15/01/2010

1
BRUXELLES 2 SYNDICATS • N°01 • 15 JANVIER 2010 Pérou: où vont les fruits de la croissance? 25/01/2010, 18:00 FILM + SOIRÉE DÉBAT Á l’Université Populaire de Bruxelles Rue de la Victoire 26 - 1060 Saint-Gilles / UP, Overwinningsstraat 26 - 1060 Sint-Gillis Gratuit / Gratis - Drink de bienvenue / Welkomstdrankje AVEC UN SEUL POUMON «LES CONDITIONS DE TRAVAIL EN PALESTINE OCCUPÉE» MET SLECHTS ÉÉN LONG «WERKOMSTANDIGHEDEN IN BEZET PALESTINA» Info : 02/552.03.57 Cotisations en vigueur au 01/01/2010 Cotisations effectives Sans prime syndicale Avec prime syndicale Travailleur temps plein 13,90 14,25 Temps partiels - mi-temps </= 11,00 14,25 Prépensionnés 10,25 11,00 Chômeurs (nouvel affil.) 1 er 3 mois 13,90 Cotisations réduites tarif normal sans domiciliation tarif avec domiciliation Chômeurs (*)(tarif réduit avec DOM ou prélèvement direct) 11,75 9,25 (*) Etudiants 1,50 1,50 Interruption de Carrière 4,50 4,00 Jeunes (-21 ans) 11,75 9,25 Gardiennes encadrées 3,10 3,10 Pensionnés 4,00 3,25 Depuis 2008, la FGTB de Bruxelles mène, via le département Coopération syndicale avec le Sud, un projet de solidarité avec la Confédération Générale des Travailleurs du Pérou (CGTP) (lire aussi Syndicats n°4, 27/02/2009). Concrètement, nous soutenons sa «campagne nationale de cotisation syndicale» (1). A l’occasion d’une formation à la gestion financière de projets et à la législation belge, les camarades péruviens Américo Domínguez Pizarro (secrétaire d’économie de la CGTP) et Elías Ysaí Aucassi Molina (coordinateur du projet) nous ont rendu visite. Au cours de cette rencontre, nous avons évoqué les problèmes rencontrés par les syndicalistes au Pérou mais aussi les effets de la crise financière, économique et sociale. Syndicats: Malgré une forte crois- sance économique, au Pérou, un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, beaucoup d’enfants travaillent, il y a encore des pro- blèmes de malnutrition et aussi de corruption. Ne peut-on voir dans tous ces phénomènes l’effet d’un problème majeur de redis- tribution des fruits de la crois- sance? Américo Domínguez Pizarro (ADP): Jusqu’au 5 avril 1992, le Pé- rou a connu une économie d’Etat. A ce moment, le président Fujimori a fermé le parlement et installé le modèle néolibéral: privatisations, dérégulation du travail, globalisa- tion économique, ouverture des marchés et ouverture des frontiè- res. 50.000 travailleurs (des fonc- tionnaires) ont été licenciés. La CGTP a réussi à remettre 30.000 travailleurs à leur poste. La lutte a été permanente, grâce à la so- lidarité internationale dont nous vous sommes d’ailleurs très recon- naissants. Fujimori (2) a vendu toutes les entreprises d’Etat à un prix ridi- cule, bradant le développement du pays. Notre organisation a payé la contestation au prix de vies humai- nes et a fini par être désarticulée: plus personne ne voulait être diri- geant syndical! La croissance n’est pas le fruit d’une politique mais du marché, de la privatisation des entreprises publiques et de l’augmentation du prix des métaux précieux. Par contre, la pauvreté a augmenté. La CGTP exige toujours des inves- tissements dans l’éducation, la santé, la sécurité sociale, les in- frastructures, mais personne ne nous écoute! Aujourd’hui, les objectifs princi- paux du gouvernement d’Alan Garcia sont la vente des ressour- ces naturelles (pétrole, gaz, eau, jungle), la privatisation des ports et aéroports, etc. Et toute la protestation populaire est en train d’être criminalisée. Les communautés indigènes de l’Amazonie sont menacées et leurs dirigeants exilés. A la GGTP, notre présidente, Carmela Sifuentes de Holguín, et notre secrétaire géné- ral, Mario Huamán Rivera, sont tra- duits en justice suite à des actions de protestation contre la privati- sation. Nous n’avons pas peur de cela, nous avons encore plus de force pour lutter pour une patrie libre et des ressources pour nos enfants et petits-enfants! Syndicats: En 2011 il y aura des élections au Pérou. Comment cela va-t-il se passer? ADP: Pour nous, Alan Garcia est de droite et nous sentons que les par- tis de droite sont en train de s’unir. Il faut maintenant que la gauche s’unisse. La CGTP a la capacité de mobiliser, pas seulement ses mem- bres, mais aussi les chômeurs, les étudiants, les universitaires,… mais nous ne sommes pas un parti poli- tique, ce n’est pas notre rôle. Nous demandons aux partis politiques de gauche de s’organiser. Malheu- reusement, au Pérou, les pauvres votent à droite! Pendant les campa- gnes électorales, on leur donne de l’argent, un cadeau: un T-shirt, un accès à l’eau pour tout un quartier, une route, des escaliers, des latri- nes,...la droite achète des spots à la télé et matraque les gens. La gauche n’a pas d’argent et les pauvres n’ont pas la conscience de classe. Ils n’ont pas la capacité de réagir. Et au moment de voter, ils votent à droite. C’est pour ces raisons que le gou- vernement ne s’intéresse ni à l’édu- cation ni la santé. Il faut arrêter cela. Nous voulons gagner la conscience des tra- vailleurs. Syndicats: Voulez-vous nous ex- pliquer votre campagne de coti- sation nationale? ADP: Nous avons rassemblé tous les camarades qui s’occupent de l’économie dans une conférence nationale. Ils ont reçu du matériel de propagande (affiches et dé- pliants) qui explique l’importance de la cotisation syndicale. Nous sommes en train d’élaborer un règlement de cotisation qui devra être approuvé par nos ins- tances. Ce projet-pilote est fait en collaboration avec 3 syndicats: les ports, les télécommunications et l’enseignement supérieur. Pendant la conférence, un bilan du taux de cotisation à la CGTP a été fait et est en cours de publication. Nous voulons que la comptabilité soit transparente pour tous! C’est vraiment un défi pour nous de pré- senter tous les comptes au centime prêt, car nous luttons contre un gouvernement corrompu et de- vons montrer l’exemple. Pendant notre formation en Belgi- que, nous avons participé à 3 jours d’ateliers sur l’administration fi- nancière, économique et compta- ble du projet. Nous devons aussi établir un rap- port financier et un rapport d’acti- vités en suivant les règles imposées par la DGCD (Direction générale de la coopération au développe- ment). Syndicats: Quelles sont les actions qui vont être entreprises au cours des prochaines années? Elías Ysaí Aucassi Molina: Nous allons développer des ateliers de cotisation syndicale dans les pro- vinces d’Arequipa, Cuzco, Piura et Chiclayo. L’objectif de ce projet est de cher- cher l’unité des syndicats membres de la CGTP. Mais le gouvernement dévelop- pe des organisations syndicales parallèles (des syndicats jaunes), qui n’ont rien à voir avec de vrais syndicats. Certains de leurs repré- sentants sortent de prison et, via la menace, empêchent la présence de notre organisation! Mais les gens ont peur. Par exemple dans la construction, le ministre oblige l’entreprise à engager des tra- vailleurs affiliés à son syndicat. On a ce problème dans tous les sec- teurs! Dans le secteur des transpor- teurs, le gouvernement a cassé une grève en louant les transports et en y mettant d’autres chauffeurs. Tout cela existe parce que le sys- tème est corrompu. Plus notre syndicat est fort, plus des syndicats parallèles sont créés. Pendant les manifestations, il y a des infiltrés qui cassent des vitri- nes, puis on dit que c’est nous. Dans la presse il y a des campagnes déni- grantes, des rumeurs sont lancées... Les médias sont manipulés. Au travers de notre organisation nous essayons de contrecarrer le gouvernement. Nous savons que la lutte sera lon- gue, mais nous sommes détermi- nés à la mener! (1) Puntualito: la mascotte de la campagne Cotisation (Abeja= abeille, puntual = ponc- tuelle). (2) La Cour suprême du Pérou a confirmé à l’unanimité la condamnation à 25 ans de pri- son de l’ex-président Alberto Fujimori pour violations des droits de l’Homme. L’ex-chef de l’Etat péruvien (1990-2000) a été condamné à 25 ans de prison pour sa responsabilité dans des massacres de civils en 1991-92 par des «escadrons de la mort», lors de la répression contre les guérillas d’extrême gauche, dont le Sentier lumineux (3/01/2010).

Upload: severine-bailleux

Post on 07-Mar-2016

212 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Syndicats_bxl

TRANSCRIPT

BRUXELLES2 SYNDICATS • N°01 • 15 JANVIER 2010

Pérou: où vont les fruits de la croissance?

25/01/2010, 18:00 FILM + SOIRÉE DÉBATÁ l’Université Populaire de BruxellesRue de la Victoire 26 - 1060 Saint-Gilles / UP, Overwinningsstraat 26 - 1060 Sint-GillisGratuit / Gratis - Drink de bienvenue / Welkomstdrankje

AVEC UN SEUL POUMON «LES CONDITIONS DE TRAVAIL EN PALESTINE OCCUPÉE»

MET SLECHTS ÉÉN LONG«WERKOMSTANDIGHEDEN IN BEZET PALESTINA»

Info : 02/552.03.57

Cotisations en vigueur au 01/01/2010

Cotisations effectivesSans

prime syndicale

Avecprime

syndicaleTravailleur temps plein 13,90 14,25

Temps partiels - mi-temps </= 11,00 14,25Prépensionnés 10,25 11,00

Chômeurs (nouvel affi l.) 1er 3 mois 13,90

Cotisations réduitestarif normal

sans domiciliation

tarifavec

domiciliationChômeurs

(*)(tarif réduit avec DOM ou prélèvement direct)

11,75 9,25 (*)

Etudiants 1,50 1,50Interruption de Carrière 4,50 4,00

Jeunes (-21 ans) 11,75 9,25Gardiennes encadrées 3,10 3,10

Pensionnés 4,00 3,25

Depuis 2008, la FGTB de Bruxelles mène, via le département Coopération syndicale avec le Sud, un projet de solidarité avec la Confédération Générale des Travailleurs du Pérou (CGTP) (lire aussi Syndicats n°4, 27/02/2009). Concrètement, nous soutenons sa «campagne nationale de cotisation syndicale» (1). A l’occasion d’une formation à la gestion financière de projets et à la législation belge, les camarades péruviens Américo Domínguez Pizarro (secrétaire d’économie de la CGTP) et Elías Ysaí Aucassi Molina (coordinateur du projet) nous ont rendu visite. Au cours de cette rencontre, nous avons évoqué les problèmes rencontrés par les syndicalistes au Pérou mais aussi les effets de la crise financière, économique et sociale.

Syndicats: Malgré une forte crois-sance économique, au Pérou, un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, beaucoup d’enfants travaillent, il y a encore des pro-blèmes de malnutrition et aussi de corruption. Ne peut-on voir dans tous ces phénomènes l’effet d’un problème majeur de redis-tribution des fruits de la crois-sance?

Américo Domínguez Pizarro (ADP): Jusqu’au 5 avril 1992, le Pé-rou a connu une économie d’Etat. A ce moment, le président Fujimori a fermé le parlement et installé le modèle néolibéral: privatisations, dérégulation du travail, globalisa-tion économique, ouverture des marchés et ouverture des frontiè-res. 50.000 travailleurs (des fonc-tionnaires) ont été licenciés. La CGTP a réussi à remettre 30.000 travailleurs à leur poste. La lutte a été permanente, grâce à la so-lidarité internationale dont nous vous sommes d’ailleurs très recon-naissants. Fujimori (2) a vendu toutes les entreprises d’Etat à un prix ridi-cule, bradant le développement du pays. Notre organisation a payé la contestation au prix de vies humai-nes et a fi ni par être désarticulée: plus personne ne voulait être diri-geant syndical! La croissance n’est pas le fruit d’une politique mais du marché, de la privatisation des entreprises publiques et de l’augmentation du prix des métaux précieux. Par contre, la pauvreté a augmenté. La CGTP exige toujours des inves-tissements dans l’éducation, la santé, la sécurité sociale, les in-frastructures, mais personne ne nous écoute!Aujourd’hui, les objectifs princi-paux du gouvernement d’Alan Garcia sont la vente des ressour-ces naturelles (pétrole, gaz, eau, jungle), la privatisation des ports et aéroports, etc.Et toute la protestation populaire est en train d’être criminalisée. Les communautés indigènes de l’Amazonie sont menacées et leurs dirigeants exilés. A la GGTP, notre présidente, Carmela Sifuentes de Holguín, et notre secrétaire géné-ral, Mario Huamán Rivera, sont tra-duits en justice suite à des actions de protestation contre la privati-sation. Nous n’avons pas peur de cela, nous avons encore plus de force pour lutter pour une patrie

libre et des ressources pour nos enfants et petits-enfants!

Syndicats: En 2011 il y aura des élections au Pérou. Comment cela va-t-il se passer? ADP: Pour nous, Alan Garcia est de droite et nous sentons que les par-tis de droite sont en train de s’unir. Il faut maintenant que la gauche s’unisse. La CGTP a la capacité de mobiliser, pas seulement ses mem-bres, mais aussi les chômeurs, les étudiants, les universitaires,… mais nous ne sommes pas un parti poli-tique, ce n’est pas notre rôle. Nous demandons aux partis politiques de gauche de s’organiser. Malheu-reusement, au Pérou, les pauvres votent à droite! Pendant les campa-gnes électorales, on leur donne de l’argent, un cadeau: un T-shirt, un accès à l’eau pour tout un quartier, une route, des escaliers, des latri-nes,...la droite achète des spots à la télé et matraque les gens. La gauche n’a pas d’argent et les pauvres n’ont pas la conscience de classe. Ils n’ont pas la capacité de réagir. Et au moment de voter, ils votent à droite.C’est pour ces raisons que le gou-vernement ne s’intéresse ni à l’édu-cation ni la santé.Il faut arrêter cela. Nous voulons gagner la conscience des tra-vailleurs.

Syndicats: Voulez-vous nous ex-pliquer votre campagne de coti-sation nationale?ADP: Nous avons rassemblé tous les camarades qui s’occupent de l’économie dans une conférence nationale. Ils ont reçu du matériel de propagande (affi ches et dé-pliants) qui explique l’importance de la cotisation syndicale. Nous sommes en train d’élaborer un règlement de cotisation qui devra être approuvé par nos ins-tances. Ce projet-pilote est fait en collaboration avec 3 syndicats: les ports, les télécommunications et l’enseignement supérieur. Pendant la conférence, un bilan du taux de cotisation à la CGTP a été fait et est en cours de publication. Nous voulons que la comptabilité soit transparente pour tous! C’est vraiment un défi pour nous de pré-senter tous les comptes au centime prêt, car nous luttons contre un gouvernement corrompu et de-vons montrer l’exemple. Pendant notre formation en Belgi-que, nous avons participé à 3 jours d’ateliers sur l’administration fi -

nancière, économique et compta-ble du projet. Nous devons aussi établir un rap-port fi nancier et un rapport d’acti-vités en suivant les règles imposées par la DGCD (Direction générale de la coopération au développe-ment).

Syndicats: Quelles sont les actions qui vont être entreprises au cours des prochaines années?Elías Ysaí Aucassi Molina: Nous allons développer des ateliers de cotisation syndicale dans les pro-vinces d’Arequipa, Cuzco, Piura et Chiclayo.L’objectif de ce projet est de cher-cher l’unité des syndicats membres de la CGTP.Mais le gouvernement dévelop-pe des organisations syndicales parallèles (des syndicats jaunes), qui n’ont rien à voir avec de vrais syndicats. Certains de leurs repré-sentants sortent de prison et, via la menace, empêchent la présence de notre organisation! Mais les gens ont peur. Par exemple dans la construction, le ministre oblige l’entreprise à engager des tra-vailleurs affi liés à son syndicat. On a ce problème dans tous les sec-teurs! Dans le secteur des transpor-teurs, le gouvernement a cassé une grève en louant les transports et en y mettant d’autres chauffeurs. Tout cela existe parce que le sys-tème est corrompu.Plus notre syndicat est fort, plus des syndicats parallèles sont créés. Pendant les manifestations, il y a des infi ltrés qui cassent des vitri-nes, puis on dit que c’est nous. Dans la presse il y a des campagnes déni-grantes, des rumeurs sont lancées...Les médias sont manipulés.Au travers de notre organisation nous essayons de contrecarrer le gouvernement.Nous savons que la lutte sera lon-gue, mais nous sommes détermi-nés à la mener!

(1) Puntualito: la mascotte de la campagne Cotisation (Abeja= abeille, puntual = ponc-tuelle).

(2) La Cour suprême du Pérou a confi rmé à l’unanimité la condamnation à 25 ans de pri-son de l’ex-président Alberto Fujimori pour violations des droits de l’Homme. L’ex-chef de l’Etat péruvien (1990-2000) a été condamné à 25 ans de prison pour sa responsabilité dans des massacres de civils en 1991-92 par des «escadrons de la mort», lors de la répression contre les guérillas d’extrême gauche, dont le Sentier lumineux (3/01/2010).