chapitre 4 - interprétation des résultats fondée sur...

24
Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature 75 Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur la littérature 4.1 - Transport irréversible sous l’effet d’un gradient de température : thermoélasticité ...................................................................................................... 76 4.1.1 - Origine de la dissipation................................................................................... 76 4.1.2 - Influence de la nature du matériau ................................................................... 77 4.1.3 - Influence de la géométrie du résonateur .......................................................... 80 4.1.4 - Influence de la fréquence ................................................................................. 80 4.1.5 - Influence de la température .............................................................................. 81 4.2 - Transport irréversible sous l’effet d’un gradient de concentration ...................... 82 4.2.1 - Cas des verres d’oxydes ................................................................................... 82 4.2.1.1 - Teneur en OH ............................................................................................... 82 4.2.1.2 - Teneur en impuretés (modificateurs de réseau) ........................................... 83 4.2.2 - Cas des matériaux cristallins ............................................................................ 86 4.3 - Influence du gaz environnant : dissipation en régime moléculaire ....................... 87 4.3.1 - Loi de variation de la dissipation ..................................................................... 87 4.3.2 - Limitation du modèle : régimes de pression, nombre de Knudsen .................. 88 4.3.3 - Application à l’étude de l’influence de la présence d’électrodes au voisinage du résonateur ......................................................................................................................... 88 4.4 - Dissipation due à l’état de surface ............................................................................ 90 4.4.1 - Etat de l’art : cas du verre de silice .................................................................. 90 4.4.2 - Attaque chimique du verre de silice ................................................................. 90 4.5 - Autres mécanismes de dissipation............................................................................. 92 4.5.1 - Relaxation structurale ....................................................................................... 92 4.5.2 - Dissipation par relaxation de phonons ............................................................. 93 4.5.3 - Dissipation par relaxation d’électrons .............................................................. 95 4.6 - Conclusion ................................................................................................................... 97 Au Chapitre 1 nous avons exprimé le facteur de qualité sous la forme d’une somme de termes indépendants relatifs à chaque source de dissipation dans le système. Un grand nombre de mécanismes de dissipation a été identifié et décrit dans la littérature. Pour certains, on sait évaluer l’ordre de grandeur de la dissipation qu’ils génèrent. Nous présentons dans ce chapitre les mécanismes de dissipation pouvant limiter l’intérêt d’un matériau en tant que résonateur

Upload: others

Post on 05-Mar-2020

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

75

Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur la littérature

4.1 - Transport irréversible sous l’effet d’un gradient de température : thermoélasticité ...................................................................................................... 76

4.1.1 - Origine de la dissipation................................................................................... 76 4.1.2 - Influence de la nature du matériau ................................................................... 77 4.1.3 - Influence de la géométrie du résonateur .......................................................... 80 4.1.4 - Influence de la fréquence ................................................................................. 80 4.1.5 - Influence de la température .............................................................................. 81

4.2 - Transport irréversible sous l’effet d’un gradient de concentration ...................... 82 4.2.1 - Cas des verres d’oxydes ................................................................................... 82

4.2.1.1 - Teneur en OH............................................................................................... 82 4.2.1.2 - Teneur en impuretés (modificateurs de réseau)........................................... 83

4.2.2 - Cas des matériaux cristallins ............................................................................ 86

4.3 - Influence du gaz environnant : dissipation en régime moléculaire ....................... 87 4.3.1 - Loi de variation de la dissipation ..................................................................... 87 4.3.2 - Limitation du modèle : régimes de pression, nombre de Knudsen .................. 88 4.3.3 - Application à l’étude de l’influence de la présence d’électrodes au voisinage du résonateur ......................................................................................................................... 88

4.4 - Dissipation due à l’état de surface ............................................................................ 90 4.4.1 - Etat de l’art : cas du verre de silice .................................................................. 90 4.4.2 - Attaque chimique du verre de silice................................................................. 90

4.5 - Autres mécanismes de dissipation............................................................................. 92 4.5.1 - Relaxation structurale....................................................................................... 92 4.5.2 - Dissipation par relaxation de phonons ............................................................. 93 4.5.3 - Dissipation par relaxation d’électrons.............................................................. 95

4.6 - Conclusion................................................................................................................... 97

Au Chapitre 1 nous avons exprimé le facteur de qualité sous la forme d’une somme

de termes indépendants relatifs à chaque source de dissipation dans le système. Un grand nombre

de mécanismes de dissipation a été identifié et décrit dans la littérature. Pour certains, on sait

évaluer l’ordre de grandeur de la dissipation qu’ils génèrent. Nous présentons dans ce chapitre les

mécanismes de dissipation pouvant limiter l’intérêt d’un matériau en tant que résonateur

Page 2: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

76

mécanique à haut facteur de qualité. Il serait trop exhaustif de décrire dans ce cadre chaque

mécanisme de dissipation rencontré dans les matériaux*, ainsi nous ne développerons

volontairement pas les phénomènes d’amortissement relatifs aux matériaux ne pouvant permettre

d’atteindre des facteurs de qualité supérieurs à 105 tels que les polymères, les céramiques

poreuses, le bois ou les métaux à forte teneur en dislocations par exemple.

4.1 - Transport irréversible sous l’effet d’un gradient de

température : thermoélasticité

4.1.1 - Origine de la dissipation

L’origine de cette source de dissipation [Zener-38] provient du fait qu’une contrainte

appliquée à un échantillon peut entraîner des différences de température à l’intérieur même de

l’échantillon. Il en résulte un flux de chaleur visant à annuler ces gradients de température. Ce

mécanisme irréversible conduit à une création d’entropie et donc à une dissipation d’énergie dans

le système (théorème de Gouy-Stodola#). Considérons à titre d’exemple le cas des oscillations en

flexion d’une plaque encastrée à une extrémité et libre à son autre extrémité (voir Figure 4-1). Il

est possible d’évaluer l’énergie dissipée suite au transfert de chaleur (voir détails du calcul en

Annexe 7). Nous ne nous intéressons ici qu’au cas le plus important en pratique où la période de

la vibration est très faible devant le temps caractéristique associé au transfert de chaleur :

2th

2

0

1th e

DC

TYE

EQ

ωα

≈ω

=−&

( 4-1 )

avec :

Y : module de Young [Pa]

α : coefficient de dilatation thermique linéaire [K-1]

T : température [K]

Dth : coefficient de diffusivité thermique [m2.s-1]

C : chaleur spécifique par unité de volume [J.K-1.m-3]

* Le lecteur intéressé pourra se référer aux ouvrages suivants : [Zener-38][Nowick-72][De Batist-72][Schaller-01]. # théorème de Gouy-Stodola [Bejan-88] : « Whenever a system operates irreversibly, it destroys work at a rate that is proportional to the system’s rate of entropy generation, that is: irr0lost STW && −= »

Page 3: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

77

e : épaisseur de la plaque [m]

Avec ces notations, la condition définissant le régime des hautes fréquences (appelé également

régime quasi-adiabatique dans l’Annexe 7) s’écrit donc : ω » Dth/e²

Figure 4-1 Oscillations en flexion d’une plaque : pendant une demi-période une zone est en compression

et se réchauffe, l’autre zone est en tension et se refroidit. La demi-période suivante, c’est l’inverse.

Comme le montre l’équation ( 4-1 ), la dissipation 1

thQ− associée à la thermoélasticité

dépend de plusieurs paramètres :

- les propriétés thermiques (CD

Q th2

1th

α∝− ) et mécaniques ( YQ 1

th ∝− ) du matériau

- la géométrie du résonateur, via la longueur caractéristique sur laquelle s’établit le

gradient de température ( 21

th e1Q ∝− )

- la fréquence de vibration (ω

∝− 1Q 1th pour le cas des hautes fréquences qui nous

intéresse dans les applications)

- la température ( TQ 1th ∝− )

Nous allons développer en détails l’influence de chacun de ces différents paramètres

en réalisant l’application numérique de l’équation ( 4-1 ).

4.1.2 - Influence de la nature du matériau

Les données nécessaires à la détermination numérique de 1thQ− sont fournies en

Annexe 9. L’application numérique de l’équation ( 4-1 ) montre que, toute chose étant égale par

zone en compression

zone en tension

Page 4: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

78

ailleurs, la dissipation 1thQ− peut varier de plusieurs ordres de grandeur selon la nature du matériau

considéré (Figure 4-2) : dans les métaux qui présentent un coefficient de dilatation et une

conductibilité thermique élevés, les niveaux de dissipation générés pourront atteindre des valeurs

importantes (de l’ordre de 10-4 à 10 kHz dans le cas du cuivre à 300 K pour une épaisseur de

1 mm), les rendant difficilement utilisables en tant que résonateur mécanique à haut facteur de

qualité (supérieur à 106) dans nos conditions d’utilisation. Il est toutefois intéressant de constater

que le verre métallique à base Zr présente un niveau de dissipation thermoélastique relativement

faible en comparaison avec les métaux courants. Nous ne disposons malheureusement pas de

données concernant les constantes thermiques pour la famille de verres métalliques à base Pd ;

une perspective de notre étude est donc l’évaluation des propriétés physiques en général des

verres métalliques. Cependant, il est raisonnable de penser que la dissipation thermoélastique

dans ces matériaux sera de toute façon bien supérieure à celle dans la silice amorphe. En effet, la

silice possède un coefficient de dilatation et une diffusivité thermique très faibles (respectivement

5,5.10-7 K-1 et 8,6.10-7 m².s-1), et présente donc des pertes thermoélastiques faibles : 1thQ− < 10-9 à

10 kHz (Figure 4-2).

Figure 4-2 Dissipation par relaxation thermoélastique dans le cas des vibrations de flexion d’une

plaque de 1 mm d’épaisseur, à 300 K (courbes théoriques) a) silice amorphe ; b) verre métallique Zr-Ti-Cu-Ni-Be ; c) silicium ; d) quartz ; e) saphir ;

f) cuivre

c)

a)

b)

d) e)

f)

1,0E-11

1,0E-10

1,0E-09

1,0E-08

1,0E-07

1,0E-06

1,0E-05

1,0E-04

1,0E-03

1,0E-02

1 10 100

Fréquence (kHz)

Q-1th

Page 5: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

79

On remarque également que le saphir, matériau pouvant présenter des facteurs de

qualité très élevés à basse température et pour des échantillons de diamètre ou épaisseur

importante [Bagdasarov-75], présente un niveau de dissipation thermoélastique critique dans nos

conditions d’utilisation. Comparons à présent cette source de dissipation théorique avec les

résultats expérimentaux obtenus sur les échantillons en saphir, présentés au Chapitre 3. Comme

le montre la Figure 4-3, les faibles valeurs des facteurs de qualité expérimentaux mesurés sur les

échantillons disque-tige en saphir (Q < 106) sont effectivement liées à l’importance de la

dissipation thermoélastique dans ce matériau. Pour des résonateurs d’épaisseur plus importante,

on voit qu’il est possible d’obtenir des facteurs de qualité plus élevés, mais qui restent inférieurs

de plusieurs ordres de grandeur à ceux mesurés sur les échantillons en silice. Cela explique

pourquoi nous ne nous sommes pas focalisés sur le saphir dans le cadre de cette étude.

1,0E-10

1,0E-09

1,0E-08

1,0E-07

1,0E-06

1,0E-05

1,0E-04

1,0E-03

1,0E-02

1,0E-01

1000 10000 100000

Fréquence (Hz)

Q-1th

Pertes thermoélastiques théoriques (plaque d'épaisseur=0,5mm)Echantillon disque-tige (épaisseur=0,5mm) présentant un état de surface médiocrePertes thermoélastiques théoriques (plaque d'épaisseur=0,7mm)Echantillon disque-tige (épaisseur=0,7mm) présentant un très bon état de surfacePertes thermoélastiques théoriques (tige de diamètre=4,5mm)Tige de diamètre 4,5mm

Figure 4-3 Comparaison des facteurs de qualité expérimentaux obtenus sur le saphir avec la dissipation

théorique générée par thermoélasticité

Signalons enfin que, par rapport à la diffusivité thermique et au coefficient de

dilatation, les autres paramètres physiques intervenant dans l’équation ( 4-1 ) tels que le module

Page 6: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

80

de Young ou la chaleur spécifique diffèrent relativement peu pour les matériaux considérés ici et

interviendront donc peu dans les valeurs de 1thQ− .

4.1.3 - Influence de la géométrie du résonateur

La longueur caractéristique d sur laquelle s’établit le gradient de température a une

influence importante sur le facteur de qualité. Selon le cas, la longueur d représentera l’épaisseur

ou le diamètre (cas des vibrations de flexion) ou la longueur (cas des vibrations longitudinales) de

l’échantillon considéré. Pour l’application GRH, d sera donc l’épaisseur du dôme. L’équation

( 4-1 ) montre que 21th d1Q ∝− , et si l’on tient compte du fait que pour le mode de vibration utile

d∝ω [Lalanne-83][Fima-95], une diminution d’un facteur 10 sur l’épaisseur de la plaque aura

pour effet d’augmenter 1thQ− d’un facteur 1000… Il en résulte que la dissipation thermoélastique

constituera une limitation intrinsèque importante pour les facteurs de qualité de résonateurs

vibrants de faible épaisseur, et notamment pour les performances des systèmes miniaturisés (type

MEMS*).

4.1.4 - Influence de la fréquence

Dans le cas qui nous intéresse, où la période de la vibration est très faible devant le

temps caractéristique th2

th Dd=τ associé au transfert de chaleur (vibrations quasi adiabatiques),

on a vu que ω∝− 1Q 1th . Il en résulte que la dissipation thermoélastique doit diminuer quand la

fréquence augmente.

Notons que dans le régime des basses fréquences, dans lequel la période de vibration

devient très supérieure à th2

th Dd=τ , on peut montrer que ω∝−1thQ . Les calculs sont

développés et discutés en Annexe 7.

* Micro Electro Mechanical Systems

Page 7: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

81

4.1.5 - Influence de la température

L’influence de la température est délicate à prendre en compte de façon rigoureuse

dans l’évaluation théorique de 1thQ− . En effet, tous les paramètres physiques intervenant dans

l’expression de 1thQ− varient avec T. D’après la relation ( 4-1 ), la dissipation thermoélastique

diminue quand la température décroît. Des mesures effectuées à très basse température (~4 K)

sur certains matériaux tels le saphir [Bagdasarov-75], le niobium [Braginsky-85], l’aluminium

[Braginsky-85] ont permis d’obtenir des valeurs de facteur de qualité très élevées (> 5.107). Pour

notre application, l’intervalle de température à considérer s’étend de –40°C à 90°C, domaine

d’utilisation du GRH. Comme le montre la Figure 4-4, la dissipation thermoélastique dans la

silice varie peu dans cet intervalle de température et reste inférieure à 10-9 à 10 kHz. Les données

numériques relatives à l’évaluation de 1thQ− sont données en Annexe 9.

1,0E-11

1,0E-10

1,0E-09

1,0E-08

1 10 100Fréquence (kHz)

Q-1th

233K

300K

363K

Figure 4-4 Influence de la température sur la dissipation thermoélastique théorique d’une plaque en

silice amorphe en flexion (épaisseur 1 mm)

Page 8: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

82

4.2 - Transport irréversible sous l’effet d’un gradient de

concentration

Il a été mis en évidence dans la littérature que la présence de zones en tension et en

compression peut modifier localement la distribution des impuretés présentes dans le système.

Les phénomènes de diffusion qui en résultent (on parle de diffusion sous contrainte) entraîneront

de la même façon qu’au paragraphe précédent une création d’entropie et donc la dissipation de

l’énergie mécanique dans le système.

4.2.1 - Cas des verres d’oxydes

4.2.1.1 - Teneur en OH

Lors de l’élaboration des verres synthétiques et naturels, il se peut que des molécules

d’eau se retrouvent piégées dans le réseau SiO2. L’insertion d’une molécule H2O provoque

l’apparition de deux groupements silanols Si-OH [Scholze-80] :

≡ Si – O – Si ≡ + H2O → ≡ Si – OH + HO – Si ≡

Il a été montré [Scholze-59] que l’eau dissoute dans le verre de silice n’existe que sous

la forme de groupements Si-OH libres (voir Figure 4-5). Cependant, en présence d’atomes

d’oxygène non pontants, il s’établit entre eux et les groupements OH des liaisons hydrogène. Les

groupements OH deviennent alors liés.

Page 9: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

83

Figure 4-5 Description schématique du réseau de verre de silice contenant des groupements OH, d’après [Scholze-80] (les ions sodium ont été enlevés par rapport à la représentation originale afin de

ne pas alourdir le schéma)

Tout se passe finalement comme si ces groupements OH étaient fixés dans le réseau.

Ne pouvant par conséquent pas se déplacer, ils ne devraient pas entraîner de phénomène

dissipatif de type diffusion ou diffusion sous contrainte. Cela est en accord avec les résultats

expérimentaux présentés au Chapitre 3, qui montrent que des variations de 1 à 1000 ppm de la

teneur en OH n’ont pas d’effet au premier ordre sur les facteurs de qualité et ne dégraderont pas

les performances des résonateurs acoustiques en silice. Par contre, soulignons que la présence de

groupements OH est beaucoup plus problématique du point de vue des propriétés optiques

[Kirchhof-87][Rose-98]. En effet, les liaisons Si-OH absorbent vers 2,7 µm (voir en Annexe 3) ce

qui se traduira par un pic d’absorption pour cette gamme de longueurs d’onde qui correspond à

des fréquences de l’ordre de 1013 à 1014 Hz.

4.2.1.2 - Teneur en impuretés (modificateurs de réseau)

Il a été montré dans la littérature [Martinez][Phalippou-83] que d’une façon générale,

l’adjonction d’oxydes modificateurs de réseau (type Li2O, Na2O, K2O, CaO…) dans les verres

d’oxydes (verres de silicates en particulier) fait apparaître deux pics de frottement interne T1 et T2

à des températures proches de la température ambiante (voir Figure 4-6).

Page 10: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

84

Figure 4-6 Frottement interne dans un verre Na2O-3SiO2 (pointillés) et dans un verre Na2O-Al2O3-6SiO2 (trait plein) à 0,4Hz en fonction de la température, mesuré à l’aide d’un pendule de torsion

(d’après [Doremus-94])

Origine du pic T1 à basse température :

Le premier pic T1 est attribué [Phalippou-83] à la diffusion sous contrainte des ions

alcalins contenus dans le verre. Ce pic de relaxation apparaît à des températures inférieures ou

voisines de la température ambiante et pour des fréquences de l’ordre du hertz. On sait que dans

un verre, aucune périodicité n’existe au-delà des plus proches voisins. Ce désordre fait que, dans

les verres contenant des ions alcalins, ces derniers seront disposés dans des sites

thermodynamiquement non équivalents. On pourrait représenter ces ions comme étant situés

dans des puits de potentiel. Lorsque le matériau est soumis à une contrainte, l’ion alcalin pourra

passer dans un site voisin où son énergie potentielle sera réduite. Cette diffusion sous contrainte

ne s’effectue que si l’ion alcalin reçoit une énergie supérieure à celle nécessaire pour franchir la

barrière de potentiel séparant les deux niveaux.

Il a été montré que l’intensité de ce pic T1 augmente avec l’ajout d’oxydes

modificateurs (type Li2O, Na2O, K2O, CaO…) dans le réseau SiO2 (voir Figure 4-7).

Page 11: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

85

Figure 4-7

Influence de la concentration en oxyde d’alcalins sur la hauteur du pic de frottement interne (Q-1) dans un verre mixte SiO2-Na2O (d’après [Doremus-94]). Les différents symboles

correspondent aux résultats expérimentaux cités par R.H. Doremus.

L’influence de la présence d’alcalins sur l’amortissement dans les verres de silice est

donc clairement mise en évidence pour des teneurs de l’ordre du pour cent à quelques dizaines de

pour cents. En outre, il convient de rappeler que le pic d’amortissement de ce mécanisme se

produit à basse fréquence (0,5 Hz environ). Malheureusement, nous ne disposons pas pour ce

processus de dissipation de loi de variation de Q-1 en fonction de la concentration et de la

fréquence. Plutôt que de nous livrer à des extrapolations hasardeuses, il nous est apparu

nécessaire de tenter d’estimer de façon théorique un ordre de grandeur pour la dissipation dans

les domaines de fréquence et de concentration qui nous intéresse. Cette estimation sera détaillée

au Chapitre 5.

Origine du pic T2 :

Comme dans le cas du pic T1, l’origine du second pic de frottement interne, situé

entre 100°C et 250°C, est liée à la diffusion sous contrainte. Cependant, l’espèce diffusante fait

encore l’objet d’interprétations diverses dans la littérature. On sait aujourd’hui que l’eau dissoute

dans le verre participe à l’établissement de cette relaxation. Plusieurs auteurs ont montré que le

pic T2 serait dû à la présence simultanée d’ions alcalins, d’atomes d’oxygène non pontants et de

groupements hydroxyles OH [Phalippou-83]. Les groupes hydroxyles, provenant de l’eau

Page 12: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

86

dissoute dans le verre, doivent être liés aux atomes d’oxygène non pontants par une liaison

hydrogène. L’entité structurale responsable de l’apparition du pic T2 peut être schématiquement

représentée par :

où M+ représente le cation alcalin et où la liaison hydrogène est en pointillés.

Ainsi il a été montré qu’avec la diminution de la teneur en eau du verre, le second pic de

frottement interne s’atténue progressivement. Il disparaît lorsque la teneur en eau est de quelques

ppm [Phalippou-83]. Enfin, il important de souligner que l’intensité du pic T2 est de façon

générale inférieure à celle du pic T1.

4.2.2 - Cas des matériaux cristallins

L’influence des impuretés dans les matériaux cristallins a souvent été étudiée dans la

littérature, et notamment dans le cadre d’expériences de diffusion dans les métaux [Philibert-85].

Par exemple, l’application d’une contrainte mécanique peut modifier la géométrie des sites

interstitiels d’une maille cristallographique, conduisant les atomes d’impuretés à sauter d’un site à

l’autre. Ce phénomène, mis en évidence par J.L. Snoek [Snoek-41], a notamment permis

d’observer la diffusion sous contrainte des interstitiels C, N, O dans les métaux cubiques centrés

(Fe, Nb, Cr, V,..). Ainsi dans le système Fe-C, on observe un pic d’amortissement à température

ambiante et à faible fréquence (0,5 Hz) [Martinez]. Ce phénomène est utilisé pour mesurer avec

précision les diffusivités d’impuretés dans les métaux à basse température. Par ailleurs, signalons

que des lois de variation 01 CQ ∝− ont déjà été observées expérimentalement, dans des alliages

de type Fe-C et Fe-N [Dijkstra-47].

L’effet Snoek décrit donc des phénomènes de diffusion se produisant sur une très

courte échelle de longueur (de l’ordre de la distance interstitielle) et relatifs à des impuretés de

faible diffusivité. A l’inverse, l’effet Gorsky peut être observé lors du transport d’impuretés sous

l’effet d’un gradient de déformation, produit par exemple lors des vibrations de flexion de

plaques minces [Gorsky-35]. La fréquence de vibration devra être suffisamment faible, et la

diffusivité des impuretés suffisamment élevée, pour que le transport se produise sur une échelle

de longueur de l’ordre de l’épaisseur de la plaque, et sur une durée de l’ordre de la période de

Si O- H SiOM+

Page 13: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

87

vibration. Une application importante de ce phénomène est l’étude de la diffusion de l’hydrogène

dans les métaux.

4.3 - Influence du gaz environnant : dissipation en régime

moléculaire

4.3.1 - Loi de variation de la dissipation

Indépendamment des mécanismes de dissipation décrits précédemment, qui étaient

directement liés à la nature du matériau constituant le résonateur, on observe que la présence de

molécules de gaz dans l’enceinte du résonateur constitue une source de dissipation

supplémentaire. Un modèle théorique d’évaluation de cet amortissement a été développé dans la

littérature dans le cas des vibrations d’un résonateur hémisphérique à basse pression [Fima-95]. A

basse pression, c’est-à-dire lorsque le libre parcours moyen des molécules de gaz est supérieur ou

égal à la dimension caractéristique de l’enceinte (on parlera alors de régime moléculaire),

l’amortissement provient du transfert de quantité de mouvement du résonateur vers les molécules

de gaz qui frappent sa surface. En supposant que ces chocs sont élastiques et que la loi de

probabilité des vitesses moléculaires est donnée par la distribution de Maxwell-Boltzmann, Fima

obtient pour la dissipation :

ωρπ=−

eP

RTM32

Q g1g ( 4-2 )

avec :

Mg : masse atomique molaire du gaz [kg.mol-1]

R : constante des gaz parfaits (R=8,314 J.mol-1.K-1)

P : pression résiduelle du gaz environnant [Pa]

ρ : masse volumique du résonateur [kg.m-3]

e : épaisseur du dôme du résonateur [m]

L’application numérique de l’équation ( 4-2 ) montre que pour une pression de

mbar10 3− , l’amortissement d’un résonateur hémisphérique en silice (ayant une épaisseur de

Page 14: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

88

dôme de 1 mm et vibrant à 5 kHz) est de l’ordre de 2.10-8. Ainsi dans la pratique, il suffira de se

placer sous un vide secondaire tel que mbar10P 4−≤ pour s’affranchir des pertes dues au gaz.

4.3.2 - Limitation du modèle : régimes de pression, nombre de

Knudsen

Il est important de souligner que ce modèle de dissipation n’est valable que dans une

gamme limitée de pression. En effet, lorsque le libre parcours moyen l des molécules de gaz

devient inférieur à la dimension caractéristique L de l’enceinte, le milieu devra être considéré

comme un fluide visqueux. Typiquement, la frontière entre ces deux régimes peut être estimée à

l’aide du nombre sans dimension Kn, dit nombre de Knudsen [Dushman-62] :

Kn = l / L ( 4-3 )

le libre parcours moyen l étant estimable à partir de la théorie cinétique des gaz. Par convention,

le régime est dit moléculaire si Kn > 1 et visqueux si Kn < 10-2. Dans notre cas, où

l’environnement gazeux est l’air et où les dimensions de l’enceinte sont de l’ordre de la dizaine de

cm, ce calcul conduit à Kn=10-2 pour P=3.10-2 mbar et Kn=1 pour P=3.10-4 mbar à température

ambiante. Il en résulte que lorsque la pression dans l’enceinte sera supérieure à 10-4 mbar, le

régime ne pourra plus être considéré comme moléculaire.

4.3.3 - Application à l’étude de l’influence de la présence d’électrodes

au voisinage du résonateur

Comme nous l’avons vu au Chapitre 1, l’excitation et la détection de l’amplitude de

vibration du dôme de GRH se font par des électrodes situées au voisinage du résonateur. En

pratique, on observe que la présence de ces électrodes perturbe les oscillations de l’hémisphère,

dans le sens où, pour une même pression, le facteur de qualité mesuré est inférieur à celui obtenu

en l’absence d’électrodes. Evaluons à l’aide de l’équation ( 4-3 ) la frontière entre les régimes

moléculaire et visqueux en présence d’électrodes. En prenant pour dimension caractéristique L

une longueur de 100 µm (distance typique dôme-électrode dans l’application GRH), il apparaît

Page 15: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

89

que l’on sera en régime visqueux (Kn < 210− ) lorsque la pression sera supérieure à 30 mbar, et en

régime moléculaire (Kn > 1) pour P < 0,3 mbar. La présence d’électrodes au voisinage du

résonateur a donc pour effet de déplacer la frontière entre les deux régimes vers des pressions

plus élevées.

1,0E-12

1,0E-11

1,0E-10

1,0E-09

1,0E-08

1,0E-07

1,0E-06

1,0E-05

1,0E-04

1,0E-03

1,0E-02

1,0E-01

1,0E-05 1,0E-04 1,0E-03 1,0E-02 1,0E-01 1,0E+00 1,0E+01 1,0E+02 1,0E+03 1,0E+04p (mbar)

Q-1

Q-1 gaz théorique (régime moléculaire)Q-1 expérimental avec électrode (dôme SAGEM)

Figure 4-8 Influence de la pression sur l’amortissement d’un résonateur hémisphérique entouré d’électrodes.

Confrontation des points expérimentaux (données SAGEM) avec la loi de variation de la dissipation en régime moléculaire [Fima-95].

Comme le montre la Figure 4-8 , la loi de variation de la dissipation PQ 1

molec ∝− en

régime moléculaire est en bon accord avec les données expérimentales fournies par SAGEM. On

constate également que Q-1 atteint une asymptote aux basses pressions, caractéristique d’un mode

de dissipation dominant indépendant de la pression.

On vient de voir que la validité du modèle théorique proposé par Fima pour

l’évaluation de l’amortissement en régime moléculaire ne peut être vérifiée que dans le cas où le

résonateur est entouré d’électrodes. En l’absence d’électrodes, le régime moléculaire correspond à

des pressions inférieures à 10-4 mbar et ne peut être observé expérimentalement. En effet, à ces

pressions l’amortissement n’est plus dominé par l’influence du gaz, mais par les mécanismes de

dissipation intrinsèques au matériau constituant le résonateur. Par conséquent, il nous a semblé

Page 16: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

90

intéressant de développer un modèle d’évaluation de la dissipation pour les pressions plus

élevées, caractéristiques du régime visqueux. Ce modèle sera présenté au Chapitre 5.

4.4 - Dissipation due à l’état de surface

4.4.1 - Etat de l’art : cas du verre de silice

Il a été montré dans la littérature que le facteur de qualité pouvait être amélioré de

façon significative : une attaque chimique réalisée sur des échantillons en silice permet

d’augmenter Q de près d’un facteur 10 [Danchevskaya-95][Lunin-98]. D’après les auteurs, les

étapes de polissage mécanique génèrent une couche surfacique de défauts, qui contient des

particules de verre et de matériau abrasif, ainsi que des microfissures et des contraintes sur une

épaisseur de quelques dizaines de microns. Il a été montré que l’attaque chimique a pour effet

d’éliminer cette couche pour ne laisser que la silice « monolithique », qui s’attaque beaucoup plus

lentement. Cependant, les mécanismes qui entrent en jeu dans la dissipation générée par cette

couche surfacique de défauts n’ont, à notre connaissance, pas été décrits de façon précise. Une

estimation théorique de la dissipation due à cette couche a toutefois été proposée dans le cas de

matériaux cristallins [Braginsky-85]. Selon les auteurs, l’usinage et le polissage génèrent, dans la

couche surfacique, des microcristallites d’orientation aléatoire entraînant des inhomogénéités

dans les flux de chaleur associés à la thermoélasticité. Il en résulte une dissipation thermoélastique

supplémentaire, dont l’intensité doit être pondérée par le rapport entre le volume de la couche

surfacique de défauts et le volume total de l’échantillon.

4.4.2 - Attaque chimique du verre de silice

L’acide fluorhydrique, en solution aqueuse ou à l’état de vapeurs (il bout à 19,5°C)

mélangé à d’autre acides ou à des fluorures, est utilisé depuis longtemps pour l’attaque du verre

de silice. Depuis le XVIIème siècle il sert à le décorer, à le doucir, à le polir [Simons-50]. Les

réactions chimiques mises en cause, leur cinétique et leurs produits ont été bien décrits dans la

littérature [Suire-71].

La dissolution de la silice amorphe SiO2 dans une solution aqueuse d’acide

fluorhydrique HF peut être décrite de façon simplifiée par la réaction chimique :

Page 17: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

91

OH2SiFHHF6SiO 2622 +⎯→⎯+ ( 4-4 )

La réaction ( 4-4 ) décrit la libération d’un atome de silicium du tétraèdre SiO4 et

suppose donc que les quatre liaisons siloxanes (Si-O-Si) sont rompues. Cette réaction comporte

en réalité plusieurs étapes, comme par exemple la dissolution de l’acide faible (HF) en ions H+, F-

et HF2-. Les mécanismes détaillés des différentes réactions mises en jeu, ainsi que l’étape

cinétiquement déterminante, sont des phénomènes encore mal connus aujourd’hui [Spierings-93].

De même, l’influence de l’agitation des solutions aqueuses lors de l’attaque n’a, à notre

connaissance, pas été clairement mise en évidence. En revanche, l’allure des figures d’attaque est

bien connue : la surface des échantillons de silice se transforme en cours d’attaque pour faire

apparaître des cratères dont la surface latérale augmente progressivement en fonction du temps

d’attaque (Figure 4-9).

Figure 4-9 Evolution de la surface du verre de silice poli lors de l’attaque chimique

(d’après [Spierings-71])

1)

2)

3)

4)

Page 18: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

92

Rappelons que les attaques chimiques réalisées dans cette étude (protocole

expérimental, vitesses et figures d’attaque), ainsi que les résultats obtenus en terme d’amélioration

du facteur de qualité ont été décrits de façon détaillée au Chapitre 3.

4.5 - Autres mécanismes de dissipation

4.5.1 - Relaxation structurale

Les expériences de frottement interne réalisées sur la silice amorphe SiO2 mettent en

évidence un pic de dissipation à basse température (40 K environ) dont l’intensité augmente avec

la fréquence [Fine-54], [Anderson-55]. Cet amortissement n’étant pas observé dans la silice

cristalline (quartz), les auteurs l’ont décrit comme le résultat d’une propriété particulière à l’état

vitreux : la relaxation structurale. Le mécanisme retenu par les auteurs comme étant le plus

probable pour expliquer cette relaxation structurale est relatif au possible mouvement latéral des

atomes d’oxygène du réseau SiO2 entre deux positions équivalentes au niveau énergétique

[Kobayashi-94] (voir Figure 4-10).

Figure 4-10 Relaxation structurale dans un réseau de silice amorphe engendrée par un déplacement

latéral des atomes d’oxygène

Même si la dissipation générée par cette relaxation structurale est maximale à 40 K

environ, certains auteurs [Saulson-01] pensent que la limite théorique pour le facteur de qualité de

la silice pourrait être liée à un résidu de ce pic de relaxation à température ambiante. Il est

malheureusement très difficile d’évaluer précisément l’importance de cette dissipation à

température ambiante. En utilisant les quelques données disponibles dans la littérature

[Anderson-55], on peut estimer que la fréquence du pic sera de l’ordre de 1012 Hz et que

Page 19: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

93

l’intensité de la relaxation sera de l’ordre de 10-3. En extrapolant aux fréquences proches de

10 kHz à partir d’une loi de relaxation de type ( )2

1

1Q

ωτ+ωτ

∆=− (voir Chapitre 1), la dissipation

Q-1 associée à cette relaxation structurale ne devrait pas excéder 10-9 à température ambiante.

Cependant il convient de garder à l’esprit que cette évaluation de l’ordre de grandeur de Q-1 est

très discutable et qu’à notre connaissance, aucune preuve expérimentale de l’importance de cette

relaxation à température ambiante n’a été apportée à ce jour.

4.5.2 - Dissipation par relaxation de phonons

Les vibrations thermiques d’un cristal peuvent être quantifiées, le quantum d’énergie

étant appelé phonon [Kittel-83]. L’application d’une contrainte va modifier localement la

distribution des fréquences de vibration thermique, ce qui conduit à une dissipation par relaxation

vers un état stationnaire. La théorie de ce processus a été introduite en 1938 [Akhiezer-38] puis

développée par Bömmel et Dransfeld (1960) [Bömmel-60]. L’expression la plus simple de ce

processus de relaxation est la suivante [Braginsky-85] :

2ph

ph2

21

ph )(1vˆCTQ

ωτ+

ωτ

ργ

=− ( 4-5 )

avec :

C : chaleur spécifique par unité de volume [J.K-1.m-3]

T : température [K]

γ : constante de Grüneisen (caractérise les anharmonicités dans le réseau cristallin en vibration)

ρ : masse volumique de l’échantillon [kg.m-3]

v : vitesse de propagation de l’onde sonore dans le milieu [m.s-1]

τph : temps de relaxation des phonons [s]

τph peut être relié à la conductivité thermique [Kittel-83] :

ph2DCv

31k τ= ( 4-6 )

avec :

k : conductivité thermique [W.m-1.K-1]

Page 20: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

94

C : chaleur spécifique par unité de volume [J.K-1.m-3]

vD : vitesse moyenne de Debye de propagation de l’onde sonore [m.s-1] : 3t

3l

3D v

2v1

v3

+= où vl et

vt sont les vitesses de propagation de ondes longitudinales et transverses dans le milieu.

On rappelle que les données nécessaires aux applications numériques sont fournies en Annexe 9.

Même si l’expression ( 4-5 ) n’est pas rigoureusement exacte, elle permet d’avoir une

bonne estimation des pertes engendrées par ce processus*. En combinant les relation ( 4-5 ) et

( 4-6 ), on obtient pour la dissipation dans le domaine des fréquences proches du kHz (ωτ « 1) :

ωρ

γ≈−

2D

2

21

ph vvkˆT3Q

( 4-7 )

Figure 4-11

Dissipation théorique par relaxation de phonons dans le saphir et l’aluminium à 300 K

Etant donné l’ordre de grandeur du temps de relaxation mis en jeu (τph∼10-12 s), ce

mécanisme entraîne une atténuation notable (Q-1 supérieur à 10-7) dans le cas des ondes de

* En toute rigueur cette expression n’est valable que pour le domaine ωτ « 1 où la longueur d’onde sonore est très grande devant le libre parcours moyen des phonons thermiques.

1,0E-13

1,0E-12

1,0E-11

1,0E-10

1,0E-09

1,0E-08

1,0E-07

1,0E-06

1,0E-05

1 10 100

Fréquence (kHz)

Q-1ph

Aluminium

Saphir

Page 21: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

95

fréquence supérieure au GHz, ou à très faible température. Aux fréquences considérées (10 kHz)

et à température proche de l’ambiante, Q-1ph reste faible (de l’ordre de 10-10 pour le saphir, 10-7

pour l’aluminium) si bien que cette source de perte ne sera pas prédominante dans notre

application.

Enfin, l’application numérique de la formule ( 4-5 ) pour le cas de la silice amorphe

donnerait, à température ambiante et dans la gamme de fréquence du kHz, une valeur de Q-1ph de

l’ordre de 10-11. Bien entendu, la prise en considération d’un tel mécanisme impliquant l’existence

de phonons est très discutable dans le cas d’un matériau comme la silice, ne possédant pas

d’ordre à longue distance. On peut cependant penser que, vu les ordres de grandeur mis en jeu,

ce mécanisme entraînerait dans la silice une dissipation négligeable devant les autres sources de

dissipation.

4.5.3 - Dissipation par relaxation d’électrons

Considérons à présent l’onde de vibration se propageant dans un cristal métallique.

L’onde peut entraîner une oscillation des cations métalliques du réseau, et donc générer des

champs électriques locaux variables, modifiant le mouvement des électrons non liés du système.

Si on tient compte du fait que ce gaz d’électrons possède, comme tout fluide, une viscosité

interne, le retour vers un état d’équilibre se fera avec une dissipation d’énergie [Nowick-72]. En

d’autres termes, la surface de Fermi qui délimite les niveaux d’énergie des électrons du système

dans l’état fondamental peut, sous l’effet d’une contrainte appliquée, se déformer. Les électrons

occuperont alors des niveaux d’énergie supérieurs, laissant vides des niveaux d’énergie inférieurs,

par rapport à l’état sans contrainte [Kittel-83]. Le retour vers un état d’équilibre se fera par

relaxation et le temps τ nécessaire à cette relaxation peut être relié à la conductivité électrique du

métal par la relation [Nowick-72] :

e

2v

meN τ

=σ ( 4-8 )

avec :

σ : conductivité électrique du métal [Ω-1.m-1]

Nv : nombre d’électrons par unité de volume [m-3]

e : charge de l’électron [C]

me : masse de l’électron [kg]

Page 22: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

96

Une expression de l’intensité de relaxation ∆ relative à ce processus est donnée par

Nowick [Nowick-72]. Pour des vibrations transverses :

2t

2FeV

vvmN

51

ρ=∆

( 4-9 )

où vF est la vitesse de Fermi et vt la vitesse de propagation de l’onde transverse dans le milieu. En

associant les relations ( 4-8 ) et ( 4-9 ) on obtient une expression du frottement interne dans le

domaine du kHz (ωτ « 1), dans le cas d’une onde transverse :

ωρ

σε≈−

22t

eF1el ev

m52Q ( 4-10 )

avec :

εF : énergie de Fermi [J] : 2FeF vm

21

ρ : masse volumique du métal [kg.m-3]

On rappelle que les données nécessaires aux applications numériques sont fournies en Annexe 9.

Page 23: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

97

1,0E-11

1,0E-10

1,0E-09

1,0E-08

1,0E-07

1 10 100Fréquence (kHz)

Q-1él

Aluminium

Cuivre

Figure 4-12

Dissipation théorique à 300 K par relaxation des électrons après interaction phonons-électrons dans l’aluminium et le cuivre

Nous retiendrons que cette source de dissipation, que l’on rencontre essentiellement

dans les conducteurs (et parfois semi-conducteurs), est de l’ordre de 10-9 aux fréquences proches

de 10 kHz (Figure 4-12). La relaxation d’électrons sous l’effet d’une contrainte mécanique

entraînera une dissipation notable (Q-1 supérieur à 10-7) lorsque la fréquence des ondes sera de

l’ordre du MHz.

4.6 - Conclusion

Un grand nombre de mécanismes de dissipation ont été étudiés dans la littérature.

Pour certains, leur importance peut être déterminée de façon quantitative, ce qui permet d’évaluer

l’intérêt potentiel d’une famille de matériaux donnée. Notre démarche a été d’écarter dans un

premier temps les matériaux qui présentent des niveaux de dissipation très importants (Q < 105)

dans nos conditions d’utilisation : les polymères, les céramiques poreuses, les métaux à forte

teneur en dislocations par exemple. Ensuite, parmi les matériaux qui devraient théoriquement

permettre d’atteindre des facteurs de qualité supérieurs à 105, nous avons mis en évidence qu’il

existe un critère primordial dans la recherche de matériaux à haut facteur de qualité (Q > 106) : les

pertes générées par thermoélasticité. L’importance de la relaxation thermoélastique étant

étroitement liée aux propriétés thermiques, il apparaît que seuls les matériaux possédant un

Page 24: Chapitre 4 - Interprétation des résultats fondée sur …csidoc.insa-lyon.fr/these/2003/perret/09chapitre_4.pdfChapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

Chapitre 4 – Interprétation des résultats basée sur la littérature

98

coefficient de dilatation et une diffusivité thermique peu élevés présenteront des pertes

thermoélastiques faibles. C’est pour cette raison que la silice amorphe ( 17 K10.5,5 −−=α ; 127

th s.m10.6,8D −−= ) est, à notre connaissance, le matériau pour lequel l’importance de la

relaxation thermoélastique est la plus faible à température ambiante, ce qui la rend extrêmement

intéressante pour la réalisation de résonateur à haut facteur de qualité. Nous avons également

montré qu’à très basse température (4 K environ) certains matériaux tels que le saphir, le niobium

ou l’aluminium, présentent des niveaux de dissipation thermoélastique faibles, leur permettant

d’atteindre des facteurs de qualité très élevés (> 5.107). De plus, l’étude théorique de la

thermoélasticité est intéressante car elle permet, comme on le verra au Chapitre 5, de rendre

compte d’autres sources de dissipation potentielles, telle que la présence de contraintes résiduelles

par exemple. Enfin, à basse température, la silice amorphe présente un pic de dissipation attribué

à la relaxation structurale (40 K environ).

D’autre part, nous avons vu que de nombreuses mesures de frottement interne ont

visé à mettre en évidence l’influence des cations alcalins dans les verres de silice. D’une façon

générale, l’introduction d’oxydes modificateurs du réseau SiO2 dans le verre de silice entraîne

l’apparition de pics de relaxation dont l’intensité est liée à la teneur en alcalins. Il apparaît ainsi

deux pics T1 et T2 à des températures proches de l’ambiante et pour des fréquences de l’ordre du

hertz. La teneur en eau dissoute dans le verre joue un rôle dans l’intensité du second pic de

relaxation T2.

Malheureusement, alors que l’influence des cations alcalins est clairement démontrée

lorsque leur concentration est telle que les pics d’amortissement générés sont importants (Q-1 de

l’ordre de 10-3 à 10-2), le cas des faibles teneurs en impuretés (de l’ordre du ppm) est beaucoup

moins renseigné. Les études les plus significatives réalisées dans le domaine des hauts facteurs de

qualité [Fraser-68][Startin-98] ont permis de mettre en évidence que les silices naturelles

présentent de façon quasi systématique des facteurs de qualité inférieurs à ceux des silices

synthétiques. Cependant, le rôle des impuretés dans ces observations n’a pas été clairement

démontré. En effet, les silices naturelles et synthétiques sont obtenues par des procédés

radicalement différents (voir Annexe 1). Par conséquent, les différences entre les facteurs de

qualité mesurés peuvent tout aussi bien provenir des impuretés que de la présence éventuelle de

défauts structuraux (microfissures par exemple) ou de niveaux de contraintes résiduelles qui

pourront varier d’une qualité de silice à l’autre. Dans le but d’apporter quelques éclaircissement à

ces nombreuses incertitudes, nous avons développé des modèles théoriques qui sont présentés au

Chapitre suivant.