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Alphabets Alphabets LE MAGAZINE DE L’UNIVERSITé STENDHAL - GRENOBLE 3 - N°7 Opération campus : point sur le projet grenoblois La veille stratégique multilingue Dans les coulisses d’un atelier d’écriture littéraire

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Magazine de l'université Stendhal-Grenoble 3.

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AlphabetsAlphabetsLe magazine de L’université stendhaL - grenobLe 3 - n°7

opération campus : point sur le projet grenobloisLa veille stratégique multilingue dans les coulisses d’un atelier d’écriture littéraire

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sommaireÉdito

Alphabets

Si des chantiers d’envergure, comme l’Opération Campus (p.3) ou la mise en œuvre du Plan pour la réussite en licence, mobilisent les énergies à l’université Stendhal, celles-ci ne manquent pas pour initier de nouveaux par-cours de formation avec des partenaires de choix dans les disciplines concernées, comme l’université Antilles- Guyane (p.4) ou Grenoble École de Management (p.6).

Se transmettent également des énergies positives qui suscitent chez les étudiants, actuels et anciens, le goût de la création littéraire (p.11) ou artistique (p.18).

Travaillent enfin des énergies vitales pour contribuer, avec les armes formidables que sont la connaissance approfondie des langues et la maîtrise des outils informa-tiques, aux progrès de la paix dans le monde (p.8).

Vous l’aurez compris, la lecture de ce numéro est un véritable concentré d’énergie qui, nous l’espérons, ne manquera pas de vous stimuler en cette période hivernale.

Le magazine semestriel de l’université Stendhal - Grenoble 3 - N°7 - Tirage : 5000 exemplaires - Parution : mars 2009. Dépôt légal à parution - ISSN : 1772-1873. Directeur de la publication : Lise Dumasy. Responsable éditoriale : Nadia Samba. Ont collaboré à ce numéro : Julie Besse, Bernard Émery, Mathieu Guidère, Alain Guyot, Benoît Legrand, Pedro Olivas, Annelaure Oudinot et les entités suivantes : CRI - CRELIT, ELLUG, UFR des Lettres et Arts, UFR de Langues ainsi que Grenoble École de Management et Grenoble Universités. Graphisme et réalisation : Service communication / Aline Girodet. Fabrication : Imprimerie Coquand la typo. Crédits photographiques : © Université Stendhal / Bérangère Haëgy, Aline Girodet, Éric Chamberod. © Université Joseph Fourier / Service communication. © Grenoble Ecole de Management / A. Chezière. © Université Antilles-Guyane. © Mathieu Guidère. © Ulf Andersen. © Benoît Legrand. © Dream on / Photomontage original : Jean Lecointre.

Contact : Université Stendhal - Grenoble 3 - Service communicationBP 25 - 38040 Grenoble cedex 9 - France. Tél. : 04 76 82 43 49 - Courriel : [email protected]

actualitéOpération campus : point d’étape sur le projet Grenoble Université de l’Innovation

FormationL’université Stendhal-Grenoble 3 et l’ESC Grenoble créent un parcours diplômant « Lettres et Management »Et si vous vous intéressiez au portugais ?

recherche La veille stratégique multilingue

thèses

PerspectivesMaudits mots d’amour : dans les coulisses d’un atelier d’écriture littéraire

Livres

FocalesNounours, un film de Benoît Legrand

agenda

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Actualités

Opération campus

Lancé en février 2008 par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’appel à projets de « l’opération campus » vise à rénover et à redyna-miser dix campus grâce à un investissement massif.La qualité du projet « Grenoble université de l’innovation » a été relevée par le comité d’évaluation, lequel a affirmé son souhait de voir la gouvernance afférente installée au plus vite. La création du PRES 1 « Université de Grenoble » sous forme d’EPCS 2 et la constitution du dispositif de pilotage associant les partenaires scientifiques sont en cours.

récisant les orientations qui avaient été proposées dans la lettre d’intention en avril dernier et validées par le ministère dans sa sélection des six premiers « campus » le 28 mai 2008, le projet grenoblois transmis le 3 novembre décrit un ensemble de programmes immobiliers qui ont pour but de :

• améliorer le cadre de vie et de travail des étudiants et personnels (logement, sport, services…)• réhabiliter certains équipements universitaires• structurer ou renforcer des pôles thématiques, scientifiques et pédagogiques, constituant des « centres d’excellence ».

Des pôles thématiques au rayonnement internationalLe projet grenoblois vise notamment à afficher l’engagement de la communauté universitaire et scientifique vis-à-vis des demandes sociétales qui concernent la planète durable, la santé et l’information. La démarche grenobloise sur chacun des ces grands enjeux sociétaux étant fédérée par une démarche transverse à toutes les thématiques, celle de l’Innovation, depuis l’innovation scientifique et technologique jusqu’à l’innovation sociétale.

L’engagement sur ces enjeux se matérialisera particulièrement par la constitution ou le renforcement des 8 pôles thématiques suivants :

• Innovation et création et Management des technologies• Micro-nanotechnologies et Logiciels et systèmes intelligents • Énergie et environnement et Développement durable• Biologie intégrée et systémique et Biotechnologies

La vie de campus au cœur du projet Importante pour l’épanouissement de chacun et déterminante pour attirer de nouveaux talents — étudiants, enseignants, cher-cheurs —, la vie de campus est une dimension forte du projet.31% des moyens demandés visent donc à renforcer la quantité et la qualité des dispositifs d’accueil et le cadre d’études et de travail. Sont ainsi prévus, par exemple, la réhabilitation de la résidence Condillac, la construction d’une résidence pour cher-cheurs, l’aménagement d’un pôle multi-services…

Intégrer les deux sitesLe projet est construit sur l’idée d’un seul campus, ancré plus profondément dans la ville et articulant ses deux sites (Polygone et Domaine universitaire) grâce à des modes de transports rapides et faciles. Ceci instaurera une véritable unicité de lieu de vie pour l’ensemble des acteurs.

563 millions d’euros demandés à l’ÉtatLa demande formulée à l’État au titre de l’Opération Campus s’élève à 563 millions d’euros.Par ailleurs, les collectivités, sollicitées à hauteur de 152 millions d’euros, ont confirmé leur soutien au projet et réaf-firmé leurs engagements sur les projets d’infrastructures (transports, réseaux) et d’équipements scientifiques (dans le cadre du Contrat de plan État Région - CPER). ■

1 PRES : Pôle de recherche et d’enseignement supérieur

2 EPCS : Établissement public de coopération scientifique

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Actualités

Opération campus

Innovation et création : l’université Stendhal apporte sa pierre à l’édificeConnu pour ses capacités d’innovation scientifique et technologique, le site grenoblois est aussi réputé pour sa relation privilégiée à ce qui les irrigue : la création, l’art et les pratiques culturelles.

L’une des dimensions originales de ce projet réside dans les relations qu’il cherche à établir entre le sensible et le techni-que, visant ainsi à :

• explorer les hybridations entre l’art, la science et les technologies ;• articuler les dispositifs techniques et la création de contenus culturels, communicationnels ou pédagogiques ;• envisager simultanément la création culturelle à travers ses manifestations institutionnelles et ses pratiques plus « spontanées », telles qu’elles se manifestent notamment dans le milieu étudiant.

(La création est ici comprise dans son sens générique, comme processus de génération, non limité à l’art.)

Bien différentes de la créativité appliquée, les démarches de création se développent très en amont des processus d’inno-vation auxquels elles apportent leur ancrage essentiel dans les humanités et la culture. Les champs de compétences très spécifiques de l’université Stendhal autour des humanités, des formations polyglottes, des pratiques artistiques, lui permettent d’apporter une contribution majeure à l’activité du site dans le cadre de parte-nariats multidisciplinaires avec les organismes du site engagés dans l’innovation technologique.Les enjeux sont la valorisation des recherches et des formations liées à la création et la culture, le transfert de connaissances auprès des entreprises et des institutions, une meilleure intégration des initiatives culturelles étudiantes.

Sur le plan immobilier, sont envisagés dans ce cadre : • la construction d’une Maison de la création et de l’innovation • une extension de la salle de spectacles l’Amphidice (réplique de la scène, salles de répétition)• des locaux pour abriter un Institut européen de scénographie • Extension de la Maison des langues et des cultures visant à accueillir une plateforme de technologies éducatives.

Vers la création du PRES « Université de Grenoble » sous forme d’EPCSDe multiples échanges avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche au cours du mois de décembre 2008 ont permis de préparer la constitution de l’établissement public de coopération scientifique (EPCS). Un projet de statuts a pu être rédigé, dans le cadre de la loi du 18 avril 2006, et transmis le 19 décembre aux services du ministère pour expertise. Le dialogue avec le ministère va se poursuivre pour permettre de préparer la mise en œuvre concrète du nouvel établissement public (règlements, moyens, calendrier...).

Les membres fondateurs et associés Le PRES de Grenoble compte actuellement cinq membres fondateurs : les trois universités (Stendhal, Pierre Mendès France et Joseph Fourier), Grenoble INP et l’Institut d’études politiques. Le CHU de Grenoble devrait être intégré comme membre associé, ainsi que l’université de Savoie, le CROUS de Grenoble et l’école d’architecture de Grenoble. Les collectivités seront également représentées dans le conseil d’adminis-tration. Celui-ci sera assisté d’un conseil scientifique, d’un conseil d’orientation stratégique et d’un comité de pilotage du plan campus dans lequel se retrouveront l’ensemble des signataires du projet.

Les compétences confiées à l’EPCSÀ sa création, les missions de l’EPCS porteront sur le développement international, la promotion, la vie étudiante, la valorisation de la recherche, les études doctorales (un collège doctoral unique sera créé au sein du PRES).

L’EPCS a également vocation à gérer des projets communs, dont le pilotage de l’opération Campus, et le patrimoine mis en commun. ■

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Formation

Valoriser l’hétérogénéité des profils Pourquoi ce nouveau parcours ?Jean-François Fiorina, directeur de l’ESC Grenoble explique : « À l’ESC Grenoble, nous valorisons l’hétérogénéité des profils que nous recrutons. À ce titre, les étudiants issus de classes préparatoires littéraires sont très importants pour nous car ils viennent enrichir, grâce à leur formation, les échanges au sein de nos promotions. Les entreprises, elles

aussi, sont aussi très demandeuses de profils littéraires, complétés d’une formation managériale, reconnus pour leur culture générale et leur créativité.Les étudiants de classes préparatoires littéraires en sont aujourd’hui bien conscients et c’est pour cela que les écoles de commerce les attirent de plus en plus. Or, beaucoup pensent qu’ils devront faire une croix sur leurs aspirations littéraires. Pour répondre à cette préoccupation, nous avons donc choisi de leur proposer un parcours spécifique, qui leur permettra de ne plus choisir entre raison et passion ! Pour cela, nous nous som-mes tournés vers l’université Stendhal de Grenoble, qui était en mesure de proposer des enseignements hautement qualifiés en lettres. » ■

Préparer les étudiants à exercer dans le domaine du management interculturel Selon Laurence Garino-Abel, vice-pré-sidente du Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) de l’université Stendhal - Grenoble 3 « Les entreprises qui recrutent aujourd’hui des cadres à la sortie des Écoles supérieures de com-merce insistent désormais beaucoup sur la qualité de l’expression française écrite et orale, ainsi que sur l’ouverture

culturelle. La formation en lettres faisant partie de notre cœur de métier, ce nouveau partenariat avec l’ESC Grenoble répond pleinement à cette attente. De plus, grâce de ce profil bi-disciplinaire Lettres – Management, ces étudiants seront parfaitement préparés à exercer dans le domaine du management interculturel. » ■

L’université Stendhal-Grenoble 3 et l’ESC Grenoble créent un parcours diplômant « Lettres et Management »

Créé en partenariat entre l’université Stendhal et l’École supérieure de commerce de Grenoble, le parcours « Lettres et Management » s’adresse aux étudiants admis dans le programme Grande École par le biais du concours traditionnel « classes préparatoires littéraires ».

Les étudiants sélectionnés suivront en parallèle les enseignements de 1re année du programme Grande École et ceux de la 3e année de licence Lettres Modernes, dans le cadre d’un parcours aménagé sur une année (cours à l’université le mercredi). À la sortie, ils décrocheront un double-diplôme ESC Grenoble / Licence mention Lettres et Arts. 4 étudiantes ont inauguré ce nouveau cursus en octobre 2008.

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Et si vous vous intéressiez au portugais ?

Portées par une langue, une histoire et une culture des plus riches, les études de portugais ou études lusophones n’en sont pas moins délaissées. Série de contin-gences ou erreurs stratégiques ? Ceci n’oblige en rien les lusitanistes à jeter le manche après la cognée. C’est au contraire le moment où il convient d’avoir raison contre tout le monde en redonnant la place qu’elle mérite à la troisième langue européenne la plus parlée dans le monde. C’est dans ce cadre que s’inscrit la création du parcours Études lusophones et amazoniennes au sein du Master Langues et cultures étrangères – spécialité Études ibériques et ibéro-américaines.

Une formation inédite Fruit d’un partenariat entre l’Institut d’enseignement supérieur de l’université Antilles-Guyane et l’université Stendhal, ce parcours de formation vise à compléter et enrichir le cursus de publics en formation initiale (étudiants titulaires d’une licence de portugais) ou continue (enseignants ou profession-nels d’autres domaines travaillant en milieu lusophone).Proposé sur place (à Grenoble et à Cayenne) et à distance, ce master fait l’objet du développement d’une plateforme multi-média de télé-enseignement. Interactive, celle-ci facilitera le travail des étudiants suivant des études à distance et encou-ragera ainsi l’apprentissage du portugais dans le cadre de doubles cursus. Ouverte à la rentrée 2008, cette formation accueille déjà 15 étudiants.

Le portugais au cœur d’une région en pleine évolutionParmi les pays dit émergents, on cite souvent l’Inde et la Chine, mais on oublie souvent le Brésil, membre majeur du Mercosul, le marché commun de l’Amérique du sud. Notons aussi que la France et – par voie de conséquence – l’Union européenne ont, en Guyane, 630 kilomètres de frontière commune avec ce même Brésil, ce qui facilite le développement d’échanges. Par exemple, un projet de pont international sur l’Oyapock, le fleuve frontière, est en cours. Dans la même perspective, est envisagée la création d’une université franco-brésilienne à Cayenne, dont la spécificité majeure serait celle de la biodiver-sité amazonienne, et qui prendrait tout son sens si de sérieuses études linguistiques et anthropologiques, notamment dans le domaine de l’imaginaire, y sont associées. Quant à la mère patrie originelle, le Portugal, il a depuis 1986 toute sa place dans l’Union européenne. Est-il besoin de rap-peler que l’actuel Président de la Commission européenne s’appelle M. José Manuel Durão Barroso… et qu’il est portugais ?

Formation

Université Antilles-Guyane

Parvis de la Maison des langues sur le campus de Grenoble

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Formation

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Un master orienté vers la rechercheProfitant des nombreuses collaborations internationales du Centre de recherche sur l’imaginaire (CRI) avec lequel il est en lien direct, le parcours d’études lusophones et amazoniennes propose à ses étudiants des activités de recherche à développer avec des partenaires lusophones.L’équipe pédagogique grenobloise, qui travaille aussi au sein du CRI, a été l’une des rares entités liées aux sciences humaines à être agréée entre 1998 et 2002 par la structure ministérielle franco-brésilienne CAPES/COFECUB * pour son programme « Amazonie, nouvelle approche de ses mythes », associant les universités de Grenoble et de Manaus.Par ailleurs, le CRI s’apprête à conclure avec le Centre d’étu-des supérieures de Maceió, le CESMAC (État d’Alagoas, Brésil), un accord scientifique portant sur l’étude de l’une des curiosi-tés remarquables de la sociologie et de l’imaginaire brésilien, en l’occurrence le « beatismo », c’est-à-dire l’apostolat des pauvres dans les zones rurales du Brésil, cet accord servant de base à un échange plus large d’étudiants et d’enseignants entre les deux institutions. Notons enfin, que ce parcours de master s’ancre dans la pers-pective d’accès aux métiers de l’enseignement en abordant l’aspect didactique, bien développé en Guyane où l’enseigne-ment du portugais rencontre plus de succès qu’en métropole, par la proximité immédiate du Brésil. ■

Le saviez-vous ?

Appartenant à la branche romane des langues indo-européennes, le portugais est parlé par 230 millions de personnes dans le monde. Les locuteurs du portugais sont dits lusophones.Aujourd’hui, le portugais est parlé en Angola, au Brésil, au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, à Macao (Chine), au Mozambique, à Sao Tomé-et-Principe, au Timor oriental (Indonésie) et, bien entendu, au Portugal ainsi que dans ses îles adjacentes (Açores et Madère). On peut souligner également la vieille tradition de langue de communication du portugais, qui s’est perpétuée en d’autres lieux de l’ancien empire des mers des Lusitains, en Inde par exemple.

ContactsResponsables pédagogiques :

• IESG - Université Antilles-Guyane (Cayenne)Gérard PoliceTél. 33 (0)5 94 29 64 [email protected]

• Université Stendhal (Grenoble)Bernard EmeryTél. 33 (0)4 76 82 68 [email protected]

• Vous êtes étudiant en journalisme, en mathématiques, en économie… vous pouvez suivre des cours de portugais à l’université Stendhal et les faire valider dans le cadre de votre cursus.

Contact : Département LANSADTél. : 04 76 82 77 10 ou 11 - www.u-grenoble3.fr/lansad

• Vous êtes salarié, chômeur, retraité… vous pouvez suivre des cours de portugais le soir ou en journée.

Contact : Formation continueTél : 04 76 82 43 82 - [email protected] www.u-grenoble3.fr/formation-continue

• Et pour tous, la possibilité d’un apprentissage à votre rythme en autonomievous pouvez entreprendre ou parfaire votre maîtrise de la langue portugaise en travaillant avec des supports (papier, audio et vidéo), de manière autonome ou en étant suivi par un tuteur-enseignant de langue maternelle portugaise.

Contact : Centre d’apprentissage des langues en autonomieTél. : 04 76 82 77 40 - www.u-grenoble3.fr/caa

Apprendre le portugais à tout âge : des formations pour tous les publics

* CAPES : Coordenação de aperfeiçoamento de pessoal de nível superior etCOFECUB : Comité français d’évaluation de la coopération universitaire et scientifique avec le Brésil

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Recherche

La veille stratégique multilingue

Le langage au cœur de la veille stratégiqueUltime manifestation de la société de l’information centrée sur l’Internet, la veille multilingue est l’un des domaines importants qui a fait son apparition il y a une dizaine d’années à la faveur de la mondialisation et de la généralisation des outils de communication.La fonction de veille est désormais considérée comme « stratégique » parce qu’elle permet à une entreprise, à une institution ou à une organisation de se mettre à l’écoute de son environnement mondialisé pour prendre les décisions adéquates et agir de façon ciblée pour la réalisation de ses objectifs. Cette fonction illustre aujourd’hui les tenants et les aboutissants de la pensée stratégique dans un monde où les décisions les plus pratiques peuvent avoir un impact crucial sur le long terme.

La veille stratégique englobe plusieurs types de veilles spécifiques telles que la veille marketing, la veille sanitaire et médicale, la veille économique et concurrentielle, la veille scientifique et technologique, la veille juridique et réglemen-taire ou encore la veille géopolitique et sociétale.Ces différents types de veille ont connu un essor fulgurant grâce au développement de techniques et d’outils innovants dans le domaine de la recherche documentaire en plusieurs langues. Cette dimension multilingue a placé le langage au centre des préoccupations. De fait, un veilleur digne de ce nom doit être doublé d’un expert langagier familiarisé aussi bien avec les problématiques culturelles qu’avec le traitement automatique du langage (TAL).

L’essor des technologies langagièresLes technologies langagières désignent les outils informatiques développés à partir de l’expertise ou des recherches menées sur le langage humain. Elles concernent aussi bien l’identification et l’extraction de l’information pertinente que la classification et la gestion des connaissances dans diverses langues. Le caractè-re multilingue de ces technologies est l’une des orientations les plus innovantes de la recherche universitaire dans le domaine des langues et de la communication ces dernières années.

Le besoin de ces outils technolinguistiques s’est fait sentir en raison de l’extension considérable que connaît l’Internet à travers ses divers usages. Il n’est plus un simple support mais un hyper-média qui véhicule et englobe tous les autres médias (télévision, radio, vidéo, etc.). Il ne se limite plus, en effet, au Web de surface, visible sur les pages de navigation, mais porte de plus en plus sur le « Web invisible » ou « Web profond », lequel désigne la masse gigantesque des bases de données et des ressources qui se trouvent derrière les pages de naviga-tion et que les moteurs de recherche classiques répertorient rarement.

Les outils permettant de naviguer sur ce Web invisible sont nécessairement multilingues et multimédias, en raison du caractère ouvert de l’information sur l’Internet et de la participation d’internautes issus de toutes les langues à l’enrichissement de son contenu. Pour pallier l’imprécision des outils génériques de recherche documentaire, les développeurs ont recours à l’intelligence artificielle et aux experts humains.

Comment se retrouver dans le dédale des informations disponibles sur l’Internet ? Comment suivre une actualité foisonnante sans perdre ses repères ? Comment gérer le flux incessant de données et de connaissances dans les langues du monde ? Tel est l’objet de la veille stratégique multilingue qui connaît un essor sans précé-dent dans tous les domaines d’activité sociale et économique et bien au-delà.

Cet article a été rédigé par M. Mathieu Guidère, professeur à l’université de Genève et ancien directeur de recherches à Saint-Cyr, actuellement en position de détachement de l’université Stendhal. M. Guidère est auteur d’une quinzaine d’ouvrages.

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RechercheRecherche

Parmi les outils performants, les « agents intelligents » occu-pent une place de choix. Il s’agit de robots de recherche, plus ou moins autonomes, qui assistent le spécialiste de la veille dans le suivi de l’information spécialisée dans un domaine particulier. Ils opèrent soit directement en lieu et place du spécialiste, soit indirectement en lui offrant des choix à partir d’une connais-sance partielle des objectifs de veille.Une fois récupérée, cette information peut être représentée sous une forme ergonomique par le biais de logiciels dits de « cartographie de l’information ». Ceux-ci créent des liens entre les données extraites et génèrent une présentation claire qui permet une visualisation intuitive de ce que l’on cherche. La spécialisation accrue de ces outils de visualisation repose sur le développement de recherches pointues, notamment dans le domaine des ontologies multilingues et de la traductologie appliquée.

Quand les langues deviennent stratégiquesAprès avoir été longtemps cantonnés dans des activités d’en-seignement, les spécialistes du langage sont de plus en plus sollicités pour intervenir en amont du processus de décision afin de prendre part aux activités d’investigation et de sélection de l’information pertinente pour l’aide à la décision, que ce soit au sein des institutions ou des entreprises, à l’échelle nationale et internationale.Les langues sont en effet devenues stratégiques en ce sens qu’elles possèdent une valeur politique sur le long terme et véhiculent, de surcroît, des informations de la plus haute importance qu’il s’agisse du domaine industriel, médial, technologique ou politique. L’expression même des stratégies institutionnelles passe par le langage à travers les divers types de rapports officiels et de campagnes communicationnelles. Il est révolu le temps où la langue étrangère était perçue sim-plement comme un outil de communication, permettant de faciliter les affaires ou le contact interculturel. Dans le contexte mondial actuel, le langage quotidien est chargé de valeurs idéo-logiques et politiques dont l’enjeu dépasse largement le cadre strictement linguistique.

Toutes les langues sont concernées mais toutes ne se valent pas dans cette lutte d’influence menée à l’échelle mondiale. Une course effrénée se déroule sous nos yeux pour dévelop-per des contenus et des outils permettant de conforter la place des langues, l’une par rapport aux autres. Les efforts dans les principales langues internationales sont inégaux de ce point de vue, mais les langues que l’on croyait « rares » ou minoritaires véhiculent, paradoxalement, des informations qui possèdent un fort potentiel stratégique. Plusieurs exemples dans le domaine de la veille géopolitique illustrent parfaitement cela.

Un exemple de veille stratégique multilingue

La veille géopolitique fait partie des domaines de veille stratégique les plus sollicités depuis le 11 septembre 2001. Ce type de veille porte sur la situation politique et les évolutions socio-économiques internes à divers États ou régions : suivi informationnel des partis, des rapports de force politiques, des élections, des tribus, des clans, des rébellions, des insurrec-tions, des groupes terroristes, etc.

Initié en 2005, le programme de veille sur la radicalisation (Radicalization Watch Project), consiste à suivre le développe-ment des idées radicales dans le monde, en particulier dans les pays de langue arabe. Plusieurs travaux de recherche ont été menés dans cette perspective, dont les plus importants concernent la veille sur l’idéologie du « Djihad » et sur celle du « martyre » au sein des sociétés de culture islamique.

Cette veille géopolitique a permis la mise à jour de documents inédits et de faits exceptionnels concernant le processus de sélection des candidats au suicide (cf. Les Martyrs d’Al-Qaïda, éditions du Temps, 2005), puis les techniques de propagande dont usent les groupes radicaux pour le recrutement de nou-veaux militants (cf. Le Manuel de recrutement d’Al-Qaïda, éditions du Seuil, 2006). Enfin, la fonction prospective de la veille stratégique est illustrée par l’enquête documentaire menée sur Al-Qaïda au Maghreb (éditions du Rocher, 2007).Cette activité de veille concerne aussi bien les langues d’origine des locuteurs que les langues d’accueil, l’objectif étant de retracer le cheminement des idées radicales dans le temps et dans l’espace. Il ne faut pas oublier que si la mondialisation a contribué à la porosité des frontières réelles, l’Internet a quant à lui sonné le glas des frontières linguistiques et culturelles. Dans le domaine des idées, on assiste même aux débuts du grand marché universel des idéologies péri-phériques. Le mérite de la veille stratégique est de pouvoir mettre en évidence, de façon objective et rationnelle, les tenants et les aboutissants de cet enchevêtrement permanent des humains et des idées.

Pour les autres domaines de veille (économique, juridique, médical), des perspectives prometteuses s’ouvrent aux étudiants et aux chercheurs en langues et cultures étrangères. Le XXIe siècle a besoin à n’en pas douter de l’intelligence constructive et de l’esprit critique des humanités pour maintenir un esprit d’ouverture et de tolérance. ■

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Thèses

Atefeh Navartchi« L’intégration des documents vidéo authenti-ques dans les cours de FLE en Iran »Sous la direction de Jean-Emmanuel Lebray. Sciences du langage, 08/06/2007. Takaaki Shochi « Prosodie des affects socioculturels en japonais, français, et anglais : à la recherche des vrais et faux-amis pour le parcours de l’apprenant » Sous la direction de Véronique AubergeSciences du langage, 21/04/2008.

Virginie Ompoussa« Les particularités lexicales dans le français scolaire au Gabon : le cas de la ville de Port-Gentil »Sous la direction de Francis GrossmannSciences du langage, 28/05/2008.

Takako Honjo« Les facteurs de transmission du japonais au sein d’unions linguistiquement mixtes dans la région Rhône-Alpes »Sous la direction de Jacqueline BilliezSciences du langage, 09/06/2008.

Marcela Milan« L’imaginaire des fêtes politiques dans la Roumanie postcommuniste »Sous la direction de Philippe Walter et de Lucian BoiaRecherche sur l’imaginaire, 13/06/2008.

Jean-Jacques Quintin« Accompagnement tutoral d’une formation collective via Internet »Sous la direction de François MangenotSciences de l’éducation, 02/09/2008.

Lorenzo Devilla« Mémoire et autofiction au XXe siècle : Paul Auster, Jean-Marie Gustave Le Clézio et Elsa Morante »Sous la direction de Michaël Jakob Littérature générale et comparée08/09/2008.

Omran Allatif « Contrôle des corrélats temporels et spec-traux de la quantité vocalique : de l’arabe syrien de l’Euphrate au Français de Savoie » Sous la direction de Christian Abry Sciences du langage, 03/10/2008.

Ali Djaroun« Le rapport à l’écriture et les difficultés langa-gières : le cas des étudiants algériens inscrits en première année de licence de français » Sous la direction de Christine Barré de MiniacSciences du langage, 6/11/2008.

Giovanni Depau« L’analyse du répertoire bilingue sarde- italien en milieu urbain »Sous la direction de Elisabetta CarpitelliSciences du langage, 14/11/2008.

Aurélie Nardy « Acquisition des variables sociolinguistiques entre 2 et 6 ans : facteurs sociologiques et influences des interactions au sein du réseau social »Sous la direction de Jean-Pierre ChevrotSciences du langage, 19/11/2008.

Filippo D’Angello« Le Moi dissocié. Libertinage et fiction dans le roman à la première personne au XVIIe siècle »Sous la direction de Jean SerroyLittérature française, 21/11/2008.

Natacha Fertin Rimasson« L’autre monde et ses figures dans les contes de l’enfance et du foyer des frères Grimm et les contes populaires russes d’A.N. Afanassiev »Sous la direction de François Genton Études germaniques, 22/11/2008.

Éric Varet« Figures et iconographie de l’indien dans la culture visuelle de 1700 à nos jours »Sous la direction de Patrick ChézaudÉtudes anglophones, 22/11/2008.

Virginie Jauffred « La dimension épique de l’œuvre de Patrick Chamoiseau ou la saga criolla : de la malges-te de mornes au chant de l’émerveille »Sous la direction de Claude FintzRecherche sur l’imaginaire, 25/11/2008.

Guillaume Bellon« Le cours ou l’inquiétude de l’œuvre, Barthes et Foucault au Collège de France »Sous la direction de Claude CosteLittérature française, 27/11/2008.

Édouard Eyindanga« Les usages des langues locales dans les quartiers Est de Libreville : enquêtes socio-linguistiques »Sous la direction de Jacqueline BilliezSciences du langage, 28/11/2008.

Nicolas Boulic« Formes, sens et symboliques du conflit entre les fils et les pères dans les comédies grecques et latines »Sous la direction de Jean AllauxLangues et civilisations de l’Antiquité 28/11/2008.

Mexcent Zue Elibiyo« Transmission intergénérationnelle des langues au Gabon : une étude à partir des usages linguistiques déclarés »Sous la direction de Marinette MattheySciences du langage, 01/12/2008.

Isabelle Payet« Fratelli d’Italia : l’échec d’une métaphore. Aspects de la fratrie dans quelques grands romans italiens écrits et publiés entre l’unité italienne et le début du fascisme »Sous la direction de Claude AmbroiseÉtudes italiennes, 01/12/2008.

Anna Ghimenton« Acquisition plurilingue chez un très jeune enfant de Vénétie : étude de la fréquence d’usage des langues et des indices pragmati-ques lors des interactions familiales »Sous la direction de Jean-Pierre Chevrot et de Jacqueline BilliezSciences du langage, 08/12/2008.

Vincent Bullich« La régulation de la médiatisation de la musique sur le dispositif du copyright »Sous la direction de Bernard MiègeSciences de l’information et de la communi-cation, 09/12/2008

Sara Alvarez Martinez « Communication médiée par ordinateur et ap-prentissage de l’espagnol langue étrangère : analyse discursive des interactions entre étudiants… »Sous la direction de Maria Angeles Calero et Christian DegacheSciences du langage, 10/12/2008

Stéphanie Chifflet« Le récit de la convergence NBIC : vers une nouvelle cosmogonie »Sous la direction de Philippe WalterRecherche sur l’imaginaire, 11/12/2008.

Marie-Jeanne Mathelet Carle « Poétique du lieu dans l’œuvre de Charles- Ferdinand Ramuz, Jean Giono, et Julien Gracq »Sous la direction de Michel ViegnesRecherche sur l’imaginaire, 12/12/2008.

Carmen Scalat« Analyse étymologiques, sémantique et cognitive des désignations de la flore sauvage en roumain »Sous la direction de Jeanine Élisa MédéliceSciences du langage, 13/12/2008.

Laetitia Schweitzer« Technologie, politique et psychisme. L’espace du contrôle social dans les organi-sations. »Sous la direction de Bernard Lamizet Sciences de l’Information et de la communi-cation, 19/12/2008.

Filippo Fonio« D’annunzio hagiographe malgré lui. Pratique intertextuelle et théories des genres dans le Martyre de St Sébastien »Sous la direction de Enzo NeppiÉtudes italiennes, 20/12/2008

Habilitations à diriger les recherches

• Mounir Zrigui Sciences du langage, 28/04/2008• Georges Antoniadis Sciences du langage, 04/07/2008• Catherine Brissaud EscoffierSciences du langage, 12/09/2008• Bertrand VibertLangue et littérature françaises, 24/11/2008 • Stéphane Mace Langue et littérature françaises, 29/11/2008

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Perspectives

En atelier d’écriture littéraire, quelques étudiants se sont amusés à explorer le territoire du discours amoureux. De cette expédition périlleuse, émouvante et cocasse, semée d’embûches et de bonheurs (d’écriture bien entendu !), ils ont rapporté des émotions, des textes qu’ils vous invitent à partager et admirer. On dit parfois que la création est moribonde en France, constatez : la relève est prête !

Maudits mots d’amour

Dans les coulisses d’un atelier d’écriture littéraire

Prendre conscience de ce qu’est réellement l’écriture littéraire n’est pas une sinécure. C’est pourtant l’objectif ambitieux du cours Littérature et pratique d’écriture, qui est proposé en option aux étudiants de 1re et 2e années de licence.Si l’inspiration est nécessaire, elle est loin de suffire : la création littéraire est exigeante et impose une démarche d’élaboration constante. Du premier jet à l’œuvre finale, se succèdent de mul-tiples brouillons qui sont écrits, puis réécrits, encore et encore, jusque dans les moindres détails. Ce travail de précision requiert entre autres la connaissance et l’utilisation de nombreux procédés littéraires. Figures de l’ana-logie (allégorie, métaphore, comparaison), de l’amplification et de l’insistance (hyperbole, gradation, anaphore) ou encore procédés du blason et du contre-blason (éloge et éloge para-doxal), rien ne manque pour amener progressivement les étu-diants à modifier leur analyse des textes littéraires avant de leur faire prendre la plume pour des exercices de rédaction ou de reformulation.

Adaptations en prose de textes en vers (et inversement), parodies, transpositions de genre (poétique, narratif, théâtral…) : nos écrivains amateurs ont relevé le défi avec bonheur, rédi-geant des textes qui ne manquent point de saveur sur le thème épineux de la rencontre amoureuse.

Morgane Marzin et Alain Guyot, maîtres de conférences en littérature française à l’université Stendhal, expliquent : « Le choix du thème a d’abord été motivé par l’abondance de la litté-rature disponible sur le sujet. Du roman grec aux chansons de Brassens, il nous était possible d’effectuer un balayage chro-nologique intéressant et d’analyser la rhétorique du discours amoureux. En ce qui concerne les exercices d’écriture, l’écueil de tomber dans le vulgaire, l’eau-de-rose ou le déjà-vu était une difficulté de plus à surmonter pour les étudiants. Enfin, ce thème était un axe fédérateur qui, compte tenu de leur âge, ne pouvait que les interroger ».De cette expérience en contrée littéraire, il reste des textes, des émotions, à découvrir et partager. ■

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Perspectives

Les prouesses d’un mirageTranscription en prose du poème Les promesses d’un visage de Baudelaire. Noémie Budin

Ce que j’admire chez toi, c’est ta pâle beauté soulignée de deux fils d’ébène aux douceurs de ténèbres. Tes yeux, aussi sombres soient-ils, m’inspirent d’allègres parfums qui s’accordent avec délicatesse à tes cheveux finement conçus du même bois. Cet archer élastique et ce regard acoustique me crient que moi, amant d’une muse plastique, je peux garder l’espoir enivrant qu’un jour enfin, le chef d’orchestre de ton corps tout entier sera à même de me diriger vers le plaisir. Plaisir que tes tendres voûtes qui s’expriment de ton nombril jusqu’à tes fesses, excitent en moi. Et enfin, je pourrai caresser ces courbes attisées de véracité.

Tu me guideras alors, de mes doigts tremblants, jusqu’au bout de tes deux beaux seins bien lourds qui se terminent en larges médailles de bronze moulées par la passion. Puis, tu feras descendre ma main le long de ton ventre de velours, fait de cire perdue d’amour et d’or voluptueux.

Et là, enfin, je trouverai le Nirvana logé au creux d’une riche forêt d’accords dont les boiseries, comme celles de ta chevelure, sont des plus pures : de même épaisseur et d’égale douceur, me cachant des étoiles dans une noirceur de couleurs.

L’amour en poignéesAude Mingat-Butzin

Poignées d’amour à couvrir de baisersPoignées d’amour douces à caresserCe sont des bouées de sauvetageEt des outils de batifolage

Poignées d’amour pour te saisirPoignées d’amour pour te retenirPoignées d’amour fermes et tendresOù je voudrais me pendre

Attaches d’amour, accroche-cœur

Poignées amères quand je les lâchePoignées d’amour quand je m’y attachePoignées d’amour pas de leurreElles ouvrent la porte du cœur

Bourrelets tellement jolisPourquoi vouloir vous cacherVous êtes de l’amour les poignéesEt de l’homme le charme garanti

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Perspectives

La belle désiréeParodie héroï-comique d’un extrait de Manon Lescaut d’Antoine François Prévost. Noémie Budin

Je venais de quitter le centre de la ville, étant à me promener avec mon ami qui s’appelait Diego, nous vîmes arriver l’éboueur du Bronx, et nous le suivîmes jusqu’à la boucherie où l’amas de détritus et d’odeurs de chairs, de graisse en décomposition atteignit son acmé. Il en sortit quelques femmes les mains pleines de déchets de bovidés rongés en partie par des vers blancs qui se tortillaient et s’agitaient sans que ces dernières ne semblassent s’en apercevoir. Elles se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour, pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de guide, s’empressait de lui voler ses paniers. Elle me parut si charmante que moi qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention, moi dis-je, dont tout le monde admirait la brutalité et la force, je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’à elle. J’avais le défaut d’être excessivement impoli et facilement violent ; mais loin d’être arrêté alors par la peur de la faire fuir, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoi qu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes insultes sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l’amenait au Bronx et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses proxénètes pour être fille de joie. La passion me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu’elle était dans mon corps, que je regardais ce dessein comme un coup de chance pour mes désirs. Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C’était malgré elle qu’on l’envoyait dans la rue, pour profiter financièrement sans doute de son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. J’admirai la remarquable intention de ses parents par toutes les raisons que mon désir naissant et mon envie d’y succomber purent me suggérer. Elle n’affecta ni rigueur, ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence qu’elle ne prévoyait que trop que je n’aurai pas de quoi la payer, mais que c’était apparemment la volonté du ciel, puisqu’il ne lui laissait nul moyen de l’éviter. La vulgarité de ses regards, un air obscène en prononçant ses paroles, ou plutôt, l’ascendant de ma destinée qui m’entrainait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un mo-ment sur ma réponse. Je l’assurai que si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la passion infinie qu’elle m’inspirait déjà, j’emploierai ma soirée pour la faire mienne et ainsi, constater si la tyrannie de la rue lui était méritée et pouvait la rendre heureuse dans son entreprise.

La rencontre amoureuseMaxime Bonin

En la place de cet agréable village baptisé, du temps du grand-père de nos pères, Alkéria, arriva un jeune homme que beaucoup, pour lui avoir déjà passé commande, reconnurent comme le fils du meunier. Du haut de ses vingt printemps, il avait fait diligence depuis le moulin familial dont la roue mouillait dans les eaux scintillantes du fleuve Tuma, chargé d’un message à délivrer en personne au palefrenier du village. Sous un ciel où brillaient mille feux il avait quitté son père, son logis, la partie de pêche qui l’attendait ; mais la pluie le saisit peu avant son arrivée à Alkéria. Temps curieux pour une journée extraordinaire. Le jeune homme s’immobilisa et jeta un regard à la ronde. Les quelques badauds restants dans la rue fuyaient l’averse ; sous le porche de l’auberge du Coq au vin, quatre individus attirèrent son attention quel-ques secondes : un vieil homme barbu à l’accoutrement surprenant, un géant à l’impressionnante musculature, un garçon à l’air intelligent, voire même brillant, vêtu des habits d’écuyer, et une femme dont la perfection devait attirer les égards de nombreux gentilshommes. Mais il détourna vite ses yeux de ce petit groupe qui ne l’intéressait pas outre mesure.Lorsqu’il voulut reprendre sa route vers le but de sa course, un admirable coche manqua de le renverser, tout de dorures et de moulures recouvert, et tiré par deux magnifiques hongres blancs. Afin de l’éviter, il sauta de côté, et son dos toucha la boue de la rue. En relevant la tête, il l’aperçut. Suivante d’une duchesse de passage, elle était adorable dans sa robe de pourpre, sa longue chevelure brune cascadant sur ses fines épau-les, et ses yeux d’un vert émeraude… Ah ! ces yeux !… La singularité des regards que ceux-ci lançaient le surprit autant qu’elle l’émerveilla : un mélange de douceur et d’angoisse.Frappé d’étonnement, saisi par le charme de cette apparition, il resta là, assis dans la boue à admirer la beauté qui le hanterait à jamais, tandis que le coche passait son chemin. Jusqu’à sa mort, il reverrait chaque nuit, en rêve, l’ondulation de ses cheveux, la coupe de sa robe, la dentelle blanche qui la rehaussait, le peu qu’il aperçut et tout ce qu’il imaginerait par la suite.

Elle avait regardé dans sa direction, mais l’avait-elle seulement vu ?La pluie masqua à la vue des passants une larme qui roula alors sur sa joue.

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Livres

Ouvrages des EllugEssai sur le goût d’Alexander GerardIntroduction, notes et traduction dePierre MorèreTextes et traductions du grec ancien éta-blis par Jean-Baptiste ClériguesCollection Esthétique et représentation : monde anglophone (1750-1900)2008 – 282 p. 14 x 21 cmISBN 978-2-84310-114-4. Prix 28 €

Alexander Gerard (1728-1795) participe avec Thomas Reid, James Beattie et James Oswald aux débats de l’école philosophique

écossaise du sens commun. Son Essai sur le goût, qui connut trois éditions successives (1759, 1764, 1780) reçut à l’époque un accueil très favorable. Dans la

tradition des Lumières, Gerard s’efforce de faire la part égale entre l’inné et l’acquis, et l’appréhension du Beau est autant affaire de dispositions naturelles que de culture. Même le sublime, une fois passé l’effet d’éblouis-sement, devient objet de réflexion. L’effort que tente Gerard de concilier sensations et jugement le conduit en matière d’esthéti-que aux mêmes apories que rencontrent ses collègues du sens commun dans le domaine de la philosophie et sa théorie fut éclipsée par Edmund Burke et Adam Smith et sur-tout pas Emmanuel Kant en Allemagne. Il n’en demeure pas moins que l’Essai sur le goût constitue une étape majeure dans la recherche esthétique au XVIIIe siècle et tout son intérêt apparaît dans l’introduction criti-que où sont mis en regard l’apport de l’Anti-quité grecque et romaine, notamment Longin et Cicéron, ainsi que des philosophes contem-porains comme Lord Shaftesbury, Francis Hut-cheson, Henry Home of Kames, David Hume et Adam Smith.

De la Poésie-Scientifique & autres écritsRené GhilTextes choisis, présentés et annotés par Jean-Pierre BobillotCollection Archives critiques2008 – 296 p. – 13,5 x 21,5 cm ISBN 978-2-84310-115-1. Prix 27 €

René Ghil fut le plus soudainement célèbre, puis le plus injustement oublié des auteurs de la première génération symboliste : précisé-ment parce qu’il s’avéra l’adversaire le plus irréductible du Symbo-lisme. Si les versions successives de son précoce et effervescent

Traité du Verbe (1886), devenu En Méthode à l’Œuvre (1904), ont fait l’objet d’innombrables commentaires, ses traités plus tardifs sont restés largement ignorés, et n’ont jamais été réédités ; ils représentent pourtant les états les plus aboutis, et les plus personnels, d’une pensée aussi intransigeante que singulière, parvenue à une ferme maturité, et méritent aujourd’hui d’être lus, voire de contribuer aux débats actuels sur la poésie, la connaissance et la chose publique. On trouvera donc, dans le présent volume, le texte intégral de De la Poésie Scientifique (1909) et De La Tradi-tion de Poésie-Scientifique (1920), auxquels s’ajoutent plusieurs lettres de Ghil lui-même et différents articles qui lui furent consacrés, tous en rapport direct avec la question de la « Poésie scientifique ». Outre une copieuse préface, des éléments biographiques et une bibliographie très détaillée, on y trouvera également d’abondantes notes consacrées, en particulier, aux nombreux auteurs plus ou moins inconnus ou oubliés que le poète- théoricien mentionne dans ses écrits, et bien sûr à ses correspondants.

Le Sphinx et l’Abîme. Sphinx mari-times et énigmes romanesques dans Moby Dick et Les travailleurs de la merLise Revol-MarzoukCollection Ateliers de l’imaginaire2008 – 333 p. 14 x 21,5 cmISBN 978-2-84310-120-5. Prix 30 €

Du sphinx égyptien et de la sphinx grecque on connaît, outre les corps hybrides et le goût du mystère, la prédilection partagée pour les terres arides, sables du désert pour l’un, roches escar-pées pour l’autre. C’est pourtant en plein océan qu’on les trouve réunis, au milieu du XIXe siècle,

dans les romans maritimes de Victor Hugo et Herman Melville. Baleines, pieuvres, récifs, tempêtes, tous expressions de l’énigme univer-selle, y prennent tour à tour noms et attributs sphinxiaux. Pourquoi cette rencontre mythique, inédite et incongrue ? Pourquoi, surtout, en ces lieux, en cette époque ? La question n’est pas seulement symbolique. Elle est aussi, essen-tiellement, poétique. Autour des sphinx visibles s’inventent des modes secrets du dire, signes d’une dissémination de la figure antique dans la forme même des œuvres. Propos ambigus, histoires intriquées, digressions complexes, investigations criminelles redoublent les ténè-bres sous-marines. Comme s’il convenait, à l’âge où la garantie divine quitte le navire, de compenser littérairement le déclin du mystère. L’évocation du grand sphinx sublime, sépulcre silencieux d’un ésotérisme en déroute, se trouve ainsi constamment remotivée par les énigmes enchanteresses de la sphinx légen-

daire, créature ravissante, rhapsode et ailée. Ultimes vols, en abîme, d’une parole énigma-tique sur le naufrage du sens.Explorer, au gré des flots, les anamorphoses du dieu oriental et du monstre thébain, en suivre le sillage poétique entre profondeur symboli-que et surface métaphorique, sonder derrière le mot de l’énigme les mots pour la dire, tel est le libre parcours que propose cet ouvrage. Il nous entraîne dans une lecture plurielle et audacieuse qui tient à la fois de l’enquête littéraire et du voyage imaginaire.

Récits mythiques du Moyen - Âge portugaisAnthologie dirigée par Irene Freire Nunes en collaboration avec Maragarida Alpalhão, Helder Godinho, et Laura VasconcellosCollection Moyen Âge européen2008 – 261 p. 14 x 21,5 cmISBN 978-2-84310-112-0. Prix 27 €

La littérature médié-vale portugaise pos-sède quelques trésors méconnus qui appar-tiennent au patrimoine littéraire de l’Europe. La présente anthologie en restitue quelques pages décisives. Les aventures des derniers rois wisigothiques emportés par l’Islam

conquérant s’écrivent en chroniques royales préfigurant les glorieuses péripéties de la Reconquête. La figure héroïque de Pierre le Cruel associée étroitement à celle de son amante, la belle Inès de Castro, compose une nouvelle tragique pleine de ferveur et de gran-deur. L’histoire de la dame au pied de chèvre et celle de la dame venue de la mer rappellent étrangement les avatars de la fée Mélusine. Quant à la légende d’Amaro, extraordinaire récit de navigation vers le Paradis terrestre, n’est-elle pas une étonnante anticipation des grandes découvertes portugaises ? Dans ces textes parfois brefs se tissent souvent des liens étroits entre mythe, littérature et merveilleux, comme pour célébrer les noces inattendues de l’Imaginaire et de l’Histoire présidant à la naissance d’un peuple de conquérants.

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Livres

Revues des EllugCahiers d’études italiennes, Novecento… e dintorni, n° 7, 2008, 402 p. Images littéraires de la société contemporaine (3)

Cahiers d’études italiennes, Filigrana, n° 8, 2008, 223 p.Boccace à la Renaissance Lectures, traductions, influences en Italie et en France

Recherches & Travaux, n° 72, 2008, 305 p.De l’hypertexte au manuscritL’apport et les limites du numérique pour l’édition et la valorisation de manuscrits littéraires modernes

Tigre, n° 16, 2008, 145 p.Trace et Linguistique. Trace (4)

Lidil, n° 37, 2008, 199 p.Syntaxe et sémantique des prédicats

Fééries, n° 5, 2008, 181 p.Le rire des conteurs

30 ans de publications universitairesFondées en 1978 sous la présidence de Jean-Hervé Donnard et à l’initiative de Jean Sgard, les Publications de l’université des langues et lettres de Grenoble, devenues plus tard les Ellug – Éditions littéraires et linguistiques de Grenoble – atteignent aujourd’hui trente ans, l’âge de la maturité !Pour fêter cet événement, les Ellug ont organisé : • un coktail anniversaire auxquels étaient invités les auteurs et parte-naires des Ellug ;• une exposition des collections à la Bibliothèque universitaire droit-lettres (SICD2) jusqu’à la fin octobre 2008 ;• des tables de présentation dans les librairies grenobloises associées : le Comptoir des presses d’universités, Decitre, Le Sphinx et Le Square (Librairie de l’université) ;• un carnet offert pour l’achat d’une publication jusqu’à fin 2008 ;• une campagne de presse.

Pour plus d’informations : www.u-grenoble3.fr/ellug

Autres éditeurs

1930-2005. 75 anos a SelvaCommunication de Bernard Emery O Negro dos CamaresCentro de Estudos Ferreira de castro, 2007, 504 p. ISBN 978 989 20 0993 3.

Désirant traduire l’œuvre maîtresse de l’écri-vain portugais Ferreira de Castro, le roman Forêt vierge, Blaise Cendrars s’est basé sur la traduc-tion dactylographiée d’un certain Jean Coudures, un illustre inconnu, dont on sait seulement qu’il était contremaître dans une exploitation forestière à N’Dog-Besol, en plein Cameroun. C’est lui qui a été le « nègre » de Cendrars et qui a permis à ce dernier d’écrire, par personne interposée, le roman « brésilien » dont il rêvait…

et à Ferreira de Castro de se voir ouvrir les portes des éditeurs parisiens.

Histoire du Brésil et création culturelleSous la direction de Régis TettamanziL’utopie jésuite, communication de Bernard EmeryPresses universitaires de Nancy, 2008, 211 p. ISBN 978 2 86480 957 9. Prix 20 €

La grande aventure de l’évangélisation du monde, connue au Portugal comme le mythe du Quint Empire dans laquelle s’est lancée la Compagnie de Jésus, à la suite des découver-tes et des conquêtes des monarchies ibériques, a trouvé un terrain favorable chez certains peuples indiens d’Amérique du Sud, permet-tant l’éclosion d’extraordinaires démocraties théocratiques. C’est l’histoire de ces Missions que l’on retrace ici à travers les œuvres de l’écrivain brésilien Érico Veríssimo ou du cinéaste

britannique Roland Joffé.

L’orientation à l’universitéDenise faivre, Patricia Martin, Anne Lyse Bonneaud, Josette Malandain, Graziana Boscato, Elizabeth Gros. ONISEP, collection Équipes éducatives Octobre 2008 - 88 p. ISBN 978 2 273 00665 1. Prix 10 €

Amener les jeunes à s’insérer professionnel-lement est un enjeu primordial pour le monde de demain et une des missions de l’université. Illustrés par de nombreuses expériences déjà mises en œuvre dans différentes universités, cet ouvrage propose des témoignages, des res-sources, des éléments de compréhension et de réflexion pour répondre à ce défi.

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Livres

ContesÉdition critique établie par Jean-François Perrin et Anne DefranceContes de Antoine Hamilton, Jean-Jacques Rousseau, Henri Pajon, Jacques Cazotte, Carl Gustav Tessin, Charles Duclos, Denis Diderot.Éditeur Champion série Bibliothèque des génies et des fées, n° 162008, 1590p. ISBN 97 82 74 53 16110. Prix 200 €

La Fée Mélusine. Le serpent et l’oiseauPhilippe WalterÉditions IMAGO, 2008, 254 p. ISBN 978 2 84952 057 4. Prix 22 €Mélusine de Sassenage, du Poitou, du Japon et d’ailleurs. Est-elle femme poisson, femme ser-pent ou femme oiseau ? Sans doute, les trois à la fois. L’ouvrage dévoile des aspects méconnus de la célèbre fée médiévale, en interrogeant notam-ment la mythologie de l’anguille et du sel.

Le rapport SteinJosé Carlos LlopTraduction de Edmond RaillardÉditions Jacqueline Chambon, février 2008, 100 p. ISBN 978 2 7427 7278 0 – Prix 13,80 €Le Prix Écureuil de littérature étrangère 2008 a été décerné à José Carlos Llop pour son roman et à Edmond Raillard pour sa traduction. Il a été remis aux lauréats à l’Instituto Cervantes le 17 octobre dernier à Bordeaux.Un passé lourd de menaces qui assombrit le pré-

sent et bouche l’avenir donne aux romans de Llop un ton inimitable. Le monde extérieur y est aussi opaque que les consciences et l’ombre de la guerre civile disqualifie d’avance l’innocence, fût-elle enfantine. Nous sommes en Espagne, à la fin des années 1960, dans une ville portuaire de province. Le héros, un adolescent trop sensible, se sent prisonnier d’un monde où les adultes paraissent condamnés à la culpabilité, à l’extravagance et au déclassement. Chez ses grands-parents, où il vit, l’atmosphère est aussi étouffante qu’est délétère celle du collège de jésuites qu’il fréquente. Jusqu’au jour où apparaît Stein, un nouvel élève dont la liberté d’allure et la désinvolture font souffler sur la classe un merveilleux vent de modernité et d’esprit d’aventure. La critique espa-gnole a comparé Le Rapport Stein au Grand Meaulnes et aux Désarrois de l’élève Törless.

Le storie di San Giuliano OspitaliereFilippo FonioNovara, Interlinea Edizioni, 2008, 211 p. ISBN 978 88 8212 623 0 – Prix 30 €

À partir d’une vision anglaise du XIIIe siècle jusqu’à 2003, le livre trace au travers de textes - intégralement traduits – l’histoire du patron de l’hospitalité, promoteur de croisades ou protecteur des libertins au XVIIe siècle, porteur des inquiétudes des époques de produc-tion des textes. Souvent perçue comme avatar oedipien, l’histoire de Julien se révèle ainsi un palimpseste du postmoderne…

L’explication de textes en langues anciennes. Préparation aux concours Coordonné par Julie SorbaEllipses, août 2008, 240 p. ISBN 978 2 72983 961 1 – Prix 23 €

Ce manuel présente, en 6 chapitres thémati-ques (poésie, philosophie, rhétorique, histoire, théâtre, narration en prose), 36 textes au for-mat concours en grec et en latin pour se pré-parer efficacement à l’épreuve de l’explication de textes. Chaque chapitre propose des tex-tes en grec et en latin pour un éclairage croisé d’un même thème en vue d’approfondir les différents aspects de la culture antique. Chacun des textes est précédé d’une introduction sur

l’auteur, l’œuvre et son contexte et suivi d’une traduction, de notes grammaticales et de son commentaire littéraire.

Notes diverses d’un futur grand antiquaireTraduction par Peter de Klerk de l’édition criti-que du Professeur Schneider, université de Leyde (Pays-Bas) Éditions Brepols 2006, 155 p. ISBN 978 2 503 524445 0 – Prix 45 €Reproduction d’un cahier de Jean-François Champollion écrit à 15 ans. Commentaire d’ouvrages de l’époque par Champollion et pre-miers jalons aboutissant plus tard au déchiffre-ment des hiéroglyphes.

Une vie de Pierre Ménard Michel LafonGallimard, octobre 2008, 183 p. ISBN 978 2 07 012341 4 – Prix 16 €

Pierre Ménard n’est pas seulement le per-sonnage d’une fiction de Borges qui aurait accompli la gageure d’écrire à l’identi-que quelques chapitres de Don Quichotte. Ce fut aussi un proche de Gide, de Valéry ou d’Unamuno, qui exerça une influence considéra-ble et souterraine sur les écrivains de son temps et qui contribua même, dans le secret de réunions nocturnes au Jardin des Plantes de Montpellier, à changer le cours de la littérature du 20e siècle.

ValentineÉdition critique par Damien ZanoneŒuvres complètes de George Sand, 1832Honoré Champion Éditeur, 2008, 752 p. ISBN 978 2 7453 1690 5 – Prix 110 €

Une histoire d’amour contrariée par la bar-rière sociale dans un cadre rustique et aristocratique à la fois : avec Valentine, George Sand, encore débutante dans le roman, a mis au point la formule romanesque que ses éditeurs tiendront pour magique, lui demandant toujours d’en reprendre les ingrédients dans la suite de sa carrière. On est donc, avec ce roman où Sand invente la « Vallée Noire » (le Berry de son enfance élu comme espace de fiction), au cœur de la création de l’auteur..

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Focales

Nounours – un film réalisé par Benoît Legrand

enoît Legrand, diplômé du master Écriture et réalisation de docu-mentaire de création, a réalisé en

2007 Nounours, un film documentaire d’une cinquantaine de minutes à partir d’un entretien sans fioriture avec un personnage (Nounours) qui évoque son enfance - ou plutôt celle qu’il n’a pas eue. Malgré la violence du vécu et des propos, bien qu’il refuse dès l’abord toute pitié ou commisération, Nounours est touchant. Le spectateur, lui, s’interroge : comment des enfants peuvent-ils être si violents ? Ce film a été présenté à Lussas aux États généraux du film documentaire, puis publié en DVD grâce à une bourse de la Région. Il a également reçu le Prix des Organisateurs au festival international « Psy » de Lorquin en Lorraine.

La rencontre relatée par Benoît LegrandLa rencontre de Nounours a auguré toute la suite de notre relation : directe, vive, et relativement fragile. J’arrivais à Lyon avec un camion rempli de caisses, de quelques meubles et d’objets lourds en tous genres pour emménager au cin-quième étage d’un immeuble dépourvu d’ascenseur. Des amis et moi faisions des allers-retours dans les étages quand Nounours est apparu en bas. Je lui ai demandé de porter une de mes plantes « avec beaucoup d’amour » jusqu’au palier de la porte qu’il allait franchir. C’est ce qu’il a fait, donc, jusqu’au troi-sième étage, dans un sourire maladroit. Quand nous nous sommes revus deux semaines plus tard, il réparait son quad dans la cour intérieure du même immeu-ble (sa bonne amie résidait là). C’est tout naturellement que nous avons repris notre conversation.

Nounours est le nom que ses amis don-naient à Christophe pendant l’époque de sa vie où il dormait sous les ponts. Il m’expliquait un jour qu’il leur avait donné l’impression d’être à la fois un ours, et un nounours. « Un nounours parce que voilà, je suis quelqu’un de vraiment gentil, et un ours parce que si tu m’embrouilles, c’est simple, je te casse la tête direct. » Je cite de mémoire.Évidemment ce nom a aussi une ré-sonance avec le déficit d’affection que Nounours a connu dans sa tendre enfance et dont il aura à jamais du mal à se remettre. C’est le nom de l’objet man-quant à son imaginaire qu’il s’est recollé sur la peau.

L’histoire d’un jeune homme… et d’un filmBenoît Legrand explique : « Le film, c’était son idée à lui. Encore une fois une histoire d’objet. Christophe n’en possède aucun, aucune photo, aucun souvenir concret et matériel qui le rattache à son enfance. Il m’a proposé de faire un film, « comme il voulait depuis longtemps » dans lequel il raconterait son histoire, « et les gens ils vont halluciner qu’il y a des gens qui ont une histoire comme la mienne ». Je n’ai pas accepté tout de suite parce que je craignais qu’il ne se mît en scène avec trop d’extravagance. Ce premier refus a certainement rendu le film possible parce qu’il, le film, est ainsi resté dans le cadre strict de mes exigen-ces. Mais Nounours a quand même fait ce qu’il voulait… Je souhaitais que Nounours se sente en confiance, dans un environnement où la question de l’hostilité pour lui ne se pose pas. En allant chez lui je me serais mis en position de voyeur comme l’aurait fait un « journaliste télé ». L’inviter chez moi

était une façon de lui dire que je lui ouvrais ma confiance et mon univers intérieur, ce qu’il a, je crois, très bien compris.Le tournage s’est déroulé dans d’excel-lentes conditions. Le tout a été bouclé en l’espace de quelques heures. Nounours a été extrêmement présent et concentré, et quant à moi j’ai fait ce que j’ai pu pour le contenir, me concentrer sur mes ques-tions, et m’occuper de la caméra. À un moment j’ai demandé une pause, parce que son histoire était trop dure. Je ne la connaissais pas avant l’entretien. » ■

Pour en savoir plus :www.nounours-lefilm.comwww.lapelliculeensorcelee.org

Le DVD est en vente sur www.editions.docnet.fr. Prix 14,90 €Une production Z’azimut films, avec la participa-tion de Cinex - l’atelier du cinéma excentrique

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Agenda

Événements à l’AmphidiceService culturel : 04 76 82 41 05www.u-grenoble3.fr/amphidiceEntrée libre

Mardi 10 mars à 20h00Les Arts s’en mêlent Les ateliers étudiants de l’association Arts Mêlés présentent des extraits de leurs créations théâtrales et artistiques.

Mercredi 18 mars à 19h30Soirée « Good bye Tchékhov ! »Le Jubilé et scènes choisies de La cerisaie de TchékhovSpectacle bilingue de théâtre par l’asso-ciation La Cerisaie et l’atelier théâtre en langue russe de LANSADEntracte musical par le groupe Katouchia

Jeudi 26 et vendredi 27 mars à 20h00Les Z’habitants de Catherine ZambonPièce de théâtre jouée par les étudiants en licence Arts du spectacle (en présence de l’auteur le 27 mars).

Colloques

Du jeudi 19 au samedi 21 marsL’automate. Modèle, machine, merveilleOrganisé par le Centre de recherche sur l’imaginaire (CRI) à la MSH-Alpes dans le cadre du Tricentenaire Vaucanson* : [email protected]

Du jeudi 26 au samedi 28 marsDiscours croisés : sciences et littérature américaine aux 20e et 21e sièclesOrganisé par le Centre d’études sur les modes de la représentation anglophone Maison des langues, salle J. Cartier * : [email protected]

Les jeudi 14 et vendredi 15 maiLa fabrique du corps humain. La machine modèle du vivantOrganisé par le Centre de recherche sur l’imaginaire dans le cadre du Tricentenaire Vaucanson.Maison des sciences de l’homme-Alpes

Journées d’études

Mercredi 11 marsL’auteur de littérature de jeunesseOrganisé par le CEDILIT (Traverses 19-21) Maison des langues, salle J. Cartier* : [email protected]

Mercredi 29 avrilL’auteur à l’écoleIUFM de Chambéry. * : [email protected]éminaires

Jeudi 5 mars Imagerie cérébrale fonctionnelle et trou-bles de la parole : vers une meilleure compréhension de la physiopathologie de la dysarthrie parkinsonienneSéance organisée par le département Parole et Cognition de GIPSA-Lab à 13h30 en salle de réunion B 314

Manuscrits de Stendhal Organisé par l’équipe des Manuscrits de Stendhal* : [email protected]• Prochaine séance : vendredi 13 mars, Maison des Langues, salle des Conseils

La haine de la musiqueOrganisé par Traverses 19/21 – E.CRI.RE* : [email protected] séances ont lieu de 17h30 à 19h00 une fois par mois en salle C008. • Prochaines séances : jeudi 19 mars, mardi 7 avril, mardi 12 mai.

La tradition des romans de femmes. XVIIIe XIXe sièclesOrganisé par le Centre d’études stendha-liennes et romantiques.* : [email protected] séances ont lieu de 17h30 à 19h30 à l’université Stendhal.• Prochaines séances : mardi 10 mars, jeudi 26 mars, jeudi 2 avril, mardi 19 mai et mercredi 24 juin.

Autres événements

Du 2 au 13 mars Le printemps des poètesPour cette 3e édition, l’association des étudiants du master Diffusion de la culture organise une série d’événements autour de la poésie et du thème « en rires » dans l’agglomération grenobloise.Programme disponible sur le site de l’université : www.u-grenoble3.fr

Notez dans ce cadre une soirée inédite : Samedi 7 mars à 19h00Des papous dans la tête Enregistrement public à l’Amphidice de l’émission diffusée sur France Culture. Ouverture des portes à 18h15, entrée libre dans la limite des places disponibles.* : [email protected]

Du 21 mars au 4 avril20e Festival des arts mêlésThéâtre, cinéma, concerts, exposition de photographie, soirées à thème, danse : il y en aura pour tous les goûts ! Consultez le programme des festivités sur notre site : www.u-grenoble3.fr* : [email protected]

Un livre à partagerCycle de lectures-conférences organisé à la Bibliothèque du centre-ville Chaque mois, un universitaire vient parler d’un livre qu’il a particulièrement aimé et qu’il a envie de partager avec d’autres lecteurs. Une approche personnelle liée ou non à un champ de recherche, des analyses littéraires accessibles à tous, une invitation à la lecture et aux échanges. Tél. : 04 76 54 57 97 • Prochaines séances : jeudi 19 mars, jeudi 23 avril

Jeudi 26 mars Forum des mastersUne journée pour s’informer sur les mas-ters des universités Stendhal et Pierre Mendès-France : modalités d’accès, pro-grammes, insertion... dans le Hall nord de l’université Stendhal* : [email protected] - 04 76 82 43 11

Du 2 au 20 marsLes peuples indigènes du Mexique contemporainExposition de photographies présentée par Laura Ramos - hall Nord de l’université Stendhal

Pour en savoir plus sur les événements qui rythment la vie de la recherche à l’université Stendhal, consultez notre site www.u-grenoble3.fr,

rubrique Recherche puis À l’affiche

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Des papous dans la têteSamedi 7 mars

Enregistrement en public de l’émission de 19h00 à 21h30

à l’Amphidice - Université Stendhal

www.u-grenoble3.fr

Récréation littéraire

orchestrée par

Françoise Treussard