8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy...

8
Le code secret des nervures des feuilles d’arbre Une équipe américaine a trouvé les formules reliant la longueur des nervures à la surface des feuilles. Et découvert comment cela pouvait expliquer la résistance des arbres à la sécheresse ou au froid. PAGE 7 David Leloup et Stéphane Foucart L e1 er octobre 1995 étaient inscrites au Journal officiel plusieurs dizaines de substances chimi- ques de la plus haute importance. Mais aucu- ne publicité ne fut donnée, à l’époque, à l’éta- blissement de cette liste. Les journaux ne s’en firent pas ou peu l’écho. L’arrêté du 12 septem- bre 1995 fixait pourtant, s’appuyant sur l’avis d’un groupe de travail constitué par le Conseil supérieur d’hygiène publique (CSHP), une liste de produits dont l’adjonction au tabac serait autorisée et dont les résidus de combustion seraient inhalés par des dizaines de millions de personnes. Ils le sont toujours, renforçant l’addiction des fumeurs à la nicotine. La consultation des documents internes de l’in- dustrie américaine du tabac rendus publics par décision de justice, entreprise par Le Monde, est éclairante. Elle montre notamment que le laboratoire de l’un des huit membres du groupe de travail constitué par le CSHP – où siégeaient deux représentants de l’industrie identifiés comme tels – était financé par Philip Morris. Le cas de Robert Molimard – c’est de lui qu’il s’agit –, pro- fesseur de médecine et à l’époque président de la Société française de tabacologie, n’est pas isolé, tant s’en faut. Les « tobacco documents » montrent que plusieurs laboratoi- res français – à Polytechnique, à l’université de Strasbourg, à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), au Collège de France… – ont, sans que cela leur pose de problème éthique, réclamé des financements aux géants américains du tabac. Des personnalités scientifi- ques de haut vol, comme le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux ou le neuropharmacologue Jean-Pol Tassin, ont vu certains de leurs travaux ainsi financés pendant de nom- breuses années. Rien, dans les documents exhumés par Le Monde, ne lais- se penser que ces chercheurs ont bénéficié de rémunéra- tions personnelles. Ces surcroîts de moyens financiers leur ont surtout permis, indirectement, d’accélérer leur carriè- re. Mais les « tobacco documents » jettent aussi une lumiè- re très crue sur les motivations de l’industrie cigarettière. Celle-ci choisit méticuleusement les recherches qui sont utiles à son image, tente d’orienter le travail des chercheurs qu’elle subventionne, suspend sa générosité à l’apprécia- tion des résultats obtenus… Surtout, certains chercheurs publient dans la littérature scientifique sans déclarer leur source de financement, siègent dans des groupes de travail officiels, s’expriment dans les médias sur la question du tabagisme… Que valent, alors, leur parole et leur jugement ? Pour autant que l’on puisse le savoir, les faits mis au jour appartiennent à l’Histoire. Mais ils posent la question, très actuelle, du financement – occulte ou non – de la recherche publique par des intérêts privés. A la lumière des « tobacco documents », ce type de partenariat érigé en modèle par l’Union européenne – c’est aussi, en France, l’un des princi- pes du grand emprunt – apparaît, dans certains cas, fragili- ser l’intégrité de la science. p Un magasinier infatigable La firme américaine Kiva Systems a mis au point un dispositif automatisé de gestion des commandes qui lui a valu d’être rache- tée à prix d’or par Amazon, le géant de la ven- te en ligne. Ses essaims de robots parcourent sans heurt des entrepôts immenses. PAGE 8 Guerre secrète du tabac : des recherches sous influence épisode 2/2 | Les cigarettiers américains ont financé les travaux de scientifiques français de renom. Des liens d’argent qui posent la question de leur indépendance dans les débats sur les effets de la cigarette. PAGES 3 à 5 Cloud Privé Microsoft Demain, vous aurez besoin d’un centre de données qui soit aussi un centre de proÀt. Dès aujourd’hui, choisissez une solution de Cloud Privé qui ne facture pas au nombre de machines virtuelles. En savoir plus sur Microsoft.fr/readynow Césarienne et obésité, la piste microbienne A l’âge de 3 ans, les enfants nés par césarienne auraient deux fois plus de risques d’être obèses. Est-ce parce que leur flore intestinale n’est pas ensemen- cée par les germes maternels ? PAGE 2 PLONK & REPLONK POUR « LE MONDE » Cahier du « Monde » N˚ 20953 daté Samedi 2 juin 2012 - Ne peut être vendu séparément

Upload: others

Post on 03-Mar-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

Le code secret des nervuresdes feuilles d’arbreUne équipe américaine a trouvé les formulesreliant la longueur desnervures à la surfacedes feuilles. Et découvert comment celapouvait expliquer la résistance des arbresà la sécheresse ou au froid. PAGE 7

David Leloup et Stéphane Foucart

Le 1eroctobre 1995 étaient inscrites au Journalofficielplusieursdizainesdesubstanceschimi-ques de la plus haute importance.Mais aucu-ne publicité ne fut donnée, à l’époque, à l’éta-blissement de cette liste. Les journauxne s’enfirentpasoupeu l’écho. L’arrêtédu 12septem-

bre 1995 fixait pourtant, s’appuyant sur l’avis d’un groupede travail constitué par le Conseil supérieur d’hygiènepublique (CSHP),une listedeproduitsdont l’adjonctionautabac serait autorisée et dont les résidus de combustionseraient inhaléspar des dizainesdemillionsdepersonnes.Ils le sont toujours, renforçant l’addictiondes fumeurs à lanicotine. La consultation des documents internes de l’in-dustrieaméricainedutabac renduspublicspardécisiondejustice, entrepriseparLeMonde, est éclairante.Ellemontrenotammentquele laboratoiredel’undeshuitmembresdugroupe de travail constitué par le CSHP – où siégeaientdeux représentants de l’industrie identifiés comme tels –était financépar PhilipMorris.

Le casdeRobertMolimard– c’est de lui qu’il s’agit –, pro-fesseur de médecine et à l’époque président de la Sociétéfrançaise de tabacologie, n’est pas isolé, tant s’en faut. Les«tobacco documents» montrent que plusieurs laboratoi-res français – àPolytechnique,à l’universitédeStrasbourg,à l’Institut national de la santé et de la recherchemédicale(Inserm), au Collège de France… – ont, sans que cela leurpose de problème éthique, réclamé des financements auxgéants américains du tabac. Des personnalités scientifi-ques de haut vol, comme le neurobiologiste Jean-PierreChangeuxou le neuropharmacologue Jean-Pol Tassin, ontvucertainsdeleurstravauxainsifinancéspendantdenom-breuses années.

Rien,danslesdocumentsexhumésparLeMonde,ne lais-se penser que ces chercheurs ont bénéficié de rémunéra-tionspersonnelles. Ces surcroîtsdemoyens financiers leuront surtout permis, indirectement, d’accélérer leur carriè-re.Mais les «tobaccodocuments» jettent aussi une lumiè-re très crue sur les motivations de l’industrie cigarettière.Celle-ci choisit méticuleusement les recherches qui sontutilesàsonimage, tented’orienterle travaildeschercheursqu’elle subventionne, suspend sa générosité à l’apprécia-tion des résultats obtenus… Surtout, certains chercheurspublient dans la littérature scientifique sans déclarer leursourcede financement, siègentdansdesgroupesde travailofficiels, s’expriment dans les médias sur la question dutabagisme…Quevalent,alors, leurparoleet leurjugement?

Pourautantque l’onpuisse le savoir, les faitsmisau jourappartiennentà l’Histoire.Mais ils posent la question, trèsactuelle,du financement–occulteounon–de la recherchepubliquepar des intérêtsprivés. A la lumièredes «tobaccodocuments», ce type de partenariat érigé en modèle parl’Unioneuropéenne– c’est aussi, en France, l’undesprinci-pesdugrandemprunt– apparaît, dans certains cas, fragili-ser l’intégrité de la science.p

Unmagasinier infatigableLa firme américaineKiva Systems amis aupoint un dispositif automatisé de gestiondes commandes qui lui a valu d’être rache-tée à prix d’or parAmazon, le géant de la ven-te en ligne. Ses essaimsde robots parcourentsansheurt des entrepôts immenses. PAGE 8

Guerresecrètedutabac:desrecherchessousinfluence

é p i s o d e 2 / 2 | Les cigarettiers américainsont financé les travauxde scientifiques françaisde renom.Des liensd’argentquiposent laquestionde leur indépendancedans lesdébats sur les effetsde la cigarette.

PAGES 3 à 5

CloudPrivéMicrosoft

Demain, vous aurez besoin d’un centre de données qui soit aussi un centre de proÀt.

Dès aujourd’hui, choisissez une solution de Cloud Privé qui ne facture pas au nombre de machines virtuelles.

En savoir plus sur Microsoft.fr/readynow

Césarienne et obésité,la pistemicrobienneA l’âge de 3ans, les enfants nés parcésarienne auraient deux fois plus derisques d’être obèses. Est-ce parce queleur flore intestinale n’est pas ensemen-cée par les germesmaternels? PAGE 2

PLONK& REPLONK POUR «LE MONDE»

Cahier du «Monde »N˚ 20953 daté Samedi 2 juin 2012 - Ne peut être vendu séparément

Page 2: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

GénétiqueUnemouche pour étudier lesyndromedes jambes sans reposTouchantentre 5%et 10%de lapopulation, le syndromedes jambes sansrepos se traduitpar unbesoin incontrôlédemouvoir lesmembres inférieurs,notamment lorsque lapersonne est au lit,ce quipeut se traduirepar d’importantstroublesdu sommeil. L’origined’un telsyndromepourrait êtreplus facile àélucidergrâce àunmodèledemouchemutanteprésentant ce syndrome.Deschercheursde l’université Emoryd’Atlanta (Etats-Unis) ont en effet«éteint» chez l’insecte l’homologued’ungènesuspecté d’être chez l’hommeresponsablede ce syndrome. Lesmouchesenquestionontprésentédesperturbationsdans le cycle du sommeil etuneagitationaccrue. L’équipeaméricaineapumontrer que le gène enquestioncontrôlait le niveaude dopaminedans lecerveau,mais aussi l’équilibredu fer dansles cellules – deuxaltérationsobservéeschez les humains. L’animalpourraitpermettrede tester desmédicaments.> Freemanet al., «CurrentBiology»du31mai.

GénétiqueLes secrets de la tomateUnconsortiuminternational vient deséquencer le génomede la tomate. Lasemaineprécédente, une équipedel’universitéde Floride avait indiqué avoirréussi à isoler unepoignéedemoléculesresponsablesde la sensationde goût et desucré. Près de 300fruits ont étéchimiquementanalysés et soumis à lasagacitéd’unpanel de testeurs. Le verdictest que seulementdouzemoléculesexpliqueraient l’attractiongustative.Uneautredouzaine seraient responsable de lasensationde sucre, sans que cesmoléculesappartiennent à cette famillechimique.Dequoi ouvrir quelquespistespour séduire, naturellementouartificiellement, les consommateurs.> Tiemanet al., «CurrentBiology»du24mai et «Nature»du 31mai.

MédecineUnenouvelle voie pourrestaurer lamarche après lésionde lamoelle épinière

Grâce àunprotocole ingénieux, deschercheurs suisses ont obtenuunerécupérationde lamotricité volontairechezdes rats paraplégiques.Dansunpremier temps, les circuitsneuronaux«dormants» de ces animauxont étéactivéspar des injectionsdeneurotransmetteurset des stimulationsélectriques locales – endessousde lasectionde lamoelle épinière. Ils ontensuite été rééduqués sur tapis roulant(photo), avec un systèmede soutienrobotisé impliquantuneparticipationactive.Motivéspar une récompense, cesrats ont progressivementpu contrôlerleurmarche, etmêmemonterun escalierou contournerdes obstacles. Enrevanche,un autre grouped’animauxentraînésparune rouequi faisait bougerleurspattes lors de sa rotationn’a pasrécupéréde locomotionvolontaire: cesystèmeautomatique, qui nemet pas enjeu lesneurones corticaux, n’induit pasdeplasticité ni de récupération,contrairementàuneprocédurequi faitappel à uneparticipationactive. (PHOTO: EPFL)

> VandenBrandR.et al., «Science» du1er juin.

ArchéologieDes flûtes de plus de 40000 ansPlusieurs flûtesd’os etd’ivoireont étéretrouvéescesdernièresannéesdansdesgrottesallemandes.Denouvellesdatationsmontrentque lesplus anciennes,provenantde lagrottedeGeißenklösterle,auraientenviron42000ans, et non35000ans. Ces instruments, les plusanciensde ce type trouvés en Europe,sont attribués àHomosapiens etpermettentdemieux cerner la date desonarrivé en Europe, le longduDanube.> Inghametal., «Journal ofHumanEvolution»du 29mai.

Sandrine Cabut

Alors que le nombred’accouchementsparcésarienneestenaugmentation dansde nombreux pays,uneéquipeaméricai-

ne sème le doute en évoquant unéventuellienentrecemoded’accou-chement et l’obésité infantile. Selonune étude conduite par SusannaHuh (hôpital pédiatrique de Bos-ton), publiée le 23mai sur le siteInternet de la revue Archives ofDiseaseinChildhood, letauxd’obési-té à l’âge de 3ans est deux fois plusélevé chez les enfants nés par césa-rienne (15,7%) que chez ceuxnésparvoie basse (7,5%).

Ces dernières années, plusieursétudes ont trouvé un risque accrud’allergies (asthme, rhinites…) chezlesbambinsissusdecésarienne.L’as-sociationtiendraitaufaitquel’acqui-sition de la flore intestinale (micro-biote) au débutde la vie et son profildiffèrent selon que le bébé a été aucontactde la florematernelle lors desonpassageparlesvoiesgénitalesouqu’il a été extirpé par césarienne. Enrevanche,trèspeudechercheursontexplorél’influencedumoded’accou-chementsur lepoids.

Uneétudechinoiseportantsuruneffectif de 160enfants, publiée en2011dansl’EuropeanJournalofPedia-

trics, avait cité la césarienne commel’un des facteurs de risque d’obésitéinfantile. Des auteurs brésiliens ontobservé un taux d’obésité à l’âgeadultemultipliépar1,5chezdesindi-vidus nés par césarienne (AmericanJournalof ClinicalNutrition, 2011).

Susanna Huh et son équipe ontrecruté, entre1999 et 2002, desmil-liers de femmes enceintes dans lecadred’unecohortematerno-infanti-le. Les analyses ont porté sur971enfants nés par voie vaginale et284 issus de césarienne. A l’âge de3ans, 15,7% de ces derniers (44sur

284) répondaient aux critères del’obésité, la proportion s’élevant à7,5% dans l’autre groupe (72sur 971).L’association reste significative entenant compte de facteurs de confu-sion tels que le poidsmaternel et lepoids de naissance, soulignent leschercheurs. Selon eux, l’explicationest peut-être, comme pour l’excèsd’allergies, à chercher du côté dumicrobiote intestinal puisqu’unenaissance par césarienne influe sursa composition. D’autant que denombreux travauxpointent l’impli-cation de ces bactéries intestinalesdans le surpoids.

Il a ainsi étémontré que l’intestindes individus obèses contient relati-vementplus de bactéries de type fir-micutes et unemoindre proportionde bacteroïdetes que celui des sujetsminces. Cette théorie demandecependant confirmation, le micro-biotedesenfantsn’ayantpasétéana-lysédanscette étude.

«Les femmes enceintes qui optentpourunecésarienneenl’absenced’in-dicationmédicaledevraientêtreaver-tiesqueleurenfantpeutcourirunris-que accru d’obésité», concluent lesauteurs de l’article, rappelantqu’auxEtats-Unisletauxdecésarien-nes a bondi de 20,7% en 1996 à 32%en 2007, en partie du fait d’unaccroissementdesdemandesmater-nelles. Cette recommandation est

cependant jugée prématuréepar lesscientifiques français.

«C’est une étudepionnière,menéeparuneéquipereconnue,quis’inscritdans la quête actuelle de détermi-nants précocesde l’obésité. Elle ouvredes pistes intéressantes, mais doitêtre reproduitepar d’autres», estimele professeur Arnaud Basdevant(nutritionniste,hôpitallaPitié-Salpê-trière, Paris). Un avis partagé par ledocteur Marie-Aline Charles, épidé-miologiste (Inserm), qui coordonneplusieurs cohortes d’enfants, dontcelledel’Etudelongitudinalefrançai-se depuis l’enfance (ELFE). « J’ai entête depuis quelque tempsde réaliserune analyse comparable sur unecohorte française, ajoute-t-elle. C’estune démarche logiquedans lamesu-reoùl’onsaitquelemoded’accouche-ment, tout comme l’allaitement,influence la formation du microbio-te.» L’épidémiologiste se dit toute-fois surprisepar le niveaude sur-ris-queobservédanslasérieaméricaine.

Lesgynéco-obstétricienssontplussceptiques.«Cette étude est troppeusolide pour en faire un argumentcontre les césariennes de convenan-ce», réagit le professeur Yves Ville(maternité de l’hôpital Necker,Paris), trèscritiquesurlaméthodolo-giedeschercheursaméricains.Selonlui, leur publication s’inscrit dans lecontexte d’une «chasse» aux césa-

riennesd’indicationsnonmédicales,avec une culpabilisation des fem-mesqui les demandentet desméde-cins qui les acceptent. «Certes, lescésariennesontaugmenté enFrance,mais on est partis de taux plutôt bas,note-t-il.Deplus, il est prouvé qu’unecésarienneplanifiéenecomportepasplus de risques pour la mère qu’unaccouchementpar voie basse. Les ris-ques de complications sont surtoutpour des grossesses ultérieures. Ondoit tenir compte du projet familialde ces femmes.»

Enmoyenne, en France, une césa-rienne est pratiquée dans un accou-chement sur cinq. La proportion adoubléentrenteans,maisrestebieninférieure à celle de pays commel’Italie (38%), le Mexique (42%) oulesEtats-Unis.Récemment, laHauteAutorité de santé (HAS) a émis denouvelles recommandationsconcernant les indications des césa-riennes programmées pour desmotifs médicaux ou sur demandedelafuturemère.Difficilesàquanti-fier, ces dernières sont de plus enplus acceptées par les obstétriciens.«Lapressionmédico-légalequi repo-sesur lesépaulesdesaccoucheurs,enparticulierenlibéral,peutlescondui-re à privilégier les accouchementsparvoiehaute»,confirmeledocteurJean-Michel Dreyfus, gynéco-obsté-tricienà Lyon.p

t é l e s c o p e

SCIENCE&TECHNO a c t u a l i t é

EnFrance,une césarienne estpratiquée dansunaccouchement surcinq. La proportion

adoubléen trente ans

Obésité: lapistedescésariennesm é d e c i n e | Letauxd’obésitéinfantileàl’âgede3ansestdoubléchezlesenfantsnésparcésarienne,selonuneétudeaméricaine.Unecompositiondifférentedelafloreintestinaleresteàconfirmer

JérômeGrenèche

L’adaptation de nos comporte-mentsàdes situations inédites est-elle sous le contrôle d’une protéi-ne?C’est cequesuggèreuneétude,

à paraître le 28 juin dans le journal CellReports, qui souligne le rôled’uneenzyme,ditePERK,danslaflexibilitécomportemen-tale. Grâce à une méthode permettant devisualiser toutes sortes de protéines, deschercheurs américains et français se sontintéressésàcetteenzymequi régule la syn-thèsedeprotéinescibles liéesà lamémoireet la plasticité cérébrale. PERK semble parailleurs jouer un rôle central dans la schi-zophrénie.

Afin d’examiner les conséquences deson absence sur la flexibilité comporte-mentale, les chercheursont créédes souristransgéniques «knock-out», qui ne dispo-sentpasde laprotéinePERKdans leur lobefrontal. Ils ont comparé leur comporte-ment à celui de souris normales dans un

labyrintheaquatique.Lorsqu’ellesappren-nentà s’orienterdans cedispositif, les sou-ris normales et mutantes effectuent lemême parcours pour accéder à une plate-forme destinée à les maintenir hors del’eau. L’emplacementde la plate-formeestensuitemodifiéafindevérifiersi les sourismutantes adaptent leur comportementpour localiser la plate-forme malgré l’ab-sence de la protéine: contrairement auxsouris normales, elles n’y parviennent paset sont donc incapables de «désappren-dre»pour s’adapter à unemodificationdeleurenvironnement.

Troubles neurologiquesLorsd’unesecondeexpérience, les cher-

cheurs ont examiné la sensibilité desmêmes souris aux éléments extérieurs àpartir d’un conditionnement associatifentreunsignalsonoreetunlégerchocélec-trique sur l’une de leurs pattes. Dans cecontexte, toutes les souris ont une réac-tion normale de peur : elles s’immobili-sentlorsqu’ellesentendentlesignal,antici-

pant ainsi le léger choc à venir. Lorsqueensuite le sonn’est pas suivi d’un choc, lessourismutantes continuent d’y répondreen se figeant, comme si elles s’attendaientà ce que le choc survienne immédiate-mentaprès.Enrevanche,lessourisnorma-les,quines’immobilisentplus lorsqu’ellesentendent le signal sonore isolément, ontadapté leur comportement.

Les chercheurs en concluent que la pro-téine PERK intervient dans la flexibilitécomportementaleetpermettraitainsiauxsouris d’associer les éléments extérieursaucontexte.«Grâceàlasélectivitédel’inac-tivationdugènecodantpourcetteprotéinedans le cortex frontal et à lamise au pointd’unetechniquetrèssophistiquéedevisuali-sation des protéines, c’est la première foisqu’une étude révèle l’importance de la pro-téinePERKdans lemaintiende la flexibilitécomportementale»,soulignePhilippePier-re, chercheurauCentred’immunologiedeMarseille-Luminyet coauteurde l’étude.

Parailleurs, les très faiblesniveauxde laprotéine PERK observés dans les prélève-

ments post mortem de cortex frontal depersonnes schizophrènes par rapport àceux de sujets indemnes confirment quesonabsencecontribueàaltérerleurflexibi-lité comportementale.«De plus en plus detroublesneurologiquesetdemaladiesneu-rodégénérativesdontlesmaladiesd’Alzhei-meretdeParkinsonetlesyndromeduXfra-gileontdéjàété liésà ladysrégulationde lasynthèsedeprotéines, expliqueEricKlann,coauteurde l’étudeet chercheurauCentrepour les sciencesneurales à l’universitédeNewYork.D’autres études clarifiant le rôlespécifiquede la synthèsedeprotéines régu-léeparlaprotéinePERKdanslecerveaupeu-vent fournir de nouvelles voies pour luttercontre les troubles neurologiques, si répan-dus et souvent trèshandicapants.»

L’étude de Cell Reports, en mettant enexergue une voie biochimique impliquéedans la flexibilité comportementale,ouvre la voie à des recherches diagnosti-ques et pourrait conduire à une améliora-tiondelapriseenchargedetroublesneuro-logiques, espèrent ses auteurs.p

Uneprotéine, cléde la flexibilitémentalePrivéesdecettemolécule,dessourisneparviennentpasà«désapprendre»pours’adapter

Naissancepar césarienne au Centre hospitalier duVal d’Ariège.JULIE BALAGUÉ

2 0123Samedi 2 juin 2012

Page 3: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

é v é n e m e n t SCIENCE&TECHNO

David Leloup et Stéphane Foucart

Changeux!» Lenom,écrità la main, en grandscaractères et suivi d’unpoint d’exclamation,sonne comme un cri devictoire. Le Post-it sur

lequelil est rédigéestcollésurunelettredu grand neurobiologiste français Jean-Pierre Changeux, datée du 10août 1994et à en-tête de l’Institut Pasteur. Elle estadressée au Council for TobaccoResearch (CTR), une officine de l’indus-trie du tabac basée à New York (Etats-Unis)quifinancedelarecherchescienti-fique. Jean-Pierre Changeux demande255000dollars (273500euroscourants)pourunprojetdetroisansafind’étudierl’impact de la nicotine sur le cerveau desourismutantes. Lamissive ainsi anno-tée est accessible dans l’océan de docu-ments secrets de l’industrie cigarettière–les«tobaccodocuments»–queLeMon-dea entreprisde fouiller.

LeCTR est visiblement enchantéd’at-tirer dans ses rets un chercheur de sarenommée. «Changeux est très célèbre.Nous devrions soutenir son activité»,écritl’undescadresduCTR,chargéd’éva-luer la candidatureduFrançais.«Le sou-tien[financier]dontil jouitest (…)phéno-ménal.Ildevraitnéanmoinsrecevoirunedenossubventions», s’enthousiasmeunautre responsable de l’officine des ciga-rettiersaméricains.Danssademandedebourse, Jean-Pierre Changeux déclaredisposer d’un budget de 401636dollars(430000euros courants)pour 1994.

Entre le 1er juillet 1995 et le 31décem-bre 1998, par le truchement du CTR,Jean-Pierre Changeux recevra220000dollars (177000euros cou-rants) de l’industrie du tabac pour sonlaboratoire. A la fin des années 1990,

son service sollicitera et recevra égale-mentdes fondsdeRJReynolds,proprié-tairede lamarqueCamel.

Que savait-on, en 1994, du fameuxCTR?Dansuneenquête fouilléepubliéedix-huitmois avant que M.Changeuxne formule sa demande de finance-ment, leWall Street Journal avait décrit

cette officine comme responsable de la«plus longue campagne de désinforma-tion de l’histoire économique des Etats-Unis». Crééen1953, leCTRétaitpilotéenpartie par l’agence de relations publi-ques Hill &Knowlton et des avocatsmandatés et payéspar les cigarettiers. Ilavaitpourprincipalemissiond’orienterla recherche scientifique dans un sensfavorable à l’industrie, en finançant cer-tainsprojets et enécartantd’autres.

En un peu plus de quaranteans, leCTR a dépensé 282millions de dollarspour soutenir plus de 1000 chercheursqui ont publié quelque 6000 articlesscientifiques. Nombre de ces travauxont permis de fabriquer et d’entretenirledoutesur leseffetsdutabacsur lasan-té, ou encore de changer l’image de lanicotine en mettant l’accent sur ses

aspects positifs. Une centaine d’études–les «special projects»– étaient carré-ment de la science frelatée, pilotée parles seuls avocats pour constituer des«munitions» scientifiques utilisablesen justice alors que les procédures judi-ciairess’accumulaientàpartirdumilieudesannées 1960…

Tel n’est pas le cas des travaux deM.Changeux, reconnu par ses pairscommeunefiguremajeurede laneuro-biologie.Alors?«Lesstratégiesdefinan-cementde l’industriedutabacsontcom-plexes, explique l’historien des sciencesRobert Proctor (université Stanford,Etats-Unis), le chercheur qui a le plustémoigné aux procès menés outre-Atlantiquecontre lescigarettiers.Finan-cer des laboratoires prestigieux est trèsutile aux avocats de l’industrie : lors-qu’on fait valoir qu’ils subventionnentde la science biaisée, ils ont toujours plu-sieurs noms à mettre en avant pourdémentir, dontplusieursPrixNobel…»

D’où,àl’évidence,la joiedescadresduCTR à la réception de la demande definancement deM.Changeux. D’autantqu’en octobre1994, au moment mêmeoù le neurobiologiste démarchait leCTR, l’American Medical Association(AMA) écrivait aux doyens de toutes lesfacultés de médecine des universités

américaines pour les enjoindre de neplusaccepter lesdollarsduCTRnidesesorganisationssœurs,commeleTobaccoInstitute et le Center for Indoor AirResearch. La plus importante associa-tion médicale des Etats-Unis prévenaitalors que ces fonds alloués pour larecherche «aident l’industrie à convain-cre les décideurs et le public qu’elle a desprojets de recherche légitimes en cours(…), et que le jury est toujours en train dedélibérer sur la “controverse”». Et ce,alorsque lascienceest clairesur lesdan-gers du tabac. Ces fonds sont utilisés«pourfairetairelesuniversitésetlescher-cheurs», ajoutait l’AMA, mais aussi«pour associer des institutions presti-gieusesàl’industrie–etdoncs’acheterdela respectabilité».

Unpointdevuequi sera confirmé,en1998, par le juge californienGeorge Fin-kle : « Les documents [internes del’industrie], considérés dans leur ensem-ble, fournissentdespreuvesquiappuientles affirmations de l’Etat [de Californie]selonlesquelles les [cigarettiers]ontutili-sé le CTRpour tromper lepublic.»LeCTRsera dissous la même année. Il est tou-jourspoursuividans74procéduresjudi-ciairesauxEtats-Unis.

Plongéedans les«tobaccodocuments»

GuerredutabacLabatailledelanicotine

é p i s o d e 2 / 2 | Les documents internes de l’industrie cigarettière américaine révèlent comment elle a financéoumanipulé des scientifiques français de premier plan pour donner une image positive de la nicotine

Lirela suitepages4-5

e n q u ê t e

Entre le 1er juillet 1995et le 31 décembre 1998,M.Changeux recevra

220000dollarsde l’industriedu tabac pourson laboratoire

LeMonde s’est plongédans les «tobaccodocuments», à la recherchedesliens entretenuspar certains chercheurs français avec l’industrie améri-cainedu tabac. Ces documents secrets ont été versésdans le domainepublic à partir de 1998, après les poursuitesde 46 Etats américains contrelesmajorsde la cigarette. Quelque 13millionsde documents, soit plus de79millionsdepages, ont, depuis, éténumérisés et sont accessibles sur unsitehébergépar l’universitéde Californie à San Francisco, grâce à desfondsde l’AmericanLegacy Foundation– laquelle bénéficie, par décisionde justice, d’unedotationdes cigarettierspourmaintenir et enrichir laLegacyTobaccoDocuments Library (http://legacy.library.ucsf.edu).

CHRISTIAN CHARISIUS/DPA/CORBIS

30123Samedi 2 juin 2012

Page 4: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

SCIENCE&TECHNO é v é n e m e n t

«Dès 1994, tout chercheur compétentaurait dû savoir que le CTR n’était pasune agence scientifique légitime», esti-meStantonGlantz,spécialistedel’indus-triedutabacetprofesseurdemédecineàl’université de Californie à San Fran-cisco. Le financementoctroyéau labora-toiredeJean-PierreChangeuxdébouche-ra surplusieurspublications,dontdeuxdans la prestigieuse revue Nature. Lamédiatisation de l’une d’elles, enavril 1999, donnera une image plutôtsympathique de la nicotine: «La nicoti-nedétientlacléd’antidouleurspluseffica-ces», titrait la dépêchedeReuters, repri-sedans lemondeentier.

Dumilieu des années 1980 au débutdes années 2000, d’autres scientifiqueset médecins français de premier planont, à l’instar de Jean-Pierre Changeux,bénéficié de l’argent du tabac. Tous ontréalisé des programmes de recherchequiintéressaientlescigarettiers.«Claire-ment, je ne veux pas que nous investis-sions dans de la recherche qui ne puissepasnousêtreutile», écrit ledirecteurdesaffaires scientifiques de Philip Morrisdansuncourrieljustifiantsonrefusd’oc-troyer un financement de 450000dol-larsaulaboratoiredephysiquedesinter-facesde l’Ecolepolytechnique.

«Etre utile» : comment? Ces finance-ments jettent ledoutesur la sincéritédudiscourspublicsurle tabacquetiennent–ounon–leschercheursfinancésparlescigarettiers, que ce soit dans lesmédiasouauseind’organespublics.

Acetégard,lecasd’unautreneurobio-logiste renommé, Jean-Pol Tassin, direc-teur de recherche à l’Inserm et profes-seurauCollègedeFrance, interpelle. Lesdocuments internes de l’industrie dutabacindiquentquesonéquipeetlelabo-ratoire de son chef de service JacquesGlowinski, un des pionniers de la phar-macologie en France, ont reçu 2,8mil-lions de francs français (546000euroscourants) de PhilipMorris Europe entre1989 et avril2000, année où il a pris laprésidence du conseil scientifique de laMission interministérielle de luttecontre la drogue et la toxicomanie(MILDT)…

Toutcommenceen1986.Jean-PolTas-sinetIanMarcovitch,ledirecteurscienti-fique de Philip Morris Europe, basé àNeuchâtel(Suisse),fontconnaissanceausein de la commission Hirsch, mise enplacepar legouvernementpourévaluerletabagismeenFrance.Leneurobiologis-teyanimeungroupe sur ladépendanceoùM.Marcovitchreprésente l’industrie.Le5novembre1987,lesdeuxhommesserevoient au Collège de France pour«explorer lapossibilité d’unprogrammede recherche conçuautourdes étudesduprofesseur Warburton», selon les notesdeM.Marcovitch. On y lit queM.Tassina«uneattitudeobjective»enverslaciga-rette, qu’il est «ouvert à l’idée de faire dela recherche sur la nicotine et les récep-teursnicotiniques», et que «de la littéra-ture scientifique luia été envoyée»…

Ce mystérieux «professeur Warbur-

ton» est consultantde longuedatepourl’industrie du tabac. Pionnier de larecherchesurleseffetspositifsdelanico-tine sur la cognition (attention, traite-ment de l’information, mémoire…), ceprofesseur de psychopharmacologie àl’universitédeReading(Royaume-Uni)apubliédenombreuxarticlessansjamaisdévoiler son financement par l’indus-trie. A partir de 1988, il va jouer un rôlecentral pour aider les cigarettiers àcontrerunrapport-cléduSurgeonGene-ral, la plus haute autorité enmatière desanté publique aux Etats-Unis. «Nicoti-neAddiction», publié enmai1988, affir-mepour lapremière foisque lanicotinepeut créer une dépendance aussi fortequel’héroïneet lacocaïne.LamissiondeM.Warburtonseradecasserce liennico-tine-droguesduresdanslesmassmedia.

Sil’industriesepassionnepourlesétu-des de Warburton sur les effets stimu-lants de la nicotine, elle souhaiterait enidentifier les mécanismes biologiquessous-jacents. C’est lamission assignée àJean-Pol Tassin. Fin 1989, il revient deNeuchâtel «enchanté et très stimulé par

les échanges fructueux de [sa] réunionavec [le] comité scientifique» de PhilipMorris, d’après un courrier de JacquesGlowinskià IanMarcovitch.

«Cetteactiondelanicotinesurlasensi-bilisation des systèmes dopaminergi-quescorticauxsansmodificationdessys-tèmes dopaminergiques sous-corticauxpourraitexpliquerl’effetpositifdelanico-tinesurlesfonctionscognitivesdécritparDavid M.Warburton», écrit M.Tassindans un courrier adressé à Ian Marco-vitch en juin1990. En février 1992, leschercheurs écrivent, à propos de neuro-nes particuliers qu’ils ont étudiés, queleur sensibilisation «par l’administra-tionrépétéedenicotinepourraitpermet-tre de mieux comprendre les améliora-tionsdes performances cognitives obser-vées chez l’homme à la suite de l’inges-tionde fuméede tabac (Warburtonetal.,Psychopharmacology, 1986)».

Chercheur brillant, Jean-Pol Tassinpeutaussi potentiellementpeser sur lespolitiques publiques: « [Le Collège deFrance] représente la première entité derecherche neuronale en France et a unrôle d’expert dans toutes les décisionsliées à la pharmacologie des drogues»,expliqueunmémodePhilipMorris.

Plus troublant encore, les « tobaccodocuments» suggèrent une certaineemprisedePhilipMorris sur les travauxdeMM.GlowinskietTassin.Dansunelet-tre d’octobre1988 adressée à IanMarco-vitch, les deux hommes évoquent la

convention qu’ils s’apprêtent à signeravec le propriétaire des marques Marl-boro et Chesterfield. « [L]e financementde lapremièreannéeest seulementassu-ré», écrivent-ils, et un renouvellementn’interviendra qu’après accord des par-ties«etévidemmentenfonctiondevotreappréciation des résultats obtenus».Toutaussiétonnant,Jean-PolTassinpro-poseen juin1990à son sponsorde choi-sir la revue scientifique à laquelle sesrésultats seront soumis : «Au cas oùvousauriezunepréférencepourun jour-nalparticulier,n’hésitezpasànous le fai-re savoir», écrit-il…

Lacollaborationsepoursuivraduranttouteladécennie.En1998,M.Tassinsou-mettra à PhilipMorris un nouveau pro-jet intitulé«L’effetneuroprotecteurde lanicotine», qui sera approuvé en 1999.Dixansplus tard, Jean-PolTassinpublie-ra une étude qui fera couler beaucoupd’encre.Ellesuggèrequelanicotineseulenesuffitpasàdéclencherunedépendan-ce chez les fumeurs: d’autres composésdu tabac s’avèrent indispensables pourenrévélerlepouvoiraddictif.Cetteétudes’attire immédiatementles foudresde laSociétéfrançaisedetabacologieetdel’Al-liancecontreletabac,quiestimentquelamiseencausedurôlede lanicotinedansladépendance«coïncideavec les intérêtsde l’industrie du tabac qui a longtempsnié, dans sa communicationexterne, quel’addictionàlanicotineétaitlacauseprin-cipale dumaintien de la consommationet dumarché du tabac». M. Tassin s’ap-puiesursesrésultatspourinterrogerl’ef-ficacitédes substitutsnicotiniques...

L’argent du tabac influence-t-il laparole publique des chercheurs qui enbénéficient? Toujours est-il qu’en 2010,dansun longentretienà laLettreduCol-lègedeFrance,M.Tassindéclareque«lescigarettiers, en cherchant à fidéliser et àaugmenter leur clientèle, ont produitune véritable addiction pathologique,mais en quelque sorte sans le vouloir».«Ils ont toujours cherché à produire lescigarettes les plus agréables possibles,avec l’idée que c’est ce qui fidéliserait lesfumeurs, parce qu’ils faisaient le lienentre plaisir et addiction, ajoute le cher-cheur.De ce fait, on leur prête parfois defausses intentions. Par exemple, on ditqu’ils mettent de l’ammoniac dans lescigarettes pour rendre les fumeurs plusdépendants. En réalité, au départ, cen’estpasdutoutpourcetteraison.Ilsveu-lentobtenir ungoûtagréable.»

«C’est le charabia de l’industrie, com-mente Stanton Glantz. L’utilisation desmots “agréable” et “goût” est exacte-ment la même que celle des entreprisesdu tabac, lorsqu’elles cherchent àcontourner le fait qu’elles ont manipuléla nicotine et les additifs des cigarettespourmaximiser leurpotentieladdictif.»Untel fait, ajouteM.Glantz,estconnuetreconnu par l’industrie depuis long-temps puisque, par exemple, les docu-ments internes des cigarettiers mon-trent qu’ils se considèrent au moinsdepuis 1963 commeétantdans«le busi-nessdevendrede lanicotine,unedrogueaddictive, et efficace dans les mécanis-mesde relâchementdu stress»…

Les «tobacco documents» révèlentaussil’ampleurdufinancementparl’in-

dustrie des activités de recherche deRobertMolimard,professeurdemédeci-ne, fondateur de la Société de tabacolo-gie(qu’il aprésidéejusqu’en2004)etdudiplôme interuniversitairede tabacolo-gie.Souslenomdecode«Broca»,lelabo-ratoiredeM.Molimarda touchéprèsde3,5millions de francs français(700000euroscourants)dePhilipMor-ris entre1986 et 1998. On ne sait si sonfinancementa perduré au-delà de 1998,les archives de l’industrie n’étant pasencore intégralementnumérisées.Maisle nom de Robert Molimard réapparaîten 2000 sur une liste de scientifiquessollicitant un financement de PhilipMorris Europepour l’année2001…

Ces financements, reçus pendant aumoins douze ans, n’ont pas été dévoilésparM. Molimard dans ses publicationsscientifiques.Ilscontredisentsadéclara-tion d’intérêts au Formindep (associa-tiondemédecinsplaidantpourunefor-mation et une information médicalesindépendantesdesfirmespharmaceuti-

ques)dontilestmembreduconseild’ad-ministration.Ildéclareeneffetsurl’hon-neur n’avoir été sponsorisé par les ciga-rettiers qu’«entre1988 et 1990», afin de«payer [s]a technicienne». Ses conven-tions signées avec Philip Morris men-tionnent pourtant l’entretien d’un«chercheuràplein temps».

Pourl’industrie,soutenirRobertMoli-mardétait évident. «Le professeurMoli-mardest considéré en France commeundes experts les plus importants sur letabagisme», préciseunmémodePhilipMorris, qui souligne également le rôlestratégique qu’il peut jouer auprès despouvoirspublics:«Il aétémembrede lacommissionofficiellemisesurpiedparlegouvernementpourdiscuterdutabagis-me (la “commission Hirsch”)». M.Moli-mard voyait régulièrement Ian Marco-vitch, sorte d’«agent traitant». Lors decesrencontres,letabacologueinformaitl’industrie de l’avancement de ses tra-vaux,maisaussidesderniersdéveloppe-ments politico-scientifiques concer-

Suite de la page 3

«Jeneferaisplusappelàdetelsfonds»Jean-PierreChangeux,neu-robiologiste à l’InstitutPasteur, élu professeur auCollège de France en 1975,où il occupera la chaire«Communicationscellulai-res» jusqu’en 2006. Auteurde L’Homme neuronal(Fayard,1983), ilaprésidéleComité consultatif natio-nald’éthiquede1992à1998.

«Me suis-je préoccupédes aspects déontolo-giques liés au financementdemon laboratoirepar le Council for Tobacco Research (CTR)? Oui.Il était bien connu à l’époque que les indus-triels du tabac avaient publié des données falsi-fiées et fait de la publicitémensongère sur letabagisme. Je présidais alors le Comité consul-tatif national d’éthique. Pourmoi, l’essentielétait la liberté de la recherche, sansmainmiseduCTR, ce que j’ai obtenu.

Comme lemontre notre article publié en1998dansNature, financé partiellementpar leCTR, nous avons confirmé la dépendance à lanicotine sur unmodèle animal, et analysé lerôle du récepteur de l’acétylcholine dans cettedépendance. Ce travail a ainsi contribué àmon-trer que les allégations des cigarettiers sur l’ab-

sence de dépendancenicotinique liée à l’usagedu tabac étaient fausses.

Concernantnotre financementpar le cigaret-tier RJReynolds, je neme souviens plus desmontants perçus à la fin des années 1990. Unebranchede cette société, devenuepar la suiteindépendante, s’intéressait à la pharmacologiedes effets positifs de la nicotine.

La nicotine a des effets addictifs, avecd’autres substances du tabac, qui entraînentcancers et maladies cardiovasculaires.Maiselle a aussi des effets bénéfiques : c’est unstimulant cognitif, un neuroprotecteurimportant pour la lutte contre Alzheimer, etelle a des propriétés analgésiques et antidé-pressives.

Notre financementpar le CTR et RJReynoldss’est fait en toute transparence, avec l’accorddemahiérarchie à l’Institut Pasteur, et lamen-tionde ces financements dans les articlespubliés. Il va de soi que, depuis des années,nousne recevonsplus de tels financements, etqu’aujourd’hui je ne ferais certainement plusappel à des fonds de cette nature. En effet,même si la dangerosité du tabac est scientifi-quement établie, le tabagisme est toujours unfléaumondial et lesmarchands de cigarettessont toujours très puissants.»p

Jean-Pol Tassin, neurobio-logiste, directeurde recher-cheà l’Institutnationaldelasanté etde la recherchemédicale (Inserm)etprofes-seurauCollègedeFrance,présidentduconseil scienti-fiquede laMission intermi-nistériellede lutte contreladrogueet les toxicoma-nies (MILDT)depuis 2000.

«IanMarcovitchm’aproposéunfinance-menten 1986. J’ai décliné.Deuxansplus tard,quandnotre laboaeudes soucis financiers, jel’ai rappelé.Cette subventionamicalenem’apasposédeproblèmeéthique. Ellen’a enrieninfluencémondiscours sur le tabac.

PhilipMorris avaitbesoind’informationspointuessur la recherche. J’étaisunexpert res-sourcepoureux.Onsevoyaituneoudeux foisl’anpouréchanger sur l’évolutiondesconnais-sances. Jamais ilsne sont intervenusdansnostravaux,etnotre financementn’étaitpas condi-tionnéauxrésultatsobtenus.

La propositiondu choixdu journal, c’étaitpour leur faire plaisir.Onnenous a jamaisditdeviser tel ou tel journal. Onapublié quelquesarticles sur la nicotine,mais c’était pour justi-

fier notre financement. Ils nousont dit : “Mercidenous remercier,mais si vous préférezne pasle faire, ne le faites plus. Cela nenous rapportepasgrand-chose et çapeut vous créer desennuis.” Les remerciementsenpiedd’articleétaient aléatoires.

Jedois beaucoupàM.Marcovitch.Son inter-ventionm’avraimentaidé:prèsde40000eurosenmoyenneparanpendantonzeans, c’est appréciable. Je ramenaisenviron10%dubudgetdu labo, qui comptait60personnes.Quand j’avaisbesoind’unappareil, le servicenemele refusait jamais.C’est le seul avantagedontj’aiprofité.On leurcoûtait “lamoitié de l’aileavantgauched’une formule 1 aux24heuresduMans”, disaitMarcovitch.

C’est très intéressantdevisiter leursusines. Ilsontune rigueurextraordinaire, ils vérifientenpermanence laqualitéde leursproduits. Ils sontinfinimentplus rigoureuxquen’importequelscientifique. Ils ont l’argentpourça.

J’ai continuéàvoirM.Marcovitchaprèssaretraite. Il avaitmille rosesdans son jardin.Onrefaisait lemonde. Il incarnait le contrairedel’imagequ’onpeutavoirde l’industriedu tabac.

Quand le laboa fermé,en2009, JacquesGlowinskim’aappelé. Il restaitun reliquatde25000eurosdePhilipMorris. Je l’ai récupéré.»p

«Lanicotine détientla clé d’antidouleurs

plus efficaces »,titrait la dépêchedeReuters, reprise dans

lemonde entier

«JedoisbeaucoupàM.Marcovitch»

EMCDDAPIERRE ANDRIEU/AFP

4 0123Samedi 2 juin 2012

Page 5: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

é v é n e m e n t SCIENCE&TECHNO

nant le tabacen France.Début décembre1992, il annonce sa

nominationauseindugroupe«additifsaux produits du tabac» piloté par leConseil supérieur d’hygiène publique(ministère de la santé). Un groupe char-gé d’établir une liste cruciale pour l’in-dustrie: celledesadditifsautorisésdansles cigarettes en France. En février1993,IanMarcovitch rend à nouveau visite àM.Molimard «pour avoir des nouvellesde l’évolution des travaux au sein dugroupe d’experts sur les additifs dutabac».

LesprisesdepositiondeM.Molimarddans le débat public, assez tranchées,rejoignentsouventlesthèsesde l’indus-trie du tabac. Il estime par exemplequ’«iln’yapasdedépendanceàlanicoti-ne», et que le rapportduSurgeonGene-ral de 1988 est un «canular fantastiquemonté par l’industrie pharmaceutiquepour vendre ses substituts nicotiniques,gommes et patchs en tête !». Pour lui,augmenter les taxes sur les cigarettes,

comme le recommande la convention-cadre de l’Organisationmondiale de lasanté (OMS) pour la lutte antitabac, estune erreur. Les taxes ne découragentpas les fumeurs, dit-il, mais renforcentla contrebande. Autre exemple: l’inter-diction de fumer dans les lieux publicsrelève de l’«intrusion fascisante» pourM.Molimard.

Enjanvier2009,ilserainvitéàenpar-ler aux côtés de plusieurs ex-consul-tants ou proches de l’industrie du tabaclors d’une conférence contre la prohibi-tion du tabac, organisée à Bruxelles parle réseau The International CoalitionAgainst Prohibition (TICAP). Alerté partrois organisations antitabac, le Parle-menteuropéenquidevaitaccueillircet-teconférencedanssesmursl’interdiraàladernièreminute.Elleauranéanmoinslieudansunhôtel toutproche…p

David Leloupet Stéphane Foucart

FIN

«J’ai juste témoignéen justice»Robert Molimard, profes-seur de médecine, fonda-teurde laSociétéde tabaco-logie (qu’il a présidée jus-qu’en 2004) et du diplômeinteruniversitaire de taba-cologie, a dans les années1990 fait partie du groupe«additifs aux produits dutabac» piloté par le minis-tère de la santé.

«Effectivement, le responsable scientifiquedePhilipMorris Europe, IanMarcovitch, a réus-si àm’aider financièrement jusqu’en 1998. Je nem’en souvenais pasmais viens de retrouver surmonordinateurune lettre qui le confirme. Jen’ai jamais, à titrepersonnel, touchéuneurodeces financements. Ils ont été versés à l’associa-tionNaturalia et Biologiapourpayer la techni-ciennedemon laboratoire et acheter des rats.

JamaisPhilipMorrisnem’ademandéd’orien-termes recherchesdans tel ou tel sens. La seulechoseque j’ai faitepour eux, à la demandedeM.Marcovitch, c’est de leur fournir un témoi-gnageécrit dans le cadre d’unprocès auxEtats-Unis où ils étaient accusés d’ajouter de la nicoti-ne à leurs cigarettespour augmenter la dépen-dancedes fumeurs.

J’ai écrit ce que je pense et défendsdepuisdes années: si la dépendanceau tabac est trèsforte, la dépendanceà lanicotinen’existe pas etne l’expliquepas.

J’ai consacrémavie à essayer de sortir lesfumeursde leur trou. En 1977, j’ai créé à l’hôpi-tal deNanterreune consultationde tabacologieque j’ai assuréepersonnellementdurant toutema carrière. Je sais ce qu’est un fumeur enproieau sevrage. La lutte contre le tabagismeest unéchecabsoluparce qu’elle est pilotée par desgensqui ne connaissentpas les fumeurs.

Il y a deplus une infiltrationpar l’industriepharmaceutiquede tous les organismesdedéci-sion, dont l’Organisationmondiale de la santé(OMS). Ils cherchent à faire du tabagismepassifunproblèmemajeurde santépublique, ce qu’iln’est pas. Cettemanipulation scientifiqueestdestinée àpermettre lamise enplace de loiscoercitivesqui visent à pousser les fumeurs ausevragepour qu’ils deviennent les nouveauxclientsdes laboratoirespharmaceutiques.

Les cigarettiersnepeuventpas riposter: ilsnepeuvent faire de la publicitéque chez lesmarchandsde tabac. En face, les grands labora-toires font des réclamespour leurs patchs – quisontdepurs placebos – sur les affiches, les buset à la télévision.»p

Le colloque s’intitule «Le plaisir est-ilen danger?». Il est organisé, en jan-vier1997 à Paris, par Associates forResearch into the Science of Enjoy-

ment (Arise, Scientifiques associés pourl’étude du plaisir), une association interna-tionale «de scientifiques et d’universitairesqui débattent de questions liées aux plaisirslégaux». Environ 25 journalistes se dépla-cent pour écouter psychiatres, professeursd’université, chercheurs et écrivains en vuediscourir «du rôle du plaisir pour réduire lestress et promouvoir la santé». L’historienJean-LouisFlandrin, alors directeurd’étudesà l’Ecoledeshautes études en sciences socia-les (Ehess), intervientparexemplesur lethè-me: «La tableet le sexeenFrance,duMoyenAge ànos jours».

«Une journaliste très connue a couvert laconférence pour France Inter en concluantqu’“unmorceaude chocolat, un verre de vin,une bonne cigarette, ne vous gênez pas ! Aulieu d’être obsédé par la santé, tout lemondedevrait être obsédé par le plaisir, qui induitunebonnesanté”», préciseunmémodePhi-lip Morris que Le Monde a exhumé des«tobacco documents». Il ajoute : «Le Pari-sien a également couvert la conférence dansun long article de fond intitulé “Le plaisir, unbonmédicament”. D’autres papiers suivrontdans les nombreux mensuels présents à laconférence.»

Le plan secret des industriels du tabac aparfaitement fonctionné. Les journalistessonttombésdanslepanneau.Car lescigaret-tiersn’ontpasseulementfinancédesrecher-ches qui leur étaient favorables dont lesrésultats ont inondé la littérature scientifi-que. Ilsontaussiréussi le tourdeforcedefai-re publier des centaines d’articles positifspour l’industrie dans les médias. Au moins846 rien que sur Arise entre1989 et 2005,dans la presse européenne, australienne etaméricaine, selon une étude d’ElizabethSmith (professeure de sciences sociales etcomportementales à l’université de Califor-nie à San Francisco) publiée en 2006 dansEuropean Journal of PublicHealth.

«Petits plaisirs»Ariseétait laripostedescigarettiersaurap-

portdesautoritéssanitairesfédéralesaméri-cainesdemai1988affirmantque lanicotinepeut créer une dépendance aussi forte quel’héroïne et la cocaïne. Dès que le rapportsort, PhilipMorris et Rothmans demandentà David Warburton, professeur de psycho-pharmacologie à l’université de Reading(Royaume-Uni) et consultant de l’industriedu tabac, de rassembler un groupe interna-tional de sociologues, psychologues, éthi-ciens et scientifiques, dont la mission seraprécisément de briser ce lien entre nicotineetdroguesdures. L’idée?Positionner la ciga-rette sur le même plan que d’autres «petitsplaisirs» qui soulagent le stress, comme lechocolat, le café, le vin ou les bonbons.

Arise s’efforcera même de populariserl’idée – biaisée – que le plaisir éprouvé enfumant une cigarette renforce l’immunitépuisquefumersoulage lestress,qui, lui,auneffet négatif sur le système immunitaire.Bref, fumer – première cause de mortalitéévitabledanslemonde–auraitainsiuneffetpositifsurlasanté: leretournementderéali-té est digned’un romandeGeorgeOrwell…

L’organisation de colloques internatio-naux (Venise, Rome, Amsterdam, Kyoto…),detablesrondes,desondagesd’opinion,et lapublicationdetrois livresoffrirontainsiunebelle visibilitémédiatiqueà Arise durant lesannées1990.FinancéeparPhilipMorris,Bri-tish American Tobacco, RJReynolds, Roth-mans et Gallaher, l’association se présentepourtant publiquement comme «indépen-dante». En 1994, année où elle s’ouvre à l’in-dustrie agroalimentaire, son budget annueldépasse les 386000dollars (414000euroscourants).

Lesarchivesdutabacrévèlentquelesocio-logue français Claude Fischler, directeur derecherches au CNRS, paraît avoir été instru-mentalisépar l’industriedutabac.En1993, il

est repéré par Hélène Bourgois, la directricedu Groupement de fournisseurs commu-nautaires de cigarettes (GFCC, qui regroupelesmajors américains, britanniques et fran-çais),quifaitcirculerundesesarticlesintitu-lé «L’addiction, un concept à utiliser avecmodération?» au sein de la Confédérationdes fabricants de cigarettes de la Commu-nauté européenne (CECCM, principal lobbyeuropéendu tabac basé àBruxelles).

«Aux frais de la princesse»Enavril1997,ClaudeFischlerest invitépar

Arise – «aux frais de la princesse», se sou-vient-il aujourd’hui – pour intervenir à uncolloque international de quatre jours àRomesurle thème:«Lavaleurdesplaisirsetla question de la culpabilité». L’événementse clôture par un cocktail et un dîner de galaà lavillaMonteMario,quioffre l’undesplusbeauxpanoramas sur laVille éternelle.

«Cetteconférencepositionneletabaccom-me étant similaire à la nourriture, dont laconsommation peut être parfois “risquée”,mais qui est essentielle à la vie, contraire-ment au tabac », commente ElizabethSmith. L’intervention du sociologue portenotamment sur les « jugements morauxbinaires» qui souvent condamnent les ali-mentspour«ledécèséventueldeceluiqui lesmange» : «M.Fischler perpétue l’argumentde l’“inévitabilité” – “les gens qui mangentmeurent”– selon lequel il n’yaaucuneraisond’éviter de tels produits puisque de toutefaçonnousmourrons tous. Cela sans seposerla question de savoir comment – paisible-ment ou dans la douleur, à la suite d’un can-cerdupoumonoud’undiabète?–ouquand–à 80ans ouà60ans?»,note-t-elle.

Le sociologue se focalise aussi sur les«croyances» concernant cesproduits, et surleur image, plutôt que sur leurs véritableseffets sur la santé, «ce qui tend à normaliserleur consommation, poursuit la chercheuse.Enfin, il se focalisesur les consommateurs– lemangeurdesucresolitaire, le fumeur–et leurstigmatisation supposée plutôt que sur lesindustries qui promeuvent ces produits.»

Selon sa déclaration d’intérêts à l’Agenceeuropéennede sécurité des aliments (EFSA),M. Fischler est actuellement consultantpour Nestlé, Barilla et l’Institut Benjamin-Delessert (créé par le Centre d’études et dedocumentationdu sucre, Cedus, financéparl’industrie sucrière). « Je n’ai jamais étéconsultant pour l’industrie du tabac et n’aipas eu de “collaboration” particulière avecArise. J’ai juste été invité par David Warbur-tonàparleràuncolloque,par l’intermédiaired’uncollègueaméricain, sesouvientlesocio-logue. J’ignorais que les cigarettiers finan-çaient l’événement,mais j’avais trouvébizar-re qu’un groupe de gens fume aussi ostensi-blement lors des pauses. Je n’avais jamais vuçaàun colloque…»p

D. Lp et S.Fo.

Correspondances issuesdes «tobacco documents»

(de gauche à droite) : en août1994,le neurobiologiste Jean-PierreChangeux fait une demandede financement au Council forTobaccoResearch, sous contrôle

de l’industrie américaine.Il réclame85000dollars

pour la première année d’étudede la nicotine.Un Post-it

exclamatif témoignede l’intérêtdes destinataires.

En août 2000, PhilipMorrisEurope soumet à samaisonmère

une liste de scientifiqueseuropéens sélectionnéspour êtrefinancés. Ony note la présence dupneumologueRobertMolimard

et celle duneurobiologiste Jean-PolTassin. En octobre 1998, Jean-Pol

Tassin et JacquesGlowinskiremerciaientdéjà PhilipMorris

d’avoir accepté de financerunprojet d’étudede la nicotine.

DR

Claude Fischler, sociologue françaiset directeur de recherche au CNRS,

aurait été instrumentalisépar l’industrie du tabac.

PASCAL SITTLER/REA

Quandfumerdevientbonpour la santé…

Uneassociationinternationaleavaitpourmissiondefairepasserlacigarettepourunplaisiranodin

50123Samedi 2 juin 2012

Page 6: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

b a n d e p a s s a n t e

Lapetiteflèchedutemps

L’été approche, les beaux joursreviennent…et si on improvisaitunpique-nique?Monamour, il doitresterunpaquetde chips à peine

entaméau fondduplacard. La chose estbien làmais son contenuaeuuncoupdemou.Mais qu’à celane tienne, nous allonslui restituer toute sa fraîcheurgrâce à lascience et àune sono, car nousmangeonsaussi avec…nosoreilles. Certes la languenousdonne le goût des aliments,mais lesplaisirsde la chèrepassentaussi par le nez

pour les arômes, l’ensemblede la bouchepour la texture, les yeuxpour l’aspectappétissant, et les oreilles, donc, pour lecroquantdes carottes crues et le crous-tillantdes chipsnonéventées.

Dansuneétudepubliéeen 2004par leJournal of Sensory Studies, deux cher-cheursde l’universitéd’Oxford, préoccu-péspar l’influencedes indices sonores surle jugementqu’on se fait de la nourriture,se sontdonc intéressés au crinch-crunchde la chips. Tout en recrutantdes cobayes,ils ont fait l’emplettedeboîtes de ces célè-bres chips empiléesdansdes tubes, les-quelles, reconstituéesà partir depommesde terredéshydratées, présententunehomogénéitéde forme, de texture etd’arômeparfaitepouruneexpériencescientifique. Ils ont ensuite assis leurscobayesdansune cabine en leurdeman-dantdemordredans ces chips avec leursseules incisives et en les recrachantaussi-tôt après, sans lesmâcher. L’opération sefaisait devantunmicrophoneet le sonainsi capté était renvoyéauxparticipantspar le biais d’écouteurs. Les «goûteurs»devaientnoter de0 (molle, périmée) à100 (hyper-craquanteet toute fraîche) lecroustillantet la fraîcheurde chaquechips croquée.

Mêmesi l’articleprécisebienque l’étu-dea étémenéeenconformitéavec lesrègleséthiques sur les expérimentationshumainesétabliesdans ladéclarationd’Helsinkide 1964, les cobayes ignoraientle but véritabledu test et lamanipulation

dont ils faisaient l’objet. En effet, le crinch-crunchqui leur arrivait auxoreillesn’étaitpas toujours, suivant la chips, lesonauthentiquesaisipar lemicro. Par-fois, tout le signal sonore était amplifiéoudiminuéet, parfois, seules les fréquenceslesplus élevées l’étaient, qui correspon-dent aucraquementcaractéristiquede lachipsqui cède sous ladent.

Les résultatsont été trèsparlants.Alorsque les chipsétaient toutes identiques, lanotesur le croustillantest alléede54 enmoyennequand le sonétait assourdià85quand il était augmentéetqu’enplusressortaient les fréquences lesplushautes.Le sonvéritable aquantà lui obtenu lanotede 71. Lanotationde la fraîcheura sui-viunecourbe très semblable.Paruneexpé-rience relativementsimple, onadoncpumanipuler les sensationsdesparticipants.Cesderniersontd’ailleurs,pour75%d’en-treeux,penséque les chipsqu’ils testaientprovenaientdepaquetsdifférents…

Commelanotionde fraîcheurest direc-tementassociéeau croustillant, les cher-cheurs sedemandent si les industrielsdel’agroalimentairenepourraientpasmodi-fier lamicrostructurede leursproduitspour les rendreplusbruyants sous ladentoupourque les sons soientémisdans lagammelaplus associée auxplaisirsgusta-tifs. Ils pensent aussi auxpersonnesâgéesquipourraient compenser lapertepartiel-le de leurgoût etde leurodoratpardessensationssonoresplus intenses. A condi-tiondemettre le Sonotoneà fond.p

Q u’est-ce donc que le temps? Si per-sonneneme le demande, je le sais ;mais si onme le demandeet que jeveuille l’expliquer, je ne le sais

plus», disait saintAugustin.Seize siècles après, nous avançons,mais

lentement, dansnos connaissancesà cesujet. C’est tout l’intérêt des résultats quel’expérienceBaBar dans le laboratoireSLAC (Etats-Unis) vient d’annoncer lorsd’une conférence internationale enChinela semainedernière: la premièrepreuve

directeque l’écoulementdu tempsest irré-versible à l’échelledes particules. En ter-mesplus savants, il s’agit de l’observationde la violationde la symétrieT, dite de ren-versementdu temps.

Naturellement, il ne faut pas confondrecette étuded’un systèmemicroscopiqueavecnotre expériencequotidienne.Quin’a pas regardé les séquences, dérouléesen sens inverse, d’une tassequi tombeetvole enéclats?Onpeut savoir à l’instantsi le film est dans le bon sens ou s’il estinversé.Dans ce cas, il s’agit en effet dutempsmacroscopique, qui estmanifeste-ment irréversible.

Dans le cas deBaBar, il s’agit plutôt dutempsqui entre dans la descriptiondel’évolutiondes systèmes simples, compo-sés par exemplede quelquesparticulesélémentaires. Pour ce faire, onmesure laprobabilitéqu’un systèmephysique évo-luede l’état i à l’état fdans l’intervalle detemps t.Ensuite on compare cetteprobabi-lité à celle que le systèmeévoluede l’état fà i : il y a uneviolationde T si les deuxnesontpas égales. C’est tout simple,mais enapparence seulement.Aupoint qu’il y aquelquesannéesunphysicienbien connuconcluait que «lemouvementavec renver-sementdu temps est (…)pratiquementimpossibleà réaliser».

Les systèmesquantiques ont en effetl’étrangepropriété de pouvoir se présen-ter non seulement dans un état simple,défini par des grandeursphysiques com-me la position,mais aussi dans des états

plus compliqués, qui sont des superposi-tions d’états simples. Le systèmepeutêtre à la fois dans l’état s et dans l’état t,avec certaines probabilités pour chacundes deux.

C’est justement cette propriété qui aété utilisée par l’expérienceBaBar pourpréparer précisémentun état initial et lefaire évoluer. Et pour réaliser ensuitel’opération strictement inverse. Les physi-ciensutilisent ici des paires de particulesappeléesmésonB.Le résultatmontresans appel la violationde l’opérationdesymétrie T.Celle-ci fait partie des symé-tries fondamentales de l’espace-temps,comme la paritéP, l’opérationqui consis-te à remplacer un systèmepar son imagedans unmiroir, et C, la conjugaisondecharge, qui remplace les particules par lesantiparticules, avec les charges électri-ques opposées. Un théorèmecélèbre sti-pule que l’opérationCPT, qui enchaîne lestrois opérations, ne change pas les équa-tions dumouvement.

Jusqu’ici, CPT résiste bien au test expé-rimental. Ce nouveau résultat confirmece cadre théorique: toute violationde CPest accompagnéed’une violationde Tpourque le produit CPT soit une bonnesymétrie.Mais nous ignorons toujourspourquoi le temps des particules élémen-taires est aussi compliqué et sembles’écouler commes’il y avait une flèche dutempsmicroscopique. Le comprendrenousoccupera sans doute encore unbonmoment…p

500

IMPROBAB LO LOG I E

PierreBarthélémyJournaliste et blogueur

(Passeurdesciences.blog.lemonde.fr)(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

Crinch,crunch,fait lachipsfraîche!

L E S COU L I S S E SD E L A PA I L L A S S E

MarcoZitoPhysicien des particules,

Commissariatàl’énergieatomiqueetauxénergiesalternatives

(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

HervéMorin

Les grains s’écoulent inexorable-mentdanslesablier.Combienenres-te-t-il ? Le cadrage de la couverturede Saison brune, BD documentaire

de Philippe Squarzoni, ne permet pas de levoir. Les 480pages en noir et blanc de celivre hors norme sont parcourues par cetteincertitude: combien de temps reste-t-il,est-il déjà troptardpourenrayer le réchauf-fement climatique? Cette interrogation estnée d’une frustration, du sentiment de nepas savoir exactement de quoi l’on parle :Philippe Squarzoni, lorsqu’il achevait, en2006, un précédent livre sur les politiqueslibéralesmenéesenFrancelesannéesprécé-dentes, a pris conscience de ses lacunes surlaquestionduchangementclimatique.Et ila décidéde les combler.

Saison brune, qui désigne dans l’Etat duMontana cette période où ce n’est déjà plusl’hiver,mais pas encore le printemps, est lefruit de cette quête. Elle aura été bien pluslongue que prévu, car Philippe Squarzoniest scrupuleux: il a rencontré les acteurs –des scientifiques qui concourent aux tra-vaux du Groupe d’experts intergouverne-mental sur l’évolution du climat (GIEC) – etdes commentateurs (commeHervéKempf,journaliste auMonde), qu’ilmet en scène etcite largement.

Cette enquête fouillée lui permet derepartir desbases de la physique: les activi-tés humaines injectent dans l’atmosphèredes gaz capablesd’y piéger l’énergie solaire,incidenteou rayonnée.Quand les capacitésd’absorption de ces gaz à effet de serre parles puits de carbone naturels sont saturées,le réchauffement intervient. PhilippeSquarzoniillustreavecinventioncesphéno-mènes. Il rappelle aussi comment fonction-neleGIEC,commentleconsensussur laréa-lité du réchauffement et de ses causes(humaines) s’est construit, tordant le couaux approximations et aux erreurs volon-taires de la vulgate climatosceptique.

Bouleversement intimeMais, et c’est là sa force, il sait mettre en

imagessespropresréactionsfaceà laréalitéqu’ildécouvre: laTerrese réchauffe,et l’hu-manité n’a pas pris la mesure des consé-quences de ce changement inédit. Le mon-de tel que nous le connaissons, ses paysa-ges, sanaturesontenpassedecéder laplaceà une Terre plus vulnérable, plus injustepour les plus fragiles. Cette révélationva depairpourluiavecl’adieuàl’enfance,à lajeu-nesse,cetautremondedesdébutsetdespro-messes, quand tout était possible, disponi-ble, ouvert. Ce bouleversement intime estentremêléavec celui de la planète.

Ancien militant d’Attac, PhilippeSquarzoni dénonce sans surprise lesméfaits du capitalisme débridé, le mythed’unecroissanceinfiniedansunmondebor-né, l’impéritiedespuissants.Ceréquisitoireétait attendu. Mais ce qui l’est moins, c’estsadescriptiond’unébranlementpersonnel.

Que fairede ce savoir, en effet?Renonceràl’avion,aprèsunelonguedélibérationinté-rieure, parce que le voyage rejettera dansl’atmosphère quelques centaines de kilo-grammesdeCO2?Ledessinateurfaitcesacri-fice, une fois. Mais il volera vers les Etats-Unis, vers sa nature protégée (ses parcs ontété lespremierscréés)et sa foliedeconsom-mation. «L’ignorance initiale a laissé la pla-ce à la schizophrénie», constate-t-il. Il pren-dra ensuite le bateau.

Sans illusions: il a appris que la solutionlaplusimmédiate,c’estd’économiserl’éner-gie. Mais il sait aussi que chaque goutte depétrole, chaque galet de charbon qui pour-ront être extraits et brûlés pour assouvirnosappétitsleseront.Quel’humanitéconti-nuera tant qu’elle le pourra«àvivreau-des-sus de sesmoyens». p

Saison brune, de Philippe Squarzoni(Delcourt, 480p., 29,95¤).

SCIENCE&TECHNO r e n d e z - v o u s

Climat: legazàeffetdeserrecernéparlesbulles

PhilippeSquarzoni livreuneBDdocumentairequimêlequestionnements intimesetcollectifssur leréchauffement

Chaque semaine, desmembres de l’Ouvroir de bande dessinée potentielle (Oubapo) se relaient, inspirés par la science.

C’est lenombremoyendegenresdebactériesdétectéesdans les bureauxd’entreprisesaméricaines, dans lesvillesdeNewYork, SanFrancisco etTucson, selonune étudepubliéedans la revuePLoSOne le 30mai.ScottKelley (université de SanDie-go) et ses collèguesont collectédeséchantillons sur les sièges, les télé-phones, les souris, les claviers et lesunités centralesdesordinateurs. Lessurfacesdans les bureauxoccupéspardeshommesétaientplus conta-minéesque celles des femmes, cellesde SanFrancisco l’étantmoinsqu’àNewYork et Tucson. Les chercheursnotentque ces bactéries sont essen-tiellementd’originehumaine, prove-nantde la peau et des cavitésorales,nasales et intestinales. Ladifférencededensité entre les bureauxmascu-lins et fémininspourrait s’expliquerparunehygiènemoins scrupuleusechez les hommes,mais aussi par lefait qu’étantplusmassifs ils sontaussi porteursdeplusde germes,avancent les chercheurs.

Médecine«Comment voient les bébés?»C’est désormaisprouvé, lesnourrissonsne sont pas quasiaveugles, commeon l’a longtempscru,mais ils vivent pendantplusieursmois dansunmondede formesimprécises. Comment se fait lamaturationde leur systèmevisuel?Pourquelle raisonneperçoivent-ilspas le bleu à lanaissance? Et pourquoiest-il si importantde leur offrir desstimulationsvisuellesnombreuses etvariées? Rédigépar deux spécialistesdu laboratoiredepsychologie de laperception (universitéParis-Descartes), cepetit ouvrage,biendocumentéet agréable à lire,répondavecprécisionà toutes cesquestions et à biend’autresconcernant la visiondes tout-petits.Pour regarder les bébés avecunœilnouveau.> SylvieChokronetArlette Streri(LePommier, collection«LesPetitesPommesdusavoir», 58p., 4,99¤).

Ethique«Le plagiat de la recherchescientifique»Cette compilationde textesacadémiques issus d’un colloque surle sujet fait le point sur cequi apparaîtcommeassez taboudans lemondedela recherche. Cette vingtainedespécialistesn’est pas de troppourtenter de donnerunedéfinition(fraude? contrefaçon? vol?), dedétailler les sanctionspossibles, dedécrire les parades (logiciel,commissionspécialisée, dénonciationanonyme…).Oud’en retracerl’histoire, car ce n’est que récemmentque le plagiat est devenuun«problème».Un auteur se faitmêmel’avocatdudiable, listant lesmanièresde justifier unplagiat.Ces articles sont souvent asseztechniqueset plusqualitatifs quequantitatifs,mais ilsmontrentque laquestionest loin d’être réglée etpourrait se poser deplus enplusdansunmilieuoù la compétition estomniprésente.> Sous ladirectiondeGillesGugliel-mi etGenevièveKoubi (Lextensoéditions, 230p., 41¤).

L E L I V R E

Livraisons

6 0123Samedi 2 juin 2012

Page 7: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

Ollie et Anantya sontdeuxgeeks indonésien-neshors du commun,deux«techpreneuses»

commeelles aiment à se définir.Ollie, 28ans, de son vrai nomAuliaHalimatussadiah,diplôméeen informatique, a un site delivres électroniques, tientplu-sieurs blogs, participe à l’anima-tionde communautésd’enthou-siastesnumériques, d’investis-seurs et d’éducateurs intéresséspar le numérique. Elle a aussi écrit20livres dont lamoitié de fictionsentimentale. Sonnomde clavierest «Salsabeela».

AnantyaVanBronckhorst,32ans, a fondé, en 2006,Think.Web.id,une agence online(50employés) dont elle est ladirectrice. Elle dirige quatre socié-tés dontune de relationspubli-quesnumériques et unedeplace-mentd’annonces reposant surAdWords, deGoogle. Elle essayedepromouvoir l’adoptionde laradio-identification (RFID) et ani-

meavecOllie le chapitre indoné-siendeGirls in Tech, un réseaumondialmenépar des femmes.

Entrepreneuses, intellectuelles,militantes, informaticiennes, cesdeux femmes sont l’incarnationde ces enfants d’Archimèdequifont le pari des technologies del’informationpour faire bouger lemonde,malgré les embûches.

«La technologie est encoreunebarrièrepour les femmes», expli-queAnantya.AGirls inTech, ellesorganisentdes réunions tous lesdeuxmois, font venir des confé-rencières (et quelqueshommes)mais se soucient aussi de pénétrerles écoles et les universités.«Plusnous éduquons les filles jeunes,plus elles seront ouvertes aux tech-nologies», estimeAnantya.

Ollie a dûdemander la permis-sionde sonpèrepour abandon-ner son travail salarié et créer sonentreprise. Anantya apu comptersur le soutiende sa famillemaispas sur son argentpour lancer sasociété. Ses amis lui disent que les

hommesont peurde l’approchercar elle est au top.

Ollie vient de divorcer.«Malgrémes efforts pour équilibrermaviepersonnelle et professionnelle, jen’y suis pas arrivée, consta-te-t-elle.Comme toutes les Indoné-siennes, je travaillais de onzeheu-res à seize heures par jour. Je fai-sais la cuisine. Pour rien, car l’egode l’hommene supporte pas toutce qui nousarrive. Il voulait êtresupérieur, ce qui n’a aucun senscar nous avionsdémarré ensem-ble.Ma carrière a décollé aprèsmondivorce.»

«Les développeuses sont rares,expliqueAnantya.Aucunen’aposé sa candidaturepour entrerdansmonagence, Think.Web.id.Çan’est pas encore perçu commeune carrière enmédecineoudanslesmédias.Mais çapermettradetrouverdes jobsplus sexy dansunfuturproche.»

Parmi ses activités,Ollie faitunegrandeplace à lamode. Dessi-natricede sesmodèles, elle se flat-

te de promouvoirun «muslimahwear», un stylemusulmanquiflatte la femmetout en respectantles règles de la religion, dont leport duhijab, et vend saproduc-tion sur Salsabeelashop.com.«Lestechnologiesde l’information fontdesprogrès rapidesdans ce domai-ne, estime-t-elle. J’ai desmagasinsonline et offline. J’utilise Facebooket BlackBerryMessenger pour ven-dre. J’organise des compétitionssur Twitter au cours desquellesnous échangeonsdes photos de cequenous portons.»

Soucieusede faire avancer lacommunautéenmême tempsqu’elle,Ollie a participé à la créa-tiondeStartupLokal.orgpouréchanger sur les expériencesdechacun, qu’elle aide à faire gran-dir avec Pro-ject Eden, lepremieraccé-lérateurindonésienpour start-up.p

AstronomieLe transit de Vénus

Entre les 5et6juin,Vénusvas’interposerentre leSoleil et laTerre.Enmétropole, la findecetransitneseravisiblequ’au leverduSoleil, le6.AuxAntilles, ce seralaveille, avant le coucherdusoleil.Lematindu6juin, laRéunionpourravoir la finduphénomène.Le5,PolynésieetNouvelle-Calédonieenaurontmieuxprofité.Attention:portdelunettesdeprotectionimpératif!Le transit suivantaura lieu le11décembre…2117.

L esbotanistesontaussi leursplaisirsgour-mands.Certes, leurderniermille-feuillen’aque485feuillesmais il a étédélicieux

(etunpeu lourdàavaler!). L’équipedeLawrenSack,de l’universitédeCalifornie, a eneffetpatiemmentétudiéprèsde 500feuillagesd’es-pècesaussi variéesquedes érables, desplata-nes, des chênes,des lianes, des rhododendronsoudespruniers. Pendantplusieurssemaines,assistésparordinateur, ces chercheursontcomptéavecminutie lesnervuresde cesfeuilles,desplusgrandesauxplus fines. Ils sesontusés les yeuxàmesurer longueur,diamè-tre,densité totale deces canaux,qui transpor-tentaussibien l’eauque les sucres issusde laphotosynthèseet serventde squeletteà laplan-te.Danscertains cas, ces longueursatteignentdeuxmètrespar centimètrecarré. Pour lespluspetitesnervures, quasi invisibles, il a fallu trai-ter chimiquement les feuilles et les coloreravantdepouvoir faire ledécompte.

Mais leurpatienceet leurméticulositéontété récompensées, commeils l’expliquentdansla revueNatureCommunicationen ligne le15mai. Ils ont finalementpercé le secretdespar-cheminsdeverdureendéchiffrant les codesmystérieuxtracéspar toutes ces ramifications.Cela se traduitpar lamiseenévidencede loisuniversellesdonnant la longueurdesnervuresen fonctionde la taille des feuilles,ou lediamè-tre, ouencore lenombre…Auparavant, lesbasesdedonnéesétaientbienplus réduites, àpeineunedizainede feuilles, oune s’intéres-saientpasaux toutespetitesnervures, rendantimpossible toutegénéralisation.

Trois conclusionsprincipalesontété tiréesdecetteétude.

D’abord, il y a les fameuses formulesdon-nant les diamètres, volumes, longueursdes vei-nesparunitéde surface. Et celles-cidépendentde la familledenervures considérées. Les cher-cheursdistinguent eneffet pasmoinsde cinqniveauxdifférents, depuis les «veines»princi-pales, partantdes pétioles et allant auxextré-mitésdes feuilles, jusqu’auxveinesditesmineures,minuscules canaux reliant lesniveauxsupérieurs, enpassantpar les échellesintermédiaires.

Ainsi,plus les feuilles sontgrandes,moins lalongueur totaledesnervuresmajeuresest éle-vée, rapportéeà la surface totale.Alorsque lenombredeveinesmineures semble, lui, indé-pendantde la surface foliaire.A l’inverse, ledia-mètredesnervuresprincipalesaugmenteavecla tailledes feuilles.«Peudegensavaient repéréauparavantce lienentre tailledes feuilles et lon-gueurdesnervures. Celametenparticulierenévidencedesdifférencesentre lesdeux famillesprincipalesdenervures, dont les fonctionsphy-siologiquessont en fait égalementdissembla-bles»,préciseChristineScoffoni, étudianteenthèsedans le laboratoireaméricain.

Lienentre structure et fonctionC’est l’undes autres enseignementsde cette

étude: faire le lien entre structureet fonctionpour les feuilles.«Il faut dire que la botaniqueest longtemps restéedescriptiveet que cen’estquedepuispeuqu’onétudie les fonctions et ledéveloppementdes feuilles», confirmeHervéCochard, de l’Institutnational de la rechercheagronomique (INRA) à Clermont-Ferrand,qui,il y a deuxans, avait cosignéun article avecl’équipe californienne.

Ainsi, ce dernier travail expliquepourquoiles feuillesdes végétauxsontpluspetites sousles climats secs quedans les forêts tropicales.Ayantplusdenervuresprincipales, les feuillesdesoliviers oudes chênesverts peuventmieuxirriguer le feuillage, tout en ayantun réseaumineurassezdense également. Cette explica-tionvaut aussipour les régions sèches et froi-desdans lesquellespoussentdes bouleauxou

desmyrtilliers, égalementàpetites feuilles.L’explication traditionnelle selon laquelle lespetites feuilles se refroidissentplusvite, ce quiévite auxvégétauxde«brûler» au soleil, nefonctionneévidemmentpas dans ces régions.

Plusgénéralement, ce travail pointe les avan-tages compétitifs enmatièred’évolutiondespetites feuilles, expliquant finalementpour-quoi elles dominent sur le globe. Les cher-cheursont notammentmis en évidence,pardes simulationsnumériques, le fait que les dif-férentsniveauxdenervures sedéveloppentàdes stadesdiversde la croissancedes feuilles,permettantà laplantede s’adapter aumieuxauxconditions extérieures.

Enfin, dernier intérêt de ce travail de four-mis: permettre auxpaléobotanistesde connaî-

tre la taille réelle d’une feuille àpartir dequel-ques traces fossiles, puisque les formules four-nissent la valeurd’une surfaceàpartir d’unedensitédenervuresmesurée.Dequoimieuxsavoir à quoi ressemblait la biodiversitédesépoquesanciennes.

«Nousn’en sommesqu’audébut car il restebeaucoupà comprendrede laphysiologiede laplanteauniveaudes feuilles.Quel effet a, parexemple, la variationd’épaisseurd’une feuillependant la journée?Quels sont les avantages etinconvénientsd’avoir de telles diversités dans laformedes feuilles, qui peuvent être simplesoucomposées commechez l’acacia», souligneChristineScoffoni.

Sous sonmicroscope,undélicede6000nouvelles feuilles l’attenddéjà…p

r e n d e z - v o u s SCIENCE&TECHNO

a f f a i r e d e l o g i q u e

bo t an i q u e

DavidLarousserieJournaliste au «Monde»

EnIndonésie,deuxgeeksexceptionnelles

TOUR DU MOND ED E L ’ I NNOVAT I ON

FrancisPisaniJournaliste et blogueur

(winch5.blog.lemonde.fr)(PHOTO : MARC CHAUMEIL)

Agenda

Pourquoi lesarbresàpetitesfeuillesrésistentmieuxàlasécheresse

MATHIEU VIDARD14h - La tête au carréavec chaque vendredi la chronique de la rédactiondu cahier Science&techno

franceinter.fr

Images du réseaucomplexede nervures

de deuxarbrestropicaux,

«Ampeloceraruizii»

et «Caseariagossypiosperma».

MICHAEL RAWLS, UCLA

Indonésie

1er contact22h09 TU

2e contact22h27 TU

4e contact4h49 TU

3e contact4h31 TU So

urce:C

IELET

ESPA

CESoleil

Nord

Sud

70123Samedi 2 juin 2012

Page 8: 8(@! . -(#++# *#%+2)# $( )'&'% , $#* +#%!#+%!#* *.(* 1/0(#/%# · 2012. 6. 2. · lniy zy ljn]rjpy chvukfy_ jc\r^pc zyi xuo^o\ypyohi ^fd wc^ohi ^pcju\^uoi zf h^]^\= 7yi lyjinoo^ruhci

8 0123Samedi 2 juin 2012

Le systèmeaméricaindelocalisationpar satellite, leGlobalPositionningSys-tem (GPS), permetde se

localiser avecprécision.Chacundes 24satellitesde la constellationemporteunehorloge atomiqueetémetun signal radio indiquantl’heured’émission.Votre récep-teurdétermine l’heured’arrivéedu signal grâce à sonhorloge. Laduréed’unaller simpledu signal,différenceentre lesheuresderéceptionet d’émission,permetde calculer la distancedu satellite:elle est égale auproduit de lavitessede l’onde radiopar laduréedu trajet.

Connaissant les positions dessatellites, également spécifiéesdans les signaux émis, le calcula-teur du récepteur GPS déterminel’emplacement géographique del’utilisateur. Pour limiter l’erreursur les distances, toutes les horlo-ges du système doivent être par-faitement à l’heure. Comme lalumière parcourt 300000kilo-mètres en une seconde il faut,pour déterminer une distance àdixmètres près, mesurer ladurée de son trajet avec une pré-cision de 33milliardièmes desecondes.

Leshorloges atomiquesembar-quéespar les satellites respectentfacilementcette infimemarged’erreur. En revanche, le récepteurnedisposequed’unehorloge àquartz,moinsprécise, qui doitêtre régulièrement remiseà l’heu-regrâce auxsignauxdes satellites.Aumoinsquatre satellites sontdoncnécessairespourdéterminerla latitude, la longitude, l’altitudeet… l’heure!

Cetteméthodede repéragerepose surunepropriétéde lalumièredont Einstein fit, en 1905,un fondementde sa théoriede larelativité: la vitessede la lumièreest indépendantedumouvementde la source. En supposantque cet-tevitesse est absolue, Einsteinopé-raun renversementconceptuel.Jusque-là, l’espace et le tempsétaient considérés commedesnotionspremières, et la vitessecommeunenotiondérivée. S’ilexisteunevitesse absolue, l’espa-ce et le tempsdeviennent relatifsà l’observateur. Et celaposeproblè-mecar, en susd’êtreprécises, leshorloges atomiquesdes satellitesdoiventaussi êtres synchrones.

Si le tempsest relatif à l’observa-teur, deuxhorloges synchroniséesl’unepar rapport à l’autrene lesontpluspourunobservateurenmouvement.Uneanalyseplusapprofondiemontreque laduréed’unphénomèneseproduisantdansun satellite enmouvementetmesuréepar l’horlogedebordest inférieureà cellequemesureunehorloge terrestre au repos. Cetécartdeduréen’est pasnégligea-blepour les satellites duGPSquisedéplacentà la vitessede 3,8kilo-mètrespar seconde.Chaque jour,leurshorloges retardentde 7,2mil-lionièmesde secondepar rapportauxhorloges terrestres. Si ceretardn’était pas corrigé, il indui-rait uneerreurquotidiennedepositiondedeuxkilomètres!

Acet effet lié aumouvementdes satellites s’enajouteunautre,aussiprévuparEinstein:deuxhor-loges identiques situées àdesalti-tudesdifférentesnebattentpasaumêmerythmecarellesne subis-sentpas lamêmepesanteur.Ainsichaque jour, leshorlogesduGPSavancentde45,7millionièmesdesecondepar rapport auxhorlogesterrestres. Les systèmesdeposi-tionnementpar satellitesmatéria-lisent la relativitéd’Einstein, l’unedesplus fameuses théoriesphysi-quesduXXesiècle. Ils permettentde se repérerdans l’espaceet letempsuniquementen échan-geantdes signauxet enmesurantdesdurées avecdeshorloges!p

EnbrefMédecineUne seringue sans aiguilleUneéquipeduMIT amis aupointune seringue injectant soncontenuà travers la peau à l’aided’un jet puissant, sans aiguille.Contrairementà des systèmeséquivalents, la force de ce jet estcontrôléependant l’injection,évitant ainsi d’abîmer les peauxfragiles, commecelle des bébés.

> A.Taberner et al., «MedicalEngineeringandPhysics», àparaître.

NanotechnologieUndétecteur d’explosifsimite un papillonInspiréspar les antennesdubombyxdumûrier, unpapillondenuit capablede détecteruneinfimequantitéde phéromones,

des chercheurs duCNRS, del’Institut franco-allemandderecherchesde Saint-Louis et del’universitéde Strasbourgontréaliséun systèmededétectiond’explosifshorsnormes.Constituéd’unmicro-levier ensiliciumportantprèsde500000nanotubes alignés endioxydede titane, cedispositifbio-inspirédétecte jusqu’à

800moléculesde trinitrotoluènepour 1milliondemilliardsdemolécules.Grâce aux capteursextrêmement sensiblesdesnanostructuresqui créentunesurface cent fois plus grande, leseuil de détectionde cet explosiftrèspeuvolatil estmille fois plusélevéqu’auparavant.>D.Spitzer et al., «AngewandteChemie»du29mai.

c a r t e b l an ch e

RolandLehoucqAstrophysicien,

Commissariat à l’énergieatomique et aux énergies

alternatives(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

3DEXPERIENCE

IFWE ask the rightquestionswecanchange theworld.**SINOUS posons lesbonnesquestions,

nouspouvonschanger lemonde.

Il faut uneboussole d’unnouveaugenrepourexplorer lemondeet sespossibilités.Les entreprises innovantesutilisentnotreplateforme3DExperiencepour comprendrele présent et naviguer dans le futur.

Pour en savoir plus :3DS.COM/LIFE-SCIENCE

Desnanorobotsmédicaux–unrêvequenos logicielspourraient réaliser.

Sinousvoulonséviterla chirurgie, pouvons-nousavalerun robot ?

Leshorloges,mètresdumonde

SCIENCE&TECHNO t e c h n o l o g i e

1

2

3

4

5

Des essaims de robots, petites mains du e-commerce

SOURCES : KIVA SYSTEMS/MWPVL INC

INFOGRAPHIE LE MONDE

En mars, Amazon, première compagnie mondialede commerce en ligne, a fait l’acquisition, pour624 millions d’euros, de Kiva Systems, une société derobotique du Massachusetts.L’objectif de cet achat est de déployer unetechnologie permettant d’automatiser en grandepartie la préparation des commandes effectuées parles internautes – et d’en priver la concurrence.Kiva a en effet développé un système robotisé quipermet à des essaims de petits chariots porteursd’étagères de récupérer les objets les plus divers auxquatre coins d’immenses entrepôts, en limitantles déplacements et les manipulations humaines eten gérant les stocks de façon dynamique : les objetsles plus commandés sont rangés au plus prèsdes zones d’emballage, et vice versa. Un marquageau sol et des systèmes de reconnaissance permettentde gérer cette flotte de petits robots mobilesqui convergent tour à tour vers un humain pourcompléter et vérifier la commande, avant sonexpédition. Amazon comptait 56 200 employésen 2011, soit 67 % de plus que l’année précédente,alors que ses recettes n’ont augmenté que de 41 %,selon Bloomberg. Pour le géant du e-commerce, il estdonc crucial de trouver un moyen de gérer de façonplus efficace ses multiples entrepôts, qui ontreprésenté un investissement de 4,6 milliards dedollars en 2011. Le robot Kiva, sous ses dehorsanodins de boîte à savon orange, pourrait l’y aider.

Entrée et inventaireUn robot est chargé des produits qui arriventdans l’entrepôt. Un poste permet de les répartirdans celui-ci sur plusieurs étagères mobiles,qui sont une partie-clé du système : unmécanisme de vérin hélicoïdal permet au robotde se placer sous l’étagère et de tourner surlui-même, ce qui a pour effet de soulever lacharge et de la rendre mobile.

Caractéristiques du robot

Dimensions : 60 x 76 x 30 cmMasse : 113 kgCharge maximale : 450 kg ou 1,5 tonnesselon les modèlesVitesse : 4,8 km/hBatterie : au plomb, recharge de cinq minutestoutes les deux heures

StockageLe robot, équipé d’une caméra qui scannedes codes-barres disposés sur le sol, connaîtainsi précisément sa position, transmise ausystème de gestion central grâce à un réseauWi-Fi. Il dispose les produits dans des zonesréservées au stockage, où ils sont récupérésen fonction des commandes. Des capteurspréviennent les collisions.

4 & 54 & 5Préparation de la livraisonChaque produit commandé est convoyé vers unopérateur, qui le transfère sur un rack mobileoù plusieurs commandes sont constituéessimultanément. Un système d’illuminationlaser pointe le ou les produits à récupérer et unbouton permet de valider cette prise en charge.Les robots peuvent se succéder toutes les sixsecondes pour livrer les commandes. Une foiscomplétées, celles-ci sont transférées à unposte d’emballage et d’expédition.

Gestion informatique

Le schéma ci-dessus montre un entrepôt vudu dessus. Les zones violettes sont celles oùles produits sont les moins demandés, le vert,le jaune et le rouge indiquent des secteurs oùles commandes sont en nombre croissant :c’est là que les robots sont les plus actifs.L’ensemble est géré de façon dynamique.Un « cerveau » central peut optimiserles déplacements de plusieurs centainesde robots fonctionnant en parallèle etalimenter le stock en continu.

33

1 & 21 & 2