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Uriel BOSSARD TL spé Art Atlas de Venise
Former un inventaire reviendrait à rassembler de manière exhaustive les œuvres
vues au cours de notre voyage à Venise. Créer un atlas, au contraire, ne peut se faire
sans choix, qu'il s'agisse de la sélection des œuvres à exposer ou de la manière dont
celles-‐ci doivent être présentées. Mais s'il semble évident que certains lieux, certains
artistes ont plus marqué ma mémoire, comment rendre compte de mes décisions au
spectateur, comment partager le regard que je porte sur les visites effectuées, ouvrir ma
pensée et la rendre accessible à tous ?
Les œuvres photographiées appartiennent toutes au vingtième et au vingt-‐et-‐
unième siècle. Il s'agit de peintures abstraites (musée Guggenheim, palais Falier) et de
productions d'art conceptuelles (biennale d'art contemporain, palais Fortuny, palais
Grazzi). L'art contemporain, que j'ai véritablement découvert en Italie, est largement
représenté, tandis que l'art académique (galerie dell'Academia, fondation Querini
Stampalia) est mis de côté.
Les photographies d'œuvres sont regroupés par lieux d'exposition, celui-‐ci
entretenant souvent un lien étroit avec l'exposition (palais Fortuny et exposition
''Proportio'' d'Axel Vervoordt, palais Grassi et exposition ''Splip of the tongue'' de Danh
Vo par exemple). Les différentes constellations se touchent néanmoins, ce qui permet de
créer certains liens. Du reste, le format et l'emplacement des photographies varient
selon la place qu'elles occupent dans ma mémoire. A l'instar de La vie imposiible de
Boltanski, la superposition de documents empêche le spectateur de voir certaines
images. Je lui impose donc mes choix.
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Au début du vingtième siècle, la rupture opérée entre l'art académique et les
avants gardes est évidente. Hiérarchie des genres, catégories traditionnelles sont
remises en cause, alors même que de nouveaux médiums (photographie) font leur
irruption dans l'art. L'initiateur de ce bouleversement est, à bien des égards, Marcel
Duchamp. Sa Fontaine, un urinoir retourné, s'apparente ainsi à ce que d'aucuns
appellent aujourd'hui du non-‐art. Le présentation remplace la représentation,
l'apprentissage traditionnel est délaissé… dans ces conditions, à quoi peut encore servir
le chevalet ? Dépossédé de sa fonction originale, ne risque-‐t-‐il pas, à son tour, de devenir
un simple objet d'exposition ? J'ai donc retourné le chevalet en bois, il est le support, le
ready-‐made et, en un sens, la sculpture. Après l'avoir pratiquement recouvert de
photographies, je laisse néanmoins certaines parties visibles, rappelant ainsi
l'importance de ce support, symbole de la rupture entre les œuvres du passé et celles du
présent.
Par ailleurs, je n'ignore pas les réactions parfois perplexes du public confronté aux
œuvres d'art contemporain. Incompréhension, moqueries, indifférence… les travaux des
avants-‐gardes ne sont pas sans générer certains rejets de la part du public qui en vient
parfois qualifier ces productions de ''n'importe quoi'', pour reprendre une expression
forgée par Thierry De Duve. Après avoir rajouté des guillemets et un point
d'interrogation à la formule, afin de garder une certaine distance, je l'ai incorporé à mon
atlas. J'espère ainsi interpeller le spectateur, qu'il soit choqué par cette suggestion ou, à
l'inverse, surpris de voir sa réaction anticipée par le plasticien, ce qui peut l'amener à se
remettre en cause.
Je n'oublie pas, bien sûr, que la production plastique est un espace sensible, lieu
de rencontre entre l'œuvre et le spectateur. Destiné à l'exposition, l'atlas sera disposé
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face à la fenêtre, et donc éclairé par une lumière naturelle. Il sera appuyé contre un mur,
ce qui suppose un rapport frontal avec le spectateur. Le blanc du mur doit faire ressortir
le bois du chevalet comme elle fait ressortir le bois de la planche 42 dans l'exposition
Nouvelles histoires de fantômes de l'historien de l'art Aby Warburg. En disposant mon
travail au milieu de la salle, j'espère accroître la surprise du spectateur qui, après avoir
observé d'autres atlas, sera confronté à un chevalet mis ''à l'envers''.
Qu'elles soient matérielles ou immatérielles, éphémères ou permanentes, les
œuvres photographiées et sélectionnées pour cet atlas font l'état des productions
artistiques actuelles, certes, mais aussi de la vision que je porte sur le voyage à Venise et
de l'influence des œuvres découvertes, œuvres qui, j'en suis certain, m'aideront dans ma
pratique plastique pour cette année de terminale.
le 19 Novembre 2015
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