de leur état. Ils
pouvaient se sentir plus adultes, et par conséquent plus différents
des jeunes, par conséquent plus portes à carquer la distance entre
les deux statuts. Il s'agirait en somme d'une extension à leur cas
précis d'un principe qui, fo~ulé de façon générale, irait à peu près
comme ceci: l'intensité de l'adhésion de A à quelque chose qui n'est
pas senti primitive~ent co~e congruent avec A, mais comme congruent
avec B n'entraîne pas nécessaire~ent le rapprochement de A et de B,
mais peut augcenter la différence qui existait primitivement entre A
et B. Illustrons par un exemple. Supposons un individu qui ne veut
pas voyager, parce que pour lui les voyages sont le fait des tO'Aristes
auxquels il ne veut pas s'identifier. S'il décide d'entreprendre un
77
voyage et de le faire selon ses principes et ses convictions, il peut
fort bien, a~ retour du voyage, se considérer, dans la mesure même où
il l'aura fait sien, encore moins touriste qu'avant. Cette explication
nous fait passer cependant du domaine de la sociologie à celui de la
psychologie!
78
CONCLUSION
La question que nous avons tenté d'examiner dans ce travail
s'inscrit dans la réalité sociale d'une do~ble façon. D'une part,
~lle s'appuie sur le fait social relativement nouveau qu'est l'édu
cation des adultes qui oblige à reconsidérer certains aspects de
cette réalité d'une façon inédite pour trouver ses lignes de
force et des stratégies appropriées. D'autre part, elle s'inscrit
dans une problématique sociale encore peu explorée. En effet, la
toile de fond sous-jacente à toute notre étude est bien l'état d'adul
te (adulthood) qui a été jusqu'à présent peu étudié, en dépit de sa
centralité et de son importance pour comprendre la société.
Imnlications pour la recherche théoriaue
Il nous était impossible dans cette étude de suppléer aux
déficiences évidentes du cadre théorique dont nous aurions eu besoin.
Nous avons essayé de bien poser la question à partir des quelques
informations et élaborations que nous avons pu glaner ici et là.
Notre contribution en ce sens deceure donc assez réduite. Il fau
drait de toute évidence consacrer beaucoup plus de réflexion et
faire des recherches beaucoup plus poussées sur l'état d'adulte Sl
l'on veut comprendre davantage, peur ne mentionner que les plus appa
rents, la culture des jeunes et le =onde des "rieillaris dont la pro
blécatique est étroiteaent liée a celle de l'état d'adulte. Attirer
79
l'attention de ce côté nous semble peut-être constituer un des aspects
les plus positifs de notre travail.
Pour notre part, nous avons surtout posé le problème de l'a
dulte dans un secteur particulier de la vie sociale, celui de l'éduca
tion, conscient que ce secteur pouvait être un des lieux sociaux pri
vilégiés pour la saisie de cette dimension. Dans ce secteur, nous nous
sommes attachés à montrer les relatives incompatibilités qui, structu
rellement, nous paraissent affecter l'engagement de l'adulte dans le
monde de l'éducation tel qu'il est défini dans notre société, autrement
que dans le rôle de professeur ou de personne en autorité. Cette dé
marche nous a menés naturellement à parler de l'état d'adulte en
terme de statut et de prescriptions normatives. Nous en avons fait
notre hypothèse de recherche fondamentale pour ce travail.
Nous avions aussi pensé que cette variable était suscep
tible d'éclairer, entre autres choses, le phénomène de la partici
pation des adultes à l'enseignement, phénomène qui n'a pas reçu en
core d'explication vraiment satisfaisante.
Implications cour la recherche ultérieure
Au terce de ce travail, il nous faut bien conclure que notre
hypothèse reste encore à vérifier. En raison de l'état de nos données,
nous avons dû adopter une définition très partiCulière de la partici-
80
pation qui, de fait, nous a donne des resultats qui dans l'ensemble
s'avèrent peu significatifs.
L'influence du statut sur la participation que nous ess~yons
de mesurer du côte de l'adaptation de la situation d'enseignement à
l'adulte ne nous a fourni des resultats significatifs que pour les
hommes, pour les personnes âgees de 25 à 39 ans et pour les plus sco
larises (9 annees et plus). Sous l'angle d'une modification des
aspects normatifs du statut pour s'adapter à l'enseignement, nous
avons obtenu des résultats inverses à nos attentes dont l'explica
tion reste difficile à formuler et qui nous semble, comme nous l'avons
dit plus haut, appartenir à une hypothèse différente de celle que
nous avions formulée.
Ces résultats ne valent cependant en toute rigueur que pour
la participation telle que définie; ils laissent entier la possibilité
de vérifier notre hypothèse avec une définition plus complète de la
participation qui inclurait des non participants, des gens qui ont
abandonné et des persévérants. Il faudrait, avons-nous aussi pris
conscience, tenir co~pte pour l'ex~en de l'influence de la percep
tion du statut d'adulte sur la participation, de la séquence tempo
relle du phénocène de participation par une étude longitudinale des
persévérants. Il est en effet probable que cette variable ne joue
pas à tous les =o~ents du processus de la ~ême façon.
81
Cependant, même si scientifiquement nous n'avons rien pour
affirmer que notre hypothèse est vraie, i'_ reste que nous n'avons rien
non plus pour la rejeter comme non pertinente. Au contraire, il nous
semble plutôt que nous avons obtenu dans nos résultats des indices
plus nets qui la rendent plus plausible qu'auparavant.
En effet, les persévérants dans leur ensemble, indépendamment
de la qualité de leur participation, ont manifesté d'une façon très
nette leur appréciation positive des éléments de Tévec conçus princi
palement pour respecter leur statut d'adulte. La moyenne des scores
se situait, l'on s'en souvient, à 23.9 dans une échelle allant de 0
à 28. Ce qui en chiffres absolus révèle que 717 personnes sur 940,
soit 76.3%, ont exprimé leur jugement dans la catégorie d'appréciation
la plus forte.
De la même manière, ces mêmes répondants ont affirmé dans
leur ensemble une réduction de la distance entre le statut du jeune
et le statut de l'adulte. La moyenne des scores sur cet indice
s'établissait à 4.4 dans une échelle pouvant varier de -16 à +16.
Cette réduction de la distance entre les deux statuts a été inter
prétée plus haut, co~e un indice que le statut d'adulte s'est codi
fié dans le sens d'une plus grande adaptabilité à la situation d'en
seignement et la diminution des résistances nor~tives à la parti
cipation des adultes à des cours.
82
Ces résultats nous apparaissent significatifs à tout le moins
de l'importance du statut de l'adulte. Si nous n'avons rien pour prou
ver qu'ils peuvent expliquer la participation des répondants, il n'en
reste pas moins que pour ces personnes la variable "statut de l'adulte"
est une variable pertinente, autrement ils n'auraient pas eu dans le
premier cas des scores aussi hauts, et dans le second cas, leurs scores
n'auraient pas été positifs. En effet, s'ils avaient dit que les élé
ments prévus par Tévec pour respecter leur statut n'avaient pas d'im
portance pour eux, cela aurait indiqué que cette variable est sans
importance dans leur retour à l'enseignement. S'ils avaient affirmé
une absence d'évolution dans le statut d'adulte, ou une plus grande
distanciation dans leur statut et celui du jeune, ils auraient fait
évanouir cette explication de leur adhésion à Tévec et obligé à refor
muler une problématique axée sur autre chose que sur le statut.
Devant les résultats moyens obtenus à l'aide de ces deux
indices, nous sommes aussi frappés par le poids des deux explications
proposées. En effet entre l'hypothèse de l'évolution de la situa
tion d'enseignemen~ et celle de l'évolution du statut de l'adulte,
c'est d'emblée la première qui apparaît comme la plus import~~te pour
les répondants.
Si nous rapprochons ce résultat de la distinction proposée
par Allan Thocas entre studentship et membership (1) cocme aux deux
r6les possibles de l'adulte vis-à-vis l'enseignement, il faut conclu
re que la persévérance des adultes nous paraîtrait davantage favorisée
par le rôle de :ecbership que par celui de studentship.
(1) Cf. note 1 du chapitre IV.
83
Implications pour l'action
Dans cette perspective, on devrait attendre davantage pour
la promotion de l'éducation des adultes des modifications que l'on
pourrait exercer sur la situation d'enseignement pour l'adapter à
l'adulte que des incitations faites aux adultes de revenir se ré
inscrire dans le système scolaire. Dans la première orientation,
il s'agit de déplacer l'enseignement vers eux, d'imaginer des for
mules souples qui s'adaptent à lui, qui ~ui permettent d'intégrer
l'enseignement à sa situation de vie, à ses projets d'action. Dans
l'autre cas, il s'agirait de stimuler le retour des adultes à l'école,
d'imaginer des façons plus élégantes de réintégrer l'adulte dans
l'institution et le système scolaire.
Il nous semble assez évident.que les praticiens de l'éduca
tion des adultes devraient, toutes proportions gardées, attacher plus
d'importance à la "réalité" des adultes qu'à la "réalité" de l'enseigne
ment. C'est d'abord la seconde qu'il faut adapter à la première, si
l'on veut 'Il"aiment dé'lelopper l'éducation des adultes. La façon habi
tuelle de conce'loir l'insertion de "l'étudiant" dans le monde de l' ensei
gnement sur le modèle du studentship est à reconsidérer sérieusement.
Hon seule~ent ce type de statut est difficilement compatible aiec celui
d'adulte, mais il devient de plus en plus contesté par les jeunes eux
mêmes. L'éducation offerte aux adultes serait donc aiisée, à notre
sens, de prendre ses distances vis-à-iis un modèle qui ne secble mêce
84
plus convenir aux clients réguliers du système.
Peut-être en définitive, en arriverons-nous, dans une
perspective d'éducation permanente, à dérinir les modèles fondamen
taux de l'éducation à partir des exigences des adultes et ensuite
adapter ceux-ci aux jeunes et non pas, comme nous sommes habitués
à le raire, à d'abord dérinir ces modèles à partir des jeunes, pour
tenter ensuite de les adapter à la clientèle adulte.
1
ANNEXE 1
Indice de particination
1ère question: (questionnaire 55, question 13: a\Til 1969)
Depuis le début des cours télévisés, êtes-vous allé(e)
au centre de revis ion de Tevec dans votre localité?
a) régulièrement depuis le début 4
b) une semaine sur deux 3.
c) une semaine sur trois 2
d) une semaine sur quatre 1
e) je n 'y suis pas allé(e) du tout depuis le début 0
2ième auestion (questionnaire 55, question 10: avril 1969)
Cette semaine, combien d'heures avez-vous consacrees à vos
matières scolaires, en plus d'écouter les cours de Tévec?
a) je ne travaille pas en dehors des heures de cours
télévisés
b) une heure au maximum
c) deux ou trois heures
d) quatre ou cinq heures
e) six heures et plus
o
1
2
3
4
86
3ième question: (questionnaire 35, question 19: février 1969)
Quand vous discutez des difficultés des cours de Tévec avec
d'autres personnes qu'arrive-t-il le plus souvent?
a) c'est surtout moi qui demande des explications
b) c'est surtout les autres qui me demandent des
c) je ne discute pas souvent des difficultés des
d'autres personnes
aux autres
explications
cours avec
4
4
o
87
ANNEXE 2
Indice de l'évolution de la situation d'enseignement
Voici les questions qui ont servi à la fabrication de cet
indice. Elles sont toutes empruntées au ~uestionnaire numéro 40
(février 1969) et correspondent aux questions Il, 12, 13, 14, 15, 16,
17 de ce questionnaire.
1ère Question
Avec Tévec, je peux suivre les cours chez-moi, sans être
obligé de me déplacer
a} c'est une chose que j'apprécie énormément 4
b} c'~st une chose que j'apprécie pas mal 3
c} c'est une chose que j'apprécie un peu 2
d} cela me laisse plutôt indifférent l
e) cela n'a vraiment pas d'importance pour moi 0
2ième question
Avec Tévec, je peux sui'rre les cours seul, sans être
obligé d'e.ller dans une classe avec d'autres personnes
a} c'est une chose que j'apprécie énor::e:llent 4
b} c'est une chose que j'apprécie pas cal 3
c} c'est une chose que j'apprécie '.lI1 peu 2
d) cela me laisse plutôt indifférect l
e) cela n'a vrai~ent pas d'i=portance pour ::oi 0
88
89
3ième guestion
Avec Tévec, je peux me faire aider pour répondre aux exercices
quand j'en sens le besoin
a} c'est une chose que j'apprécie énormément 4
b} c'est une chose que j'apprécie pas mal 3
c) c'est une chose que j'apprécie un peu 2
d} cela me laisse plutôt indifférent 1
e} cela n'a vraiment pas d'importance pour moi 0
4ième question
Avec Tévec, je peux quand même remplir mes obligatior.s .. la a
maison ou au travail
a} c'est une chose que j'apprécie énormément 4
b} c'est une chose que j'apprécie pas mal 3
c) c'est une chose que j'apprécie un peu 2
d) cela me laisse plutôt indifférent 1
e} cela n'a vraiment pas d'importance pour ::loi 0
5ième auestion
Avec Tévec, ,
de rendre l'enseignel:ent plus proche on a essaye
des réalités de la. vie
a.) c'est une chose que j'apprécie énorné::ent 4
b) c'est une chose que j'apprécie pas ::le.! 3
c) c'est une chose que j'apprécie un peu
d) cela me laisse plutôt indifférent
e} cela n'a vraiment pas d'importance pour moi
6ième auestion
2
1
o
Avec Tévec, on me demande mon avis sur les cours télévisés
par des questionnaires comme celui-ci
a} c'est une chose que j'apprécie énormément 4
b) c'est une chose que j'apprécie pas mal 3
c} c'est une chose que j'apprécie un peu 2
d) cela me laisse plutôt indifférent 1
e} cela n'a vraiment pas d'importance pour moi 0
7ième auestion
Pour enseigner aux adultes, Tévec a pris un moyen populaire
comme la télévision
a) c'est une chose que j'apprécie énomément 4
b) c'est une chose que j'apprécie pas cal 3
c) c'est une chose q:.te j'apprécie un peu 2
d) cela me laisse plutôt indifférent 1
e) cela n'a ... rai!:!ent pas d'iI:lportance pour ::loi 0
90
ANNEXE-3-
TABLEAU IIIA: Distribution des renondants de sexe masculin selon
deux indices
~n~dicc de participation li P~tici~a-
l d1' lt10n fa1-n ce d'adaptatjon b1e ~ Tévec à 1 ' adulte 0-4
Adaptation jueéc sans importance 0-7
Adaptation appréci~e un pe~ 8-14
o
7
Participa- f
tion mo:renl ne
5-7
o
2
Participation forte
8-12
o
3
Total
o
l2
91
TABLEAU 11IB: Distribution des répondants de sexe féminin selon
indices
n lce d'adant~tion ble ne
Participation forte
8-12
Total ~dice de participation P~tici~a- P~ticipa-f
l d o tlon fal- tlon moyen]
de Tévec à l'adulte 0-4 5-7 ~- - - ='..======i=======1
Adaptation ju~~e sans li importance 0 0-7
Adaptation apprécife un peu 8-14
Adaptation bien ... .... appreclce
15-21
Ada.ptat.io:1 .... " , appre:lce enor-
mément 22-28
Total
x
12
65
236
313
23.6
o l 1
4 1 17
36 23 124 .
162 104 502
202 129 644
24.4 24.0
92
93
TABLEAU IIIC: Distrubution.des répondants de 15 à 24 ans selon
deux indices
~ Participa- participa-j Participa-
Indice tion fai- tian cay.~ tian forte Total d'adaptation ble ne de Tévec à l'adulte 0-4 5-1 8-12 -Adaptation jugée sans importance a a a a 0-1
Adaptp-tion appréciée un peu ,
8-14 2 0 0 2 .
Adaptation bien "" ."" appreClee 15-21 9 8 4 21
Adaptation "" ., , apprcclee enor-
rnéoent 24 16 6 46 22-28
Total 35 24 la 69
x
1 . 23.3 23.3 23.6 23.3
TABLEAU IIID: Distribution des rénondants de 25 à 39 ans selon
deux indices
~dice de participation 1
Indice d'ada~tation de Tévec à l'adulte F==--
Adaptation jugée sans importance 0-7
Adaptatio:1 appréciée il.'1 pe'.l 8-14
Participation faible
0-4
o
l2
p~rticipa-l P~rticipat101l moyen] t10n forte ne
5-7 8-12
o o
4 4
Total
o
20
~-----------------------IIr----------I----------+--------__ r---------Adaptation bien appréciée 15-21
Adaptatio!'l apprecife énormément 22-28
Total
55
141
208
x 1 2208
20 9 84
76 50 267
100 63 371
23.8 24.2 23.3
94
TABLEAU IllE: Distribution des rénondants de 40 à 54 ans selon
deux indices
~dice de participation
Indice d'adapta.tion de Tévec à l'adulte
Adaptation Jugée sans importance 0-7
P~tici~a-f P~rticipat10n fa1- 1 t10n moyen ble ne
O-q 5-7
o o
Participation forte
8-12
1
Total
-
1
1 1 ~A-da--p-t-a-t-i-o-n--ap-p-l-'~-c-i-é-e--un---p-e-u-;il-----------+----------+----------+----------;
8-11. 3 2 o 5
Adaptat.ion bien , .,
apprcc~ce
15-21 38 . 23 12 73
Adaptation ' ., , apprccl,::e cnor-
~49 m~ent 112 66 327 22-28 _. -Total 190 137 79 406
x 24.0 24.6 24.4
95
TABLEAU IIIF: Distribution des reDondants de 55 ans et Dlus selon
deux indices
~Tndice de participation
IndIce d'aàaptation de Tevec à l'adulte
Adaptation jugée sans importance 0-'(
Participation faible
0-4
o
. -.
_.-----...---.---] Participa- Participa-tion moyen tion forte Total
5-7 8-12 ne
o o o
~'----'------------------~r----------r---------~-----------~--------'~ Adaptation appréciée un peu 1 8-11,
1 o o 1
Adaptation bien , . ,
appreclee 4 14 15-21 7 3
Adaptation , . , ,
appreclce enor-mém~nt 40 20 14 74 22-28
Total 21 17 89
x 24.8 24.6 24.8 24.8
TABLEAU IIIG: Distribution des répondants de 5 ans et moins de
scolarité selon deux indices
~ndice de participation
Indice d'adaptation de Tevec à l'adulte ---. .
Adaptation jugée sans importance 0-7
Adaptation appréciée un peu 8-14
Adaptation bien apprfciée 15-21
Adaptation app:-éciée " eno:--mérnent 22-28
Total
x
Participation faible
0-4
o
1
13
49
63
23.9
participa-J Participation mo,en] tian forte ne
5-1 8-12
o o
o o
6 2
31 35
43 31
25.3 26.0
97
Total
o
1
21
121
143
24.9
TABLEAU IIIH: Distribution des rénondants de 6 à 8 ans de scolarité
selon deux indices
~ndice de participation
Indlce d'adaptation de Tévec à l'adulte
Adaptation jugee sans importance 0-7
Adaptation appr~ciée un peu 8-14
Adaptation bien ' ., apprCClee 15-21
Adaptation appréciée , enor-
méIlicnt 22-28
Total
Participation faible
0-4
o
14
65
232
311
participa-f Participftian ~oyen tion forte ne
5-7 8-12
o 1
5 2
34 21
139 76
178 100
Total
1
21
120
447
589
=
~-------------------~----------~---------+---------+---------i
x 23.5 24.2 24.0 23.8
98
TABLEAU 111-1: Distribution des renondants de 9 ans et plus de
scolarité selon deux indices
~diCC de participation
Indice d'adaptation de Tévec à l'adulte '---- _. -- .
Adaptation jusee sans importance 0-7
Adaptatio~ appreciée un pe~ 8-14
Adaptation bien ., . .,
apprCClee 15-21
Adaptation ., . ., .,
appl'e (; l ee enor-mémeot 22-28
Total
x
Participation faible
0-4
o
4
28
75
107
23.2
participa-j Participa- :J !!on Inoyenl tion forte __ Total
5-7 8-12
o o o
1 2 7
18 6 52
49 25 149
68 33 208
23.1 23.7 23.4
99
100
ANNEXE 4
Indice de l'évolution du statut
Voici les questions qui ont servi à la fabrication de cet
indice. Elles sont toutes empruntées au questionnaire numéro 60
(avril 1969) et correspondent aux questions 3, 4, 5, 6, 10, 11, l2 et
13 de ce questionnaire.
1ère question
Croyez-vous que les jeunes d'aujourd'hui ont moins ou plus
de responsabilités sérieuses que les jeunes d'autrefois?
a) Beaucoup plus de responsabilités +2
b) Un peu plus de responsabilités +1
c} A peu près autant de responsabilités 0
d) Un peu moins de responsabilités -1
e) Beaucoup ~oins de responsabilités -2
2ième guestion
Croyez-vous que les jeur.es d'aujourd'hui travai:lent ooins
ou plus que les jeunes d'autrefois?
a) Ils tra"'aillent beaucoup plus +2
b) Ils travaillent ~ peu plus +1
c) Ils tra·taillent ... ... autant 0 a peu pres
101
d) Ils travaillent un peu moins -1
e) Ils travaillent beaucoup moins -2
3ième question
Croyez-vous que les jeunes d'aujourd'hui ont moins ou plus
d'expérience pratiaue de la vie que les jeunes d'autrefois?
a) Beaucoup plus d'expérience pratique +2
b) Un peu plus d'expérience pratique +1
c) A peu près autant d'expérience pratique o
d} Un peu moins d'expérience pratique -1
e} Beaucoup mOlns d'expérience pratique -2
4ième question
Croyez-vous que les jeunes d'aujourd'hui s'organisent mOlns
ou plus une vie à eux que les jeunes d'autrefois?
a) Beaucoup plus vie .. +2 une a eux
b} Un peu plus une vie è. eux +1
c} A peu près autant une vie ... 0 a eux
d} Un peu moins une vie à eux -1
e) Beaucoup moins une vie .. -2 a eux
5ième guestion
Autrefois, croyez-vous qu'il y avait moins ou plus de
distance qu' aujourd 'hui entre un adulte et un jeune?
a) Beaucoup plus de distance qu'aujourd'hui
b) Un peu plus de distanc e qu' auj ourd 'hui
c) A peu près autant de distance qu 'aujourd 'hui
d) Un peu moins de distance qu'aujourd'hui
e) Beaucoup moins de distance qu'aujourd'hui
6ième auestion
+2
+1
o
-1
-2
Les adultes d 'aujourd 'hui désirent olus rester jeunes que
les adultes d'il y a trente ans?
a) Tout à fait d'accord +2
b) Assez d'accord +1
c) Un peu d'accord 0
d) Pas tellement d'accord -1
e) Pas du tout d'accord -2
7ièr:le 'Juestion
Les jeunes d'aujourd'hui vous semblent-ils avoir plus de
choses en comcun avec les enfants ou avec les adultes?
a) Surtout avec les enfants -2
b) Plutôt avec les enfants -1
c) Pas plus avec les uns qu'avec les autres o
102
d} Plutôt avec les adultes
e} Surtout avec les adultes
8ième question
+1
+2
Les jeunes d'autrefois vous semblent-ils avoir eu plus de
choses en commun avec les enfants ou avec les adultes?
a} Surtout avec les enfants +2
b} plutôt avec les enfants +1
c} Pas plus avec les uns qu'avec les autres 0
d} Plutôt avec les adultes -1
e) Surtout avec les adultes -2
103
104
AnNEXE 5
TABLEAU V-A: Distribution des rénondants de sexe masculin selon
deux indices
~--- -Indice -d~ D~rtj c iÏ1tlt ion --"'-t-:--'-"-t~--'l ." - -1 • pe.r lCl- par .1Cl- p3.~~lCl-
btancc: entre pa~i~n p~~ic.~ pa:~on Total %
--- . - - ---
e<.:.u('·ju!) l,lu:, foC't.e -16 à -10 0 2 0.67 ----------- - - --,
~j ~: --_;;_1 ln p-::u P~' :~: fortoe -9 à _1;
---------
1 2 0
1 -- ----_.
i 11 8 1
1 ----1 63 32 1 -
71 39 17 l27 42.90 -.
2 31 10.47
~-~~~-- -100~---~;-1100% -.- -.---
~x ____ · __ -_-~_= ____________ ~_2_.80_L3_.7 _1 __
fo.:-te .:.10 à .:-16 --_._.
---------
Il 21 8 r
Il 1
-----
1 168 87 1
1 56.75 29.39 1 .--1
1
1 3.90 3.70
TABLEAU V-B: Distribution des r~oondants de sexe féminin selon
deux indices
d·· -d ," L' 1 1 In lce e par-:'lclpa"lon 1 L" t" t" par lCl- pa!" lCl- pa!' 'lCl-
..... _ .. 11",0. ..,
'UA: <'t:-. L ,.!-:;; faible :!!J~/enilc fo!'tc • ., _ ... ~ v 0-1, 5-'( 8-12 f
----istar ez de:
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i-"].~(~ f()!"J~t;! -16 .. -10 0 1 0 1 ~p a
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x
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1 --------1
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--_._-- .
17.C') II~ fo!'te -(·h a +9 150 _._. 1 .. -!·16 1
1,,;..:) n!("l~:, fOl' r, €: .:10 a 1 45 ---------------_. L ___
1 1
1 313
------- ~._-
48.60
. 4.7
-
9 7 1
33
70 41 212 -
89 60 299 _.-
33 21 99 ---_. ---
202 129 644 100~
--------31.36 20.03 100%
I_~~- 4.7 1
4.7 1 -
-1---
- .. -._---
105
TABLEAU V-C: Distribution des rénondants de 15 à 24 ans selon
n !Jeu moins
x
deux indices
-- ,-
tici- pë.rtici-lor! p.:.tion Total '" 1· 1
erDC forte 1 [ -7 8-12 1
._-=-=:,..r=-".......;.,,-..:"'-~ -=--=--=--= ~=.o_!
1 -- -l------if---;·10 à .:.:!.6 i 4
1
'1-35--
----il- ---;--
1 50.72
1
1 4.5 --------
3
0 0
---r--
1 0
8 4
13 6
2 0
24 10 --
4.78 14.49
4.8 4.3 ----
1
0 0 1 ---
2 2.89
r 24 34.78 -
1 37 53.62
, --1----
6 8.69 ._-----
69 100%
100% , j l~ _______
106
TABLEAU V-D: Distribution des réoondants de 25 à 39 ans selon
deux indices
'~_nÙice de p&.rtjclpation 1 t' --. ~-.. t'i [------ par lCl- par lCl- par lCl-
pistance cnL;-e pa~ion pat ion patioll Total % "e<- de"-" C""a ... ,.t~· falb1e 1 Ii:oyerlne forte ,li ~ VJ... V '..... J 0-4 1 5-7 8-12
:~~:~"P -~l:~~-for,e -16 ~::--r ~ -r~"~-~~=~--r-: -=. 0.~3 ' __ -___ - -~_ L ~_
107
lu __ n_p_e_U_~_ll_~;_fo_r_tt:!_. _-_9_à_-_4_' ____ :: __ 1_1 __ 1 __ 8 __ 1-_4_-;._2_3 _____ .6.19 _1 ~ensib1el'l'2n: éea1e -3 à + 3 63 36 20 119 32.07 1------.-----------i:------l-----~--.------- _____ _
1 105 un peu n.oi nJ fort.e +4 à -l 9 38 30 173 46.63 --------------_._--'j--_.-{._---+-----+-' ---------bcauccu:> woir.r. fOl'te -;.10 a -;-16 1 28 17 9 54 1--------------------1;.----·_ L--___ ~~-. ____ . ____ 1-__ -1
1~ __ lot_a_1 _________________ ~~!-- _1_00 __ ~--63-__ ~3-7-1-__ !---10-0-%~ Il
" 56.06 26.95 16.98 100 L- f~ _._--+- -·---'-----1
L-x _____ · __ ______ 4 ~e--L~2_--.J.___4_. 5_~_4_. 6 ________ .1
108
TABLEAU V-E: Distribution des réoondants de 40 à 54 ans selon
deux indices
c de narticius.:.ion ! t·· l t·· t·· ~IPa::.1Cl- ?é,~.'Cl- pa~.,c,-
6f !tre pal..lon J.l3. -J.cn pa"lon Totel Qtu!.s 1 faible Imoyer.oo forte
/'
1 0-1, 5-7 6-12 --- = ~':-::==-=--:.=----:-:-::--_~~-=-. --::- - .. -=--=~ ---~ ._.
oeaur:vup pl ü:; for~~c -16 à-ID
-) f'Jrte -9
cns i t1cr:e: !t é.:;alc -3
peu ï..oil lS fortfOo +1:
'.-:. r.) fo:-~e
Il Il
---
--il _1:
à +3
li +9
+10 il -:-16
i
I~-1 0
---
l 14 8 -r---
1 69 41
1
!L'77 --
70
l' ,1 29 18 Il : 1 190 137 1
! 46.79 33.74
x . __ II 4.2 4.1
0 1 0.24 ._-
5 27 6.65 --
30 1~0 34.48
~ (-:3.84 1 31
1 60-- 1:.-;-1 13
79 406 L 100% _
19.45 100%
4.3 4.4 J
109
TABLEAU V-F: Distribution des rénondants de 55 ans et plus selon
deux indices
~Ind:iCe de oartiCiPationl fi t-
l .. --êt - -
~par lCl- parvlcl- par lCl-
ista::t::e ent.re pa~i0n pa~ion ~a~i~n Totr:.l es deux C"latuts falble mo~ennc ... û_oL L
. .." , 1 0-4 5-'" 1 8-12
Fa::~~" f~;te :16-à -la ~ 0- - a -, -:--= ~:~= %
%
X
o
~1_1_P._l_L;_~_f_()_r_t_C_-_?_à_-_4 __ --j~--2-- -- .0- 4 __ 6 __ ._-"i_-~6_.~7_~4 __ -
1 20 43.82 1 -ibJez;,cnt égale -3 à +3 17 2 39
.1 18 1 35 cu OOlns forte +4 à +9 7 10 39.32 ---.-----------------------;~I------~--------1-------t-------+-·-------
1 !':'COtlf' noin;; forte -:-10 à ·;-16 1
1
l
5 ---
45
3
27
1 9 10.11 . --l------
17 89 100% --_:~------o~------~-------+_------+----.----
1
1 50.56 30.33 19.10 100%
1 . 1
3.4 3.5 3.5 3.5 __ ~_'__~_l___=___l
liO
TABLEAU V-G: Distribution des reoondants de 5 ans et moins de
scolarité selon deux indices
--jr:dice dË:pa~·Bcip<i.tion-I!- t·· -4- •• -~--:~.-~ Ipar lCl- par~lCl- p~r~lCl-
ü: tance erltre 1 :fo.tior: lJé1 ti0!! paticm Toté1.J. faiL! e moyenflE: fo!'tc L
1 0-4 5-7 8-12 .- ;::.:-:-,.,-.==-==-=----=--=-:. ,;,~- ~ ~_-:--:...-~ ~--:--li":.:--=--=-'=-=-"r-=·-==--·=· r.::.::·~-=-..-=c~F- --=~.::...--==-~-=-=: =
eaucoup plus fo~t·-.! -16 à -10 1 0 0 0 0 0 -'--.-----.---.--r---- , n peu pL!; fc"'i.e -9 8. _l, 1 3 2
f
i, 28 --~-16-----14 58 r 40.55-
1---2-3----'-1~--:_r-·5-6 -- 39.16
e~t~::t~p-~-:i-r.-:; -f-0-r:~~:-.1-O --~ -+16-' -r-~----- 7 6 r-:----------------....... ------.. . ----r-'-
2 7
~~;alc -] à +3
fo{'t~ ~·4 à +9
15.38
4.89
_~3 ___ 1_-4-3 ___ 3~~_3 __ __JI-l-O-O~--1 44.05 30.06 25_~~0% " If
x --·-_-·--__ ~==~_-J_4 ~_3_L._4,_. 6_..!.--._4 ~:_t 4~ _
111
TABLEAU V-H: Distribution des répondants üe 6 à 8 ans de scolarité
selon deux indices
~llt .. -,
- par lCl- partici- partiCj~ 1 pist~nce enLCe pation pation pat ion Total % ~es dcU7. ~_~~~ut~ __________ .I~a~~~e mûyenn~ forte
5-7 8-12 - . - - ---- -_.- --_. -- .---il ._. -- ~~.-=--=-:.:.-_. -==---.-=.:=~ _-=-=-~7"'::
pea1lcoüp plu3 forLe -16 ~ -lO 1 1 0 0 l 0.16 -------- _.- --!----,
~n peu plu::; fû:·te -9 ... a. _l, 15 14 7 36 6.11 ~.
__ 1
1 nensib1er.l~n~ ée;a.1e -3 a +3
1
108 58 35 291 34.12 r-._-
1 •
~n peu rno::'ns forte -!.!. à +9 151 81 46 278 47.19 1 1 - -----~J . ,,~
36 ~c,,~cO\,p_mo~n[; fO~~ +10 ~ .:.16 1 25 12 73 12.39 __ o.
~otnl 1 311 178 100 589 100~ 1
If 52.80 30.22 16.97 100% " -X
. 4.4 4.5 4.1 4.4
112.
TABLEAU V-I: Distribution des réoondants de 9 ans et plus de scolarité
selon deux indices
1 'l Total Ir 1
" 1 _._-
-~.,.=·-:.i
2 0.96 1 .- ------
15 7.21 .-
64 30.76
16 92 4~1 -- -----
5 35 16.82 ----4---.----------
33 208 100% I-----'-----+--_·!---~-----
1 51. 44 32 . 69 15. 86 100~
x 4.5 4.1 4.2 4.3 --------.----_.~------------~------~-------~------,
113
TABLEAU VI-A: Distribution en % des hommes et des femmes selon
l'indice d'aooréciation de la distance actuelle entre
le statut du jeune et celui de l'adulte.
Indice des distances hommes femmes Total
beaucoup plus de distance -16 à -10 0.67 0.15 0.32
un peu plus de distance -9 à -4 8.44 5.12 6.17
à peu près autant -3 à-+3 37.50 32.91 34.36
un peu moins de distance +4 à +9 42.90 46.42 45.32
beaucoup moins de distance +10 à +16 10.47 15.37 13.83
100% 100% 100%
III 296 N2 644 1l 940
31.5% 68.5% 100%
-X 3.7 X 4.7
TABLEAU VI-B: Distribution en % des auatre grounes d'âge selon l'indice
d'appréciation de la distance entre le statut du jeune
et celui de l'adulte.·
Indice des 15 à 24 25 à 39 40 à 54 distances 55 et plus Total
-16 à -10 0 0.53 0.24 0 0.32
-9 à -4 2.89 6.19 6.65 6.74 6.17
-3 à +3 - 34.78 32.07 34.48 43.82 34.36
4 à 9 53.62 46.63 43.84 39.32 45.32
10 à 16 8.69 14.55 14.77 10.11 13.83
100% 100% 100% 100% 100%
N1 69 li2 371 Il3 406 Il4 89 n 940
7.3% 39.4% 43.2% 9.5% 99.5%
4.6 4.6 - 4.4 -X X X X 3.5
115
TABLEAU VI-C: Distribution en % des réno.:~nts nar niveau de scolarité
selon l'indice d'annréciation de la distance entre le
statut du ,jeune et celui de l'adulte
Indice des - 6 ans distances
6 à 8 9 et plus Total
-16 à -10 0 0.16 0.96 0.32
-9 à -4 4.89 6.11 7.21 6.17
-3 à +3 - 40.55 34.12 30.76 34.36
4 à 9 39.16 47.19 44.23 45.32
10 à 16 15.38 12.39 16.82 13.83
Total 100% 100% 100% 100%
N1 143 N2 589 N 208 Il 940 3
15.2% 62.7% 22.1% 100~
- 4.5 - 4.4 - 4.3 X X X