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  • 8/3/2019 Jean Darrouzs. Trois documents de la controverse grco-armnienne. Revue des tudes byzantines, tome 48, 199

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    Jean Darrouzs

    Trois documents de la controverse grco-armnienneIn: Revue des tudes byzantines, tome 48, 1990. pp. 89-153.

    Rsum

    REB 48 1990 France p. 89-153

    J. Darrouzs, Trois documents de la controverse grco-armnienne. Ces textes indits sont publis avec une traduction

    franaise et une introduction ; ils ne sont pas datables avec prcision cause de leur anonymat. Le premier est une lettre

    patriarcale au catholicos, qui contient une rfutation des erreurs attribues aux Armniens; le second est une profession de foitrinitaire et christologique adresse l'empereur Jean Comnne par un catholicos, sans doute drgoire III; le troisime donne le

    catalogue des usages blmables dont l'glise byzantine exigeait la rforme avant d'accepter la communion avec les Armniens,

    vers les annes 1172-1180.

    Citer ce document / Cite this document :

    Darrouzs Jean. Trois documents de la controverse grco-armnienne. In: Revue des tudes byzantines, tome 48, 1990. pp.

    89-153.

    doi : 10.3406/rebyz.1990.1822

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1990_num_48_1_1822

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rebyz_31http://dx.doi.org/10.3406/rebyz.1990.1822http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1990_num_48_1_1822http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1990_num_48_1_1822http://dx.doi.org/10.3406/rebyz.1990.1822http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rebyz_31
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    TROIS DOCUMENTSDE LA CONTROVERSEGRCO-ARMNIENNE

    Jean DARROUZSUn certain nombre d'opuscules produits par la controverse entreGrecs et Armniens circulent dans les manuscrits grecs ; ils ont entreeux une grande parent, de sorte que l'impression du dj vuprovoque une certaine indiffrence au texte et voile les particularitssusceptibles d'intresser l'histoire. Tant qu'on ne dispose pas d'uninventaire de ces pices et des manuscrits tmoins, les difficults dedatation, d'interprtation et d'identification ne seront pas leves.Ainsi un extrait d'Euthyme Zigabne, ce compilateur qui reproduitpresque toujours des uvres antrieures, a pu passer pour une uvrede Michel Crulaire ; ou bien un discours de Nictas Stthatos dirigcontre les Armniens a t dit comme uvre anti-latine1. Par suitede ces difficults, des textes caractristiques sont rests inexploits oun'ont pas t reconnus comme actes officiels. A dfaut d'unerecherche mthodique sur cette tradition complexe, la publication detrois documents, dont deux sont des actes patriarcaux, contribuera dblayer un peu le terrain et dgager quelques perspectives.L'essentiel tant ici l'dition et la traduction des textes, l'introduc

    tionrsentera d'abord les manuscrits, puis chacun des documents, etdonnera enfin une rcapitulation des thmes de la controverse.I. La tradition manuscrite

    Bien que ces textes soient enregistrs depuis longtemps dans lesdossiers de notre institut, le fait qu'ils sont anonymes empchait deles introduire dans les regestes patriarcaux ; ils pourront figurer sans

    1. Je reviens plus bas sur ce s deux exemples, dont j'ai parl dans HEB 25 , 1967,p. 288-291.Revue des tudes Byzantines 48, 1990, p. 89-153.

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    90 J. DARROUZSdoute dans un petit supplment. Chacun d'eux est attest par desmanuscrits diffrents.Le premier texte se trouve dans le Mosquensis 443 (Vlad. 232), quele catalogue date du 12e sicle. Le contexte de la lettre unpatriarche, qui couvre les f. 151V-158, est vocateur. Le manuscrit estun recueil gnral contre les hrsies, commencer par les formulesd'abjuration du rituel; il s'y ajoute des pices trs rares, comme lalettre de Grgoire de Nice sur le baptme des Juifs ; il y a ensuite destextes contre les Latins (Pierre d'Antioche, Lon de Bulgarie) puis lacollection remonte un peu vers l'Antiquit (Thodore Abucara,Anastase), pour aboutir enfin aux Armniens ; aprs la lettrepatriarcale vient un groupe homogne :

    f. 159M70f. 17-190f. 190M99Invective I contre les Armniens.quatre discours suivis de Nictas Stthatos.tome du pape Lon au concile de Chalcdoine.f. 199v-202v : deux chapitres sur Pierre le Foulon et son discipleSerge.f. 203 (fin mutile) : formule de rintgration des Armniens.Le voisinage le plus proche est aussi le plus significatif, celui de Invective et celui des quatre discours. La premire a pour auteurEuthyme de la Pribleptos, connu aussi pour sa dissertation sur lesPhoundagiagites ; les quatre discours de Nictas Stthatos, auxquels,comme nous verrons, il faut en ajouter un cinquime, sont de dateindtermine, mais peuvent approcher sans doute du milieu du11e sicle, qui est la date de Invective.Le second texte s'intitule expos de la foi compos par uncatholicos armnien pour l'empereur Jean Comnne ; il est connu parun manuscrit unique : Atheniensis B.N 375, f. 234V-237V. Le cataloguee Sakklion le date du 13e sicle, mais M. Richard2 l'estime du14e ou du 15e sicle ; mme si la seconde date est plus proche de lavrit, le manuscrit lui-mme n'apporte pas grand-chose laconnaissance de cette pice. Le texte est suivi d'une note assez longue(dont le dbut est reproduit ici, p. 145), qui contient une critique del'expos armnien et met en doute sa sincrit. Cette note paratancienne et fait cho la note finale du sommaire et son doute sur

    l'authenticit de la profession de foi armnienne. Il est vident queces notes ont pu tre ajoutes par un lecteur tardif, assez loign de ladate de composition que suggre le nom de l'empereur. Cela n'enlverien la valeur de la mention de Jean Comnne, qui devient le seulcritre positif de datation. Il n'y a aucune raison de penser que cenom est venu l par hasard, ou par fraude.2. Article sur les Florilges : Dictionnaire de Spiritualit 5, 1962, p. 485.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 91Le troisime texte se trouve au moins dans trois manuscrits. Deuxsont apparents entre eux : Athos Iviron 381, f. 169-171V; MilanAmbrosianus 682, f. 343v-345. Le troisime est le manuscrit de Ble,Universitas A III G, f. 285-286; il se peut que le Laurentianus V 40contienne le mme texte que le manuscrit de Ble, car les deuxrecueils sont trs proches l'un de l'autre3. Je n'ai pas pu faire lavrification, et celle-ci ne me semble pas indispensable pourl'tablissement du texte. Le titre donn seulement par Iviron etAmbrosianus parat compos simplement d'aprs le dbut de l'exordeo est cit comme destinataire le catholicos (d'Armnie). Encore plusque pour les deux documents prcdents la datation de celui-cidpend essentiellement du contenu.

    II. Une lettre patriarcale au catholicosDe mme que l'appartenance au manuscrit Mosquensis constitue unprjug favorable l'anciennet et l'authenticit de la lettre, le titreet l'exorde portent une marque de son origine. Une lettre officielle nerecevait pas videmment, comme une copie manuscrite, un sommairedvelopp indiquant trs prcisment la suite du dveloppement.Mais la phrase finale de ce sommaire voque clairement l'adresse quise mettait l'extrieur du pli, l'pigraphe (inscriptio)4. Ensuitel'exorde du texte dsigne un patriarche et sans doute un patriarchenouvellement ordonn5 qui s'adresse au catholicos. Ce n'est peut-trepas une concidence insignifiante que la lettre donne aussi au dbut lamme rfrence zchiel qu'une lettre de Photius aux Armniens,quoique cette lettre ne soit pas cite ensuite dans le corps du texte.Un autre document de cette priode, comme on verra, inspire biendavantage tout le dveloppement.Ds le dbut le patriarche indique aussi l'occasion de sa lettre. Il

    3. Cela se vrifie par exemple pour les opuscules de Jean de Kitros et de ConstantinKabasilas : REB 31 , 1973, p. 32 1 ; les deux manuscrits on t aussi mme contenu : lecommentaire de Balsamon avec supplments.4. On peut se reporter la copie d'une lettre de Manuel Comnne au catholicos aveccette mention : , ... ' (( 133, 121 ). Lachancellerie patriarcale avait un modle semblable : REB 27 , 1969, p. 63-64, 106; l'extrieur le pli portait alors la mention .5. L'allusion l'ordination patriarcale peut signifier que le patriarche s'adresse pourla premire fois ce confrre ; c'est le genre de dclaration que l'on trouve frquemmentau dbut d'une lettre : O. Mazal, Die Prooimien der byzantinischen Patriarchenurkunden,ien 1974, p. 67-75. Ici cependant il faut remarquer aussi la dpendance de lardaction par rapport la lettre de Nictas de Byzance : voir note 12 et apparat descitations.

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    92 J. DARROUZSs'agit de rpondre une propagande des hrtiques qui sment lazizanie des gens sont arrivs dans la capitale et font courir le bruitque l d'o ils viennent se rpand une doctrine contraire celle del'glise byzantine6. D'o la ncessit de rpondre ces attaquescontre l'orthodoxie. Mais la ville ou la contre d'o viennent cesnouvelles restent tout fait dans l'ombre.Les deux textes les plus proches de cette lettre dans le manuscritsuggrent la date du 1 sicle. En effet Invective contre lesArmniens est attribue maintenant au moine Euthyme de laPribleptos7, qui a crit contre d'autres hrtiques, les Phoundagiagi-tes, et cela en 1050. L'crit contre les Armniens ne doit pas tre dedate trs loigne. Les discours de Nictas Stthatos contre lesArmniens, qui ne sont pas encore dits et que les historiens de lalittrature ignorent, sont de la mme priode. Le manuscrit deMoscou n'a que les quatre premiers; aucun doute cependant queNictas en ait crit un cinquime, car dans chacun d'eux il annonce lesuivant et il dit justement dans le quatrime : Inanim et mort estl'azyme, sur lequel nous disserterons plus au long dans le discours quiva suivre ceci8. Ce cinquime discours, le seul dit, porterait, si sondbut est authentique, une allusion aux Francs, joints pour la causedes Azymes aux Armniens9. Mais cette addition des Francs paratinterpole, puisqu'il n'y a plus aucune mention des Francs l'intrieur du discours, qui s'adresse nommment aux Armniens(p . 151, 13), et que le discours est dit justement cinquime (p . 139, 1) comme suite des quatre prcdents de Nictas. Si l'allusion auxFrancs tait exacte, on pourrait envisager un rapport avec lacontroverse sur les Azymes contre les Latins. Mais il n'existe aucunindice que les deux controverses aient un point commun dans lacarrire de Nictas et que celui-ci ait eu l'occasion d'tablir unrapport entre Latins (Francs) et Armniens au sujet de l'emploi dupain azyme. Il faut attendre l'dition des discours pour y voir plusclair; je ne crois pas cependant, aprs une lecture rapide, qu'ilscontiennent des indices historiques concrets.Durant cette priode o deux auteurs au moins du ct desByzantins crivirent contre les Armniens, on ne cite qu'une

    6. La lettre de Nerss Manuel fait tat aussi des on-dit qui passent d'un ct l'autre : PG 133, 213C D.7. V. Grumel, Les Invectives du catholicos Isaac, REB 14, 1956, p. 179-186.8. Mosquensis 443, f. 188; les copies sont intitules : , ,etc.9. J. Hergenrther, Monumenla graeca ad Photium ejusque historiam pertinentia,Ratisbonae 1869, p. 139-154. Du fait qu'il n'y a en ralit aucune allusion aux Francs,contre lesquels la controverse s'anime en 1054, le discours pourrait tre antrieur; cen'est qu'une hypothse.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 93circonstance notable o des discussions publiques eurent lieu entre lesdeux parties. Au dire de Matthieu d'desse, sous l'empereur Doucaset le patriarche Jean Xiphilin, eurent lieu des pourparlers entre lesdeux parties qui aboutirent la rdaction d'un formulaire d'unionentre les deux glises10. A ce point, Kakig, rapide comme l'clair,vola Constantinople, dchira le formulaire et pronona un longdiscours pour soutenir le dogme armnien, auquel les Byzantins netrouvaient rien redire (Matthieu dixit). Ce discours offre un grandintrt du fait qu'il atteste l'existence d'une controverse active sur lessujets qu'aborde la lettre patriarcale et qui furent une pierred'achoppement dans toutes les discussions semblables. Un peu plustard, en 1080, une lettre du pape Grgoire11 un vque armnienprononce les mmes griefs : vin eucharistique sans eau, matire duchrme, culte de Dioscore, les conciles, la formule du trisagion,l'azyme. Ds le 11e sicle donc commence ce jeu de balance entre lesglises que les Armniens utilisrent pour maintenir vaille que vailleleur indpendance.D'aprs ces critres extrieurs, la lettre patriarcale au catholicosdate au plus tard du 11e sicle, probablement de la seconde partie.Selon la critique littraire, il serait possible de situer la compositionun peu plus haut, puisque la source principale ou du moins l'auteurdont l'influence est la plus grande est Nictas de Byzance12. Ds ledbut on constate la dpendance, puisque le sommaire des deuxcommence par les mmes mots : . Des paragraphesntiers sont copis mot mot et des citations de textesantrieurs, en particulier de Grgoire de Nazianze, sont empruntes Nictas. La dpendance n'est pas tout de mme absolument servile.La srie des syllogismes qui occupe les nos 8-16 a son pendant chezNictas au 16; mais celui-ci s'appuie sur des notions et desraisonnements d'une philosophie beaucoup plus technique. D'autrepart Nictas, dont le plan est dict par la lettre d'Aschot qu'il doit

    10 . E. Dulaurier, Chronique de Matthieu d'desse (962-1136), Paris 1858, p. 133-135; suit le discours de Kakig, p. 135-150.11 . Ada Romanorum Ponlificum (Fontes, series III, 1.), Roma 1943, p. 790-792;lettre du 6 juin 1080 un archevque dit de Synades ; la lettre se trouve aussi dansMansi 20 , p. 311 (= PL 148, col. 571).12 . " ' : PG 105,537-666 ; c'est une rfutation envoye par ordre de l'empereur et crite au nom dupatriarche. La dcouverte rcente d'une rfutation de la mme lettre d'Aschot parPhotius pose un problme curieux, car l'action des deux auteurs est difficile accorder :B. Laourdas et L.G. Westerink, Photii Epistulae et Amphilochia, III, p. 3 (dernierparagraphe) cf. V. Grumei., Regestes2, nos 540 (ancien 516), 540a. La lettre de Photius,qui commence par la mme citation d'zchiel (3, 17 et 33,6), n'est pas utilise ici aucontraire de celle de Nictas.

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    94 J. DARROUZSrfuter, s'en tient la question dogmatique fondamentale de ladualit des natures. Depuis le 9e sicle la controverse s'est tendue des questions moins classiques, plus nombreuses et plus concrtes, quidpendent des rapports nouveaux entre les populations aprsl'migration des Armniens vers les territoires du Moyen Orient.

    III. Expos du catholicos (Grgoire III) Jean ComnneContrairement au prcdent, ce second texte cite le nom dudestinataire, l'empereur Jean Comnne, d'aprs lequel on peutconclure que le seul catholicos possible comme auteur est GrgoireIII. Bien qu'il n'y ait pas de tmoignage indpendant pour appuyercette information, il n'y a pas non plus de raison pour la rejeter, car iln'est pas rare qu'une correspondance officielle soit reprsente moiti. Ici nous avons une rponse du catholicos, qui avait tsollicite par prostagma imprial ; ailleurs on trouvera la rponseimpriale une lettre inconnue du catholicos13, ou une rponsepatriarcale aux questions de l'archevque Nerss de Lampron14, dontla lettre d'envoi est perdue. Les noms contenus dans les titres ou lessignatures servent de premier indice de datation et d'authenticit.L'ordre imprial qui a provoqu la rdaction de l'expos armnienne se conoit que dans un ensemble, aprs une rencontre ou despourparlers entre les deux parties. Avant d'exprimer sa volont de lamme manire qu' l'gard d'un de ses sujets (par prostagma),

    l'empereur a eu des contacts avec les Armniens de Cilicie et au-del,et les Armniens n'ont pas vit un rapprochement avec lesByzantins. Les historiens n'ont pas gard mmoire de ces relations,que la mort de l'empereur Jean Comnne dut interrompre. Cependantles pourparlers reprirent avec Manuel Comnne sous le mmecatholicos et sous son successeur Nerss norhali. Celui-ci a laissdeux exposs sur la foi armnienne comparables celui-ci15; le textearmnien a t traduit en latin, ce qui permet une certainecomparaison.La premire remarque que suggre la composition est que lecatholicos n'a abord que le problme dogmatique principal, celui desdeux natures dans le Christ. Or les deux lettres de Nersscomprennent deux parties quasiment indpendantes ; la premire est

    13 . F. Dlger, Hegesten, n 1621.14 . V. Grumei., Regestes, 1199.15 . Ces professions de fo i sont cites comme Epistola IV et Epislola VI, d'aprs latraduclion latine : J. Cappelletti, Sandi Nersetis Clajensis armenorum catholici opera,I, Venetiis 1833, p. 173-194, 205-230.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 95la profession de foi principale sur la Trinit et la personne du Christ ;la seconde aborde les questions de rites, d'usages et de traditions quirestent en suspens16. Chacune de ces parties est complte dans songenre, de sorte qu'elles peuvent circuler part. Effectivement l'unedes professions de foi de Nerss a t dtache de sa seconde partie etrutilise comme profession de foi armnienne par un catholicospostrieur, Constantin17, en 1240. Ainsi on pourrait supposer que lalettre de Grgoire avait aussi une composition bipartite et que lapremire seule a t conserve. Ce catholicos n'ignorait pas, non plusque son frre et successeur Nerss, les autres griefs des Byzantins, et ily rpondit peut-tre avant 1165-1166, date de la premire professionde foi {Epistola IV).Lorsque les autorits de Constantinople et l'opinion prirentconnaissance des premires lettres de Nerss, celles-ci furent accueilliesvec joie et une certaine surprise ; les rponses de Manueldclarent qu'il y avait peu de chose redire sur le fond et l'expos nedemandait que de lgres corrections de termes18. L'empereur neparlait videmment que de l'expos principal sur la Trinit et leChrist, de sorte que la rflexion finale que le copiste a ajoute ici lafin du titre reflte exactement l'opinion byzantine de 1166-1170 : Onse demande si ces ides et ces dogmes ont t conus par l'meartificieuse des Armniens. Autrement dit on ne les croyait pascapables d'tre aussi proches de la vrit et on se demandait si cesprofessions de foi taient sincres. L'auteur de la note subsquentedont je reproduis le dbut ne le croyait certainement pas; sans sedonner la peine de rfuter le texte, il puise dans les invectives et leslibelles antrieurs le lot d'accusations et d'injures habituelles19.

    16 . Dans la premire, la profession de foi s'achve la p. 17 9 (Cappelletti) et larfutation commence la p. 180; dans la seconde, l'diteur a mis une division enchapitres et le ch . 2 en huit paragraphes commence la p. 216.17 . Comme profession de foi de Constantin, le texte fut encore prsent par lesArmniens de Lemberg (Lwow) au roi de Pologne Henri IV ; la version latine estpublie par Dom A. Staerk, VV 14, 1907, p. 193-196; cf. R. Devreesse, Ngociationsecclsiastiques armno-byzantines au 13e sicle, Studi bizantini e neoellenici 5, 1939,p. 149-150 n. 1. Il existe une traduction grecque de D. Tsolakids : EA 15, 1895,p. 69-71 ; il ne donne aucune indication sur l'origine de ce texte de la premireprofession de foi de Nerss (Epistola IV).18 . Voir le dbut de la lettre impriale crite par le patriarche Michel : PG 133,224D-225A. Il se trouve que cette lettre, qui est selon le titre impriale et patriarcale,n'est enregistre ni dans les Regesten ni dans les Regestes. V. Grumel (Regestes, n 1 123,Critique) se contente de signaler l'omission dans Regesten, mais n'a pas jug bon del'enregistrer lui-mme comme acte patriarcal. Dans la seconde dition on n'a pastouch aux actes concernant les Armniens, quand il n'y avait ni dition ni tudenouvelle.19 . La liste des anathmes (texte II, 13) figure aussi dans la premire Invective(Oratio I) contre les Armniens : PG 132, 1219CD. Elle se rencontre isole ou non dansles manuscrits, par exemple Iviron 382. f. 708v ; Atheniensis B.N. 2429, f, 44 .

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    96 J. DARROUZSA ce fond de doctrine commun peuvent s'ajouter la parent duvocabulaire et l'usage d'expressions semblables. Sur ce point cependant e ne pousserai pas trs loin la critique, puisque je ne connais lestextes de Nerss que par la version latine. Quelques notes au textesignaleront plusieurs passages typiques. Notons seulement ici l'identite quelques comparaisons rhtoriques du dbut et de la fin20 : lagoutte d'eau dans la mer, l'tincelle compare au soleil, divergence dela parole et de la pense intrieure, la lumire cache. Un autreobstacle s'oppose une comparaison trs pousse ; c'est que l'exposprsent Jean Gomnne a t rdig en grec, ou, s'il a t traduit, ilne garde aucune trace de cette traduction. Dans les confrencestenues entre Nerss et Thorianos, on recourt des interprtes, enparticulier l'higoumne Atman, de Philippopoli, qui a traduit aumoins une des lettres insres par Thorianos21 ; le grec n'a pas lamme aisance que celui de la lettre du catholicos, o on ne remarqueaucune gne dans l'emploi du grec ni aucun embarras de vocabulaireet de construction. Il n'y a pas de doute que l'usage du grec devaitrenforcer le soupon qu'un Armnien ne pouvait crire ainsi.La conclusion la plus gnrale qu'on peut formuler est que les idesde Nerss, considres comme hardies et novatrices par rapport unetradition commune des Armniens, avaient dj cours auparavant; ilne fit que poursuivre l'action de son frre Grgoire III, auquel ilsuccda comme patriarche.

    IV. La lettre de l'glise grecque un catholicosL'auteur du troisime texte dit ici reste anonyme et ledestinataire, un catholicos d'Armnie, n'est pas dsign par son nom.Les manuscrits n'apportent rien la datation en dehors de laprsomption que cette lettre fut crite au plus tard dans les dbuts du13e sicle.Tandis que le rapport du catholicos Jean Comnne (second texte)parat un peu isol du point de vue historique, l'crit adress aucatholicos d'Armnie s'insre dans le contexte bien connu des

    discussions actives entre Grecs et Armniens dans la seconde partiedu 12e sicle. L'exorde rapporte en effet que le catholicos avait assistavec ses vques et ses docteurs une runion antrieure, o un20. Les exemples sont tirs de VEpistola VI, exorde et proraison : J. Cappelletti,op . cit., p. 203 et. 229-230.21. PG 133, 213 ; au sujet de (lre ligne), l'diteur di t en note que le motdoit tre une corruption de l'armnien panagan (orator) ; mais le nom Brachamios estbien attest : Ryz. 9, 1934, p. 278-382.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 97certain accord s'tait dessin entre les deux parties et les Armnienss'taient engags devant leur roi mettre par crit leur profession defoi. Ensuite on avait parl du Trisagion et de l'eau ajoute au calice;comme la discussion s'enlisait dans le verbiage, les Armniensdemandent aux Grecs de remettre une liste des questions en suspensentre les deux glises. Or prcisment au cours de la deuximeconfrence entre Thorianos et le catholicos Nerss, celui-ci demandeen propres termes : Donne-nous par crit tous les articles que le saintempereur et la sainte glise des Romains exigent de nous pour quel'union se fasse, de sorte qu'aprs les avoir examins, nous donnionsnotre avis sur tous ces points22. Thorianos prsente immdiatementcette liste de griefs au catholicos23, comme en abrg et oralement,mais il devait disposer d'un mmoire rdig dj dans la capitale. Cen'tait pas en effet la premire fois que les autorits armniennes setrouvaient dans l'obligation de rpondre une liste semblable dequestions. Ds 1166, Nerss prsentait sa premire profession de foiqui traite des mystres fondamentaux (Trinit, Christ), puis dans uneseconde partie passait en revue, paragraphe par paragraphe, un critgrec qu'il avait sous les yeux24. Dans sa seconde profession de foi, unpeu plus tard, Nerss adopte la mme division et aprs lesaffirmations dogmatiques rpond de nouveau aux mmes griefs, avecdes variantes d'ordre et de rdaction, sans citer un crit adverse ouune dmarche byzantine qui aurait exig cette seconde partie25.C'tait dj un fait tabli qu'en dehors des questions dogmatiques lecontentieux armno-grec comportait un certain nombre de points quifaisaient obstacle l'union.Avant les deux rponses de Nerss aux Byzantins (Epist. IV et VI),il y a place pour une lettre byzantine de mme genre que celle qui estpublie ici, car Manuel Comnne dclare, en novembre 1169, qu'il a euplusieurs fois l'occasion d'avoir connaissance de la pense desArmniens26. Mais notre information repose sur les documentsreproduits par Thorianos et sur la collection des lettres runies parNerss de Lampron, dont il n'existe pas d'tude complte etsatisfaisante du point de vue littraire et historique. On a tudi lapense thologique de Nerss (norhali) et la place de ses discussions

    22. PG 133, 268.23. PG 133, 269A-C; cf. y. Grumel, Regestes, n 1124.24. Dbut de la seconde partie de VEpistola IV : J. Cappelletti, op . cit., p. 180;Nerss parle des questions que certains Grecs on t apportes : interrogationes ... quidamex vobis contra nos detulerunt. In primis scriplum erat. Et ainsi de suite au dbut dedivers paragraphes : Scriptum erat in ea epistola (p. 182, etc.).25. J. Cappei.letti, op . cit., p. 216-230.26. Dbut de la lettre Nerss concernant la mission de Thorianos : PG 133, 120A.

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    98 J. DARROUZSdans le rgne de Manuel Comnne27, mais il reste des points obscursou bien il manque quelques chanons dans la srie des lettres entreGrecs et Armniens. Pour se limiter, en dehors de toute hypothse,aux choses connues, il faut s'en tenir au rapport littraire entre la listeprsente par Thorianos et la lettre prsente de l'glise grecque quisupposent des circonstances analogues de composition en raison de lasimilitude des griefs. Les deux listes divergent cependant sur un pointessentiel : c'est l'exigence formule seulement par la liste deThorianos que le catholicos des Armniens reoive, comme lepatriarche lui-mme, l'investiture () de l'empereur28. Il n'y arien de tel dans la prsente lettre, et cela implique une diffrence dedate ou une diffrence d'auteur.Les pourparlers avec Nerss commencent sous le patriarcat de Luc,qui ne semble avoir pris aucune dcision ce sujet ; l'initiative revient l'empereur. Mais le patriarche Michel s'y intresse de prs, car c'estlui qui rdigea la rponse principale la profession de foi de Nerss29;tout en louant le fond qui lui parat vridique (228B), il relve destermes qui choquent l'oreille par leur duret, en particulier la formulecyrillienne (la nature unique du Verbe incarn : 232B) qui demande tre interprte. Contrairement cette lettre, et l'autre lettrepersonnelle du patriarche Michel30, la prsente, rdige seulement aunom de l'glise des Romains, ne contient aucune des marques queprend une lettre personnelle, depuis la salutation initiale jusqu' laconclusion avec un souhait; au cours de l'expos l'auteur ne sedistingue pas par l'emploi de la formule personnelle et il ne salue pas le destinataire. Le chef de l'glise est impliqu icidans l'expression ' , mais il n'y a pas d'adressepersonnelle de patriarche catholicos, de sorte que cet crit, tout enayant un caractre officiel, a pu tre rdig anonymement par lachancellerie patriarcale une date indtermine partir de 1166jusqu' la fin du rgne de Manuel.Pour les rapports entre Grecs et Armniens aprs la confrence de1172, les sources grecques font dfaut. Le patriarche Michel avaitcrit cependant encore en janvier 1177: c'est une rponse aucatholicos successeur de Nerss31; plus tard, Isaac Ange rpond lui

    27. P. Tekkyan, Controverses thologiques en Armno-Cilicie dans la seconde moitidu 12 ' sicle (1165-1198) (Orientalia Christiana Analecta, 124), Rome 1939;B. L. Zrkeyan, St Nerss Snorhali en dialogue avec les Grecs, In memoriam IlaigBerbrian, Lisbonne 1986, p. 861-883.28. PG 133, 269C; voir n. 33.29. PG 133, 224-232; sur cette lettre, voir n. 18 .30. PG 133, 236-240.31. Cette lettre n'a pas t traduite et le rsum des Regestes est fait d'aprsl'armnien (trs rsum) : V. Grumel, Regesles, n 1132; l'auteur crit que Tournehizeignore ce document, mais cet historien le mentionne la p. 255.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 99aussi une autre lettre du catholicos32, aprs une priode o lescontacts des annes passes taient plus ou moins oublis. Il est trsdouteux que la lettre au catholicos soit aussi tardive, puisqu'ellesuppose des pourparlers suivis pendant une certaine dure. D'autrepart, dans la liste des griefs, ou des exigences de l'union, la liste de1172 s'achve par une revendication tout fait nouvelle : que lecatholicos reoive l'investiture de l'empereur byzantin33. Pareilleexigence fut porte devant le concile armnien qui eut examiner laliste de 1172; cette assemble, que l'on date de 1179 et que l'on place Hromgla, daterait de 1196 selon Tournebize, qui place aussi cesynode Tarse34. L'historien ne donne pas de raison convaincante, eton ne voit pas comment un mmoire byzantin datant de 1172 et remis Nerss aurait t soumis au synode seulement en 1196 ; car ce n'estpas une demande nouvelle, mais exactement celle qui fut soumise parThorianos Nerss au nom de l'glise grecque. Mme si on date de1179 l'examen des propositions de 1172, il reste une difficult rsoudre, puisque la lettre de Michel d'Anchialos au catholicosGrgoire35 ne semble contenir aucune allusion au texte de 1172; bienplus, elle semble annuler cette liste antrieure en restreignant lesconditions de l'union la reconnaissance de la double nature dans leChrist. Ds lors on ne peut expliquer comment la liste de 1172 estexamine en 1179 ou en 1196. La raison en est qu'on ne dispose pas detoutes les pices de la correspondance change depuis le dbut despourparlers.

    Indpendamment de la question de date, la diffrence entre ledocument de 1172 et la prsente lettre dpend sans doute desrdacteurs de la chancellerie impriale et patriarcale. La lettre rdigeau nom de Yglise des Romains ne parle pas de la promotion ducatholicos par l'empereur, parce que ce point n'intresse pas

    32. F. Dlger, Regesten, n 1527. A la fi n de cette lettre il est question desArmniens de Philippopoli, qui furent molests par le mtropolite grec de la ville; unautre document fait mention de cette affaire : J.A. van Dieten, Nicetae Chonialaeorationes et epistulae, Berlin 1973, p. 192; cf. Idem, Erluterungen zu den Reden undBriefen, Berlin 1971, p. 167-168. Le dbut de ce discours, perdu par le Marcianus,modle de l'dition, se trouve dans le Barberin. 240 : cf. REB 32 , 1974, p. 382.33. " ' : PG133, 269e ; Mansi 22 , 20 1 (texte du synode armnien). Le texte du synode de Hromgla(Mansi) n'a pas l'adjectif : Graecorum propositio 9. Quaerimus ut vestri patriarchaepromotionem ex Graecorum dumtaxat imperatore faciendam ratam habeatis ; dumtaxatparat en tenir lieu, mais ne porte pas directement sur le mme terme.34. Fr. Tournebize, Histoire politique et religieuse de l'Armnie, Paris 1910, p. 256,261-266; F. Chalandon. Les Comnnes, II, Paris 1912, p. 659-660; mais il ne dit motde la promotion du catholicos.35. V. Grumel, Regestes, n 1132; Fr. Tournebize, op. cit., p. 255.

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    100 J. DARROUZSdirectement l'glise, mais l'tat et l'empereur qui contrlent lesdiscussions jusqu'en 1172. L'glise, la mme date ou une dateapproche, pouvait formuler de son ct les exigences de la disciplineorthodoxe sans y joindre celle qui intressait surtout la politique et ladiplomatie de l'empire concernant la promotion du catholicos. Dansces conditions, l'absence de cette dernire exigence dans la lettre aucatholicos ne s'opposerait pas ce que la date de la lettre serapproche de celle de la liste de 1172 : la premire reprsenterait undocument ecclsiastique, la seconde serait d'origine impriale.

    V. Sommaire des textesDans leurs lignes essentielles ces trois documents n'apportent riende neuf sur le fond de la controverse, dont les thmes ont t dj

    compils, principalement dans les discours ou Invectives dits duPseudo-Isaac et, du ct armnien, dans les lettres de Nerssnorhali. Je donne ici un rsum des trois textes, afin que le lecteurpuisse embrasser d'un coup d'oeil tout le contenu36.1. Le patriarche au catholicos.

    Exorde (1-4). tabli sur le sige hirarchique, le patriarche estcharg de veiller sur les brebis du Christ (1), d'carter le danger de lazizanie hrtique qui rpand l'erreur, comme celle que la rumeur nousa appris et qui va contre la tradition (2). Est-ce la minorit qui doitcommander ou la majorit? Les Dioscore, Eutychs et Svre furentcondamns par le concile imposant de Chalcdoine (3). Ils auraient daccepter ce verdict; cependant nous ne cesserons de les exhorter reprendre la voie droite (4).Les deux natures du Christ (5-16). Au sujet de la nature du Christ ona envisag soit la division (Nestorius), soit la confusion (Dioscore,Eutychs et Svre), soit l'union (5). Le quatrime concile a dfinil'hypostase unique en deux natures (6), de manire exclure l'unionrelative ou morale prne par Nestorius et affirmer la ralit desdeux natures aprs l'union (7). Preuve par syllogismes exgtiques decette affirmation (8-16).L'addition au Trisagion (17-24). Ajouter au Trisagion qui a tcrucifi, cela revient dire que Dieu est passible (17). En faitl'immortel s'unit au mortel afin de pouvoir goter la mort (18), sans

    36. Pour faciliter la lecture le texte a t divis en paragraphes, dont je cite lesnumros dans le rsum.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 101pour cela subir lui-mme la mort (19) car un tre spirituel, comme ledmon lui-mme, n'est pas sujet la mort (20). En disant que le Filsunique a t livr la mort, l'criture enseigne que le corps quisouffre appartient rellement la divinit (21). Il y a l usage de lasynecdoque (22), change (23) et appropriation (24).L'eau du calice (25-26). Il est des usages qui ne proviennent pasdirectement de l'criture et que la tradition des Aptres et des Presa tablis ; ainsi l'eau du calice est prfigure par l'eau du ct duChrist (25); la tradition conserve l'image de la ralit (26).Le jene (27-28). D'aprs la tradition des Pres, il faut s'abstenir defromage et d'ufs les samedis et dimanches de carme (27). Sur cepoint notre pratique doit surpasser celle de la loi ancienne (28).Le pain azyme (29-30). Le pain que prit le Christ pour l'Eucharistien'tait pas ferment (29), comme il convenait aprs que la loi nouvellea aboli l'usage du pain azyme (30).Conclusion (31). Pasteurs, frres et fils, voil ce que nous avons critopportunment. Veuillez repousser l'erreur, accueillir l'enseignementdu quatrime concile et le rpandre.

    2. Le catholicos Jean Comnne.Ta majest nous demande un bref expos de notre foi, que notrebassesse nous dissuaderait de prsenter ta sublime intelligence. Sansrien tirer de nous-mmes, nous empruntons aux Pres et aux canons

    les principes de notre croyance (1).Nous confessons la Trinit du Pre, du Fils et de l'Esprit (2). L'unde la Trinit s'est incarn devenant ce qu'il n'tait pas, il est rest cequ'il tait (3). Le Verbe s'est fait chair sans subir aucun changement,par une union vritable qui vite la confusion d'Eutychs et ladivision de Nestorius (4).Exemple de confusion : le vin et l'eau ; exemple de division : l'eauet l'huile. L'union de l'me et du corps donne une ide de l'unionnaturelle sans confusion l'incr s'unit au cr sans subir aucunchangement (5). Nous confessons un Dieu devenu homme, non qu'unhomme a reu la nature divine, ou qu'il a repris le corps adamique.L'tre humain est passible par nature, l'Homme-Dieu l'est parvolont et concession divine (6). Dans tous les actes de l'Homme-Dieu, baptme, jene, sommeil, marche sur la mer se vrifie la ralitde l'humanit et de la divinit ; l'impassible souffre par l'entremise dupassible (7). L'union de l'me et du corps donne une ide imparfaitede l'union du Verbe avec l'homme, car l'me souffre avec le corps ; leVerbe, qui ne souffre pas, reste cependant uni au corps dans sapassion (8). Pourquoi cela? L'impassible devient passible dans lachair, sans que sa propre nature en soit affecte ; et la rsurrection

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    102 J. DARROUZSn'apporte non plus aucun changement sa nature (9). Aprs larsurrection, l'humanit du Verbe n'apporte aucun changement l'tat de la Trinit (10).Tels sont les fondements de la foi que nous tenons de notre Pre(Grgoire) et des docteurs anciens. Nous ne dissimulons rien, car notrefoi est comme la lumire sur le chandelier et la ville sur la hauteur.Que Jsus accorde son royaume ta majest, tes augustes enfantsporphyrogntes, tes sujets, archontes et peuple, de sorte que tu soiscouronn avec les anciens empereurs Constantin et les deux Thodose,amen (11).Noie de copiste. Les Armniens paraissent l user de ruse, car ils nedisent rien des griefs qui suscitent contre eux plusieurs titresl'anathme (12-13).

    3. L'glise grecque au catholicos.Puisque ta grandeur, seigneur catholicos, s'est runie avec nous,qu'avec tes vques et tes docteurs vous avez admis les deux naturesdans le Christ en promettant de fournir un libelle, que vous avezdemand aussi que nous mettions par crit nos griefs, nous vousrecommandons de corriger le chant du Trisagion et l'usage de l'eaudans le calice et nous prsentons ici les autres griefs (1).Notre glise demande que la clbration de la Nativit, del'Annonciation et autres soit conforme l'usage de la traditionancienne (2).Vous baptisez vos croix et vous les sanctifiez avec du sangd'animaux (3).Vous fabriquez le chrme avec de l'huile de ssame. Au baptmel'enfant doit recevoir l'onction sur tout le corps (4).L'glise des Armniens doit admettre les conciles cumniques etlocaux (5).Il faut reconnatre l'uvre des 4e, 5e, 6e et 7e conciles (6).Les sacrifices d'animaux et leur partage aprs la liturgie sont unsujet de scandale (7).Nous demandons que les prires se fassent dans les glises et que

    l'on emploie pour la liturgie le pain ferment (8).

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    TEXTE ET TRADUCTIONI. Le patriarche au catholicosII. Le catholicos Jean Comnne

    III. L'glise grecque au catholicos

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    104 J. DARROUZS

    Accusation et rfutation de ceux qui calomnientle saint quatrime Concile, qui disent le Christform d'une seule nature mme aprs l'union, quiappliquent la crucifixion l'Immortel dans le chantdu Trisagion, c'est--dire qui parlent comme lesThopaschites, qui n'emploient pas l'eau pour le calicesacr, qui altrent la sainte quarantaine, qui mangentdu fromage et des ufs les samedis et les dimancheset qui font usage des azymes pour la clbrationdu sacrement eucharistique.crit par le patriarche pour le catholicos d'Armnie37.1. coutez ceci, prtres, prtez attention, vous qui avez charge de pasteur,car c'est vous que va le jugement, dit l'criture. Puisque donc lesouverain prtre et suprme pasteur, le Christ notre Dieu, lu i qui prvoitet prdtermine toutes choses avant leur naissance, selon le mot du divinAptre, bien qu'il soit redoutable de dire : Ceux qu'il a connus d'avance, illes a aussi prdestins, a lev notre Mdiocrit au sige pontifical, m'atabli, quoique indigne, pasteur de ses brebis spirituelles, et plac commesentinelle pour la maison d'Isral38 par sa propre grce, dans ces conditionsil est absolument ncessaire et il m'incombe moi-mme et de veiller en

    tant que pasteur et de chasser avec un esprit vigilant les loups prdateursdes brebis, et en tant que sentinelle d'annoncer justement l'pemenaante, comme l'ordonne zchiel, le visionnaire des grands mystres.2. Quelle est cette pe menaante, qui sont ces loups l'afft contreles brebis du Christ, sinon videmment les semeurs de zizanie hrtique,qui tentent de l'ensemencer et de la mler au bl pur et sans dfaut denotre sainte foi et qui prsentent aux mes des simples comme unmlange bourbeux leur religion arbitraire. Ainsi ce bruit parvenumaintenant nos oreilles, port par des frres de l-bas39 arrivs dans lacapitale et qui ont soulev certaines ides contraires la sainte glisecatholique de Dieu, prtendant tre de mme opinion que d'assez37. Le sommaire n'appartient pas l'original ; le rdacteur, ou le collectionneur dela pice, connaissait peut-tre le nom de l'auteur, mais pour attribuer le texte aupatriarche, il suffisait de lire l'exorde.38. Aprs l'allusion au sige patriarcal, occup semble-t-il depuis peu, le passaged'zchiel est de circonstance pour annoncer l'intervention patriarcale ; la mmecitation, plus textuelle, ouvre la lettre de Photius au catholicos d'Armnie : HEB 29 ,1971, p. 141 (Regestes, n"540a).39. L'adverbe signifie ici mme ou l mme selon le contexte ; celui-ci indiqueque les frres (armniens), qui colportent ces bruits parvenus aux oreilles dupatriarche, viennent du dehors (la Cilicie?).

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 105

    " ,5 - .10 '.1. ' , , , , , . , , ', 15 , , , ' , ' -20 , ' .2. , ' 25 ' ; 152 | ,

    Codex. Mosquensis Mus. Hist. 433 (Vladimir 232), f. 151V-159 (= M).4 supplevi11-12 Ose 5, 115 Romains 8, 2917-18 zchiel 33 , 1720 dem 33 , 2323-24 cf. Matthieu 12, 25 s.; cit par Nictas de Ryzance : PG 105, 287

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    106 J. DARROUZSnombreux autres personnages de l-bas, ce bruit n'a pas manqu deremplir notre pauvre me d'affliction et de tristesse. C'est pourquoi notremdiocrit en vient s'tonner que, dplaant les bornes des pres, ils sesparent eux-mmes de la communaut plnire de l'glise catholiquejetant le blme sur le saint concile cumnique, ils renouvellent ladoctrine pernicieuse limine et rejete depuis tant de temps et couvrentde leur propre perversit de pense divers dogmes trangers la coutumede la sainte glise de Dieu catholique et apostolique.3. Interrogeons-les donc la fois fraternellement et paternellement.De qui, selon les canons sacrs des saints Aptres et autres saint Pres,l'avis l'emporte-t-il? Celui de la majorit ou de la minorit? Ils dirontcertainement, mme contrecur, que c'est celui de la majorit. Qui sontdonc ceux de la majorit? Est-ce les six cent trente divins Pres quiapplaudirent le quatrime concile, ou bien Dioscore et Eutychs etSvre, anathematises bon droit et avec raison avec leurs partisans etchasss de la socit des orthodoxes? La rponse est vidente et, s'ils nedisent rien, les pierres le crieront. Quel est donc celui qui doit suivrel'autre? Est-ce la queue qui suivra la tte, ou la tte, la queue? Lesmembres qui suivront le corps entier, ou le corps entier, les membres?Pourquoi disons-nous cela, sinon prcisment pour les enseigner fraternellement t les exhorter paternellement? tant une partie infime, ilsdoivent suivre l'ensemble du saint concile cumnique et du corpsplnier de l'glise catholique, d'autant plus que les esprits droits ont lapossibilit de percevoir la diffrence entre ce saint concile et les concilesprcdents, en ce sens que la runion d'une telle foule est en proportion dela perversit de l'erreur enseigne. Si en effet n'avait pas t juge aussiimpie l'opinion qui professe une seule nature dans l'incarnation du Christ,la runion de ces Pres dans la mtropole de Chalcdoine pourl'extirpation de cette doctrine n'aurait pas t aussi importante. Maiscomme pour les malades incurables ou difficiles soigner il est coutumede consulter plusieurs mdecins et des meilleurs pour diagnostiquer leremde la maladie et le renforcer, il advint de mme ce moment-l.4. Il aurait fallu certes que ces (dissidents) adhrent dsormais avec fo i tout ce qui avait t dfini par les (Pres) et reculent40 devantl'accusation d'indocilit et de tmrit. Si, aprs la runion de troispersonnes pour la correction de celui qui a faut contre un homme etn'accepte pas l'exhortation, le Seigneur dclare que celui-l doit trerang avec le paen et le publicain, que pourrions-nous dire de ceux qui

    40. Il faut effacer (aprs qui est transitif) et faire accorder avec.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 10730 , . , ,

    , , 35 .3. . 40 ; ; , , . . , 45 ; , , . ; ; ; , 50 , ' , . | , . '' 60 , .4. ' , . -65 ,

    45 : - 62 (post ) delendum 63 corr. :- 39 Canons : cf. Aptres 34 , Nice 646 Luc 19, 4048 cf. Nictas de Byzance : PG 105, 596D (mme ide sous une expression diffrente)65-67 cf. Matthieu 18, 15-17

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    108 J. DARROUZSpchent non contre un homme, mais contre le Christ notre Dieu, quis'opposent une telle foule et n'acceptent pas l'invitation se corriger?C'est vous de voir maintenant. Cependant coutez encore avecattention notre exhortation la fois fraternelle et paternelle, ayez curd'couter avec soin les paroles, de reconnatre et de suivre le dogme pieuxde la sainte glise catholique de Dieu. On dit que les voyageurs garshors de la route droite et principale examinent l'un aprs l'autre lessentiers et ne s'arrtent pas tant qu'ils n'ont pas retrouv la route droiteet principale ; plus forte raison votre Pit doit agir de mme et, aprsavoir examin l'enseignement des saints Pres, guider vers la grand-routedu dogme pieux de la sainte glise catholique tous les gars qui se sontengags dans la voie sans issue de la doctrine errone. Mais tenons-nous-en cela pour le moment sur ce point ; pour nous, revenons au sujet pourvous dire en dtail tout ce que nous avons reu et appris des saints Preset de la Vrit en personne.S. Il y a donc trois opinions trs anciennes qui ont t proposes surl'union des deux natures dans le Christ : division, confusion, unionproprement dite, mais les deux premires furent l'amusement des enfants deshrtiques et qu'on s'en amuse il conviendra sur ce point de recourir laparole de Grgoire le Grand le Thologien41. La division, tant en quelquesorte relative, ne fait pas en principe l'unit des natures et laisse leschoses spares l'une de l'autre ; c'tait l'opinion, ou mieux la maladie del'insens Nestorius, de sorte qu' partir de l il introduisait deux fils,dclarait notre seigneur Jsus Christ un homme pur et simple et nedaignait pas appeler Thotokos la trs pure Thotokos Marie, la mre duSeigneur, mais Christotokos ; le saint concile d'phse le dposajustement et le voua l'anathme. Tout fait l'oppos, la confusion,confondant au plus haut point les parties et les faisant disparatre,reconstruit et imagine un tre altr et ne conserve intacte aucune desparties sa proprit, mais ceci est cela et cela est ceci, et pour cette raisonelle ne contient ni ceci ni cela ; tout ce qui vient de cette confusionapparat altr. C'tait l'opinion de Dioscore, Eutychs et Svre, quedposa et condamna aisment le quatrime saint concile. L'opinionmoyenne est vraiment l'union, que proclama et confirma le mme saintconcile, prnant indissoluble l'union des deux natures qui formentl'unique hypostase du Christ notre Dieu ; les natures unies gardent sansdfaut leur proprit, qui est par suite sans changement ni confusion, etles parties deviennent celles du mme et unique Christ notre Dieu cause

    41. L'emprunt de Nictas de Byzance Grgoire de Nazianze est purement formelet se limite la phrase mise en italique. La suite (1 . 84-106) vient aussi de Nictas deByzance de manire moins littrale et se retrouve dans la lettre impriale Nerss,rdige par le patriarche Michel III : PG 133, 229AC il y a l de nouvelles variantesmontrant que le texte circulait.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 109 ' ;

    70 . , , 75 , . , ' 80 ' .5. 86 15 3 8 , , \ '' 8 , 85 ." ' , , ' , 90 , , , . '95 , , , . , 100 , * , ,

    75 : - 82-84 Nictas de Byzance : PG 105, 625e; adaptation d'une phrase de Grgoire deNazianze {PG 36 , 76A) qui dbute ainsi : , 84-106 cf. Nictas de Byzance : PG 105, 625C-D (voir note 41)

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    110 J. DARROUZSde l'union essentielle selon la personne, de sorte que ce qui est en premierpropre l'un est commun au tout et ce qui est commun au tout est propre l'un et l'autre cause de la proprit inaltrable en chacune desparties. Il n'y aurait pas en effet communication des proprits, si laproprit ne restait immuable dans chaque partie au cours de l'union.

    6. C'est pour cela que, suivant avec raison et justice la voix de lavrit, le quatrime saint concile dfinit et proclama plutt une seulehypostase compose qu'une seule nature dans l'union du Christ. Et cela pour employer la parole de l'criture : franc pour qui comprend, droitpour qui voit parce que l'humanit assume n'est pas reste dans (son)unique hypostase, mais, assume par l'hypostase de Dieu Verbe, elle a tsoumise et intgre, devenue partie hypostatique de son hypostasecompose, comme le feu dans le fer incandescent. Les saints Pres nousont en effet appris sur ce point qu'il y a une diffrence entre hypostase ethypostatique42, en ce sens que l'hypostase est une nature avec desproprits ou une proprit, mais que < 'tre hypostatique > ne subsistepas par lui-mme et existe dans un autre (sujet), comme il est advenudans le Christ pour notre corps assum, de sorte que par l l'union desdeux natures est vidente dans le Christ Dieu. Voil ce que montrel'vangliste Jean en disant : Le Verbe s'est fait chair, c'est--dire homme signifiant l'humanit, selon l'usage de la divine criture, par unepartie, la chair; elle dit : Vers toi viendra toute chair, au lieu de : touthomme Et l'expression // a habit parmi nous, comment ne montre-telleas la dualit des natures? Autre videmment celui qui habite, autrecelui dans lequel est l'habitation43, par quoi l'vangliste et thologienJean enseigne la diffrence des deux natures. Son homonyme, la voixannonciatrice du Verbe et le plus grand des enfants de la femme, lasuite de cela s'crie en ces mots : Derrire moi vient un homme qui est passavant moi, car il tait avant moi. Tout en montrant la personne unique, ilconsigne les deux aspects, l'humain et le divin ; humains, les termeshomme et vient; divins, pass avant moi, car il tait avant moi;cependant ce n'est pas un autre qu'il sait venant derrire, un autre qui estavant lui, c'est le mme qu'il sait antrieur aux sicles en tant que Dieuet homme n aprs lui de la Vierge.

    42. La diffrence entre hyposlasis et hypostatikon ne contient pas de mystre ; c'estla diffrence entre le substantif et le qualificatif. La distinction aurait t introduite enchristologie par Thodore Abucarra : PG 97 , 1578D; cf. DTC 7, 402; voir aussi PG 94 ,594 n. 23 (autre texte d'Abucarra). Nictas de Byzance allgue aussi la distinction : PG105, 632B.43. Rminiscence de Nictas de Byzance : PG 105, 616e.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 111 ' , 105 ' , . , .

    10 9 6. 53 | , ' . , , , , , ' 11 5 , , . , , ' , * 12 0 , , . " ' 6 , , * ,12 5 , , , , , ' . 130 * ' , . ' , , ' 13 5 , ' , ' .

    115 11 9 lacuna : ? 122 : 13 5 (ut in 1. 134) : 112-113 Proverbes 8, 9117 : voir note 42123 Jean 1, 14124-125 Psaume 64 , 5125 Jean 1, 14130-131 Jean 1, 30

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    112 J. DARROUZS7. Manifestement donc la fo i admet que le Christ, un par l'hypostase,de deux natures et en deux natures, a aussi deux natures aprs l'union,s'il est vrai que le terme Dieu et celui d'homme dsignent des natures etsont applicables plusieurs; cependant nous ne disons pas deux naturesaprs l'union, afin de ne pas rompre l'union la manire de Nestorius et

    de faire deux de l'un. C'est le cas de dire ce sujet ce mot du prophte :Ils ont t frapps de crainte l o il n'y a pas sujet de crainte. Si nousdisions deux natures part, une une, avec leur activit, ou si nousdisions que l'homme thandrique, n au pralable, est devenu unepersonne distincte comme l'un des hommes, puis a t uni Dieu Verbe,une telle union serait relativement suspecte et la raison de la divisionvoulue par Nestorius entre en jeu. Mais comme nous disons avec pit,conformment la dfinition du quatrime saint concile, que laconception du Verbe, l'assomption et la divinisation de la chair se sontproduites ensemble et au mme instant, de sorte que la chair est cellemme de Dieu Verbe vraiment elle est en mme temps chair et chairde Dieu Verbe, parce que celle qui l'a conu et mis au monde de maniresainte et miraculeuse est et est proclame Mre de Dieu quel prtextereste-t-il donc en cela pour les opinions de Nestorius, alors que plutt,comme du haut d'un rempart, la tour de la mauvaise doctrine deNestorius est renverse ? Comment donc ne serait-il pas contraire laraison et la pit d'ignorer la diffrence des natures dissemblables qui serencontrent et s'unissent vraiment dans le Christ un, notre Dieu comme l'enseigne justement le grand thologien Grgoire en ces termes :Lorsque les natures sont distinctes par la pense, les noms en mme tempssont distincts*11 et de reconnatre deux (tres) dans l'union, et aprsl'union de ne pas connatre ni compter deux? Les choses que l'on nereconnat pas, qu'on ne les numre pas non plus, dit Basile le Grand. Si onne les numre pas, il est clair qu'on ne les reconnat pas non plus ; si onne les reconnat pas, il est clair qu'on ne les connat pas non plus ; si on neles connat pas, on ne dira pas non plus que les tres unis sont deux.8. Rflchissons donc ainsi45. Si le Christ n'avait pas deux naturesaprs l'union, comme l'a dfini le saint concile, mais une seule, comment,aprs que le Sauveur eut dit aux disciples : Et vous, qui dites-vous que jesuis, moi, le Fils de l'homme ?, et que le chef des disciples eut rpondu : Tues le Christ, le Fils du Dieu vivant, (comment) non seulement il ne le blmapas pour une rponse cense mauvaise, mais l'approuva-t-il cause de la

    44. Ce texte est cit d'aprs Nictas de Byzance : PG 105, 608B ; le passage de Basilecit la suite (1 . 161) provient aussi du mme Nictas : PG 105, 628e 14~15. La phraseattribue Basile ne semble pas une citation littrale, mais rsume un passage du DeSpiritu Sanrto, I, 17 : PG 32 , 145-148.45. Il y a aussi dans Nictas de Byzance une srie de syllogismes, au nombre de 14,sur le thme des deux natures : PG 105, 636-644 (tout le 16); la lettre patriarcale ne

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 1137. , '

    , 15 4 | 14 0 , , . . ' 14 5 ' , 15 0 , , " , , 15 5 ; * , , '16 0 ,

    ; , , . , , * , .16 5 8. . 154 , | , , ; , 17 0 , 140 in margine M142-143 Psaume 13, 5158-159 Nictas de Byzance : PG 105, 608B ; citant Grgoire de Nazianze : PG 36 ,113B161 Nictas de Byzance : PG 105, 628C ; citant Basile de Csare : PG 32 , 145-146167-169 Matthieu 16, 13.15

    s'en inspire que pour la forme, car il n'y a pas. comme ici, de raisonnementsexgtiques.

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    114 J. DARROUZSvrit, jusqu' le qualifier de bienheureux et lui accorder cettemerveilleuse rplique? Il dit en effet : Bienheureux es-tu, Simon fils deJonas, car ce n'est ni la chair ni le sang qui le l'ont rvl, mais mon Pre quiest dans les deux. El toi, tu es Pierre, et sur cette pierre je btirai mon glise,et les portes de l'hads ne l'emporteront pas sur elle. Ainsi donc le Christn'est pas d'une seule nature, mais de deux, divinit et humanit.9. Si le Christ n'avait pas deux natures aprs l'union, mais une seule,comment pouvait-il dire ses disciples et aptres sacrs : Je vais vers monPre et votre Pre, mon Dieu et votre Dieu, redoublant ainsi les termes leur intention videmment comme preuve de ses deux natures, divinit ethumanit? A ce sujet, Grgoire, trs vers dans les choses divines,complte la pense en disant : On pourrait le dire Dieu, non du Verbe, maisde l'tre visible; encore une fois, comment serait-il Dieu de celui qui estproprement Dieuie? Ainsi donc le Christ n'est pas d'une seule nature, maisde deux, divinit et humanit.

    10. Si le Christ n'avait pas deux natures aprs l'union, mais une seule,comment pouvait-il nous dire : Moi et mon Pre, nous sommes un, moidans le Pre et le Pre en moi ; celui qui m'a vu a vu le Pre! Et une autrefois : Vous savez que dans deux jours vient la Pque et que le Fils de l'hommeva tre livr pour tre crucifi. Et encore : Le Fils de l'homme doit tre livraux mains des hommes pcheurs ; il doit beaucoup souffrir, tre tu etressusciter le troisime jour. N'est-il pas vrai que cela appartient sadivinit et ceci son humanit? Ainsi donc le Christ n'est pas d'une seulenature, mais de deux, divinit et humanit.11. Et si le Christ n'avait pas deux natures aprs l'union, mais uneseule, qui donc dira-t-on appartenir la fatigue de la route? A qui, lafaim et la soif? A qui, l'agonie et la peur, la sueur comme des gouttes desang et le recul devant la mort? Au sujet de quoi notre Thologien dit : //tait double, puisqu'il a ressenti la fatigue, la faim et la soif par la loi ducorps47. A qui, d'autre part, la rsurrection des morts sur ordre, le retourde la vue aux aveugles, la purification des lpreux, la gurison desparalytiques, la marche pied sur la mer et les autres miracles

    46. La citation de Grgoire (apparat) passe par Nictas de Byzance : PG 105, 621e;le copiste du manuscrit a remplac par au dbut de la phrase; c'estcertainement une erreur.47. Nictas de Byzance (PG 105, 61 7), intermdiaire habituel de la rdaction, ometle verbe , qui se trouve dans Grgoire de Nazianzc : PG 36 , 100-101 ; la variante/ appartient la tradition de l'vangile : Matthieu 4,2 (apparat).

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 115 . , , , , ' ' ] ) 17 5 . , , .9. , , , 18 0 , , ; ' , , ; ; , , 18 5 .10. , , * ' 6 ' ; " 19 0 . ] . , ; ,

    19 5 , .11. , ,f. 15 5 | ; ; , 200 jv, ;

    17 3 18 4 : M (vide notam 46) 200 172-175 Ibidem, 17-18178-179 Citation composite : Jean 16, 28; 20 , 17182-184 Nictas de Byzance : PG 105, 621A; d'aprs Grgoire de Nazianze : , , (PG 36 ,187-188 Citation composite : Jean 10, 30; 14, 10.9189-190 Matthieu 26. 2190-192 Idem 17,22-23; 16.21 (, )200-201 Nictas de Bvzance : PG 105, 61 7B

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    116 J. DARROUZSsurnaturels et surprenants, dont il serait long de parler en dtail, car ilfaudrait beaucoup de temps et de paroles. Ainsi donc le Christ n'est pasd'une seule nature, mais de deux, divinit et humanit.12. Si le Christ n'avait pas deux natures aprs l'union, mais une seule,pourquoi mangeait-il et buvait-il non seulement avant la passion, maisaussi par disposition particulire aprs la rsurrection, pour accrditerl'assomption de notre corps non en apparence et imagination, mais ennature et ralit? S'il avait t Dieu uniquement, il n'aurait pas mang;comment, incorporel et immatriel, aurait-il pris de la nourriture? S'ilavait t homme uniquement, il ne serait pas ressuscit des morts, carcela est impossible la nature humaine par elle-mme. Ainsi donc leChrist n'est pas d'une seule nature, mais de deux, divinit et humanit.13. Si le Christ n'avait pas deux natures aprs l'union, mais une seule,pourquoi les blessures des clous et de la lance, qu'il a non seulementsubies et supportes, mais aussi conserves surnaturellement sur lui aprsla rsurrection? Ainsi reviendra-t-il, comme en tmoignent les divinesparoles et le croient les chrtiens, afin d'tre vu par ceux qui l'onttransperc. S'il avait t Dieu seulement, il n'aurait pas subi et gard cesblessures ; comment en effet, sur un immatriel et un incorporel, seseraient-elles produites et conserves. S'il avait t homme seulement, iln'aurait pas surmont la mort, car cela est impossible la naturehumaine, comme j'ai dit. Ainsi donc le Christ n'est pas d'une seulenature, mais de deux, divinit et humanit.14. Si le Christ n'avait pas deux natures aprs l'union, mais une seule,pourquoi le mme est cru et nomm Dieu et homme? Il est impossible eneffet que le compos de deux natures, devenu quelque chose d'unique,admette la dnomination et les termes qui s'appliquent aux composants.Cela est vident d'aprs l'exemple de l'homme en tant que tel ; de deuxnatures, corps et me, devenu quelque chose d'unique, il ne sera pasdsign absolument l'me part et principalement, ni non plus corps,mais les deux ensemble un homme48. Le Christ, aprs l'union des deuxnatures, reoit la dnomination et les termes de divinit et humanit ;ainsi donc il n'est pas d'une seule nature, mais de deux, divinit ethumanit.15. Si le Christ n'avait pas deux natures aprs l'union, mais une seule,de toute faon cette mme et unique nature serait ou divine, ou humaine,ou diffrente des deux. Si elle tait divine, le Christ tait Dieu et nonhomme ; si elle tait humaine, le Christ tait homme et non Dieu si elletait diffrente des deux, il n'tait ni Dieu ni homme, et ainsi tombera etsera rduit nant ce grand mystre de l'conomie et du salut qui nous

    48. L'exemple de l'homme n'est pas tranger la controverse armnienne; voir laLettre d'Aschot cite par Nictas de Byzance : PG 105, 629B(; ; Lettre Nerss : PG 133,329B.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 117 , '205 ; , , .

    12. , , , ' , , ,210 ; , * ; , * ' . , , .215 13. , , , ' .. 220 , ; , , . , , .225 14. , , ; ' 155 | , . , , 230 , , , , , .235 15. , , , . ' , , " , * 240 , '

    222 219 Jean 19, 37

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    118 J. DARROUZSconcerne. Mais dire cela n'est pas seulement une impit, c'est uneimpossibilit absolue. Ainsi donc le Christ n'est pas seulement d'unenature, mais de deux, divinit et humanit.16. Supposons, dans l'exemple o l'homme est prsent comme tel,que l'on objecte et dise, comme on le dit effectivement, que le Christ,aprs l'union de l'me, du corps et de la divinit, sera dans ces conditionsform de trois natures. Que l'on coute et apprenne que tout compos estdit constitu par les composants immdiats et non les loigns. Car sinous concdions cela, ce n'est pas seulement trois natures49, comme on ledit outrageusement, mais plusieurs que l'on trouvera d'aprs eux dansl'union en la personne du Christ, je veux dire les quatre lments ducorps, l'me et la divinit, chose trangre la fois la pit et la vritdu dogme. C'est donc immdiatement avec l'humanit en tant que natureque nous croyons ralise l'union, par l'intermdiaire de l'me intellectuelle t rationnelle, trait d'union entre la divinit et la masse, laquelle,rellement chair doue d'me, supportait aussi les souffrances, du fait quela nature divine lui concde de subir ce qui lui est propre, ainsi que nousl'avons appris et que nous le savons : autres sont les passions de l'me,autres celles du corps, autres encore celles de l'me qui se sert du corps.17. Mais, sur ce sujet, en raison de la satit provoque par le discours,nous pensons que ce qui a t dit suffit. Que peuvent-ils dire ceux quidans le Trisagion appliquent la crucifixion l'Immortel et qui attribuentla passion50 l'impassible divinit? Ils cherchent vraiment une excuse leur pch en disant cette hrsie des Thopaschites invente par ce Pierresurnomm Foulon et d'autres comparses d'aprs la tradition de saintGrgoire qu i acheva sa course d'aptre et de martyr en Armnie et quiillumina l'Orient comme un soleil. N'est-il donc pas vrai que le mensongeest aveugle et sans force et facile dissiper par le premier venu ? En effetcomment ce grand homme apostolique aurait-il lgu pareil enseignementnon seulement impie, mais tout fait insens? impudeur, drangement de pense et de langue de ceux qui mettent une telleparole, que mme les dmons dans leur grande tmrit n'ont pas osprononcer, puisque ceux-ci mmes redoutent l'immortalit et la dureternelle de la divinit ! Ne comprennent-ils pas, ceux qui osent un telblasphme, qu'ils sont rduits la mme folie que ceux qui nientl'existence de Dieu, en ce sens que dire que Dieu meurt quivaut tout fait dire qu'il ignore son commencement?

    49. Le nombre de trois natures est avanc aussi dans la Lettre d'Aschot que citeNictas : PG 105, 629e; mais la Lettre revient un peu plus loin sur le raisonnementauquel Nictas rpond de nouveau : PG 105, 632D, 633A (sur les composantsimmdiats).50. Le terme passion et les drivs se prennent dans ce contexte avec le sens

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 119. , . , , .

    245 16. , , , . 250 , , ' , , . 255 , , , 156 | .260 17. . ' 265 . ; 270 , ; " , , ' , . 275 , , ;

    26 1 : 277 (... ) : 263 Psaume 140, 4

    physique de capacit de ptir, de subir un dommage : la passibilit sans connotationmorale; c'est un lieu commun de la controverse : voir V. Laurent, Regestes, n 1212.

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    120 J. DARROUZS18. Si le crucifi avait t clou sans corps la croix, ce qui, sans mmealler jusqu' le dire, seulement l'imaginer, est tout fait insens, il yaurait une raison, quoique vaine, de lui attribuer la facult de souffrir.Mais si, ayant pris chair et s'tant incarn, il a t clou la croix commehomme, comment donc, alors que se prsente la chair passible,soumettent-ils la passion la nature impassible? S'ils disaient, comme ilspourraient dire, qu'il a pris chair justement pour cela, afin que par cettepassibilit sa nature impassible subisse la passion, ce serait fort ridicule.Gomment, en effet, en la disant impassible lui attribuent-ils encore unepassion? Si elle avait une nature capable de souffrir, elle aurait souffertmme sans chair, et l'assomption de la chair serait par consquentsuperflue. Au contraire l'Immortel s'est uni une nature mortelle, afinque par elle il gote la mort.19. A ce sujet il est facile d'apprendre que ce qui est immortel parnature, mme uni au mortel, ne subit pas la mort. En effet l'me

    humaine, qui est immortelle, est unie un corps mortel et, quand leurunion est dissoute, la partie mortelle suit la loi de la mort et l'me resteimmortelle; quoique l'me et le corps aient pch51 ensemble, c'est lecorps seulement qui subit le chtiment, tandis que l'me, qui par naturene meurt pas, encore plus, aprs avoir t l'origine de la faute, neparticipe pas la mortalit du corps, sans autre raison videmment quel'immortalit de nature. Cela se comprend facilement la parole duSeigneur lui-mme : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais nepeuvent pas tuer l'me ; craignez plutt celui qui peut perdre l'me et le corpsdans la ghenne. De la sorte, bien que l'me en tant qu'immortellechappe la mort durant cette vie, l-bas elle aura des comptes rendre,non pas en subissant la mort, mais chtie en vie ; car il est impossible une nature immortelle de subir la mort.20. Que pourraient-ils dire aussi au sujet du diable qui est cr et quiest de nature anglique? Prenons donc pour exemple deux personnes,d'un ct celui qui apprend le pch, de l'autre le matre. Lequel dans cecas mrite d'tre puni, l'lve ou le matre? Trs certainement le matre,car celui qui jette les semences est responsable des fruits. Eh bien, nousvoyons que nos premiers parents, qui ont appris du diable le pch, sonttombs dans la corruption et la mort, alors que le diable, semeur etinstigateur du pch qui mritait une peine plus forte, a chapp commeimmortel un tel chtiment; plus encore, la suite de sa premire chuteavec les dmons qui lui sont soumis, cause de sa nature incorruptible ilne fut pas soumis la mort comme nos premiers parents, bien que Dieune lui ait pas non plus accord de mnagement52. Le prince des aptres

    51. Le verbe a ncessairement pour sujet l'me et le corps, mais il sepeut que l'auteur ait fait l'accord seulement avec .52. De nouveau le participe , qui est accord avec , doit tre

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 12118. , , , , ,280 , . ,

    , , , ; , , , 285 , . , , ; , 156 , | . , ' .19. 290 . , , , , , , , 295 , ,' . , ' 8 ], 300 , , ' . ' .20. ' ; , 305 , 6 . , ; . , 310 , , , , ' 15 7 , | . 293 : - 314 vide notam 52297-299 Matthieu 10, 28 ( : apparat)

    raccord au sujet de , c'est--dire le diable ; niais entre-deux le diable estassoci aux dmons infrieurs, d'o sans doute ce pluriel.

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    122 J. DARROUZSPierre dit que Dieu n'a pas pargn les anges qui avaient pch, mais, lesmettant dans le Tartare aux abmes des tnbres, il les a livrs au jugement.Si donc il ne les a pas pargns, pourquoi ne les a-t-il pas soumis lamort, sinon certainement cause de leur immortalit naturelle? Parconsquent, si ceux-l mmes en qui l'immortalit est cre n'ont paspartag ce sort cause de leur immortalit naturelle, comment aurait-ilt convenable que l'incr et immortel par nature, le crateur, la sourcede la vie vritablement et de l'immortalit, ou plutt la source etl'immortalit en soi, gote la mort?21. Mais cela, dit-on, ce sont les divins aptres qui nous l'apprennent.Jean le grand thologien dit : Dieu a tellement aim le monde qu'il a livrson Fils unique la mort. A son tour Paul le divin aptre : Si, tantennemis, nous avons t rconcilis Dieu par la mort de son Fils, combienplus, une fois rconcilis, vivrons-nous de sa vie. Nous leur rpondons, enfaisant apparatre le sens des paroles dites par les divins aptres, que cespassages et autres semblables sont louables ; c'est pourquoi, bien compris,ils ne se trouvent nullement en contradiction avec la doctrine orthodoxe,car ils ne dclarent pas que le Fils de l'homme est apparu sans corps, maisqu'il a pris une nature humaine parfaite en devenant homme entirement,except le pch ; et la raison pour laquelle on dit que le Fils deDieu a souffert, c'est que le corps souffrant tait vraiment le corps de sadivinit. Aussi, intimement li la souffrance de son propre corps, c'estlui qui est dit mourir. Puisqu'en effet dans l'criture certaines chosessont exprimes d'une manire qui donne aux ignorants l'occasion deblasphmer, certaines choses sont dites par synecdoque, certaines parappropriation, certaines par change53.22. Exemples de synecdoque : telle la partie pour le tout, commelorsque l'Aptre dit : Le Christ est mort pour nous et est ressuscit ; cela estdit videmment de la partie qu'est l'humanit. Inversement le tout pourla partie, comme la parole du mme Aptre : Notre (homme) intrieur etcelui de l'extrieur ; partir du tout, je veux dire l'homme, il signifie l'meet le corps.23. Exemples d'change, comme le fait de dire : Le Seigneur de gloireest crucifi, comme si la nature divine communiquait la chair sesproprits. Et encore : Personne n'est mont au ciel, sinon celui qui est

    53. Tout le passage (1 . 337-351) vient de Nictas de Byzance avec quelques variantesde rdaction : PG 105, 644 (la moiti du 17).

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    124 J. DARROUZSdescendu du ciel, le Fils de l'homme ; car nous ne disons pas que la chair estdescendue du ciel, mais cela est dit par figure d'change.24. Exemples d'appropriation, comme lorsqu'on dit : Les gouttes dusang de Dieu ont sanctifi le monde entierbi. Quel homme sens irait direque l'immatriel et immortel a du sang? Si nous qualifions les Juifs dedicides, ce n'est pas comme s'ils avaient tu l'incorporel et immatriel,car la chair humaine est devenue propre chair du Verbe et subsiste danssa propre personne qui s'approprie les souffrances de la chair. Ainsi deplusieurs cts et avec vidence il est dmontr que les combinaisonsmmes qu'ils ont oses tournent leur confusion.25. Il resterait parler du calice de la vritable adoration en esprit,comment ils (les Armniens) agissent contre la tradition de la sainteglise catholique et apostolique en omettant d'ajouter de l'eau. S'ils fontcela en considration du calice que le Seigneur prit la nuit o il fut livren disant ses disciples : Ceci est mon sang, faites ceci en mmoire de moi,sans plus, ils font un mauvais calcul, car le Seigneur a command aussibeaucoup d'autres choses sans prciser, tandis que les divins aptres et lesautres pres, clairs par l'Esprit Saint, ont procd discrtement desadditions pour l'dification de la charit55, comme on peut le dire du saintbaptme. Le Seigneur a dit simplement que l'on baptise56 au nom du Preet du Fils et du Saint Esprit, sans rien ajouter de plus ; plus tard les saintsaptres et les autres pres transmirent les onctions d'huile et du chrme,les exorcismes, l'insufflation par les prtres pour la communicationvidemment symbolique de la grce du Saint Esprit. Ainsi donc estsurvenue aussi pour le calice l'addition de l'eau, et sans doute non pasinconsidrment, mais, comme on peut le penser pieusement, l'exemplede l'eau qui coula avec le sang du ct du Seigneur, auquel celui-cipensait en disant ses disciples : Ceci est mon sang, de sorte que ce calicetait le type de la coupe vivifiante de son ct. On adopta donc latradition du calice au mieux de la pit, afin que, levant les yeux del'image l'archtype, nous accomplissions le rite plus parfaitement et quenous levions plus haut notre pense.26. Gela, il est facile de l'apprendre clairement par un exemple. Lequeldonc dira-t-on suprieur, jugera-t-on prfrable et prendra-t-on comme

    54. La citation est aussi anonyme dans Nictas : PG 105, 644e; elle provient sansdoute de Grgoire de Nazianze : (PG 36 ,664). On constate que ce dernier ne di t pas expressment sang de Dieu , qui est la cl de l'argumentation patriarcale. Nictas n'a pas , sans doute par quelque omissionde copiste, car l'antithse avec est naturelle.55. C'est la doctrine de s. Basile : De Spiritu sanclo, 27 , ou canon 91. La mme idese rencontre dans une lettre attribue au patriarche Michel II Oxeits (Regestes,n 1022), dont l'authenticit n'est pas trs sre. La premire Invective contre lesArmniens connat ce thme de controverse : PG 132, 1180.56. Aprs l'annonce de paroles du Christ, on s'attendrait une citation littrale ; en

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 125, 6 , .350 24. , ' . ; ' , , 355 , , .25. ' , . 360 , ' , , , , , 365 , . , , 370 . , ,15 8 | ' ' , 375 , " , .380 26. .

    359 367 350-351 Nictas de Byzance : PG 105, 644C (voir note 54)361-362 Citation composite : Matthieu 26 , 28; Jean 22 , 20366-367 cf. Matthieu 28 , 19375 Matthieu 26 , 28

    fait l'auteur semble penser la formule baptismale du rite byzantin qui commence par; l'infinitif doit tre ici au passif sans sujet exprim.

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    126 J. DARROUZSmodle : le bois lui-mme de la croix vivifiante du Sauveur ou l'imagetire d'elle? Les personnes elles-mmes, disons Pierre et Paul, ou leurreprsentation? La rponse est vidente, sans que nous la disions. Ainsidonc, il est vrai, l'archtype l'emporte de beaucoup sur le type, de sorteque cette tradition de la coupe a une origine louable ; c'est une faute et unacte draisonnable que commettent ceux qui la violent et ne seconforment pas la tradition de la sainte glise catholique etapostolique.27. Sur le fait de manger au cours du jene expiatoire dtermin parles saints pres et de consommer ufs et fromage dans les jours de fte dusamedi et du dimanche, il est pnible de parler, car c'est une chosepassablement ridicule et indigne de la conduite des chrtiens. Parmi lesbien pensants, qui ne sait combien les actes du culte vritable en espritl'emportent sur le culte sanglant de l'ancienne Loi, l'vangile de la Grcetant aussi plus exigeant? D'un ct il est dit de ne pas commettrel'adultre, de ne pas tuer, du ntre, celui de la Grce, de ne pas mmedsirer, de ne pas se mettre en colre, de ne pas jurer du tout ; c'est doncde cette manire que les pratiques du jene expiatoire doivent l'emporterabsolument. Dans ces conditions, si l'expiation du jene lgal avait tantde rigueur et de duret que l'on mangeait seulement de l'azyme avec desherbes afin de prendre la pque et participer leur agneau immol,combien de rigueur, de privation et de pnitence exigerait l'expiation dujene pur afin de communier avec puret la table redoutable duChrist Dieu immol pour nous? C'est pourquoi l'abstention de cesaliments nous est fixe et transmise par les saints aptres et les autrespres.28. Consommer chaque dimanche et samedi des choses dfendues,c'est--dire du fromage et des ufs, ce n'est pas du jene, mais de lajouissance et de la dsobissance, car ces aliments quivalent de laviande, comme produit des victimes et tirs de la chair57. Celui qui prendun bain et se salit de nouveau n'a rien gagn ; de mme ceux qui jenentles cinq jours et rompent le jene les deux autres, non seulement ils negagnent rien, mais ils sont condamns, comme ceux qui se gardent d'unpch et puis y reviennent ainsi qu' leur propre vomissement, et ilsseront compts au nombre des transgresseurs de la tradition de la sainteglise catholique de Dieu, et plus encore du commandement du Christnotre Dieu. Elle est en effet de lui la sentence qui dit : Si votre justicen'abonde pas davantage que celle des pharisiens et des scribes, vous n'entrerez

    57. L'expression est obscure; elle ne peut que faireallusion l'origine animale des ufs et du lait, assimils pour les jeneurs de laviande. Voir le passage de Balsamon sur In Trulln, 56 : , : PG 137, 709^.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 127, , ; , ; , .385 " , , .27. 390 , . 395 , , , , , , , . 400 158 | ' , , , ; 405 .28. ' , , , , 410 . " , , , , , ' ' 415 , . ] ,

    384 : 389 supplendum 390 supplendum393 : - 417-419 Matthieu 5, 20

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    128 J. DARROUZSpas dans le royaume des deux. Du moins ceux qui agissent ainsi, nonseulement ne dpassent pas l'expiation du jene lgal, mais il s'enmanque de beaucoup, de sorte que ceux qui pchent sur ce point etagissent contrairement la tradition de la sainte glise catholique serontjugs avec les transgresseurs et les pcheurs.

    29. De plus, le fait d'offrir des pains azymes selon une coutumejudaque, avec la conviction que ce pain, que le Seigneur prit en disant :Ceci est mon corps, tait de l'azyme, nous a tonns fortement.Paternellement mus aussi ce sujet, nous dclarons que ce n'est pas envain qu'un sage disait : Laissez passer une inconvenance, un milliersuivront58; voici en effet que ceci est une suite de ce qui prcde. Alors,qu'ils l'apprennent, ils ont vraiment du zle, mais non pas avecdiscernement, comme dit l'Aptre divin. Ce pain (de la Cne) n'tait pasde l'azyme, comme le veulent certains ; du moins les aptres divins et lesvanglistes ne l'ont pas mentionn comme tel. Cependant, mme sic'tait de l'azyme, c'est juste ce moment que la raison d'tre de l'azymeprit fin en mme temps que les autres pratiques judaques c'est donc lepain lev, pris comme type du corps vivifiant du Christ, qui est devenu lepain de la Grce. Et comment ne serait-il pas impie que les (rites) de laGrce retournent la suite de l'ancienne Loi? En effet, le Seigneurclbra d'abord la pque lgale, et c'est aprs qu'il accomplit ce repasmystique en signe du vritable culte en esprit. Ceux qui estiment que cerepas eut lieu avec de l'azyme prtendent avoir l une bonne raison derecourir aux azymes ; eh bien, qu'ils clbrent aussi la pque lgale, qu'ilscirconcisent aussi la chair de leur prpuce, comme le Seigneur lui-mme.Mais des chrtiens ne peuvent agir ainsi, et Paul leur crie : Si vous vousfaites circoncire, le Christ ne vous servira plus de rien.30. Comment donc en viennent-ils l? Qu'ils disent de deux chosesl'une59 : est-ce en entier, ou en partie, qu'ils croient le culte lgal aboli etdissip comme une ombre aprs le lever du soleil de justice? Si c'est enpartie, c'est moiti par consquent qu'ils seront chrtiens, choseincompatible avec notre fo i religieuse ; si c'est en entier, comments'efforcent-ils de maintenir l'usage particulier des azymes? Cela ne cadreni avec la nature des choses ni avec la logique. Si une chose est cre envue d'une autre, quand celle-ci disparat et prend fin, l'autre aussincessairement disparat et prend fin : tel est le rapport entre la Loi etl'usage des azymes. Il faut leur poser la question encore autrement : quidonc selon eux convient-il d'avoir la supriorit et d'tre le tout? Par58. Le sage est Aristote, Phys., I, 2 (185a 10); les auteurs ecclsiastiques aimentcette sentence : J. Darrouzs, Documents indits d'ecclsiologie byzantine, p. 138e (etn. 1); Idem, pisloliers byzantins du xe sicle, p. 20514.59. Le dbut du paragraphe relve du style parl, et la construction est un peulche.

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    TROIS DOCUMENTS DE LA CONTROVERSE GRCO-ARMNIENNE 129 . 420 , , .29. , 425 , * , , 429 . ,15 9 ' ' , '. | , . " , , < > 435 . ; ' . -440 * , . , .445 30. ; , , ; ' , , ' * , 450 ; . , , . . 455 ;

    426-427 , : , 434 : (?) 439 454 : 425-6 Matthieu 26 , 28430 Cf. Romains 10, 2443-4 Galates 5, 2

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    130 J. DARROUZSforce, ils diront donc la vrit : que c'est la loi. Par consquent, si ce quiest considr comme ayant la supriorit, c'est--dire l'ancienne Loi,n'existe plus maintenant, o y aura-t-il place pour la partie? C'est dans letout que les parties coexistent, avec lui qu'elles s'assemblent et sedispersent. Puisque donc la loi du culte ancien est abolie et a cess, il estncessaire videmment que soit aboli en mme temps l'usage des azymes,comme l'a dmontr la droite raison, de telle sorte que ceux quiconservent l'usage des azymes agissent de manire indigne et draisonnablement, t, s'ils ne cessent pas, ils seront chasss de la sainte glisecatholique de Dieu et ils seront rangs justement avec les hrtiques.31. Voil, pasteurs, frres et fils ainsi nous convient-il en effet dercapituler le discours en commun l'intention de votre vertu nousvous avons crit d'une me aimante et avec une affection paternelle, nonpas contretemps, mais fort opportunment, songeant votre bien, selonle prcepte de l'Aptre. De votre ct, accueillant en vous-mmes le zledivin de la connaissance, rflchissez avec soin. Persuads de la puissancede vrit du dogme religieux dfini par le saint quatrime concile, commede bons pasteurs des bre