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Docklands School Project : une expérience de pédagogie participative en classe de seconde européenne Dominique LATOUR, Ecole Chevreul-Blancarde, Marseille- 15 juin 2012 Résumé Le présent document rend compte d'une expérience de pédagogie pluridisciplinaire participative menée dans le contexte d'une classe d'anglais de 35 élèves en seconde européenne. 1. Introduction. Problématique Comprendre et apprendre sont des phénomènes personnels, intérieurs. C’est dans l’esprit des « apprenants » que s’accomplit le mystère qui leur permet, - au terme d’un processus qui leur appartient et qui n’existe que s’ils s’y engagent et s’ils le maîtrisent, - de dire : « J’ai compris ! » - « Maintenant je sais ! » 1 Après l’extraordinaire apport de Maria Montessori dans le cadre scolaire, un vaste mouvement de réflexion s’est développé à partir des années 1950 -70, principalement aux Etats-Unis, mais aussi ailleurs, préconisant l’organisation systématique du travail par petits groupes ; c’est la « pédagogie active », la « pédagogie participative », la « pédagogie coopérative ». Toutes s’appuient sur les idées de réflexion personnelle, de liberté de l’apprenant, de satisfaction de ses besoins par l’éducateur, de participation, d’entraide. Il s'agit de faire en sorte que ce soit toujours celui à qui l’on veut transmettre une connaissance qui échafaude les raisonnements et fasse les découvertes qui lui permettent d’avancer. L'application de cette approche à l'enseignement d'une langue étrangère est une expérience tentante ; en effet, l'objectif de cet apprentissage est encore plus abstrait. C'est qu'il ne s'agit plus d'acquérir une habileté, une technique, des informations ou une méthodologie de résolution de problème : apprendre l'anglais est, au premier degré, apprendre à conduire ; au second, c'est s'insérer dans une culture dont cette langue est le véhicule. Sachant qu'au-delà d'une acculturation superficielle, l'usage de la langue est fondamental, il est impossible de bien comprendre une culture sans posséder la langue. Dès lors, un abord pluridisciplinaire de la culture-cible laisse envisager une voie "ontogénétique" d'acquisition de la langue sous la pression du besoin, comme le solfège devrait être ressenti comme une nécessité par l'élève- musicien plutôt que de lui être imposé en premier lieu 2 . En seconde européenne, la transversalité des contenus de certains programmes est un moyen naturel d'aborder la culture selon une approche pluridisciplinaire équilibrée qui correspond bien à la réalité du monde 3 . Il s'agissait donc de définir un projet bâti comme une immersion culturelle --impliquant donc un séjour sur place-- capable de mobiliser des disciplines différentes mais dont les ressources seraient sollicitées en anglais. La prégnance des sujets d'économie, de transports et d'échanges internationaux dans l'actualité, ainsi que l'échéance des Jeux olympiques à Londres, ont largement suggéré le thème retenu qui replaçait Londres et sa région dans une perspective à la fois géographique, économique, historique et technique (à travers la navigation) à un niveau adapté pour une classe de seconde mais recourant exclusivement à l'anglais tant pour l'exploitation des sources documentaires que pour la restitution des travaux des élèves. Ces travaux ont résulté des produits de la recherche documentaire et d'une phase d'observation sur le terrain, lors d'un voyage collectif de quatre jours à Londres. Ont également participé à ce projet Christine Ildefonse, professeur de mathématiques (à travers notamment les notions de navigation et d'économie) et Boris Moralia, professeur d'histoire-géographie (qui a pendant plusieurs séances conduit un travail préalable sur 1 WAPLER N., 'initiation à l'efficacité en pédagogie, ou le droit de comprendre et d'apprendre', en ligne. 2 la controverse entre enseignement "puriste" et enseignement "utilitariste" resurgit régulièrement. Un exemple récent est illustré dans la livraison d'été 2012 de la revue "Commentaire" qui fait paraître un débat sous le titre "Réparer l'enseignement des mathématiques, le faut-il et comment ?" [Commentaire, n° 138, volume 135, Paris, été 2012] 3 l'expression "Disciplines Non Linguistiques" nous semble inappropriée, car elle suppose un clivage.

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Docklands School Project :

une expérience de pédagogie participative en classe de seconde européenne Dominique LATOUR,

Ecole Chevreul-Blancarde, Marseille- 15 juin 2012

Résumé

Le présent document rend compte d'une expérience de pédagogie pluridisciplinaire participative menée dans le contexte d'une classe d'anglais de 35 élèves en seconde européenne.

1. Introduction. Problématique

Comprendre et apprendre sont des phénomènes personnels, intérieurs. C’est dans l’esprit des « apprenants » que s’accomplit le mystère qui leur permet, - au terme d’un processus qui leur appartient et qui n’existe que s’ils s’y engagent et s’ils le maîtrisent, - de dire : « J’ai compris ! » - « Maintenant je sais ! »1

Après l’extraordinaire apport de Maria Montessori dans le cadre scolaire, un vaste mouvement de réflexion s’est développé à partir des années 1950 -70, principalement aux Etats-Unis, mais aussi ailleurs, préconisant l’organisation systématique du travail par petits groupes ; c’est la « pédagogie active », la « pédagogie participative », la « pédagogie coopérative ». Toutes s’appuient sur les idées de réflexion personnelle, de liberté de l’apprenant, de satisfaction de ses besoins par l’éducateur, de participation, d’entraide. Il s'agit de faire en sorte que ce soit toujours celui à qui l’on veut transmettre une connaissance qui échafaude les raisonnements et fasse les découvertes qui lui permettent d’avancer.

L'application de cette approche à l'enseignement d'une langue étrangère est une expérience tentante ; en effet, l'objectif de cet apprentissage est encore plus abstrait. C'est qu'il ne s'agit plus d'acquérir une habileté, une technique, des informations ou une méthodologie de résolution de problème : apprendre l'anglais est, au premier degré, apprendre à conduire ; au second, c'est s'insérer dans une culture dont cette langue est le véhicule. Sachant qu'au-delà d'une acculturation superficielle, l'usage de la langue est fondamental, il est impossible de bien comprendre une culture sans posséder la langue. Dès lors, un abord pluridisciplinaire de la culture-cible laisse envisager une voie "ontogénétique" d'acquisition de la langue sous la pression du besoin, comme le solfège devrait être ressenti comme une nécessité par l'élève-musicien plutôt que de lui être imposé en premier lieu2.

En seconde européenne, la transversalité des contenus de certains programmes est un moyen naturel d'aborder la culture selon une approche pluridisciplinaire équilibrée qui correspond bien à la réalité du monde3. Il s'agissait donc de définir un projet bâti comme une immersion culturelle --impliquant donc un séjour sur place-- capable de mobiliser des disciplines différentes mais dont les ressources seraient sollicitées en anglais. La prégnance des sujets d'économie, de transports et d'échanges internationaux dans l'actualité, ainsi que l'échéance des Jeux olympiques à Londres, ont largement suggéré le thème retenu qui replaçait Londres et sa région dans une perspective à la fois géographique, économique, historique et technique (à travers la navigation) à un niveau adapté pour une classe de seconde mais recourant exclusivement à l'anglais tant pour l'exploitation des sources documentaires que pour la restitution des travaux des élèves. Ces travaux ont résulté des produits de la recherche documentaire et d'une phase d'observation sur le terrain, lors d'un voyage collectif de quatre jours à Londres.

Ont également participé à ce projet Christine Ildefonse, professeur de mathématiques (à travers notamment les notions de navigation et d'économie) et Boris Moralia, professeur d'histoire-géographie (qui a pendant plusieurs séances conduit un travail préalable sur 1 WAPLER N., 'initiation à l'efficacité en pédagogie, ou le droit de comprendre et d'apprendre', en ligne.

2 la controverse entre enseignement "puriste" et enseignement "utilitariste" resurgit régulièrement. Un exemple récent est illustré dans la livraison d'été 2012 de la revue "Commentaire" qui fait paraître un débat sous le titre "Réparer l'enseignement des mathématiques, le faut-il et comment ?" [Commentaire, n° 138, volume 135, Paris, été 2012]

3 l'expression "Disciplines Non Linguistiques" nous semble inappropriée, car elle suppose un clivage.

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Londres : la métropole et les terminaux conteneurs de Tilbury et de Felixstowe, et l'Empire britannique : création et colonisation).

Selon une orientation générale :

• apporter motivation et matériaux à l'apprentissage de la langue anglaise ;

• élargir la "culture générale" : sensibiliser les élèves aux logiques des interactions entre culture, géographie, courants politiques philosophiques ou littéraires, économie et techniques sur le long cours historique,

les objectifs du projet pouvaient se concevoir comme suit :

� promouvoir une acquisition "actionnelle" de la langue, inscrite dans les activités langagières du CECRL, à travers une déclinaison d'activités et de démarches (compréhension de l'oral, compréhension de l'écrit, expression écrite, expression orale en continu et interaction orale). En pratique : écoute de documents sonores ciblés, lecture de documents écrits sélectionnés, observation de terrain et "navigation" dans une grande métropole européenne, rédaction de synthèse, présentation du document powerpoint, puis questions/réponses avec l'auditoire/classe.

� familiariser les élèves avec la coopération à l'intérieur d'un groupe dédié à un projet ;

� introduire la notion de projet, d'objectif, de délai et de jugement qualitatif ;

� bénéficier de la mobilisation de ressources entre pairs, contournant la difficulté pour les plus timides de demander de l'aide au professeur ;

� replacer l'équipe pédagogique en ressource et non plus en juge distributeur de sanction ;

� la multiplicité et la diversité des projets entretiennent une émulation quant à la qualité recherchée par les élèves, sans pouvoir amorcer de comparaison trop rigoureuse.

Plusieurs de ces items sont des compétences à acquérir pour la future vie active.

2. Méthode.

La thématique ciblée du programme culturel de classe de seconde est celle de l'Art de Vivre Ensemble et les trois déclinaisons suivantes semblent adaptées : communauté, ville, territoire ; le tout inscrit au niveau B1 du cadre européen. Il n'y a pas eu à proprement parler de travail en groupes de compétences ; les groupes se sont constitués par affinités et envie de travailler sur un thème plutôt qu'un autre à travers une mise en commun et une interaction des connaissances et des goûts de chaque élève (qui en grammaire, qui en syntaxe et lexique, qui en phonologie, qui en esprit de synthèse, etc.. ).

Le projet, bâti sur un paradigme d'OBSERVATION PRAGMATIQUE : • observer le paysage du quartier, de la Ville, • Faire ressortir les traits signifiants • rechercher les étapes du développement, les appuyer sur les logiques économiques

et sociales à l'ouvrage, selon leur enchaînement chronologique, • rechercher les constantes problématiques à même d'orienter les questionnements

contemporains, • découvrir les liens et concordances avec les grands courants de civilisation

européens : commerce et économie, culture et littérature, pensée politique, urbanisme et architecture

était structuré en trois phases, avec un séjour de quatre jours à Londres encadré par deux périodes de travaux sur dossier. Choisie pour susciter une cohérence d'identification et d'adhésion et centrée sur la ville de Londres, la thématique se déployait sur les quatre axes : Thames (le fleuve : axe de communication mais aussi barrière urbaine), Docklands (le foyer mouvant et à l'origine de l'activité économique), Town (les activités d'une capitale économique et politique structurent Londres), Empire (soutenu par la révolution industrielle et ses retombées économiques, politiques, militaires). Dès le mois de novembre 2011, les grandes lignes du projet étaient

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fixées et publiées vers les élèves et leurs parents, au moyen d'une plaquette d'information (annexe 1) qui en présentait les enjeux et la méthode. En phase préparatoire, cinq groupes de travail se sont constitués, sur les thèmes suivants :

� the Docks (from the first West India Company to today's Port of London Authority and its main container terminal at Tilbury),

� The Olympic games (infrastructures, costs, etc.),

� The Greenwich Meridian at the Royal Observatory,

� Canary Wharf today,

� The City and its Stock Exchange.

Les objectifs en termes de tâches finales ont été définis dès le départ, (pièces écrites, synthèse, présentation Powerpoint ; langue anglaise exclusive pour tous les travaux), et respectés.

Les élèves répartis en groupes de travail ont construit les dossiers préparatoires en mobilisant au mieux toutes leurs compétences en langue anglaise pour lire les documents (dans le texte si possible) pour les synthétiser et rédiger les dossiers, lors des séances d'accompagnement personnalisé, ces dossiers, du même type que les TPE, (en moins élaboré bien évidemment)constituant ensuite la colonne vertébrale de l'observation sur place. Ce travail en groupe-projets s'est déroulé sur 2 trimestres durant lesquels il était également très naturel de parler des institutions britanniques, et de tout ce que "So British" signifie : cette notion a été étudiée en une déclinaison de supports : extraits de journaux, de romans, de films, de séries de la BBC ou extraits de BBC World News (comprendre un autre pays, une autre culture, à travers une langue étrangère). D'ailleurs les élèves ont observé eux-mêmes que bon nombre de notions, d'idées, de références, de concepts sont connus et utilisés dans la langue d'origine : commonwealth, business, trader, checking, cash-flow, new deal, soft power, hacker, etc..

In situ, nous n'avions que trois journées pleines, comportant en premier lieu les deux visites très formelles (le Royal Observatory et surtout évidemment celle du musée des Docks) en rapport direct avec le sujet du voyage, où nous avons exigé la prise de notes et l'établissement du lien avec les travaux préparatoires : les enquêtes menées en classe, les heures de recherche, de compilations de données sous diverses formes, ont pris leur sens pendant la visite (quelques exemples entre autres, de ce qu'ils ont pu voir : les maquettes des premiers ponts habités sur la Tamise, les documents d'époque de l'expansion du commerce et de l'empire : sucre, thé, coton, bois précieux, esclaves noirs, la city et la finance ; les syndicats ; les grandes grèves des dockers ; la destruction des docks par le blitz, la conteneurisation, etc).

Nous avons limité autant que possible ce qui, dans l'organisation, aurait pu gêner la réalisation des objectifs du séjour. Le matin, rapide briefing sur la journée : où allons-nous, pour voir et comprendre quoi, et faire des liens avec quoi ; durant la journée et en-dehors des deux musées précités, la prise de notes était optionnelle, mais très naturellement les élèves en ont pris un grand volume sur leur smartphone, fait des stocks de photos (dont beaucoup furent sélectionnées pour la soirée avec les parents). Nous avons intentionnellement choisi un hôtel situé au coeur des Docklands, entre les stations de métro London City Airport et King George V ; l'aventure commençait donc dès que nous prenions le Docklands Light Railway (d'où nous pouvions voir défiler les stations aux noms évocateurs : East India, Canary Wharf, West India Quay, Limehouse, Crossharbour) ou le clipper ou bateau-bus. Les élèves ont beaucoup marché, observé, pris le temps de refléchir, en découvrant tous ces endroits emblématiques, que ce soit l'édifice futuriste de la Lloyd's, la tour de British Telephone, l'ancienne centrale électrique reconvertie en Tate Modern, et le skyline de la ville vue de la Tamise (de Christopher Wren à Norman Foster ou à Richard Rogers) la statue du griffon de la City, l'infrastructure extraordinaire de la station de Westminster (où des scènes d'H. Potter furent tournées), le Mall, les pelouses immaculées de St James's Park, and its blooming daffodils, etc. Quoique recourant souvent à une certaine part d'improvisation, ces flâneries ne devaient rien au hasard : elles étaient évidemment chargées de sens, et induisaient des échanges informels, fire-side chats où circulaient impressions, parfois émotions, connexions de toutes ces observations. Les élèves se sont "fondus" dans cet environnement, grâce à une observation pertinente et pragmatique puisque référencée par les travaux de préparation de la première phase du projet.

Durant cette séquence londonienne, tout le background --les mots et expressions lus, docks/docklands, quay, embankment, Bankside, pier, warehouse, wharf, etc.. se sont trouvés dans leur contexte. Langue et culture ont fait pour ces élèves un tout cohérent, harmonieux et

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non abstrait : plusieurs fois, en prenant le clipper de Greenwich Pier jusqu'à Embankment Pier ou le Docklands Light Train, le groupe est devenu acteur dans cet environnement avec lequel se cristallisait une familiarité de pratique.

La troisième phase étant consacrée à la recherche d'informations complémentaires nécessitées par les constats, alimentant les dossiers de thèmes (papier), et organisé une présentation Powerpoint© en anglais pour chacun des modules (voir annexe 2 pour des extraits). Ces travaux collectifs ont été l'occasion de sensibiliser les élèves au travail en collaboration (mobilisation du know-how de chaque élève dans chaque groupe responsable d'un dossier sur place à Londres : the Happy Few (I came I saw.......)

On peut considérer que la contrainte de présentation des dossiers engageait un niveau de compétence supérieur à la simple rédaction documentaire : être en capacité d'expliquer impose la maîtrise réelle du sujet au niveau considéré. Laissés en liberté à l'intérieur du cadre décrit par la définition préalable des tâches finales, les élèves ont démontré un étonnant sérieux d'exécution en particulier une recherche imaginative de sources documentaires, une bonne maîtrise des outils bureautiques et une grande créativité aussi bien sur le traitement des sujets que sur la formalisation de leur restitution. Les élèves ont été évalués selon deux critères : la qualité de leur travail de préparation (motivation, autonomie, respect du calendrier, et bannir le copier-coller, nous avons veillé à un rendu personnel) et l'expression et interaction orales lors de la présentation. Une note globale sur 20 a été donnée à chaque groupe au niveau B1 (les notes allaient de 12 à 20). Quant aux travaux vraiment excellents (B1+) sur tous les points, nous avons particulièrement veillé à le mentionner (en plus de la note) dans les appréciations du troisième trimestre.

3. Résultats. Discussion.

L'adhésion des élèves et de leurs parents a été immédiate. En particulier, tous les parents étaient présents lors de la réunion d'information qui a annoncé le voyage pédagogique.

L'objectif réel de ce projet était une contribution à l'acquisition "actionnelle" de la langue, inscrite dans les activités langagières du CECRL, à travers une déclinaison d'activités et de démarches (compréhension de l'oral, compréhension de l'écrit, expression écrite, expression orale en continu et interaction orale). En pratique : écoute de documents sonores ciblés, lecture de documents écrits sélectionnés, rédaction de synthèse, présentation du document powerpoint, puis questions/réponses avec l'auditoire/classe4.

L'expression écrite (la grammaire) a permis de reprendre de façon utile certains des acquis fondamentaux (le très large spectre des auxiliaires modaux, les déterminants, le discours indirect, les concordances de temps (pour la restitution du passé notamment). Le lexique (formant un tout cohérent et non un simple empilement de mots dissociés hors contexte), la syntaxe de la description, de l'explication, et de la narration, étaient d'un anglais soigné, mais assez normé puisque respectant le registre historique. L'argumentation a surtout été utilisée dans l'interaction orale.

La compréhension, l'expression et l'interaction orales : la compréhension orale et la prise de parole sont pour beaucoup d'élèves plutôt difficiles. Au cours des séances, de novembre à mars, et grâce à un entraînement régulier (soit d'écoute de documents sonores ou à une simulation de présentation de leurs exposés, sans aucune urgence ni enjeu) les élèves les plus en retrait à l'oral recevaient une incitation maximale à progresser, en étant encouragés par leurs camarades, en gagnant confiance en eux (en essayant de lire très peu leurs notes, de ne pas réciter et d'être aussi naturels que possible) et aussi "portés par la vague", en sortant du cadre formel "classe" (le professeur et tous les autres élèves qui l'écoutent).

Lors du travail sur dossier mais aussi "dans le bain" du voyage à Londres, l'interaction orale a mis les élèves dans les conditions du direct, avec la mobilisation immédiate de compétences, et de connaissances du sujet, la nécessité de garder son calme, voire même de s'auto-corriger et de re-formuler.

Ce travail en commun a aidé à la consolidation de fragilités pour certains, à une réelle envie de progresser pour d'autres, ou une curiosité encore plus affirmée de la langue pour environ une 4 une seconde restitution a eu lieu au cours d'une mémorable séance avec les parents (tous étaient

venus) ; lors de la projection, lesdits parents ont bénéficié d'une traduction simultanée des présentations en français, et les élèves ont également produit un petit film mettant le séjour en images. Ainsi, l'imbrication du travail de recherche et de synthèse et le côté "loisir culturel", qui étaient le "principe actif" de ce projet, ont-ils été, subtilement et avec beaucoup d'humour, rendus dans le côté "comme les vrais" des présentations et des restitutions.

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dizaine d'élèves qui ont dépassé le niveau B1 et pour qui la langue anglaise, sous toutes ses formes, est un véritable plaisir. Ainsi donc l'harmonie du groupe donnait du sens à chacun, avec une émulation très saine, qui a aidé à mieux cerner la finalité de l'apprentissage.

Quant aux très bons élèves de cette classe, d'une façon authentiquement spontanée et dans un bon esprit, ils sont devenus à la demande : le coach, soit en grammaire, en phonologie, en lexique (incitant l'autre à consulter un dictionnaire unilingue, par exemple).

23 élèves ont retrouvé ces activités (et leurs évaluations formelles cette fois) lors du Cambridge Certificate auquel ils s'étaient inscrits : 19 l'ont réussi (sur une classe de 35 élèves dont une qui a passé le dernier trimestre en Allemagne). En fin d'année scolaire, les élèves de cette promotion ont globalement tous atteint le niveau B1 (sauf cinq d'entre eux qui ont encore un peu de mal en interaction orale surtout et qui sont entre A2 et B1) ou B1+ pour quelques autres qui confirment brillamment leurs capacités). L'entraînement ci-dessus décrit a permis à tous, de mettre en oeuvre des automatismes et un savoir faire (de mobiliser toutes les activités langagières).

relier les connaissances, relier les débats ?

"Le défi du XXIe siècle, relier les connaissances" écrivait Edgar Morin5 il y a treize ans déjà. Sans esprit polémique, il est difficile, pour le professeur d'aujourd'hui, d'ignorer le débat qui oppose les tenants d'un enseignement "puriste" et les partisans de l'utilitarisme. Cette expérience isolée a permis de constater l'efficacité (en termes d'acquisition de maîtrise) d'un enseignement linguistique basé sur un besoin de communication basé sur un sujet d'études étranger. L'on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec la controverse, provoquée par un article de S. Garfunkel et D. Mumford6, qui est reprise dans la revue déjà citée en référence au sujet des de l'enseignement des mathématiques, à propos de savoir s'il faut "enseigner les mathématiques pour elles-mêmes ou bien comme moyen de comprendre le monde dans lequel nous vivons" [p. 418]. Les auteurs posent dès le début de l'article la question du programme en mettant en cause l'existence "d'un corpus bien déterminé de connaissances mathématiques que tout un chacun se doit de maîtriser pour se préparer aux métiers du XXI siècle".

Dans ce projet, nous avons érigé le programme en référentiel, tout l'art du professeur consistant à faire acquérir les compétences qui y sont définies : si, "pour l'élève, les mathématiques sont d'abord un dépaysement, il est souhaitable que ce dépaysement soit agréable" [Comité sur l'enseignement, académie des sciences, p. 487], comment excuser le professeur d'anglais s'il échoue à créer ce dépaysement ?! Il n'est malheureusement pas rare, au cours d'une carrière, de ressentir, comme Pierre Arnoux [p. 488] l'impression de voir les étudiants "privés de ce sens, (...) réduits à une sorte de manipulation cabalistique".

Qu'il s'agisse de mathématiques ou de l'anglais (avec des modalités plus faciles), "l'enseignement doit être ancré dans des conceptions réelles, basé sur des considérations intuitives, tiré de situations pratiques où le sens est immédiat" (E. Barbazo, p. 494) et ne pas être un "art pour l'art" [J. von Neumann, cité par D. Barbolosi, P. 495].

4. Conclusion.

Le parti pédagogique adopté était très clairement maïeutique : une fois les objectifs définis et les critères d'achèvement fixés, les élèves étaient laissés libres de s'associer et de travailler, les professeurs se positionnant en ressources méthodologiques et documentaires à la fois "pro-actives" (exécution du programme scolaire, abord de notions en cours suivant une coordination interdisciplinaire entre enseignants d'Anglais, de mathématiques et d'Histoire) et "ré-actives" (disponibilité pour des conseils, orientations documentaires et méthodologiques...) Au total se vérifie l'applicabilité des principes de la pédagogie Montessori qui préconise

« d'encourager l'autonomie et l'initiative chez l'enfant, et ce, dès le plus jeune âge, d'une part pour faciliter et motiver ses apprentissages et d'autre part pour favoriser son développement en tant que personne. Maria Montessori part du constat selon lequel la motivation de l'enfant pour apprendre est naturelle. (...) il vient également volontairement vers l'adulte quand il veut de l'aide. (...) L'adulte fait une démonstration

5 Ed. du Seuil, Paris, octobre 1999 6 initialement publié dans The New-York Times le 28 août 2011, et dont la traduction française est reprise

dans la revue citée.

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puis laisse l’enfant reproduire l'opération tout seul. On résume généralement cela par la phrase bien connue de Maria Montessori : “Aide-moi à faire seul”.

Cette technique pédagogique évoque également l'Éducation nouvelle, courant pédagogique qui défend le principe d'une participation active des individus à leur propre formation. Elle déclare que l'apprentissage, avant d'être une accumulation de connaissances, doit être un facteur de progrès global de la personne. Pour cela, il faut partir de ses centres d'intérêt et s'efforcer de susciter l'esprit d'exploration et de coopération : c'est le principe des méthodes actives.

Pour John Dewey, on apprend en faisant (« Learning by doing »), Freinet lui fait écho en parlant de tâtonnement expérimental. Decroly estime qu'il faut partir des centres d'intérêts » [Wikipedia].

Ces orientations ont été mises en oeuvre en France dans les années 1990, sous le nom des "Ateliers du patrimoine" :

« Au niveau du second degré, les ateliers du patrimoine (...) sont les seuls à être conçus comme pluridisciplinaires. Le patrimoine est en effet considéré comme un objet d’étude transversale autour duquel plusieurs disciplines peuvent se retrouver dans un souci de complémentarité. La durée de l’atelier est fixée à trois heures hebdomadaires sur l’ensemble de l’année scolaire. L’atelier se construit autour d’un projet pédagogique, lequel intègre l’environnement culturel de l’établissement, favorisant ainsi un partenariat. (...) Ces actions doivent aider les jeunes à intégrer les connaissances scolaires en les appliquant à la compréhension du monde qui les entoure » [http://www.ac-reims.fr/datice/bul_acad/hist-geo/bul18/14.htm]

L'expérience menée avec succès en suivant ces principes anticipait deux notions (Espaces et Echanges et l'Idée de progrès) parmi les quatre notions du programme de terminale, et coïncide de manière inattendue avec un débat actuel concernant l'enseignement des mathématiques �

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Annexe 1 – plaquette de présentation du projet aux élèves et parents (A3 recto-replié n cahier 4 pages A4)

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Annexe 2 – extrait des présentations des Groupes de travail

Cinq présentations ont été produites par les Elèves d’après les dossiers, chacune comportant entre 15 et 51 diapositives. Ci-dessous sont reproduites des captures d’écran ‘as-is’.

[�Discover London Docklands.pptx | London docks - Management.pptx�]

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[� London’s Trip Report - FINAL.pptx]

Fin des annexes