hanotaux - histoire illustree de la guerre de 1914 Тome 1

318
 ?fABRIEL hanotaux de l'Académie Frajiçaise V*' > ^ --t {f .vji*' ^^^

Upload: haisuli

Post on 14-Jan-2016

10 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

French First World War Pictorial

TRANSCRIPT

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    1/318

    ?fABRIEL

    hanotaux

    de

    l'Acadmie

    Frajiaise

    V*'

    >

    ^ --t

    {f

    .vji*'

    ^^^

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    2/318

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    3/318

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    4/318

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    5/318

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    6/318

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    7/318

    HISTOIRE

    ILLUSTREE

    DE

    LA

    GUERRE

    DE

    1914

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    8/318

    Cofiy/righl bt/

    Gabriel

    Hanotaux

    1915

    Tous droits

    de

    reproduction,

    de

    traduction

    et

    d'adaptation

    rservs

    pour

    tous

    pays.

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    9/318

    GABRIEL

    HANOTAUX

    de l'Acadmie

    Franaise

    HISTOIRE

    ILLUSTREE

    DE LA

    DE

    1914

    TOME

    PREMIER

    GOUNOUILHOU,

    EDITEUR

    PARIS,

    8,

    BOULEVARD DES

    Capucines.

    BORDEAUX,

    8,

    ruk

    de

    Chkverus

    19

    15

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    10/318

    D

    fr&Jl

    /.

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    11/318

    LE CANON

    FRANAIS

    DK

    75

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    12/318

    Clich

    MjhucI.

    M.

    RAYMOND

    POINCAR

    PRESIDENT

    DE

    LA

    REPUBLIQUE

    FRANAISE

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    13/318

    HISTOIRE

    ILLUSTREE

    DE

    LA

    GUERRE DE

    1914

    AVANT-PROPOS

    'entreprends d'crire l'his-

    Jl

    toire

    du

    conflit qui

    clata

    en

    j

    Europe,

    l'anne

    1914,

    et qui

    '

    met

    en

    cause

    peut-tre

    l'avenir

    de

    l'humanit.

    Quand

    l'effort

    de la culture

    gnrale

    et

    l'adoucissement des murs

    paraissaient,

    surtout

    depuis

    un

    demi

    -sicle, se

    diriger vers la

    paix, ils

    aboutirent,

    en

    fait,

    une

    lutte

    presque

    universelle.

    Le sens

    dans

    lequel

    la civilisa-

    tion

    croyait

    voluer s'est dvi

    et,

    pour

    ainsi

    dire,

    retourn. La vieille

    humanit

    ne

    peut

    dcid-

    ment

    liminer

    le

    facteur

    guerre

    de

    son

    progrs.

    On

    cherchera

    dans

    des incidents de dtail

    plus

    ou

    moins

    importants la

    cause et les

    ori-

    gines

    de cette

    crise

    terrible :

    elles

    tiennent

    surtout

    des

    raisons

    permanentes, qui

    tou-

    chent

    l'essence

    de la

    nature

    humaine.

    Le

    succs

    produit

    l'orgueil, et

    l'orgueil

    la

    violence.

    D'autre

    part, la richesse

    produit

    la

    corruption,

    et

    la

    corruption

    nerve les peuples. Par les

    deux voies,

    l'homme retourne la barbarie

    originelle.

    Seuls,

    des

    vnements

    tragiques

    peuvent le corriger

    et

    le

    purifier.

    Il

    est aussi des causes plus nobles : car

    l'homme

    est

    ptri

    de

    bien

    et de mal.

    Des

    app-

    tits violents

    ont, en lui, pour contre-partie,

    des

    aspirations

    leves.

    L'homme,

    tre

    sociable, cherche

    sans

    cesse

    tendre

    son action par

    la

    socit

    et sur

    la

    so-

    cit,

    en visant

    la

    fois

    les

    corps

    et les mes.

    Il

    a

    un

    besoin

    incessant

    de conqute

    et

    de

    propa-

    gande:

    il

    veut commander

    et

    il veut

    convaincre.

    Quand

    ces

    deux

    ambitions

    s'opposent,

    quand la force se

    heurte

    l'ide,

    un

    dbat

    nat,

    et ce

    dbat

    a pour

    sanction,

    le

    recours

    aux armes

    :

    Tu

    ne

    veux

    pas obir

    >-,

    ou

    Tu

    ne veux pas

    croire.,

    tu

    priras

    -.

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    14/318

    HISTOIRF.

    ILLUSTREE

    D

    :

    LA

    GUERRE

    DE

    IQI4

    Par contre,

    quelle

    admirable

    rvolte

    que

    celle

    de l'esprit de

    libert

    qui,

    prcisment,

    ne

    veut

    pas

    prir

    Les

    indpendances

    indivi-

    duelles

    et

    nationales

    barrent

    la route

    Vim-

    prialistne

    et

    la

    tyrannie;

    la

    parole

    donne,

    la foi,

    l'honneur,

    leur

    sont des

    obstacles,

    des

    digues, cent fois

    rompues,

    mais cent

    fois

    rtablies.

    Le

    droit

    balance

    la

    lorce.

    La

    noblesse

    de

    l'humanit

    s'affirme

    dans

    ces hroques conflits.

    Elle

    ne

    progresse

    (au

    prix de

    quelles souffrances

    )

    que parce

    qu'elle

    trouve en son sein

    des Lonidas, des

    Jeanne

    d'Arc

    et des

    Lazare

    Carnot

    que rien n'inti-

    mide et qui ne cdent

    pas.

    La

    libert

    du

    monde

    est faite

    du

    sang

    des

    martyrs,

    des

    martyrs-individus

    et

    des

    martyrs

    -nations.

    La

    grandeur

    n'est

    pas la

    force

    ni

    la

    puissance une garantie

    de

    dure.

    L'empire

    de

    Charles- Quint

    s'est croul; la

    Pologne subsiste.

    La

    victoire

    du

    vaincu

    est

    peut-tre le secret sublime

    de

    l'histoire.

    J'cris

    ce

    rcit

    au

    fur

    et

    mesure

    que

    la

    guerre

    se

    droule :

    il

    y

    a urgence,

    en

    effet,

    ne

    pas

    laisser

    l'histoire

    se

    faire en

    dehors de

    nous

    et

    peut-tre

    contre nous. 11

    importe

    de

    runir,

    sans retard,

    les

    lments qui doivent

    servir

    former

    l'opinion

    du

    monde.

    C'est

    tra-

    vailler

    la cause

    du

    vrai,

    du

    juste,

    que

    d'ta-

    blir,

    ds maintenant,

    les

    origines

    de

    la

    guerre

    actuelle, son

    vritable

    caractre,

    la tournure

    implacable qui lui

    a

    t donne

    par la volont

    de

    ceux

    qui

    l'ont

    dclare

    et

    qui

    l'ont

    commence

    en

    violant

    la neutralit

    belge, qui

    ont ni

    la

    foi

    jure et se

    sont mis

    en tat

    de

    rupture

    voulue et

    avoue

    avec

    les

    engagements

    internationaux

    qui

    protgeaient

    la guerre

    elle-

    mme

    contre

    les excs

    de

    la

    guerre.

    Puisqu'il

    est une

    puissance

    qui

    a

    considr

    les

    traits

    comme

    de simples

    chiffons

    de

    papier

    ,

    il

    est

    indispensable

    de le

    rpter

    et

    de

    l'tablir

    clairement.

    Il

    ne

    faut

    pas

    que le

    bruit

    des

    vnements

    militaires

    fasse

    oublier

    les

    responsabilits

    de

    ceux

    qui

    les

    ont

    dcha-

    ns et

    qui

    leur ont

    imprim

    un

    caractre si

    particulirement

    inhumain.

    Puisqu'une

    lutte est

    engage

    qui

    oppose

    les

    deux

    tendances

    contraires

    de

    notre

    double

    nature, le

    gnie

    du

    mal et le gnie

    du

    bien;

    puisqu'on rencontre, dans l'un

    des

    deux

    camps,

    la

    volont de

    dominer

    le monde et

    de

    le

    courber

    sous

    une

    tyrannie

    conomique et

    politique

    dont il

    ne pourrait, de longtemps,

    secouer

    le

    joug;

    puisque

    ce

    parti

    est

    rsolu,

    pour obtenir

    un tel

    rsultat, employer la force, sans gard

    aux

    engagements authentiques, aux

    contrats

    solennels, la morale internationale

    consacre

    par les

    sicles

    ;

    puisque

    la

    civilisation est

    menace

    d'une

    prodigieuse rgression

    et

    que

    la victoire

    de ce

    camp serait le triomphe

    de

    la

    brutalit cynique; puisque,

    dans

    l'autre

    camp,

    on

    combat

    pour la

    libert

    et l'indpendance

    des

    peuples,

    pour le

    respect

    des traits

    et de

    la

    foi jure,

    pour les

    gards

    que

    les

    forts doi-

    vent aux

    faibles,

    pour

    le respect

    des

    femmes,

    des

    enfants,

    des

    populations

    dsarmes,

    pour

    la loyaut

    internationale,

    pour le

    maintien des

    plus

    nobles

    sentiments, la

    piti,

    la commis-

    ration, la douceur, la

    contrainte

    intrieure

    exerce par le

    puissant sur

    soi-mme;

    puisque

    ces

    deux causes sont

    en

    balance

    et

    que

    l'issue

    du

    duel est

    entre

    les

    mains

    de

    Dieu, il faut

    dire

    les choses telles

    qu'elles sont pendant

    qu'elles sont

    :

    car qui peut

    prvoir ce

    que

    la

    victoire

    ou la

    dfaite permettront

    de

    dire

    aprs?

    Que

    seront devenus,

    alors, la face

    du

    monde et le cur de

    l'humanit?

    L'humanit

    joue

    une

    partie

    o

    il

    y

    va

    de son

    essence

    mme.

    L'homme

    est -il

    bon,

    est-il mchant?

    Il

    faut

    prsenter

    les

    alas

    opposs et les

    chances

    contraires

    avant

    que

    le destin

    se

    soit

    prononc.

    La

    premire loi

    de

    l'histoire est

    la vrit : or, il

    y

    a

    une vrit

    poignante

    et

    pathtique dans l'incertitude que

    la volont

    divine

    mle la certitude o nous

    sommes

    que

    la

    plus noble

    des causes

    doit

    triompher.

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    15/318

    AVANT-PROPOS

    C'est entendu,

    j'cris

    en

    pleine bataille,

    dans

    la

    poudre

    et

    la

    fume, sans horizon et

    sans

    lendemain;

    je ne vois pas trs

    loin,

    je

    ne

    distingue

    jias

    les ensembles,

    je

    ne

    sais oii

    la

    fatalit

    nous

    mne;

    j'appartiens

    un des

    peuples

    engags

    dans

    la lutte,

    celui

    qui

    souffre

    le plus

    et

    qui

    aurait le

    plus de droits

    se plaindre

    de

    la

    destine:

    cette

    position est

    la

    mienne

    et

    je

    l'accepte.

    Ceci

    dit,

    j'affirme

    ma

    ferme volont

    d'tre

    vridique

    :

    je contiendrai

    mes sentiments;

    je

    refoulerai

    mes

    larmes.

    Mais

    ce

    que

    je ne

    puis

    promettre,

    c'est

    de

    comprimer

    mon cur

    et

    de

    faire

    taire,

    en moi,

    les

    sentiments

    qui

    viennent

    de ma

    naissance

    et

    de ma

    foi

    dans la

    justice

    de

    la

    cause

    que

    je sers.

    Si, bien

    involontairement,

    je

    manque

    la

    loi d'quit,

    qui

    est

    l'autre

    loi

    de l'histoire,

    on

    me

    pardonnera

    :

    au moment

    d'crire,

    ma

    main

    tremble.

    Mais

    cette

    motion

    mme

    com-

    muniquera

    peut-tre au

    rcit

    quelque

    chose

    de

    son

    mouvement.

    Il

    ne

    s'agit

    pas

    d'un

    livre

    de

    cabinet, mais

    d'une uvre

    d'action

    et de

    combat.

    Je

    suis

    dans la mle.

    Je

    lutte,

    avec

    tous

    les

    miens,

    pour la

    vrit,

    l'honneur,

    la

    libert.

    Si la gravit

    de l'histoire

    y

    perd

    quelque

    chose, son efficacit

    y

    gagnera

    beau-

    coup.

    J'invite

    mes lecteurs

    se

    mobiliser

    avec

    moi pour la dfense

    de mon

    pays, la

    France,

    et

    de

    son noble

    patrimoine,

    devant

    l'avenir;

    devant Dieu.

    G.

    H.

    Novembre

    191.1.

    1,

    AU

    KUR

    DANS

    SON

    CABINET

    DE TRAVAIL

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    16/318

    s.

    M,

    ALBERT

    1=',

    ROI

    DES

    BELGES

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    17/318

    CHAPITRE

    PREMIER

    LES

    ORIGINES

    DIPLOMATIQUES

    DU

    CONFLIT

    La politique de l'Allemagne

    la

    suite de

    la

    guerre de

    1870.

    L'Allemagne

    entre

    V

    Autriche

    -

    Hongrie

    et

    la Russie.

    La Triple

    Alliance.

    L

    'Alliance

    Franco

    -

    Russe

    .

    A

    guerre

    de

    1914

    se

    rattache

    directement laguerre

    de

    1870

    En consacrant,

    au

    trait

    de

    Francfort,

    le dmembrement

    de

    la France,

    Bismarck

    (qui

    a

    protest souvent

    ne

    l'avoir

    pas

    fait

    de

    son

    plein gr)

    lais-

    sait

    ,

    dans la plaie

    saignante

    au

    flanc de ce

    noble

    pays, le

    germe

    des

    maux

    futurs.

    Il

    ne

    se

    faisait

    pasd'illusion

    ce

    sujet,

    et

    il

    d-

    clarait

    lui-mme

    que

    c'tait

    une faute d'avoir

    rclam

    Metz

    et

    la

    Lorraine.

    Il disait,

    ds le

    13

    aot

    1871,

    M. de

    Ga-

    briac,

    charg d'affaires

    franais Berlin :

    Je

    ne

    me

    fais pas d'illusions

    ;

    il

    ne

    serait

    pas

    logique

    de vous

    avoir pris

    Metz

    qui

    est

    franais,

    si

    des

    ncessits imprieuses

    ne

    nous obligeaient

    le

    garder... L'Etat-major

    dclarait : Metz

    est un

    glacis

    derrire

    lequel

    nous

    pouvons mettre

    cent

    mille

    hommes.

    Nous

    avons

    donc

    d

    le

    garder.

    J'en

    dirai

    autant de

    l'Alsace

    et

    de la

    Lorraine.

    C'est une

    faute

    que

    nous aurions

    commise

    en vous

    les

    prenant,

    si

    la

    paix

    devait

    tre

    durable;

    car,

    pour nous,

    ces provinces

    seront

    une difficult,

    etc.

    Le

    madr

    politique

    n'avait

    pas voulu,

    aprs

    Sadowa,

    abattre l'Autriche et

    ses

    allis;

    il le

    raconte

    lui-mme, avec

    son

    ironie

    puissante et

    raliste :

    Aprs

    Sadowa,

    mon

    gracieux matre

    avait

    dcid

    d'enlever un morceau

    de

    territoire

    chacun

    des princes

    battus, comme punition

    :

    Je

    vais,

    me

    rptait-il sans

    cesse,

    exercer

    la

    justice

    de

    Dieu.

    Je

    finis

    par lui rpondre

    qu'

    il

    valait mieux

    laisser

    Dieu

    exercer sa

    justice lui-mme.

    De

    mme,

    aprs

    la

    guerre

    de

    1870,

    il

    devi-

    nait

    quel

    pril courrait

    l'empire fond par

    lui,

    si

    cette

    cration

    de

    son

    gnie

    avait

    perptuel-

    lement

    comme adversaire une

    France

    ina-

    paise.

    Outre

    les

    preuves officielles

    de

    cette

    hsi-

    tation

    de

    Bismarck, preuves qui

    abondent

    maintenant,

    voici un

    rcit singulirement

    dra-

    matique,

    puisqu'il appelle

    en tmoignage

    deux grands artistes

    allemands, contemporains

    de

    Bismarck,

    dont

    l'un

    du

    moins,

    Lenbach,

    avait su

    gagner

    sa

    confiance :

    Une

    seule

    fois,

    un

    fait

    prcis, d'ordre

    historique,

    s'chappe

    des

    lvres

    de

    l'artiste

    (Lenbach)

    propos

    d'une

    rcente sortie

    de

    Wagner

    :

    Bismarck

    a

    commis le pire

    et

    le plus

    imbcile des

    crimes,

    s'est cri le

    pote musi-

    cien,

    s'adressant

    des

    amis

    franais.

    De

    gat

    de

    cur,

    comme

    une

    brute, abusant impu-

    demment de

    la

    guerre,

    il

    a pris Strasbourg

    et

    Metz la France.

    Pour

    combien

    de

    sicles

    B

    a-t-il

    ouvert

    un abme entre deux nations qui

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    18/318

    HISTOIRE

    ILLUSTRE

    DE

    LA

    GUERRE DE

    I9I4

    ont

    besoin

    l'une de

    l'autre

    et

    qui

    s'habitueront

    se

    har

    au

    lieu

    de

    se

    tendre

    les mains

    pour

    I)

    travailler

    ensemble

    au

    progrs

    de

    l'humanit

    Lenbach

    rplique

    vivement

    :

    Wagner se

    ')

    trompe.

    Bismarck

    n'a

    pas

    voulu

    l'annexion

    de la

    Lorraine

    et

    de

    l'Alsace

    l'Empire

    germa-

    nique;

    c'est

    de

    Moltke

    qui l'a

    exige au nom

    des

    intrts

    militaires.

    Bismarck

    a

    rsist

    1)

    tant

    qu'il a

    pu;

    il a d

    flchir

    devant

    l'arrt

    de

    l'empereur.

    Voil la

    vrit

    (i).

    Ainsi,

    malgr

    sa

    clairvoyance

    et

    sa

    volont

    affirme,

    Bismarck

    ne

    fut pas

    assez

    puissant

    pour dominer

    l'orgueil

    prussien

    dont

    il n'tait,

    d'ailleurs,

    lui-mme,

    que

    l'manation

    sup-

    rieure.

    L'ambition

    victorieuse fut plus forte

    que

    la

    pondration diplomatique

    du

    grand

    homme d'tat.

    Cette

    lutte

    entre la

    prudence

    inquite

    et la

    folie

    ambitieuse,

    on peut

    la

    suivre pendant

    les

    quarante-quatre ans qui

    sparent

    1870

    de

    1914;

    toujours

    la

    sagesse est

    battue,

    toujours

    elle

    recule,

    toujours

    l'esprit

    d'imprudence et

    d'erreur

    affole

    l'orgueil

    alle-

    mand,

    jusqu'au

    moment

    o

    la passion

    aura

    t

    rige

    en

    systme,

    et o

    le pangermanisme aura

    ameut

    contre

    l'Allemagne

    la

    rancune et la

    haine

    de

    l'univers

    bless

    ou

    menac.

    L'INCIDENT

    Le premier mouvement

    DE

    1875

    d'humeur

    se

    manifesta

    en

    1875,

    quand

    Bismarck, aprs avoir

    menac

    la

    France,

    dut

    reculer sous

    la

    pression

    de

    la Russie

    et

    de

    l'Angleterre.

    Dj, on retrouve, dans

    cet

    incident,

    le rudiment

    des

    faits

    qui

    devaient

    se

    reproduire, infiniment plus

    accuss, en

    1914.

    Le 10

    mai

    1875,

    Gortschakow,

    chancelier

    de

    l'empereur

    Alexandre

    H, mit la main sur le

    bras de

    Bismarck,

    au

    moment

    o

    celui-ci le

    (1)

    Je

    tiens

    ces

    dtails

    de

    l'interlocuteur

    mme de

    Lenbach,

    personnage considrable par

    sa situation dans son

    pays.

    II m'a

    malheureusement interdit

    de le nommer.

    Le

    marchal bavarois

    von

    der

    Thann

    raconta

    plusieurs

    fois

    le

    mme

    fait

    Munich, en

    regrettant

    que

    le

    point

    de

    vue prussien

    ait prvalu,

    dans

    le

    Conseil

    de

    l'empire,

    sur le

    point

    de

    vue

    allemand

    dfini par le

    chancelier.

    Le rensei-

    gnement

    m'a

    t

    fourni,

    en

    1878,

    par

    M. Lefvre de Bhaine

    et

    confirm

    Rome

    par la

    princesse

    de

    Sayn-Wittgenstein,

    cousine

    du

    marchal. Mais

    Lenbach tenait

    srement

    son

    information

    de Bismarck

    lui-mme.

    (L.

    de

    Foucauld,

    dans

    un

    article

    sur

    Lenbach, Revue

    de l'Art, 10

    janv.

    1906,

    p.

    73.)

    levait

    pour frapper la

    France;

    l'ayant

    arrt,

    le

    ministre

    russe put envo3-er

    aux

    chancelleries

    le

    fameux tlgramme

    qui

    donnait

    la

    Russie

    l'arbitrage

    de

    la paix

    ou

    de la

    guerre

    :

    Main-

    tenant, la

    paix

    est

    assure.

    Bismarck,

    furieux,

    dit

    Gortschakow,

    peu

    prs dans

    les

    mmes

    termes dont

    l'empereur

    Guillaume

    s'est

    servi

    rcemment

    l'gard

    du roi

    Georges

    V,

    que

    ce

    n'est

    pas un procd

    de

    bonne

    amiti

    de

    sauter

    l'improviste

    et

    par

    derrire

    sur

    un

    ami confiant

    et

    qui

    ne se

    doute

    de

    rien...

    .

    En

    mme

    temps, il reprochait

    la reine

    Victoria

    et

    la

    diplomatie

    anglaise

    d'avoir

    agi

    avec

    duplicit,

    en 'affirmant

    qu'elles

    taient

    convain-

    cues

    de

    l'intention

    de l'Allemagne

    d'en

    venir

    une

    rupture

    .

    L'Allemagne

    croit,

    de

    bonne

    foi,

    que

    les

    autres

    puissances

    doivent

    une

    crdulit

    absolue

    ses

    nafs

    mensonges

    diplo-

    matiques.

    Ds cette

    poque, la

    chancellerie

    allemande

    devait

    sentir,

    pourtant, qu'elle

    aurait

    ven-

    tuellement

    contre elle l'union

    des trois

    grandes

    puissances

    europennes.

    Bismarck

    s'en

    prenait

    tout

    le

    monde : il

    et

    mieux fait

    de

    s'en

    prendre

    lui-mme.

    Cette

    inquitude

    inavoue

    commena

    peser

    ds

    lors,

    trs

    lourdement,

    sur

    les

    sentiments

    et

    les dterminations

    de

    la

    chancellerie

    alle-

    mande. Bismarck reconnat,

    dans ses

    Souvenirs,

    qu'il

    avait

    le

    cauchemar

    des

    coalitions

    .

    Il

    crut prendre

    une prcaution

    suprme en

    fon-

    dant

    la Triple

    Alliance,

    sans voir

    qu'en

    se

    liant

    avec

    l'Autriche-Hongrie

    et l'Italie

    contre

    la

    Russie, il

    jetait

    la

    Russie dans les

    bras

    de la

    France,

    et

    qu'ainsi

    il

    fabriquait, de ses

    propres

    mains, la

    tenaille

    qui devait, un

    jour, serrer

    l'Empire

    allemand

    dans

    sa

    pince

    redoutable.

    Mais,

    ds

    lors,

    la

    passion

    anti-russe l'aveu-

    glait,

    comme

    elle devait

    aveugler peu

    peu

    ses successeurs.

    Sa

    sagesse

    l'avertissait

    en

    vain. Il

    crut

    qu'il obtiendrait un

    adoucissement

    dans la

    politique anti-allemande de la Russie, en lui

    laissant le champ libre

    vers

    Constantinople;

    il contracta, avec

    elle,

    ces

    fameux traits

    de

    rassurance,

    dont

    l'ambigut essayait

    de

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    19/318

    LES

    ORIGINES DIPLOMATIQUES DU

    CONFLIT

    LE

    PRINCE

    DE BISMARCK

    TABLEAU

    DE LENBACH

    (.896)

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    20/318

    HISTOIRE

    ILLUSTRE

    DE LA

    GUERRE

    DE I9I4

    tromper la fois Saint-Ptersbourg et

    Vienne,

    multipliant

    les dmarches

    obsquieuses auprs

    des

    tzars

    et auprs de

    leurs familles;

    une

    intrigue

    allemande permanente

    travaillait,

    Saint-Ptersbourg,

    pour la cause

    de

    l'Alle-

    magne.

    Simples

    palliatifs

    Malgr

    tout, les Russes

    se mfiaient

    :

    ils

    savaient que

    tout ce

    mange n'tait

    pas sincre

    et que la haine

    de

    l'Allemand

    pour le

    Slave,

    la

    jalousie

    d'un

    empire

    contre

    l'autre,

    l'inqui-

    tude

    de voir

    grandir,

    l'Orient,

    le

    colosse

    moscovite, l'emporteraient sur les

    avis

    de

    la

    prudence

    et

    de

    la

    prvoyance.

    On

    savait,

    en

    un

    mot,

    Saint-Ptersbourg,

    que Bismarck,

    interrog par Gortschakow

    dans

    les

    termes

    suivants

    :

    Si,

    en cas

    de

    guerre

    entre

    la

    Russie

    et

    l'Autriche,

    l'Allemagne

    resterait

    neutre

    (automne

    1876),

    avait rpondu que

    l'Allemagne

    ferait

    tout le possible

    pour

    viter

    la

    guerre,

    mais

    qu'elle

    ne pourrait abandonner

    l'Autriche.

    Telle

    est,

    exactement,

    l'une

    des origines

    diplomatiques

    les

    plus

    indniables

    du conflit

    actuel.

    L'histoire

    marche lentement, mais

    elle

    s'oriente,

    certaines

    heures,

    vers

    d'inluctables

    destines.

    La

    Russie,

    barre

    en

    quelque

    sorte

    du ct

    de

    l'Europe

    par

    la

    coalition

    des deux empires

    du

    centre,

    essaya

    de se

    retourner

    vers l'ob-

    jectif

    traditionnel

    de sa politique

    europenne

    :

    Constantinople

    et

    les

    Balkans.

    Mais, l

    encore,

    elle

    trouva

    l'opposition

    de l'Autriche-

    Hongrie,

    entranant

    sa

    remorque celle

    de

    l'Allemagne.

    A

    l'entrevue

    de

    Reichstadt

    (juillet

    1876),

    il

    se fit

    une

    sorte

    de

    partage

    de

    la

    pninsule

    des

    Balkans

    entre

    l'influence

    russe

    et

    l'influence

    Austro-hongroise,

    la

    Russie

    se

    rservant

    les

    populations

    slaves

    situes

    l'orient

    de

    la

    pninsule

    et

    abandonnant,

    en

    quelque

    sorte,

    l'Autriche

    les

    territoires

    occidentaux.

    C'est la

    suite

    de

    cet

    arrangement,

    dont

    nous

    allons

    voir

    les

    consquences

    sur

    les

    vnements

    de

    1914,

    que

    la

    Russie

    fit

    la

    guerre

    contre

    la

    Turquie

    en

    1878. Ses

    victoires

    furent

    laborieuses

    et

    sanglantes;

    mais,

    au

    moment on

    elle

    allait,

    San-Stefano,

    aux portes

    de Constantinople,

    recueillir

    le

    fruit

    de

    ses

    efforts, elle

    vit

    l'Au-

    triche

    et

    l'Allemagne,

    unies

    l'Angleterre,

    se

    lever

    contre elle.

    Le

    Congrs de

    Berlin

    runit

    les

    reprsen-

    tants des grandes puissances

    europennes,

    sous

    la

    prsidence

    du prince

    de Bismarck,

    et celui-

    ci

    se

    donna la satisfaction

    orgueilleuse

    de

    traduire la Russie,

    en

    la

    personne

    du chance-

    lier Gortschakow,

    la

    barre

    de

    l'Europe.

    La

    Russie

    dut

    dchirer de

    ses

    propres

    mains

    le

    trait

    de

    San-Stefano et apposer

    sa signature

    sur

    le trait que les puissances

    rivales,

    qui

    s'taient

    arranges d'avance

    entre elles,

    lui

    imposrent.

    L'AUTRICHE OCCUPE

    LA

    BOSNIE

    ET

    L'HERZGOVINE

    Le trait

    de Ber-

    lin

    (1879),

    ^u li^u

    de

    rgler

    dfinitive-

    ment

    la question turque, reconstituait

    une

    Turquie oppose la Russie; il replaait

    les

    populations

    de

    la Thrace et de la Macdoine

    sous

    le joug

    ottoman, laissant

    ainsi

    un

    germe

    pour

    les

    futurs

    conflits;

    tout

    en

    consentant

    la

    constitution

    de

    la

    Bulgarie

    comme

    princi-

    paut

    indpendante,

    il

    rprimait

    le

    sentiment

    national bulgare et

    crait

    une

    cause de

    dis-

    sentiments

    entre

    la puissance

    libratrice

    et le

    peuple libr.

    Mais,

    de

    toutes les

    combinaisons

    qui furent

    tisses

    avec

    un art

    machiavlique,

    Berlin,

    par le

    gnie

    de

    Bismarck, aid

    de celui de

    lord

    Beaconsfield,

    la plus

    grave

    fut

    l'occupa-

    tion, par

    l'Autriche-Hongrie,

    des

    territoires

    serbes

    de

    la

    Bosnie et Herzgovine,

    du consen-

    tement

    de

    l'Europe.

    C'tait crer,

    comme

    on

    l'a

    dit,

    une

    Alsace-Lorraine

    slave

    dans

    les

    Balkans.

    L'Autriche,

    l'Allemagne,

    l'Europe

    elle-

    mme devaient

    subir,

    par la suite,

    le

    chti-

    ment

    de

    la

    disposition nfaste que

    la

    volont

    de

    Bismarck

    avait

    introduite,

    comme

    une

    mine

    explosive,

    dans

    les

    dessous des affaires

    europennes.

    Dsormais les deux empires

    ger-

    maniques taient

    lis jusqu' la

    mort.

    10

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    21/318

    LES

    ORIGINES DIPLOMATIQUES DU

    CONFLIT

    L'ALLEMAGNE

    ENTRE

    L'AUTRICHE-HONGRIE

    ET

    LA

    RUSSIE

    Il faut ici s'le-

    ver

    au-dessus

    des

    vnements

    secon-

    daires

    pour bien apprcier

    la

    nature

    de ces

    larges volutions

    de

    l'histoire.

    Si

    l'on

    considre l'ensemble des

    faits

    qui

    se

    En

    fait,

    ce

    qui reste

    et

    restera

    l'anxit

    suprme

    de

    l'Allemagne

    du

    Nord, c'est

    la

    fid-

    lit

    de l'Allemagne du Sud. Malgr la

    volont

    d'tre

    une,

    l'Allemagne

    ne l'est

    pas.

    La

    thse

    des nationalits et la phrasologie

    romantique

    du

    milieu

    du

    xix

    sicle

    se

    sont

    trompes

    en

    ALLEMAGNE

    an 1866

    olht

    .deit

    L'ALLEMAGNE APRES SADOWA

    ^

    PRl'SSE EN

    l8l5.

    {ilUm

    ACQUISITIONS

    DE LA PRUSSE

    EN

    1866.

    sont

    passs

    en

    Europe depuis un

    demi -sicle,

    on

    s'aperoit

    que

    le

    vainqueur de

    Sadowa

    fut,

    en

    somme,

    depuis

    1866,

    le

    prisonnier de

    sa

    vic-

    toire.

    Une

    fois l'empire

    d'Allemagne

    du

    Nord

    constitu, la

    politique

    allemande

    ne

    resta

    pas

    une

    politique

    exclusivement prussienne;

    elle

    se subordonna,

    dans

    une certaine

    mesure,

    la

    politique

    austro-

    hongroise. Dans

    les pr-

    tentions

    comme

    dans les ralisations, c'est

    souvent

    le

    brillant

    second

    qui

    mne

    le jeu.

    ceci

    :

    elles

    chantaient l'unit

    allemande

    sans

    tenir

    compte

    de

    la

    ralit,

    savoir

    qu'il

    existe

    deux

    Allemagnes,

    l'une

    du

    Nord,

    la face

    tourne

    vers

    les mers septentrionales,

    l'autre

    du Sud,

    la face

    tourne

    vers les mers

    mri-

    dionales;

    l'une protestante, l'autre catholique.

    Et peut-tre mme, faudrait-il

    distinguer

    encore

    une

    Allemagne

    uniquement

    centrale

    et

    continentale, trs

    embarrasse

    entre

    les

    deux

    autres.

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    22/318

    HISTOIRE

    ILLUSTRE

    DE

    LA GUERRE

    DE

    I914

    Quoi

    qu'il en

    soit, la

    politique et

    mme la

    conqute

    militaire

    ne

    peuvent

    attnuer les

    conflits

    latents entretenus

    par

    la

    gographie,

    l'ethnographie,

    la

    religion.

    Le

    nouvel

    empire

    allemand ne

    pouvait garder une

    certaine

    scurit

    qu'en

    unissant son

    sort

    l'Allemagne

    austro-hongroise;

    mais, en

    crant le lien,

    il

    s'attachait

    lui-mme.

    Cette unit

    aux

    deux fronts,

    bifrons,

    ne

    pouvait

    se constituer

    que

    si

    elle tenait compte

    des

    deux

    intrts,

    des deux

    aspirations

    qu'elle

    contenait

    en

    son

    sein.

    L'Allemagne

    du Nord

    ne

    pouvait

    s'assurer

    la fidlit

    de

    l'Allemagne

    du

    Sud

    que

    si

    elle

    prenait

    en

    charge les

    intrts

    de

    celle-ci.

    L'Autriche-Hongrie,

    refoule

    et en

    quelque sorte

    expulse des

    territoires

    o

    elle

    avait

    rgn, ne

    trouvait plus d'autre expansion

    que vers

    le

    Danube. C'est ce

    que

    Bismarck

    explique

    parfaitement

    dans ses Souvenirs,

    quand

    il crit :

    Il est

    naturel que

    les

    habitants

    du

    bassin

    du

    Danube

    puissent avoir

    des

    int-

    rts

    et

    des

    vues

    qui s'tendent au del des

    limites

    actuelles de

    la

    monarchie austro-hon-

    groise. La

    manire dont

    l'Empire allemand

    s'est

    constitu

    montre comment

    l'Autriche

    peut

    grouper

    autour

    d'elle les intrts entre les

    populations

    de

    race

    roumaine

    et

    les

    bouches

    du

    Cattaro.

    Ces

    paroles taient,

    pour

    l'Autriche,

    tout un

    programme d'action. On voit

    donc

    que

    les origines

    de

    la guerre

    de

    1914

    taient

    incluses

    dans

    le

    parti

    que

    prenait l'Allemagne

    de

    lier

    son

    sort

    celui de

    l

    'Autriche-Hongrie.

    Puisque

    l'Allemagne

    nouvelle

    imposait

    cette

    politique

    l'Autriche-Hongrie,

    elle devait lui

    en

    garantir

    le

    bnfice.

    S'il en

    et

    t

    autrement,

    la

    politique

    austro-hongroise

    se

    serait

    probable-

    ment retourne, et, unie

    la

    politique franaise,

    elle

    et

    fait

    courir

    les

    plus

    grands

    risques

    la

    domination

    prussienne

    en

    Allemagne; Sadowa

    et

    Sedan auraient associ leur

    revanche

    .

    L ALLEMAGNE

    SE PRONONCE

    POUR

    L'AUTRICHE

    -HONGRIE

    L'Alle-

    magne,

    ayant pris

    le

    parti

    de pousser l'Autriche sur

    le Danube

    et

    vers

    les Balkans,

    devait chercher

    ses instruments

    dans les

    reprsentants

    et les

    directeurs de la politique

    austro-

    hongroise.

    Elle

    n'avait

    qu'

    se baisser,

    en

    quelque

    sorte,

    pour ramasser

    des cooprateurs

    et

    des com-

    plices

    ; c'taient

    les

    ministres

    hongrois.

    Les

    Hongrois n'aiment

    pas

    les

    Slaves.

    Bismarck,

    qui

    connaissait

    bien

    ce sentiment,

    rsolut

    de

    l'exploiter,

    sans

    perdre,

    d'ailleurs,

    la libert

    de

    son

    jugement.

    Il

    gardait

    son

    ascendant sur

    la politique

    austro-hongroise,

    parce qu'il

    en

    avait

    prvu

    les

    lacunes

    et les

    faiblesses.

    Il crit, dans

    ses Souvenirs :

    Si les

    consid-

    rations

    d'une politique

    rflchie

    avaient

    tou-

    jours

    le

    dernier

    mot

    en

    Hongrie,

    ce

    peuple

    brave

    et indpendant

    comprendrait

    vite

    qu'il

    n'est,

    en

    quelque

    sorte,

    qu'une le

    au

    milieu

    de

    la vaste

    mer des populations

    slaves

    et

    que,

    tant

    donne

    son

    infriorit

    numrique,

    il

    ne

    peut

    garantir

    sa

    scurit

    qu'en

    s'appuyant

    sur

    l'lment allemand. Mais

    l'pisode

    de Kossuth

    et

    d'autres symptmes encore

    prouvent

    que,

    dans

    des

    moments critiques, la

    suffisance

    des

    avocats-hussards hongrois

    est plus

    forte

    que

    leur

    prvoyance politique

    et que leur

    empire

    sur eux-mmes. Maint

    Hongrois

    ne

    fait-il

    pas

    jouer,

    par les ambulants,

    l'air

    connu

    :

    L'Al-

    lemand est un j...-f...

    ?

    Il

    rsolut

    donc

    d'exploiter ce

    qu'il

    appelle

    lui-mme

    le chauvinisme

    hongrois

    ,

    sans en

    tre dupe.

    Andrassy

    fut

    son instrument : il

    conclut

    avec

    Bismarck

    le

    trait

    d'alliance entre

    les deux empires,

    qui

    fut

    un pacte,

    assurant

    l'Autriche-

    Hongrie

    un

    dveloppement facile

    dans

    les Balkans, et

    s'opposant

    l'expansion

    slave

    dans la

    pninsule.

    Ce

    pacte, puisqu'il

    tait

    anti-slave,

    tait

    fatalement

    anti-russe.

    Toutes

    les

    habilets

    de

    Bismarck

    ne

    pouvaient modifier

    cet

    tat

    de

    choses

    fondamental.

    Si

    bien

    que

    l'Allemagne

    payait,

    de

    sa

    scurit

    sur

    la

    frontire

    russe,

    sa complaisance

    pour la politique

    austro-

    hongroise.

    Bismarck

    avait

    peut-tre

    entrevu

    cette

    consquence;

    il

    la vise

    dans ses

    Souvenirs.

    L'avenir

    d'une

    alliance

    avec l'Autriche-Hon-

    grie

    laisse la

    porte ouverte bien

    des appr-

    hensions

    :

    la

    question

    religieuse,

    la

    possibilit

    12

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    23/318

    I.KS

    ORIGINES

    DIPLOMATIQUES

    DU

    CONFLIT

    LE

    CONGRES

    DE BERLIN (187'.)).

    (t\bi.eai:

    de werner).

    I

    Rang

    :

    Karoly. Gortschakow.

    Disraeli. Andrassy.

    Bismarck.

    Schouvalow.

    Bulow.

    Meheniet-Ali-P.Tcha.

    a'

    Rang:

    Waddiugton.

    Radowitz. C

    Corti.

    Oubril.

    Saint-

    Vallier,

    Desprez.

    Carathodory-

    Pacha. Sadoulal\-Rey.

    y

    Rang :

    Haymerl.

    C

    Launay. Hohenlohe. De Mouy. Oddo Russell.

    Salisbury.

    4*

    Rang :

    Werner

    (peintre

    auteur). Herbert

    de Bismarck. D' Biisch.

    d'une bonne entente avec la France

    sur

    la

    base

    du

    catholicisme, le

    manque

    de

    coup

    d'il

    politique

    de

    l'lment allemand

    austro-hon-

    grois, c'est--dire,

    en

    somme, une

    certaine

    ind-

    pendance politique

    se

    manifestant

    Vienne,

    tout

    cela

    inspirait des

    craintes

    srieuses.

    Quand

    ce changement

    surviendra-t-il

    ?

    Personne

    ne

    peut

    le

    prvoir.

    Mais il ferme

    les yeux

    sur

    ces

    consquences

    possibles

    de

    la faute qu'il avait

    commise,

    plus ou

    moins

    volontairement,

    en

    arrachant

    la France deux provinces

    franaises

    :

    il

    veut en

    imposer

    l'histoire et faire

    croire

    qu'il

    a

    par

    tout, quand,

    au

    contraire,

    l'difice

    qu'il

    a

    constitu

    est

    min

    par la base et

    fatale-

    ment destin

    prir.

    Ou

    l'Allemagne,

    chappant

    l'Autriche,

    voyait

    l'Autriche lui

    chapper, ou

    l'Allemagne,

    se sparant de la Russie,

    voyait la Russie

    se

    sparer

    d'elle

    :

    tel

    tait le dilemme o

    l'Allema-

    gne

    tait

    prise.

    C'est

    pourquoi une politique

    plus sage se

    ft

    assur,

    du ct

    de la

    France,

    les

    scurits

    indispensables

    pour pouvoir

    se

    consacrer

    aux

    deux

    problmes

    austro-hongrois

    et slave.

    Faire

    tte des

    trois cts

    la fois,

    c'tait s'exposer

    fatalement

    une faillite finale.

    MPRIS DE

    BISMARCK

    POUR

    Lapoliti-

    LES

    TATS

    BALKANIQUES

    que bismar-

    ckienne

    a

    commis

    une

    autre

    faute

    non moins

    grave

    :

    elle

    a ferm les

    yeux volontairement

    sur

    l'avenir

    des

    peuples

    balkaniques. Bismarck

    rptait

    sans

    cesse,

    et, au dbut

    du moins,

    de

    bonne

    foi,

    que la question

    d'Orient

    tout

    entire

    ne valait

    pas les os d'un

    grenadier

    pomranien.

    Au Congrs

    de

    Berlin, il n'avait

    que du mpris pour

    ces

    petits

    peuples

    des

    Balkans,

    qui devaient,

    pourtant,

    un

    jour,

    dter-

    miner

    la crise

    o

    la puissance

    germanique

    devait tre mise

    en pril.

    i3

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    24/318

    HISrolKK

    II.LUSTRF.

    DK LA GUERRK DE I9I4

    Pour

    ce

    qui

    est

    des

    populations

    orientales.

    crit

    Carathodory-

    Pacha dans

    ses

    Mmoires

    indits,

    voici

    quelques

    traits

    qui

    donneront

    une

    ide

    des

    sentiments

    que le

    prince-chancelier

    entretient

    leur

    gard : La

    discussion

    sur

    la

    question bulgare

    se

    prolongeant (devant

    le

    Congrs

    de BerUn),

    le

    prince

    s'impatienta.

    Voil deux

    jours,

    dit-il, que

    nous

    discu-

    tons

    sur

    la question

    bulgare

    :

    c'est l

    un

    honneur

    auquel les

    Bulgares

    ne

    s'attendent

    pas.

    Pour

    ce

    qui

    me

    concerne, je

    ne

    dis-

    simule

    pas que,

    comme

    plnipotentiaire

    alle-

    mand, je prends

    fort

    peu

    d'intrt tous

    ces

    dtails.

    Nous

    avons

    dcid qu'il

    y

    aura une

    principaut de

    Bulgarie,

    nous ne savons pas

    si

    on

    trouvera un

    prince

    de

    Bulgarie;

    si

    on

    le

    trouve, tant

    mieux

    ;

    mais je

    pense

    qu'il

    est

    inutile

    de

    s'appesantir

    sur

    le point

    de

    savoir

    de

    quelle nature

    sera la constitution que

    les

    notables

    bulgares

    laboreront

    et

    sur

    laquelle

    mon

    opinion est dj

    faite.

    Un

    autre

    jour, en donnant lecture de

    l'ar-

    ticle

    7

    du

    trait

    de

    San-Stefano,

    il

    rencontre,

    dans

    rnumration

    des

    diffrentes

    populations

    non bulgares

    auxquelles il s'agissait

    de

    garantir

    des

    droits

    politiques, la dsignation

    des

    Koutzo-

    Valaques

    :

    Koutzo-Valaques, dit-il,

    voil

    un

    mot qu'on a le

    droit

    d'effacer.

    Et il

    passe

    le

    crayon

    dessus.

    Salisbury ayant

    demand, pour la seconde

    fois,

    qu'on

    assignt un jour

    pour

    ce qu'il

    appe-

    lait la

    question armnienne

    Encore

    une

    11

    s'cria Bismarck impatient.

    Les plnipotentiaires ottomans

    et

    russes

    discutaient

    sur

    le

    nombre

    des

    Lazes.

    Les

    Anglais

    s'en tant mls

    ;

    Milord, dit

    le

    prince,

    s'adressant

    lord

    Salisbury, je ne

    doute

    pas

    que

    les

    Lazes ne

    fassent partie

    des

    intressantes

    populations

    orientales

    ; seule-

    ment,

    je

    me

    demande si cela vaut

    rellement

    la peine

    qu'on leur

    consacre

    son

    temps,

    sur-

    tout

    aux

    approches

    de

    la

    canicule.

    .>

    En

    un mot. le prince

    de

    Bismarck

    n'a

    jamais

    manqu

    une occasion

    de faire

    voir

    qu'

    son

    avis,

    la

    question orientale,

    en

    tant

    que

    se

    rappoitant

    des

    peuples et

    des formes

    de

    gouvernement

    placs en

    quelque

    sorte

    en dehors

    du

    cercle de

    la

    civilisation

    europenne

    et n'ayant

    aucun

    avenir,

    ne

    doit

    intresser

    l'Europe

    que

    par

    les consquences

    qu'elle

    peut

    avoir sur

    les

    relations

    des grandes

    puissances

    europennes

    entre

    elles.

    Si je

    reproduis

    textuellement

    cette

    citation,

    ce

    n'est

    pas

    seulement

    pour tablir

    l'erreur

    colossale

    de

    Bismarck,

    considrant

    les

    popula-

    tions

    balkaniques

    comme

    n'ayant

    aucun

    avenir;

    c'est

    surtout

    pour

    prciser,

    en

    la

    recherchant

    dans ses

    origines,

    l'ide

    contre

    laquelle

    il

    serait

    bon

    de mettre

    en

    garde

    les

    lves

    de l'cole

    bismarckienne,

    savoir

    que

    la

    question

    orien-

    tale n'existe

    qu'en

    fonction

    des

    relations

    des

    grandes puissances

    entre

    elles.

    Trente-cinq

    ans

    se

    sont

    couls,

    et par ce

    raccourci d'histoire,

    il

    est

    possible

    de constater

    tout ce

    que

    l'Europe

    et gagn si

    ses chefs

    eussent eu,

    alors, une vue plus

    claire

    et

    plus

    profonde des

    ralits.

    LA

    RUSSIE SE

    DTACHE

    C'est de

    l,

    en

    DE

    L'ALLEMAGNE

    effet,

    que devait

    natre

    l'orage

    destin

    branler

    l'difice

    cons-

    truit

    par

    Bismarck

    avec tant

    de soin.

    Il avait

    bien raison

    de

    dire, dans

    un

    mot

    prophtique

    dont

    il

    a

    essay en

    vain

    de

    se

    disculper :

    Les

    Slaves, il

    faudrait

    leur casser la

    tte

    contre

    le

    mur

    L'unit allemande,

    menace par la grandeur

    slave, sans avoir su

    se

    concilier

    les

    apaisements

    de

    la France,

    telle

    est

    la

    raison diplomatique

    essentielle

    de

    la guerre actuelle.

    Cette

    raison

    suffirait

    tout

    expliquer,

    si

    l'Allemagne,

    par

    un excs d'imprudence,

    n'avait

    trouv le

    moyen

    de

    s'assurer,

    en mme

    temps,

    l'hostilit

    de

    l'Angleterre.

    Mais,

    avant

    d'en venir

    ce

    point, il

    faut

    suivre

    les

    consquences

    du choix

    fait

    par

    l'Allemagne

    quand,

    entre

    l'Autriche

    et

    la

    Russie,

    elle

    se pronona

    pour

    l'Autriche.

    Le

    Congrs

    de

    Berlin

    tait

    peine

    clos que

    la Russie

    ouvrait les

    yeux

    sur

    la

    faute

    qu'elle

    avait

    commise en

    1870.

    L'Allemagne

    se

    liant

    l'Autriche, elle

    n'avait

    qu'

    se

    tourner

    vers la

    France.

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    25/318

    I

    rs (ORIGINES niPLOMATIQUKS OU

    CONFLIT

    La

    France

    n'avait eu

    qu'une

    habilet,

    con-

    forme

    d'ailleurs sa

    dignit. Vaincue,

    elle

    s'tait

    replie sur

    elle-mme,

    avait

    rpar

    ses

    blessures,

    s'tait

    prpare

    tenir

    tte,

    le

    cas

    chant,

    une

    nouvelle

    attaque,

    et

    elle avait

    attendu

    l'heure de

    la

    justice

    immanente

    ,

    que

    les fautes de

    son

    ennemi

    ne

    manqueraient

    pas

    de

    faire sonner

    un jour.

    Une

    psychologie

    raffine

    signale,

    au

    peuple

    franais, les

    erreurs

    de

    tact

    de

    ses

    adversaires;

    son sens

    averti se plat atten-

    dre

    et

    marquer

    les

    coups. Le

    colosse

    alle-

    mand, dans

    ses

    gestes

    dmesurs

    et

    immo-

    drs,

    se

    rendait in-

    supportable

    tous.

    L'art

    consistait

    laisser

    faire

    et

    voir

    venir

    les puissances,

    blesses

    par

    les

    er-

    reurs de

    son

    intolra-

    ble

    orgueil.

    La

    Russie

    vint

    la

    premire.

    LA

    TRIPLE

    Peut-

    ALLIANCE

    tre la

    conclusion

    du

    trait

    de

    Berlin

    n'et

    pas

    suffi

    pour arracher la

    politique russe

    aux

    hsi-

    tations

    du gouvernement

    imprial,

    si un

    fait

    infiniment

    plus

    considrable

    ne

    s'tait produit :

    la

    conclusion

    d'une

    alliance

    formelle

    de

    l'Alle-

    magne

    avec

    l'Autriche-Hongrie,

    alliance

    des-

    tine

    devenir

    bientt Triple

    alliance,

    par

    l'adjonction

    de

    l'Italie.

    Le

    Congrs

    de Berlin

    avait peine termin

    ses

    sances

    que

    le prince

    de

    Bismarck

    s'tait

    rendu

    Vienne.

    Le

    27

    octobre

    1881,

    le

    roi Humbert,

    accom-

    pagn du

    prsident

    du Conseil

    italien

    et

    de

    LE TZAR ALEXANDRE III

    M.

    Mancini,

    ministre

    des

    affaires

    trangres,

    tait

    venu

    dans

    la

    mme capitale.

    Le public,

    trs

    attentif

    ces

    dmarches,

    en

    ignorait

    le

    vritable caractre.

    Le

    prince

    de Bismarck

    s'tait mis

    tisser la toile

    qui,

    dans

    sa pense,

    devait r-

    duire

    la France l'impuissance

    et

    Tisolement

    en Europe. Il

    com-

    mena

    par

    l'Aul

    riche-

    Hongrie.

    Le ministre

    des

    affaires trang-

    res austro-

    hongrois,

    le

    comte

    de

    Beust,

    d'origine

    saxonne,

    entendait

    pratiquer,

    l'gard

    de

    l'Alle-

    magne,

    la politique

    des

    mains libres

    ,

    ce

    qui

    n'excluait

    pas,

    disait -il,

    une

    colla-

    boration active

    et

    pacifique en vue

    du

    bien

    et

    de

    la pros-

    prit

    des

    deux em-

    pires

    .

    Le

    comte

    de

    Beust

    avait

    ses ides:

    lui

    aussi,

    comme

    Gor-

    tschakow, prtendait

    tenir

    tte

    l'autre

    chancelier.

    Bismarck

    le

    joua,

    lui tira

    les

    vers

    du

    nez,

    s'enten-

    dit sous

    main

    avec

    le

    hongrois

    Andrassy.

    et

    amena

    ainsi

    Fran-

    ois-Joseph,

    le vaincu

    de

    Sadowa,

    remettre

    le sort

    de

    son empire entre

    les mains

    du

    ministre qui

    avait

    chass

    l'Autriche de

    l'Alle-

    magne.

    Une

    entrevue

    des

    deux

    souverains

    eut

    lieu

    Salzbourg.

    Salzbourg

    devint, selon la propre

    expres-

    sion

    de

    Franois-

    Joseph,

    le

    linceul

    du comte

    de

    Beust

    .

    Le

    7

    octobre

    1879,

    fut

    sign,

    Vienne,

    le

    trait dont

    le

    texte

    fut publi

    le

    3

    fvrier

    1888,

    et qui consacrait

    une alliance

    dfensive

    entre l'Allemagne

    et

    l'Aul

    riche-Hongrie.

    Cliilx

    Wll.ir

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    26/318

    HISTOlKi;

    n.I.t'STRKK

    1)1-

    I.A (;rHKKl'

    i()i4

    Voici le texte de ce

    trait

    :

    Article

    premier.

    Si,

    contrairement

    ce

    qu'il

    y

    a

    lieu

    d'esprer,

    et

    contrairement

    au

    dsir

    sincre

    des

    deux

    hautes parties contractantes,

    l'un

    des

    deux

    Empires

    venait

    tre

    attaqu

    par

    la

    Russie,

    les deux

    hautes

    parties

    contractantes sont

    tenues

    de

    se

    prter

    rcipro-

    quement

    secours,

    avec

    la totalit

    de

    la

    puissance

    militaire

    de

    leur

    empire et,

    par

    suite, de

    ne

    conclure la

    paix

    que

    conjointement et

    d'accord.

    Art.

    2.

    Si

    l'une des

    deux

    hautes

    parties contrac-

    tantes

    venait

    tre attaque

    par

    une

    autre

    puissance,

    l'autre haute partie

    contractante

    s'engage,

    par

    le prsent

    acte,

    non

    seulement ne

    pas

    soutenir

    l'agresseur contre

    son haut

    alli,

    mais, tout

    au

    moins,

    observer une neu-

    tralit

    bienveillante

    l'gard

    de

    la partie

    contractante. Si

    toutefois,

    dans

    le cas

    prcit, la puissance

    attaquante tait

    soutenue

    par

    la

    Russie, soit

    sous

    forme

    de

    coopration

    active, soit par des mesures

    militaires

    qui

    menaceraient

    la puissance

    attaque,

    alors l'obligation

    d'assistance

    rciproque

    avec toutes

    les

    forces

    militaires, obligation

    stipule

    dans l'article

    i

    de

    ce

    trait,

    entrerait

    imm-

    diatement en

    vigueur

    et

    les

    oprations

    de

    guerre

    des

    deux

    hautes

    puissances

    contractantes

    seraient aussi,

    dans

    cette

    circonstance,

    conduites

    conjointement

    jusqu'

    la

    conclusion

    de

    la

    paix.

    Art.

    3.

    Ce

    trait,

    en

    raison

    de son

    caractre paci-

    fique, et

    pour viter

    toute fausse interprtation, sera

    tenu

    secret

    par

    toutes

    les

    hautes parties contractantes.

    II ne

    pourrait tre communiqu

    une

    troisime

    puis-

    sance

    qu'

    la

    connaissance

    des deux

    parties

    et

    aprs

    entente

    spciale

    entre elles.

    Vu

    les dispositions

    exprimes

    par

    l'empereur

    Alexandre

    l'entrevue

    d'Alexandrowo,

    les

    deux

    parties

    contractan-

    tes nourrissent

    l'espoir

    que les

    prparatifs de la

    Russie

    ne

    deviendront

    pas,

    en

    ralit,

    menaants

    pour

    elles;

    pour

    cette raison, il

    n'y

    a,

    actuellement, aucun motif

    communication.

    Mais si,

    contre

    toute

    attente, cet

    espoir

    tait

    rendu

    vain,

    les

    deux

    parties

    contractantes reconnatraient

    comme

    un

    devoir

    de loyaut

    d'informer,

    au moins

    confi-

    dentiellement,

    l'empereur

    Alexandre

    qu'elles

    devraient

    considrer

    comme dirige

    contre elles

    deux

    toute attaque

    dirige

    contre

    l'une d'entre

    elles.

    En foi

    de quoi, les

    plnipotentiaires

    ont

    sign

    de

    leur

    propre

    main

    ce

    trait

    et

    y

    ont

    appos

    leurs

    sceaux.

    Sign:

    Andrassy.

    Prince

    Henri

    VII

    Reuss.

    Fait

    Vienne, le

    7

    octobre

    1879.

    Les

    raisons

    de la Triple

    alliance

    ont

    t

    exposes,

    par

    Bismarck

    lui-mme,

    dans ses Sou-

    venirs.

    Il

    dit,

    avec

    une

    grande

    prcision :

    Con-

    tre

    une

    alliance

    franco-russe,

    le

    coup

    qu'il

    faut

    jouer

    est une

    alliance

    austro-allemande,

    Kt,

    envisageant,

    la

    fois

    le

    fait

    et

    ses

    consquences,

    il

    s'exprime

    ainsi

    dans une lettre

    adresse au

    roi

    de

    Bavire

    :

    Je

    considrerais

    comme une

    garantie essentielle de la

    paix

    europenne

    et

    de

    la scurit

    de

    l'Allemagne

    une

    convention

    de ce genre...

    Une nouvelle

    coalition

    Kaunitz

    (c'est--dire

    de

    la

    Russie

    et de

    la France)

    n'au-

    rait

    pas

    de

    quoi

    dsesprer

    l'Allemagne,

    si

    l'Allemagne

    savait

    rester unie

    et

    que

    ses armes

    fussent habilement

    diriges

    :

    ce

    n'en serait

    pas

    moins

    un vnement

    fcheux

    et

    que

    notre

    poli-

    tique doit

    s'appliquer

    viter,

    autant

    que

    possible.

    Si les

    forces

    unies

    de

    l'Autriche

    et de

    l'Allemagne

    avaient la

    mme

    cohsion

    et

    la

    mme

    unit

    de

    commandement

    que celles de

    la France

    et

    de la

    Russie,

    je ne considrerais

    pas l'agression

    simultane

    de

    nos

    deux

    voisins

    comme

    une

    menace

    de

    mort, l'Italie

    ne

    dt-elle

    mme

    pas

    faire

    partie

    de

    notre

    alliance...

    Mais il fait, aussitt,

    la rflexion

    suivante,

    qu

    explique

    toute

    sa pense

    :

    Comme alli

    de

    l'Autriche, l'empire

    allemand

    ne

    manquerait

    pas

    de

    l'appui

    de l'Angleterre...

    C'est

    ici

    qu'on

    aperoit

    la diffrence

    capitale

    de

    l'esprit poli-

    tique

    d'un

    Bismarck et de celui

    de

    ses suc-

    cesseurs.

    L'intervention

    de

    l'Angleterre

    et

    t

    certainement

    son

    cauchemar

    ,

    et

    il

    et

    tout

    fait

    pour

    l'empcher.

    En

    somme, la

    politique

    allemande rompait

    expressment

    avec

    la

    Russie

    et

    avec la politi-

    que

    des

    Trois

    Empereurs, puisque,

    dans

    le

    texte

    du

    trait, la

    Russie seule tait vise.

    Ce

    trait

    tait,

    d'ailleurs,

    uniquement

    dfensif : l'un

    des deux empires n'tait tenu

    de

    prter

    secours l'autre

    que

    si

    celui-ci

    venait

    tre attaqu

    par

    la

    Russie. Au

    cas o

    l'un

    des

    deux

    empires

    tait

    attaqu par

    une

    autre

    puissance, l'empire alli

    n'tait engag

    qu'

    ne

    pas

    soutenir l'agresseur

    contre son alli

    ou

    tout au

    moins

    observer

    une neutralit bien-

    veillante l'gard

    de

    la

    partie

    contractante

    .

    Et c'tait seulement dans le

    cas oij

    la puissance

    attaquante tait soutenue par

    la

    Russie,

    qu'il

    y

    aurait

    obligation d'assistance rciproque

    .

    Les

    deux

    parties contractantes

    s'engageaient

    ib

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    27/318

    LES

    ORIGINES

    DIPLOMATIQUES

    DU

    CONFLIT

    LE

    PRESIDENT

    SADI-CARNOT

    A

    L

    ELYSEE

    enfin conduire

    les

    oprations

    de

    guerre

    conjointement

    jusqu'

    la

    conclusion

    de

    la paix.

    Les

    dispositions

    visant

    la communication

    du

    trait

    la

    Russie

    taient, au

    fond,

    un

    moyen

    d'intimidation dont on

    se

    rservait, le cas

    chant, de se

    servir

    contre cette

    puissance.

    Ces finesses et

    ces

    prcautions

    devaient

    avoir

    leur effet dans

    les

    circonstances

    qui prc-

    drent la

    rupture de

    1914.

    Bismarck

    ne

    considrait pas

    qu'une

    combi-

    naison

    si forte

    ft

    suffisante.

    Il

    voulait donner

    toutes

    les

    scurits

    possibles

    l 'Autriche-

    Hongrie : celle-ci,

    en 1866,

    avait

    eu l'Italie

    comme adversaire.

    L'Italie

    tait

    ou

    pouvait

    devenir

    un

    adversaire

    dangereux

    ;

    c'tait

    tout

    au moins

    un

    voisin gnant.

    Bismarck

    se chargea

    d'arranger

    les

    choses.

    L'ITALIE

    DANS LA

    L'Italie

    en

    avait

    voulu

    TRIPLE

    ALLIANCE

    grandement

    Napo-

    lon III

    d'avoir

    dfendu

    le

    pouvoir

    temporel

    du Pape

    ;

    en

    outre, elle

    avait prouv

    un

    vif

    dsappointement

    la

    suite

    de

    l'tablissement

    du

    protectorat

    franais

    en

    Tunisie.

    L'Italie

    n'aime

    pas

    l'Autriche,

    elle

    la

    sent

    toujours

    menaante

    sur

    la

    frontire

    vnitienne; elle

    n'oublie

    pas le

    mot

    d'un

    diplomate

    autrichien,

    disant

    de

    l'empereur

    Franois-Joseph

    :

    Si

    on

    lui

    ouvrait

    le

    cur, on

    y

    trouverait crit

    le

    mot:

    Vntie.

    Mais

    elle

    pouvait craindre

    pour

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    28/318

    HISTOIRE

    ILLUSTRE

    DE

    LA GUERRE

    DE

    I9I4

    son

    unit,

    si

    Bismarck

    prenait

    en

    main la

    question du

    pouvoir

    temporel.

    Bismarck

    expli-

    que,

    avec

    son

    cynisme

    habituel,

    les

    raisons

    et

    les

    procds

    qu'il employa

    pour

    peser

    sur

    l'Italie.

    Quoi

    qu'il en

    soit,

    en

    1882,

    fut

    sign

    Vienne

    le

    trait

    entre

    l'Allemagne,

    l'Autriche-

    Hongrie

    et

    l'Italie,

    trait

    qui,

    compltant

    celui de

    1879,

    concluait

    la

    Triple

    Alliance

    ,

    Le

    texte

    n'en a

    pas t

    publi,

    mais

    on

    sait

    que ses

    clauses

    diffraient

    sensiblement

    de

    l'acte

    pass

    entre

    l'Allemagne

    et

    l'Autriche-

    Hongrie;

    elles

    avaient

    un

    caractre

    unique-

    ment

    dfensif, se

    bornant

    instituer

    une

    garantie

    territoriale

    rciproque,

    chacun

    des

    trois contractants

    s'tant

    oblig

    contribuer

    la

    dfense du

    territoire des

    autres, qui ferait

    l'objet d'une

    agression

    trangre

    .

    La

    France

    et

    la

    Russie,

    isoles

    toutes

    deux,

    se

    trouvaient

    ainsi entoures,

    par

    l'habilet

    du

    prince

    de

    Bismarck,

    d'un

    formidable

    cercle

    de

    trois

    millions

    et

    demi de

    baonnettes.

    La

    diplo-

    matie

    allemande

    se

    sentait

    la matresse de

    l'Europe.

    L'alliance avait t

    conclue pour

    cinq

    ans;

    mais,

    renouvele

    rgulirement en

    mai

    1882,

    en

    mars

    1887,

    en

    juin

    1891,

    en

    mai

    1898

    (pour

    six ans),

    en

    mai

    1904,

    en mai

    1909,

    elle

    devint

    la

    base

    normale

    de

    la politique des trois

    puis-

    sances

    qui

    l'avaient conclue

    :

    l'Italie seule, se

    trouvant un peu

    plus libre, faisait

    parfois,

    la

    date des

    renouvellements, sentir le

    prix

    d'une

    nouvelle

    adhsion. Le

    dernier

    renou-

    vellement est de

    juin

    1913

    ;

    la

    formule

    trs

    prudente

    qu'avait signe

    l'Italie

    lui permit,

    sans

    violer le

    texte

    du

    trait,

    de

    garder

    la

    neutralit.

    Le

    prince

    de

    Bismarck

    pensa

    qu'il

    lui

    res-

    tait

    un nouveau

    pas

    faire.

    Maintenant

    qu'il

    avait

    pris

    ses prcautions

    contre la

    Russie,

    il

    considra

    comme

    d'une diplomatie

    suprieure

    d'obtenir

    satisfaction

    et

    scurit

    du

    ct de

    la

    Russie

    elle-mme.

    Ce

    qu'il

    craignait,

    c'est

    que

    cette puissance, menace

    par la Triple

    Alliance,

    ne

    se

    tournt

    vers la

    France. Il eut

    donc l'ha-

    bilet

    d'amener la

    chancellerie

    moscovite

    lui

    faire

    confiance.

    Au

    mois

    de septembre

    1884,

    il

    obtint du

    gouvernement

    imprial,

    que le

    fantme

    de

    la France

    rvolutionnaire

    pou-

    vantait, la

    signature

    d'un

    trait,

    aux termes

    duquel l'Allemagne

    et

    la

    Russie

    s'engageaient

    rciproquement

    une neutralit

    bienveillante,

    au

    cas o

    l'une

    d'elles

    serait

    attaque

    par une

    puissance trangre.

    C'est cet

    acte que Bismarck

    a

    baptis

    :

    un

    contrat

    de

    rassurance.

    Toutes les

    prcautions

    taient

    prises. Bismarck lui-mme,

    dans le

    dbat

    qui

    s'est

    lev

    ce sujet en

    1896,

    a soutenu

    que

    l'Autriche-Hongrie

    et l'Italie

    n'ignoraient

    pas

    la

    garantie supplmentaire

    prise

    par l'Allemagne

    du ct

    de

    la

    Russie.

    Mais le baron

    de

    Marshall,

    rpondant

    Bis-

    marck,

    porta

    un

    jugement svre

    sur cette

    politique

    hypocrite,

    quand

    il dit

    la

    tribune

    du Reichstag

    :

    Ce systme

    d'assurances et

    de

    rassurances

    ne

    peut

    inspirer

    personne

    une

    confiance parfaite

    et

    chacun pouvait

    se

    deman-

    der quel

    tait

    celui

    des

    traits

    qui

    prvaudrait

    au moment voulu.

    La

    diplomatie

    allemande

    se

    jugeait

    elle-mme.

    La Russie,

    sentant

    le pril

    de

    cette

    situa-

    tion

    obscure,

    n'avait

    accd

    qu'

    un

    engage-

    ment

    d'une dure de trois

    ans.

    A

    partir

    de

    1887,

    elle

    reprenait sa

    libert.

    En

    mars

    1887,

    le trait

    de

    la Triple Alliance,

    arriv

    son chance, fut

    renouvel.

    Bismarck

    tait

    toujours

    l

    et

    veillait.

    Mais,

    en

    1890,

    un

    vnement

    trs grave

    se produisit

    en

    Alle-

    magne.

    Le

    nouvel empereur

    Guillaume

    II,

    mont

    sur

    le

    trne

    le

    15

    juin

    1888,

    s'tait

    dbarrass

    des

    services trop

    illustres du

    prince

    de Bismarck

    et

    l'avait

    congdi.

    Le

    contrat

    de

    rassurance

    ne

    fut

    pas renouvel par

    le

    gnral

    de Caprivi.

    Bismarck,

    incapable

    de

    contenir

    sa

    colre,

    et

    voulant

    faire

    connatre au

    monde

    l'tendue

    de

    l'ingratitude dont

    il tait

    la

    victime,

    rvla,

    d'abord dans des

    conversations

    prives,

    puis

    dans

    des publications

    de

    plus

    en

    plus

    prcises

    en

    1896,

    la suite

    de

    la visite

    du

    tzar

    en

    France

    et

    des

    toasts

    changs

    Chlons,

    tous

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    29/318

    LES

    ORIGINES DIPLOMATIQUES

    DU

    CONFLIT

    I.e Grand-Duc Alexis.

    Le

    Comte

    Mourawieff. Le

    Tsar Nicolas II. M.

    Flix

    Faure.

    M. G.

    Haiiotaux.

    A BORD

    DU

    POTHUAU

    (aot

    1897).

    19

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    30/318

    HISTOIRE

    ILLUSTRE

    DE

    LA GUERRE

    DE

    I914

    les

    dessous de

    la

    diplomatie

    germanique.

    Si la

    Russie

    avait

    pu

    douter

    encore,

    la

    duplicit

    allemande

    s'talait

    devant

    elle

    avec

    la plus

    insolente des

    impudences,

    en

    mettant

    jour

    toute

    l'intrigue des

    contrats

    d'assurance

    et

    de

    rassurance.

    L'ALLIANCE

    Bismarck avait

    quitt

    FRANCO-RUSSE

    le

    pouvoir

    le

    27

    mars

    1890;

    le

    II

    mai

    1890,

    le

    grand-duc

    Nicolas,

    gn-

    ralissime des

    armes

    russes,

    vainqueur

    de

    Plevna,

    vint

    Paris

    et

    demanda

    rencontrer

    le

    prsident du

    Conseil,

    ministre

    de

    la guerre

    franais, M. de

    Freycinet.

    Il

    posa des

    ques-

    tions prcises

    sur

    la

    reconstitution

    de

    l'arme

    franaise

    et

    dit

    son

    interlocuteur

    qu'il s'in-

    tressait

    elle comme

    la

    sienne

    propre :

    Si

    j'ai

    voix au

    chapitre, ajouta-t-il,

    les deux

    armes

    n'en

    feront qu'une

    en temps de

    guerre.

    Et cela, tant

    bien connu,

    empchera

    la guerre.

    Car

    personne ne se

    souciera d'affronter

    la

    France

    et la

    Russie

    runies.

    Et

    il dit

    encore

    en

    partant :

    La

    France

    a

    en

    moi un

    ami.

    Le

    caractre

    militaire

    de

    la

    prochaine

    alliance

    franco-russe

    se

    dessinait

    ds cette

    premire

    dmarche.

    Bientt,

    il

    s'affirma

    en

    public

    et

    de

    la

    faon

    la plus clatante. L'attach

    naval

    franais

    Saint-Ptersbourg fut averti discrtement

    que

    la visite

    d'une

    escadre

    franaise

    en Russie

    serait accueillie

    par

    des manifestations

    qui

    tra-

    duiraient aux

    yeux de tous

    les

    sympathies exis-

    tant entre les

    deux

    gouvernements

    et

    les

    deux

    pays.

    L'empereur

    lui-mme

    dsirait saisir

    cette

    occasion

    de faire connatre

    ses sentiments

    l'gard

    de

    la

    France.

    En

    juillet

    1891,

    une

    escadre

    franaise,

    com-

    mande

    par l'amiral

    Gervais,

    partait

    de

    Cher-

    bourg

    pour la Baltique.

    L'accueil qui lui fut

    fait

    Cronstadt

    est

    inoubliable;

    l'empereur

    Alexandre

    III

    couta

    debout

    la

    Marseillaise,

    joue par

    la

    musique

    de

    la

    marine russe.

    C'tait la

    main

    tendue,

    au-dessus

    de l'Allemagne,

    par

    l'empire

    des

    tzars

    la Rpublique

    franaise.

    Quand

    elle

    eut

    quitt

    Cronstadt,

    l'escadre

    de

    l'amiral

    Gervais,

    avant

    de

    rentrer en France,

    se

    rendit

    Portsmouth,

    pour tablir

    tous

    les

    yeux

    que

    le

    rapprochement

    franco-russe

    n'tait

    en rien hostile

    l'Angleterre.

    L'anne

    suivante,

    la

    visite

    rendue

    Paris

    par les marins

    de

    l'amiral

    Avellan

    fut

    accueillie

    par

    la

    population

    parisienne

    avec des

    dmons-

    trations

    de joie

    et

    un enthousiasme

    qui

    ne

    laissaient

    aucun doute sur les

    sentiments

    una-

    nimes

    de

    la

    nation

    franaise.

    Pour la

    premire

    fois, on

    sentait

    se soulever le

    poids dont

    la

    politique bismarckienne,

    depuis vingt

    ans,

    avait

    accabl

    l'Europe.

    Les

    chancelleries ne

    restaient

    pas

    inactives

    :

    M.

    Carnot tait alors prsident

    de

    la Rpubli-

    que.

    La loyaut

    et

    la

    fermet

    de

    son caractre,

    la

    noblesse un peu mlancolique

    de

    sa

    figure

    historique

    avaient inspir

    au monde une

    haute

    estime.

    M. de

    Freycinet,

    l'homme

    de

    la

    dfense

    nationale,

    l'organisateur

    des chemins

    de

    fer

    franais, le restaurateur

    de

    l'ordre

    dans

    l'arme,

    le

    crateur

    de

    l'tat-major,

    tait

    prsi-

    dent

    du

    Conseil et

    ministre

    de

    la

    guerre

    ;

    M.

    Alexandre

    Ribot, parlementaire

    considra-

    ble,

    grand

    orateur,

    personnage

    universellement

    respect,

    tait

    ministre

    des

    affaires trangres.

    Une telle

    '

    en

    pays

    allemand.

    Quand

    l'ge

    vient,

    tous

    sont

    entrans

    marcher

    en

    troupe

    et

    sacrifier

    la

    volont

    par-

    ticulire

    la

    volont

    gnrale.

    Aprs

    la

    famille,

    o

    le

    pre

    rgne

    en

    matre,

    o

    la

    mre

    sent

    de

    bonne

    heure

    que

    ses

    enfants

    lui

    chappent

    1

    76

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    87/318

    ;

    veulent

    imposer au monde une manire

    de

    sentir

    et

    de

    penser qui

    soit

    spcifiquement

    allemande. Ils

    veulent

    conqurir la

    supr-

    matie

    intellectuelle

    qui,

    de

    l'avis

    des esprits

    lucides, reste

    la France.

    C'est

    cette source

    que s'alimente

    la phrasologie

    des panger

    manistes, comme aussi les sentiments

    et

    les

    contingents des

    Kriegsvereine, des

    Wehr-

    vereine

    et

    autres

    associations

    de

    ce

    genre.

    Il

    convient

    de noter que le

    mcontentement

    caus

    par

    le

    trait

    du

    4

    novembre

    a

    consi-

    drablement

    accru

    le nombre des

    membres

    des socits

    coloniales.

    Il

    y

    a, enfin,

    des

    partisans

    de

    la guerre

    par rancune,

    par

    ressentiment.

    Ce

    sont les

    plus

    dangereux.

    Ils

    se recrutent

    surtout

    parmi

    les

    diplomates.

    Les diplomates

    allemands

    ont

    une

    trs

    mauvaise

    presse

    dans

    l'opinion

    publique;

    mais

    plus

    acharns

    sont

    ceux

    qui,

    depuis

    1905,

    ont

    t

    mls

    aux

    ngociations entre

    la

    France

    et l'Allemagne;

    ils

    accumulent

    et

    additionnent

    les

    griefs

    contre

    nous,

    et, un

    jour,

    ils

    prsenteront

    des comptes dans

    la

    presse

    belliqueuse.

    On

    a

    l'impression

    que

    c'est

    surtout

    au

    Maroc

    qu'ils

    les

    recherche-

    ront,

    bien

    qu'un

    incident soit

    toujours

    pos-

    sible

    sur

    tous les

    points

    du globe

    o

    la France

    et

    l'Allemagne

    sont

    en

    contact.

    Il leur faut une

    revanche,

    car ils se

    plai-

    gnent

    d'avoir

    t

    dups.

    Pendant la

    discus-

    sion

    de

    la

    loi

    militaire,

    un

    de ces

    diplomates

    belliqueux

    dclarait

    :

    L'Allemagne

    ne

    pourra

    causer

    srieusement avec la France

    que

    quand

    elle aura

    tous

    ses

    hommes

    valides

    sous

    les

    armes.

    {Livre

    Jaune.)

    C'est

    fait; les

    ds

    sont jets.

    Nous

    allons

    voir maintenant

    qui

    les

    relvera.

    L'EMPEREUR

    Menac

    sans

    cesse par

    les

    diverses forces

    rivales

    qui

    luttent

    en

    lui, l'empire

    allemand se

    disloque-

    rait, s'il

    n'tait continuellement

    surveill,

    entretenu, entran par la

    vigilance

    du

    matre,

    l'Empereur. La fonction impriale est

    le

    rouage suprme.

    Tant vaut l'Empereur, tant

    vaut

    l'Empire.

    Ainsi l'avait voulu Bismarck

    : il

    comprenait,

    d'ailleurs,

    que le matre avait

    pour

    principal

    devoir

    de choisir un bon

    ministre,

    auquel il

    s'en

    remettrait du

    travail

    et de

    la

    charge.

    Guillaume

    II

    fut

    d'une

    opinion diffrente

    ;

    il

    pensa qu'il

    suffirait seul

    la

    tche. Il

    assuma

    toutes les

    responsabilits. Ainsi, sa nature fit

    son rgne. Par

    lui, l'Allemagne, non guide,

    mais

    plutt

    excite

    dans

    le

    sens

    de

    ses

    qualits

    et

    de ses

    dfauts, fut sans

    frein.

    Quel est

    donc

    cet

    homme, ce souverain

    qui

    a

    dchan

    sur

    le

    monde la

    pire des calamits

    qu'ait

    connues l'histoire et qui,

    en

    dclarant

    une

    telle guerre

    et

    en

    donnant

    des

    mains

    la

    faon dont ses gnraux et

    ses

    soldats

    l'ont

    conduite, s'est

    montr le plus

    barbare et

    le

    plus

    sanguinaire

    de

    tous les

    hommes, ce

    souverain

    dont les uvres ne sont

    comparables

    qu'aux

    ravages

    d'un Attila,

    en un temps o

    la

    douceur

    des

    murs

    et

    la

    noblesse des

    sentiments pacifiques

    paraissaient

    l'acquis

    in-

    discutable del

    civilisation.

    Tchons

    de

    ressaisir ses

    traits,

    tels

    qu'ils

    apparaissaient

    l'observateur impartial,

    avant qu'ils

    ne

    fussent

    rvls dans

    leur

    tragique

    caractre.

    L'Empereur,

    quand il est

    pied, apparat

    de

    taille

    mdiocre, d'aspect disgracieux et

    f

    92

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    103/318

    L ALLEMAGNE

    POLITIQUE

    CUFLLACME

    II

    ET

    L'IMPERATRICE

    AlGUSTA

    presque vulgaire. Si

    c'tait

    un

    simple

    bour-

    geois, on le

    verrait comme

    il

    est :

    le

    crne

    en

    pointe, le

    front assez

    bien

    model

    mais

    troit, de

    petits

    yeux

    d'un

    gris

    indcis,

    un

    regard

    dur quand

    il

    ordonne,

    caressant

    quand

    il

    veut

    plaire,

    la

    fameuse

    moustache

    en

    croc

    et

    le menton

    fuyant.

    Une

    transformation

    complte

    se

    produit

    juand

    il

    est

    cheval

    et

    qu'il

    dfile

    la

    tte de

    ses

    troupes

    : grandi par

    le

    casque

    d'argent

    surmont de

    l'aigle

    d'or,

    tenant

    au poing

    le

    bton

    de

    marchal, le

    verbe

    clatant, l'allure

    noble

    et grave,

    il apparat comme la figure

    du

    commandement,

    le

    type

    du

    hros, sinon

    lgen-

    daire, du

    moins

    romantique.

    L'Allemagne et l'Europe

    ont

    t

    prises

    ces

    magnifiques apparences

    ;

    et

    l'homme

    vani-

    teux et

    spectaculeux

    qu'est au fond

    le

    monarque,

    s'y

    est pris

    lui-mme.

    Sa nature

    prompte,

    mais

    superficielle,

    est entre dans

    ce

    93

  • 7/18/2019 Hanotaux - Histoire Illustree de La Guerre de 1914 ome 1

    104/318

    HISTOIRE

    ILLUSTRE

    DE

    LA

    GUERREDE

    I914

    rle,

    s'y

    est

    plu

    et,

    peu

    peu,

    s'y

    est

    fige.

    Le

    surhomme

    a

    gt et

    altr

    l'homme.

    Enivr

    par

    la

    flatterie,

    il a

    perdu

    com-

    pltement

    le

    sens

    des

    nuances

    qui

    n'est

    dj

    pas

    une

    qualit

    allemande.

    Ainsi,

    il

    a

    rendu

    moins

    accessible

    l'expression

    d'une

    physionomie

    qu'il

    cachait

    sous

    ce

    masque

    d'emprunt.

    Ne

    manquant

    ni

    d'intelligence,

    ni

    d'appU-

    cation,

    il

    s'est

    laiss

    dominer

    par

    le

    souci

    de

    paratre et

    la

    crainte

    d'tre

    mconnu

    ;

    ambi-

    tieux

    de

    tenir les

    premiers

    rles

    et

    prten-

    dant

    les

    jouer

    tous,

    mais le

    fond

    solide

    man-

    quait

    en

    lui.

    Capable

    de

    vellits

    plus

    que

    de

    volonts,

    il n'avait