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Club Adalia – Lettre d’information n°71 – Novembre 2013 Edito L’avenir du secteur des semences européen et français en question. Les semences, ressource stratégique, sont un élément structurant des modèles agricoles et seront essentielles pour faire face aux défis de l’agriculture de demain. La France est leader dans le secteur des semences et plants : plus de 70 entreprises semencières créatrices de nouvelles variétés, 246 entreprises productrices de semences et 17 500 agriculteurs multiplicateurs, plus de 8 700 salariés, 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de 44% à l’export. Elle est d’ailleurs le premier exportateur de semences devant les Pays Bas et les Etats Unis. L’industrie européenne des semences est caractérisée par une part importante de PME et par quelques firmes multinationales, avec la coopérative française Limagrain (4ème mondial) et également par de grandes compagnies issues de l’agrochimie (Bayer CropScience, BASF Plant Science et le Suisse Syngenta Seeds). L’Europe et la France ont de bonnes performances industrielles et commerciales, des capacités d’innovation importantes en matière d’amélioration végétale et des atouts indéniables quelles ne doivent pas perdre. Le marché mondial offre des capacités de progression très importantes, car la majorité des semences utilisées dans le monde par les agriculteurs ne provient pas du secteur des semences, mais des échanges et des « semences » de ferme. L’amélioration des plantes est en pleine évolution avec l’emploi des biotechnologies qui ont révolutionné les pratiques en procurant deux types d’outils permettant : d’une part de caractériser le matériel génétique, de le cibler et d’accélérer la sélection végétale classique, d’autre part de créer des variétés OGM par transgénèse (transfert des gènes d’une espèce vers une autre). On distingue aujourd’hui schématiquement dans le monde deux conceptions dominantes de l’innovation vé- gétale : -le modèle des semenciers dits conventionnels qui innovent le plus souvent dans les semences non OGM pour de très nombreuses espèces végétales. Ils sont favorables à la protection de leurs créations variétales par le Certificat d’Obtention végétale (COV) et défendent le principe de libre accès à la variabilité génétique, élé- ment essentiel de la Convention internationale de l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) ratifiée par plus de 70 pays, dont les plus grands du monde. Elle protège aussi le droit pour l’agriculteur de prélever une partie de sa récolte pour la ressemer (semences de ferme) en payant un montant réduit, les « petits agriculteurs » en étant exemptés. -le modèle des semenciers des entreprises multinationales issus de l’agrochimie, initialement centrés comme aux Etats-Unis sur le développement des plantes génétiquement modifiées et sur les espèces végétales les plus importantes. Ces entreprises ont importé des secteurs agrochimiques et pharmaceutiques des approches diffé- rentes, avec l’usage du brevet d’invention économiquement efficace comme mode de protection juridique de leurs innovations. En Europe la cohabitation des deux systèmes reste à construire. Des débats sont en cours pour circonscrire le champ d’application des brevets, car certains d’entre eux déposés auprès de l’Office euro- péen des brevets ont un champ très large couvrant les gènes naturels, ce qui questionne sur le flou de l’appli- cation de la directive européenne encadrant le brevet sur le vivant, et introduisant le risque de détention des voies d’amélioration par de grands groupes internationaux. D’autres acteurs de l’innovation ont développé des solutions alternatives avec leurs propres variétés sur la base de collectifs locaux territorialisés comme, par exemple, le réseau « Semences de ferme ». La réglementation européenne en matière de semences et plants (« seed law ») est en cours de révision. La Commission européenne a publié, en mai 2013, une proposition visant à regrouper les douze directives actuelles en une réglementation unique (applicable en 2016 ?), qui vise à donner plus de flexibilité aux opéra- teurs et assouplir les règles d’accès au marché pour certaines variétés. Cette proposition suscite beaucoup de discussion, car il s’agit de ne pas fragiliser le système reposant sur le Certificat d’obtention végétale et le cata- logue (catalogue européen avec 34 500 variétés d’espèces agricoles et potagères et catalogue français 6 500). Ce dispositif a déjà évolué, notamment en introduisant dans les essais et inscription, des tests sur la Valeur agronomique, technologique et environnementale des obtentions (VATE), dont les multinationales voudraient bien se passer. Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) rattaché au Premier Ministre avance dans une note d’analyse du secteur des semences récemment publiée, 4 propositions pour assurer l’avenir d’un

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Page 1: Edito L’avenir du secteur des semences européen et ... · marché mondial offre des capacités de progression ... mais des échanges et des « semences » de ferme. L’amélioration

Club Adalia – Lettre d’information n°71 – Novembre 2013

Edito

L’avenir du secteur des semences européen et français en question.

Les semences, ressource stratégique, sont un élément structurant des modèles agricoles et seront essentielles pour faire face aux défis de l’agriculture de demain. La France est leader dans le secteur des semences et plants : plus de 70 entreprises semencières créatrices de nouvelles variétés, 246 entreprises productrices de semences et 17 500 agriculteurs multiplicateurs, plus de 8 700 salariés, 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de 44% à l’export. Elle est d’ailleurs le premier exportateur de semences devant les Pays Bas et les Etats Unis. L’industrie européenne des semences est caractérisée par une part importante de PME et par quelques firmes multinationales, avec la coopérative française Limagrain (4ème mondial) et également par de grandes compagnies issues de l’agrochimie (Bayer CropScience, BASF Plant Science et le Suisse Syngenta Seeds). L’Europe et la France ont de bonnes performances industrielles et commerciales, des capacités d’innovation importantes en matière d’amélioration végétale et des atouts indéniables quelles ne doivent pas perdre. Le marché mondial offre des capacités de progression très importantes, car la majorité des semences utilisées dans le monde par les agriculteurs ne provient pas du secteur des semences, mais des échanges et des « semences » de ferme.

L’amélioration des plantes est en pleine évolution avec l’emploi des biotechnologies qui ont révolutionné les pratiques en procurant deux types d’outils permettant : d’une part de caractériser le matériel génétique, de le cibler et d’accélérer la sélection végétale classique, d’autre part de créer des variétés OGM par transgénèse (transfert des gènes d’une espèce vers une autre).

On distingue aujourd’hui schématiquement dans le monde deux conceptions dominantes de l’innovation vé-gétale :

-le modèle des semenciers dits conventionnels qui innovent le plus souvent dans les semences non OGM pour de très nombreuses espèces végétales. Ils sont favorables à la protection de leurs créations variétales par le Certificat d’Obtention végétale (COV) et défendent le principe de libre accès à la variabilité génétique, élé-ment essentiel de la Convention internationale de l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) ratifiée par plus de 70 pays, dont les plus grands du monde. Elle protège aussi le droit pour l’agriculteur de prélever une partie de sa récolte pour la ressemer (semences de ferme) en payant un montant réduit, les « petits agriculteurs » en étant exemptés.

-le modèle des semenciers des entreprises multinationales issus de l’agrochimie, initialement centrés comme aux Etats-Unis sur le développement des plantes génétiquement modifiées et sur les espèces végétales les plus importantes. Ces entreprises ont importé des secteurs agrochimiques et pharmaceutiques des approches diffé-rentes, avec l’usage du brevet d’invention économiquement efficace comme mode de protection juridique de leurs innovations. En Europe la cohabitation des deux systèmes reste à construire. Des débats sont en cours pour circonscrire le champ d’application des brevets, car certains d’entre eux déposés auprès de l’Office euro-péen des brevets ont un champ très large couvrant les gènes naturels, ce qui questionne sur le flou de l’appli-cation de la directive européenne encadrant le brevet sur le vivant, et introduisant le risque de détention des voies d’amélioration par de grands groupes internationaux.

D’autres acteurs de l’innovation ont développé des solutions alternatives avec leurs propres variétés sur la base de collectifs locaux territorialisés comme, par exemple, le réseau « Semences de ferme ».

La réglementation européenne en matière de semences et plants (« seed law ») est en cours de révision. La Commission européenne a publié, en mai 2013, une proposition visant à regrouper les douze directives actuelles en une réglementation unique (applicable en 2016 ?), qui vise à donner plus de flexibilité aux opéra-teurs et assouplir les règles d’accès au marché pour certaines variétés. Cette proposition suscite beaucoup de discussion, car il s’agit de ne pas fragiliser le système reposant sur le Certificat d’obtention végétale et le cata-logue (catalogue européen avec 34 500 variétés d’espèces agricoles et potagères et catalogue français 6 500). Ce dispositif a déjà évolué, notamment en introduisant dans les essais et inscription, des tests sur la Valeur agronomique, technologique et environnementale des obtentions (VATE), dont les multinationales voudraient bien se passer.

Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) rattaché au Premier Ministre avance dans une note d’analyse du secteur des semences récemment publiée, 4 propositions pour assurer l’avenir d’un

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secteur des semences diversifié et innovant :

-S’assurer que les redevances sur les semences de ferme seront établies de manière à permettre un juste équi-libre entre les intérêts des semenciers et ceux des agriculteurs.

-Défendre l’exclusion des plantes et des gènes naturels du champ de la brevetabilité dans le cadre du comité d’experts réuni par la Commission européenne sur ce sujet.

-Mettre en place des programmes de recherche variétale sur des espèces aujourd’hui peu cultivées, mais potentiellement importantes pour les systèmes agricoles durables (légumineuses par exemple).

-Dans le cadre de la révision actuelle des règles communautaires de commercialisation des semences, définir un statut réglementaire clair et adapté pour les variétés “population” ou issues de la sélection participative.

Les autorités politiques de l’Union européenne se doivent d’assurer l’avenir du socle solide, innovant et dyna-mique d’entreprises européennes du secteur des semences et du système de propriété intellectuelle spécifique le Certificat d’obtention végétales (lequel est soutenu d’ailleurs par l’Organisation mondiale du commerce (OMC)), notamment par une réglementation adaptée et claire. C’est une condition essentielle pour le devenir de ses modèles agricoles et de sa capacité à rester une grande puissance agricole propre à assurer sa sécurité alimentaire et sa cohésion territoriale.

Henri Audemard

Article en rapport avec l’édito : Pour un secteur des semences diversifié et innovant.

Sommaire de la Lettre n° 71 (cliquer sur la rubrique pour accéder à l’article qu’elle contient)

Agriculture durable -Pour un secteur des semences diversifié et innovant. -Vers des agricultures à hautes performances. -Comment développer les techniques culturales simplifiées.

Alimentation - Le froid dans la chaîne alimentaire et le potentiel de procédés alternatifs.

Environnement -Espèces envahissantes et protection de la biodiversité : l’Union européenne lance une nouvelle action. -Agribalyse : un Inventaire de Cycle de Vie (ICV) des principaux produits agricoles français.

Filière -Innovation et évolution dans le secteur des biocarburants.

Lu pour vous -Agriculture, forêt, climat : vers des stratégies d’adaptation.

Organismes et institutions -Suppression de la certification agriculture raisonnée des exploitations agricoles.

Politique agricole -La réforme nationale des programmes d’action contre les pollutions par les nitrates finalisée.

Protection intégrée

-Systèmes de culture économes en intrants phytosanitaires et performants économiquement. -Moyens de protection des cultures alternatifs ou complémentaires à l’emploi des pesticides. -Gestion de la résistance aux maladies à l’échelle des territoires cultivés.

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Agriculture durable

Pour un secteur des semences diversifié et innovant.

La France est le premier exportateur de semences, devant les Pays-Bas et les Etats-Unis. Ressource stratégique les semences sont un élément structurant des modèles agricoles et seront essentielles pour faire face aux défis de l’agriculture de demain. Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, (CGSP) rattaché au Premier Ministre a publié, en octobre 2013, une note d’analyse sur le secteur des semences, soulignant le socle solide d’entreprises européennes et du système de propriété intellectuelle spécifique, le Certificat d’obtention végétale (COV), source de progrès. Le COV se trouve menacé par le développement du brevet dans le domaine végétal, notamment par les firmes agrochimiques. La note avance 4 propositions pour : assurer un juste équilibre pour les redevances sur les semences de ferme, soutenir au niveau communautaire la liberté d’accès aux ressources génétiques pour l’innovation, mettre en place des programmes de recherche variétale sur des espèces peu cultivées et un statut réglementaire européen clair et adapté pour la commercialisation des semences.

>Les enjeux.L’innovation sur le vivant connaît une véritable révolution avec le développement des biotechnologies depuis les années 1970. Ces progrès scientifiques et techniques ont eu des impacts majeurs dans les domaines de la médecine humaine et animale, mais également dans le domaine végétal où les premiers produits issus du génie génétique ont vu le jour il y a vingt-cinq ans. De manière très schématique, deux voies de spécialisation se sont constituées dans l’amélioration végétale : .les multinationales issues de l’agrochimie, américaines notamment, initialement centrées sur le développement de plantes génétiquement modifiées et promouvant le système du brevet ; .les semenciers historiquement présents dans la sélection végétale, PME européennes notamment, soutenant le Certificat d’obtention végétale (COV).Les enjeux sont considérables : définition de la brevetabilité des innovations végétales et risques de détention des voies d’amélioration par de grands groupes internationaux, marchés à conquérir au niveau mondial, maintien d’un tissu de PME innovantes, en Europe notamment. Enfin, derrière la question des semences, c’est le devenir des modèles agricoles européens et la capacité de l’Europe à rester une grande puissance agricole et à assurer sa sécurité alimentaire qui sont en jeu. Quelles évolutions seront nécessaires pour promouvoir une innovation pluraliste et durable dans le secteur des semences dans l’avenir ?Tout l’enjeu réside aujourd’hui dans la capacité à développer des modèles agricoles qui présentent plusieurs performances simultanées : productive, économique et environnementale. L’agroécologie, qui se développe en France notamment, vise à optimiser le fonctionnement des écosystèmes cultivés afin de diminuer les intrants et d’améliorer la résilience du système. Ces nouvelles approches de l’agriculture impliquent notamment de réintroduire une biodiversité maîtrisée au sein de l’agrosystème, et d’inverser la tendance à la réduction de la biodiversité cultivée.

>Le marché mondial des semences.-Dans le monde, les agriculteurs obtiennent des semences pour leurs cultures de diverses façons : soit en se fournissant sur un marché plus ou moins organisé, soit par des échanges, ou encore en ressemant leur propre récolte (ce qu’on appelle “semences de ferme”). Dans plusieurs pays émergents, il est estimé que seulement 10 % à 20 % des semences sont commercialisées, les 80 %-90 % restants provenant des marchés informels à partir de semences de ferme. Le marché mondial des semences est d’environ 45 milliards de dollars en 2012. Il a doublé entre 2000 et 2010, essentiellement par la croissance des plantes génétiquement modifiées (OGM) dont les surfaces ont été multipliées par cent entre 1996 et 2012, essentiellement aux Etats-Unis, au Brésil, en Argentine, au Canada, en Inde et en Chine.-L’Europe et la France ont des atouts indéniables qu’elles ne doivent pas perdre.La zone Europe présente de très bonnes performances industrielles et commerciales. L’industrie européenne des semences est caractérisée par une part importante de petites et moyennes entreprises (PME) et par quelques grandes firmes multinationales. Parmi ces dernières, la coopérative française Limagrain est l’un des leaders européens et le quatrième semencier mondial en termes de chiffre d’affaires. L’Europe compte également trois grandes compagnies issues de l’agrochimie : l’entreprise suisse Syngenta Seeds, Bayer CropScience et BASF Plant Science. En 2012, les dix plus grandes entreprises de semences au monde contrôlaient un peu plus de 60 % du marché mondial. En comptant Syngenta, cinq d’entre elles sont européennes. Les exportations européennes de semences représentaient, en 2011, un peu plus de 60 % des exportations mondiales en valeur. La France est le premier exportateur mondial, suivie de peu par les Pays-Bas et les États- Unis (puis l’Allemagne). De nombreuses entreprises européennes ont en outre adopté une stratégie de déploiement de leurs activités à l’international.La France, est un leader qui cultive sa différence. La diversité de ses climats et de ses sols ainsi que son savoir-faire public et privé font de la France un leader à la fois en matière d’amélioration végétale (recherche et développement de nouvelles variétés) et de production de semences (multiplication des variétés, activité qui couvre près de 2 % des terres arables en France). La France compte un peu plus de soixante-dix entreprises semencières créatrices de nouvelles variétés. Leur budget R&D a progressé de 25 % entre 2005 et 2011 (essentiellement du fait des investissements dans les biotechnologies), et représente entre 12 % et 15 % de leur CA, soit plus que les secteurs de la pharmacie et de l’informatique en France. La production de semences est assurée par 246 entreprises, auxquelles s’ajoutent les 17

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500 agriculteurs multiplicateurs de semences. Ce tissu d’innovateurs et de multiplicateurs fait de la France le premier producteur de semences et plants en Europe. En 2012, le secteur français des semences, qui emploie plus de 8 700 salariés, a généré un CA de 2,7 milliards d’euros, dont plus de 44 % à l’export. Le commerce extérieur affiche un solde excédentaire en progression soutenue et atteint + 666 millions d’euros en 2012. La plupart des grandes entreprises semencières françaises appartiennent à des coopératives dont les adhérents sont des agriculteurs (qui peuvent être à la fois producteurs de semences et/ou utilisateurs). Cette gouvernance d’entreprise est assez inédite parmi les leaders internationaux de la semence.

>L’amélioration des plantes est une activité en métamorphose.-Le secteur connait un véritable boom technologique. Avec la « révolution de la biologie moléculaire », plusieurs avancées majeures ont révolutionné les pratiques. Aux croisements végétaux traditionnels se sont ajoutées les techniques faisant appel à des biotechnologies. L’emploi des biotechnologies dans l’innovation végétale peut se résumer en deux grands types de techniques : 1-la génomique et la sélection assistée par marqueurs, ainsi que le phénotypage à haut débit, en plein développement actuellement, permettent de caractériser le matériel génétique, de cibler et d’accélérer la sélection végétale ;2-la transgénèse est la technique employée pour la création de la plupart des OGM. Elle consiste à transférer un ou plusieurs gènes d’intérêt d’une espèce vers une autre. Elle a très rapidement progressé à l’échelle mondiale, aussi bien en nombre d’espèces utilisées qu’en nombre de pays cultivateurs, en particulier aux États- Unis et dans les pays en développement, tout en rencontrant de fortes oppositions dans d’autres pays.L’amélioration des plantes par les biotechnologies induit des changements profonds d’ordre industriel, économique et social. Leur mise en œuvre implique des investissements financiers importants et une pression croissante sur leur rémunération et la protection des innovations par le système des brevets. La concentration des entreprises s’est accompagnée de l’arrivée de nouveaux acteurs issus de la pharmacie et de la pétrochimie. L’ensemble des changements induits par l’usage des biotechnologies : dépassement des barrières naturelles, montée en puissance du brevet, concentration des entreprises, soulève des débats de société importants en Europe, et particulièrement en France.-Aujourd’hui on distingue schématiquement deux conceptions dominantes de l’innovation végétale dans le monde :1-Le modèle des semenciers dits conventionnels Ces entreprises innovent le plus souvent dans des semences non OGM. Elles sont favorables à la protection de leurs créations variétales via le Certificat d’obtention végétale (COV) et défendent le principe de libre accès à la variabilité génétique, élément essentiel de la convention UPOV2-Le modèle des semenciers issus de l’agrochimie. Ces entreprises ont importé des secteurs pharmaceutiques et agrochimiques des approches différentes avec l’usage du brevet d’invention comme mode de protection de leurs innovationsD’autres acteurs de l’innovation cherchent à développer des solutions alternatives Au-delà des deux blocs d’acteurs industriels majeurs, certains acteurs défendent un modèle d’innovation dit territorialisé et/ou participatif. Les acteurs de l’innovation sont ici des collectifs locaux (syndicats de produits de terroirs), des réseaux d’amateurs ou de paysans produisant leurs semences avec leurs propres variétés. En France, on peut citer l’exemple du réseau « Semences paysannes » qui regroupe des paysans, des artisans, des agriculteurs bio, etc-Une cohabitation de modèles d’innovation qui reste à construire. Car, si le COV est un dispositif efficace pour l’innovation incrémentale, il est fragilisé face au brevet. Le Certificat d’obtention végétale (COV) est largement soutenu par les semenciers européens « conventionnels ». Un avantage majeur de ce système est d’être non bloquant pour l’innovation : c’est tout l’esprit de l’exception du sélectionneur dans le COV que de laisser un libre accès aux innovations passées pour en développer de nouvelles. En tenant compte des spécificités de l’innovation dans le domaine végétal, il permet ainsi l’innovation incrémentale. L’agriculteur dispose par ailleurs d’un droit à ressemer une partie de sa récolte (semences de ferme) en payant un montant réduit du titulaire du COV. Les « petits agriculteurs » sont exemptés de cette redevance. Une contribution sur les semences de ferme a été mise en place en France dans le cas du blé tendre notamment. Son application est toutefois un sujet de désaccord au sein du monde agricole.

>Les 4 propositions du CGSP pour défendre des modèles porteurs d’innovation et adaptables aux nouvelles demandes de la société et assurer la sécurité alimentaire européenne. -L’Europe doit lutter contre l’instrumentalisation du brevet comme outil de guerre juridique pour bloquer l’innovation, et ce faisant, la liberté de production. La bataille de la propriété intellectuelle ne doit pas être perdue, et la France doit se mobiliser pour porter au niveau européen les conditions d’une coexistence et d’un équilibre entre système de brevet et de COV. Il en va du maintien d’un tissu européen d’innovation et de sélection actif, adapté à la diversité de nos agricultures (climat, sol, mode de production). Il sera probablement essentiel de poser au niveau international la question de l’évolution du COV, afin de renforcer, au-delà de la convention UPOV de 1991, ce modèle de propriété intellectuelle qui a démontré sa capacité à permettre un progrès génétique.-Proposition 1. S’assurer que les redevances sur les semences de ferme seront établies de manière à permettre un juste équilibre entre les intérêts des semenciers et ceux des agriculteurs. Un nouvel accord interprofessionnel entre producteurs et utilisateurs de semences a ainsi été signé le 14 juin 2013, instaurant le montant de la Contribution volontaire obligatoire (CVO) pour les semences de céréales à paille. Des accords du même type devraient suivre pour le reste de la liste des 21 espèces pouvant faire l’objet de semences de ferme, et sans doute au-delà.

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Le brevet, est un dispositif important pour protéger les inventions biotechnologiques mais dont le champ doit être strictement circonscrit. Si le brevet est économiquement efficace, il peut cependant être bloquant pour l’innovation (par exemple pas d’exception aux Etats-Unis). En Europe le brevet coexiste avec le système du COV pour la protection des plantes. Ces dernières années, un nombre croissant de brevets sur des plantes ont été déposés et délivrés par l’Office européen des brevets, avec des revendications parfois très larges (couvrir non seulement les méthodes d’obtention, ce qui est normal, mais aussi les produits obtenus et les gènes naturels !), qui questionnent la mise en application de la directive 98/44/CE, encadrant le brevet sur le vivant en Europe. Un flou existe sur les limites de la brevetabilité des plantes en Europe : la jurisprudence relative à la directive 98/44/CE a varié. Des débats sont en cours en France et en Europe pour circonscrire le champ du brevet. Sans évolution du droit des brevets au niveau européen, il est à craindre que le brevet devienne le mode de protection quasi exclusif des innovations en matière de semences. Les PME semencières pourraient se trouver dans l’impossibilité de défendre leur espace de compétitivité et d’innovation par rapport aux concurrents mobilisant le brevet. Cela laisse craindre une concentration croissante du secteur en Europe, comme cela a été le cas aux États-Unis, avec ses conséquences sur le ralentissement du progrès génétique et la disparition du privilège de l’agriculteur. Ces questions sont cruciales pour l’avenir de l’amélioration végétale en Europe.-Proposition 2. Défendre l’exclusion des plantes et des gènes naturels du champ de la brevetabilité dans le cadre du comité d’experts réuni par la commission européenne sur ce sujet. Face à l’urgence de se saisir d’une telle question, la Commission européenne a lancé un groupe d’experts chargé d’examiner l’opportunité d’une restriction de la protection juridique par brevet dans le domaine du vivant. Différentes options plus ou moins réalistes pourront être envisagées : amendements des législations existantes, amélioration de la qualité des brevets, amélioration de la gestion de la propriété industrielle, etcL’innovation participative offre des pistes intéressantes pour réintroduire de la biodiversité, qui ne doivent pas être verrouillées. Ce type d’innovation reste pour le moment minoritaire (faible pourcentage de surfaces cultivées en variétés “population” comparées aux surfaces en variétés “classiques”), mais peut contribuer à un élargissement de l’offre semencière réclamée par certains agriculteurs et consommateurs. Ce champ d’innovation est encore en construction, sur le plan scientifique notamment, et les nombreuses questions soulevées méritent d’être explorées, dont celle du financement.-Proposition 3. Mettre en place des programmes de recherche variétale sur des espèces aujourd’hui peu cultivées, mais potentiellement importantes pour les systèmes agricoles durables (légumineuses par exemple). Le mode de financement de tels programmes de recherche pose bien évidemment question. Une piste pourrait être de mobiliser un FSOV (Fonds de soutien à l’obtention végétale, issu d’une partie des revenus de la CVO) “espèces complémentaires”, qui viserait à accompagner la recherche sur l’espèce principale (blé par exemple) d’un volet recherche sur les plantes allant en rotation avec cette espèce. Une autre possibilité serait de créer un fonds de recherche variétale financé par les filières. L’idéal serait de faire intervenir tous les acteurs (régions, filières, acteurs économiques).Les conditions d’accès au marché européen sont en cours d’évolution.Dans cette partie le CGSP s’interroge sur les possibilités d’élargir l’accès au marché à de nouveaux types de variétés. Les règles d’inscription au catalogue officiel des semences ont des bénéfices reconnus. Mais l’accès au marché des semences dans l’Union européenne est régulé par douze directives actuellement en révision. Il est conditionné par deux obligations réglementaires : l’inscription au catalogue officiel des espèces et variétés, et la certification. Le catalogue européen compte près de 34 500 variétés d’espèces agricoles et potagères, 6 500 pour le catalogue français. L’ensemble de cette réglementation (catalogue et certification) vise à assurer la loyauté des transactions et la circulation de semences d’une performance et d’une qualité reconnue et uniforme au sein de l’UE. Si les bénéfices du système du catalogue sont largement reconnus, celui-ci a dû, et doit encore évoluer, afin de s’adapter aux nouvelles demandes de la société. Les critères d’entrée au catalogue évoluent pour mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et s’ouvrir à de nouvelles variétés. En France, le ministère de l’Agriculture est doté d’un organe de conseil et d’appui technique, réunissant experts scientifiques, producteurs et utilisateurs de semences, le Comité technique permanent pour la sélection des plantes cultivées (CTPS), afin de définir et orienter la politique des semences. Ces dernières années, le CTPS a permis d’ajouter le critère environnemental à la valeur agronomique et technologique des variétés (VAT), ainsi devenue VATE. Progressivement, des critères tels que la résistance aux maladies, à la sécheresse, la dépendance à l’azote, les variétés adaptées à de bas niveaux d’intrants ou à l’agriculture biologique. etc. sont mis au point et pris en compte pour l’évaluation des nouvelles variétés et le réseau expérimental s’est étoffé en ce sens.Une réglementation européenne est en révision, elle doit veiller à ne pas fragiliser le système catalogue/COVLa Commission européenne a publié le 6 mai 2013 une proposition de révision de la réglementation “semence” (“seed law”), regroupant les douze directives actuelles en une réglementation unique, et qui vise à donner plus de flexibilité aux opérateurs. La Commission propose notamment d’assouplir les règles d’accès au marché pour certaines variétés. On voit bien ici les interactions fortes qui existent entre les règles d’accès au marché et le dynamisme des modèles d’innovation, les premières devant être très finement calibrées afin de ne pas favoriser un modèle plutôt qu’un autre. Ces questions devront être suivies de près dans le cadre des négociations actuelles au sein de l’Union européenne.Proposition 4. Dans le cadre de la révision actuelle des règles communautaires de commercialisation des semences, définir un statut réglementaire clair et adapté pour les variétés “population” ou issues de la sélection participative. Si ces pistes vont a priori dans le bon sens, ces propositions de dérogation sont néanmoins peu claires en l’état et méritent d’être discutées dans les négociations à venir. Il serait notamment essentiel de s’assurer que la dérogation “marché

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de niche” (marchés qui ne sont pas définis dans la proposition) ne met pas en péril l’équilibre fragile entre modèles d’innovation protégée par COV et par brevet. On pourrait en effet voir apparaître une conjonction entre les intérêts des multinationales d’une part, qui verraient dans cette ouverture un moyen d’accéder au marché sans avoir à passer les tests DHS et VATE, et semences paysannes d’autre part, qui revendiquent un droit à librement multiplier et échanger leurs variétés.Source : Premier Ministre, Commissariat général à la stratégie et à la prospective, « Pour un secteur des semences diversifié et innovant », note d’nalyse n°5, octobre 2013, 16p http://www.strategie.gouv.fr/blog/wp-content/uploads/2013/09/2013-10-01-semences-NAO5-ok.pdf

Vers des agricultures à hautes performances. D’ici dix ans, la ferme France aura profondément évolué. Grâce à de nombreuses initiatives, la transition est déjà en route. La course à la production poursuivie par l’agriculture française depuis les années 1950 est en voie d’évoluer vers la multi-performance. C’est dans ce contexte que le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) a confié à l’INRA, suite à un appel d’offres lancé en avril 2012, une étude destinée à déterminer les possibilités d’évolution de l’agriculture française vers des systèmes de production agricole plus durables. L’objectif était d’analyser les marges de progrès offertes par, d’une part, les systèmes de production dits « biologiques » et, d’autre part, les systèmes de production dits « conventionnels », au travers de deux questions : Comment rendre l’agriculture biologique plus productive et plus compétitive ? Comment organiser la transition de l’agriculture conventionnelle vers une agriculture plus durable ? Cette volumineuse étude (rapport de1 500 pages) a été rendue publique le 14 octobre 2013 par le CGSP. Elle est organisée en 4 volumes distincts et autonomes, mais néanmoins complémentaires.

>Une recherche des fondements de l’agriculture de demain. Bien que la productivité de l’agriculture française ait été multipliée par 10 depuis les années 1950, le modèle agricole développé après-guerre en France rencontre, comme partout dans le monde, un certain nombre de limites, notamment dans ses atteintes à la biodiversité et à l’environnement, mais également en termes de plafonnement des rendements agricoles ou encore d’émergence de phénomènes de résistances aux pesticides chez certains ravageurs. Son évolution, vers des modes de production plus durables et tout aussi productifs est indispensable. Pour faire face aux enjeux de demain - agricoles, alimentaires, énergétiques, mais également environnementaux et sociaux - il apparaît de plus en plus clair qu’une agriculture diverse, y compris dans ses modes de production, est indispensable.L’exploration des 2 questions posées (Comment rendre l’agriculture biologique plus productive et plus compétitive ? Comment organiser la transition de l’agriculture conventionnelle vers une agriculture plus durable ?) s’est appuyée sur une grille commune d’indicateurs des performances productives, économiques, environnementales et sociales, et en mobilisant l’ensemble des connaissances disponibles sur les systèmes agricoles innovants proposant de nouveaux

compromis entre ces différentes performances, tant en agriculture biologique qu’en agriculture conventionnelle.

>Des travaux organisés sous forme d’un rapport composé de 4 volumes distincts et autonomes :-Le volume 1 « Analyse des performances de l’agriculture biologique » propose une revue de littérature de l’ensemble des performances de l’agriculture biologique, des études statistiques originales sur les performances productives et économiques des exploitations agricoles françaises biologiques, et une analyse de la compétitivité de la filière biologique nationale sur la base d’une enquête spécifique ;-Le volume 2 « Conception et évaluation de systèmes innovants en agriculture conventionnelle » présente la méthodologie adoptée pour identifier et apprécier les pratiques et ensembles de pratiques qu’il serait possible de mettre en œuvre pour une transition des différentes agricultures françaises vers la multi-performance ;-Le volume 3 « Evaluation des performances de pratiques innovantes en agriculture conventionnelle » propose une analyse détaillée des performances productives, économiques, environnementales et sociales de plus de 200 pratiques agricoles élémentaires organisées en un certain nombre de classes de pratiques ou méta-pratiques ;Le volume 4 « Analyse des voies de progrès en agriculture conventionnelle par orientation productive » propose une analyse des freins et leviers à la multi-performance pour les principales filières agricoles, végétales et animales, de l’agriculture française.Au-delà des analyses, le rapport formule des propositions et recommandations pour aller vers une agriculture plus durable, dont certaines ont été reprises dans le rapport Guillou (« Le projet agro-écologique : Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l’environnement », voir la Lettre d’information Adalia n° 68, juillet 2013) et le projet de loi d’avenir de l’agriculture. Parmi celles-ci, les plus avancées préconisent pour une PAC d’après 2020 que l’INRA voit plus verte, avec des mesures plus exigeantes pour l’agriculture conventionnelle, destinées à amener le plus grand nombre d’agriculteurs à modifier leurs pratiques, à innover et à prendre des risques avec un soutien par des mesures incitatives (dispositions fiscales, aides directes pour faire face aux aléas et selon la conjoncture économique), avec également une intégration progressive dans la réglementation. Le soutien concernerait aussi par exemple, les filières de diversification, les groupements d’agriculteurs visant des objectifs environnementaux, les associations entre production végétale et production animale.

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(Ndlr : Etant donné la masse d’informations contenues dans ces volumes du rapport nous effectuerons une présentation détaillée dans les prochains numéros de la Lettre d’information).Sources : INRA, « Vers des agricultures à haute performances », rapport Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), 4 volumes, octobre 2013, avant-propos. http://www.strategie.gouv.fr/blog/wp-content/uploads/2013/10/rapport-INRA-pour-CGSP-VOLUME-1-web07102013.pdfGaudin G. « 1 500 pages pour aller vers une agriculture durable » Newsletter Référence Environnement, 21 octobre 2013. http://www.reference-environnement.com/2013/10/21/1500-pages-pour-aller-vers-une-agriculture-plus-durable

Comment développer les techniques culturales simplifiées.La part du non labour s’est fortement développée pendant la dernière décennie en France en vue des avantages économiques de réduction des charges ou des atouts environnementaux comme la préservation physique des sols et leur activité biologique. Cependant, l’abandon du labour pour les techniques culturales simplifiées (TCS), voire le semis direct, peut présenter des risques s’il n’y a pas une adaptation intégrée de l’itinéraire technique des cultures et des systèmes de culture. La revue Innovations Agronomiques présente les résultats d’un projet, visant à évaluer les systèmes de culture existants en travail réduit du sol chez les agriculteurs et à identifier les solutions agronomiques mises en œuvre pour pallier l’absence de travail du sol et les effets collatéraux afin de pérenniser ces techniques. Le projet a aussi testé en expérimentations : des solutions techniques d’adoption des TCS pour dégager des performances et des précautions à l’échelle de la culture et des prototypes de systèmes de culture en TCS pour évaluer à long terme leurs performances et leur durabilité.

>Qu’est-ce que le non-labour ?-Le non-labour en grandes cultures se développe en France. Le pourcentage des surfaces concernées est passé, toutes cultures confondues, de 21 % en 2001 à 34 % en 2006. Dans les principales grandes cultures d’hiver, le non labour est pratiqué sur une surface équivalente à celle qui est labourée. Il existe une grande disparité dans la mise en œuvre de cette technique, en ce qui concerne : --Les fréquences et les techniques. Cette technique est rarement exclusive. Seulement 11% des surfaces ont en effet été cultivées sans labour en continu durant ces 5 dernières années. Sous la dénomination du non-labour existent plusieurs techniques : techniques culturales simplifiées, semis direct, travail du sol localisé (strip-till, décompactage…).--Les cultures concernées. L’absence de labour est plus fréquente en colza et blé tendre (respectivement 47 et 44 % en 2006) qu’en tournesol, maïs grain, betterave industrielle ou pois protéagineux (25, 16, 15 et 13%) Un mauvais enracinement est en effet plus à craindre en cultures d’été. --Les exploitations françaises. Les exploitations agricoles de grandes tailles ont plus recours au non-labour que les petites structures, pour des raisons de manque de main d’œuvre par unité de surface. --Les motivations des agriculteurs. Des enquêtes montrent que la principale motivation des agriculteurs pour abandonner le labour est le gain de temps. L’économie (charges de mécanisation et de carburant) et l’agronomie (les sols lourds sont peu adaptés au labour) arrivent en deuxième position dans les préoccupations des agriculteurs. La réduction de la battance et de l’érosion, ainsi que l’augmentation de l’activité biologique et du taux de matière organique sont citées en troisième position.-La simplification du travail du sol peut présenter des risques s’il n’y a pas une adaptation intégrée de l’itinéraire technique des cultures et des systèmes de culture : problèmes d’enracinement, résidus de culture laissés à la surface du sol qui peuvent favoriser les ravageurs et la production d’inoculum primaire pour différentes maladies et, par ailleurs, conduire à une mauvaise levée et limiter l’efficacité des herbicides à action racinaire, difficultés de désherbage des graminées adventices et des vivaces, diminution de la fourniture en azote du sol. -L’objectif du projet CASDAR 2008 REDUSOL (2009-2011) était de contribuer à la mutation des pratiques agricoles par la maîtrise de la réduction du travail du sol pour améliorer la durabilité des systèmes de culture en France. Les partenaires associés étaient les suivants : CETIOM, la coopérative Vivescia, les Chambres d’agriculture de Lorraine, Arvalis-Institut du Végétal, l’INRA et le RMT «Systèmes de culture innovants». Pour évaluer et pérenniser les techniques de travail réduit du sol (TCS : Techniques Culturales Simplifiées) dans les systèmes de culture.Le projet a reposé sur deux approches : --L’étude de l’existant, pour évaluer les performances de systèmes de culture en travail réduit du sol, chez des agriculteurs le pratiquant depuis au moins 5 ans. Cela afin d’identifier les solutions agronomiques mise en œuvre par les agriculteurs pour pallier l’absence de travail du sol et les effets collatéraux afin de pérenniser ces TCS.--la mise en place d’expérimentations avec les partenaires pour tester : des solutions techniques d’amélioration des TCS pendant 2 à 3 ans, des prototypes de systèmes de culture en TCS conçus et implantés pour évaluer sur le long terme la pertinence et la durabilité des TCS (2ème projet –PHYTO-SOL et ECOPHYTO-EXPE- piloté par le CETIOM) jusqu’en 2016.

>Techniques culturales simplifiées chez les agriculteurs.o-Définition des TCS. Les itinéraires techniques sans labour recouvrent une grande diversité de pratiques de travail du sol ayant comme seul point commun l’absence de retournement du sol associé au passage de la charrue. Les auteurs ont classé les techniques

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culturales sans labour (TCSL) selon l’opération la plus profonde qu’elles font intervenir. On distingue ainsi :--le travail superficiel avec travail profond sans retournement : l’opération de travail profond consiste généralement en un décompactage ou plus rarement en une opération de pseudo-labour réalisée avec un chisel travaillant entre 20 et 30 cm.--le travail superficiel : il ne fait intervenir que des opérations réalisées à moins de 15 cm de profondeur destinées au déchaumage, aux faux semis ou à la préparation du lit de semences.--le semis direct : l’implantation des cultures se fait sans travail du sol préalable. Les semences sont positionnées sous terre par des semoirs spéciaux à disques ou à dents qui travaillent le sol uniquement sur la ligne de semis et à une faible profondeur (2 à 10 cm). Plus rarement, le semis direct est réalisé à la volée.Certaines techniques souvent combinées au semis permettent un travail du sol par bandes de 10 à 15 de large (strip-till) et à une profondeur variable.o-La méthode a consisté en une enquête qui a été réalisée en 2010 auprès de 19 exploitants agricoles, sur 32 systèmes de cultures, soit environ 160 parcelles (rotations minimales de 5 ans). L’objectif était : d’évaluer les performances de ces techniques en travail réduit du sol sur les composantes économiques, environnementales et sociales de la durabilité, d’identifier les solutions agronomiques complémentaires conçues par les agriculteurs pratiquant ces techniques. Le public d’agriculteurs échantillonnés pour l’enquête a été choisi au sein de deux réseaux d’échange sur les techniques sans labour : BASE (Bretagne Agriculture Sol et Environnement) et le Club « Techniques de conservation des sols de Vivescia ».o-Résultats et conclusions de l’enquête.Les résultats de l’évaluation sont présentés en différenciant trois types de travail du sol : travail superficiel complété par un travail profond (noté « travail profond »), travail superficiel et semis direct (SD).En conclusion de cette enquête, les systèmes en semis direct sont, de manière générale, plus performants que les systèmes en travail profond et superficiel en ce qui concerne le temps de travail, le nombre de passages total, la consommation de carburant et les charges de mécanisation. On note toutefois une incertitude marquée sur le rendement qui révèle une part de risque plus grande prise dans ces systèmes de culture, et qui s’en ressent sur la marge brute. La mise en œuvre du semis direct a un impact positif sur la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, notamment en comparaison des systèmes travail du sol en grandes cultures. Le semis direct constitue donc une voie intéressante pour améliorer le rendement énergétique en grandes cultures. Le recours aux herbicides totaux est néanmoins assez élevé. Rapportée au temps de travail annuel, ou encore à la consommation d’énergie globale, la pratique du décompactage n’apparaît pas particulièrement pénalisante. De manière générale, le travail superficiel se démarque peu du travail profond. Il faut néanmoins signaler que le passage du décompacteur est rarement systématique, ce qui limite l’impact de cette technique. Son utilisation précède surtout l’implantation de certaines cultures jugées sensibles au tassement comme le maïs ou le colza. Enfin, le type de sol s’est finalement révélé peu discriminant. Mais il faut noter que moins un sol est travaillé (en profondeur notamment), moins l’effet du type de sol sera perceptible sur un certain nombre de points jugés a priori sensibles comme la consommation de carburant ou d’énergie. Ainsi, les sols argileux pourtant réputés lourds et difficiles à travailler ne sont pas plus pénalisants. A l’inverse, le type de rotation pratiqué s’avère prépondérant, tant sur le plan socio-économique qu’agro-environnemental.

>Comment améliorer les techniques culturales simplifiées ?o-Faisabilité des expérimentations en parcelles d’agriculteurs-La Chambre Régionale d’Agriculture de Lorraine a mené des expérimentations en grandes parcelles chez des agriculteurs pour comparer des systèmes de culture en travail du sol conventionnels pour la région (labour ou TCS) par rapport au semis direct sous couvert (SDSC), afin de tester la faisabilité opérationnelle de cette technique pour différentes cultures. La comparaison a porté sur : Système labour + déchaumage avec ou sans interculture , (62 situations) ; Système sans labour + déchaumage et semoir avec ou sans interculture ; Semis direct avec interculture, (80 situations pour ces non-labour). Cette comparaison a permis de faire une évaluation technique, économique et environnementale des pratiques agricoles et permet aujourd’hui de tester les adaptations nécessaires des techniques innovantes de semis direct sous couvert (SDSC) pour ne pas pénaliser les cultures et limiter l’usage de produits phytosanitaires, et plus particulièrement d’herbicides plus fréquemment employés dans cette technique. En complément des suivis classiques annuels sur cultures, des profils racinaires, des analyses de sols, des comptages de lombrics et des piégeages de carabes ont permis de faire un bilan de l’évolution des sols sous les différentes techniques et d’évaluer l’impact sur la biodiversité. Une enquête auprès d’agriculteurs du réseau a également permis de capter l’impact social et les freins et motivations liées à la technique du semis direct sous couvert (SDSC).-Résultats. --Selon les résultats on constate que dans les sols hydromorphes ainsi que pour la culture du colza, la technique montre clairement ses limites, la baisse de la productivité n’est pas compensée par la diminution des dépenses opérationnelles et fixes. Dans ces situations où le labour reste la technique la plus pratiquée, les pertes de rendement du semis direct sous couvert par rapport au labour sont évaluées en moyenne entre 10 et 20% suivant les cultures, pouvant atteindre dans certaines situations d’argiles lourdes jusqu’à 45%. La culture ressortant dans les essais comme la plus sensible à la technique est le colza. Les producteurs citent également très couramment l’orge d’hiver comme peu adaptée au SDSC. Dans les situations où les pailles sont exportées, le comportement des cultures est bien meilleur car les pailles

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causent souvent des problèmes de limaces et de souris. Pour les autres cultures, notamment le blé, les résultats technico-économiques sont encourageants et le semis direct sous couvert atteint les mêmes niveaux de résultats que les conduites classiques--Des résultats économiques répondant aux attentes. Une analyse économique sur l’ensemble des situations expérimentées a permis de compléter les résultats techniques évoqués ci-dessus. Trois scénarii de prix des graines (bas, moyens, élevés) ont été utilisés pour le calcul des marges, alors que le calcul des charges est basé sur les coûts réels des intrants pour les charges opérationnelles et sur le barème d’Entraide pour les charges de mécanisation. En moyenne, les charges opérationnelles sont très proches quel que soit le système (légère augmentation glyphosate et azote en semis direct sous couvert (SDSC). Mais, malgré des marges brutes globalement inférieures (rendement légèrement affecté et charges opérationnelles plus élevées), les très importantes économies de mécanisation et de main d’œuvre procurent des marges nettes similaires au labour ou au TCS dans la majorité des situations.--Un bilan azoté à optimiser. Le sol se comportant différemment en système de semis direct sous couvert, la gestion de la fertilisation doit évoluer afin d’optimiser le bilan azoté. Les résultats du réseau mettent en évidence des reliquats sortie hiver plus importants en SDSC, mais aussi une minéralisation plus tardive.--Un outil pour la gestion des adventices à améliorer par la prise en compte de la rotation. Le non travail du sol affecte aussi le comportement des adventices. Si en théorie, celui-ci doit limiter la levée des mauvaises herbes par des conditions défavorables à la germination des graines, les résultats des essais mettent en évidence une pression des adventices différente selon le système (au niveau des espèces et/ou groupes d’espèces), et pas toujours à l’avantage du SDSC. Ainsi, durant les premières années des essais, les Indices de fréquence de traitement (IFT) augmentent en semis direct sous couvert : en moyenne, l’IFT herbicide des systèmes en SDSC est supérieur de 0.5 par rapport au labour et de 0.2 par rapport aux TCS. Cette augmentation est essentiellement due à l’utilisation de glyphosate (destruction des couverts et nécessité de semer sur sol propre). A l’inverse, les herbicides utilisés lors du cycle de végétation sont comparables aux techniques classiques. L’utilisation du SDSC peut être un outil supplémentaire pour la gestion des adventices à condition également de modifier les rotations et d’intégrer de nouvelles cultures. C’est le point de vue partagé par les agriculteurs du réseau, enquêtés en juin 2010, qui sont prêts à faire évoluer leurs rotations.--Moins de problèmes de limaces ? Si les premières années, la pression ravageurs, et notamment des limaces, s’est fortement fait sentir dans les systèmes sans travail du sol, la campagne 2009 a montré une réduction de l’utilisation d’anti-limaces sur la plupart des sites en semis direct : effet année ou régulation par les carabes ? Comme le laissent supposer les résultats des piégeages carabes réalisés dans le réseau en 2010, en semis direct sous couvert, les populations sont plus conséquentes qu’en agriculture classique. Ce type de résultats est à confirmer par des travaux complémentaires pour limiter l’utilisation des molluscicides.--De nouvelles solutions sont à expérimenter. Les techniques de l’agriculture de conservation sont en mouvement. Pour répondre au problème de structure des sols et des résultats insatisfaisants sur colza, de nouveaux outils voient le jour : le strip-till, la localisation du trafic, la permaculture… Leur pertinence vis-à-vis des objectifs techniques et environnementaux mérite d’être évaluée.o-Adaptation des itinéraires techniques en travail réduit du sol.-En vue d’améliorer l’implantation des cultures en travail réduit du sol, différents points de l’itinéraire technique ont été étudiés. Les expérimentations ont été réparties entre les partenaires du projet : comparaison des comportements variétaux, couverts associés en semis direct, technique d’ameublissement en strip-till, fertilisation N, P, K, gestion des résidus en TCS vis-à-vis du phoma et du tournesol, transfert des produits phytosanitaires.--Existe-il des variétés plus ou moins adaptées en semis direct en blé et colza ? On constate que le Semis Direct a pour effet de retarder de quelques jours la croissance de printemps du colza et du blé. Mais en colza certaines variétés sont pénalisées, une solution est proposée. La hauteur de végétation est aussi un peu réduite, diminuant certainement un peu le risque de verse (essais Vivescia en Champagne-Ardenne).--Les couverts associés en colza améliorent-ils l’implantation en semis direct ? On peut conclure que cette technique innovante aujourd’hui permet au colza d’être plus régulier face aux aléas climatiques : le rendement d’un colza associé (lentille, gesse, vesce, fenugrec, féverole, pois fourrager…) semble plus stable malgré des conditions climatiques très variées rencontrées dans les essais (sécheresse du printemps 2011, sécheresse de l’automne 2009). Cette technique innovante permet aussi au colza de maintenir son potentiel avec des charges opérationnelles réduites. Ces essais menés dans deux régions françaises (Champagne-Ardenne avec Vivescia et Berry avec CETIOM) ouvrent des pistes intéressantes sur l’accompagnement du semis direct en colza par des plantes associées à l’automne mais demandent à être confortées dans d’autres contextes pédo-climatiques.--Les techniques d’ameublissement (décompactage) et le strip-till améliorent-elles l’implantation en TCS ? En Champagne-Ardenne (Vivescia), les conclusions montrent qu’une intervention mécanique d’ameublissement déclenchée sur un diagnostic de zone d’imperméabilité ou de compaction permet de retrouver un potentiel de rendement normal pour la parcelle. L’état structural favorable n’est pas stable dans le temps, cette opération doit être renouvelée plusieurs fois (après trois ans d’essai, le nombre n’est pas encore déterminé). Sur le plan économique, l’ameublissement coûte 50 euros/ha au premier passage, puis 30 euros au bout de trois ans. Le besoin de puissance diminue, signe de l’évolution de la structure du sol. L’ajout d’un couvert comme le radis permet de retarder la fermeture des fissures par un double effet : colonisation par les racines et dessèchement du sol. Il faudra cependant encore plusieurs années de travaux sur

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ces essais pour répondre aux questions sur la fréquence d’ameublissement et sur le couplage d’un couvert associé à cette technique d’ameublissement. Ces essais sur la technique du strip-till ont permis d’acquérir les premières références sur les performances techniques (enracinement, pression adventices, rendement) de cette nouvelle technique qui, en région Lorraine (Chambre d’agriculture), pourra être utilisée sur maïs et colza, mais également tournesol. Les résultats ont montré un effet favorable de cette technique de travail du sol sur le développement du pivot et l’absorption d’azote à l’automne du colza.--Comment faut-il ajuster la fertilisation en TCS : fractionnement, positionnement et pertes ? Un essai sur l’adaptation du fractionnement de la fertilisation azotée du blé tendre au semis direct sous couvert a été mis en place par la Chambre de Moselle durant trois ans. Les résultats montrent que dans cette situation, en sol profond limoneux, l’adaptation de la fertilisation azotée du blé en semis direct sous couvert passe par une adaptation de la dose et du fractionnement. Il y a un coefficient apparent d’utilisation (CAU) de l’azote en SDSC légèrement inférieur à celui mesuré en labour mais proche de celui mesuré en TCS. Il en résulte une modification de la stratégie de gestion de l’azote. En ce qui concerne le fractionnement, la meilleure stratégie a consisté à moduler en deux apports précoces ou trois apports la dose optimale d’azote. Dans le cadre d’un site instrumenté à Ludelange avec des bougies poreuses, les premiers résultats sur les nitrates sont prometteurs pour les techniques culturales simplifiées : les pertes de nitrates sont réduites 5 années sur 6 pour le système en semis direct avec couverts d’interculture par rapport à un labour. Concernant les essais menés sur la fertilisation localisée phosphatée sur blé, en 2008/09 on n’observe pas de différence de rendement quelles que soient les modalités de fertilisation localisée de phosphore au semis. Sur colza en 2009/10, les conclusions sur le rendement sont identiques au blé.--Faut-il gérer les résidus de culture laissés en surface par les TCS pour réduire la pression maladie (Phoma) en Tournesol ? Trois réseaux de parcelles ont été suivis en 2010 dans la région Midi-Pyrénées : réseau « Phoma » CETIOM, CRA Midi-Pyrénées « non labour », 2 parcelles INRA. Des enquêtes ont été menées auprès des agriculteurs sur leurs pratiques et observations en culture. Les résultats montrent qu’il n’existe pas de différence significative dans la production d’inoculum de phoma sur ces résidus quel que soit le mode d’implantation de la culture suivante (travail superficiel ou semis direct) : la pression maladie est la même pour les tournesols implantés l’année suivante à proximité de ces parcelles. Cependant, ces résultats sont à conforter par une deuxième année d’étude avant de permettre de construire un modèle de prédiction d’épidémie. Cette étude a néanmoins permis de mettre au point une méthode opérationnelle de quantification du nombre de périthèces de phoma du tournesol (Phoma macdonaldii (Leptosphaeria lindquistii)) par unité de surface de résidus grâce à une estimation visuelle de la surface de résidus porteuse de périthèces.--A-t-on des comportements de transferts de pesticides en différents TCS ? Une expérimentation sur l’impact de la technique de travail du sol sur la qualité de l’eau a été conduite pendant six ans sur un site expérimental muni d’un dispositif de bougies poreuses en Lorraine par la Chambre régionale d’agriculture de Lorraine. Sur ce site, les transferts de produits phytosanitaires et d’azote étaient évalués sous deux conduites de travail du sol (semis direct sous couvert et labour) à l’aide de ce dispositif. En complément, deux autres sites régionaux équipés de bougies poreuses ont également été réorientés vers la thématique réduction de travail du sol sur colza (comparaison labour / TCS) et orge d’hiver (comparaison avec ou sans décompacteur) en 2010/11. Les résultats montrent que pour les transferts d’herbicides, les conclusions sont variables selon le type de molécule et le type de sol. En 2008/09 à Ludelange, le bromoxynil provenant d’une application de First 0.4L/ha le 20 octobre 2008 se retrouve dans les eaux à partir du 6 février sous labour et seulement à partir du 28 mars sous semis-direct et à une concentration deux fois inférieure au labour. A l’inverse, pour une application de glyphosate à 720 g/ha le 18 septembre 2009 à Rollainville avant orge d’hiver, on n’observe aucune différence de concentration au cours des différents prélèvements de l’automne et de l’hiver entre le semis-direct, le labour ou autres TCS. Enfin, sur ce même site l’année suivante, les concentrations de propyzamid liées à l’application de Kerb Flo 1.8l/ha le 10 novembre sont relativement élevées en techniques simplifiées et nulles sous labour. Si, au final, l’évaluation du comportement des nitrates dans l’eau est aisément mesurable et nous permet de mettre en évidence l’intérêt du non travail du sol et de la couverture permanente pour limiter leurs pertes en sol limoneux profond, les conclusions sont bien différentes pour les molécules herbicides. Le travail du sol rentre en compte, mais avec des effets différents et contradictoires liés aux autres facteurs impactant le transfert, comme les caractéristiques intrinsèques des molécules, le type de sol, la période d’application, la dose et le climat. Autant de facteurs plus ou moins difficiles à maîtriser pour limiter les pollutions diffuses de produits (Chambre régionale d’Agriculture de Lorraine).o-Tester de nouveaux systèmes de culture en TCS.Pour poursuivre l’évaluation des techniques culturales simplifiées et de leurs impacts à une autre échelle que l’itinéraire technique des cultures, le projet a conçu et expérimenté des systèmes de culture en TCS pour évaluer les performances de ces techniques à plus long terme. Les partenaires CETIOM et Arvalis-Institut du végétal ont ainsi conçu par expertise et modélisation puis implanté quatre essais pluriannuels répartis sur trois régions : Midi-Pyrénées, Centre et Nord-Pas de Calais. L’objectif de ces dispositifs expérimentaux était de mettre au point des systèmes de culture en travail réduit du sol et d’évaluer sur le long terme d’une part leur faisabilité et d’autre part leurs performances. Compte tenu de la durée du projet (3 ans) et du temps nécessaire à sa conception et mise en place, les résultats ne sont actuellement que partiel. Les aspects évalués sont les suivants : la gestion comparée de l’enherbement en système de culture en labour et TCS, la pérennisation des TCS dans différents contextes pédo-climatiques. Les premiers résultats ont dégagé quelques aspects positifs et les essais se poursuivent jusqu’en 2016 dans le cadre d’un projet financé par l’ONEMA pour l’appel d’offre

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ECOPHYTO EXPE – 2012 sous le nom de « PHYTO-SOL».

>En conclusion de l’étude. (reproduite ci-après).« Les activités menées dans ce projet ont été complémentaires. Elles ont permis de faire un état des lieux de l’existant chez les agriculteurs et d’évaluer ces techniques en expérimentations à l’échelle de la culture et de la rotation. Si les travaux à l’échelle de l’itinéraire technique ont dégagé des modes opératoires opérationnels et performants, les essais rotationnels sont encore en cours pour évaluer à plus long terme les performances et la pérennité des techniques culturales simplifiées. Au-delà des articles cités, ce projet a aussi mis l’accent sur le transfert et la communication en direct des acquis techniques auprès des agriculteurs, conseillers et étudiants avec plus de 120 interventions en salle ou au champ, soit plus de 6 200 personnes sensibilisées sur le sujet des TCS en 3 ans. »Source : Landé N. Et al, 2013. Performances, solutions technique et conception de systèmes de culture pour accompagner le développement de techniques culturales simplifiées », Innovations Agronomiques, volume 30, septembre 2013, 22p. http://www6.inra.fr/ciag/Revue/Volume30-Septembre-2013 cliquer sur article Landé

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Alimentation

Le froid dans la chaîne alimentaire et le potentiel de procédés alternatifs. Le froid conserve nos aliments et les préserve d’une évolution rapide et non maîtrisée permettant ainsi l’alimentation des populations en évitant des pertes et des gaspillages. L’Académie d’Agriculture de France a consacré sa séance du 2 octobre 2013 au « Froid et développement durable ». Dans ce cadre ont été présentés : les usages du froid comme technologie alimentaire pouvant en plus de la conservation conférer par divers mécanismes des propriétés particulières aux aliments et les mécanismes alternatifs à l’usage du froid visant ses champs de propriétés qui sont assez nombreux. Mais le froid consomme de l’énergie et s’appuie sur l’utilisation de fluides frigorigènes dont certains impactent l’environnement. Le froid reste cependant indispensable et il existe un potentiel d’amélioration des équipements actuels et différents systèmes de production à l’étude.

>L’importance du froid dans notre société.Le froid permet un approvisionnement de populations de plus en plus concentrées dans les mégapoles en aliments variés et sûr et il est inconcevable d’imaginer une alimentation sans avoir recours au froid. Il est admis qu’en permettant une forte réduction des pertes alimentaires, qui sont estimées par l’Institut International du Froid) à 30% de la production alimentaire mondiale faute d’une application précoce du froid. Le paradigme « froid et alimentation » se trouve aussi confronté à la notion de durabilité. (J. Leteinturier).Le froid a une dimension économique, sociétale et environnementale. En France l’agroalimentaire c’est 13 500 entreprises (98% de PME), 415 000 salariés, 161 G€ de chiffre d’affaires et… 65 millions de consommateurs. Ce sont 24 millions de tonnes de produits qui sont traités par le froid. Dans les pays développés 60% du bol alimentaire nécessite l’application du froid : 530 kg/habitant an d’aliments solides, y compris 308 kg d’aliments réfrigérés et 42 kg d’aliments congelés. (on compte 1 réfrigérateur domestique pour 6 habitants dans le monde).Le froid en France utilise 7,5% de la consommation électrique nationale (478TWh) dont 3% (13,4 TWh) pour les applications alimentaires (froid commercial, entreposage, industrie). Ce sont 10 000 entreprises qui disposent de leur attestation de capacité. (J. Guilpart).

>Le froid comme technologie alimentaire et les alternatives à la chaîne du froid. (Gilles Trystram Professeur et Directeur général d’AgroParisTech)-L’usage du froid comme technologie alimentaire a été un virage essentiel notamment en conservation des aliments. Ces technologies ont autorisé une consommation différée, sûre, pour de nombreux aliments. Des considérations nouvelles (impact environnemental, coût, bilan carbone…) entrainent cependant un nouvel intérêt pour revisiter les itinéraires technologiques et donnent un regard refondé sur des technologies, souvent anciennes, parfois innovantes, qui composent des alternatives à l’usage du froid.-Transformer une matière première en aliment, c’est conférer des propriétés, les conserver en permettant une consommation sûre, retardée ou non. Ainsi, on peut classer les technologies concernées selon les propriétés attendues ou selon les mécanismes mis en jeu dans les processus qui impliquent ou se substituent à l’usage du froid. Ces mécanismes physique, chimique, biologique fonctionnent aussi via leurs combinaisons raisonnées. Les propriétés qui sont affectées par les technologies mettant en œuvre le froid relèvent de plusieurs champs : .effet de mécanismes, de réactions, notamment de dénaturation ou d’altération, d’oxydation (ralentie à basses températures mais non annulées). .effet de flores bactériennes, champignons, qui rendent impropres à la consommation de nombreux produits (toxicité, altération organoleptique, effet pathogène).

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.capacité à conférer des propriétés spécifiques. Le froid est alors un acteur technologique et non plus un acteur de préservation. Le refroidissement reste l’opération unitaire la plus utilisée en industrie Alimentaire (mais pas la plus étudiée), avec des effets clairement identifiés pour quelques propriétés d’ordre physique (effet de la transition vitreuse par exemple sur la croustillance ou le collant), d’ordre thermique avec par exemple la structuration des matières grasses et leurs propriétés physiques ainsi différenciées, mais aussi des effets encore mal connus à fort potentiel.-Quels sont les mécanismes alternatifs à l’usage du froid visant le champ de ses propriétés ? Ils sont assez nombreux et classés par l’auteur de la manière suivante : --La préservation biologique qui, en mettant en œuvre des flores biologiques antagonistes de flores d’altération ou de pathogènes, induit des capacités de conservation très significatives (viande, fromage). Les produits fermentés ont également ces propriétés (intérêt de fermentations lactiques pour les végétaux par exemple). --La préservation par inhibition ou destruction des flores ou enzymes est largement connue pour les effets de pasteurisation ou de stérilisation. A côté des technologies thermiques mises en œuvre à toutes échelles (depuis Nicolas Appert), des mécanismes nouveaux sont proposés avec des champs variés d’applications : les hautes pressions en continu ou en discontinu qui induisent des effets pasteurisant ou stérilisant (sans atteindre les spores), les champs électriques pulsés, qui malgré les nombreuses études ne s’appliquent finalement que peu, la lumière ou les champs magnétiques pulsés qui dans quelques cas ont trouvé des champs d’applications à potentiel. Ces voies ne sont pas satisfaisantes seules et la combinaison raisonnée de ces mécanismes est essentielle, mais nécessite de nombreuses recherches notamment par modélisation et simulation. --La préservation en emballage, notamment sous atmosphère ou matériaux adaptés est une voie efficace, déjà largement implantée dans l’industrie. --La maitrise et la mise en œuvre de mécanisme thermodynamique est l’une des voies ayant récemment largement progressée. Les opérations de formulation directe, notamment, en permettant de faire pénétrer ou d’extraire des composés de l’aliment induisent des propriétés essentielles, sans effet thermique (ou faible). On peut en particulier considérer : les mécanismes dépresseurs de l’activité de l’eau, la protection par modification de l’environnement chimique, réduction de mécanismes réactionnels (chimique ou biologique) ; la déshydratation osmotique ; déshydratation imprégnation par immersion… sont des opérations empiriquement utilisées dans de nombreux pays, notamment du Sud, ayant un fort potentiel comme alternative aux technologies à basses températures, où en combinaison avec elles dans quelques cas. Il faut noter que ces mécanismes d’action n’agissent pas de manière équivalente selon la structure du produit concerné (liquide, semi liquide, gel, pulvérulent, solide, assemblage composite, émulsion...). Cette spécificité des modes d’action est sans doute un point d’attention et une voie de progression dans les connaissances à explorer. La palette des connaissances est importante et de nombreux mécanismes sont utilisables. La réingénierie de procédés et des produits ne peut cependant être mise en œuvre que si d’une part au plan économique ou si des considérations de durabilité prennent le pas sur les visions actuelles. Mais aussi, si les outils dédiés aux questions d’ingénierie sont établis sur la base des connaissances disponibles. Ce dernier point n’est pas acquit, en particulier pour les outils de simulation d’une part et de contrôle d’autre part. La combinaison d’effets et de mécanismes d’action reste très certainement la voie à privilégier dans la maitrise conjointe de plusieurs propriétés, qui en se combinant fournissent l’aliment attendu tant au plan gustatif, de sécurité sanitaire que nutritionnel ou en termes d’impact écologique. --Il existe une voie ou l’usage du froid doit se considérer aussi comme un des éléments de la combinaison technologique. Des réactions étant ralentie aux basses températures, par exemple il peut être utile de savoir faire fonctionner une faible chaine du froid avec d’autres mécanismes d’action. Le potentiel des basses températures en termes de transformation reste à explorer et un certain nombre de produits existent, utilisant une étape à ces températures dans leurs procédés d’obtention, sans qu’on sache aujourd’hui expliquer le pourquoi des résultats obtenus.En résumé les alternatives pour la chaîne du froid les plus connues actuellement sont : Pour la conservation, le séchage (déshydratation), la fumaison, la fermentation, le confisage, le contrôle d’atmosphère ; pour la préservation de la sécurité sanitaire l’apertisation, les hautes pressions, les champs électriques pulsés, la lumière pulsée, les champs magnétiques pulsés.

>Techniques et technologies pour le froid de demain (D. Leducq).-Le fluide frigorigène est souvent a priori considéré à tort comme la source d’impact majeure des machines frigorifiques sur l’environnement. Les principaux fluides frigorigènes utilisés actuellement dans les installations sont en effet des gaz à fort effet de serre : 1 kg de R404A, un des fluides actuellement très utilisés en réfrigération et congélation alimentaire, a le même impact sur l’effet de serre que plus de 3,9 tonnes de gaz carbonique s’il est relâché dans l’atmosphère. Il y a cependant des possibilités d’optimisation des installations existantes et des circuits, notamment pour réduire la consommation d’énergie.-L’avenir du froid passe donc probablement par la réduction de la quantité de fluides utilisée, ou à plus longue échéance le remplacement de ces fluides, mais aussi par le développement de techniques de réfrigération sans fluide. Parmi celles-ci, on pense par exemple au froid magnétique, objet d’un gros effort de recherche actuellement. D’autres modes de production du froid, tels que le froid thermo acoustique, le froid thermo-électrique sont possibles, mais les faibles performances actuelles limitent leur potentiel d’applications. L’utilisation de l’air comme fluide a un rendement beaucoup trop faible. Le système adsorption/diffusion avec le chauffage du mélange eau ammoniac comme fluide est silencieux et fiable, mais il n’est intéressant qu’en l’absence de possibilité d’alimentation électrique car il faut une source de chaleur.

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Le froid est donc un procédé consommateur d’énergie. Cette énergie peut être électrique, thermique ou toute autre source d’énergie motrice (combustion par exemple). L’avenir du froid et son impact futur sur l’environnement est donc lié aux sources d’énergie, comme toute activité humaine consommant de l’énergie. Des sources d’énergie alternatives sont possibles : la possibilité d’utiliser l’énergie solaire est certainement la plus étudiée actuellement. Celle-ci peut en effet être utilisée de plusieurs manières, transformation en énergie électrique ou en énergie thermique.Source : Académie d’Agriculture de France, séance du 2 octobre 2013 « Froid et développement : Quelles perspectives pour demain ? » http://www.academie-agriculture.fr/detail-seance_335.htmlLiens avec J. Leteinturier « Introduction » ; G. Trystram « Froid et alimentation : quelles applications et quelles alternatives » ; D. Leducq « Quelles techniques et technologies pour le froid de demain » ; J. Guilpart « Conclusion ».

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Environnement

Espèces envahissantes et protection de la biodiversité : l’Union européenne lance une nouvelle action. On dénombre actuellement plus de 120 000 espèces qui sont présentes en Europe alors qu’elles n’appartiennent pas à son environnement naturel, dont 15% environ sont envahissantes avec un nombre qui ne cesse de croître. La Commission européenne (CE) a présenté, le 9 septembre 2013, une nouvelle proposition législative, à soumettre au Parlement européen et au Conseil, visant à prévenir et à gérer le danger toujours plus grand que représentent les espèces exotiques envahissantes et à réagir face aux problèmes préoccupants qu’elles causent sur les plans économique, écologique et stratégique. Une liste de ces espèces sera établie et trois types d’interventions sont prévus : prévention, alerte précoce et réaction rapide, gestion.

>Les problèmes causés par les espèces exotiques envahissantes.-Problèmes économiques. On estime qu’elles occasionnent chaque année en Europe des dommages estimés à au moins 12 milliards d’euros. Il s’agit des risques pour la santé publique (exemples du frelon asiatique, du moustique tigre dont les effets peuvent être mortels), des dommages aux infrastructures (exemple des dégâts causés aux immeubles au Japon par la renouée), des pertes de récolte dans le secteur agricole (exemple du ragondin qui s’attaque aux cultures).-Problèmes écologiques. Les espèces exotiques envahissantes peuvent nuire gravement aux écosystèmes, avec des conséquences comme l’extinction d’espèces nécessaires pour maintenir l’équilibre de notre environnement nature (exemples du merisier d’Amérique qui perturbe les écosystèmes forestiers et des écureuils gris qui concurrencent leurs congénères roux). Les espèces exotiques envahissantes sont la deuxième cause de perte de biodiversité dans le monde après la destruction des habitats.-Problèmes stratégiques. De nombreux Etats membres se voient déjà obligés de consacrer des ressources considérables à la lutte contre ce fléau, mais pour être efficaces les mesures doivent dépasser le niveau national et être coordonnées.. Le succès de la lutte contre une espèce dans un pays peut être rendu vain par le retour de cette dernière à partir des pays voisins. Il s’agit donc, par une législation et des actions appropriées et concertées, de concentrer les efforts dans l’ensemble de l’Europe sur les menaces les plus graves, afin de renforcer l’efficacité des mesures nationales et d’obtenir des résultats de la façon la plus économiquement rationnelle.

>La proposition de la Commission européenne et les interventions prévues.-La proposition s’articule autour d’une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union, qui sera établie en concertation avec les Etats membres sur la base d’évaluation des risques et de preuves scientifiques. Les espèces désignées seront interdites dans l’UE. Il ne sera donc pas possible de les importer, les acheter, les utiliser, les libérer dans l’environnement ou les vendre. Des mesures particulières seront prises pour répondre aux difficultés rencontrées par les négociants, les éleveurs ou les propriétaires d’animaux de compagnie au cours d’une période de transition prévue.-Les 3 types d’interventions prévues dans la proposition :--Prévention. Les Etats membres organiseront des contrôles pour éviter l’introduction intentionnelle d’espèces préoccupantes. Mais de nombreuses espèces entrent dans l’UE de manière non intentionnelle, accrochées aux marchandises qu’elles contaminent ou prisonnières de conteneurs. Les Etats membres seront tenus d’agir pour détecter ces voies de pénétration et d’adopter des mesures correctives.--Alerte précoce et réaction rapide. Tout Etat membre qui constate qu’en espèce préoccupante pour l’UE est en train de s’installer prendra immédiatement des mesures d’éradication.--Gestion des espèces exotiques préoccupantes déjà installées. Si une espèce préoccupante pour l’UE est déjà largement répandue, les Etats membres devront mettre en place des mesures visant à réduire au minimum les dommages qu’elle occasionne.Cette proposition vise à encourager une réorientation en faveur d’une approche mieux harmonisée et plus axée sur la prévention, pour renforcée l’efficacité des actions et de réduire sur le long terme à la fois les coûts liés aux dommages et ceux résultant des interventions.

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>La proposition va être examinée par le Conseil et le Parlement européen. Les Etats membres seront pleinement associés à l’élaboration de la liste et peuvent proposer d’y inclure des espèces. Le régime sera assorti d’un mécanisme d’aide à l’information : le réseau européen d’information sur les espèces exotiques (EASIN = European Alien Species Information Network, http://easin.jrc.ec.europa.eu/Source : EUROPA Commission européenne, « Environnement : l’UE lance une nouvelle action visant à protéger la biodiversité contre le problème des espèces envahissantes ». Communiqué de presse, Commission Européenne IP/13/818 09/09/2013. http://europé.eu/rapid/presse-release_IP-16-818_fr.htm?locale=FR

Agribalyse : un Inventaire de Cycle de Vie (ICV) des principaux produits agricoles français.Lors du colloque de restitution des travaux du programme Agribalyse (2009-2013), organisé par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) le 1er octobre 2013, les résultats de l’inventaire du cycle de vie, destiné à mettre en place une base de données homogène et transparente pour les produits agricoles, fruits d’un travail collégial, ont été présentés. Ce travail s’insère dans la stratégie de l’ADEME de soutien à l’évaluation environnementale des filières et des produits. En tenant compte des déclinaisons (systèmes de productions spécifiques), la base de données contient 57 ICV de productions végétales (25 groupes de produits) et 80 ICV de productions animales (14 groupes de produits). L’objectif est de fournir des informations sur les impacts environnementaux (pollution et consommation de ressource) émanant de la production agricole. Mais Agribalyse est appelé à évoluer en une version 2 afin, d’une part d’intégrer des impacts supplémentaires (biodiversité, eau, changement d’affection des sols…) et d’autre part les données des années post 2009.

>Origine de la base Agribalyse et méthodologie.-Entre 2000 et 2010, les méthodes d’évaluation environnementale appliquées aux produits agricoles, dont l’Analyse de Cycle de Vie (ACV), se sont développées. Dans cette même période, plusieurs études ont mis en évidence le manque de comparabilité des données produites et l’absence de références sur certaines productions agricoles françaises. D’autre part, en 2007, dans le cadre du Grenelle environnement, pour soutenir l’affichage environnemental, c’est la méthode ACV qui a été retenue : l’affichage devant inclure l’empreinte gaz à effet de serre (GES) ainsi que d’autres critères pertinents adaptés à chaque produit. Ces différents éléments ont conduit l’ADEME à lancer le programme Agribalyse® (2009-2013), afin de mettre en place une base de données homogène et transparente pour les produits agricoles. Ce travail s’insère dans la stratégie de l’ADEME de soutien à l’évaluation environnementale des filières et des produits.-Il a fallu d’abord construire une méthodologie harmonisée et partagée. Pour les productions végétales, l’ensemble des processus en amont (par exemple fabrication des intrants) et au champ (opérations culturales) sont pris en compte, mais tout ce qui suit la récolte est exclu. Les coproduits, qui résultent souvent de la transformation, n’ont généralement pas eu besoin d’être pris en compte à ce stade.Pour les productions animales, l’ensemble des processus nécessaires au fonctionnement de la salle de l’atelier (bâtiments d’élevage et fabrication des aliments pour l’élevage sur la ferme, fonctionnement de la salle de traite et du tank à lait…) sont inclus, mais les opérations de transformation pour l’alimentation humaine (par exemple transformation en fromage…) sont exclues. Mais, pour les coproduits les allocations d’impacts ont été établies (par exemple pour les vaches laitières, les impacts sont répartis entre le lait, le veau et la vache de réforme).Les émissions directes et indirectes, ainsi que les ressources nécessaires au processus de production (eau, occupation des terres, énergie…) ont été modélisés. La base de données est multicritères afin d’éviter les transferts de pollution. Si certains indicateurs peuvent être considérés comme stabilisés, comme l’énergie ou les émissions de gaz à effet de serre (GES), d’autres nécessitent une amélioration (eau, biodiversité, toxicité…). En cas d’absence de consensus scientifique, les flux ou indicateurs n’ont pas été intégrés (par exemple : flux de carbone dans le bilan de GES des productions). On peut ainsi identifier les postes de production et pratiques responsables des impacts et, le cas échéant, les modifier. Agribalyse se présente sous forme de fiches de synthèses sur les produits identifiants les impacts environnementaux et ramenés en unité de produit, ou des données plus détaillées et exportables vers les logiciels de calcul des cycles de vie (ACV). Un rapport méthodologique est aussi disponible pour les organismes qui souhaitent conduire leur propre calcul ACV en fonction de leurs spécificités. (www.ademe.fr/agribalyse/)

>Origine des données et résultats.-Les phase de compilation, validation et modélisation des données recueillies auprès des filières agricoles et les statistiques disponibles, issues du ministère en charge de l’agriculture, ont été menées sur plus de 3 ans (années 2005-2009). Ce travail a été conduit grâce à un partenariat entre l’ADEME et 14 organismes, instituts technique et recherche. L’ambition d’Agribalyse n’est pas d’évaluer les impacts environnementaux de chaque exploitation agricole, mais bien d’étudier des « cas types » permettant de mettre en évidence les bénéfices, en matière d’environnement, de certains modes de production. La construction d’ICV représentatifs au niveau national s’est basée sur l’agrégation d’ICV unitaires correspondant à différents itinéraires/systèmes de productions/ (conventionnel, bio, appellation d’origine contrôlée…) des principaux produits agricoles français. Il est souvent difficile de construire directement une description agronomique pertinente d’un produit moyen français. Les déclinaisons régionales ou par modes de production et pertinentes au niveau agronomique ont donc été définies, et ont permis de construire un produit moyen France.

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Au final ce sont 137 produits agricoles qui ont été étudiés et contenus dans la base Agribalyse (57 ICV productions végétales et 80 ICV productions animales), organisés par groupe de produits.--25 groupes de produits production végétale :Cultures annuelles : Blé dur, blé tendre, betterave sucrière, carotte, colza, féverole, maïs, orge, pois, pomme de terre, tournesol, triticale Prairies/Fourrages : Herbe, luzerne, maïs ensilageFruits et vigne : Pêche/nectarine, pomme, pomme à cidre, raisin de cuve* Cultures spéciales métropolitaines : Rose, tomate, arbuste Cultures spéciales tropicales : Café, clémentine, riz jasmin--14 groupes de produits production animale.Bovins : Lait de vache*, bovin viande* Ovins : Lait de brebis*, agneau* Caprins : Lait de chèvreVolailles : Œuf, poulet de chair, dinde, canard à rôtir, canard à gaverCuniculture : LapinPisciculture : Truite, bar / doradePorcs : Porcs(* produits intégrés dans la base de données Agribalyse® en janvier 2014).

>Quelle suite ?Selon l’ADEME, ce travail constitue un premier socle de connaissances pour les productions agricoles, mais nécessite une suite, car le niveau de qualité et de fiabilité des données utilisées pour les inventaires n’est pas toujours optimum. Si les pratiques sont bien connus dans le conventionnel, le bio recouvre parfois des réalités moins bien documentées. Les ICV ne prennent pas en compte certains impacts sur la biodiversité, l’eau, le changement d’affectation des sols. Il faudra donc enrichir la méthode et améliorer les points limites identifiés. Agribalyse devra aussi être mis à jour sur la base des données postérieures à 2009 Sources : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie, Agribalyse, Contectexte et enjeux www.ademe.fr/agribalyse/ Groupes de produits et lien avec Présentation de la base de donnéesDelettre A., 201. « Agribalyse, l’inventaire du cycle de vie des productions agricoles disponible », Newsletter Référence Environnement, 7 octobre 2013. http://www.rference-environnement.com/2013/10/07/agribalyse-1%e2%80%99inventaire-du-cycle-de-vie-des-productions-agricoles-disponible/Actu Environnement « Agibalyse : le cycle de vie de 39 produits agricoles passé au crible » Newsletter Actu Environnement, 8/10/2013 http://www.actu-environnement.com/ae/news/acv-evaluation-environnementale-agriculture-agribalyse-19653.php4#xtor=EPR=1

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Filière

Innovation et évolution dans le secteur des biocarburants.Les recherches pour l’optimisation des procédés de production des biocarburants ne cessent de se développer dans plusieurs pays. En Allemagne, pour la première fois l’Institut technologique de Karlsruhe (Bade-Wurtemberg) a pu produire de l’essence biologique de deuxième génération. L’étape de synthèse de l’essence effectuée dans son installation-pilote basée sur le procédé bioliq a été réalisée avec succès. Les différentes étapes de la chaîne ont été mises au point avec une entreprise partenaire et vont être optimisées.Aux Etats-Unis, l’Université du Michigan a développé un nouveau procédé couplant une bactérie génétiquement modifiée et un champignon afin de produite un biocarburant de seconde génération l’isobutanol à partir de déchets de maïs, qui pourrait remplacer l’éthanol car plus énergétique que ce dernier. En France une nouvelle société, AD Biodiesel va produire sur un site de Sofiprotéol du biodiesel à base de graisses animales et d’huiles alimentaires usagées, pour une production démarrant d’ici 2015 et qui devrait atteindre 80 000 tonnes.

>Allemagne : production d’essence biologique de seconde génération.-Rappelons que les biocarburants dits de seconde génération valorisent l’utilisation de la biomasse ligno-cellulosique (tige du végétal) et permettent d’exploiter une large gamme de déchets (bois, feuille, paille…). Les biocarburants de première génération sont produits à partir de plantes alimentaires (maïs, colza…), enfin la troisième génération utilise des algues.-L’institut technologique de Karlsruhe (KIT) dispose d’une installation pilote basée sur le procédé bioliq. L’ensemble de ce procédé bioliq (biomass to liquid Karlsruhe) se compose de quatre étapes : 1-Au cours de la première étape, la biomasse sèche, à faible teneur énergétique et issue de déchets provenant de différentes régions, est transformée localement par pyrolyse rapide en une substance semblable au pétrole brut à haute teneur énergétique. Ce fluide, appelé bioliqSynCrude, est transporté jusqu’à un centre de traitement.

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2-La deuxième étape du procédé consiste en la transformation dudit fluide, au sein de l’unité de gazéification et à des températures supérieures à 1.200 ° C et des pressions allant jusqu’à 80 bars, en un gaz de synthèse exempt de goudron. Ce gaz de synthèse est composé essentiellement de monoxyde de carbone et d’hydrogène. Dans cette deuxième étape, la température élevée, la haute pression et les produits réactifs imposent de fortes contraintes au processus, à l’instrumentation, au contrôle et à la sécurité du système. 3-Au cours de la purification du gaz chaud qui constitue la troisième étape, les substances parasites telles que les particules et les composés chlorés et azotés sont séparés du gaz de synthèse. 4-Dans la quatrième et dernière étape du processus, les molécules de gaz sont spécifiquement mises en place pour des carburants sur mesure.-Avec l’étape de synthèse (de l’essence), la dernière des principales parties de l’installation pilote fonctionne maintenant avec succès. L’étape de synthèse, comprenant l’épuration du gaz chaud, transforme le gaz de synthèse, au cours d’une réaction en deux étapes, en une essence de haute qualité. L’installation est, de par sa conception, adaptée au gaz de synthèse riche en monoxyde de carbone, tel qu’il est produit à partir de la gazéification des déchets végétaux. Par la conversion directe du gaz de synthèse dans la première étape de réaction en éther diméthylique, le carbone contenu dans la biomasse peut être exploité de façon optimale avec un investissement minimum-En partenariat avec l’entreprise Chemieanlagenbau Chemnitz, le KIT a maintenant pu mettre au point les étapes de pyrolyse rapide, de gazéification à haute pression et de synthèse du carburant, complétant l’installation-pilote. La dernière étape consistera à tester la chaîne complète du procédé en observant les interactions entre les étapes, et de l’optimiser pour des applications industrielles de plus grande envergure. -Une fois toutes les étapes du processus bioliq reliées entre elles, l’installation-pilote produira un biocarburant de haute qualité à partir de paille. Cet objectif devrait être atteint mi 2014. Le procédé en quatre étapes, développé au KIT, prend en compte le fait que la paille, ainsi que d’autres déchets végétaux, a une faible densité énergétique mais qu’elle est aussi disponible en quantité. En outre, la paille permet une production économique à grande échelle de carburants de haute qualité pour les moteurs.-Avec la chaîne de production maintenant complétée le KIT dispose de l’unique installation pilote de ce type, qui constitue aussi une excellent plateforme de recherche pour l’utilisation de la biomasse durable n’entrant pas directement en concurrence avec la production alimentaire.-La mise en place de la phase de synthèse du procédé bioloiq a bénéficié d’un volume d’investissement d’environ 22 millions d’euros, provenant du budget de l’Etat allemand, de l’Union européenne, du KIT et de son partenaire privé.

> Etats-Unis : production d’isobutanol, biocarburant de seconde génération substituable à l’éthanol.-A l’université du Michigan, l’équipe du professeur Lin, professeur adjoint de génie chimique, a développé un nouveau procédé couplant les aptitudes biologiques de la bactérie Escherichia Coli NV3 pSA55/69, génétiquement modifiée, avec le champignon Trichoderma reesei RUTC30 afin de produire de l’isobutanol. L’isobutanol est un biocarburant de seconde génération qui pourrait remplacer l’éthanol. A volume égal, l’isobutanol contient 82% d’énergie calorifique comparativement à l’essence, et contre 67% pour l’éthanol. L’éthanol a également tendance à absorber l’eau, corroder les pipelines et endommager les moteurs. L’isobutanol, peu soluble dans l’eau, aurait l’avantage de ne pas se mélanger facilement avec l’eau. L’isobutanol pourrait donc être un remplaçant potentiel de l’éthanol. Une autre caractéristique importante de ce nouveau procédé est qu’il produit de l’isobutanol à partir de matières végétales non comestibles (les tiges et les feuilles de maïs), ce qui, par conséquent, n’impacterait pas le coût des denrées alimentaires.-L’innovation de ce nouveau procédé est le couplage de deux microbes physiologiquement compatibles (conditions environnementales, composition du milieu) afin de synthétiser du biocarburant à partir de matières végétales. Le processus synthèse est le suivant : dans un premier temps, le champignon Trichoderma reesei sécrète des enzymes cellulases capable d’hydrolyser la biomasse lignocellulosique en sucres solubles ; la bactérie E. Coli, génétiquement modifiée par un procédé de mutagenèse aléatoire et un schéma de sélection de croissance, va ensuite métaboliser les sucres solubles en isobutanol, un biocarburant plus performant que l’éthanol. Pour mettre en œuvre ce procédé, l’équipe de l’université du Michigan a réuni les deux espèces de microbes dans un bioréacteur ainsi que les tiges et les feuilles de maïs. Des collègues de l’Université du Michigan avaient préalablement traité les tiges et feuilles de maïs pour les rendre plus faciles à digérer, rendant les sucres plus facilement accessibles.-Les résultats de l’expérience ont montré une quantité de 1,88g d’isobutanol par litre de liquide dans la solution. Il s’agit de la concentration en biocarburant la plus élevée constatée à ce jour lors de la transformation de matières végétales en biocarburant. L’équipe a également converti une grande partie de l’énergie stockée dans les tiges de maïs et les feuilles en isobutanol : 62% du maximum théorique.Publiée dans la revue de l’Académie Nationale des Sciences en août dernier (Proceedings of the National Academy of Sciences), l’étude a été financée par la Fondation Nationale des Sciences (National Science Foundation), le DOE et l’université du Michigan -La coexistence harmonieuse entre un champignon et une bactérie était la clé du succès de l’expérience. La prochaine étape de ce travail de recherche est de tenter d’améliorer le taux de conversion en énergie et d’augmenter la tolérance du champignon T. reesei et de l’E. Coli à l’isobutanol. En effet, cet alcool est toxique à forte concentration pour les microbes. Cependant, la production d’isobutanol à des concentrations plus élevées pourrait permettre de diminuer le coût du combustible. L’équipe voudrait également traiter d’autres sous-produits agricoles ainsi que des déchets de la sylviculture selon le même procédé de dégradation.

>France : Du biodiesel à base de graisses animales et d’huiles alimentaires usagées. -Une nouvelle société, AD Biodiesel, va produire sur le site de Sofiproteol à Venette (Oise) des esters méthyliques à base d’huiles animales (EMHA) ou d’huiles usagées (EMHU), après conversion d’un atelier d’estérifiaction d’esters méthyliques à base d’huiles végétales (EMHV) de Diester Industrie. Quatre partenaires sont associés dans la filière : Sofiprotéol (majoritaire à 60% du capital), Electrawinds, société belge spécialisée dans la production d’énergies renouvelables (20%), Akiolis, société spécialisée dans la valorisation de coproduits et résidus organiques issus de filières alimentaires (10%) et Mindest, spécialisé dans la recherche et la mise en place de circuits de valorisation de sous-produits issus de l’agro-alimentaire (10 %). La reconversion de l’unité de Venette nécessitera un investissement de 8 millions d’euros, s’ajoutant aux investissements antérieurs sur ce site de Picardie, situant le projet dans une logique territoriale. -Ce sont 30 000 tonnes d’huiles de friture qui seront traitées et il existe un gisement qui permettrait d’atteindre sans doute 50 000 tonnes. La production, qui démarrera au plus tard début 2015, devrait atteindre cette année la environ 80 000 tonnes, sur un potentiel national de 140 000 tonnes.

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(Ndlr :Au moment où la durabilité du bioester de colza est plus ou moins remise en question en Europe, cette évolution est la bienvenue, de même au point de vue du recyclage des déchets)Sources : Hélène Benveniste, « Biocarburants de deuxième génération : le KIT produit pour la première fois de l’essence à partir de déchets végétaux », Bulletin électronique BE Allemagne 629, 4/10/2013 (Ambassade de France en Allemagne). http://www.bulletions-electroniques.com/actualites/74062.htmCécile Camerlynck et al, « Biocarburants : produire de l’isobutanol à parti des déchets du maïs », Bulletin électronique Etats-Unis 342, 27/09/2013 (Ambassade de France aux Etats-Unis). http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/74031.htmEP et JP, « Du biodiesel à base de graisses animales et d’huiles alimentaires usagées en 2015 », Newsletter Campagne et environnement, 15/10/2013. http://www.campagnesetenvironnement.fr/du-biodiesel-a-base-de-graisses-animales-et-6293.htmlJP, « AD Biodiesel produira à Venette (60) du biodiesel à base de graisses animales et d’huiles alimentaires usagées », Newsletter référence Environnement, 14/10/2013. http://www.refernce-environnement.com/2013/10/14/ad-biodiesel-produira-a-venette-60-du-biodiesel-a-base-de-graisses-animales-et-d%e2%80%99huiles-alimentaires-usagees

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Lu pour vous

Agriculture, forêt, climat : vers des stratégies d’adaptation. Très dépendante des conditions et des cycles naturels, l’agriculture et la forêt sont particulièrement exposées au changement climatique. L’adaptation de ces deux secteurs aux évolutions du climat est donc un défi majeur. Dans ce contexte, les résultats du programme Agri Climate Change ont été dévoilés à Toulouse le 10 octobre 2013 lors de la conférence européenne « Vers une agriculture européenne respectueuse du climat : retours d’expérience et leviers d’action » organisée par l’association Solagro. Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) serait de 10 à 40%, selon les configurations et les situations de départ des exploitants. Par ailleurs, le Centre d‘études et de prospective du ministère en charge de l’agriculture (CEP) a conduit un exercice de prospective (AFClim) en vue d’analyser les phénomènes en cours et d’imaginer des pistes d’adaptation possibles. Le document d’Analyse n° 62 du CEP présente quelques résultats clés, issus du volumineux rapport complet de ce travail publié en septembre 2013.

>Le programme AgriClimateChange (ACC) et les leviers possibles pour une agriculture respectueuse du climat.-Le projet AgriClimateChange réuni 4 pays (Allemagne, Espagne, France et Italie), qui représentent les principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) en Europe avec le Royaume Unis et la Pologne, et associe 5 partenaires : Bodensee Stiftung, Comunita Montana, Global Nature, Région de Murcia et Solagro. Il regroupe 120 fermes dont 24 en France.-Un outil de diagnostic a été créé. Il s’agit du diagnostic de consommation d’énergie directe et indirecte ainsi que l’émission de GES (CO2, CH4, N2O), réalisé pour chaque exploitation par un technicien. L’outil, qui a été utilisé pour AgriClimateChangeTool, a été créé dans le cadre de ce programme à partir des outils Planete et Diaterre. -Les plans d’actions ont été mis en place à partir du point de départ établi par cet outil, ce qui a permis de consolider les données, sur la consommation d’énergie et les émissions de GES par filière et par type de produit dans le réseau ACC :--Fruits : 38 % de la consommation d’énergie vient de l’électricité alors que les produits phytosanitaires pèsent pour 12 %. Au niveau des GES, les machines mobiles concernent 22 %, 14 % pour les pesticides. --Légumes sous serre : les principaux enjeux énergétiques sont le fioul (25 %), la fabrication des serres (23%), les engrais (15 %) qui passent en tête si l’on prend en compte les GES. --Légumes de plein champ : la fertilisation est le principal poste de consommation d’énergie (44 %) qui se reflète aussi au niveau des GES (80 % en prenant en compte les émissions des sols). --Vigne : le fioul (39 %) et le conditionnement (28 %) font partie des plus forts enjeux de la consommation énergétique. Les engins agricoles pèsent pour 37 % des émissions de GES, et le conditionnement pour 36 %. --Grandes cultures : le fioul (36 %) et les engrais minéraux (35 %) sont les postes les plus énergivores. L’impact des GES est très lié à la fertilisation avec 67 % des émissions totales. --Bovin lait : le fioul (25 %), les achats d’aliments (23 %) et l’électricité (18 %) sont les trois postes principaux de la consommation énergétique. 44 % des GES vient de la fermentation entérique. --Bovin viande : la consommation énergétique des exploitations vient du fioul (36 %) et des achats d’aliments (14 %). 44 % des GES proviennent des déjections animales et 30 % de la fermentation entérique. --Volailles : les achats d’aliment (19 %) arrivent en tête des postes énergivores, responsables de 37 % des GES.-Les leviers d’action qui ont été mis en évidence. --Les solutions qui ont le mieux fonctionné et qui permettent les gains énergétiques et de GES les plus intéressants viennent essentiellement des pratiques culturales : l’équilibre de la fertilisation azotée, la réduction du travail du sol, la mise en place de systèmes herbagers type prairies et de couverts végétaux. --Les actions ayant une efficacité moindre : l’introduction de légumineuses, les cultures intermédiaires, les énergies renouvelables, les économies d’énergies, la quantité et la nature des aliments concentrés, le pâturage, le séchage solaire des fourrages.

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--Si les actions à mettre en œuvre pour réduire l’énergie et les GES ne dépendent pas toujours d’investissements, elles nécessitent un accompagnement par des conseillers. Pour diffuser les pratiques, les partenaires ont fait des propositions à la Commission européenne qui prépare actuellement son paquet énergie-climat pour 2030.-Les principaux freins sont d’ordre économique et technique : absence d’aides, prix des céréales élevés n’incitant pas à une réduction des excédents azotés, conseil insuffisant, prise de risque élevé… Il en résulte que les agriculteurs sont plus motivés d’un point de vue économique par les réductions d’énergie que de GES.

>Agriculture, forêt, climat : vers des stratégies d’adaptation.-Le climat de la planète est en train de changer comme le montrent : l’augmentation de la température, la modification du régime des précipitations et la manifestation plus fréquente d’événements extrêmes. L’étendue et la nature des impacts du changement climatique sont encore incertaines, mais les tendances déjà mesurables, montrent que la température moyenne globale à l’échelle mondiale s’est accrue de 0,74°C entre 1906 et 2005. Il n’y a aujourd’hui guère de doute sur l’origine humaine de ces évolutions. Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour lutter contre le changement climatique. Le premier est celui de l’atténuation, qui consiste à diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour amoindrir leur impact sur le climat. C’est une des priorités de l’Union européenne, qui s’est fixée pour objectif de réduire les émissions de GES de 20% d’ici 2020. Le second levier consiste à définir des stratégies d’adaptation au changement climatique.Les secteurs de l’agriculture et de la forêt, très dépendants des conditions naturelles, sont particulièrement exposés aux évolutions climatiques. Baisse de la disponibilité en eau, allongement des périodes de végétation, fréquence accrue des sécheresses, diminution du risque de gel : de nombreux paramètres essentiels de ces activités vont être modifiés. Bien que la prise de conscience de la réalité du phénomène se soit étendue, elle pèse encore peu face aux enjeux de court terme dans les décisions actuelles. Or, certaines voies d’adaptation demandent à être anticipées dès aujourd’hui pour pouvoir être développées demain. Modifier en profondeur la structure des exploitations, innover pour trouver de nouvelles solutions techniques, construire de nouvelles filières sont autant d’actions dont le déploiement nécessite des temps longs. Le sujet est complexe et les acteurs ont des difficultés pour s’emparer des questions d’adaptation. Le Centre d’études et de prospective du ministère en charge de l’agriculture (CEP) a donc conduit un exercice de prospective spécifique en vue de dépasser le court terme et d’explorer les pistes d’action envisageables à travers différents scénarios possibles. Cette note reprend les principaux éléments du volumineux rapport sur ce sujet publié en septembre 2013.

>La perception par les acteurs agricoles.Le changement climatique est un objet de recherche scientifique et de débat public. En 2010 84% des français considéraient ce phénomène comme une réalité, et c’est le niveau de perception qui sera un facteur clé de la mobilisation vis-à-vis du changement climatique. L’exercice de prospective a donc exploré plus spécifiquement la perception qu’en avaient les acteurs agricoles et forestiers. D’après les enquêtes, la réalité du changement climatique ne fait aucun doute pour 90% des conseillers et élus des chambres d’agriculture. Mais la compréhension claire du phénomène n’est pas facile car considérée comme un sujet difficilement maîtrisable. Le ressenti d’événements climatiques inhabituels est cependant assez fort. Mais, face aux nombreux impératifs dévolus à l’agriculture, l’adaptation au climat reste encore un enjeu de faible priorité, comme l’a montré une enquête auprès des conseillers agricoles. La perception du changement climatique dans le monde forestier est très lié aux événements extrêmes (tempêtes, canicule) qui l’ont frappé ces dernières années. La situation est jugée globalement peu alarmante, mais avec des avis contrastés selon les régions et les essences.

>Méthodes et déroulement de la Prospective AFClim.La prospective AFClim a volontairement privilégié les aspects concrets et locaux du changement climatique, afin de présenter de manière parlante des actions d’adaptation que les acteurs agricoles et forestiers seraient en mesure d’entreprendre. Pour cela, l’exercice s’est appuyé sur l’expertise collective d’un groupe d’une trentaine de personnes d’origines et de spécialités variées, issues du monde professionnel, de la recherche, de l’administration et de la société civile, groupe animé par le CEP. La réflexion s’est aussi appuyée sur les études scientifiques et les données fournies par Météo France. Pour ancrer ce travail dans les territoires, une démarche ascendante a été retenue, allant du local vers le national, du particulier au général. Quatorze études de cas ont d’abord été réalisées, à l’échelle d’exploitations agricoles ou de peuplements forestiers. Elles ont ensuite été confrontées à quatre scénarios de contexte élaborés spécifiquement pour l’exercice. Ces études de cas ont été choisies de façon à illustrer au mieux la diversité des systèmes de production, les disparités régionales et les contrastes climatiques locaux, sans toutefois prétendre à la représentativité de l’ensemble des situations à l’échelle nationale.

>Examen de 3 études de cas prospectives.-Les cas étudiés correspondent à des situations réelles ou des « types » construits à partir de données de terrain. La description du climat local et l’estimation de ses évolutions ont été obtenues à l’aide des modèles climatiques de Météo France basés sur le scénario A1B du GIEC. L’horizon 2050 a été retenu pour les cas agricoles, tandis que l’horizon 2100 a été privilégié pour les cas forestiers compte tenu de la durée des cycles de production en sylviculture.-Les études de cas sont structurées de façon identique : diagnostic technico-économique et description du territoire et du climat actuel, estimation des évolutions du climat et de leurs effets possibles sur les activités agricoles ou sylvicoles, options d’adaptation de l’exploitation ou du peuplement compte tenu de la menace et des opportunités (Les études de

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cas figurant dans le rapport complet sont listées par ailleurs dans un tableau).Pour les 3 cas nous résumons les principales possibilités d’adaptation.--Cas n°1, Chênaie du bassin de la Loire : Remplacement du chêne pédonculé par du chêne sessile et diversification en résineux ; Segmentation des fonctions avec maintien des investissements limités aux zones favorables ; Substitution d’essences et réduction de la durée des rotations.--Cas n°2, Viticulture dans le Beaujolais : Adapter les pratiques de protection des effets des fortes températures ; Maximiser les rendements par le développement de l’irrigation ; Utiliser des cépages mieux adaptés au stress hydrique ; Développer des cultures de fruits ou des cultures énergétiques.--Cas n°3 : Bovins allaitants en Creuse : Deux période de vélage pour résoudre le déficit d’herbe estival ; Introduire des cultures fourragères à « stock » ; Développer l’engraissement ou la production laitière grâce au maïs ; « Extensifier » l’élevage, avec une production sous signe de qualité.

>Scénarios socio-économiques et contextualisation des études de cas.-Les quatorze études de cas ont constitué le cœur de la prospective AFClim. Elles ont permis d’envisager, sous un angle technique, les pistes d’adaptation des systèmes de production aux effets du changement climatique. Leur mise en œuvre soulève cependant aussi des enjeux socio-économiques et organisationnels. Pour les prendre en compte, quatre scénarios de contexte à l’échelle nationale ont été construits par le groupe. Les options imaginées dans les études de cas ont ensuite été associées à chacun des scénarios. L’analyse de ces croisements a alors permis de tirer des enseignements sur les facteurs favorables ou défavorables aux actions d’adaptation, synthétisés par scénario.-Points clés des 4 scénarios de contexte socio-économique--Scénario 1 : Métropolisation et consumérisme. La société s’urbanise fortement et manifeste un désintérêt profond pour le monde rural ainsi qu’une vision utilitariste de l’environnement. La demande de produits sains (qualité nutritionnelle et sanitaire) domine des demandes hétérogènes en matière d’environnement et de production. L’agriculture et la forêt deviennent des secteurs de l’économie « comme les autres ». Les instances spécifiques disparaissent et les filières s’organisent pour répondre aux demandes de santé de l’aval. La recherche de compétitivité est le principal moteur de ces changements. La croissance économique est faible mais régulière. Le prix du baril de pétrole est élevé et la demande mondiale pour les commodités mais sans crise majeure. L’État engage un processus de décentralisation avancée, favorisant le renforcement de collectivités déjà puissantes. Les grandes métropoles et les territoires fortement urbanisés saisissent cette opportunité pour asseoir leur rôle dans l’aménagement du territoire et l’orientation des politiques publiques en général.Scénario n° 2 : Libéralisation et priorité à la production. La logique de rentabilité économique est dominante, la libéralisation des échanges et la régulation par le marché prévalent. Les pays émergents s’affirment comme des acteurs majeurs de l’économie mondiale. Le modèle de développement reste basé sur les énergies fossiles, au détriment de la lutte contre le changement climatique. L’État minimise ses interventions dans la gestion des activités économiques. Les montants alloués à la PAC diminuent notablement. L’agriculture et la production forestière se financiarisent, leurs instances spécifiques disparaissent et le pilotage des filières est assuré par l’aval. Les acteurs se focalisent sur les enjeux de production et de compétitivité. Les tensions fortes en matière d’alimentation et d’énergie conduisent à se concentrer sur les volumes produits, en agriculture comme en forêt. Cette focalisation sur la production ne laisse qu’une place résiduelle à la protection de l’environnement.Scénario n° 3 : Mosaïque de territoires et d’acteurs. Le rejet de la mondialisation vue comme une source d’instabilité conduit au cloisonnement du monde en « blocs régionaux » entre lesquels les échanges deviennent plus faibles. Un retour vers le local se prolonge à l’intérieur des blocs régionaux, en particulier en Europe et en France où un grand mouvement de décentralisation et de relocalisation s’amorce. Les prérogatives de l’État sont progressivement transférées vers les collectivités locales, jugées plus à même de répondre aux besoins des populations dans un monde en crise. Ce contexte est propice à l’affirmation du rôlede la société civile dans la gestion des affaires publiques et les acteurs s’organisent en réseaux d’intérêts communs. L’innovation et l’intégration deviennent les maîtres mots du développement d’un monde rural renouvelé. Les demandes adressées aux secteurs agricoles et forestiers sont multiples et conduisent à renforcer les atouts de chacun des territoires pour en faire des espaces multifonctionnels fournissant cadre de vie, produits et services aux populations.Scénario n° 4 : Transition énergétique et environnementale.Les demandes adressées à l’agriculture et à la forêt sont multiples : production alimentaire de qualité, production énergétique, services environnementaux, développement territorial. Après d’importantes réticences, les acteurs du monde agricole et forestier se mobilisent pour une transition environnementale et énergétique. Les politiques de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique sont peu à peu légitimées et mises en place dans le cadre d’une relance économique au niveau européen. La nécessité d’une transition environnementale et énergétique finit par faire consensus dans les pays développés et émerge dans les pays en développement, si bien qu’une gouvernance mondiale se construit autour des problématiques environnementales et climatiques.

>Les conclusions.-« Alors que les conséquences du changement climatique seront importantes pour les activités agricoles et forestières, tout en étant difficilement perceptibles aujourd’hui, l’originalité de la prospective AFClim résulte de la dimension concrète

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de ses quatorze études de cas. Cette approche ascendante comporte cependant quelques limites : construction sur un unique scénario du GIEC (Ndlr : lequel a du mal à prévoir des scénarios de modification des régimes de précipitations dans le temps et dans l’espace), incertitudes sur la dynamique et les effets du changement climatique, variabilité du climat intégré de façon qualitative dans l’analyse car fondée sur des moyennes écartant l’aspect événements extrêmes, nombre réduit d’études de cas.Ces limites, liées à des choix méthodologiques, n’empêchent pas de dégager certains enseignements et points de vigilance. La gestion de l’eau est l’un d’entre eux. Alors que le changement climatique devrait exacerber les tensions sur cette ressource, elle apparaît, via l’irrigation, comme une clé de l’adaptation dans de nombreux cas étudiés. Si elle peut être une solution pertinente pour maintenir les capacités productives, sa généralisation posera des problèmes de disponibilité. Plus généralement, la prospective AFClim montre qu’il existe d’ores et déjà des leviers techniques mobilisables pour s’adapter au changement climatique. Un premier ensemble se dégage autour de pratiques visant à faire face au stress hydrique : décalage des périodes de pâturage, des cycles de cultures, etc… Un autre repose sur l’utilisation de variétés et d’espèces plus tolérantes aux nouvelles conditions climatiques. Un troisième rassemble les stratégies visant à accroître la résilience des systèmes de production, dont la diversification est l’élément central. Pourtant, compte tenu de la faible priorité accordée par les producteurs à l’adaptation au changement climatique, en comparaison à d’autres enjeux, il y a peu de chances que ces modifications se fassent spontanément. Elles ne deviendront réalité que si les conditions et les incitations nécessaires sont mises en place. Celles-ci relèveront autant des pouvoirs publics, des professionnels que de la recherche scientifique et passeront à la fois par des politiques de soutien, la réglementation, la constitution de filières nouvelles, l’élaboration de nouvelles variétés de cultures, etc. Cette dynamique collective ne pourra être enclenchée que sous l’impulsion d’une prise de conscience forte, pas totalement acquise si l’on en croit les enquêtes de perception. Au total, la pierre angulaire de toute stratégie efficace d’adaptation consiste sans doute en un effort soutenu de sensibilisation, de vulgarisation des connaissances, d’animation sur le terrain pour développer les capacités d’apprentissage et en une attitude pro-active de la part de l’ensemble des acteurs agricoles et forestiers. C’est dans ce but que la prospective AFClim a été réalisée et c’est dans cette perspective qu’elle espère susciter des réflexions dans les filières, les organisations et les territoires.Sources : Villen C. et Schaller N., 2013. Agriculture, forêt, climat : vers des stratégies d’adaptation. Résultats clé de la prospective AFClim. Centre d’études et de prospective, ministère en charge de l’agriculture (CEP), Analyse n°62, septembre 2013, 8p. http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Analyse_CEP_62_Agriculture_Foret_Climat_cle8557ef.pdfCentre d’études et de prospective, ministère en charge de l’agriculture (CEP), 2013. Agriculture, forêt, climat : vers des stratégies d’adaptation, note de prospective, septembre 201, 234p http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/CEP_Prospective_agriculture_foret_climat_cle0f7d9d-1.pdfAyrault S., 2013. AgriClimateChange : des leviers possibles pour une agriculture respectueuse du climat. Newsletter Référence Environnement, 14 octobre 2013, 2p http://www.reference-environnement.com/2013/10/14/agriclimatechange-des-leviers-possibles-pour-une-agriculture-respectueuse-du-climat/

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Organismes et institutions

Suppression de la certification agriculture raisonnée des exploitations agricoles. La Commission nationale de la certification environnementale des exploitations agricoles, qui s’est réunie le 9 octobre 2013, a annoncé que la certification agriculture raisonnée sera officiellement abrogée prochainement. Cette certification, décrétée en 2002, et qui n’a finalement concerné que 1 480 exploitations agricoles (fin 2012) ne se justifie plus avec l’évolution des politiques agricoles et l’instauration de la démarche de Certification environnementale des exploitations agricoles en 2010, suite au Grenelle de l’environnement. Les exploitants bénéficiant de la certification agriculture raisonnée peuvent conserver cette certification jusqu’au terme de celle-ci, de plus ils peuvent obtenir directement la reconnaissance de la certification environnementale de niveau 2 s’ils en font la demande.

>Un prochain décret officialisera cette suppression et précisera les mesures transitoires pour les agriculteurs concernés. Les exploitants ayant obtenu, pour 5 ans, la certification agriculture raisonnée auront la possibilité de continuer dans cette démarche jusqu’à la fin de leur certification et d’apposer cette mention sur leurs produits. Le décret devrait régler la question de la faisabilité de l’audit actuel de certification obligatoire par les organismes certificateurs agréés. L’alternative déjà possible est d’obtenir directement, sur leur demande, la reconnaissance de la certification environnementale de niveau 2.

>Situation actuelle de la certification environnementale des exploitations agricoles.Ce sont 5 000 exploitations qui disposent de la certification environnementale de niveau 2 et 70 ont obtenu la Haute Valeur Environnementale (HVE), essentiellement dans le secteur de la viticulture. Le ministère en charge de l’agriculture a annoncé la création d’un logo pour la HVE, permettant aux exploitants agricoles de valoriser leurs efforts. FARRE (Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement) souhaite que la certification environnementale soit prise en compte dans le cadre de la nouvelle PAC, au niveau des mesures de verdissement et des aides attribuées au titre du second pilier. Source : Ay S. « L’agriculture raisonnée est finie, la certification environnementale se structure », Newsletter Référence Environnement 11/10/2013. http://www.reference-environnement.com/2013/10/11/I%e2%80%99agriculture-raisonnée-est-finie-la-certification-environnementale-se-structure/

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Politique agricole

La réforme nationale des programmes d’action contre les pollutions par les nitrates finalisée. La France a été assignée devant la Cour de justice de l’Union européenne pour mauvaise application de la directive dite « nitrates » dans le cadre de deux contentieux : insuffisance de délimitation des zones vulnérables dans lesquelles les eaux sont polluées ou susceptibles de l’être par les nitrates d’origine agricole, insuffisance des programmes d’action applicables dans ces zones. Pour remédier à cette situation le gouvernement a décliné le 5ème programme d ‘action national (PAN) dans ces zones, entré en vigueur en septembre 2012. Deux arrêtés, viennent compléter et finaliser ces dispositions. Le premier définit de nouvelles zones, précise et renforce les modalités d’application des mesures (périodes d’interdiction d’épandage, conditions de stockage des effluents et d’épandage, prise en compte de l’état des sols, bandes végétalisées le long des cours d’eau…). Le second arrêté précise pour les Préfets de région les règles à suivre pour la définition des programmes d’action régionaux à appliquer au printemps 2014. Il prévoit des groupes de concertation à ce niveau, pour définir les modalités, qui pourront être renforcées.

>Les 8 mesures du 5ème programme d’action national (PAN) de lutte contre la pollution par les nitrates.Ces mesures sont, pour les 6 premières celles rendues obligatoires par la directive européenne 91/676CEE (Directive nitrates) et pour les 2 suivantes celles issues du Grenelle de l’environnement :1-périodes minimales d’interdiction d’épandage des fertilisants.2-sockage des effluents d’élevage (capacité de stockage fixe, stockage au champ).3-limitation de l’épandage des fertilisants azotés, équilibre par parcelle.4-plan prévisionnel de fumure (PPF) et cahier d’enregistrement des pratiques (CAP).5-limitation de la quantité maximale d’azote issue des effluents d’élevage épandue annuellement sur chaque exploitation (170 kg/ha).6-conditions d’épandage par rapport au cours d’eau, distance, sur les sols en forte pente, détrempés, inondés, gelés ou

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enneigés.7-couverture végétale des sols à l’automne destinée à absorber l’azote du sol.8-couverture par une bande enherbée le long des cours d’eau.

>1er arrêté d’octobre 2013 (jorf du 31 octobre 2013).Il précise et complète celui relatif au 5ème Programme d’action national (PAN) sur les zones vulnérables. Ce dernier avait redéfini les limites des zones vulnérables et organisé la réforme des programmes d’action « nitrates ». Ce 1er arrêté fixe notamment les périodes et les conditions d’épandage, avec des interdictions pour tenir compte de l’état des sols (gelés, inondés, détrempés ou enneigés) et de leur pente (10% et 20% pour la vigne). Il introduit des exigences de couverture des sols en période pluvieuse. La couverture des sols pourra ne plus être obligatoire sur 100% des parcelles. Il prévoit également la mise en place de bandes végétalisées le long des cours d’eau, sachant que les distances d’épandage par rapport à ces derniers ont été établies par le PAN.En ce qui concerne le mode de calcul du stockage des effluents d’élevage, auparavant évalué par exploitation, il sera fondé sur une valeur forfaitaire de 7 mois de production d’effluents pour les élevages hors sol de porcs et de volailles et de 4 mois pour les bovins.

>2ème arrêté d’octobre 2013 (jorf du 31 octobre 2013Il précise pour les préfets de région les règles à suivre pour la définition des programmes d’action régionaux. Il prévoit des groupes de concertation au niveau régional, le renforcement, dans certaines zones particulièrement sensibles, des mesures de lutte contre les nitrates, les modalités de définition des zones d’action renforcées et des mesures à mettre en œuvre dans ces zones (par exemple le renforcement de l’équilibre de la fertilisation azotée du référentiel national). Les préfets de Région vont désormais poursuivre la concertation au niveau local afin de préciser le contenu des programmes d’action régionaux dont la publication et la mise en œuvre doivent être effectives au printemps 2014.

>Commentaires du communiqué de presse des ministres en charge de l’Ecologie et de l’Agriculture.« Ces arrêtés ont été présentés aux membres du groupe national de concertation sur les nitrates qui est associé depuis le début sur leur rédaction. Les textes prennent en compte les remarques formulées lors de la consultation du public, afin de concilier les exigences environnementales et communautaires, avec une approche agronomique et pragmatique, qui minimise l’impact économique pour les exploitants agricoles et en particulier les éleveurs ».« Les ministres en charge de l’Ecologie et de l’Agriculture défendront auprès de la Commission Européenne la pertinence et l’efficacité de cette nouvelles réglementation ».Le gouvernement encourage des mesures incitatives à l’attention des exploitants agricoles, avec certaines techniques promues dans le cadre du projet agro-écologique. Le développement des cultures dites dérobées, qui contribuent à la couverture des sols en hiver et ont une action très efficace pour limiter les fuites d’azote (CIPAN) sont spécialement citées.Sources : Ministère de l’Ecologie (MEDDE) et ministère de l’Agriculture (MAAF), « Le gouvernement finalise au niveau national la réforme des programmes d’action contre les pollutions par les nitrates », communiqué de presseCommuniqué de presse MEDDE et MAAF, 25/10/2013. http://agriculture.gouv.fr/programme-action-nitratesDeger C., « Deux arrêtés pour faire face aux contentieux communautaires sur les nitrates », Newsletter Référence Environnement, 28/10/2013. http://www.reference-environnement.com/2013/10/28/deux-arretes-pour-faire-face-aux-contentieux-communautaires-sur-les-nitrates/FDSEA 7, «Application du 5ème Programme d’Actions « nitrates » dans les zones vulnérables », Note site web fdsea71 actualités, septembre 2013. http://www.fdsea71/sites/d71web/actus/20130913_note_blanche_zv_pan_par_entree_en_vigueur_vf.pdf

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Protection intégrée

Systèmes de culture économes en intrants phytosanitaires et performants économiquement. Le monde agricole a intégré en quelques années les enjeux du développement durable. Dans cette orientation, l’atelier régional d’agronomie et de développement durable (ARAD) du CERFRANCE de Normandie a étudié 60 systèmes de cultures (SDC), mis en œuvre au sein des exploitations de la région, à la fois les plus économes en intrants et les plus performants économiquement. Les résultats de 6 systèmes (3 en élevage bovin lait, 2 en grande culture et 1 en hors sol), qui sont présentés dans un dossier, montrent que : les voies pour répondre à ces objectifs sont multiples, la réflexion à l’échelle de l’itinéraire technique ne suffit pas il faut avoir une approche système, les agriculteurs doivent être les acteurs de l’évolution de leur système avec des changements techniques mais aussi sociaux dans la façon de gérer leur exploitation.

>Les enjeux et motivations. Face aux défis alimentaires et environnementaux des années à venir, l’agriculture doit réussir la difficile conciliation entre une fonction de production de biens alimentaires et de matières premières et une nécessaire préservation du milieu naturel, tout en intégrant les impératifs économiques. L’enjeu n’est plus seulement de produire plus, mais aussi de produire mieux. Pour l’agriculteur entre ces enjeux environnementaux et des impératifs économiques à court et moyen terme la problématique est complexe. Comment préserver sa capacité de production et limiter son impact sur l’environnement ? Comment assurer plus largement la durabilité économique, sociale et environnementale de son activité ? Pour cela les agriculteurs se mobilisent pour faire évoluer leur métier vers plus de durabilité, grâce à une recherche active et à leur propre capacités d’innovation pour l’adaptation de leur système afin d’être plus économe en intrants et en essayant de maintenir leurs performances économiques, comme l’illustrent « l’échantillon » de 6 systèmes présentés ci-après.

>Caractéristiques des 6 systèmes de cultures.Les systèmes de culture (SDC) (3 en élevage bovin lait, 2 en grande culture et 1 en hors sol), situés dans les 5 départements normands ainsi qu’en Mayenne et dans la Sarthe, sont les suivants :(1) Un SDC en semis direct économe en produits phytopharmaceutiques grâce à une rotation alternant 2 cultures d’hiver et 2 cultures de printemps et une prairie.(2) Un SDC en TCS (Technique de culture simplifiée) économe en produits phytopharmaceutiques grâce à l’introduction d’une prairie dans la rotation.(3) Un SDC doublement performant grâce à un RGI valorisé en semences et en fourrage.(4) Un SDC avec 2 cultures industrielles très rentable et économe en produits phytopharmaceutiques grâce au bas volume associé à des leviers agronomiques.(5) Un SDC économe en produits phytopharmaceutiques grâce à une protection des cultures basée sur des objectifs de marge et une conduite intégrée du désherbage betterave.(6) Un SDC en non labour qui concilie réduction de produits phytopharmaceutiques et forte exigence de qualité sanitaire des céréales grâce à une conduite rustique en blé et du biocontrôle.

>Résultats des systèmes et commentaires généraux.-Nous reproduisons ci-après la conclusion tirée de l’étude de chacun des 6 systèmes de cultures (DSC) :--SDC 1. Mauvaises herbes, maladies et ravageurs sont gérés à l’échelle de la rotation par une combinaison de moyens de luttes culturales associées à une tolérance élevée vis-à-vis de ces bioagresseurs. La construction de la rotation est le principal atout de ce SDC fourrager. Organisée en une succession de type 2 cultures de printemps/2 cultures d’hiver, elle inclue une prairie pluriannuelle de 5 ans et assure une couverture permanente du sol. Elle permet, malgré l’abandon du labour, de limiter fortement le recours aux herbicides.--SDC2.La rotation de ce SDC constitue son principal atout. En introduisant une prairie pluriannuelle et un méteil, l’agriculteur s’assure une production de fourrages à moindre coût tout réduisant la pression des bioagresseurs à l’échelle de la ro tation. A l’échelle de l’itinéraire technique, les méthodes alternatives mises en œuvre permettent de réduire encore l’intensité du programme chimique : mélanges de variétés résistantes, réduction de la fertilisation azotée et couverts en interculture courte entre deux céréales…--SDC3. Le principal atout de ce SDC est sa production de semences de RGI qui offre à la fois une bonne valeur ajoutée et une production importante de fourrage (1 coupe après récolte des semences et 1 en dérobé). En contrepartie, la gestion des mauvaises herbes est plus stricte pour éviter une problématique RG. Toutefois l’agriculteur maintient son IFT herbicides dans les normes en combinant plusieurs leviers de lutte : alternance de culture d’hiver et de printemps, interculture longue et action sur le stock semencier via labour et faux semis. Ces mêmes leviers réduisent la pression des maladies et des ravageurs pour lesquels l’agriculteur a de manière générale une tolérance élevée.--SDC 4. La rotation construite autour du blé et de cultures industrielles offrent de très bons résultats économiques. Avec le Bas Volume associé à des leviers de lutte alternatifs : alternance de cultures d’hiver et de cultures de printemps dans la rotation, variétés résistantes et gestion des résidus, l’agriculteur assure une gestion économe des maladies et des rava geurs. L’agriculteur a fait le choix d’intégrer le réseau DEPHY pour progresser dans la réduction de l’usage des produits phytosanitaires et a commencé à actionner de nouveaux leviers comme les mélanges variétaux ou le colza associé à un couvert.--SDC 5. L’agriculteur suit ici un raisonnement de la protection des cultures à la marge avec pour objectif de « tenir ses coûts ». Ainsi en adoptant une conduite de la betterave tendant vers l’intégré (réduction des passages chimiques, lutte mécanique contre les mauvaises herbes et baisse du rendement), il diminue fortement la pression de son SDC sur le milieu, tout en obtenant de bons résultats économiques. Bien que la gestion des bioagresseurs soit basée sur un programme chimique systématique, il peut réduire l’usage des produits phytosanitaires grâce à un niveau de tolérance vis-à-vis des bioagres seurs élevée et un labour systématique. Attention toutefois à la durabilité économique qui peut être remise en cause par l’absence de fumure de fond et le contrôle des maladies à long terme.--SDC 6. Malgré un impératif de qualité élevé dû au risque de mycotoxines, ce SDC reste économe par sa gestion des maladies et des ravageurs.

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Le décalage des dates de semis et le choix de variétés résistantes en mélange permettent de réduire les doses de fongicides appliquées. Cependant, la limite de ces systèmes en non labour reste la gestion des adventices : semis sous mulch et strip till sans faux semis préalable n’ont pas une action aussi efficace sur les mauvaises herbes que le labour. Le recours aux herbicides est par conséquent plus systématique.-Les voies pour répondre à l’objectif d’économie d’intrants et de performances économique sont multiples. Les leviers d’intervention dont dispose l’agriculteur sont nombreux et éprouvés techniquement : lutte physique par le travail du sol, décalage de date de semis pour des stratégies d’« évitement », contrôle génétique avec des variétés résistantes ou moins sensibles aux agressions, atténuation en culture, etc… Mais, la réflexion à l’échelle de l’itinéraire technique ne suffit pas, une approche système est nécessaire. Raisonner à l’échelle du système de culture, c’est revenir aux principes de base de l’agronomie. L’agriculteur doit construire sa rotation en s’interrogeant sur les cycles des bioagresseurs, le cycle de l’azote… et en cherchant les successions les plus bénéfiques sans pour autant occulter la rentabilité économique des cultures (ex du SDC 3 avec le RGI semences), mais en la raisonnant de façon pluriannuelle ! Enfin, les systèmes les plus performants de l’échantillon sont des systèmes dont les rotations sont plus longues.-Pour les éleveurs, l’introduction de la prairie dans la rotation est un levier puissant notamment pour le désherbage car elle a un effet étouffant et elle épuise le stock semencier. Elle permet ainsi d’avoir une production fourragère avec très peu d’intrants. Le méteil est une autre alternative qui consomme très peu d’intrants. Ces deux productions présentent également l’avantage, si elles contiennent des légumineuses, d’apporter de l’azote « gratuit » dans la rotation. Il ressort de cette étude qu’il est plus aisé d’être durable quand il y a un atelier bovin associé aux cultures. Favoriser une meilleure synergie entre production végétale et animale, semble être une des clés pour avoir un mode de production durable. Pour les céréaliers, la tâche est plus délicate mais possible par l’introduction de protéagineux. Et l’étude a montré que même avec des cultures industrielles rémunératrices mais souvent gourmandes en produits phytopharmaceutiques, il est possible d’être économe en intrants comme le montrent les SDC 4 et 5.-L’étude a montré que les agriculteurs doivent être les acteurs de l’évolution de leur système. Pour cela, ils doivent enclencher des changements techniques mais également sociaux dans leur façon de gérer leur exploitation : avoir une vision globale, rechercher les informations dans une multitude d’endroits et les assimiler, expérimenter sur leur exploitation… Et ceci afin que les évolutions soient réellement adaptées à leur contexte pédoclimatique et économique.Cette Etude a bénéficié d’un soutien financier du Conseil régional et de l’ONEMA au titre d’Ecophyto.Sources : Herrou M, 2013. Six systèmes de cultures économes en intrants et performants, Cahier de l’ARAD (Atelier régional d’agronomie et de développement durable du CERFRANCE Normandie Maine, avril 2013, 20 p.Agro Perspectives « Six systèmes de cultures économes en intrants et performants » Agronomie – Diffusion des techniques innovantes en agriculture, article, 2 septembre 2013, 2p (lien avec le rapport de l’ARD précité)http://www.agroperspectives.fr/post/Six-systemes-de-cultures-economes-en-intrants-et-performants-economiquement

Moyens de protection des cultures alternatifs ou complémentaires à l’emploi des pesticides. Un groupe de travail de 52 membres de la commission des moyens de protection pour une production intégrée de l’Association française de protection des plantes (AFPP), a réalisé un ouvrage, coordonné par Jean-Louis Bernard (Protection intégrée des cultures – Fiches pour le conseil des techniques utilisables, AFPP, ACTA, Editions France Agricole, septembre 2013) inventoriant, présentant et analysant sous forme de fiches techniques 66 mesures indirectes de protection des cultures et des moyens pour l’intervention directe. Il s’agit de mettre à la disposition des professionnels, des informations pour réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques pratiqué actuellement dans la protection raisonnée des cultures selon l’objectif du plan Ecophyto 2018. Le conseil phytosanitaire et les agriculteurs pourront utiliser ces outils pour améliorer progressivement les systèmes de protection des cultures en allant dans le sens d’une approche écosystémique de protection intégrée.

>La complexité de la protection de cultures.-Les auteurs rappellent que « la protection des plantes, comme l’agriculture elle-même, est une discipline qui compose en permanence avec la nature (plante, sol, climat, variété, bioagresseurs…). C’est pourquoi elle doit s’adapter de manière continue pour proposer des solutions qui tiennent compte des mécanismes biologiques complexes sur lesquels elle repose. Elle se doit aussi de préserver l’intérêt de l’agriculteur, la santé des applicateurs et des consommateurs et de minimiser les incidences sur l’environnement, tout en répondant aux règlements administratifs ».-Il est exposé quelques éléments généraux : le cortège des bioagresseurs dans le champ cultivé dans un contexte de compétition inter spécifique, une historique de la mise en place des méthodes de protection des cultures et de l’apparition de la notion de protection intégrée (définie selon l’OILB/srop, 1997). La protection des cultures est vitale pour notre sécurité alimentaire et aussi parce qu’elle influence la qualité des aliments. Il est proposé d’appliquer une notion de protection durable des cultures, telle que définie à l’Académie d’agriculture de France en 2008. Enfin les objectifs fixés par le plan Ecophyto 2018 sont rappelés, ainsi que les orientations récentes dans ce domaine.

>Les règles de base de la protection raisonnée.Les différents éléments considérés et les mesures appliquées, administratives et techniques à différentes échelles pour une gestion raisonnée de la protection des cultures, sont présentés : la connaissance des bioagresseurs, (ne reprenant pas la notion fondamentale d’ennemis clé pour la lutte, c’est-à-dire d’ennemis permanents imposant des mesures de lutte permanente mais modulées chimiques ou autres), les quarantaines et contrôles, les luttes obligatoires et collectives,

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l’évaluation des risques basée sur les incontournables contrôles sur le terrain et les indispensables récents Bulletins de santé du végétal qui couvrent aujourd’hui l’ensemble du territoire, les supports nombreux d’aide à la décision moderne (ne développant pas assez les notions fondamentales de seuil de tolérance économique et de seuil d’intervention), la connaissance et choix des moyens de lutte. On arrive ainsi à l’application d’une lutte chimique raisonnée, avec des produits à moindre incidence écologique et sanitaire. Un schéma illustrant cette gestion aurait été le bienvenu. Les quelques démarches pour la maîtrise de l’emploi des produits phytopharmaceutiques fondées sur l’optimisation par : la prise en compte de la physiologie des végétaux faisant l’objet du traitement, l’emploi d’adjuvants, la qualité de l’eau de la bouillie, les techniques de géolocalisation, auraient dû logiquement compléter cette partie et non pas figurer dans le chapitre « Vers la protection intégrée des cultures ».

>Pour aller plus loin : un catalogue des mesures indirectes de protection et des moyens pour l’intervention directe. C’est l’originalité et le point fort de l’ouvrage d’avoir rassemblé, structuré la présentation et analysé rigoureusement ces informations le plus souvent éparses. -Ces mesures et moyens font l’objet en tout de 66 fiches techniques, présentées de manière homogène selon le même plan : Définition - Raison d’être, exemples de mise en pratique dans l’agriculture actuelle, avantages, limites, intérêt au regard des objectifs du plan Ecophyto, avec une abondante bibliographie.-Mesures indirectes de protection. Elles sont regroupées selon l’approche logique suivante :--Mesures appliquées à l’espèce cultivée afin de favoriser son autodéfense (12).--Mesures appliquées à l’environnement de la plante cultivée destinées à renforcer le végétal ou à rendre son infection plus difficile (14).--Mesures appliquées à l’organisme à combattre en dehors de sa période de nuisibilité afin de diminuer son potentiel néfaste (13).-Moyens pour l’intervention directe.--Des procédés physiques (13).--Des procédés biologiques (10).--Des procédés chimiques (4). Ces fiches insistent à juste titre sur le caractère souvent partiel de l’effet d’une mesure et l’ouvrage souligne le manque d’évaluation expérimentale de beaucoup d’entre elles, ce qui est évidemment difficile car elles sont destinées à être intégrées dans des systèmes de protection variés. Le coordinateur de l’ouvrage souligne « qu’il est peu pertinent de juger de la valeur absolue des mesures indirectes de protection si on se borne à les considérer isolément » et ajoute « qu’en règle générale c’est de la complémentarité de leurs efficacités partielles que résulte leur capacité à alléger les interventions ultérieures par des moyens de protection quels qu’ils soient ».

>Vers la protection intégrée des cultures.Les professionnels de la filière de protection des plantes, formateurs, conseillers, et les agriculteurs pourront trouver dans ces fiches techniques les informations et outils leur permettant de concevoir et mettre en œuvre une protection intégrée à l’échelle de leurs cultures et de leur système de production et adapté à chaque exploitation. C’est la démarche souhaitable en raison de ses atouts en matière d’environnement et de durabilité, tout en procurant des effets positifs en contenant les coûts de production (charges en intrants), en réduisant les impacts sur le milieu et en contribuant à la qualité des produits végétaux, et en réduisant éventuellement les dépenses énergétiques. Bien que rendue obligatoire début 2014 par la directive de la Commission européenne, l’orientation vers une protection intégrée ne se décrète pas comme le souligne la conclusion de l’ouvrage : « Sa mise en pratique requiert un niveau technique plus élevé que celui qui a permis l’évolution des systèmes de culture de 1960 à 1990. Si nous voulons que la protection intégrée des cultures devienne la pratique ordinaire du plus grand nombre d’exploitants, il faut se persuader qu’une opération de cette ampleur ne se décrète pas, mais qu’elle nécessite du temps et des moyens particuliers. La rapidité de son extension sera subordonnée, d’une part, à l’engagement effectif des filières et, d’autre part, par un effort soutenu de formation et d’appui technique auprès des producteurs ». Certes l’ouvrage a une portée générale, cependant les producteurs et les filières de l’arboriculture et de la viticulture et des différentes cultures sous abri trouveront que ces remarques ne sont pas justifiées pour leurs secteurs où une majorité de producteurs pratiquent déjà une protection intégrée et une partie d’entre eux une production intégrée. Est-ce cette vue pessimiste de la rapidité de la mise en œuvre d’une protection intégrée qui a fait que ce dernier chapitre est resté très succin ? On peut donc regretter, à l’heure où s’affiche l’ambition officielle de promouvoir l’agroécologie, que la nécessité d’aborder la gestion des populations de bioagresseurs à l’échelle des processus écologiques n’ait pas été développée et qu’au moins un schéma illustrant et permettant de comprendre l’approche globale de la gestion intégrée de la protection des cultures n’ait pas été présenté. (Voir ci-après un tel type de schéma publié dans la revue Adalia n°50 du 1er semestre 2003, par H. Audemard).Source : Bernard J.L., (coordinateur d’un groupe de travail spécifique de la commission des moyens de protection pour une production intégrée de l’AFPP, ACTA et Editions La France Agricole, 256p (45€ + 5,90€ frais de port)A commander à Editions France Agricole, 8 cité Paradis 75493 Paris Cedex 10, www.lagalerieverte.com et ACTA Publications,

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149 rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12 www.acta.asso.fr rubrique catalogue des publications.

Fig 4 : GESTION INTEGREE DE LA PROTECTION DES CULTURES

MESURES REGLEMENTAIRES

INTERNATIONALES NATIONALES REGIONALES

surveillance sanitaire interdiction de culture lutte obligatoire collective quarantaine de transport de végétaux ou individuelle

acclimatation d’auxiliaires surveillance pépinières

MESURES PREVENTIVES

( indirectes ) AU NIVEAU LOCAL ( exploitation )

localisation, choix façons culturales fertilisation

rotation des cultures assolement

variétal prophylaxie irrigation

aménagement des matériel résistant cultures piéges,

habitats (haies, bandes enherbées..)

prémunition intercalaires

EVALUATION DES RISQUES

( échelle parcelle ou groupe parcelle )

SURVEILLANCE DES CULTURES OUTILS D’AIDE A LA DECISION

SEUILS DE TOLERANCE ECONOMIQUE

MESURES D’INTERVENTION

lutte techniques lutte méthodes lutte lutte

chimique culturales biologique physiques éthologique autocide raisonnée biotechnique

produits choisis en fonction de critères de moindre incidence écologique

(spécificité, sélectivité, toxicité limitée, effets secondaires, respect environnement)

AMENAGEMENT DES MESURES DE LUTTE

( Renforcement des facteurs naturels de limitation )

PROTECTION PROTECTION RAISONNEE INTEGREE

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Gestion de la résistance aux maladies à l’échelle des territoires cultivés.L’idée de développer des stratégies de gestion des variétés résistantes à l’échelle des paysages est de plus en plus explorée en épidémiologie végétale. Une étude, publiée dans la revue Innovations Agronomiques de septembre 2013, montre sur la base d’une analyse de jeux de données acquis à l’échelle de la France, que la résistance des variétés cultivées, telle qu’elle est observée au champ, est influencée par la composition variétale du paysage dans son ensemble. La prise en compte des aspects quantitatifs de la relation hôte - parasite apparait comme indispensable pour expliquer l’évolution de la population pathogène à cette échelle. Pour aller plus loin dans ce domaine, un ensemble de modèles a été construit et l’effet des caractéristiques du paysage sur la dynamique de la population pathogène exploré montrant que la fragmentation du paysage peut conduire à une réduction globale des épidémies mais aussi, sous certaines conditions, à une augmentation de la sévérité de maladie sur des variétés à résistance quantitative. De plus, la structure du paysage a un effet fort sur l’évolution de la population parasite vers des formes spécialistes ou généralistes.

>Diversité génétique et résistance aux maladies. -Il existe un lien entre biodiversité et résistance aux maladies, qui a été largement étudié en écologie. Par exemple, les écosystèmes forestiers naturels présentent une stabilité face à maladie bien meilleure que celle des systèmes cultivés (plantations), ce qui est attribué à une plus grande biodiversité. Il convient cependant de nuancer l’idée qu’une population diversifiée génétiquement est nécessairement résistante au développement des épidémies. Plutôt que de considérer la biodiversité en général, il convient donc de caractériser son aspect fonctionnel, c’est à dire la composante de cette biodiversité qui a un effet sur le développement de l’épidémie. On parlera alors de diversité fonctionnelle. Il peut exister aussi un effet de dilution illustré par un exemple : si un parasite est capable de produire 10 descendants par génération lorsqu’il se multiplie dans une population hôte entièrement sensible (une parcelle en monoculture), son taux de multiplication tombe à 5 si la population hôte est composée de 50% de plantes possédant un gène de résistance qui empêche l’infection (la probabilité qu’une propagule du parasite soit transmise à une plante sensible n’est alors que de 0.5 et on peut considérer que la moitié des propagules assurant la transmission seront perdues sur des plantes résistantes). Ce calcul est simpliste et devrait être nuancé par la prise en compte d’autres effets (tels que l’autoinfection), mais cette notion de dilution est à l’origine des stratégies de diversification, en particulier celle de mélange des variétés.-Dans les systèmes cultivés, la génétique de la plante hôte est contrôlée par l’homme, du moins dans les contextes où une sélection génétique est pratiquée, même s’il ne faut pas oublier que dans les systèmes traditionnels une forme de sélection empirique existe, associée à des pratiques culturales permettant une certaine résistance ou tolérance aux différents stress, biotiques et abiotiques. D’autre part, pour des raisons pratiques de rationalisation de la culture, les systèmes agricoles se sont orientés après la seconde guerre mondiale vers des cultures monospécifiques et une intensification de la mécanisation, donc un accroissement important de la surface des parcelles cultivées, avec un accroissement spectaculaire des rendements. La contrepartie à ce progrès a été une sensibilité accrue aux épidémies (et un recours massif à la protection chimique) qui s’explique par plusieurs raisons, dont la première est le très faible niveau de diversité génétique pour les facteurs de résistance dans les peuplements cultivés, c’est à dire la quasi-absence de diversité fonctionnelle. Par exemple, dans le cas du blé, s’il existe plusieurs centaines de variétés en l’Eure et Loire il n’y en a que 12 représentatives de la sole, qui ne sont protégées contre la rouille brune que par 4 gènes de résistance, répartis en différentes combinaisons et 4 autres gènes présents dans une seule variété. Bien sûr, on parle ici de gènes majeurs, induisant une résistance complète. Cependant l’effort de sélection pour une meilleure résistance, a conduit à une augmentation progressive du nombre de gènes de résistance dans les variétés au cours des 10 dernières années, ainsi (mais cela est plus difficile à caractériser) qu’à une augmentation du niveau de résistance quantitative de certaines de ces variétés.

>Une relation entre fréquence et résistance. La résistance génétique serait une arme très efficace contre les maladies des cultures si les parasites ne s’y adaptaient pas aussi rapidement. La résistance dite complète, ou qualitative (elle s’exprime selon deux modalités : possibilité ou impossibilité d’infection) est dans la très grande majorité des cas de déterminisme monogénique. Elle fonctionne selon un système gène-pour-gène et est basée sur un mécanisme de reconnaissance du parasite par la plante. Sauf rares exceptions, l’utilisation de cette forme de résistance a toujours conduit à une adaptation, parfois très rapide, du parasite, conduisant à une perte totale d’efficacité. C’est ainsi, par exemple, que le gène Yr17 de résistance à la rouille jaune du blé a été contourné en 2 ans seulement. Cette situation est fréquente et schématisée sous le terme de « boom and bust » (extension et faillite). L’introduction d’un gène de résistance dans une variété cultivée se traduit, en l’absence de population parasite d’une virulence correspondante, par l’augmentation de la fréquence de la variété résistante dans le paysage cultivé et les mutants pathogènes sont rapidement sélectionnés, leur population devient alors majoritairement virulente et la variété cultivée totalement sensible. Si on introduit un autre gène le cycle recommence. Deux voies majeures sont explorées pour sortir de ce cycle vicieux. La première est de construire des résistances plus durables, par exemple en associant des gènes de résistance et en combinant résistance qualitative et quantitative. La seconde voie est de raisonner sur la manière dont on doit utiliser une variété résistante à l’échelle d’un paysage cultivé pour rendre sa résistance durablement efficace. C’est cette approche qui sera discutée dans cette étude.

>La relation entre structure du paysage variétal et résistance observée.Cette relation a été étudiée en détail à partir d’une analyse combinée de jeux de données décrivant sur une dizaine d’années le niveau de résistance observé au champ des principales variétés de blé (données Arvalis), la fréquence des

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pathotypes de P. triticina, agent de la rouille brune (données INRA), et la fréquence des variétés cultivées en France. Ces données ont été recueillies à l’échelle de la France, entre 1999 et 2008. Cette analyse de données montre l’importance de considérer le caractère quantitatif de la relation hôte - parasite pour comprendre aussi bien la structure de la population parasite que le niveau de résistance observé des variétés hôtes. Elle montre également qu’il existe un lien entre la composition variétale du paysage (ici la fréquence des différentes variétés en France) et le niveau de résistance observé de ces variétés. A partir de cette constatation, on peut s’engager dans une étude exploratoire de la relation entre résistance aux maladies et structure du paysage variétal.

>Diversifier les facteurs de résistance : de la parcelle au paysage cultivé.L’idée d’appliquer la notion de diversité fonctionnelle aux systèmes cultivés remonte aux années 50, et fut promue à l’époque sous la forme de la multilignée, c’est à dire d’un ensemble d’une dizaine de lignées isogéniques, identiques pour les caractères agronomiques mais différentes pour les gènes majeurs de résistance. Ces multilignées devaient être vendues et utilisées comme des variétés tout en présentant un bon niveau de diversité fonctionnelle en matière de résistance aux maladies. A grande échelle, ces multilignées étaient vues comme une manière d’abaisser le niveau global d’inoculum dans une région agricole. Malgré quelques succès, son application pratique s’était révélée trop difficile. L’idée a été reprise sous forme de mélange de variétés en respectant 2 contraintes : conserver au maximum une homogénéité agronomique tout en maximisant des facteurs de résistance. Dans certains pays (USA, Danemark…) cette approche a rencontré un franc succès et a été très bien définie (connaissance des mécanismes, de la dilution, des principes de constitution des mélanges…), mais pas dans d’autres contextes (tel qu’en France). Comme pour la multilignée, le principe du mélange variétal a en premier lieu été imaginé à l’échelle d’une parcelle agricole, qui est l’unité de gestion élémentaire en agriculture. Assez rapidement cependant, l’idée a émergé que le système pouvait être d’autant plus efficace qu’il était généralisé à de grandes surfaces. L’exemple le plus connu et décrit est celui du riz en Chine et qui a permis de supprimer les apports fongicides sur 2 millions d’hectares. D’autres initiatives ont dans le passé promu une diversification du paysage variétal, non pas en se basant sur le mélange de variétés, mais en raisonnant directement à l’échelle de la région, considérée comme une mosaïque de parcelles. Cette voie de recherche est potentiellement intéressante mais présente des écueils : difficulté voire impossibilité d’expérimenter de manière classique à cette échelle, de valider de manière formelle des situations et en tirer des conclusions globales mais sans un réel point de comparaison avec une situation témoin. Cette difficulté d’expérimenter conduit également à développer une approche de modélisation, voire à développer une épidémiologie du paysage encore embryonnaire. L’intérêt d’une telle approche sera présenté dans la partie suivante. Enfin, aborder un problème de protection des cultures à l’échelle du paysage implique de considérer de près la question de l’applicabilité et de l’acceptabilité par les acteurs. Ce point sort du champ de l’épidémiologie et fait appel aux sciences sociales. Il n’a jamais été traité dans le passé et il doit maintenant faire l’objet de notre attention.

>Explorer le lien entre la structure génétique du paysage et la résistance aux épidémies.Une approche théorique est indispensable au développement de stratégies de gestion des variétés résistantes à l’échelle du paysage agricole. Il faut pour cela développer au moins trois types d’outils pour la modélisation : des outils pour simuler un paysage agricole, pour gérer la dispersion du parasite sur ces paysages et pour simuler le cycle épidémique du parasite. A cela s’ajoutent des méthodes d’analyse des modèles et en particulier d’analyse de sensibilité. En utilisant ces outils, le lien entre la structure du paysage et la résistance aux épidémies a été étudié en se basant sur la notion de connectivité. La connectivité entre les différents habitats constituant un environnement (ici les variétés d’un paysage agricole) joue de manière cruciale sur la propagation d’une population. Dans le cas d’un paysage agricole, cette connectivité dépend de la proportion et du niveau d’agrégation des variétés, de la capacité du parasite à se développer sur chacun des hôtes (le niveau de résistance des variétés) et de sa capacité à se disperser. L’objectif est alors d’évaluer si cette connectivité peut être réduite avec un impact significatif sur la sévérité des épidémies. Les effets du paysage sur la dynamique épidémique ont été étudiés sur la base d’un paysage à deux variétés, une sensible et une résistante (à résistance qualitative ou quantitative) sur lesquelles se multiplie un parasite dont le génotype est fixé. Les simulations montrent que la sévérité des épidémies et la vitesse de propagation du parasite sont significativement modifiées par des changements dans la structure du paysage (la proportion et la répartition spatiale des variétés) par la capacité du parasite à se disperser plus ou moins loin et par le niveau de résistance de la variété résistante. Les effets de la structure du paysage sur la durabilité des résistances ont été évalués sur la base du même modèle, mais avec une population parasite constituée d’une forme généraliste (modérément agressive mais capable d’infecter les deux variétés) et de deux formes spécialistes (plus agressives que le généraliste sur une variété mais moins sur l’autre) La question est alors de comprendre comment le niveau d’agrégation des variétés dans le paysage influence la composition de la population parasite sur chaque variétéCes premiers travaux en épidémiologie du paysage apportent plusieurs enseignements. En premier lieu, ils confirment l’intérêt de considérer la question de la gestion des résistances à cette échelle, puisque de nombreux effets sont observés sur la dynamique et d’évolution de la population parasite. Ils nous apprennent également que l’idée de diversité fonctionnelle à l’origine du principe du mélange variétal s’applique également à l’échelle du paysage, mais avec des conséquences plus complexes (voir l’impact de la fragmentation du paysage sur la sévérité de l’épidémie sur une variété à résistance quantitative), qui devront être prises en compte pour construire des stratégies de gestion des variétés. Enfin, la structure du paysage influe sur la composition de la population parasite en termes de spécialistes ou généralistes. Si

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l’on considère le cas de spécialistes agressifs (tel que 073100 sur Soissons) ceci est en accord avec l’analyse de données décrite plus haut et donne à réfléchir sur le risque d’utilisation de la même variété sur une fraction importante du paysage.

>Mettre en pratique une diversification des résistances à l’échelle régionale.Les premiers travaux en épidémiologie du paysage décrits ci-dessus sont encore trop récents et incomplets pour tirer des conclusions fortes sur la manière d’utiliser des variétés résistantes dans une région agricole. On peut en particulier se demander comment les structures observées évolueraient au cours des années, dans le cadre d’une gestion spatio-temporelle du paysage. On peut également s’interroger sur la transposition de ces résultats à différents types de parasites. Mais au-delà de l’exploration théorique de cette question, se pose la question de la mise en pratique de ce type d’approche. Il est en premier lieu indispensable de raisonner la gestion des variétés avec la gestion des pratiques. Il a été par exemple largement montré qu’un parasite à forme de survie tellurique comme Leptosphaeria maculans (agent du phoma du colza) développe une quantité très différente d’inoculum selon le travail du sol pratiqué, ce qui modifie le risque d’apparition de variants porteurs de nouvelles virulences. De même, on peut imaginer qu’associer une gestion des variétés avec une gestion raisonnée des applications fongicides est une voie de grand intérêt pour limiter durablement le risque épidémique. Au-delà des pratiques et des aspects agronomiques en général, il est également indispensable de prendre en compte les contraintes et les enjeux des acteurs concernés pour développer des stratégies qui soient à la fois efficaces et acceptables sur un plan organisationnel et économique. Cette question n’a pas encore été abordée par les sciences sociales mais une première étude est en cours depuis peu à l’INRA. Il n’est pas pertinent de raisonner sur l’applicabilité de telles solutions en fonction des formes d’organisation actuelles des acteurs de la production agricole. Ces formes d’organisation évoluent en fonction des contraintes et des opportunités (il n’y a qu’à considérer les changements majeurs qui se sont produits durant la seconde partie du XXème siècle pour s’en convaincre). C’est une mission de la recherche agronomique de contribuer à ces changements en ouvrant des possibilités nouvelles et en explicitant les conditions de leur mise en pratiqueSources : Lannou C. Et al, 2013.Gestion de la résistance aux maladies à l’échelle des territoires cultivés, Innovations Agronomiques, volume 29, septembre 2013, 2p. http://www6.inra.fr/ciag/Revue/Volume29-Septembre-2013 cliquer sur article Lannou.

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