hanotaux - histoire illustree de la guerre de 1914 Тome 2

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French First World War Pictorial

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  • GABRIEL HANOTAUXde l'AccKimie iTanaise

  • ^\S^

  • HISTOIRE ILLUSTREE

    DE LA

    GUERRE DE 1914

  • Copyright hy

    Gabriel Hanotaux

    1915

    Tous droits de reproduction,

    de traduction et d'adaptation

    rservs pour tous pays.

  • GABRIEL HANOTAUXde l'Acadmie Franaise

    HISTOIRE ILLUSTREEDE LA

    GUERRE DE 1914TOME DEUXIME

    GOUNOUILHOU, DITEURPARIS, 8, BOULEVARD DES Capi CINES. BORDEAUX, 8, RUE DE Cheverus

    19 15

  • o^il

    /roai*

  • CHAPITRE XII

    L'ALLEMAGNE ET L'EUROPE

    Les Raisons ethniques de la guerre. L'Allemagne en Europe. L'Allemagne fdrale.

    La Prusse en Allemagne. Quelles sont les conditions de la paix europenne?

    VANT d'crire ce chapitre, je

    Asuis all revoir ces valles

    tranquilles o mon enfances'est coule, o mon ge mra connu la douceur de vivre,o ma vieillesse s'inclinaitvers la tombe.

    Il y a quelques mois seule-ment, elles taient vivantes

    et fleuries ; elles avaient

    oubli les longs sicles de

    misres qui avaient prparleur prosprit et l'effort ancestral qui avait

    model leur grce. Au mois d'aot del'anne 1914, les foins tant rentrs , les

    faux s'aiguisaient pour la rcolte des mois-

    sons ; dj, les granges taient pleines. Lesaubes promptes, les crpuscules prolongs

    ne suffisaient pas au travail ; le grincement des

    chariots s'attardait dans la nuit. Les maisonsdes villages et des bourgs, serres les unes

    contre les autres, allumaient successivement

    les feux du soir ; les spirales de fume quittaient regret la quitude des foyers.La vie s'coulait, comme d'ordinaire, sans

    secousse et sans inquitude : on se laissait

    vivre , comme dit le vieux mot de consente-ment la destine humaine.

    Aujourd'hui, l'tre humain souffre, dans la

    valle plaisante, tout ce qu'il est donn l'homme de souffrir. Les mles sont partis etils se battent depuis huit mois : vtus d'uni-formes sordides, de haillons htroclites et depeaux de btes, les membres roides, enfoncsau sol comme des racines, les mains lourdes etgourdes, durcies au contact du fer, la figure etle corps terreux, ils grouillent comme des vers

    dans la boue des tranches ; les poilus ressemblent des btes. Seul, le regard brilled'un clat trange, et sauve Vide quand lamatire envahit tout. Par centaines de mille, ilen est qui sont morts

    ;par centaines de mille,

    les blesss acceptent une existence diminue.La terre a repris un aspect sauvage : les

    rcoltes tardives sont restes dans les gurets;

    les vieilles avoines non fauches s'emmlentcomme des chevelures de mendiants ; les bet-teraves sans feuilles ressemblent des racinesde dents restes dans l'alvole ; les gurets sontrids par les roues des caissons et des convois

    ;

    des chemins nouveaux prennent au pluscourt travers champs ; la terre est troue parles entonnoirs des marmites, les arbres gisent terre, les forts sont abattues ; des plantestranges ont pouss pendant l'automne, et,dessches l'hiver, paraissent comme desspectres de buissons inconnus. Villages enruines, murs crouls, pignons percs jour et

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I9I4

    rvlant travers leurs chevrons, le ciel ;

    glises pantelantes laissant traner leur toi-

    ture comme des poules essayant d'abriter sous

    leurs ailes leurs poussins, tout pleure quand

    tout souriait. Ce qui restait de la population

    civile a fui ou fut emmen en esclavage. Lamaladie se charge des rares survivants. Vieil-

    lards, enfants succombent et achvent la soli-

    tude des foyers. La trajectoire des obus et le

    vol des avions relient par le ciel la double mort

    qui svit, Hvide ou sanglante, sur l'arrire ou

    sur le front.

    C'est la guerre !

    Quelles immenses contres souffrent de

    mme et ont pass, ainsi, de la joie la dou-leur, du sourire aux larmes ! Et, dans l'universentier, les chos du canon retentissent. Il n'y

    a pas un cur humain qui ne se prenne lui-mme en piti.

    C'est la guerre ! Pourquoi cette guerre ?

    Etait-elle dans les desseins de Dieu ? Etait-elle invitable ? Quel homme ou quel grouped'hommes doit en porter la terrible responsa-biht ? De tels maux rsultent-ils d'une vo-

    lont dclare, d'une erreur pitoyable ? S'agit-il

    d'un phnomne malheureux mais accidentel ?Est-ce une volution ncessaire ? une fatalit

    inluctable ? Est-ce une aberration affreuse,

    une calamit salutaire ; ou bien, n'est-ce pas,

    plutt, un chtiment ?Une seule cause ne sufft pas expliquer le

    drame universel qui risque le tout pour le toutet qui peut avoir, pour dnouement, la ruine dela civilisation. Evidemment, nous ptissons dequelque faute commise ; nous portons le poidsde quelque erreur grave, nous subissons le

    talion de quelque pch originel. Il y a eu, un moment de l'histoire, une fausse orien-tation, un coup de barre maladroit ; on s'est

    mal engag ; on a fait fausse route.Et c'est cette erreur qu'il faut essayer de

    dcouvi'ir maintenant.Un examen, un diagnostic attentifs permet-

    tront peut-tre d'arriver dterminer le maldont le monde souffre et qui se manifeste par .

    -^

    la crise violente o il se dbat. *

    Si une telle faute s'est produite, si ce pchoriginel pse sur nous, il tait invitable, iltait fatal que ce qui avait t mal fait, ftrefait ; il tait ncessaire que l'Europe, au mo-ment o elle envahit le reste du monde etprtend rgenter l'univers, se corriget elle-mme avant d'entreprendre de corriger lesautres ; il tait indispensable que des harmonieset des rythmes plus souples rglassent lesrelations des peuples entre eux, puisque l'van-gile des temps nouveaux allait tre prch surtous les continents ; il fallait peut-tre que le

    sang coult et que les grands sacrifices fussentconscmms pour une nouvelle rdemption.

    Or, on s'aperoit, ds maintenant, au mo-ment o la crise sort de la priode de l'instinctpour entrer dans celle de la rflexion, que cesnobles largissements, ces directions plus

    hautes, qui devaient relier le pass l'avenir,et groiiper l'humanit en une seule famille,que rien de tout cela ne pouvait se produiretant qu'un peuple l'Allemagne commandepar la Prusse serait en puissance ou en

    volont d'imposer sa loi l'Europe et l'huma-nit, tant que l'Europe n'aurait pas repris et le monde avec elle les vritables voiesde la libert et du christianisme, tant ciue labrutale doctrine la force prime le droit n'au-rait pas t refoule, et, puisque des fautes ontt commises, tant que ces fautes n'auraientpas t rpares.

    Puisqu'un animal de proie trouble, depuisdes sicles, le repos de ses voisins et qu'il

    plane maintenant sur le repos du monde, il fautmonter jusqu' son aire et le dnicher

    ;puisque,

    par lui, la rapacit et l'orgueil menacent des'imposer l'humanit internationale commela rgle des murs, il faut l'abattre une fois

    pour toutes, et lui faire rentrer dans la gorge,avec ses sophismes impies, le sang qu'il avers, le sang qu'il fait verser chaque jour.Quant aux responsabilits, nous ne nions

    pas qu'elles aient aussi quelque chose de fatal;

    elles ne psent pas sur une gnration seule-ment ; elles font partie de l'hritage dessicles. Mais, si une gnration et un homme

  • l'alt.emagnk et l'europe

    L-iiiCrf tsrjii

    PORTRAIT DE LEMPERKUR CHAHLKS-QLJINTl>AR LE TITIEN

  • HISTOIRI' ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I9I4

    les ont accumules sur leur tte, si, tant deshritiers, ils se sont enorgueillis de cet hritage,

    s'ils ont voulu tendre encore le domained'ambition et de force que l'ambition avait

    rv et que la force avait conquis, s'il en est

    ainsi, que la maldiction de tous ceux qui ont

    souffert par eux retombe sur eux ; que les

    morts se lvent de leurs tombeaux et tendentvers eux le poing ; que l'humanit ait, toutjamais, leur nom en excration ; qu'ils soientmpriss, surtout, par la fidlit trahie de

    leurs propres peuples, dshonors et trompspar eux

    ;que le chtiment de leur me vani-

    teuse et tremblante soit gal, pendant l'ter-nit, l'pouvante o ils ont prcipit l'univers !

    QUE DOIT TRE Avant d'aborder l'exa-L'ALLEMAGNE men des circonstances deEN EUROPE? fait dans lesquelles l'Alle-magne prussienne a dclar la guerre l'Europe, il convient d'exposer comment cefait tait la suite ncessaire et, nous pouvons

    dire, ds maintenant, l'issue fatale de cer-

    taines directions prises par l'histoire de ce

    pays. Etant donn ces directions, il taitinvitable qu'il en vnt ce geste agressif. La

    cause profonde de la guerre tant connue, ser-

    vira dterminer, d'avance, la forme de la

    paix, par suite duMicton : cessante causa cessteffectus.

    Il convient donc que l'on ne perde pas unseul instant de vue ces origines certaines etcette issue probable, si l'on veut suivre, avec

    l'intelligence relle des choses, les phases di-

    verses de la lutte et les rattacher, par la pense,au dveloppement de la socit des peuples etau sort de l'humanit.

    L'Allemagne, ou plutt la Germanie, situeau centre de l'Europe, est une puissance pourainsi dire indfinie; c'est, proprement parler,une mer sans rivage

    ;pesant sur toutes les

    frontires, elle est elle-mme sans frontire.Son pass est aussi confus que son tat go-graphique est indtermin.

    Voltaire dit : Il est vrai que dans toutesles capitulations, on appelle l'Allemagne VEm-

    pire ; mais c'est un abus de mots autoris de-puis longtemps... L'Allemagne est appeleEmpire comme sige de l'Empire romain :trange rvolution dont Auguste ne se doutaitpas !

    Les matres allemands de la science modernedisent la mme chose en termes plus pdan-tesques : Zeumer, dans sa dissertation sur letitre imprial, dmontre que, contrairement la conception des imprialistes anciens telsque Limnus et des no-imprialistes del'cole prussienne, le titre imprial n'im-plique aucune supriorit de l'lment alle-mand sur les groupes non-allemands de l'Em-pire. En un mot, une confusion s'est faite, parpolitique, entre l'Empire et l'Allemagne :

    mais les deux donnes ne sont pas identiques.L'Allemagne n'est dfinie ni gographiquementni politiquement, ni ethnographiquement, parle mot Empire.

    Elle a t faite telle qu'elle est, depuis cin-

    quante ans, par le travail de volonts humainessouvent contradictoires, en tous cas arbitraires,

    imprgnes d'astuce et d'ambitions particu-lires. On peut parfaitement concevoir uneAllemagne autre que l'Empire allemand, uneAllemagne mieux faite, plus Allemagne enquelque sorte, sans se mettre en contradiction

    avec les lois de la gographie, ni avec les lois

    de l'histoire, ni mme avec les sentiments despeuples.

    L'Empire romain germanique du moyen geest quelque chose la fois d'norme et d'incon-sistant, une sorte de dliquescence des choses

    du pass o les formes de l'avenir sont engerme. Frdric Barberousse ajouta au motImperium l'pithte Sacrum pour thocratiserl'Empereur contre le Pape .

    Il se produisit, ds lors, une sorte d'antago-

    nisme, entre la forme ncessaire d'une vaste

    communaut des peuples et les ambitionsdynastiques de ceux qui la dirigent : la masse

    flottante est exploite et entrane dans le sens

    des ambitions qui se sont leves au-dessus d' elle.

    Au dbut, le sjour de la puissance imprialeest Vienne, et la famille ambitieuse, ce sont

  • LALLHMAGNE ET L EUROPE

    -^^"v*'mf

  • HISTOIRE ILLUSTREE DE LA GUERRE DE I9I4

    Un ouvrafie attribu l'un des frres Puf-fendorf parle dans les termes suivants de la

    Rjniblique de l'Empire : Il est assez extraor-dinaire de voir plusieurs souverainets compo-

    sant le corps d'une Rpublique. Leibniz se

    rallie cette manire de voir, ce qui revient dire que, pour les plus grands esprits, dans

    l'Allemagne du xvii*' et du xviiie sicle, laforme fdrative paraissait inhrente la

    nature politique de l'Allemagne

    Leibniz, en somme, aboutit cette for-

    mule : Etat fdral, rgime constitutionnel.

    Voltaire, avec son acuit d'esprit habituelle,

    conclut qu'il y a, dans le rgime fdral,quelque chose d'essentiel et de propre

    l'Allemagne : Il est difficile, crit-il, d'attribuer

    cette permanence d'une constitution si com-

    plique (il s'agit de la Confdration germa-nique) une autre cause qu'au gnie de la

    nation.

    Aux temps du congrs de Westphalie, l'Eu-rope avait dj le sentiment trs vif qu'unemonarchie allemande, militaire et centralise,serait entrane fatalement dans les voies dela domination universelle ; c'est pourquoid'Avaux et Servien convoquaient tous lesprinces et les tats de l'Empire la Confrencepour la paix gnrale et, en crivant cesprinces, voquaient un danger dont tout lemonde, en Allemagne, et liors d'Allemagne,avait rapi)rchension : Jamdiu circumferturDomitm Austriacum Europ monarchiam mo-liri, hasim tanli Aedificii constituere in summodominatn Impevii Romani, sicut in centraEurop. Il est certain que la maison d'Au-triche tend la monarchie europenne, en pre-nant pour base la puissance qu'elle exerce surle Saint Emj^ire germanique, situ au centre del'Europe.

    L'ALLEMAGNE C'est dans cette vue,ET L'EUROPE d'autant plus profondequ'elle se dgageait de la nature des choses, quela h'rance et la Sude, ou, comme on disaitalors, " les Couronnes >', \-i(torieuses de l'Alle-

    magne, apportrent leur Garantie aux liber-ts des Etats germaniques contre le pril d'uneextension, odieuse tous, des pouvoirs imp-riaux (Osnabruck, art. xviii, 5; Munster, 15).

    Cette clause de la Garantie fut longuementdbattue ; elle avait le grave dfaut de paratreporter atteinte l'indpendance de l'Allemagne

    ;

    par contre, elle prsentait l'avantage inappr-ciable de rattacher la constitution de l'Alle-magne celle de l'Europe entire. L'Allemagnen'tait plus un obstacle, elle devenait, au con-

    traire, un lien.

    Si on et trouv, ds lors, une formule plussouple, plus aise, mnageant mieux les droitsdes peuples, on et combin, peut-tre, lesdiverses ncessits qui paraissent tre essen-tielles la vie intrieure et internationale del'Allemagne : l'unit, la libert, la fdration,

    l'harmonie gnrale europenne. La paix deWestphalie et t vritablement 1' Instru-mentum Pacis . Elle et fond la paix dfi-nitive que la faillibilit des actes humainsnous force, aprs trois sicles, rechercherencore (i).

    Ce trop rapide expos historique n'a nulle-ment la prtention d'lucider la matire infi-niment confuse de la Confdration germa-nique : Il n'a qu'un objet : montrer, dans lepass, la racine des difficults actuelles et

    dgager les donnes capitales du problme : savoir, l'Allemagne oscillant entre l'unit dynas-tique, despotique et militaire, reprsentealors par la maison des Habsbourg et l'unitfdrale constitutionnelle, telle que l'avaitconue, par exemple, un Leibniz. Le premiersystme la condamnait infailliblement, elle etl'Europe, la guerre perptuelle ; le secondsystme reprsentait une organisation la fois solide et souple de la paix et de lalibert !

    Depuis le demi-chec de la paix de West-phalie, les choses d'Allemagne ont volu de

    1 1) l'oLir l'expose ci-dessus, V. Aiieibach, La Frjncc cl teSaint-Empire rninain-germanique ( Introducti(ui).

  • L'ALLEMAGNE ET L'S*UR0PE

    VUE dp: KNIGSBERG, la VILLK D'ORIGINI'; DI-S DICS de PRUSSE

    telle sorte que la Prusse a repris, des mains del'Autriche, avec une activit plus grande, maisdans des formes plus hautaines et plus rudesencore, l'uvre de centralisation dynastique,

    despotique et militaire ; la politique astucieuse

    de Bismarck a obtenu, non sans difficults,comme nous le dirons tout l'heure, le consen-tement des princes et des peuples. La consti-tution de l'Empire Versailles et la paix deFrancfort ont consacr le triomphe du sys-tme.

    Mais la Prusse a t entrane, son tour,vers les voies de la monarchie universelle ; ellea mis l'Allemagne en antagonisme avec toutesles puissances europennes; elle l'a poussevers un tat de guerre perptuelle, mme dansla paix (sous le nom de paix arme) et le rsul-tat a t l'invitable catastrophe que l'Alle-

    magne subit une fois de plus. Il y a donc unenouvelle faute commise, une autre erreur corriger, si l'on veut, cette fois-ci, arriver en

    pleine conscience et lumire l'organisation,consentie de plein cur par tous et perptuelle,de la paix.

    Mais il faut rappeler d'abord les circons-tances mmorables dans lesquelles les ambi-tions de la Prusse, se substituant celles del'Autriche, ont jet le trouble et le dsordre enEurope, pour indiquer les points par lesquels

    la situation politique internationale porte faux et par o il convient qu'elle soit tayeou rpare.

    Les origines de la Prusse sont releves dansun passage fameux de Tacite, que je citeraid'aprs une de nos vieilles ti-aductions fran-aises pour lui laisser je ne sais quelle saveur

  • EUROPEdapbes les haces

    KRISTIAIV

    OCEAN

    ATLANTIQUE

    es

    Tanqerjf^

  • Lgende{Franais, Grecs. Belges,

    Vallons, Italiens,Houmains,

    espagnols. Portugais.

    {Russes, Buthnes, Serbes,Bulgares, Tchgues,Croates,

    Polonais, Slovacjues,Slovnes.

    '/A Allemands

    n 1 j I ( Normands.Scandi-reuples del ^ .

    ., j ^ naves. Irisons,merduNord -

    ,

    KHngloSaxons.

    KOBATtGE-ilesS.

    ----- Limites d'Etatsti-MM Albanais

    MagyarsTouraniens J

    WM^ Juifs

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I914

    pre et farouche : Les Semnons se disent les

    plus anciens et les plus nobles des Suves.

    L'assurance de leur antiquit est confirme

    par telle crmonie : certain temps, tous les

    peuples de mme sang et parent s'assemblentpar dputs en une fort estime sainte et

    sacre par les Augures et la rvrence gardede toute anciennet : l o ayant tu publique-ment un homme, ils commencent un horriblesacrifice de crmonie barbare. La fort estencore rvre pour autre chose : car personne

    n'y entre, qu'il ne soit li de quelque lien et

    portant sur soy tmoignage de la puissance dela divinit ; si d'aventure il tombe, il n'estloisible de se redresser ou relever : ils se roulent

    pas terre. Tovite la religion tire ce point que,

    de ce lieu, la nation a pris son origine et que ldemeure le Dieu, roi de tous, tant qu'ils sont,et auquel toutes choses sont sujettes et obis-santes. {Les uvres de Cornlius Tacitus, che-vaher romain. Paris, L'Angelier, 1582.)Ce peuple, aux sacrifices inhumains, c'est le

    pre des Prussiens ; ce bois des Semnons, c'estla rgion o Beihn s'est leve ; ce Dieu auquella population s'est voue, c'est le dieu Tuiston,ou Tott, dieu de ia gueire, ^" le vieux Dieuallemand , notre Dieu .

    Malgr l'introduction du christianisme, je nesais quel vestige de ces origines trane toujourssur cette plaine sablonneuse, bote sable de la Prusse : dfriche, enrichie, elle n'a pueffacer entirement son caractre primitif.Ce qu'est devenue cette fort aux sombres

    rameaux, le gographe moderne nous l'explique : La Spreewald n'est plus aujourd'hui qu'enpartie une fort. On y voit encore d'assezgrandes tendues couvertes d'aunes, de chneset de htres, et peuples d'un excellent gibier,]>armi lequel figurent surtout, avec le cerf et lechevreuil, les bcassines et les poules d'eau.Mais la plus giande partie a t transformeen prairies entoures de hauts peupliers et enjardins marachers, qui envoient leurs produitsau march de Berhn. C'est par eau que se faitsurtout la circulation ; c'est par bateaux,qu'hommes et femmes transportent leurs den-

    res et que le chasseur se dirige travers celabyrinthe aquatique et bois. L'hiver, ceschenaux restent longtemps gels ; mais, pen-dant l't, ce pays, plein de verdure et de feuil-lage, prend un aspect agrable. La vie del'ancienne population vende, avec son gottraditionnel pour la batellerie et la pche, s'yperptue mieux qu'ailleuis, grce au milieunaturel. Elle y a conserv, avec sa langue,l'usage de ses maisons de bois, dissmines aubord des rigoles, hrisses aux angles par lesdenticules qui rsultent de l' entre-croisementdes poutres. La population, forte et saine,fournit Berlin d'amples nourrices dont lecostume bariol attire l'il dans les rues de lagrande ville. Jadis, les Vendes, pourchasss parla colonisation germaniqiie, trouvrent unrefuge dans ce pays marcageux et forestier.Mais, aujourd'hui, la germanisation les gagnepeu peu, leur domaine linguistique s'estrduit de moiti depuis trois cents ans, il necesse de dcrotre encore. En somme, la pau-vret du sol est rachete par l'abondance deseaux ; le premier lecteur de la maison deHohenzollem disait, au moment de quitter laFranconie pour le triste Brandebourg, qu'unpays qui a tant d'eau ne peut pas passer pourpauvre. (Vidal de La Blache, Etats et Nationsde l'Europe.)

    Cette terre loigne, dispute par les Slavesaux Germains et par les Germains aux Slaves,fut une des dernires rgions europennes quele christianisme atteignit. Au x^ sicle,les premiers empereurs de la maison de Saxe,songeant dfendre l'Allemagne proprementdite contre les Slaves, constiturent, dans largion moyenne de l'Elbe, une marche dontle centre le plus important fut Magdebourg.C'est MAltmark ou Vieille Marche, qui, ens'tendant vers le nord au temps d'Albertl'Ours (1134), s'installa dans le pays slave deBranibor et en fit le Brandebourg. IJnvch futcr Branibor, un autre instaur Havel-berg : les moines de Citeaux fondrent lemonastre de Lehnin et ce fut la vritablevanglisation de ces contres demi-slaves,

  • L'ALLI'MAGNK ht L EUROPE

    SIATl K l)K KHKDKHIC I.K CHAN'I) A BKKI.IK

    r I

  • HISTOIKK ILLUSTRE DE LA G U E K K !: Ul, 1914

    demi-germaines. A ce moment, c'est--dire

    au xiiie sicle, l'art, la science, la littra-

    ture, la philosophie occidentales avaient pro-

    duit en France, en Angleterre, en Belgique,

    mme dans l'Allemagne du Rhin, une admi-rable civilisation.

    La cration de la Prusse comme tat poh-tique est bien plus tardive encore ; c'est seule-

    ment en 1525, qu'Albert de Brandebourg, sou-

    verain hrditaire de la Marche et grand-matre

    de l'Ordre teutonique, scularisa tous ses

    domaines lors de la paix de Cracovie et devint,ainsi, souverain hrditaire du duch dePrusse.

    A ce moment, le pays est encore demislave, en partie vassal de la Pologne : mais,

    depuis des sicles, une lutte mort tait en-

    gage contre cette vieille population autoch-

    tone. L'ide directrice et dominante du fon-dateur de la dynastie, Albert de Brandebourg,

    fut de germaniser, de plus en plus, son pays, de

    l'appuyer fortement sur l'Allemagne pour

    refouler le slavisme;quitte se servir de sa

    puissance accrue pour se retourner vers l'Alle-

    magne. Il meurt en 1568. Les luttes de la

    Rforme ensanglantent et affaibhssent l'Eu-rope centrale ; l'Allemagne de Charles-Quintperd son unit et sa grandeur. C'est une proie

    que la guerre de Trente Ans va bientt livrer

    aux oiseaux noirs venant du nord. Au dbut duXVII sicle, la ligne franconienne desHohenzoUern se substitue aux Brandebourg et, partir de cette poque, se fait l'union de cespays peine organiss et de la famille fatale

    qui va les largir indfiniment au dtriment del'Allemagne d'abord, et, ensuite, du reste del'Univers.

    La Prusse est donc un tat extrmementmoderne : trois sicles d'existence en fait

    ;

    son fondateur vritable, son Clovis ou sonCharlemagne, le Grand-Electeur Frdric-Guil-laume (1640-1688) est contemporain de notreLouis XIV. Ce sont les guerres de religion,c'est l'affaiblissement prodigieux de l'Alle-magne la suite de la guerre de Trente Ans quipermettent A ce prince habile et ambitieux de

    se dvelopper aux dpens de tous ses voisins.Il gagne au trait de Westphalie ; se glissantentre la Sude et la Pologne, il gagne auxtraits de Labiau et d'Oliva. Son successeurFrdric III prend le titre de roi (1700). Leroi-sergent Frdric-Guillaume P"" (1713-1740)comprend que tout l'avenir du pays, encoreattard au milieu des puissances europennesen plein dveloppement, est dans son arme :qui veut tomber sur le troupeau doit avoirbecs et ongles ; il inaugure le militarisme par

    le caporalisme ; c'est la politique prussienne par

    excellence.

    On sait comment son fils, Frdric II, legrand Frdric, gnral et philosophe, disciplede Machiavel qu'il rfute, ami de Voltairequ'il bafoue, se sert de l'instrument qui lui est

    laiss.

    On sait ce qu'il fit de la Prusse, ce qu'ilgagna aux dpens de l'Autriche, aux dpens del'Allemagne, aux dpens de la Pologne, auxdpens de l'Europe. On sait aussi qu'il avaitentrepris d'ajouter, la gloire militaire, je nesais quel vernis de la civihsation. Il crivait et

    badinait en franais : La culture prussiennecommence par une contrefaon. Voltaire cri-

    vait : La langue qu'on parle le moins la cour,c'est l'allemand. Je n'en ai pas encore entenduprononcer un mot. Notre langue et nos belles-

    lettres ont fait plus de conqutes que Charle-

    magne... Je me trouve ici en France ; on ne

    parle que notre langue. L'allemand est pourles soldats et pour les chevaux. En qualit debon patriote, je suis un peu flatt de voir cethommage qu'on rend notre patrie, troiscents lieues de Paris.

    Il en revint. Il s'aperut vite que l'ami des

    lettres tait plus despote que le Grand Turc .Il s'.enfuit en emportant dans sa valise les Poshies du roi mon matre , et il se vengeapar l'arme qu'on n'avait pas pu lui enlever : Je n'ai pas de sceptre, mais j'ai une plume. >-

    Les rapports de Voltaire et de Frdric II

    forment un exemple extrmement instructifde ces confiances un peu naves, un peu vani-

    teuses, la franaise, et de ces fausses intimits

  • L ALLEMAGNE ET

    GUILLAUME I" PROCLAME EMPEREUR(tableau

    avant tout profiteuses, la piussienne. La

    France, y sera prise, jusqu'au jour o franchisede France se redressera pour en finir et tirerales choses au clair.

    A la mort de Frdric II, la Prusse, quoi-qu'elle n'et pas encore dpass six m'Uionsd'habitants, tait vraiment la Prusse, c'est--dire une puissance europenne. Frdric II,en mme temps qu'il a recul les bornes de sadomination et refoul l'Autriche par la con-qute de la Silsie, a donn la preuve de laforce de rsistance du jeune royaume, en tenanttte la Russie, l'Autriche, la France pen-dant la guerre de Sept ans. La guerre finie,il a l'habilet de regagner la confiance de sesdeux puissants voisins, la Russie et l'Autriche,

    ALLEMAND A VERSAILLES (i8 janvier 1871)DE WERNEr)

    en satisfaisant la vieille querelle prussiennecontre les Slaves de Pologne. Il est le grandinitiateur du partage, le vritable meurtrierd'une nationalit et d'une race.A partir de ce moment, la Prusse commence

    sa vie de Carnivore insatiable.Bismarck rsume en deux mots les rgnes

    des successeurs de Frdric II : Frdric leGrand laissa un riche hritage d'autorit et deconfiance en la politique et en la puissance dela Prusse. Ses hritiers pouvaient vivre l-dessus pendant vingt ans, sans se rendrecompte des faiblesses et des erreurs de leurgouvernement d'Epigones

    ;jusqu' la bataille

    d'Ina, ils taient pleins d'une estime exagrepour leurs capacits militaires et poHtiques. Il

  • HISTOIRE ILLUSTRE DR LA GUERRE DE I914

    fallut le bouleversement des temps qui sui-

    virent pour faire sentir la cour et au peuple

    que la maladresse et l'erreur avaient prsid

    la direction de l'Etat...

    La cour de Prusse semblait s'loigner de son

    but. lna l'avertit. Le long pitinement du solallemand par les armes de la Rvolution et del'Empire la rveilla tout fait et rveilla

    l'Allemagne en mme temps. Il y a l une con-cidence dont la Prusse va profiter savammentet prement. Bliicher est le vainqueur deWaterloo. La Prusse apparat comme la puis-

    sance libratrice : ce sont l des souvenirs qui

    ne s'oublieront pas.

    Le XI x^ sicle assiste, en Allemagne, la

    marche parallle de l'unification allemandeet de l'hgmonie prussienne. Toutes deux sont,en somme, simultanment en raction contrel'action napolonienne. La France, en brisantles vieux cadres, a libr l'Allemagne et lui arendu conscience d'elle-mme ; mais, en ou-vrant les voies au militarisme prussien, elle a

    dchan l'animal usurpateur et dominateur.Elle devait tre la victime de cette faute o ily avait un mlange de violence, d'impr-voyance et de gnrosit.

    Les victoires de la Prusse sur Napolonavaient attir les yeux de l'Allemagne toutentire. En somme, l' Autriche-Hongrie, quoi-que Metternich et t le diplomate de lacoalition et que le Congrs se ft tenu Vienne, avait paru longtemps faible, incer-taine ; catholique, elle ne paraissait pas avoir

    contre le dehors, le ressort et la puissanced'agression de la Prusse protestante. On sesouvenait encore de l'ascendant conquis par leroyaume du Nord, au temps de Frdric II

    ;

    il y a l des impondrables dont il faut tenircompte pour expliquer l'apparition en Alle-magne, mais surtout en Prusse, de la grandegnration qui, sous l'impulsion de Fichte,de Schiller, de Schleiermacher, au temps duTugendbund et du baron de Stein, a^'ait ror-ganis et entran l'opinion publique pendanttoute la priode qui commence en 1807 : Acette priode d'activit enthousiaste appar-

    tient une uvre aussi trange qu'audacieuse-ment conue, la cration du Tugendhmd. Aumoment o M. de Stein prenait la direction desaffaires, au mois d'octobre 1907, un jeunemagistrat de Braunsberg, M. Henri Barde-leben, lui avait adress un crit intitull'Avenir de la Prusse, o il engageait tous lescitoyens oublier leurs divisions, se serrerautour du pouvoir et ne former qu'un grandparti national. Peu de temps aprs, Bardelebenavait organis avec quelques officiers etquelques savants, une association singulire.Ils mettaient leurs efforts en commun, disaient-ils, pour combattre chez eux, chez les autres,chez le gouvernement, toute pense d'gosme.Ils se donnaient le titre d'Association scienti-fique et morale. Les premiers membres taient,avec le fondateur, le gnral Gneisenau, legnral Grollmann, le professeur Krug. Peu peu, leur nombre s'leva jusqu' vingt. Ilsprsentrent au roi les statuts de leur socit etla hste des membres ; le roi approuva. Bientt,on ne compta plus les affilis par vingt, maispar mille et par centaines de mille. L'asso-ciation tait formidable ; elle couvrait la Prusseet, de la Prusse, tendait ses rseaux sur l'Alle-magne entire. Le conseil gnral sigeait Knigsberg ; des conseils provinciaux, deschambres de district, des assembles localesformaient une vaste machine dont tous lesrouages taient mus par une pense unique.Le but constant des chefs tait de restaurer laforce et la moralit allemandes (i).

    L'Europe ne mditera jamais assez sur cettephase du relvement allemand : car c'est de lque datent les grands vnements qui mar-qurent le dernier tiers du xix^ sicle etla confusion qui se fit, en Allemagne, entre

    le patriotisme librateur et le militarisme do-

    minateur. La source, la noble source de la

    grande erreur est l. Un Bismarck se chargead'en dtourner les eaux au profit de l'ambitionprussienne.

    On peut dire que, ds lors, dans le cur de

    I II Vron, Histoire de la Prusse, p. 148.

  • L ALLEMAGNE ET L EUROPE

    STATUE DE LA GERMANIA ELEVEE AU-DESSUS DU RHINEN SOUVENIR DE LA RESTAURATION DE l'eMPIRE ALLEMAND

    i5

  • HISTOIRK ILLUSTREE DE LA GUERRE DE I9I4

    l'Allemagne, la Prusse l'emporte ; l'Autriche,

    ainsi que l'Allemagne du Sud. sont dj bat-tues.

    Cet tat d'esprit s'affirme dans l'volution

    qui fit des plus remarquables parmi les cri-

    vains et les penseurs, mme libraux , del'Allemagne du Centre et du Sud, les secta-teurs soudainement convertis de l'hgmonie

    prussienne. Certai-

    nement, la lgendede Waterloo prus-

    sien pse sur ces

    mes qui n'ontplus d'autre rve

    que celui d'une

    patrie allemande.

    L'homme quipersonnifie cette

    volution et qui la

    consacre par cette

    Histoire de l'Alle-

    magne, qui fut un

    livre d'influence et

    d'action s'il en ft,

    c'est Treitschke.

    C'est le type del'Allemand prus-sianis et se don-nant

    ,avec une

    gnrosit impul-sive, la forcequ'il suppose de-voir le recrer lui-

    mme : il crivait,en 1861, ces lignes qui sont comme un choprofond de la pense allemande l'heureprcise o la Prusse entre en campagne etinaugure, par l'affaire des Duchs, la srie desguerres agressives qui doit la porter l'hg-monie : Je veux crire une Histoire de laConfdration germanique, brve, tranchante,sans mnagements, pour montrer la masseparesseuse que le fondement de toute exis-tence politique, le droit, le pouvoir et la libertnous manquent, et qu'aucun salut n'est pos-sible que par l'anantissement des petits tats. )>

    MONUMENT ELEVE A BISMARCK, A HAMBOURG

    Remarquez comme sont entremls les motbdroits, pouvoir, libert : c'est ainsi que la grandeconfusion commence ; il faut avoii le pouvoirpour avoir le droit et la libert. Donc le pouvoirprime le droit et la libert. La formule bis-marckienne sort de l.

    Treitschke crit encore, ramassant en sixlignes le grand effort de la pense et du cur

    allemands : Tousles livres , toutes

    les uvres d'art

    qui rvlent la no-

    blesse du travailallemand, tous lesgrands noms alle-mands que nousconsidrons avecadmiration , toutce 'qui annonce

    la gloire de notreesprit, proclame lancessit de l'unit,

    nous conjure decrer, dans l'ordrepolitique, cetteunit qui existe

    d j dans le mondede la pense. Etnotre douleur estdcuple en pen-sant que chaqueuvre isole est

    tant admire, tan-dis que notre

    peuple tout entier est raill au dehors.

    Et la phrase qui revient sans cesse, comme

    un leitmotiv, traduisant une pense et uneconclusion toujours la mme : C'est la Prusseseule qui a fait l'unit germanique, moins en-core par l'action rflchie de ses gouvernants

    que par la force inhrente de ses institutions,ou ce qui revient au mme, par l'esprit qui aprsid son volution politique. L'crivainn'hsite pas dcouvrir le fond des choses :;< Les hobereaux prussiens ont fait l'unit ger-manique.

    i(

  • L'ALLEMAGNE ET l'eUROPE

    CARTE DES AGRANDISSEMENTS DE LA PRUSSE

    D'o les consquences finales tires parTreitschke et par ses disciples : Nous nenous sommes que trop laisss sduire par lesgrands noms de tolrance et de lumire... Assez d'amour comme cela, essayons mainte-nant de la haine. (Herwegh.)Bismarck vint pour appuyer le systme par

    l'autorit de la victoire et du succs. Bismarckest le fils des hobereaux du Brandebourg, lefils des vieux et durs adversaires de la Pologneet de l'Allemagne du Sud. Ses anctres ontmani l'pe; son pre est un capitaine decavalerie, lui-mme porte d'abord l'uniforme :c'est un soldat. Il tait n pendant les Cent-Jours et les rcits d'un vieux parent sur lesguerres de Napolon avaient exerc, de son pro-pre aveu, la plus vive influence sur sa jeunesse.Hritier exclusif d'une tradition et d'une race,

    il avait la conviction enracine que la vrita-ble diplomatie prussienne, c'tait la guerre. Etc'est pourquoi cet officier se fit diplomate.

    Il fut un grand diplomate et un grand Prus-sien plutt qu'un grand homme d'tat. Car, ily avait, dans sa formation puissante, deslacunes graves : il disait plus tard, de lui-mme,qu'il n'tait pas un homme colonial; on et pudire de lui qu'il n'tait pas un homme europen.Sa mthode la fois astucieuse et violente,persvrante et brutale, est celle d'un chasseurdes bois : il tend le pige, attend longtemps, etsoudain tombe sur la proie. Mais le jeu l'a pas-sionn plus encore peut-tre que le rsultat : il seproccupe plus du succs immdiat que de laconstruction durable. Il sort de sa fort et yrentre, content si le sang a coul et qu'il lui enreste encore le got, l'odeur aux lvres.

    '7

  • BERLIN. RETOUR D'UNE REVUE SUR I

  • PHOMKNADE " UNTER DEN LINDEN

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I914

    Ce grand rformateur ou dformateur de

    l'Allemagne n'aimait pas l'Allemagne ; il n'en

    partageait ni les aspirations, ni les rves, ni la

    sentimentalit obscure ; il n'avait compris d'elle

    (lu'une chose, c'est qu'elle voulait l'unit et

    dans ce dsir ardent il trouvait surtout le

    moyen d'assurer la suprmatie de la Prusse

    par le procd minemment prussien : laguerre.

    En somme, Bismarck est responsable des

    quatre grandes guerres qui, en prenant graduel-

    lement de plus en plus d'extension, ont ensan-

    glant l'Europe depuis un demi-sicle : la

    guerre des Duchs, la guerre de 1866 contrel'Autriche, la guerre de 1870 contre la France;

    ajoutons la guerre de 1914 contre l'Europeentire : car, celle-ci est dans la logique et la

    ncessit de Toeuvre bismarckienne. Peut-tre

    son gnie et-il pu l'viter, mais ses disciplesn'taient pas de taille " museler le dogue prus-sien une fois qu'il avait t lch.

    Bismarck, c'est le Prussien type. La ques-

    tion est de savoir si ce Prussien type est le

    type de l'humanit.Si, comme tout porte le croire, l'uvre

    de Bismarck doit tre profondment modifie la suite de la guerre actuelle, cet hommeaura t le dernier grand asservisseur qu'aitconnu l'histoire; il achvera la ligne des puis-sants rapaces que la Germanie aura jets surl'Europe.

    Il asservit la race allemande les Scandi-naves des duchs; il asservit la race alle-mande les Slaves de Pologne, autrementmnags avant lui; il asservit l'Allemagneles Franais d'Alsace et de la Lorraine; ilmaintint l'asservissement des Italiens sous lejoug autrichien ; sa politique admettait, commeuneconsquence fatale, l'asservissement l'allieautrichienne des Slaves des Balkans; enfin,il asservit la Prusse l'Allemagne elle-mme. Ilimposa au monde germanique, hsitant etmme rsistant, l'Empire despotique et mih-taire des Guillaume. C'est la carrire de Bis-marck que l'Europe actuelle doit avoir toujoursen vue, si elle veut pntrer fond la grande

    erreur et la grande faute qu'elle est appele rparer.

    Les gouvernements allemands et les peuplesallemands avaient-ils une pleine conscience dece qu'ils faisaient quand, en 1870, ils donn-rent des mains la constitution de l'Empireprussien et militaire, c'est une question quel'on ne pouvait claircir fond avant l'heureprsente : i^ parce que l'histoire avait tsophistique par les apologistes du succs;20 parce que l'Allemagne ne pouvait, avantl'heure prsente, voir clairement ou pluttdeviner o on la menait. Si, au temps oii cesfaits s'accomplirent, elle et mieux comprisque son unit, telle que Bismarck la concevait,serait l'instrument de la guerre perptuelle, etfinalement que sa subordination la Prusseaccumulerait contre elle la haine universelle,peut-tre et-elle mieux apprci et lou da-vantage la clairvoyance des ministres et despatriotes bavarois, saxons, wurtembergeois quieussent prfr maintenir l'Allemagne lecaractre fdral et constitutionnel, anticen-traliste et antimilitariste que l'esprit de partiet l'habilet diplomatique s'arrangrent pourlui imposer.

    La campagne pour l'unification imprialeprussienne fut commence, comme on le sait,par Bismarck, mme avant la guerre de 1870.La suggestion venue de Prusse et insinueauprs des gouvernements et de l'opinion futassez mal accueillie, d'abord. La vritable pen-se des hommes d'Etat clairvoyants est expri-me, en septembre 1869, par le roi de Saxedans son discours du trne : Mes effortsont toujours nettement tendu favoriser et soutenir l'tablissement de la Confdrationconformment la constitution; je n'ai mmepas' hsit non plus prendre l'initiative d'uneinstitution qui tait dans l'intrt gnral dela Confdration (il s'agit de l'Empire, mais del'Empire fdraliste); mais, en mme temps,j'agirai toujours, aprs comme avant, de faonque soient maintenues les limites que la Consti-tution fdrale place entre les droits de la Conf-dration et ceux des Etats, et que l'on 'ne dpasse

  • L ALLEMAGNE ET L F.UROPK

    pas le point au del duquel il ne resterait plus

    aux Etats assez d'influence ni d'autorit... J'ai

    le ferme espoir que cette attitude de ma part

    ne restera pas sans rsultat, car je me sais,

    cet gard, en complet accord avec les ides et

    les vues de mes

    hauts confdrs.

    C'est de l qu'on

    est parti et c'est

    la proclamation de

    l'Empire militaire

    allemand Ver-sailles que l'on est

    arriv.

    L'histoire descirconstances dif-

    ficiles dans les-quelles le gnie de

    Bismarck s'exerapour arriver ses

    fins, les moyensqu'il employapour prparer l'o-pinion, gagner les

    cabinets, terroriser

    certains ministres,

    abuser de la sim-

    plicit de certainssouverains, carter

    les majorits ind-pendantes, briser

    partout les rsis-

    tances,

    engager

    une course entre

    les divers gouver-

    nements conf-drs qui ne se

    par l'autre en vue

    LE PRINCE D(dessin de

    laisserait pas dpasserde rcolter certains

    avantages particuliers, tout cela a t crit

    cent fois.

    On a signal aussi, avec force, mme enAllemagne, la part d'ambition personnelle qui

    poussait Bismarck raliser, contre vent etmare, cette uvre qui, au dbut, et paru

    impossible. Roon crivait le i6 fvrier 1870,

    son ami Blankenbourg : Il (Bismarck) veut

    tout prix rester, maintenant et dans l'avenir,et cela, parce qu'il a le sentiment que l'difice

    bauch s'croulera sous la rise universelle,ds que sa main ne sera plus l. Il n'a pas tout fait tort, mais les moyens qu'il emploie le

    mneront - ils aubut?

    Malgr le peude choix dans lanature desmoyens,ils devaient le me-ner au but, en

    effet. Bismarck,avant la guerre

    contre la France,

    n'tait pas trop

    exigeant : il ne r-

    clamait mme pas,pour l'Empereur,

    chef de la Conf-dration du Nord,le commandementsuprme en tempsde guerre, ni l'u-

    nit conomique;

    il se contentait

    ,

    pour ainsi dire, dutitre (de Ruville,

    la Restauration de

    l'Empire allemand,

    p. 104), quittesans doute ga-gner la main parla suite. Mais lesambitions grandi-rent avec les

    victoires remportes bientt sur la France.

    RSISTANCE DU SUD De tous les EtatsEN 1871 ' allemands, le seulqui et pu mettre en chec les desseins deBismarck, tait la Bavire.En Bavire, le parti patriote n'tait nulle-

    ment dispos aux concessions; on avait unjuste pressentiment de ce qui devait arriver : On craignait surtout le militarisme, le bureau-

    E BlbMARCKlenbach)

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I9I4

    cratisme, toutes ces formes rudes de l'Allemagne

    du Nord, comme autant d'lments nuisibles,de mme que les conservateurs du Nord redou-taient, par la pntration des ides librales et

    parlementaires et de toutes les manifestations

    de bel esprit propres au Sud, la dissociation

    de l'Etat vigoureusement organis. Des deuxcts, on tait galement dsireux de voirl'Etat s'tendre, mais non sous la forme d'uneunit plus grande. La crainte de cette unit

    existait dans la Vieille-Prusse comme dans la

    Vieille-Bavire et formait un trait commun

    des deux partis. (Ibid.)Tels taient les deux systmes en prsence,

    le point ovi ils se rapprochaient le plus. Ensomme, l'Allemagne dsirait organiser son

    unit, certes, mais plus pacifiquement, avecplus de souplesse, plus d'harmonie intrieureet extrieure qu'elle ne l'a fait ; elle et pr-

    fr se garder d'une organisation politique trop

    compacte, ne pas se subordonner aux partismilitaires, ne pas devenir la proie du bureau-cratisme et du militarisme avec toutes leursconsquences, si la savante ambition de Bis-marck ne l'avait, pour ainsi dire, accule dansune impasse, trangle, dans le dilemme soitd'accepter l'hgmonie prussienne, soit derenoncer l'unit. La question fut pose detelle faon que le choix n'tait pas libre, puis-qu'il tait dict d'avance.

    Tout l'art de Bismarck fut de dissocier larsistance des lments indpendants, et no-tamment des ministres bavarois, wurtem-bergeois, hessois, saxons, en les opposant lesuns aux autres. Il avait, de longue date, gagn sa cause le roi Louis de Bavire ; il mitson soin conduire les ngociations avec lestats sparment, pendant toute la dure deshostilits, et exciter leur mfiance rciproque.On a des raisons de croire qu'il se servit despapiers pris Ceray, chez M. Rouher, pourexercer une sorte de chantage sur ceux desministres de l'Allemagne du Sud qui avaientgard des relations avec les Tuileries, jusqu' laveille de la dclaration de guerre.Aprs avoir forc la main au ministre bava-

    rois, le comte Bray, on obtint, vers la fin del'anne 1870, du roi Louis, la fameuse lettrepar laquelle il offrait lui-mme la couronneimpriale au roi de Prusse. Bismarck laissedeviner les inquitudes par lesquelles il avaitpass, rien qu'au soupir de soulagement qu'ilpousse quand lui parvient le prcieux docu-ment.

    Laissons-le, d'ailleurs, exposer lui-mmel'pilogue de cette difficile manuvre qui de-vait dcider de l'avenir de l'Allemagne et, parsuite, de l'avenir europen :

    La question du rtablissement de l'Empiretait alors (fin novembre 1870) dans unephase critique et menaait d'chouer, causedu silence que gardait la Bavire et de l'aver-sion que montrait le roi Guillaume. A ce mo-ment, le comte Holnstein se chargea, sur ma

    prire, de remettre une lettre son souverain.

    Pour qu'elle parvnt sans retard, je l'crivis

    aussitt, assis une table qu'on n'avait pas

    encore desservie, avec de mauvaise encre etsur du papier qui buvait. Le comte se mit enroute le 27 novembre ; il accomplit son voyageen quatre jours avec de grandes difficults etde frquentes interruptions.

    Le roi, souffrant d'ime nvralgie, tait

    aHt ; il refusa d'abord de le recevoir, puisl'admit aprs avoir appris que le comte venaiten mon nom et avec une lettre de moi. Puis il

    lut ma lettre dans son lit deux fois et trsattentivement, en prsence du comte, demandade quoi crire et rdigea la lettre au roi Guil-

    laume que je lui avais demande et dont j'avaiscompos le brouillon... Le septime jour aprsson dpart, le comte Holnstein tait de retour

    Versailles avec la lettre du roi. Le jour mme,elle fut officiellement remise notre roi par le

    prince Luitpold, le rgent actuel. Elle consti-

    tuait un facteur important pour le succsd'efforts pnibles et souvent incertains dansleurs rsultats. La rsistance du roi et le faitque la Bavire n'avait pas pu parvenir for-muler ses sentiments avaient provoqu tout celabeur. {Souvenirs, H, 142.)Ne voit-on pas, la hte apporte ces ra-

    22

  • L'ALLEMAGNE ET l'eUROPE

    NOTRE-DAME DE PARIS VUE AU CREPUSCULE

    23

  • HISTOIHE ILLUSTREE DE LA GUERRE DE I9I4

    MOSCOU ET LE KREMLIN

    lisations presque inespres, au soin avec

    lequel tous les dtails en sont rgls minutepar minute, l'impatience manifeste au sujetdu moindre retard, l'espce de surprise et decontrainte exerce sur un roi malade et alit,ne voit-on pas combien taient grands le dsirde russir et la crainte d'chouer au derniermoment ? On se souvient du rcit mouvant deBsch :

    L'aprs-midi de cette journe historiques'est pass dans une attente anxieuse du r-sultat. A l'heure du th, je suis descendu dansla salle manger. Bohlen et Hatzfelt taientl tous deux, assis sans rien dire. D'un geste,ils me dsignrent le salon o le chancelier taiten train de ngocier avec les trois plnipoten-tiaires bavarois. Je m'assis, mon tour, ensilence et j'attendis.

    Au bout d'un quart d'heure, la portes'entr'ouvrit et M. de Bismarck apparut. Iltenait en main un verre vide et avait l'airrayonnant.'

    Messieurs, nous dit-il d'une voix trem-blante encore d'motion, le trait bavarois estsign, l'unit allemande est assure, et notreroi devient empereur d'Allemagne !

    On n'attendit mme pas le vote des Cham-bres bavaroises. Le i8 janvier, le roi Guillaume,dans la salle des Glaces, Versailles, assuma,de lui-mme, la dignit impriale et cra ainsil'empire allemand.

    Le dbat devant la Chambre bavaroise futl'pilogue tout platonique d'un vnementhistorique si considrable et qui s'tait, en

    somme, achev entre augures. La commissioncharge du rapport se pronona, le 4 janvier,en rejetant les propositions du gouvernementet en invitant les ministres rouvrir les ngo-ciations en vue d'assurer une indpendanceinternationale plus complte au royaume deBavire. Devant la Chambre elle-mme, ledbat fut long et orageux ; mais que pouvaientfaire les opposants ? Risqueraient-ils d'en

    arriver une rupture avec la Prusse au mo-ment mme o les dernires rsistances desarmes franaises taient brises ? Et puis, laparole du roi tait engage. Le 21 janvier, laproposition du gouvernement fut vote ensance plnire, une majorit de deux voixseulement en plus des deux tiers ncessairespour que le vote ft valable.

    C'est dans ces conditions que les justes sen-

    24

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  • LA TAMISE ET LE

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  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I9I4

    timents et pressentiments de l'Allemagne duSud furent refouls. Les destines germaniquess'taient accomplies, orientes dans l'orgueilde la victoire, Versailles. L'empire tait lefils de la guerre. Le militarisme dynastiqueserait son instrument. La journe du 19 jan-vier portait, dans ses flancs, les ambitionspangermanistes, le systme de la Weltpolitik,et la guerre de 1914.

    Il n'tait pas inutile de rappeler par suite dequelle pression de diplomatie la fois violenteet subtile, le sort de l'Allemagne et de l'Europefut dcid en 187 1. On trouve, dans ces machi-nations infiniment complexes, secondes parun puissant travail de l'opinion, suivant lemot de Mommsen, que Bismarck spculaittoujours sur la crdulit publique , lescauses de l'erreur commise par l'Allemagneelle-mme l'encontre de ses propres intrts etpeut-tre de ses propres sentiments.On y trouve aussi les origines de la situation

    exceptionnelle faite l'Allemagne au milieude l'Europe moderne et de l'antagonisme cons-tant qui s'affirma, ds lors, entre elle et lereste du monde. L'Allemagne subit ou acceptanon seulement l'hgmonie prussienne, maisla culture prussienne. Elle avait sentimenta-lis jusque-l ; elle caporalisa dsormais.

    HGMONIE MILITARISTE Aprs cin-ET SES CONSQUENCES quante ans,le systme militariste inaugur Versaillesayant abouti, comme il tait logique, laguerre universelle, tout est remis en question.Les peuples allemands, quand une fois lesvnements se seront accomplis, auront peut-tre une occasion unique de se ressaisir et dechoisir entre Leibniz et Bismarck ; car cedbat est en eux, non pas en nous. Pournous, c'est--dire pour le reste de l'Europe, leparti est pris depuis longtemps : entre ledespotisme et la libert, l'Europe a choisi lalibert.

    L'Europe, quoi qu'on en ait dit, n'est pasune expression vide de sens. Il est un certainnombre d'ides gnrales sur lesquelles la majo-

    rit des populations europennes et tout lemonde civilis s'accordent, pour ainsi dire, demi-mot. L'Allemagne seule ou, pour parlerplus exactement, la Prusse seule fait bande part.

    Je ne reviens pas sur l'expos fait plus hautde la doctrine allemande, l'Allemagne tendant l'hgmonie mondiale par le militarisme etl'organisation

    ; l'arme prussienne constituant,selon les termes d'une brochure allemandercente, peut-tre semi-officielle, avec sonpas de parade symbolique, le type d'une so-cit rythme .

    Quel contraste avec la vie gnrale des autresnations europennes ! Combien Paris, Londres,Saint-Ptersbourg, Rome diffrent de Berhn !

    Paris a Notre-Dame et le Louvre que lessicles ont btis et consacrs. Londres a West-minster ; Saint-Ptersbourg sur la Neva,comme Londres sur la Tamise, donnent de primeabord l'ide de la puissance et de la grandeur.Rome est Rome, et c'est tout dire. Berlin qui,au dbut du xvii sicle, comptait peine6.000 habitants, s'est accrue soudainement detelle sorte que la capitale rgna avant que laville ft. Tout y sent le factice et l'artificiel,mme et surtout le luxe. Seule l'Universit,qui rgenta et dompta la pense allemande, estvraiment digne d'une capitale : ville de sol-dats, de professeurs et d'ouvriers. Les millionsde travailleurs qui forment l'accroissementsoudain de la mtropole neuve ne sont atta-chs la ville que par le gain ; ce sont des habi-tants, non des citoyens. Plus de 300.000 d'entreeux sont inscrits sur les registres de l'assuranceforce. Les gros bataillons du socialisme ber-linois s'opposent au capitalisme impitoyabledes grandes banques et des grandes entreprises.

    Berlin est une capitale soiiffle et parvenue.

    L'Europe, la vieille Europe ne consentira ja-mais prendre le mot d'ordre dans cette villesans pass, sans got et sans grce.Le mot d'Europe n'indique pas seulement

    une certaine communaut d'origine, de race etd'habitat, une sorte de parent reconnaissableaux traits du visage et la similitude des

    28

  • L'ALLEMAGNE ET l'eUROPE

    LE PALAIS Dl': WESTMINSTER A LONDRES

    murs ; il signale, surtout, un tat d'esprit,

    une faon de sentir, une manire de vivrecommune tous que l'on a compare fort jus-tement l'ancien hellnisme. L'Europe n'estpas, en ralit, restreinte au territoire de sontroit continent : l'Amrique fait partie del'Europe. La religion, la morale, l'opinion,tout ce qui dcide du sort des hommes en parti-culier et de l'humanit en gnral, la forme desmes, en un mot, plus encore que la forme descorps, dtermine les caractres de cette extra-ordinaire socit humaine qu'est l'Europe; unelumire plus haute, une atmosphre plus largeavec je ne sais quel souffle rayonnant d'ici surla plante tout entire lui assure la suprmatie.

    Or, quelle est la facult propre l'me euro-penne, sinon une aspiration constante versla libert ? L'homme libre dans la cit libre, les

    peuples libres dans une humanit libre, cha-cun matre de son sort, la discipline accepte etnon impose, une tendance universelle vers lapacification des conflits, vers une tolrancemutuelle, vers un travail allg, autant quepossible, des exigences de la matire, un largecourant dmocratique, nul systme absolu nilourdement affirm, de la bonhomie, de l'ai-sance, de l'amnit dans les relations d'homme homme et de pays pays, une soumissioncordiale aux lois de la justice, de l'honneur etde la politesse, l'ambition du mieux, une pro-pagande mutuelle pour l'acceptation du devoiret l'allgement des misres humaines, unesorte de charit qui implique l'galit de tousles hommes entre eux, l'acceptation desconditions de la vie et de la nature ainsique Dieu les a faites, telle est la conception de

    29

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I9I4

    l'existence particulire et sociale la plus gn-

    ralement rpandue en Europe ; tel est, dumoins, l'idal que le peuple europen, par une

    laboration et un effort sculaires, s'est fix

    lui-mme.Comment se fait-il que, sur la plupart de ces

    points, la doctrine allemande, la volont alle-

    mande soient en contradiction avec le sentimentgnral europen ?Quelque temps avant la guerre, l'auteur du

    prsent ouvrage, d'accord avec M. Butler, pr-

    sident de rUniveisit Columbia de New-York,s'efforait de dfinir cet esprit international ,

    qui est peu prs le mme sur les deux conti-nents. Il tait amen, par la force des choses, le dfinir en des termes qui font contraste avec

    ceux qui dfinissent l'esprit prussien . L'es-

    prit international n'est pas seulement affaire

    de culture : il tient surtout la hauteur desvues et une certaine disposition naturelle,bienveillante et humaine. Sur un certain plan,les hommes ont, les uns pour les autres, cesentiment de respect mutuel qui, dans le coursde la vie particulire, s'appelle le tact : ils

    savent sortir d'eux-mmes et, comme on dit,se mettre la place des autres ; ils ressentent,d'avance, la peine qu'un propos ou un acte

    dplacs peuvent causer ; ils ont un got de lamesure qui les avertit au moment o le senspropre va devenir dsobligeant, une finessed'piderme qui s'meut la seule crainte defroisser ; en un mot, ils ont l'art de mnagerles contacts et de les rendre toujours faciles etagrables.

    Notre La Rochefoucauld a dfini cette cour-toisie exquise la manire du grand sicle,dans son beau morceau sur la conversation : On ne doit jamais parler avec des airs d'auto-rit ni se servir de paroles et de termes plusgrands que les choses. On peut conserver sesopinions si elles sont raisonnables ; mais, enles conservant, il ne faut jamais blesser les sen-timents des autres, ni paratre choqu de cequ'ils ont dit. Il est dangereux de vouloir tretoujours le matre de la conversation... Ne ja-mais laisser croire qu'on prtend avoir plus de

    raison que les autres et cder aisment l'avan-tage de dcider. Appliquez ces rgles la con-versation internationale, elles fonderaient,entre les peuples, une heureuse harmonie quiserait la plus honorable et sans doute la plusprofitable des diplomaties, celle qui s'inspire-rait de l'intrt bien entendu sur un fond desagesse et d'quit.

    Comment se fait-il que le morceau qui,par opposition, tait destin caractriser laculture anti-europenne, s'appliqut exacte-ment la culture allemande ?

    En s'inspirant de principes tout contraires,on en est venu autoriser et louer mme,dans les rapports internationaux, une fanfa-ronnade de cynisme qui nous ferait horreurdans la vie particulire. Des ambitions lourde-ment tales, des combinaisons obscures, ungosme vulgaire, l'habitude du mensongeet de la dissimulation sont prns l'galdes plus rares vertus. La violence et la perfidiesont justifies pourvu qu'elles aient russi.Des populations pousse dbordante jouentdes coudes et prtendent se faire place envertu du droit du plus fort, sans souci des senti-ments froisss et des haines accumules (i).

    Et comment se fait-il que la guerre, prvueds lors et qui devait clater quelques moisaprs, ait justifi jusqu' une exagrationaffreuse, les accents dj si affirms d'un telportrait ?

    CE QU'IL FAUT De mme que l'Alle-DETRUIRE magne avait d choisiren 1870, l'Europe avait faire son choixen 1914 ? Subirait-elle, son tour, le capora-lisme prussien, renoncerait-elle ses propresprincipes, son idal, s'astreindrait-elle auxdoctrines dures et cruelles qui rattacheraient,

    en somme, la civilisation europenne non auxnobles traditions de la Mditerrane, maisaux horreurs sanglantes du bois des Lemnons ?M. Bergson a parfaitement dgag les donnesdu problme : Mcanisme administratif,

    (i) L'Esprit international, igi4. G. Grs, p. 14.

    3o

  • ^:{%;^

    aio

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I914

    ASPECT DU BOULEVARD LE SOIR DU VERDICT DANS LE PROCES DE M'(2g JUILLKT 1914)

    CAILLAUX

    l'Allemagne, fidle aux obligations de l'alliance,se troiuerait nos cts .

    En six lignes, c'est tout le programme.M. de Schn se rend le 24, probablement

    dans l'aprs-midi, au quai d'Orsay. Il pr-sente M. Bienvenu-Martin une note justi-fiant l'attitude prise par l'Autriche-Hongrie l'gard de la Serbie, et il attire spcialementl'attention du ministre sur deux points :1 Le gouvernement allemand estime que laquestion actuelle est une affaire rgler entrer Autriche-Hongrie et la Serbie et que lespuissances ont le plus srieux intrt la res-treindre aux deux parties intresses . C'estune menace indirecte la Russie. 2 Legouvernement allemand dsire ardemmentque le conflit soit localis, toute interventiondes puissances devant, par le jeu naturel desalliances, provoquer des consquences incal-culables.

    Le systme se rsume en ces mots que nousavons relevs, ds le dbut, dans la presse pan-germaniste : le conflit localis. Pendant querAutriche-Hongrie trangle la Serbie, l'Alle-magne fait le moulinet pour empcher qui quece soit de se mler la querelle.

    M. Bienvenu-Martin dit l'ambassadeurd'Allemagne : Mais vous n'envisagez quedeux hypothses : l'acceptation ou le refus puret simple de la part de la Serbie. N'y aurait-ilpas place un arrangement, c'est--dire unengociation ?

    Et M. de Schn de lui rpondre assez cavaH-rement : Il est permis d'esprer... Quant moi, je n'ai pas d'opinion sur ce sujet.

    Voici donc la ngociation prliminaire, rela-tive au sursis, qui s'engage sur cette base trem-blante ; elle se cherche dans l' obscurit voulue ole manque de franchise visible d'une des partiesla trane, durant cette derniresemaine de j uillet

    .

    100

  • LA NOTE AUSTRO-HONGROISE A LA SERBIE. LE CHOC DIPLOMATIQUE

    LA PLUS RECENTE PHOTOGRAPHIE DE L'EMPEREUR FRANOIS-JOSEPH

    ENTREL'ULTIMATUM AUTRICHIENET LA RPONSE SERBE

    La cha-leur est ac-

    cablante,le prsident de la Rpublique est en mer.L'opinion, cette fois, est avertie : l'inqui-

    tude est partout ; les Bourses sont affoles.De Berlin, M. Jules Cambon tlgraphie,

    le 24 juillet, donnant, d'abord, son impression,puis, le compte rendu de son premier entretienavec le ministre des Affaires trangres alle-mand, M. de Jagow. Voici l'impression : Peu d'espoir dans une issue pacifique... unegrande partie de l'opinion souhaite la guerre.

    Quant au rsultat de l'entretien, il est pure-ment ngatif : Le gouvernement allemandappiouve la note austro-hongroise ; mais il nieabsolument l'avoir connue avant qu'elle et t

    communique Belgrade. Sursaut de M. Cam-bon : Comment, vous vous tes engags soutenir des prtentions dont vous ignoriezla limite et la porte ? Et, M. de Jagow, d'unton rogue : C'est bien, dit-il en interrom-pant, parce que nous causons entre nous per-sonnellement, que je vous laisse dire cela !

    Et puis, l'ternelle affirmation : L'affairedoit tre localise . Trouvez-vous doncl'affaire si grave ? interroge, son tour, leministre, avec cette lourde manire des Alle-mands. Assurment, rpond l'ambassadeur,si on a rflchi ce qu'on faisait en coupant lesponts derrire soi.

    M. Jules Cambon termine sa dpche endonnant son sentiment personnel : Toutindique que l'Allemagne se dispose appuyer

    lOI

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE 1914

    d'une faon singulirement nergique l'atti-

    tude de l'Autriche. Il cherche dmler laraison pour laquelle la diplomatie allemandetient tant faire croire qu'elle a ignor la note

    austro-hongroise... Le cours de la ngociation

    le dmontrera : l'Allemagne manuvre pourgarder, jusqu' uncertain point, la

    confiance des puis-

    sances, de manire rester matressedes pourparlers,jusqu'au momento elle jugeraqu'il convient derompre.

    L'Allemagnesait o elle va : ellevise la Russie et

    voudrait l'acculer,

    soit renoncer toute autorit sur

    les Balkans, soit dclarer la guerre

    et assumer la res-ponsabilit devantl'opinion des neu-

    tres et devant l'his-toire.

    Que ce soit l leplan de la politiqueallemande, il suffit,pour l'tablir, deciter le tl-gramme adress,le 28 juillet, par le chancelier de l'empire auxEtats confdrs : Quelques organes del'opinion pubHque russe considrent commeun droit tout naturel et un devoir de laRussie, de prendre activement parti pourla Serbie, dans le conflit austro-serbe. LaNovoi Vremia croit que l'Allemagne, mme,pourrait tre rendue responsable d'une confla-gration europenne rsultant d'une dmarcheen ce sens, de la Russie, si elle n'engage l'Au-triche-Hongrie user de condescendance... Si

    LE GENERAL CONRAD DE HTZENDORFCHEF d'tat-major DE l'aRME AUTRICHIENNE

    la Russie croit devoir intervenir dans ce con-flit, en faveur de la Serbie, c'est, certes, sondroit : mais la Russie doit bien se rendrecompte (\u'elle fait ainsi siens les agissementsserbes tendant saper les conditions d'exis-tence de la monarchie austro-hongroise et

    qu'elle seule enencourra la res-

    ponsabiht, si, dudiffrend austro-serbe que toutes les

    puissances dsirent

    localiser, natune guerre euro-

    penne... ))

    Voil bien le pro-cs de tendance.La Russie n'a pasle droit d'inter-

    venir, mme pourtcher d'arrangerles choses, sansfaire siens les agis-

    sements serbes;elle seule sera con-

    sidre comme res-

    ponsable, tandisque toutes les au-tres puissances(c'est--dire l'Alle-

    magne seule) pr-tendent localiser

    le conflit... c'est-

    -dire, au fond,

    ne laisser laporte ouverte nulle ngociation srieuse.

    L'attitude de chacun des cabinets se dessine.Le cabinet de Ptersbourg donnera les assu-

    rances les plus nettement pacifiques, mais ilfera savoir fermement que l'opinion pubhquerusse ne tolrerait pas que l'Autriche ft vio-lence la Serbie . (Tlg. Palologue, 24 juillet.)

    Londres et Paris, aids par Rome, cherchentle moyen d'obtenir un rpit. M. Cambontlgraphie : Sir Edward Grey m'ayantentretenu de son dsir de ne rien nghger

    102

  • LA NOTE AUSTRO-HONGROISE A LA SERBIE. LE CHOC DIPLOMATIQUE

    LE DEPART D'UN REGIMENT SERBE POUR LE FRONT

    io3

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I914

    pour conjurer la crise, nous avons t d'accordpour penser que le cabinet anglais deman-derait au gouvernement allemand de prendre

    l'initiative d'une dmarche Vienne, pouroffrir une mdiation, entre l'Autriche et la

    Serbie, des quatre puissances non directement

    intresses.

    Ds la premire heure, M. J. Cambon sug-gre sir Edw. Grey de rclamer l'inter-vention officieuse du gouvernement allemand Vienne pour empcher une attaque subite .Mais on ne se fait pas beaucoup d'illusions

    La situation est des plus graves et nous ne

    voyons aucun moyen d'enrayer la marche desvnements. Sir Edw. Grey a fait observer,quand l'ambassadeur d'Autriche-Hongrie estvenu lui communiquer la note adresse laSerbie, que jamais dclaration aussi formi-dable n'avait t adresse par un gouverne-

    ment un autre .

    La Belgique, elle-mme, qui certes, de toutes

    les puissances europennes, pouvait se croire le

    moins mle au conflit, commence s'mouvoir.M. de Beyens, ministre belge Berlin, a le sen-timent qu'il s'agit, de la part de l'Allemagne et

    de l'Autriche, d'une conjuration prpare delongue main. Il considre que l'Autriche etl'Allemagne ont voulu profiter du concours descirconstances qui fait, qu'en ce moment, laRussie et l'Angleterre leur paraissent menacesde troubles intrieurs et qu'en France, le r-gime militaire est discut... pour surprendrela Triple-Entente dans un moment de dsor-ganisation.

    Ce sentiment s'est rpandu dans la presse;l'Echo de Paris a publi un article inti-tul : La sommation autrichienne est suiviede la menace allemande; M. de Schn, auquai d'Orsay. L'Allemagne en profite pourse donner l'avantage d'une protestation. M. de Schn a dit un certain nombre dejournalistes et est venu affirmer la directionpolitique qu'il n'y a pas eu concert entre

    l'Autriche et l'Allemagne pour la note autri-chienne et que le gouvernement allemand igno-rait celle-ci, bien qu'il l'et approuve ultrieu-

    rement, quand elle lui a t communique,en mme temps qu'aux autres puissances.

    Cette insistance prouve la volont de dgagerl'Allemagne autant que possible, pour lui lais-ser une indpendance apparente l'gard del'Autriche. M. de Schn ajoute qu'il n'y apas de (^ menace la Serbie.

    Cette communication et les termes savam-ment adoucis d'une communication autri-chienne Londres, rendent un instant l'espoir.Peut-tre les puissances non engages dans leconflit peuvent-elles encore intervenir utile-

    ment pour essayer d'arranger les choses.Sir Edw. Grey, relevant la suggestion de

    M. J. Cambon, dit l'ambassadeur d'Alle-magne que la seule chance qu'on aperoived'viter un conflit, consisterait dans une mdia-tion de la France, de l'Allemagne, de l'Italieet de l'Angleterre ; l'Allemagne, seule, pouvantexercer, en ce sens, une action sur le gouverne-

    ment Vienne . L'ambassadeur promet detransmettre la suggestion Berlin, mais il nese fait pas beaucoup plus d'illusions queM. de Schn Paris : L'Allemagne ne seprtera aucune dmarche Vienne (25 juillet). Il dclare au Foretgn Office, sansmme attendre la rponse de son gouverne-ment : L'Allemagne refusera de s'immiscerdans le conflit qui divise l'Autriche et laSerbie.

    On prfre ne pas rompre, mais on ne laissepas ignorer qu'on ne se prtera aucune con-cession, mme un simple dlai.

    Alors, quoi bon ngocier ?Sir Edw. Grey est surpris, choqu. Il voit

    les consquences apparatre et il dit l'am-bassadeur que si la guerre venait clater,aucune puissance, en Europe, ne pourrait s'en

    dsintresser .

    A Saint-Ptersbourg, les choses n'ont pasune meilleure tournure. On sait que la Serbieest dcide rsister certaines des exigencesaustro-hongroises. On a reu, le 24 juillet, untlgramme du charg d'affaires Belgrade,ainsi conu : Patchich est rentr Belgrade.Il a l'intention de donner, dans le dlai fix.

    104

  • A NOTIC AlJSTRO-HON'GROISi: A LA S IC R B ! E . LE CHOC DIPLOMATIQUK

    LA FOULK DEVANT LA CAISSE D'EPARGNE DE BERLIN

    c'est--dire demain samedi, six heures du soir,une rponse l'Autriche, indiquant les pointsaccepts et inacceptables. On adressera, au-jourd'hui mme, aux puissances, la prire dedfendre l'indpendance de la Serbie. Ensuite,ajoute M. Patchich, si la guerre est invitable,nous ferons la guerre.

    Sur cette indication, la Russie prcise sa

    propre attitude par un communiqu officiel ;

    Les derniers vnements et l'envoi, par l'Au-triche-Hongrie, d'un ultimatum la Serbie,proccupent le gouvernement imprial au plushaut degr. Le gouvernement imprial suit

    attentivement l'volution du conflit serbo-autrichien, qui ne peut pas laisser la Russie

    indiffrente (25 juillet).

    M. Sazonoff est un esprit pondr, prcis,raliste. On ne peut lui attribuer ni parti prisdangereux, ni ambitions tmraires. Il a larserve insinuante des diplomates russes. Rece-

    vant l'ambassadeur d'Allemagne, il le prie de

    signaler son gouvernement le danger de lasituation ; il s'abstient de faire allusion auxmesures que la Russie pourrait tre amene prendre, si la Serbie tait menace dans sonindpendance nationale ou dans l'intgrit deson territoire. L'ambassadeur d'Allemagne sedrobe, rpond vasivement

    ;puis, il parle

    haut, rcrimine.

    M. Sazonoff a une mauvaise impression.Il n'en tient que davantage rester matre delui-mme : J'estime, dit-il au charg d'affairesde France, que, si le gouvernement austro-hongrois passait l'action contre la Serbie,

    nous ne devrions pas rompre les ngo-ciations. M

    On voit natre dans les entretiens de M. Sazo-noff et des reprsentants de l'Autriche-Hongriet de l'Allemagne, le premier conflit diploma-tique qui devait largir le dbat jusqu' letransformer en guerre europenne.

    Le compte rendu de ces entretiens est d'un

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE I914

    ton plus mont dans les dpches des ambas-sadeurs que dans le rcit -du ministre russe. D'aprs le Livre rouge austro-hongrois, M. Sa-zonoff, aprs avoir cout l'expos que lui faitle comte Szapary des attentats et des respon-

    sabilits serbes, interrompt et demande s'ilest prouv queces attentats aient

    leur origine Bel-grade. ))

    L'ambassadeuirpond qu'ils sontune manation desprovocations ser-bes... )) Ensomme, dit le mi-nistre russe, vous

    voulez faire laguerre la Serbie...Quelle existencevous allez prparer l'Europe !

    Il coute trspatiemment lelong commen-taire autri-chien (i) soulignant

    parfois quelquesdtails d'un mot

    ;

    et, soudain, cecoup droit :

    Vous nousapportez un dos-sier, laissez -nous

    le temps de l'tu-dier. Sinon, pour-quoi saisir les puissances ? L'ambassa-deur est embarrass : Nous four-nissons ces renseignements aux puissancesdans le cas o cela les intresserait (2).Et le ministre : En prsence de l'ulti-

    |i| Voir le mmoire complet avec les Annexes dans leLivre rouge austro-hongrois (n" 19).

    (2) Le comte Berchtold avait dit, dans son instruction l'ambassadeur : La communication n'a que le caractred'une information qui, selon moi, est un devoir de cour-toisie internationale. (Livre rouge.

    \

    M. JULESAMBASSADEUR DK K

    matum, il ne s'agit plus de curiosit! Ilajoute : Vous crez une situation grave. Mais, de l'aveu de l'ambassadeur, il ne sedpartit pas un instant de son calme, ilgarde l'attitude d'un adversaire se refusant entrer dans nos vues! {Livre rouge austro-

    hongrois.)Et, voici, main-

    tenant, commentles choses appa-raissent l'am-bassadeur d'Alle-magne : un conseildesm inist res russesa eu lieu dans lajourne et ce sontles dcisions de ceconseil, que le mi-nistre lui fait con-

    natre :

    La Russie de-mande l'Autrichede laisser aux puis-sances le tempsd'tudier le dos-

    sier qu'elle leur a

    communiqu . Leministre dclarequ' aucun prixla Russie n'admet-trait avec indiff-

    rence l'intention

    ventuelle de l'Au-triche-Hongrie de dvorer la Ser-bie .

    L'ambassadeur . - Mais l'Autriche n'a nul-lement cette intention. Elle se bornera, sans

    doute, infliger la Serbie le chtimentmrit.

    Le ministre. Quand elle aura agi, secontentera-t-elle de ce rsultat ? c'est douteux!

    Toute la question est l, en effet...

    Une rvlation plus tardive manant deM. Salandra, prsident du conseil italien,nous met en prsence des vritables sentiments

    CAMBONRANGE A BERLIN

    lOt)

  • LA NOTE AUSTRO-HONGROISE A LA SERBIE. LE CHOC DIPLOMATIQUE

    LA FOULE DEVANT LA CAISSE D'EPARGNE DE PARIS

    de l'Autriche-Hongrie sur ce point et prouve

    qu'elle avait, en dpit des affirmations de son

    ambassadeur, comme arrire-pense, un plande subordination et de conqute de laSerbie (i).

    Tout le reste n'est que protestation vaine

    et faux semblant. On essayait de tromper laRussie et les puissances, quand les ambassa-deurs germaniques Saint-Ptersbourg, quandle comte Berchtold, lui-mme, affirmaient quel'Autriche-Hongrie ne se proposait aucune

    acquisition territoriale, mais seulement lemaintien du statu quo.

    M. Sazonoff avait, d'ailleurs, une pierre de

    touche : Si l'Autriche et l'Allemagne taientrellement dans l'intention d'aboutir unaccord avec les puissances, si elles avaientle dsir d'viter la guerre, elles n'avaient qu'se prter une ngociation loyale. C'est pour-

    (i) Voir ci-dessous le texte les dclaialions de M. Sa-landra.

    quoi le ministre russe terminait l'entretiendu 24 juillet, en adjurant l'Allemagne de bienvouloir travailler, de concert avec la Russie,au maintien de la paix...

    On tournait dans un cercle : l'ambas-sadeur rpte que l'Empire allemand sou-tiendra intgralement, cela va sans dire,les intrts de son allie . {Livre rouge austro-hongrois.)Chose remarquable, Londres, on tenait

    un langage sensiblement diffrent : on esp-rait encore dterminer l'Angleterre ne passe mler au conflit. Le comte Berclitold tl-graphiait, le 24, son ambassadeur : Ditesbien sir Edw. Grey, dans la plus stricte con-fidence, qu'il ne s'agit pas d'un ultimatum, maisd'une dmarche avec limitation de temps; sielle n'aboutit pas, elle sera suivie d'une rup-ture des relations diplomatiques, avec commen-cement des prparatifs militaires ncessaires...

    C'tait presque le dlai accord demi-voix.

    107

  • LA FOULE ACCLAME UN RGIMENT D'IRISH (

  • rfMf-

    HDS DEFILANT DANS LES RUES DE LONDRES

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE 1914

    et ces protestations produisaient leur effet, d'affaires un rendez-vous la fin de l'aprs-

    puisqu'elles contribuaient entretenir les hsi- midi, c'est--dire au moment o l'ultimatum

    tations de l'Angleterre. viendra chance. M. Broniewski passe une

    La journe du 25 va dcider de tout, car, note crite. Il insiste vivement sur la ncessitc'est le soir, six heures, que la Serbie doit faire de prolonger le dlai accord la Serbie, si on

    connatre sa rponse la note austro-hongroise. n'a pas en vue de crer une grande crise. Il voit

    Aura-t-on obtenu le dlai rclam par les le ministre allemand l'heure fixe. Celui-cilui oppose quetoutes ces dmar-ches sont trop tar

    dives. M. Bro-niewski insiste, denouveau, en disant

    que, si le dlai ne

    peut tre prolong,les mesures d'ex-cution peuvent, dumoins, tre retar-des. Les termesde la note sont denature blesser laSerbie et lapousser laguerre

    .

    Il ne s'agit pas

    d'une guerre ,rpond le ministre,mais d'une ex-cution dans uneaffaire locale .

    Mais le confhtpourrait s'tendre

    l'Europe. Croyez-vous ? dit

    le ministre. Pour

    moi, je me refuse

    y croire. On com-prend que le charg d'affaires russe sorte de cetentretien avec une impression trs pessi-

    miste.

    La Russie ne russit pas davantage Vienne.Le comte Berchtold est parti pour Ischl sans

    attendre de recevoir l'importante communi-cation que le charg d'affaires russe a ordre delui faire. Le baron Macchio reoit celui-ci. L'accueil est glacial. Le diplomate russeinsiste pour obtenir la prorogation du dlai. Il

    puissances, au cas

    o, comme il est

    facile de le prvoir,

    la Serbie ne donne-

    rait pas des mains,

    sans restriction au-

    cune, l'ulti-

    matum austro-hongrois ?...

    Dans la matine,

    le charg d'affairesd'Angleterre, ex-

    cutant le projetsur lequel l'accord

    s'est fait, entre

    sir Edw Grey etM. Cambon, voitM. de Jagow et luidemande si l'Alle-magne voudrait sejoindre l'Angle-terre, la France

    et l'Italie pourintervenir auprsde l'Autriche et dela Russie, afind'empcherun con-flit, et, en premierlieu, pour deman-der Vienne une prolongation du dlai imparti la Serbie par l'ultimatum.M. de Jagow rpond qu'il ne croit pas que

    cette demande soit accueilHe et que, d'ail-leurs, le comte Berchtold est Ischl... Voilde quoi dcourager les bonnes intentions.Le charg d'affaires de Russie demande un

    entretien M. de Jagow; il va, par ordre de songouvernement, formuler une demande ana-logue. Que fait M. de Jagow? Il fixe au charg

    SIR EDWARD GREYMINISTHE DKS AFFAIRES TIiANGKRKS Ii'aNGI.ETKHRE

    I 10

  • LA NOTE AUSTRO-HONGROISE A LA SERBIE. LE CHOC DIPLOMATIQUE

    S. E. M. ISWOLSKYAMBASSADEUR DK RUSSIE A PARIS

    fait observer que, donner juger un litigesans laisser le temps d'tudier le dossier,est contraire la courtoisie internationale.Le baron Macchio rpond brutalement :!( Parfois, l'intrt dispense d'tre cour-

    tois ! ))

    Le comte Berchtold confirme par un tl-gramme son ambassadeur Saint-Pters-bourg : Notre note adresse aux puissances nes'tait nullement propos le but d'invitercelles-ci faire connatre leur opinion. Nous

    considrons notre action comme une affaire neconcernant que nous et la Serbie.

    M. Dumaine tlgraphie Paris : Legouvernement autrichien est rsolu infhger la Serbie une humiliation : il n'acceptera

    l'intervention d'aucune puissance, jusqu' ceque le coup ait t port et reu en pleine

    face par la Serbie.

    RPONSE D'ailleurs, la journeDE LA SERBJE s'est coule. La Serbie afait connatre aux puissances amies le sensde sa rponse; six heures du soir, elle l'aremise au ministre d'Autriche-Hongrie.

    Le gouvernement serbe protestait qu'ilne pouvait tre rendu responsable de mani-festations d'un caractre priv, articles dejournaux, agissements des socits, etc. ; iltait prt collaborer la rpression ducrime de Sarajevo et agir contre les per-sonnes sur lesquelles des communications luiseraient faites. Il se dclarait dispos insrer, au Journal officiel, une note condam-nant toute propagande; il dsapprouvait etrpudiait toute immixtion dans le gouver-nement de l'empire voisin. Enfin, il s'engageait:

    I" A introduire dans la premire convocation rgu-lire de la Skoupchtina une disposition dans la loi de

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA G U i: R R E DE I^

    la presse, par laquelle sera punie de la manire la plus.svre la provocation la haine et au mpris de laMonarchie austro-hongroise, ainsi que contre toutepublication dont la tendance gnrale serait dirige

    contre l'intgrit territoriale de l'Autrichc-Hongrie.

    Il se charge, lors dela rvision de la Cons-titution, qui est pro-

    chaine, de faire intro-duire, dans l'article 22de la Constitution, unamendement de tellesorte que les publica-tions ci-dessus puis-

    sent tre confisques,ce qui, actuellement,

    axiiC termes catgori-ques de l'article 22 dela Constitution, est

    impossible.

    2Le Gouvernementne possde aucunepreuve et la Note duGouvernement imp-rial et royal ne lui

    en fournit non plus

    aucune que la SocitNarodna Odbrana etles autres socits si-

    milaires aient commis,jusqu' ce jour, quel-que acte criminel dece genre par le fait d'unde leurs membres.Nanmoins, le Gou-vernement royal ac-ceptera la demande duGouvernement imp-rial et royal et dissou-

    dra la Socit NarodnaOdbrana et toute autresocit qui agirait con-tre l'Au riche-Hongrie.

    3" Le Gouvernement royal serbe s'engage liminersans dlai de l'instruction publique en Serbie tout cequi sert ou pourrait servir fomenter la propagandecontre l'Autriche-Hongrie, quand le Gouvernementimprial et royal lui fournira des faits et des preuvesde cette propagande.

    4" Le Gouvernement royal accepte, du moins, d'loi-gner du service militaire ceux dont l'enqute Judiciaireaura prouv qu'ils sont coupables d'actes dirigs contrel'intgrit du territoire de la Monarchie austro-hon-groise; il attend que le Gouvernement imprial et royallui communique ultrieurement les noms et les faitsde ces officiers et fonctionnaires, aux fins de la proc-dure qui doit s'ensuivre.

    3" Le Gouvernement royal doit avouer qu'il ne se

    S. E. LE BARON DE SCHNAMBASSADEUR d'aLLEMAGNE A PARIS

    rend pas clairement compte du sens et de la portede la demande du Gouvernement imprial et roxaitendant ce que la Serbie s'engage acceptersur son territoire la collaboration des organes duGouvernement imprial et royal.

    Mais il dclare qu'iladmettra toute colla-boration qui rpon-drait aux principes dudroit international et la procdure crimi-nelle, ainsi qu'auxbons rapports de voi-sinage. >

    6" Le Gouverne-ment royal, cela va desoi, considre de sondevoir d'ouvrir uneenqute contre tousceux qui sont ouqui

    ,ventuellement,

    auraient t mls aucomplot du 15/28 juinet qui se trouveraient

    sur le territoire duroyaume. Quant laparticipation cette

    enqute des agentsdesautorits austro- hon-groises qui seraient

    dlgus cet effet parle Gouvernement im-prial et royal, le Gou-vernement royal ne

    peut pas l'accepter, car

    ce serait une violation

    de la Constitution et

    de la loi sur la pro-

    cdure criminelle. Ce-pendant, dans des casconcrets, des com-munications sur lesrsultats de l'instruc-

    tion en question pourraient tre donnes aux organesaustro-hongrois.

    7 Le Gouvernement royal a fait procder, ds le soirmme de la remise de la note, l'arrestation du com-mandant Voija Tankositch. Quant Milan Cigano-vitch, qui est 'sujet de la Monarchie austro-hongroiseet qui, jusqu'au 15/28 juin, tait employ (comme aspi-rant) la direction des chemins de fer, il n'a pas puencore tre joint. Le Gouvernement imprial et royal estpri de vouloir bien, dans la forme accoutume, faireconnatre le plus tt possible les prsomptions deculpabilit, ainsi que les preuves ventuelles de culpa-bi'it qui ont t recueillies jusqu' ce jour parl'enqute Sarajevo, aux fins d'enqutes ultrieures.

    8 Le Gouvernement serbe renforcera et tendra les

  • LA NOTE AUSTRO-HONGROISE A LA SERBIE. LE CHOC DIPLOMATIQUE

    mesures prises pour empcher le trafic illicite d'armeset d'explosifs travers la frontire. Il va de soi qu'ilordonnera tout de suite une enqute et punira svre-ment les fonctionnaires des frontires sur la ligne

    ont manqu leur devoir etSchabac-Loznica, quilaiss passer les au-

    teurs du crime de Sa-rajevo.

    9 Le Gouverne-ment royal donneravolontiers des expli-cations sur les proposque ces fonctionnai-res, tant en Serbiequ' l'tranger, onttenus aprs l'attentatdans des interviewset qui, d'aprs l'affir-mation du Gouverne-ment imprial etroyal, ont t hostiles

    la Monarchie, dsque le Gouvernementimprial et royal luiaura communiqu lespassages en question

    de ces propos, et dsqu'il aura dmontrque les propos em-ploys ont en effet ttenus par lesdits fonc-

    tionnaires, propos ausujet desquels le Gou-vernement royal lui-mme aura soin derecueillir des preuves

    et convictions.

    10 Le Gouverne-ment roval informe leGouvernement imp-rial et royal de l'ex-cution des mesurescomprises dans lespoints prcdents entant que cela n'a past dj fait par laprsentenote. Aussittque chaque mesureaura t ordonne etexcute, dans le casoii le Gouvernementimprial et royal ne serait pas satisfait de cette

    rponse, le Gouvernement royal serbe, considrant

    qu'il est de l'intrt commun de ne pas prcipiter la

    solution de cette question, est prt, comme toujours, accepter une entente pacifique, en remettant cette

    question soit la dcision du Tribunal interna-tional de La Haye, soit aux grandes Puissances qui ont

    LE MAJOR TANKOSITSCHDONT l'aITRICHF, DKMANDi l'kXTRADITION AU MOMKNT

    DE I^'aFKAIRE de SARAJEVO

    pris part l'laboration de la dclaration que le Gou-verment serbe a faite le i8/3i mars igciQ.

    Le bruit avait couru un instant Berlin,dans l'aprs-midi du 25, que la Serbie se sou-

    mettait sans con-ditions aux exi-

    gences autrichien-

    nes. On avouaitqu'on avait craint

    que la Serbie n'ac-ceptt en bloc l'ul-

    timatum, quitte discuter les dtails

    de l'application.Dj les manifes-tations belliqueu-

    ses se produisaient

    dans la ville.Mais les rserves

    de la Serbie, simodestes et si limi-te 5 fussent-elles,

    rassuraient ceux

    qui avaient pu ap-prhender un ar-rangement. Ces r-

    serves, en somme,

    se bornaient unseul point : le gou-

    vernement serbe

    demandait (pa-ragr. 5) que, quant

    la participation,

    dans l'enqute, desfonctionnaires au-

    trichiens, on lui

    expliqut com-ment elle s'exer-cerait ; il dclarait

    ne pouvoir accep-ter que celle qui rpondrait aux principesdu droit international et la procdure crimi-nelle, ainsi qu'aux bons rapports de voisinage !

    Par cette restriction, le gouvernement serbecherchait se prmunir contre une ingrencequi menaait son indpendance et pouvait

    II

  • HISTOIRE ILLUSTRE DE LA GUERRE DE 1914

    tourner une sorte de protectorat. A Vienne,on ne cachait pas que l'on entendait ramener

    la Serbie une subordination analogue

    celle qu'elle avait connue aux temps du roiMilan.

    La Serbie discute, cela suffit. Le ministred'Autriche Bel-grade, prenant peine le temps de

    lire la rponseserbe, informe, par

    note date de6 h. 20, le gouver-

    nement royal que,

    n'ayant pas reu,

    au dlai fix, une

    rponse satisfai-sante, il quitte Bel-

    grade -par le train

    de 6 heures 3o, se-lon les instructions

    qu'il a reuesd'avance, avec tout

    le personnel de laLgation (i).Le gouverne-

    ment serbe informela Russie et lespuissances. Ildonne l'ordre demobilisation gn-rale. La Skoupch-tina est convo- L'ARCHIDUC FREDERIC

    GNRALISSIME DES ARMES AUSTRO-HONGROISES(1) Quelques jours

    aprs (28 juillet) le gou-vernement austro-hongrois donna la presse' un communi-qu indiquant les raisons pour lesquelles la rponse serben'avait pas paru satisfaisante : la note serbe manque desincrit; elle n'admet pas la participation des organesaustro-hongrois la poursuite, en Serbie, des auteurs del'attentat; les rclamations austro-hongroises relatives lapresse et au travail des associations, mme aprs leur disso-lution, n'ont pas reu satisfaction : Ces revendicationsconstituant le minimum ncessaire au rtablissement ducalme permanent dans le sud-est de la monarchie, larponse serbe est considre comme insuffisante. Le gou-vernement serbe en a conscience, d'ailleurs, puisqu'ilenvisage le rglement du conflit par voie d'arbitrage et quele jour o cette rponse devait tre remise et avant cetteremise, il avait ordonn la mobilisation.

    que Nisch pour le 27 juillet. Le gou-vernement serbe et le corps diplomatiquepartent, le soir mme, pour Kragouje-vatz.

    Les nouvelles les plus alarmantes sont

    expdies, de Vienne, la presse universelle : ;.'/ juillet. Les ordonnances impriales

    soumettent les ci-

    vils la justicemilitaire, suspen-

    dent la libert per-

    sonnelle, le droit

    d'association, l'in-

    violabilit du do-micile, le secret

    des lettres, la li-

    bert de la presse,le fonctionnementdu jury. Elles res-treignent la dli-

    vrance et l'usage

    des passeports,l'emploi du tl-graphe, du tl-phone et des pi-geons voyageurs.

    Sont closes lesDites de Dalma-ti