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ASSEMBLEE NATIONALE BURKINA FASO ------------ -------- IV e REPUBLIQUE Unité-Progrès-Justice ----------- SEPTIEME LEGISLATURE SYNTHESE DU RAPPORT DE LA MISSION D’INFORMATION PARLEMENTAIRE SUR LA PANDEMIE DE LA COVID-19 AU BURKINA FASO

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ASSEMBLEE NATIONALEBURKINA FASO

--------------------

IVe REPUBLIQUEUnité-Progrès-Justice

-----------

SEPTIEME LEGISLATURE

SYNTHESE DU RAPPORT DE LA MISSION D’INFORMATION PARLEMENTAIRE

SUR LA PANDEMIE DE LA COVID-19

AU BURKINA FASO

Juin 2020

INTRODUCTION

La maladie à coronavirus encore appelée Covid-19 qui signifie « Coronavirus disease 2019 » est une zoonose due à la transmission à l’homme d’un virus appelé nouveau coronavirus (SARS-CoV-2) appartenant à la famille des Coronaviridae, apparue pour la première fois en Chine en fin d'année 2019, s'est très vite propagée à travers le monde, en semant la panique au sein des populations. Elle a été déclarée comme une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), le 30 janvier 2020 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Au Burkina Faso, les premiers cas de la maladie à coronavirus (Covid-19) ont été confirmés le 9 mars 2020 à partir de la ville de Ouagadougou, faisant de notre pays le sixième pays atteint en Afrique subsaharienne après le Cameroun, le Nigeria, le Sénégal, l'Afrique du Sud et le Togo et le quatrième pays en Afrique de l'Ouest. Au vu de la propagation rapide du virus à travers le monde, les autorités burkinabè ont vite activé leur dispositif de gestion des épidémies de ce type. Ainsi, le 3 mars 2020, au cours d'une conférence de presse, les autorités burkinabè ont annoncé l'élaboration d'un plan de préparation et de riposte. Ce plan de riposte budgétisé initialement à plus de neuf milliards de francs CFA, devait couvrir plusieurs aspects de la lutte contre la Covid-19, dont les interventions rapides, la surveillance épidémiologique, les diagnostics et la communication.

Le Président du Faso dans un message à la Nation sur l’épidémie de la COVID-19, le 20 mars 2020 a annoncé des mesures sur le plan des libertés, des transports, de la politique et de la santé dont la mise en œuvre et l’adoption de bonnes pratiques devaient contribuer à interrompre la chaine de transmission communautaire de la COVID-19.

Au regard de l’évolution de la pandémie et vue les rumeurs et démentis depuis l'apparition de la COVID-19 au Burkina Faso, l’Assemblée nationale, a initié une mission d’information parlementaire sur la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso par résolution n°2020-03/AN/B/PRES du 4 mai 2020 conformément aux dispositions de l’article 154 de son Règlement.

Cette mission d’information s’inscrit dans le cadre de ses activités de contrôle de l’action gouvernementale.

Conformément à la décision n°2020-031/AN/PRES du 04 mai 2020 portant désignation de ses membres, la mission d’information parlementaire sur la pandémie de la COVID-19 était composée de dix députés représentant les groupes parlementaires de la majorité et de l’opposition. Ce sont :

SANKARA Bénéwendé Stanislas (Burkindlim), Président,

OUEDRAOGO Sayouba (MPP), Rapporteur,

TIENDREBEOGO Mamata (MPP),

SAWADOGO Emmanuel Koti (MPP),

ZOUNGRANA Marc (MPP),

LANKOANDE Emmanuel (Burkindlim),

KOULDIATI Julien (RD), Vice-président,

ZOUMBARE/ZONGO Henriette (UPC),

SANOU Alfred (CDP),

BAZIE Anicet (PJRN).

La mission a bénéficié de l’appui technique du personnel administratif.

En rappel, la mission d’information a été installée le lundi 4 mai 2020 par son Excellence Alassane Bala SAKANDE, Président de l’Assemblée nationale.

Les travaux de la mission d’information se sont déroulés du 5 au 19 mai 2020 puis prorogés du 20 mai au 8 juin 2020 avec pour objectif général de s’enquérir de la gestion de la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso. De façon spécifique, elle était chargée de s’informer sur :

· la gestion technique de la pandémie par le Comité national de gestion de l’épidémie de la COVID-19 et par le ministère de la santé ;

· les soins administrés aux malades déclarés ;

· l’assistance sanitaire et psychologique aux familles des cas déclarés ;

· la gestion des fonds alloués à la pandémie de la COVID-19 ;

· les motivations du personnel de santé ;

· les difficultés rencontrées par les acteurs dans la gestion de la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso ;

· la situation des décès liés à la pandémie de la COVID-19.

Pour la conduite de ses activités, la mission a tenu une rencontre de cadrage qui avait pour but la prise de contact entre ses membres, l’appropriation des objectifs de la mission, l’adoption d’une discipline de travail, l’élaboration des outils de travail (méthodologie, élaboration et adoption des chronogrammes de travail, la répartition des équipes de sorties de terrain, les correspondances aux acteurs) et la recherche documentaire sur la pandémie de la COVID-19.

La mission a rencontré un certain nombre d’acteurs afin de pouvoir établir son opinion et répondre aux objectifs de la mission.

La présente synthèse s’articule donc autour des points suivants :

1. auditions des acteurs et sorties de terrain,

2. analyse des constats,

3. acquis de la lutte contre la pandémie de la COVID-19

4. difficultés rencontrées,

5. recommandations.

1. auditions des acteurs

La mission d’information a auditionné, à l’Assemblée nationale, un certain nombre d’acteurs dont certains membres du gouvernement, les organes de coordination de la riposte contre la pandémie, des personnes ressources et d’autres acteurs.

Les membres du gouvernement auditionnés par la mission d’information sont :

· le ministre de la santé ;

· le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la cohésion sociale ;

· le ministre des transports, de la mobilité urbaine et de la sécurité routière ;

· le ministre de l’économie, des finances et du développement ;

· le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation ;

· le ministre de la communication et des relations avec le Parlement.

1.1. Gestion de la réponse sanitaire à la pandémie au Burkina Faso

A. Dans le domaine sanitaire

Des auditions des membres du gouvernement, il ressort que pour faire face aux maladies notamment celles à caractère épidémique, il existe un mécanisme fonctionnel de coordination multisectorielle impliquant les décideurs politiques au niveau national et régional. Il s’agit du comité national de gestion des épidémies.

Le comité national de gestion des épidémies et ses démembrements ont été créés par un arrêté interministériel n°2013-089/MS/MATD/MEF du 24 février 2014. Ils ont pour objectif de préparer et de répondre aux éventuelles épidémies. Dans le cadre de ces activités d’urgences sanitaires, il y a eu la réaction du Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires (CORUS).

L’opérationnalisation de ces structures a permis de par le passé la gestion de plusieurs urgences sanitaires dont celle en cours due au coronavirus.

Ainsi, dès le mois de janvier 2020 le ministère a eu connaissance de plusieurs cas de la COVID-19 au Burkina Faso qui se sont révélés être de fausses alertes. Cette situation a révélé une certaine nudité sinon une insuffisance du système de prise en charge de cette pandémie dans le pays.

Depuis lors, le ministère de la santé s’est attelé à la mise en place d’un dispositif institutionnel de réponse à la pandémie de la COVID-19 par l’activation du CORUS et la contribution à la mise en place du comité national de gestion de la crise de la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso.

Il ressort des auditions que la gouvernance de la réponse nationale à la pandémie relève du Comité national de gestion de la crise de la pandémie de la COVID-19, tandis que la gestion technique de cette pandémie a été confiée au Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS).

Le 05 février 2020, le Burkina Faso a signalé un cas suspect de COVID-19 qui s’est révélé négatif après analyse des échantillons au laboratoire national de référence grippes (LNR-G) en collaboration avec le centre de référence de l’institut Pasteur de Dakar. Le 9 mars 2020, le pays a déclaré les deux (2) premiers cas de COVID-19. Depuis cette date, la progression de la pandémie s’est poursuivie dans plusieurs localités du pays.

L’organisation de la surveillance épidémiologique a pris en compte les points d’entrées du pays et de l’aéroport. De plus, il y a eu la désignation des points focaux dans les districts sanitaires dans les régions pour le suivi des contacts.

Cette organisation a permis la gestion des alertes, le dépistage et le diagnostic des d’échantillons en laboratoire.

A.1. Diagnostic en laboratoire de la maladie de la COVID-19

En ce qui concerne le diagnostic biologique, le prélèvement pour la biologie se fait à l’aide d’écouvillon nasal ou pharyngé ou une aspiration bronchique. Le diagnostic de certitude est réalisé grâce à la PCR par la recherche de l’ADN virale dans un laboratoire spécialisé.

La RT-PCR est la seule technique actuellement préconisée pour la confirmation de la maladie de la COVID-19. Pour ce faire, le gouvernement a opté au départ de centraliser le diagnostic de la maladie à coronavirus (COVID-19) au Laboratoire national de Référence Grippe (LNR-G) de l’IRSS/CNRST basé à Bobo. Ce choix a été justifié par l’insuffisance de la capacité du pays surtout, en réactifs de tests PCR.

A.2. Gestion des alertes de cas possibles

Selon les directives portant sur la COVID-19, la détection des cas suspects de maladie due à la COVID-19 repose sur un interrogatoire complet à l’aide d’une fiche de triage COVID-19 basé sur la définition de cas en vigueur.

Dans ce cadre, il a été mis en place une cellule d’alerte qui dispose d’un numéro vert fonctionnel (3535) et d’une équipe de régulation médicale. Cette équipe est chargée de valider les alertes (cas suspects COVID-19 et les personnes contacts). Les personnes contacts sont reversées à la cellule suivi de contacts et les cas suspects alertes reversés à l’équipe d’intervention rapide (EIR) pour des investigations.

Au départ, la cellule d’alerte (3535) disposait de 3 postes d’appels qui ont été augmentés à 47 postes. Le nombre d’appels reçus en moyenne était de 20 000 par jour.

A.3. Dépistage des cas suspects par les équipes d’intervention rapide (EIR)

Tout cas suspect alerte dans le cadre de la surveillance de la COVID-19 doit faire l’objet d’investigation dans les 24 heures par les EIR qui procèdent aux prélèvements en vue du diagnostic COVID-19. Ces équipes sont composées de volontaires de la Croix rouge et d’étudiants en médecine.

Par ailleurs, tous les cas contacts sont suivis par une cellule mise en place à cet effet. Ainsi, à la date du 24 mai 2020, la situation du suivi des contacts était la suivante :

· cumul des personnes contacts listées depuis le 09 mars 2020 : 6 859,

· cumul des personnes contacts confirmées COVID-19  depuis le début : 482.

A.4. Prise en charge des cas confirmés COVID-19

Les cas confirmés sont transférés dans les unités dédiées de prise en charge des cas COVID-19 au CHU de Tengandogo réquisitionné à cet effet ou au CHU Sourou SANOU de Bobo-Dioulasso.

Au regard des difficultés réelles d’accueil et de prise en charge à l’Hôpital Souro SANOU, le site dédié COVID-19 a été transféré sur le site de l’hôpital pédiatrique de Bobo-Dioulasso. Ce site dédié COVID-19 de Bobo-Dioulasso couvre toutes les régions du grand Ouest (Hauts-Bassins, Cascades, Boucle du Mouhoun, Sud-Ouest).

Les cas confirmés sont hospitalisés dans des conditions de sécurité maximale au niveau du Bâtiment 15 du CHU Tengandogo et sur le site de l’hôpital pédiatrique de Bobo-Dioulasso pour le Grand Ouest et dans d’autres nouveaux sites.

A.5. Gestion des dépouilles COVID-19

Selon les informations recueillies auprès du gouvernement, au début de la pandémie, les procédures de gestion de dépouilles COVID-19 étaient celles appliquées aux dépouilles EBOLA.

Par la suite et précisément à partir du 03 avril 2020, ces procédures ont été révisées et le ministère de la santé a adressé un courrier relatif à l’application des procédures de gestion des dépouilles COVID-19 aux directeurs régionaux de la santé, aux directeurs généraux des établissements publics de santé et aux responsables des établissements privés de santé.

Ces procédures s’appliquent aux dépouilles de cas suspects ou confirmés de COVID-19 dans les formations sanitaires publiques et privées et concernent : la préparation du corps, le transfert éventuel vers la morgue et conservation des corps, le transfert vers le cimetière et l’enterrement.

Les déchets biomédicaux font également l’objet de traitement en unité de soin, de traitement dans la chambre mortuaire et après l’enterrement.

Au niveau de la région du Centre, avant le 20 mars 2020 et suite au refus des pompes funèbres privés, de préparer les corps, la croix rouge a été sollicitée pour la mise en bière des dépouilles des premiers décès déclarés liés à la COVID-19.

Au regard des difficultés de gestion de dépouilles COVID-19, le gouvernement a fait appel au service des pompes funèbres du bureau de garnison des forces Armées nationales. A ce titre, ce service est intervenu plusieurs fois dans les CHU, CHR, CMA et cliniques pour remplir sa mission.

En dehors de la région du Centre, seule la région des Hauts Bassins a enregistré des cas de décès au nombre de huit (08) liées à la COVID-19. Dans cette région, les dépouilles COVID-19 sont préparées spécifiquement conformément aux directives révisées et remises aux familles pour le transfert vers le cimetière et l’enterrement.

A la date du 26 mai 2020, le nombre officiel de décès liés à la COVID-19 depuis le début de l’épidémie était de cinquante-trois (53). Il s’agit de patients déclarés malades positifs confirmés qui sont décédés au cours de leur prise en charge.

Par ailleurs, les données statistiques fournies par le service des pompes funèbres du bureau de garnison sur la période du 20 mars au 26 mai 2020 (à ne pas comparer avec les chiffres officiels ci-dessus) indiquent un total de 92 personnes décédées comprenant des cas suspects décédés et des cas confirmés décédés dont 63 hommes et 29 femmes, répartis comme suit : 85 décédés au CHU de Tengandogo, 02 à la clinique Sandof, 01 au CHU Pédiatrique Charles De Gaule, 02 au Centre médical international français, 01 à domicile et 01 sur la voie publique.

En ce qui concerne le cas de Feue l’Honorable député Rose Marie COMPAORE/KANDITAMDE, le bureau de garnison a été saisi mais compte tenu de la lourdeur administrative décisionnelle, la Croix rouge a été sollicitée par le CORUS pour la gestion de la dépouille.

B. Dans le domaine des libertés

Toujours dans le cadre de la gestion de la pandémie, le gouvernement a pris des mesures touchant aux libertés publiques. Il s’agit principalement de mesures de restriction de libertés publiques qui ont été au fur et à mesure allégées pour tenir compte de l’évolution de la maladie.

C. Dans le domaine économique et social

Le défi sanitaire auquel le Burkina Faso fait face, doit être relevé sans pour autant sacrifier la vie économique et sociale des acteurs, aussi bien du public que du privé. Ainsi, un certain nombre d’actions ont été menées à savoir : une étude sur les impacts de la pandémie de la COVID-19 sur l’économie nationale, et la prise de mesures de mitigation des effets de la COVID-19 sur l’économie nationale.

Le financement de l’ensemble de ces mesures relatives au plan de riposte et aux mesures de mitigation des effets de la COVID-19 sur l’économie nationale a exigé 394,05 milliards de FCFA, soit 4,45% du PIB.

Aussi, pour la mise en œuvre de ces mesures, le gouvernement a redéfini les priorités de dépenses publiques dans un contexte de baisse des recettes fiscales et non fiscales attendues en 2020. Ainsi, une loi de finances rectificative a été introduite à cet effet à l’Assemblée nationale.

D. Dans le domaine de la recherche scientifique et de l’innovation

Dans son message à la nation du 20 mars 2020 relatif à la pandémie du COVID-19, le Président du Faso, a interpellé la communauté scientifique nationale. En rapport donc avec cette interpellation du Président du Faso, il a été convoqué une session extraordinaire du Haut Conseil National de la Recherche Scientifique et l’Innovation (HCNRSI) qui a recommandé la mise en place d’une Commission ad’hoc.

Après les travaux effectués par la Commission ad’hoc, les principaux résultats auxquels elle est parvenue se présentent en termes de recettes proposées par les acteurs du domaine de la santé aussi bien du côté des techniques modernes que de celui de la pharmacopée traditionnelle.

E. Dans le domaine de la communication

La communication du gouvernement sur la pandémie de la COVID-19 s’est faite en concertation avec les structures techniques du ministère de la santé chargés de la gestion de la maladie au quotidien et le service d’information du gouvernement.

Dans la pratique, après quelques difficultés et pour répondre à un besoin d’une meilleure communication, le comité national de gestion de la crise de la COVID-19 a créé un comité sectoriel communication chargé de mettre en œuvre une communication de crise adaptée à la gestion de la pandémie.

1.2. Organes de coordination de la riposte contre la pandémie de la COVID-19 et les sorties terrain

A. Organes de coordination de la riposte contre la pandémie

de LA COVID-19

Au titre des organes de coordination, la mission a entendu un certain nombre d’entre eux. Il s’agit entre autres :

· du Comité national de gestion de la crise de la pandémie,

· du Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS),

· des centres de recherches et laboratoires,

· des partenaires sociaux,

· des acteurs de régulation et officines pharmaceutiques,

· du comité de riposte de l’Assemblée nationale,

· des familles de personnes décédées de la COVID-19 ou affectées 

Comité national de Gestion de la crise de la pandémie

De l’audition du comité national, l’on peut retenir que c’est à partir du 17 mars 2020 que le Comité national de gestion de l’épidémie de la COVID-19 a été créé par arrêté n°2020-018/PM/MS/MINEFID/MATDC/MRAH/MEEVCC. Ce comité a été dissous le 10 mai 2020 et remplacé par un Comité national de gestion de la crise de la pandémie de la COVID-19 (CNGCP) mise en place cette fois-ci par décret n°2020-0326/PM/MATDC/MINEFID/MS/MFSNFAH du 04 mai 2020. Il est présidé par le Premier ministre.

Face à la situation de la pandémie de la COVID-19, le CNGCP a élaboré et soumis au gouvernement un plan de préparation et de riposte à une éventuelle épidémie de la COVID-19.

Son but est d’assurer une gestion maîtrisée de la crise liée à la pandémie de la COVID-19.

Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS)

Le Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS) est une structure née à la suite de la maladie à virus Ebola en 2014 où l’on s’est rendu compte qu’il fallait des structures pour coordonner la réponse en urgences sanitaires. C’est un modèle calqué sur celui du centre de crise de Atlanta aux Etats-Unis et recommandé par l’OMS dans tous ses pays membres.

Il a été inauguré le 18 décembre 2019 après un processus de plus de trois ans ayant permis la formation des agents et la construction des bâtiments devant abriter les services. En tant que structure de coordination opérationnelle, le CORUS fonctionne suivant deux modes : mode paix et mode crise, avec un manuel de procédure.

Au regard de la situation, un dossier d’activation du CORUS pour le mode crise a été introduit depuis le 27 janvier 2020 en Conseil des ministres.

Finalement, le CORUS a été activé le 9 mars 2020 à travers 10 groupes thématiques et connu la nomination d’un coordonnateur national.

Centres de recherche et laboratoires

Deux essais cliniques conduits par une équipe de chercheurs de l’IRSS du CNRST ont été lancés le 26 mars 2020 par le ministre en charge de la recherche scientifique dans le but d’évaluer l’efficacité et la sécurité de trois produits dans le traitement de la COVID-19 au Burkina Faso :

· le 1er essai dénommé CHLORAZ a concerné l’utilisation de la chloroquine et de la combinaison Chloroquine+Azithromycine dans le traitement de l’infection de la COVID-19. Cependant, le gouvernement ayant fait l’option de prendre en charge les malades par le biais de la Chloroquine+Azithromycine, c’est le protocole sous la forme d’étude observatoire qui a été validé par le comité d’éthique de la recherche en santé. Ainsi, les travaux de l’équipe ont démarré au centre hospitalier universitaire Souro SANOU de Bobo-Dioulasso et devait l’être par la suite au Centre hospitalier universitaire de Tengandogo ;

· le 2e essai clinique dénommé API-COVID-19 a concerné un phytomédicament à base de l’APIVIRINE chez les patients atteints de la COVID-19. Le protocole est en étude au niveau du comité scientifique.

A la date du 12 mai 2020, un total de 3 893 échantillons ont été prélevés et analysés par les laboratoires dont 1468 échantillons au LNR-G, 1200 échantillons par le laboratoire CERBA et 1 225 au laboratoire VIH du CHU YO.

Partenaires sociaux

Trois syndicats du personnel de la santé ont répondu à l’invitation de la mission d’information parlementaire. Il s’agit du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA), du Syndicat des médecins du Burkina (SYMEB) et du Syndicat Autonome des infirmiers/infirmières du Burkina (SAIB).

Selon les syndicats, l’état d’esprit d’avant la pandémie était marqué par les préoccupations suivantes :

· le problème sécuritaire avec son lot de conséquence sur le système sanitaire, les déplacés internes et le système économique ;

· les crises sociales à répétition avec des besoins exprimés par les partenaires sociaux qui sont restés jusque-là insatisfaits ;

· la défaillance du système de santé au plan qualitatif et quantitatif.

Toujours selon les syndicats, un fait notable à signaler est la mauvaise gestion du patient zéro et des autres patients venant d’autres pays déjà infectés. Selon eux, tous les cas contacts devaient être repérés et mis en confinement.

Pour les partenaires sociaux l’organisation nationale de la riposte met en parallèle deux entités que sont le comité national de riposte et ses structures d’une part et d’autre part, le reste du système de santé (agents de santé, syndicats, les différents ordres, etc.) exclu de fait de l’opération.

Cette option du gouvernement a eu pour conséquences d’abandonner la majorité des agents de santé à leur propre sort, d’accroitre les difficultés d’accès des patients aux soins et d’accroitre aussi les inquiétudes et questionnements sur la validité des stratégies mises en œuvre pour rompre la chaîne de contamination communautaire.

Enfin, les partenaires sociaux constatent un manque de matériels de protection des agents alors qu’il fallait en prévoir pour préserver les agents de santé censés être en 1re ligne de la lutte.

Acteurs de la régulation et officine pharmaceutique

L’opinion publique nationale a fait le constat dans un premier temps dans la deuxième décade du mois de mars 2020 d’une ruée de la population vers la chloroquine dans le contexte de l’épidémie à COVID-19. Il s’en est suivi un communiqué en date du 25 mars 2020 de l’Agence nationale de régulation pharmaceutique (ANRP) qui a invité la population à s’abstenir de toute automédication liée à la prise de médicaments, sans l’avis et le suivi d’un agent de santé en particulier l’association chloroquine et l’azithromycine dans le contexte de l’épidémie à COVID-19.

Le deuxième constat est l’incident survenu le 02 avril 2020 au niveau de la pharmacie du Sud, sise à Ouaga 2000, relatif à la présence de Test de diagnostic rapide en abrégé « TDR » de l’infection de la COVID-19 dans ladite pharmacie ayant entrainé sa fermeture par les services compétents.

L’ANRP ayant reçu instruction de diligenter une investigation rapide pour situer les responsabilités de ces faits a constaté en effet, la violation de la législation et de la règlementation pharmaceutique à travers un certain nombre d’infractions.

Compte tenu de ce qui précède, l’ANRP a jugé nécessaire de prendre les dispositions idoines pour une fermeture à titre conservatoire de la pharmacie du sud pour des raisons de santé publique.

De l’audition du responsable de la pharmacie du sud, il ressort que celui-ci reconnaît avoir passé une commande de 100 TDR qui ont été importés sans l’obtention préalable d’une autorisation d’importation et d’un visa d’importation délivrés par l’ANRP.

En ce qui concerne la publication sur les réseaux sociaux, il reconnaît que cela a été fait sans autorisation préalable du superviseur de l’auteur de la publication sur les réseaux sociaux.

Informé de la situation, très rapidement, le responsable de la pharmacie a fait retirer la publication le même jour et les 97 TDR restants (3 avaient déjà été cédés à un client) ont été mis hors de portée du personnel commercial.

Comité de riposte de l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale a créé en son sein un comité de riposte contre la pandémie de la COVID-19 dès le 18 mars 2020, à l’issue de la réunion de crise.

Cette réunion a eu lieu au sortir de la rencontre du Bureau de l’Assemblée nationale suite à l’annonce du décès de l’Honorable député Rose Marie COMPAORE/KONDITAMDE dans la nuit du 17 au 18 mars 2020, comme étant le premier cas de décès officiel liée à la maladie de la COVID-19 au Burkina Faso.

Le Comité a tenu sa première réunion à 14 heures dans la même journée autour des objectifs suivants :

· recenser tous les cas contacts ;

· mettre en place un numéro vert pour le personnel parlementaire (députés et personnel administratif) ;

· prendre des mesures préventives contre la propagation de la maladie ;

· prendre en charge les dépenses liées aux soins de l’Honorable député Rose Marie COMPAORE/KONDITAMDE au Centre médical de l’Espérance et au CHU de Tengandogo ;

· gérer les cas confirmés et les cas contacts en étant l’interface entre l’institution et le Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS) ;

· équiper l’institution en matériels de protection ;

· organiser la désinfection des bureaux de l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, l’institution parlementaire a également créé par arrêté n°2020-016/AN/PRES du 23 avril 2020, un Comité de mobilisation des ressources pour la lutte contre la COVID-19 au Burkina Faso dénommé "CORONATHON".

Le Coronathon visait à soutenir le plan de riposte national de la COVID-19. Il avait pour objectif principal de concourir au financement du plan de riposte de la COVID-19 et de contribuer au renforcement des capacités opérationnelles du Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS) en particulier et du ministère de la santé en général.

Deux personnes ont été nommées pour la gestion des ressources financières mobilisées dans la cadre de la lutte contre la COVID-19. Il s’agit d’un régisseur de recettes et d’un régisseur d’avances.

Au cours de l’audition du comité de riposte de l’institution parlementaire, il ressort que, pour ce qui concerne les conditions d’hospitalisation, de décès et de remise des résultats concernant le test de prélèvement de l’Honorable député Rose Marie COMPAORE/KONDIDAMDE, la patiente a été admise le 16 mars 2020 à 13 heures au CHU de Tengandogo et est décédée dans la nuit du 17 au 18 mars 2020.

Pour ce qui est du suivi et de la remise des résultats, des enregistrements sont disponibles.

La communication des résultats s’est faite de manière verbale et les Professeurs DRABO du Centre médical de l’Espérance et SONDO du CHU de Tengandogo peuvent l’attester.

Enfin, le comité précise que les conditions des obsèques de l’Honorable député Rose Marie COMPAORE/KONDIDAMDE et de l’enterrement de sa dépouille ont été dictées par le CORUS. En effet, le CORUS a interdit toute représentation aux obsèques et a même refusé de retarder l’enterrement pour permettre à son fils qui devait arriver d’Abidjan d’y participer.

La société BURKISEP qui devait enlever le corps s’est désistée. Finalement, ce sont les hygiénistes du ministère de la santé qui l’ont fait.

Familles de personnes décédées de la covid-19 ou affectées

Par communiqué n°2020-009/AN/VP en date du 13 mai 2020, la mission d’information sur la pandémie de la COVID-19 a invité les représentants de personnes décédées de la COVID-19 et/ou affectées qui le souhaitaient à une rencontre d’échanges le vendredi 15 mai 2020 au sein de l’Assemblée nationale.

Au total, huit familles de personnes décédées ont honoré l’invitation de la mission d’information.

Les familles ont apprécié positivement la démarche de la mission d’information qui a consisté à les associer à la recherche de la vérité sur les décès déclarés de la COVID-19.

Des auditions, il ressort entre autres les difficultés éprouvées par certaines familles pour avoir accès aux informations médicales liées au décès de leurs parents en raison du fait du secret médical, la stigmatisation des familles de cas déclarés ou suspectés COVID-19.

B. Sorties terrain

Dans le but de s’enquérir de la gestion de la pandémie de la COVID-19, la mission d’information a effectué des sorties terrain et d’échanges dans les régions du Centre, des Hauts- Bassins, de la Boucle du Mouhoun, du Centre-Ouest, du Centre-Nord et du Centre-Est.

Dans la région du Centre elle a été reçue successivement dans les structures suivantes : le Centre médical de l’Espérance (CME), la Polyclinique Notre Dame de la Paix (PNDP), l’Hôpital privé Saint Camille de Ouagadougou (HOSCO), le Centre hospitalier universitaire de Tengandogo (CHU-T), le Centre hospitalier universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) et le Centre hospitalier universitaire de Bogodogo (CHU-B).

Dans l’ensemble, les responsables se réjouissent de l’intérêt porté à leurs structures par la Représentation nationale. Ils ont présenté l’état des lieux de la riposte, les difficultés rencontrées et formulé des suggestions.

Des échanges lors de la visite du Centre médical de l’Espérance (CME), il est ressorti que le député Rose Marie COMPAORE/KONDITAMDE a été reçue le 12 mars 2020 en consultation normale.

Il n’a pas été possible de déterminer un lien avec la COVID-19 ni avec des cas contacts.

Le samedi 14 mars 2020, elle a commencé à avoir une détresse respiratoire et a donc été mise sous oxygène. C’est ainsi, qu’il a été décidé de l’envoyer en réanimation.

Le CME ne faisant pas de test COVID-19, le prélèvement n’a pas été fait au niveau du centre. Elle a ainsi été transférée au CHU-T. A l’arrivée elle devait être prise en charge en réanimation. Constatant le tableau clinique qu’elle développait, le Professeur SONDO du CHU-Tengandogo a décidé de son isolement pour le prélèvement.

Pour les visites dans les autres régions, la mission d’information s’est repartie en trois équipes qui ont effectué du 16 au 18 mai 2020 des sorties de terrain dans certaines régions à foyers COVID-19 selon la répartition suivante : équipe 1 : Axe Houndé-Bobo-Dioulasso ; équipe 2 : Axe Réo-Dédougou-Nouna et l’équipe 3 : Axe Sabcé- Tenkodogo. Les visites ont concerné non seulement les structures sanitaires et les comités de riposte mais également les sites miniers.

Dans ces sites miniers, la mission avait pour préoccupation de s’informer sur la gestion des cas de la COVID-19 qu’ils ont enregistrés.

Les équipes médicales des sites miniers visités ont bénéficié en général de l’assistance des premiers responsables de leurs districts sanitaires d’une part, et de celle des autorités régionale, provinciale et municipale, d’autre part.

Les actions menées ont permis de maîtriser la propagation de la COVID-19.

2. Analyse des constats

L’analyse des constats est faite à travers :

· la gestion technique de la pandémie par le comité national de gestion de la crise et par le ministère de la santé ;

· les soins administrés aux malades déclarés ;

· l’assistance psychologique au personnel de santé, aux malades et aux familles ;

· la gestion des fonds alloués à la pandémie de la COVID-19 ;

· la motivation du personnel de santé ;

· la situation des décès ; 

· les difficultés rencontrées par les acteurs de la gestion de la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso.

2.1. Gestion technique de la pandémie par le comité national de gestion de la crise de la pandémie de la COVID-19 et par le ministère de la santé

A. Organisation de la réponse à la pandémie

Des différentes auditions menées, la mission d’information constate le manque d’anticipation dans la réponse à la pandémie, la nudité voire l’insuffisance du plateau technique des structures sanitaires, l’exclusion du système classique de riposte aux épidémies/pandémies, la stratégie de gestion technique cloisonnée de la pandémie et la psychose généralisée développée et entretenue au plan international et national.

· le manque d’anticipation dans la réponse à la pandémie

En effet, depuis l’apparition de la maladie à coronavirus (COVID-19) en Chine en décembre 2019, ce n’est que le 27 janvier 2020 qu’un dossier d’activation du CORUS a été introduit en Conseil des ministres.

Finalement, c’est le 9 mars 2020 que le CORUS a été activé à travers 10 groupes thématiques et a connu la nomination d’un coordonnateur national.

Cette absence d’anticipation à la riposte contre la COVID-19 s’est traduite par la psychose généralisée constatée à tous les niveaux : personnel soignant, populations et malades déclarés.

Par conséquent, il s’en est suivi la méfiance du personnel vis-à-vis des cas suspects ou confirmés de la COVID-19 ; toute chose qui a entrainé le manque de soins appropriés et par la suite la mort de certains patients.

En outre, la réquisition du bâtiment 15 du CHU-Tengandogo considéré comme un « no man’s land » sans une réelle préparation des infrastructures de prises en charge et sans une implication de tout le personnel qui y travaille a par ailleurs amplifié la psychose au sein de la population, ce qui a eu pour conséquences le refus pour certains cas suspects de se signaler au centre d’alerte au risque d’y être internés et le refus d’autres cas confirmés de la COVID-19 d’être transférés au CHU-T.

· l’exclusion du système classique de riposte aux épidémies/pandémies

Dès le départ, la gestion de la pandémie de la COVID-19 a été confiée au Comité national de gestion de la crise de la pandémie de la COVID-19 et au Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS).

L’ancrage institutionnel du CORUS en tant que structure dépendant de l’Institut national de santé publique et non de la Direction général de la santé publique, n’a pas facilité la gestion de la pandémie au départ.

Cette situation conforte la mission d’information dans le sentiment de l’exclusion du système classique de riposte aux épidémies qui existait déjà au sein de la direction générale de la santé publique, du moins au début de la survenance de la maladie.

B. Gestion des alertes de cas possibles

S’agissant de la gestion des alertes de cas possibles de la COVID-19, la mission a observé que la détection des cas suspects de maladie de la COVID-19 repose sur un interrogatoire complet à l’aide d’une fiche de triage et basé sur la définition de cas en vigueur.

Cependant, la mission souligne les insuffisances et les difficultés de la cellule d’alerte et de l’équipe de régulation médicale. Il s’agit entre autres :

· de la saturation des lignes du numéro vert 3535 ;

· des retards accusés par les équipes d’évaluation dans la validation des alertes de cas possibles ;

· des retards accusés par les équipes d’intervention rapide (la plupart sont des volontaires) dans les domiciles pour les investigations et les prélèvements ;

· du non-retour parfois d’informations sur le résultat de l’interrogatoire à certaines familles.

C. Logistique

La mission d’information observe que l’insuffisance du matériel de protection est une réalité au niveau de la commission logistique. Cela s’explique par les difficultés d’approvisionnement en masques de protection en raison de la forte demande mondiale. Ce qui a eu comme conséquence, des tensions de stocks de matériels de protection au niveau du Burkina Faso.

Il ressort aussi que de nombreux agents de santé se plaignent de l’insuffisance ou de la non disponibilité des équipements de protection dans les établissements de santé. Cette situation engendre les conséquences suivantes :

· la forte exposition du personnel de santé à la pandémie ;

· l’augmentation des personnes contact avec risque de contagion aux malades et aux familles des agents de santé ;

· démoralisation et désarroi des agents de santé menaçant souvent d’arrêter de travailler ;

· l’arrêt de stage des étudiants en médecine.

D. Communication sur la pandémie

Le gouvernement dispose d’un ministère de la Communication, censé porter la communication gouvernementale sur tous les sujets d’intérêt national. Cependant, dans la communication relative à la maladie du coronavirus, plusieurs acteurs sont intervenus dans la communication et la diffusion de l’information.

La mission relève la faiblesse de la communication gouvernementale avec pour conséquence des dysfonctionnements, des propos et messages contradictoires ainsi que l’absence d’encadrement des propos dans les conférences de presse des acteurs. Cela a engendré la psychose et la confusion dans l’opinion.

E. Recherche sur la COVID-19 au Burkina Faso

La mission d’information note une insuffisante prise en compte de la recherche et une insuffisante valorisation/exploitation des résultats de la recherche au Burkina Faso. La recherche devrait être le premier maillon de la chaîne de lutte contre les épidémies. En outre, les résultats de la recherche sont méconnus et peu exploités par l’autorité bien que le pays dispose d’une agence nationale de valorisation des résultats de la recherche.

2.2 Soins administrés aux malades déclarés 

De l’analyse de la prise en charge des cas confirmés de la COVID-19, les faiblesses ou difficultés relevées par la mission d’information sont notamment :

· l’inexistence au départ de dispositif de tri au niveau des sites de prise en charge de la COVID-19 ;

· la longue attente du patient transféré pour détresse respiratoire (2 à 4 heures) avant que le service ne trouve où l’interner pour cause d’une insuffisance de lits de réanimation. Il va sans dire que ces temps d’attente sont très néfastes pour le pronostic vital du patient ;

· l’absence de directives claires dès le début de la pandémie ayant conduit à un tâtonnement dans la prise de décision ;

· la non implication de tous les spécialistes, dans la prise en charge sanitaire des cas déclarés, crée des retards de prise en charge de certaines pathologies connues chez un patient ; 

· l’absence au départ de dispositifs de prise en charge des patients dialysés ;

· l’insuffisance de respirateurs pour la prise en charge des cas de détresse respiratoire dans les formations sanitaires de références ;

· les problèmes de plomberies sanitaires dans le bâtiment 15 réquisitionné pour recevoir les malades ;

· les difficultés de satisfaction des besoins alimentaires des malades.

2.3. Assistance psychologique au personnel de santé, aux malades et aux familles

La mission note qu’en principe, le soutien psychologique est assuré par l’équipe de psychologues au niveau de chaque site de prise en charge.

Dans la gestion de la pandémie de la COVID-19, la mission observe l’insuffisante prise en compte du volet assistance psychologique à l’endroit du personnel soignant, des malades et des familles de victimes. La plupart des établissements publics de santé notamment les CHR ne disposent pas de psychologues. Ce faisant, les comités régionaux et de districts font recours aux agents en santé mentale qui n’ont pas nécessairement les qualifications requises.

En outre, elle relève, principalement à Ouagadougou, des situations où des familles refusent catégoriquement l’intervention de l’équipe de désinfection ou le transfert de cas positifs au CHU de Tengandogo, entrainant le recours à des psychologues pour l’accompagnement de ces familles ou ces patients.

2.4. Gestion des fonds alloués à la pandémie de la COVID-19

A la suite de l’audition du Ministère de l’économie et des finances et du comité de gestion du Coronathon de l’Assemblée nationale sur le dispositif de mobilisation et de gestion des ressources dans le cadre de la COVID-19, la mission d’information dispose de la situation des recettes et des dépenses au 31 mai 2020.

Les ressources collectées s’élèvent à vingt milliards trois cent quatre-vingt-six millions trois cent quatre-vingt-cinq mille six cent quatre-vingt-trois (20 386 385 683) FCFA au niveau du gouvernement. Par ailleurs, certains partenaires techniques et financiers ont apporté à l’Etat, d’autres formes d’appuis indirects à la lutte contre le COVID-19, en facilitant la couverture des charges budgétaires.

Au niveau du gouvernement toujours, le montant total des dépenses payées au 31 mai 2020, s’élève à vingt-trois milliards neuf cent quatre-vingt-quatorze millions cent quarante-cinq mille cent quatre-vingt-quinze (23 994 145 195) FCFA.

Pour ce qui concerne l’initiative Coronathon de l’Assemblée nationale, elle a pu réunir à la date du 14 mai 2020, des contributions totales d’une valeur estimée à quatre cent cinquante-six millions deux cent vingt-neuf mille cinq cent cinquante-huit (456 229 558) FCFA.

Il convient de noter que l’ensemble des fonds collectés a été certifié par un huissier de justice.

A ce jour, aucune dépense sur ces ressources (Coronathon) n’a été exécutée. Cependant, il y a lieu de signaler qu’un comité de gestion a été mis en place dans le but de soutenir le financement du plan de riposte de la COVID-19 et de contribuer au renforcement des capacités opérationnelles du Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS) en particulier et du ministère de la santé en général.

Le contrôle de l’exécution des dépenses y relatives est fait par l’ASCE/LC et le RENLAC.

2.5. Motivations du personnel de santé

La motivation du personnel de santé est l’une des difficultés majeures dans la gestion de la pandémie du coronavirus. Par arrêté conjoint n°2020-116/MS/MINEFID du 27 mars 2020, le gouvernement a fixé des taux de rétribution aux acteurs opérationnels intervenant dans le cadre de la lutte contre la COVID-19.

La mission d’information observe que ce système de rémunération alimente la discorde entre les agents de santé en général et entre les agents de santé des sites réquisitionnés en particulier (CHU-Tengandogo et CHU-Souro SANOU de Bobo-Dioulasso). En effet, elle note que la rémunération n’est servie qu’aux acteurs réquisitionnés au sein des différentes coordinations et leurs domaines techniques d’interventions à tous les niveaux de la riposte à savoir :

· la coordination nationale,

· les coordinations régionales,

· les coordinations au niveau des districts sanitaires.

Toutefois, la mission d’information relève que la gestion de la pandémie ne concerne pas que les acteurs susmentionnés.

Malgré ces situations difficiles, la mission a constaté Même pour le personnel réquisitionné, bien que le ministère de la santé indique que les paiements ont débuté par les acteurs de prise en charge des patients qui étaient sur le terrain, avant de s'étendre aux acteurs des coordinations nationales, régionale et de district, la mission constate un retard de deux mois dans leur prise en charge financière. En effet, ce n’est que le 03 juin 2020 (soit après 3 mois de travail) que le personnel du CHU-T a été informé par communiqué daté du jour qu’une équipe du ministère de la santé procédera au paiement du mois de mars dans le cadre de la réquisition du personnel pour la gestion de la COVID-19 le même jour ; les paiements des mois d’avril et mai restant toujours dus.

Malgré ces situations difficiles, la mission a constaté également l’engagement du personnel soignant à la lutte contre la maladie. Elle note qu’en dépit de la spécificité de la maladie et de l’insuffisance d’équipements de protection individuelle, certains agents de santé ont travaillé au risque de leur vie pour en sauver d’autres.

2.6. Situation des décès

La mission d’information constate que les premiers cas de décès ont été traités comme s’il s’agissait de cas de décès EBOLA que notre pays n’a jamais connus. Or, la procédure de préparation et d’inhumation des corps dans le cas d’EBOLA est sans humanisme aucun, loin de la présence des parents de victime, ceci en vue d’éviter toute contamination.

Cette situation a beaucoup choqué la plupart des familles endeuillées. Certaines d’entre elles vont même jusqu’à douter que le corps qui était inhumé était le leur ; si elles ne doutaient pas purement et simplement de l’existence d’un corps dans le cercueil.

Avec le recul et l’évolution sur la connaissance du virus (COVID-19), ces mesures draconiennes de gestion des corps ont connu des allègements.

En ce qui concerne le nombre de décès liés au coronavirus au Burkina Faso, le CORUS a dénombré 53 cas de décès au 24 mai 2020. Ce nombre est resté stable jusqu’au 08 juin 2020, ce qui signifie que sur cette période, le pays n’a plus enregistré de cas de décès liés à la pandémie. Malheureusement, force est de constater présentement la reprise du nombre de contamination. C’est pourquoi,

la mission d’information interpelle l’ensemble des acteurs à redoubler de vigilance dans le respect des mesures barrières.

3. Acquis de la lutte contre la pandémie de la COVID-19

Nonobstant, toutes les insuffisances constatées (affolement, cacophonie et psychose), il faut reconnaître, magnifier, saluer et encourager cet élan de solidarité nationale et tous les acteurs impliqués dans la lutte contre le SRAS-COV2 (COVID-19) en particulier tout le personnel soignant qui se trouve en première ligne de la lutte contre la COVID-19.

Grâce à tous les efforts conjugués dont la solidarité nationale et internationale, la pandémie avait pu être maitrisée à un moment donné.

La pandémie du coronavirus a été également une occasion de prise de conscience individuelle et collective de la nudité du système sanitaire du pays. Toutefois, elle se révèle être une opportunité pour la Nation entière pour se réinventer au plan politique, sanitaire et économique.

4. Difficultés rencontrées par la mission d’information parlementaire

La mission d’information a accompli la tâche qui lui était dévolue par la résolution n°2020-03/AN/B/PRES du 4 mai 2020. Cependant, elle ne s’est pas accomplie sans difficultés. Il s’agit de contraintes de temps liées à la complexité du domaine (spécificité de la maladie) et à la multiplicité et diversité des acteurs auditionnés, de difficultés de collaboration de la part de certains acteurs notamment le fait pour certains de n’avoir pas honoré l’invitation de la mission et de difficultés d’accès à l’information notamment les résultats des tests de personnes décédées de la COVID-19.

4.1 Contraintes de temps et diversité des acteurs auditionnés

Au regard des objectifs assignés à la mission d’information, le temps imparti était insuffisant. En outre, la diversité et la multiplicité des acteurs intervenant dans la gestion directe ou indirecte de la pandémie n’a pas rendu la tâche aisée à l’équipe.

4.2 Difficultés de collaboration  de la part de certains acteurs

La collaboration avec certains acteurs n’a pas été des plus faciles. En effet, certains acteurs n’ont pas honoré l’invitation de la mission malgré les multiples relances et les flexibilités offertes dans l’agenda de la mission.

4.3 Difficultés d’accès à l’information

Dans l’exécution de sa tâche à elle confiée par la résolution, la mission a souhaité disposer de certaines informations pour la bonne maîtrise de son sujet. Il s’agit entre autres des informations médicales relatives au prélèvement et au résultat du test diagnostic RT-PCR de Feue Honorable député Rose Marie COMPAORE/KONDITAMDE.

Par lettre n°2020-0027/MS/SG/INSP/CORUS en date du 1er juin 2020, le CORUS a répondu à la demande d’information de la mission d’information en ces termes :

(je vous prie de bien vouloir comprendre ma prudence à mettre à votre disposition les informations sollicitées du fait du secret médical. Je vous saurai gré des garanties légales que vous voudriez bien porter à notre connaissance, nous déliant du secret médical. En effet, le code pénal en son article 525-1 punit jusqu’à deux ans de prison, la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, de même que le code de déontologie des médecins en son article 9 dispose que « Tout médecin est astreint au secret professionnel. Il peut en être délié dans les cas prévus par la loi… »).

De ce fait, la mission d’information prend acte et note que le secret professionnel n’est pas absolu et peut être levé pour les cas prévus par la loi par toute personne qualifiée.

4.4 Incident sur la confidentialité de l’audition de la ministre de la santé

Au cours de l’audition de la ministre de la santé le 8 mai 2020, le Président de la mission a rappelé la discipline à observer à savoir celle relative à la confidentialité des débats jusqu’à la remise du rapport à qui de droit.

Cependant, dès le 11 mai 2020, le Président a été informé par la ministre de la santé, qu’un journaliste du nom de SOUBEIGA Dieudonné détiendrait un enregistrement de son audition. Cette information a été relayée par SOUGUE Légué Damien, neveu de la ministre de la santé.

Ainsi, la mission a convoqué les nommés SOUBEIGA Dieudonné et SOUGUE Légué Damien pour une séance d’échanges à laquelle seule SOUGUE Légué Damien a répondu.

Par conséquent, la mission a déposé une plainte contre le journaliste SOUBEIGA Dieudonné mis en cause et qui a refusé de se présenter devant la mission d’information.

5. RECOMMANDATIONS

Au terme des auditions des acteurs, des sorties de terrain et de l’analyse des résultats obtenus, la mission d’information a formulé onze (11) recommandations dont huit (08) au gouvernement et trois (03) à l’Assemblée nationale.

5.1. Au gouvernement

Les recommandations à l’adresse du gouvernement au nombre de huit (08) sont les suivantes :

1. la mise en œuvre urgente des recommandations issues de la CEP/santé surtout dans ses volets :

· infrastructures sanitaires,

· équipements,

· formation du personnel soignant,

· motivation du personnel,

· recherche en santé,

· exercice à titre privé de la médecine ;

2. la motivation du personnel de santé intervenant dans la prise en charge de la COVID-19 ;

3. la décentralisation de la prise en charge intégrale des patients COVID-19 dans les formations sanitaires publiques et privées de premier plan en intégrant les personnels soignants et les agents communautaires ;

4. l’allocation d’un budget suffisant pour la prévention des épidémies et la recherche ;

5. l’élargissement du dépistage afin de mieux cerner le niveau de transmission communautaire ;

6. l’amélioration de la communication gouvernementale sur la pandémie au Burkina Faso ;

7. une meilleure implication de la médecine traditionnelle et alternative dans la lutte contre la COVID-19  en mettant en place un dispositif d’appui financier, technique et logistique de soutien à la recherche par la médecine traditionnelle et naturothérapie sur la pandémie de la COVID-19 ;

8. l’élaboration d’un projet de loi d’urgence tenant compte de toutes les situations d’urgence au Burkina Faso.

5.2. A l’Assemblée nationale

Trois (03) recommandations sont adressées à l’Assemblée nationale qui sont :

1. l’adoption du rapport de la mission d’information parlementaire sur la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso ;

2. la transmission dudit rapport au gouvernement et sa publication ;

3. l’organisation au plus vite de concert avec la famille d’une cérémonie d’hommage à Feue Honorable député Rose Marie COMPAORE/KONDITAMDE en sa qualité de 2e Vice-présidente de l’Assemblée nationale décédée au cours de son mandat.

CONCLUSION

L’Assemblée nationale a initié une mission d’information parlementaire sur la pandémie du coronavirus (COVID-19) conformément aux dispositions de l’article 154 de son Règlement.

Cette mission d’information avait pour but de s’enquérir de la gestion de la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso.

Pour l’atteinte de cet objectif, elle a d’une part auditionné un certain nombre d’acteurs tant du côté gouvernemental que du côté de structures et personnes concernées par la lutte contre la pandémie du coronavirus et d’autre part, elle a effectué des sorties de terrain.

De ces auditions et sorties d’échanges sur le terrain, il ressort que le gouvernement a mis en place un dispositif règlementaire et institutionnel de réponse à la pandémie de la COVID-19 au Burkina Faso. Ce dispositif ayant été très vite dépassé par le phénomène, le gouvernement a été obligé de revoir l’organisation et le fonctionnement du comité national de gestion de la crise de la pandémie de la COVID-19 présidé par le Premier ministre.

Pour la mission d’information, ce comité qui a été auditionné à Koudougou, le 5 juin 2020, doit prendre en compte les recommandations qu’elle a formulées tout en mettant l’accent sur une bonne communication efficace et efficiente.

Quant à la prise en charge des premiers cas suspectés ou avérés de COVID-19, la mission comprend le désarroi des patients et des familles des personnes décédées pendant la période. En effet, la psychose née du fait qu’il fallait assimiler la COVID-19 à EBOLA a engendré des traitements inhumains et dégradants aussi bien des malades que de certaines dépouilles attestant que l’Etat a manqué à son devoir de garantir la dignité humaine à ses citoyens.

C’est pourquoi, il faudrait, en ce qui concerne la 2e Vice-présidente de l’Assemblée nationale décédée au cours de son mandat, organiser comme l’a promis le Président de l’Assemblée nationale, une cérémonie d’hommage dû à son rang.

A noter que cette cérémonie a eu lieu le 20 octobre 2020 dans le cadre d’une journée d’hommages rendus aux Honorables députés décédés au cours de la 7ème législature.

-Honorables députés,

-Distinguées personnalités,

Comme l’a relevé la mission d’information, la COVID-19 a été certes un désastre pour le monde entier et particulièrement pour les pays africains, mais l’expérience de sa gestion constituera à n’en point douter une opportunité de mieux restructurer le système sanitaire afin qu’il réponde au mieux aux attentes des populations.

Aussi, pourrait-on affirmer qu’au-delà des constats qui précèdent, la mission a été l’occasion pour ses membres de s’imprégner de la réalité de la gestion de la pandémie à coronavirus et de recueillir les préoccupations de toutes les structures et personnes impliquées dans ladite gestion.

Les membres de la mission d’information pensent avoir atteint l’objectif qui leur était assigné en auditionnant un certain nombre d’acteurs afin de se faire leur opinion. De ces auditions, la mission a fait l’analyse des constats et proposé des solutions sous forme de recommandations. Ils estiment que si les recommandations faites à l’endroit du gouvernement sont mises en œuvre, le Burkina Faso pourra, non seulement mieux gérer la suite de la présente crise sanitaire, mais aussi les éventuelles situations sanitaires difficiles que pourrait connaitre le pays dans l’avenir.

Les membres de la mission, très touchés par l’affliction des personnes infectées et affectées par la pandémie de la COVID-19, ne sauraient déposer les conclusions de leurs travaux sans avoir une pensée à leur endroit. Aussi, elle saisit cette occasion pour souhaiter un prompt rétablissement aux malades et le repos des âmes des disparues.

Au terme de ses travaux, la mission tient d’abord à saluer l’engagement patriotique de certains agents de santé qui ont travaillé au risque de leur vie pour sauver celles des autres en dépit de la spécificité de la maladie et de l’insuffisance d’équipements de protection individuelle.

Elle salue également l’organisation et la célébration de la cérémonie d’hommage le mardi 20 octobre aux députés disparus dont Honorable député Rose Marie COMPAORE/KONDITAMDE, décédée des suites de la COVID-19.

Enfin, la mission d’information saisit cette opportunité pour exprimer toute sa reconnaissance, à Monsieur le Président de l’Assemblée nationale qui n’a cessé de lui apporter son soutien pendant toute la durée de ses travaux. Elle exprime également sa gratitude à tous ceux, qui d’une manière ou d’une autre ont contribué à la bonne exécution de la mission qui lui a été confiée par la résolution n°2020-03/AN/B/PRES du 4 mai 2020. Cette mission a pris fin avec l’adoption par ses membres de son rapport que nous avons ainsi l’honneur de vous présenter.

Je vous remercie !

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