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Comment les prothèses amovibles partielles peuvent-elles faciliter l’exploita- tion d’implants ? Inversement, pour quelles situations les implants facilitent-ils l’exploitation de prothèses amovibles partielles ? Comment les selles disjointes peuvent-elles répondre aux dépressibilités variables des différents supports, implan- taires, dentaires et muqueux ? Comment utiliser le logiciel stelligraphe pour faciliter l’établissement des tracés de châssis ? 383 Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5 S i les traitements des édentations ont trouvé avec les implants des solutions se rapprochant au plus près de la denture naturelle originelle, il n’en demeure pas moins que certaines difficul- tés anatomiques et les coûts restent un obstacle patent à de telles réalisations prothétiques. L’obstacle anatomique qui empêche la mise en place d’implants en remplacement des dents postérieures à l’arcade mandibulaire (ou maxillaire) conduit, soit à la réalisation de bridges comportant des dents en extension avec tous les risques mécaniques exercés sur les piliers implantaires antérieurs ou terminaux (1) (3), soit à des prothèses ne comportant pas ces dernières molaires, Implants et prothèse amovible, apport des châssis à selles disjointes Clinique Laboratoire G. JOURDA, chirurgien-dentiste

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Page 1: Implants et prothèse amovible,apportdes châssis à ......Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n 5 387 Clinique Laboratoire Fig 3 (a à h) aSituation initiale d’édentement

Comment les prothèses amoviblespartielles peuvent-elles faciliter l’exploita-tion d’implants ? Inversement, pourquelles situations les implants facilitent-ilsl’exploitation de prothèses amoviblespartielles ? Comment les selles disjointespeuvent-elles répondre aux dépressibilitésvariables des différents supports, implan-taires, dentaires et muqueux ? Commentutiliser le logiciel stelligraphe pour faciliterl’établissement des tracés de châssis ?

383Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5

Si les traitements des édentations ont trouvéavec les implants des solutions se rapprochantau plus près de la denture naturelle originelle, iln’en demeure pas moins que certaines difficul-tés anatomiques et les coûts restent un

obstacle patent à de telles réalisations prothétiques.L’obstacle anatomique qui empêche la mise en placed’implants en remplacement des dents postérieures àl’arcade mandibulaire (ou maxillaire) conduit, soit à laréalisation de bridges comportant des dents en extensionavec tous les risques mécaniques exercés sur les piliersimplantaires antérieurs ou terminaux (1) (3), soit à desprothèses ne comportant pas ces dernières molaires,

Implants et prothèseamovible, apport deschâssis à selles disjointes

Clinique Laboratoire

G. JOURDA, chirurgien-dentiste

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Châssis à selles disjointes - G. Jourda

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5384

avec alors l’absence de calage postérieur (2). Deplus, dans les cas de forte résorption, l’espacesitué entre les tissus muqueux et la limite de laprothèse crée une perturbation fonctionnelle enmastication et en phonation ainsi qu’un déficitesthétique pour le maxillaire.Peut-on, dans de tels cas, affirmer que la réalisa-tion prothétique satisfait aux règles de l’équilibreocclusal ?Par ailleurs, des problèmes surviennent lorsqueles obstacles anatomiques s’opposent à la miseen place des implants, sauf à réaliser des étapeschirurgicales supplémentaires (élévation du plan-cher sinusien, comblement de sinus, greffes,déplacement du nerf dentaire… ). Dans de nombreux cas, l’indication implantairetrouve ainsi ses limites. Doit-elle alors être totale-ment rejetée pour en venir à une réalisationprothétique de type prothèse partielle amovibleou prothèse totale amovible ? Ce n’est pas notre opinion car l’apport de piliersimplantaires se révèle parfaitement compatibleavec la prothèse amovible partielle ou totale, à laseule condition de respecter les impératifs méca-niques générés par la double nature des appuis (implant et muqueuse) ou la triple nature desappuis : dents, implants et muqueuse.Dans les cas où il est impossible de placer desimplants en position distale, l’analyse conduitdonc aux options suivantes :- soit, respecter la contre-indication et rejeter lasolution implantaire,- soit, s’engager dans une étape chirurgicale pré-implantaire avec les difficultés qui peuvent y êtreassociées,- soit, réaliser une prothèse qui ne va pas satis-faire globalement aux conditions occlusales,mécaniques et fonctionnelles.Il reste donc à envisager les implants comme despiliers utilisables au même titre que des piliersdentaires associés à une prothèse amovible.

PROTHESE AMOVIBLE SUR IMPLANTSBien que la philosophie implantaire conduisenaturellement à la notion de prothèse fixée, ilsemble pourtant inacceptable de ne pas profiterde l’apport des implants pour aménager et

améliorer la situation buccale initiale d’un patientédenté en associant implants et prothèseamovible totale ou partielle.

IMPLANTS ET PROTHÈSE COMPLÈTEPlusieurs solutions peuvent être proposées :• La proposition faisant appel à deux implantssymphysaires sur lesquels est fixée une barreassurant la rétention de la prothèse totale par descavaliers constitue une solution relativementsatisfaisante en ce qui concerne la rétention,mais discutable en ce qui concerne l’équilibreglobal. En effet, un tel système induit une rota-tion autour de la barre (4), créant ainsi unedifficulté mécanique et fonctionnelle. • De même, les systèmes dans lesquels la réten-tion est assurée par deux boutons-pressiondeviennent très rapidement instables, avec unedésinsertion au niveau de l’un ou des deuxboutons-pression. • Les systèmes ayant recours à des aimantssembleraient plus satisfaisants car plus tolérants.Toutefois, il faut bien avoir à l’esprit qu’un aimant,mécaniquement, constitue une force de tractionconstante, donc une force nocive au niveau destissus de soutien de l’implant.• Les systèmes prothétiques utilisant 3 ou 4implants (5, 6), réunis par une barre et une fixa-tion rigide, ne sont qu’apparemment plussatisfaisants. En effet, dans cette conception, onse trouve face à une prothèse rigide et l’absencede disjonction est à l’origine de forces de tractionsur les piliers lors de la mastication.

Que peut-on alors envisager ?Dans la mesure où nous ne pouvons envisagerdes bridges fixes sur implants, notre propositionprothétique s’oriente vers une solution associantdes implants sur lesquels sera placée une barrede conjonction fraisée, cette dernière recevantune prothèse amovible. Cette prothèse sera soitrigide, si les implants sont placés de façon à assu-rer un calage occlusal en dehors de touteextension, soit avec des selles disjointes si lesimplants sont placés de telle sorte que le calageocclusal ne peut être assuré de façon directe. Deux cas cliniques illustrent cette proposition (fig 1 et 2).

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Fig. 1 (a à f) a 10 implants ont été placés chez unepatiente édentée complète. Ils sont bienrépartis sur l’arcade et permettraient laréalisation d’un bridge vissé de 14éléments. Après analyse, la décisionprothétique s’est portée sur une prothèseamovible sur barre fraisée qui améliore lespossibilités d’entretien (accès facilité auxembrasures), ainsi que pour des raisonsesthétiques (fermeture des espaces entreprothèse et muqueuse) et fonctionnelles(réalisation d’un joint périphérique qui éviteles passages préjudiciables lors de lamastication ainsi que lors de la phonation). b Une barre fraisée est vissée sur lesimplants.c et d Schéma Stelligraphe® des implantsen place et visualisation graphique de labarre fraisée. e Prothèse amovible complète à châssismétallique adaptée sur la barre fraisée. La rétention est obtenue par la frictiondonnée par le fraisage. f Prothèse en bouche.

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Châssis à selles disjointes - G. Jourda

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Fig 2 (a à h)a Cinq implants mandibulaires sont placés dans lazone antérieure. b La barre fraisée est fixée sur les 5 implants. c Châssis métallique à selles disjointes. d Prothèse polymérisée en respectant les règlesclassiques (empreinte tertiaire). e, f et g Visualisation graphique sur Stelligraphe® desdifférentes situations. h Prothèses en bouche. Le calage postérieur est réta-bli sur des prothèses de 14 dents. La fonction amortieà la mandibule diminue très largement les contraintestransmises aux implants. La barre fraisée assure stabi-lisation et rétention. Le cahier des charges en matièreesthétique, fonctionnelle et phonétique est respectéaisément par ce système prothétique qui assure, deplus, un pronostic très favorable.

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Fig 3 (a à h)a Situation initiale d’édentement bilatéralpostérieur de grande étendue. Un implant étaiten place de 12. Il s’est fracturé (défaut deconception biomécanique de la prothèse) et adu être enfoui. La patiente présente desusures pathologiques qui montrent toute lacomplexité de ce cas. b Prothèse existante. c Situation clinique après mise en place de 2 implants en position stratégique de 14 et 15. d et e Visualisation graphique des situationsprothétiques des deux situations décrites etdes prothèses existantes ou envisagées.

f Prothèses fixes sur la dent limitant l’édentement (avec logement de l’appui mésial) et sur les piliers implantaires. g Châssis à selles disjointes. h Prothèse composite terminée sur modèle. La mise en place de deux implants en position des dents 14 et 15permet de retrouver deux éléments d’appui dans la zone édentée la plus étendue. Le choix du concept avec sellesà appuis disjoints autorise le triple appui, dents, implants, muqueuse.

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IMPLANTS ET PROTHÈSE PARTIELLEEn prothèse amovible partielle, chaqueimplant doit être considéré comme un pilierstratégique. C’est la raison de son place-ment. Par ailleurs, la dualité biomécaniquebien connue entre les piliers dentaires et lespiliers implantaires, se complique ici de laprise en compte de la dépressibilité de lasurface d’appui muqueuse. La difficulté liéeà l’association d’éléments aussi différenciésnous a conduit, encore une fois, à faire appelà des selles disjointes pour ménager lesdifférents supports.

Châssis à selles disjointes - G. Jourda

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5388

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Fig 4 (a à h)a Situation initiale. 38 et 48 sont àextraire et deux couronnes métallo-céramiques sont à réaliser sur lesincisives latérales. b Quatre implants ont été placés enplace des canines et premières prémo-laires. La résorption très importante auniveau des secondes prémolaires etdes molaires ne permet pas d’y mettredes implants. c Une prothèse composite est élaborée,comprenant quatre couronnes métallo-céramiques servant de supports à unchâssis métallique à selles disjointes. d, e, f et g Visualisation graphique parle logiciel Stelligraphe® des situationsdécrites.

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Trois cas cliniques permettent d’illus-trer cette proposition (fig. 3, 4 et 5).Le logiciel Stelligraphe® peut se définircomme un logiciel de visualisationgraphique de la prothèse. Sachant quepour une arcade de 16 dents il existe65536 possibilités d’édentements, lerecours à un logiciel permet de regrou-per tous les cas par analogie. De plus,pour un édentement défini on peutsouvent envisager plusieurs solutionsprothétiques. Ce système expertpermet, par ses menus très complets,de simuler toutes les solutions prothé-tiques : prothèse fixée, prothèse

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Fig 5 (a à g) a, b et c Cette patiente présentait un bilanclinique assez sévère, seules les 12 et 13pouvant être conservées au maxillaire. Lamise en place de 4 implants en situationde 11, 21, 22 et 23 permet la reconstitu-tion d’un bloc antérieur de 6 piliers.d Visualisation graphique de la situationclinique

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Châssis à selles disjointes - G. Jourda

Stratégie prothétique novembre 2002 • vol 2, n° 5390

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e Prothèse composite faisant appel àdes prothèses fixées métallo-céra-miques, fraisées, supra-implantairesen place de 11, 21, 22 et 23 et à unchâssis à selles disjointes. f Visualisation graphique de la situa-tion prothétique. g Prothèses terminées sur le modèlede travail. L’esthétique est préservéepar la non visibilité des fraisages etappuis.

partielle amovible, prothèsecomposite, prothèse à attache-ments, fraisages, prothèses surimplants. Les devis sont automati-quement fournis pour chaquesolution schématisée ce qui favori-se la communication avec lespatients pour l’établissement desplans de traitement. Bien entendu,l’ensemble des données est archi-vable et fait partie des impératifsde la traçabilité.

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CONCLUSIONLes cas cliniques présentés montrent que la miseen place d’ implants dans des positions straté-giques permet de transformer un casd’édentation complexe, car déséquilibré, en uncas beaucoup plus simple à traiter.Le seul impératif est celui de respecter lesdonnées mécaniques classiques, à savoir que lesdents, les implants et les tissus ostéo-muqueuxont des comportements très différents sous lescontraintes des forces de mastication.La dissociation entre les prothèses fixes (à appuisdentaires ou implantaires) qui constituent lesystème rétentif et les selles en appui muqueux,est un moyen qui permet de mieux adapter lesforces qui s’exercent sur les prothèses. Leur

pérennité en est améliorée. L’utilisation duconcept de la prothèse à appuis disjoints permetde solutionner le problème en toute sécurité.L’apport de la conception assistée par ordinateur(Stelligraphe®) facilite la visualisation graphiqueen temps réel de la prothèse y compris le tracédu châssis ainsi que l’étude prothétique dechaque cas. L’utilisation de piliers implantaires,en association avec des piliers dentaires, nousparaît être une avancée majeure, tant vers uneextension des indications de mise en place desimplants que par le service rendu à nos patients.

L’ensemble des prothèses a été réalisé au laboratoire Pfeffer à Dardilly (69) que nousremercions.

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Clinique Laboratoire

1. Blanc J, Blum JY, Isnard L. Prothèses totalesamovibles de recouvrement sur implants. Cah.prothèse 117 : 27-34, 2002.

2. Gaillard J, Jourda G. La prothèse à appuis disjoints.Le Cosmogone Edit. Lyon, 1998.

3 . Jourda G. Le dossier prothèse du patient : assurancetraçabilité. Chirurgien Dent. Fr. 1082 : 236-239, 2002.

4. Lavigne J, Pierre P. Implantologie et prothèse

amovible. Aspects théoriques Cah. prothèse 94 :75-85, 1996.

5 . Lavigne J, Pierre P. Implantologie et prothèseamovible Un nouveau concept de liaison implant-prothèse. Cah. prothèse 94 : 89-99, 1996.

6. Lavigne J, Pierre P. Utilisation des implants enprothèse amovible partielle. Implants 3 :195-204,1997.

Adresse de l’auteur :G. JOURDA, 12 place Gutenberg 69300 Caluire

BIBLIOGRAPHIE

GLOSSAIRE A rt i f i c i e l : produit par une activité humaine ; par opposition ou substitut à une production naturelle.A rt i s a n : personne qui exerce une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation deservices, à l’exclusion de l’agriculture et de la pêche. Bandeau lingual : élément de prothèse amovible constitué par une bandede métal ou de résine qui recouvre la partie cingulaire, le collet lingual et lagencive attachée des dents.R é s i l i e n c e : 1- En physique : rapport de l’énergie cinétique absorbée n é c e s-saire pour provoquer la rupture d’un métal, à la surface de la section b r i s é e(s’exprime en joules/cm2 et caractérise la résistance aux chocs). 2 - Terme impropre, non adapté à l’odontologie.R é s o r p t i o n : disparition progressive, physiologique ou pathologique d’unorgane ou d’un tissu.

CE QU’IL FAUT RETENIR

• Il existe des situations anato-miques qui limitent les possi-bilités de mise en place desimplants

• En cas d’édentement posté-rieur sans possibilité implantai-re, la PAP peut répondre à las i t u a t i o n

• Les châssis à selles disjointespeuvent être proposés dans lessituations favorables