le vin grandeur nature

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Le vin grandeur nature Pour la première fois, « Libération » part à la rencontre de vignerons talentueux, indépendants, amoureux de leurs terres. Et propose, en partenariat avec « La Revue du vin de France », une sélection d’une centaine de bouteilles. SUPPLéMENT à « LIBéRATION » N O 9434 DU 12 SEPTEMBRE 2011. NE PEUT êTRE VENDU SéPARéMENT. Nouvelles tendances

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Pour la première fois, Libération part à la rencontre de vignerons talentueux, indépendants, amoureux de leurs terres. Et propose, en partenariat avec "La revue du vin de France", une sélection d'une centaines de bouteilles. Un supplément exceptionnel de 48 pages, disponible avec le Libération du 12 septembre 2011.

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Le vingrandeur nature Pour la première fois,

« Libération» part à la rencontre de vigneronstalentueux, indépendants,amoureux de leurs terres. Et propose, en partenariatavec « La Revue du vin de France», une sélection d’une centaine de bouteilles.

Supplément à « libération » no9434 du 12 Septembre 2011. ne peut être vendu Séparément.

Nouvelles tendances

Sommaire

ÉDITORIALPar NICOLAS DEMORAND

Cépages de gauche Parlons de vin, donc de culture et depolitique. Trois cépages qui, assemblés, font en réalité un grand cru que la France arécemment appris à apprécier d’un œil neuf.L’année 2004 fut à ce titre un millésimecrucial, quand le film Mondovino deJonathan Nossiter, présenté au Festival de Cannes, dévoila au grand public le puissant mouvement d’uniformisation etd’américanisation des vins. Le phénomènes’incarnait en une seule et même figure :Robert Parker, critique tellement puissantque des vignerons avaient fini par produiredes vins taillés sur mesure pour luicomplaire et décrocher de bonnes notesdans ses guides, leurs bouteilles atteignantdu coup des prix stratosphériques sur le marché mondial. Les bordeaux étaient les plus touchés : d’un rouge profond,extrêmement charpentés et lourds, ilsressemblaient tous à une marmelade defruits rouges aromatisée au bois de chêne. La « parkérisation » des vins triomphait en écrasant l’histoire, les terroirs, les savoir-faire anciens, et devenait un exempleparticulièrement inquiétant des méfaits de la mondialisation. D’où, en retour, une prisede conscience de la fragilité de cet objetculturel qu’est, au même titre qu’un livre ouun film, une bouteille de vin. C’est aussi cette histoire que raconte notre supplément,conçu en commun par Libération et LaRevue du vin de France : celle d’hommes et de femmes qui se battent pour prouverqu’un autre vignoble est possible. Plusauthentique, plus naturel, plus personnel.Travaillé par de sérieux passionnés, de joyeux acharnés, de fiers enfants d’unehistoire et d’une géographie dont le vin offrel’image la plus sensuelle. Leur combat entre en résonance avec celui d’une nouvellegénération de restaurateurs, eux aussi à larecherche d’une authenticité non paspatrimoniale, muséifiée, folklorisée, maisvivante et projetée vers l’avenir. Quant auxconsommateurs, des Italiens du « slowfood » aux « locavores » américains oudanois, en passant par tous ceux qui, cheznous, fréquentent les cavistes comme les salons à la recherche de bonnesrencontres, ils finissent par constituer une famille dont l’étendue dépasse de loin le cercle des alternatifs, des bobos ou desbranchés. Chacun, dans le vignoble, vote comme il veut. Et les appartenancespolitiques des vignerons sont aussicomplexes et imbriquées que les micro-parcelles bourguignonnes. Mais une choseest certaine. Comme le note le mêmeJonathan Nossiter dans Le Goût et le Pouvoir(Grasset), l’idée de terroir connaîtaujourd’hui une mutation accélérée, et unbasculement de la droite vers la gauche. Le capitalisme mondialisé est passé par là. Ala recherche des plus vastes marchés possibleset d’une standardisation généralisée de laproduction, il en est venu à considérer lesspécificités culturelles, viticoles, agricoles,comme autant de freins à son déploiement.Ce supplément vins défend d’autresvaleurs et vous invite à vivre ensemble,entre amis, autour d’une bonne table etd’une bonne bouteille. Tout simplement.

04 La nouvelle donne des vins de France les grands équilibres du vin ont changé. la prééminence du Bordelais n’a plus lieud’être, alors qu’émergent des vignerons, jeunes et moins jeunes, travaillant « nature ».

08 Les quatre chemins qui mènent au biocomment s’y retrouver entre les différentes, et subtiles, catégories de ceux qui travaillent autrement ? et aussi : zoom sur les pesticides, dont l’emploi diminue.

12 Faites sauter le bouchon ! une recension de rendez-vous dans toute la France à l’occasion des foires aux vins,ainsi que notre sélection de cavistes, restaurants, sites web et livres consacrés au vin.

16 Languedoc, Roussillon, Provence & Corse chez olivier decelle, l’ex-industriel ; chez antoine arena, nicolas mariotti-Bindi, etmuriel guidicelli, les apôtres du minéral ; chez dupéré-Barrera, les novices talentueux.

24 Beaujolais, Bourgogne & Rhône chez mathieu lapierre, le fils de son célèbre père ; chez dominique laurent, le géantqui repère les meilleures parcelles ; chez michel chapoutier, qui a su bâtir un empire.

30 Bordeaux & Sud-Ouestchez Patrice lescarret, qui n’a pas la langue dans sa poche ; chez Xavier Planty, poursa douce révolution; chez alfred Tesseron, qui ose le cheval au bord de la gironde.

36 Champagne & Alsacechez Jean-Baptiste lécaillon, le maître des bulles ; chez les Humbrecht, qui restentdans la bonne pente ; chez les Bedel, mère et fils, qui ont réussi à magnifier le destin.

42 Loirechez les frères charly et nady Foucault, aussi ombrageux et moustachus que doués ;chez Philippe gilbert, l’ex-dramaturge qui a longtemps fui son héritage vigneron.

www.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03

Tél. : 01 42 76 17 89Edité par la SARL Libération

SARL au capital de 8 726 182 €RCS Paris : 382.028.199

Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991Co-gérants :

Nicolas Demorand et Philippe NicolasDirecteur de la publication et de la rédaction :

Nicolas DemorandDirecteur délégué de la rédaction :

Vincent GiretResponsables du supplément :

Françoise-Marie Santucci & Fabrice TasselRédaction : Didier Arnaud, Luc Dubanchet,

Jacky Durand, Tiphaine Lévy-Frébault,Catherine Mallaval, Grégory Schneider

et, pour La Revue du vin de France, Denis Saverot (directeur de la rédaction),

Jérôme Baudouin et Sylvie AugereauDirection artistique : sheenoEdition : Isabelle WesolowskiPhotographies : Luc ManagoRédacteur en chef technique :

Christophe BoulardFabrication :

Graciela Rodriguez et Daniel VoisembertImpression :

POP Membre de l’OJD-Diffusion Contrôle.CPPP : C80064. ISSN 0335-1793.

Réalisé en partenariat avec la Revue du vin de FranceRetrouvez notre supplément sur

PHoTo de une Par luc manago.

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Depuis les années 70, la géographie du vignoble français s’est profondémentmodifiée. Le Bordelais voit sa suprématie battue en brèche, tandisqu’émergent de nouveaux vins, axés sur le terroir et le respect de la nature.

La nouvelledonne des vinsde France

C ’est un monde que les plus de quarante ans nepeuvent pas reconnaître,tant les bouleversementsont été nombreux dans lesus et coutumes du vignoblefrançais, et sa géographie. Il

y a trente-cinq ans, le vin était encore un aliment quotidien, parfois de piètre qualité,et acheté à la tireuse chez le caviste ou le vigneron pour des prix dérisoires. Il estaujourd’hui un produit culturel et identitaire,assimilé dans certains cas à l’univers du luxe.

La flambée des prix des grandes étiquettes,les débats sur la standardisation du goût,notamment dans les bordeaux, et l’émer-gence des vins « nature » ont modifié l’ap-proche du public. Qui court les foires auxvins, les bons conseils, les soirées dégus-tations et les cavistes de choix. C’est à eux,néo-consommateurs exigeants ou gour-mets de toujours, que ce supplément réa-lisé conjointement par Libération et La Re-vue du vin de France s’adresse. Nos journa-listes ont fait le tour de l’Hexagone à la ren-contre de vignerons hors du commun,amoureux de leur terroir. Qui tous, une foispassé le côté bourru qu’ils partagent sou-vent, ont d’incroyables histoires à raconterau moment de faire visiter leurs vignes, etde déboucher une belle bouteille.Mais revenons aux événements qui ontprofondément remanié le paysage

Par DENIS SAVEROT ET FRANÇOISE-MARIE SANTUCCIPhotos LUC MANAGO

Ci-dessus, le clocher de Sauternes.

DÉCRYPTAGE

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Nespresso invente l’Édition Limitée durable…

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viticole hexagonal, et sa hiérarchie.Le prix des grandes bouteilles, pour com-mencer : c’est une fièvre financière qui s’est propagée aux grands noms de l’Hexagone, notamment dans le Bordelais,depuis 1990. Prenons le prestigieux 1er grand cru classé de Saint-Emilion, Châ-teau Cheval Blanc. Ce vin racé et élégant,distingué par sa proportion importante decabernet franc, valait 120 francs (18 €) labouteille en primeur en 1993 (prix profes-sionnel). Puis 130 euros la bouteille en 2001(le château avait, entre-temps, été rachetépar les hommes d’affaires Bernard Arnault et Albert Frère). Puis 400 euros en 2005,800 euros en 2010. Soit un prix multipliépar 44 en seize ans. Au total, une hausse de4 300 % depuis 1993… Stratosphérique !

VINS BODYBUILDÉS Face à cette inflationconsidérable, les amateurs se sont quelquepeu détournés des bords de la Gironde, aupoint, pour certains, de cultiver un véritabledésamour du Bordeaux. Il n’est pas rare derencontrer des cavistes qui se font une gloirede ne plus en vendre (le Verre Volé ou laCave des Papilles à Paris, par exemple). Et le« cas » Bordeaux s’alourdit encore d’unepolémique autour de la standardisation dugoût. C’est l’Américain Jonathan Nossiter,le réalisateur du documentaire Mondovino,qui avait lancé le débat : selon lui, soucieuxde plaire à la critique internationale,notamment au « gourou » américainRobert Parker, les propriétaires bordelais sesont mis à produire des vins toujours pluspuissants, plus expressifs, « bodybuildés ».

Tarifs arrogants, nivellement gustatif :autant de déceptions qui poussent lesconsommateurs à s’aventurer vers d’au-tres horizons, à l’affût de sensations nou-velles, de débats stylistiques, de décou-vertes. La Bourgogne, par exemple, resteune terre de discussion et de confronta-tion. De la Côte de Nuits à la Côte chalon-naise, partisans et détracteurs des diffé-rentes techniques de vinification argu-mentent tout au long de l’année. Et lestyle de leurs vins affiche une réelle diver-sité : il y a un monde entre le gevrey-chambertin du domaine Dujac, issu de

vendanges entières, un vin à la couleurpeu soutenue mais « tenu » par une su-perbe colonne vertébrale végétale, et ceuxdu domaine Denis Mortet, sombres, opu-lents et toastés, marqués par un élevageen bois neuf – des différences qui n’exis-tent plus à Bordeaux...

PRODUCTION « NATURE » Ainsi la com-plexité du vin explose partout en France,avec panache, vie et accidents compris(c’est le prix à payer quand on cherche àéviter l’industrialisation du vin), et soute-nue par l’engouement des amateurs pourles cuvées bio, biodynamiques, « nature »,avec ou sans soufre (pour s’y retrouver

dans cette authentique jungle, lire nosexplications page 8). Ce désir de vins plus« propres » est nourrie par la préoccupa-tion croissante du public pour les ques-tions de bien-être. L’influence despesticides et des agents chimiques de toutes sortes sur la santé de l’homme,notamment le développement des cancers,n’est plus un sujet tabou. Et dans cedomaine, la vigne se retrouve en premièreligne, puisqu’elle absorbe 15 % des pesti-cides épandus sur les sols agricoles(76 000 tonnes au total en 2008) alors quela viticulture ne représente que 2 % dutotal des surfaces cultivées… Et si l’Unioneuropéenne ne cesse de réduire le nombrede produits phytosanitaires autorisés (de700, ils sont passés à 300 en 2008), iln’empêche : nombre de viticulteursparesseux (ou étranglés par les dettes)n’en utilisent encore que trop, comme s’ils’agissait de remèdes miracles à la faiblenocivité. Sauf qu’on est loin d’inoffensifssirops ou de poudres de perlimpinpin !

QUESTION D’ÉTIQUETTES Il faut dire quel’autre option, le travail « nature »,demande des muscles, de la sueur, etmieux encore : une dévotion presquetotale, et souvent high-tech, à ses terres.Nombre de vignerons « nature » sont eneffet des experts en œnologie et non deshurluberlus hurlant à la lune, et beaucoupdisposent de chais flambants neufs. Celadit, comment, chez un bon caviste, repé-rer un vin « bio » ou « nature » ? Unindice : parfois, surtout quand le domaineest jeune, les étiquettes sont drôles, privi-légiant les dessins et les jeux de mots pourles noms de cuvées (ou alors la bouteillesera, au contraire, d’une épure très élé-gante). Là aussi, il s’agit de se démarquerdu château bordelais « de papa » avecdesign rétro. Mais il peut y avoir, commepartout, de mauvaises surprises dans lagalaxie « bio » : si certains travaillent pro-prement sans le mentionner sur la bouteille,d’autres mettent leur label en avant touten élaborant, de manière quasi-industrielle,de mauvais vins trop dosés en chai, trop« verts » en bouche, trop âpres.

CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE Mais le mou-vement vers les vins bios paraît néanmoinsprofond, puissant, inexorable. La haussedes prix des grands domaines, ajoutée àl’uniformisation des goûts et à l’émer-gence d’une conscience écologique etpolitique (au sens large), redessinent lacarte des vins de France. Dont les régionsen pointe, la Loire, le Languedoc, le Jura,ne sont pas les plus emblématiques de la« tradition pinard ». C’est dans ces coins-là, où les terres sont moins chères et oùs’installent de jeunes idéalistes, que sonttentées les expériences les plus

concluantes. Des vigneronscomme les frères Foucault à Saumur, Olivier Jullien en Languedoc, AntoineArena en Corse, Guy Bossard en Muscadet ouencore Yvonne Hégoburu à

Jurançon animent de véritables commu-nautés d’inconditionnels. Car les aventuresbiodynamistes et les vins « nature » fasci-nent les esprits comme les papilles. Ce sontces régions et ces méthodes-là que le public,à la recherche de vins issus d’une viticultureplus respectueuse de l’environnement, plébiscite aujourd’hui. Et avec fougue. Voilà notre sélection de vignerons et vigneronnes (pour laquelle nous avons par-couru la France), que nous vous invitons àdécouvrir. Ces artisans usent de méthodesparfois ancestrales, mais regardent droitdevant. Bienvenue chez eux, dans l’art deleur amour pour la terre et toutes les cou-leurs de leurs divines bouteilles.

« C’est un tsunami financier qui a submergéles grands noms de l’Hexagone, notammentdans le Bordelais, depuis 1990. »

Les cuves d’assemblage du domaine Michel Chapoutier.

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Pour que le soleil puisse mieuxatteindre les grappes, on pratiquel’effeuillage.

enquête

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En Alsace, en Corse ou dans la Loire, nombre de vignerons travaillent plus proprement pourpréserver la richesse de leurs terroirs. Des« bio » aux « biodynamiques », des « nature » aux « inclassables » : à chacun sa méthode.

Les quatrechemins quimènent au bio

Paris, 9 septembre 2010, 21 heures. A l’étage du Sombath, le plus tendancedes restaurants thaï du VIIIe

arrondissement de Paris,Bérénice Lurton, la proprié-taire de Climens, château

star de l’élégance à Barsac Sauternes, se lèvede table pour s’adresser à ses invités, unetrentaine de journalistes du vin. Sur un tonsolennel, la frêle châtelaine annonce : « Il se passe une révolution à Climens, notre vignoble est en conversion vers la culturebiodynamique depuis deux ans ! ».Et Bordeaux n’est pas la seule région touchéepar le phénomène. De telles annonces sepropagent aujourd’hui de l’Alsace à la Corse.Dans un marché du vin plutôt atone, lescuvées dites « bio » affichent des ventes enprogression. Après avoir beaucoup tardé, laviticulture de qualité se laisse séduire parune approche plus écologique du travail dessols et des vinifications. Reste à tenter decomprendre pourquoi. Citons d’abord lesdoutes sur la santé de l’homme. Lorsqu’onexplique au consommateur que la viticultureabsorbe extrêmement bien les pesticides(lire page suivante), il tousse. Et quand cemême consommateur apprend que ces pes-ticides sont associés par les scientifiques àdes risques de maladies graves et qu’on lesretrouve parfois, malgré la fermentation,dans le vin, il s’enrhume. Les préoccupa-tions économiques comptent aussi. Plusdemandés, les vins « bio » se vendent deplus en plus cher, ce qui est juste pour le vigneron car ce dernier, sans l’assistancedes traitements chimiques, doit consacrerplus de temps à sa vigne. Et la planète ?Bizarrement, sa préservation semble peucompter dans les préoccupations des férusde « bio »... A vrai dire, dans l’émergencede ce phénomène « nature », il y a, peut-être surtout, une envie de vrai vin. Prenez le guide vert des meilleurs vins deFrance, édité par La Revue du Vin de France :derrière chaque domaine doublement ou

soufre et le cuivre. Les seuls traitements permis sont des produits de contact, lessi-vables par la pluie, qui ne pénètrent pas dansla plante (pas de produits systémiques). Cesvignerons veulent aussi réduire au maxi-mum les doses de soufre dans la vigne lorsdes vinifications et de la mise en bouteille.La viticulture biologique (culture de lavigne) est régie par un cahier des chargeseuropéen. Mais la définition biologique dutravail en cave est toujours discutée. Le vin« bio » n’a donc pas d’existence légale,seuls les raisins issus de l’agriculture biolo-gique sont reconnus. Et le fameux sésame,le logo AB (Agriculture biologique) n’est« décerné » qu’à la quatrième vendange quisuit l’engagement en culture biologique(mais tous les domaines certifiés ne l’impri-ment pas sur leurs étiquettes). En cas d’accroc à la règle, par exemple un traite-ment par pesticides après une séquence plu-vieuse, le vigneron retourne à la case départ. En France, cinq organismes certificateursagréés par l’État (Ecocert, Qualité France,Agrocert, Certipaq, SGS) contrôlent les vig-nerons par des analyses de sols, de feuilles etde factures des produits utilisés.

2/ L’ÉLITE BIODYNAMISTE Un vigneron biodynamique est d’abord, àcoup sûr, un vigneron qui a la certificationen agriculture biologique. Peu nombreuxmais animés par une conviction forte, lesbiodynamistes vont plus loin que le label ABet s’efforcent de redonner à la plante et au solun équilibre, une résistance et une vitalitédéréglés selon eux par les traitements chimi-ques et répétés des sols et des végétaux. Pourcela, ils « dynamisent » la plante et sonenvironnement (terre et air) en projetant àtrès petites doses des préparations issues deproduits naturels (bouses de vache, cornes,silice, décoctions de plantes) et assembléesselon des méthodes complexes. Parce queces substances sont administrées à la planteen fonction du cycle des astres, les vigneronsbiodynamistes sont régulièrement accuséspar leurs adversaires d’ésotérisme… Les biodynamistes revendiquent plutôt unbon sens ancestral, évoquent l’influenceconnue de la lune sur les marées et les hom-mes, une volonté de réduire les doses desoufre et de cuivre, un progrès gustatif etaussi une philosophie de vie. Du côté de lacertification, deux associations, Demeter etBiodyvin, contrôlent les domaines candidatset décernent le label biodynamique sur labase d’un cahier des charges drastique.Biodyvin compte 70 vignerons adhérents,Demeter réunit près de 200 domaines(actuellement, seuls 270 sont certifiés

triplement étoilé se cache souvent une culture biologique. En Côte-d’Or, l’approche« bio » gagne du terrain, représentant 10%des surfaces de la vigne, soit plus du doublede la moyenne nationale (4,6 %en 2009) ! EnBourgogne, de grands vignerons dénoncentdepuis longtemps la mort des sols à coups de traitements chimiques : « Le “ bio ” mesemble inséparable de la production de vins deterroir », a reconnu Aubert de Villaine, co -gérant du domaine de la Romanée-Conti.En France, les organisations et syndicatsprofessionnels (Fédération nationale inter-professionnelle des vins de l’agriculture biologique, Fnivab ; Fédération nationale del’agriculture biologique, Fnab) n’ont pasréussi à élaborer une charte commune de lavinification biologique. Et au niveau euro-péen, des divergences demeurent, notam-ment sur le taux maximal de soufre autorisé.Si bien que le vin biologique n’a pas d’existence officielle. Sont labellisés « lesvins produits avec des raisins issus de l’agri-culture biologique ».Reste pour le lecteur non initié à tenter dedécrypter ce que contient cette galaxie« bio ». Quelles méthodes, quelles croyan-ces, quels gestes se cachent derrière le mot« bio » ? En réalité on peut répartir ses partisans au sein de quatre familles de vignerons : les biologiques, les biodynamis-tes, les « nature » et les « sans-papiers »,c’est-à-dire ceux qui travaillent selon despréceptes « bio » mais sans le revendiqueradministrativement. Attention toutefois :ces famil les ne sont pas exclusives les unesdes autres. Ainsi, un vigneron aujourd’huibiodynamiste est forcément passé un jourpar la case « biologique ». De même, unvigneron qui se déclare « nature » peut aussiêtre un adepte de la biodynamie.

1/ LES PURS BIOLOGIQUES Les vignerons biologiques se définissent, ausens large, comme « respectueux des grandséquilibres naturels ». Ils représentent la plusgrande famille de la galaxie « bio ». Les« biologiques » renoncent aux pesticides,herbicides et produits de synthèse, et n’uti-lisent pour protéger la vigne que des élé-ments présents dans la nature comme le

Par SYLVIE AUGEREAUPhotos LUC MANAGO

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UNE ALCHIMIESANS CHIMIE ?

en France). Innovation récente, Demetervient de définir un cahier des charges pourla vinification : la mention « Vin Demeter »s’appliquera dès le millésime 2009 sur des cuvées qui n’ont été ni levurées, ni acidifiées, ni flash-pasteurisées. Et Biodyvindevrait bientôt se rallier aux critères établispar Demeter.

3/ LES AVANT-GARDISTES « NATURE » Cette famille de vignerons est hostile à touttraitement chimique des sols (herbicides,fongicides, pesticides) et à toute adjonction de produits exogènes dans le vin lors de lavinification, de l’élevage et de la mise enbouteille. A la différence des biologiques etdes biodynamistes, ils sont en particulieropposés à l’usage du soufre (SO2) en cave,lors des vinifications. C’est un fait : le soufrepeut entraver l’expression du raisin à ladégustation. Et tous les producteurs rêventde retrouver dans la bouteille l’éclat du fruit,la pureté, la transparence d’un vin goûté

avant la mise, sur fût, à la pipette. Seulementvoilà, même aujourd’hui, malgré les progrèsde la technique et de l’hygiène, il reste trèsdifficile de se passer du soufre. Cet élémentpossède en effet des qualités radicales : non contents d’être antibactériens etantioxydants, les sulfites sont aussi de très bons conservateurs. A une époque où l’on demande aux tomatesde rebondir, bien des revendeurs et des con-sommateurs exigent d’une bouteille qu’ellesupporte les stations couchées dans les coffres de voiture ou bien qu’elle vieillisseharmonieusement deux ans dans un placardà la maison, dans une atmosphère surchauf-fée. Ce qui, sans adjonction de soufre lorsdes vinifications et à la mise, est presqueimpossible : dépourvu de soufre, le vindevient l’équivalent d’un produit frais, quidoit être conservé à moins de 14°C pour éviter les déviations aromatiques ou lesreprises de fermentation. Pour cette raison, beaucoup de vignerons« nature » refusent de vendre ou d’expédierleurs vins en été. Ces vins doivent être

dégustés avec précaution. La brutale expo-sition à l’air après l’enfermement dans le flacon peut les altérer : mieux vaut leslaisser reprendre leur respiration. La carafeest de rigueur pour ces vins dits« vivants » : elle laissera s’échapper le gazcarbonique (reste naturel de la fermenta-tion) que certains vignerons préservent pourse passer du SO2 antioxydant.

4/ LES SYMPATHISANTS « SANS-PAPIERS »C’est l’un des paradoxes – et non des moin-dres – de la galaxie « bio » française. De trèsnombreux vignerons, parfois des figuresemblématiques du mouvement « écolo »,travaillent selon les critères biologiques maisconfessent ne pas être certifiés. Mieux, ilsassurent ne pas avoir envie de l’être. Quelssont les motifs d’un tel comportement ? Il en existe au moins trois. Certains restentallergiques à la paperasse administrative etrechignent devant les formalités, les contrô-les et le temps nécessaires à la certification

« bio », et préfèrent s’enremettre à leur propre cahierdes charges. D’autres veu-lent rester libres de traiterponctuellement, à l’aide deproduits chimiques moder-

nes, une attaque de mildiou ou d’oïdiumdans leurs vignes qui menacerait leur récolte(or le processus de certification en agricul-ture biologique ou biodynamique interdittout recours aux traitements chimiques.Même après deux années en phase de certi-fication, un vigneron qui traite chimique-ment sa vigne perdra le bénéfice de sonengagement et devra tout recommencer àzéro). De ce flou est issu un quatrième groupede producteurs, les « sans-papiers ». Ils sontmus par une volonté farouche de ne pasentrer dans le système, et souhaitent garderleur indépendance. Il est vrai qu’un coup detampon officiel ne suffit pas toujours à cons-truire une réputation de « bio ». A l’inverse,de prestigieux domaines non certifiés sontreconnus « bio » par leurs pairs. Commequoi, l’honnêteté et l’engagement peuventencore remplacer le formalisme administra-tif. Ces vignerons panachent le plus souventdes méthodes de travail copiées au fil des rencontres et des expérimentations chezles « biologiques », les « biodynamistes » et les « nature ».

La France est le premier consommateur de pesticides enEurope. Et les vignes les absorbent comme un buvard, mêmesi la situation change vite grâce à l’expansion de la viticulturebio et la prise de conscience des consommateurs.

« Sans soufre, un vin est comme un produitfrais qui doit être conservé à moins de 14°Cafin d’éviter les déviations aromatiques. »

Travail en chai.

Première consommatrice de pesticides en France, laviticulture est montrée du doigtdepuis des années. Pourtant leschoses évoluent rapidement. Laviticulture française fait face à unétrange dilemme. Il lui faut d’un côté,assurer sa renommée de patrie desgrands vins, cultivés sur des terroirsexceptionnels et vendus descentaines d’euros la bouteille à travers le monde, et, de l’autre,faire face à une réalité moinsglorieuse : la consommation effrénéede produits phytosanitaires, quituent la microbiologie des sols etréduisent à néant cette « expressionde terroir » chère aux appellationsd’origine contrôlée.

L’UTILISATION DE LA CHIMIEAvec 76 000 tonnes répandues sur son sol en 2008, la France est le premier consommateur de pesticides en Europe. Et laviticulture est le secteur le plus« gourmand » du secteur agricole : si les vignes ne couvrent que 2 % dessurfaces cultivées, elles consommentau minimum 15 % des produitsphytosanitaires. Certes, ceux-cipermettent de prévenir les maladiesde la vigne (oïdium, mildiou, etc.).Mais ils servent surtout à abaisser les coûts de production du raisin : le désherbage total par la chimie revient presque trois fois moins cher que le labourage des sols. Ainsi, les pesticides sont le symbole d’uneviticulture intensive et à bas coût,loin des canons esthétiques desterroirs prônés par les AOC. Si les premiers traitements chimiquesapparaissent au XIXe siècle, ce n’est qu’après la Seconde Guerremondiale que leur usage sedéveloppe. A la fin des années 1960,une quarantaine de molécules estemployée. Puis 100 dans les années1990, 130 en 2000. Au fil desréglementations européennes, leurnombre tend cependant à diminuerdepuis 2000. Car les chosesévoluent. Et vite, même. Il suffit de voir les analyses de traces depesticides pour s’en rendre compte.« Depuis�dix�ans,�les�niveaux�sontnettement�plus�bas�qu’auparavant »,constate Stéphanie Ménager, chefdu service chromatographie àl’Institut départemental d’analyse et de conseil (IDAC), un laboratoirepublic qui dépend du Conseilgénéral de Loire-Atlantique et quiexamine des milliers d’échantillonschaque année. Il existe une autreraison, naturelle celle-ci, à la baissedu taux de ces produits chimiques.Contrairement aux fruits et auxlégumes, ingurgités la plupart dutemps crus et dont les produitsphytosanitaires sont directement

assimilés par l’organisme, le raisinsubit une métamorphose. Au coursde la fermentation, la transformationdes sucres en alcool etl’environnement acide du moût vadétruire 90% des pesticides duraisin (d’où leurs taux plus faiblesque dans un fruit mangé cru). Dansle vignoble, les superficies de vignesconduites en agriculture biologiqueont été multipliées par dix entre 1995et 2010, passant de 4 850 ha à 50 260 ha. Même dans des régionsréputées difficiles, comme leBordelais, les choses évoluent. Descrus classés comme Pontet-Canet à Pauillac, Fonroque et Grand-Corbin Despagne se sont converti à la biodynamie. « Pour�Sauternes,d’ici�l’année�prochaine,�10%�del’appellation�devrait�passer�en�bio�»,rappelle Xavier Planty,copropriétaire de château Guiraud,le seul premier cru classé deBordeaux certifié AB. Mais là où leschoses ont bougé de manière plusspectaculaire encore, c’est chez lesnégociants et les grossesentreprises. Sur une étiquette, la mention AB fait vendre. Et les marques à grande diffusion,comme le négociant GérardBertrand ou la cave coopérativeCellier des Dauphins, n’hésitent plusà sortir des cuvées bio produites engrande quantité : ce qui fait descentaines d’hectares à cultiver ainsi.

UNE EVOLUTION POSITIVE « Sion�laissait�la�viticulture�biologiqueentre�les�mains�de�micro-entreprises,cela�voudrait�dire�que�personnen’aurait�les�capacités�financières�de�faire�de�la�recherche�sur�le�bio,qui�resterait�à�un�stade�marginal�»,explique le vigneron et négociantMichel Chapoutier, qui cultivedepuis vingt ans 250 hectares devignes en biodynamie (lire portraitpage 27). « Cela�marque�aussi�unretour�vers�la�notion�d’appellation,car�en�cultivant�ainsi,�on�réactive�la�microbiologie�des�sols�qui�permetune�meilleure�typicité�dans�les�vins,la�fameuse�notion�de�terroir,�et�c’estfondamental�», dit aussi Chapoutier. Ainsi, la filière « bio » pourrait bienredorer l’image d’une viticulturedont l’excellence, et le goût, et lestyle, ont été ternis ces dernièresannées. Cette prise de consciencebio chez les consommateurs aconfronté certaines appellations à une image embarrassante. Dans la Drôme, l’AOC coteaux duTricastin, dont le nom est associé à la centrale nucléaire, a choisi en2010 de devenir l’AOC Grignan-les-Adhémar, et redorer ainsi l’image de vins réputés pour leurs arômesde lavande.

Par JÉRÔME BAUDOUIN

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Harmonies subtiles, arômes intenses et purs,

mémoire millénaire des pierres…L’appellation

Alsace Grand Cru signe 51 terroirs,

en très grand.

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATIONL’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATIONL’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION

Liberation_suppVin_248x330_GC_PDF.indd 1 08/09/11 13:43

aGENda

LE haVRE (76)auchan, le 13 septembre sur invitation.les clients ont le choix parmi unequinzaine de références de seconds vinsde Bordeaux 2009. cc cap, avenue du Bois-au-coq prolongée, 76 620, le Havre, tél. : 02 35 54 71 71.

VaNNEs (56)Leclerc, le 20 septembre à 18 h 30, surinvitation. Dégustations organisées durantla soirée. Zc Parc lann, 56 000 Vannes,tél. : 02 97 46 60 40.

NIORt (79)Leclerc, le 20 septembre à partir de 18 h,sur invitation. 10% de réduction sur tousles « Incroyables leclerc » lors de la soirée.Quatre producteurs présents, ateliersdégustations animés par un sommelier.cc Trente ormeaux, bd mendès-France,79 000 niort, tél. : 05 49 17 80 00.

autOuR dE BORdEauX (33)carrefour market, à Pessac. le 29 septembre à partir de 19 h 30, sur invitation. Dégustations, notamment du château Pape clément, en présence de vignerons. au 2, avenue léon-morin, 33 600 Pessac,tél. : 05 56 36 33 92.

LEs fOIREs auX VINs daNs LEs hyPERmaRchés

auchan, du 13 septembre au 1er octobre.carrefour, jusqu’au 18 septembre.carrefour market, du 23 septembre au 9 octobre.casino, jusqu’au 17 septembre.cora, jusqu’au 29 octobre.Intermarché, du 14 au 24 septembre.E. Leclerc, du 21 septembre au 10 octobre.monoprix, jusqu’au 18 septembre.système u, du 13 septembre au 1er octobre.Leader Price, jusqu’au 18 septembre.simply market, du 5 au 16 octobre.

LEs fOIREs auX VINs suR LEs sItEs INtERNEt Et daNs LEs ENsEIGNEs sPécIaLIséEs

chateauOnline.com, jusqu’au 2 octobre.Wineandco.com, jusqu’au 3 octobre.

autOuR dE NaNtEs (44)Leclerc, à Rezé. le 13 septembre à 20 h,sur invitation à demander par e-mail([email protected]). la soirée dégustation sera animée par Jean-luc Pouteau, meilleursommelier du monde 1983. cc océane, 10, rond-point de la corbinerie, 44 400 Rézé, tél. : 02 51 11 51 11.

autOuR dE ROuBaIX (59)auchan, à leers. le 16 septembre à partir de 18 h 30, sur invitation, au 03 20 45 41 32 ou par mail([email protected]). Durant cettesoirée, des vignerons commenteront et feront déguster leur production.au 1, avenue de l’Europe, 59 115 leers,tél. : 03 20 45 41 41.

autOuR dE LILLE (59)auchan, à anglos. le 14 septembre à 18 h 30 et le 16 septembre de 17 h à 20 h 30, sur invitation, à demander à l’accueil. Deux soirées de dégustation,avec Jean-Yves Béchet du château Fougas maldoror pour l’inaugurale et seize producteurs pour la seconde.cc les géants, Rn 352, 59 320 Englos,tél. : 03 20 08 40 00.

Nicolas, jusqu’au 4 octobre.1855.com, jusqu’au 30 septembre.Idealwine.com, jusqu’au 26 septembre.XO-vin.fr, jusqu’au 2 octobre.La-contre-etiquette.com,jusqu’au 30 septembre.Le Repaire de Bacchus,jusqu’au 30 septembre.Vinotheque-bordeaux.com, jusqu’au 28 septembre.Lafayette Gourmet, jusqu’au 10 octobre.La Grande Epicerie de Paris,du 14 septembre au 8 octobre.La Vignery, jusqu’au 1er octobre.

LEs sOIRéEs sPécIaLEs « fOIREs auX VINs » daNs tOutE La fRaNcE

autOuR dE tOuRs (37)Leclerc, à la Ville-aux-Dames. les 16 et 19 septembre à 17 h, surinvitation. Dégustations et animations. Zac des Fougerolles, 37 700 la Ville-aux-Dames, tél. : 02 47 32 53 41.

Faites sauter le bouchon !A l’occasion des foires aux vins, une sélection desrendez-vous à ne pas manquer... Et aussi la liste de nos bonnes caves, fines tables et livres enivrants.

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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION.

Brouilly

Chénas

Chiroubles

Côte-de-Brouilly

Fleurie

Juliénas

Morgon

Moulin à Vent

Régnié

Saint-Amour

Beaujolais-Villages

Beaujolais

www.beaujolais.com

Aussi grands que leurs terroirs… mais trop bien élevés pour le dire.

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la winery, à arsac-en-médoc.Du 14 septembre au 9 octobre, la Wineryse démarque avec une offre mettant enavant des vins qui ne sont pas que desbordeaux. Tous les vins du catalogue (100 références) sont proposés à ladégustation les week-ends. au rond-pointdes Vendangeurs, 33 460 arsac-en-médoc, tél. : 05 56 39 71 75.

autour de toulouse (31)auchan, à Toulouse, le 14 septembre, sur invitation, avec des dégustations et des offres très riches en Bordeaux.chemin de gabardie, 31 200 Toulouse, tél. : 05 61 26 73 00.leclerc, à Blagnac. le 14 septembre, sur invitation, une présentation demillésimes anciens. Zac du grand noble, 2, allée Émile-Zola, 31 700 Blagnac, tél. : 05 62 74 74 74.

PerPiGnan (66)leclerc, le 20 septembre à 20 h 30, sur invitation (réservé aux bons clients).Dégustation et cocktail dînatoire réalisépar le chef d’un restaurantgastronomique. Préparation decommandes pour 100 € d’achats, à retirersur place. 2130, avenue du languedoc,66 000 Perpignan, tél. : 04 68 61 58 66.

autour de MontPellier (34)hyper u, à agde, le 30 septembre à 20 h, sur invitation à retirer à l’accueil,avec remise de 10 % en caisse. la sélection met en vedette les vins

« bio » et les crus de la vallée du Rhône.Boulevard maurice-Pacull, 34 300 agde,tél. : 04 67 01 06 80.

salon-de-Provence (13)leclerc, le 20 septembre sur invitation.Dix stands seront animés par les cavistes.un tirage au sort est organisé pour gagnerune cave à vins. Route de Pélissanne, cc les Viougues, 13 300 Salon-de-Provence.

ManosQue (04)auchan, le 16 septembre à partir de 19 h,sur invitation, inscriptions à demander à l’accueil. Dégustations en présence de vignerons locaux. Route de Sisteron,04 100 manosque, tél. : 04 92 72 23 69.

autour de lyon (69)leclerc, à Vienne. le 20 septembre, à 20h30, sur invitation envoyée aux clientsles plus fidèles. Près de 500 personnessont attendues par les élèves de l’écolehôtelière de Vienne. l’inauguration de la foire promet, avec des grands crus à la clé. chemin des lônes, 38 200 Vienne, tél. : 04 74 31 97 05.

autour de diJon (21)leclerc, à Beaune, le 20 septembre à 20 h 45. lors de la soirée inaugurale, un parcours dégustation de quinze à vingtstands sera animé par les élèves du lycéeviticole de la ville. Ils commenteront les vins servis avec des mets régionaux.Zac maladières, rue gustave-Eiffel,21 200 Beaune, tél. : 03 80 22 72 25.

autour de strasbourG (67)super u, à Eschau. le 1er octobre jusqu’à22 h, réservée aux meilleurs clients. 15% de remise à partir de 100 eurosd’achat. au 25, rue du Tramway, 67 114 Eschau, tél. : 03 88 64 91 92.

et aussi : le salon des viGneronsindePendants

a lyon, du 27 au 31 octobre, à la HalleTony garnier. a reims, du 11 au 14 novembre, au Parc des Expositions. a lille, du 18 au 21 novembre, au grandPalais. a Paris, du 24 au 28 novembre,porte de Versailles.

où s’initier à la déGustation à Paris

legrand filles et fils, 1, rue de la Banque (2e).Grain noble, 8, rue Boutebrie (5e).ecole du vin de Paris,48, rue Baron le Roy (12e).

notre sélection de cavistes à Paris

lavinia, 3-5 bd de la madeleine (1er).legrand filles et fils, 1, rue de la Banque (2e).versant vins, 39, rue de Bretagne (3e).chapitre 20, 8, rue Saint-Paul (4e). caves augé, 116, bd Haussmann (8e). lafayette Gourmet, bd Haussmann (9e). cave de l’insolite,30, rue de la Folie-méricourt (11e). les domaines qui montent,136, bd Voltaire (11e) et 26, bd Diderot (12e). la cave des papilles, 35, rue Daguerre (14e).Ma cave, 105, rue de Belleville (19e).

notre sélection de restaurantsà Paris

spring, 6, rue Bailleul (1er).les enfants rouges, 9, rue de Beauce (3e). les Papilles, 30, rue gay-lussac (5e). il vino, 13, bd de la Tour-maubourg (7e). senderens, 9, place de la madeleine (8e). vivant, 43, rue des Petites-Ecuries (10e). le verre volé, 67, rue de lancry (10e). le Marsangy, 73, avenue Parmentier (11e). le dauphin, 131, avenue Parmentier (11e).le bistrot Paul bert, 18, rue Paul-Bert (11e).le Jeu de quilles, 45, rue Boulard (14e). Quedubon, 22, rue Plateau (19e). la boulangerie, 15, rue des Panoyaux (20e).le baratin, 3, rue Jouye-Rouve (20e).

QuelQues restaurants en Province, Par luc dubanchet, de « next »

centre caves 47, 47, avenue de la Tranchée,37 000 Tours.les becs à vin, 262, rue de Bourgogne,45 000 orléans.la cave saint-lubin, rue du Soleil d’or,28 000 chartres.vino vini, 10, place Rabelais, 49 130 les Ponts-de-cé.

Provence vinivore, 32, avenue de la République,06 300 nice.la Part des anges, 33, rue Sainte, 13 001 marseille.le Zinc d’hugo, 22, rue lieutaud, 13 100 aix-en-Provence.chez ariane, 2, rue du Docteur-Fanton,13 200 arles.

rhone / beauJolais / bourGoGnele Georges v, 32, rue du Bœuf, 69 005 lyon.la cachette, 16, rue des cévennes,26 000 Valence.le 126, 126, rue Sèze, 69 006 lyon.le carré d’alethius, 4, rue Paul-Bertois,07 800 charmes-sur-Rhône.le comptoir des tontons, 22, rue du faubourg madeleine, 21 200 Beaune.le carafé, 15, rue Saint-nizier, 71 000 mâcon.

alsace / chaMPaGnele bistro des saveurs, 5, rue de Sélestat,67 210 obernai.la casserole, 24, rue Juifs, 67 000 Strasbourg.aux crieurs de vin, 4-6, place Jean-Jaurès, 10 000 Troyes.les caves du forum, 10, rue courmeaux,51 100 Reims.

bordeaux / sud ouestla cape, 9, allée morlette, 33 150 cenon.les vignes en foule, 80, place de la libération, 81 600 gaillac.les Papilles insolites, 5, rue alexander-Taylor, 64 000 Pau.le bobar, 8, place Saint-Pierre, 33 000Bordeaux.

sur le web de libération

Retrouvez l’intégralité de notre supplément le Vin grandeur nature sur www.liberation.fr.Avec, en bonus : un diaporama des régionsvisitées par le photographe Luc Manago ; laliste exhaustive des rendez-vous organisésen France à l’occasion des foires aux vins ;les conseils de quelques personnalités ; etenfin, pour s’y retrouver dans le vocabulairequi décrit le travail de la vigne et du chai, undictionnaire très complet des mots du vin.

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Nom du vin Appellation Bouteille HTLe Pavillon Ermitage 153 eL’Ermite Ermitage 180 eLe Méal Ermitage 108 eLes Greffieux Ermitage 90 eLa Mordorée Côte-Rôtie 90 eLes Granits Saint-Joseph 27 eLes Varonniers Crozes-Ermitage 26 eBarbe Rac Châteauneuf-du-Pape 54 eCroix de Bois Châteauneuf-du-Pape 45 eV.i.t. (Visitare interiore terrae) Côtes du Roussillon villages 31 e

La Pleiade Australie 45 e

L’Ermite Ermitage 234 eDe l’Orée Ermitage 90 eLe Méal Ermitage 90 eLes Granits Saint-Joseph 31 eVin de Paille Hermitage (37,5 cl) 72 e

La Collection - 12 Sélections Parcellaires M. ChapoutierVins rouges : Le Pavillon - L’Ermite - Le Méal Les Greffieux - La Mordorée - Les Granits Les Varonniers - Barbe Rac - Croix de bois - V.i.t. Vins blancs : De l’Orée - Le Méal

Caisse HT984 e

Caisse panachée

12 bouteilles

Nom du vin Appellation Bouteille HT

Carton 6 blles HT

Les Bécasses Côte-Rôtie 27 e 162 eMonierde la Sizeranne Hermitage 34,50 e 207 e

Les Meysonniers Crozes-Hermitage 8,50 e 51 eDeschants Saint-Joseph 11 e 66 eLes Arènes Cornas 20 e 120 eLa Bernardine Châteauneuf-du-Pape 16,50 e 99 eGigondas Gigondas 11 e 66 eDomaine de Bila-Haut Occultum Lapidem

Côtes du RoussillonVillages Latour

de France7 e 42 e

Landsborough Valley

Domaine Tournon (Australie) 9 e 54 e

Shays Flat Vineyard

Domaine Tournon (Australie) 9 e 54 e

Chante-Alouette Hermitage 21 e 126 e

Nom Prénom

Adresse

Code postal Ville

Téléphone E-mail

Prix bouteille HT Prix carton 6 blles HT Quantité Total e HT

PRESSE LIBERATION 122x330 VECTOR-1107.indd 1 11/07/11 11:56

Les ViNs de Bordeaux se dégusteNt aussi à ParisPour la troisième année consécutive, le conseil interprofessionnel du Vin deBordeaux (ciVB) organise quatre « apéros vintage de Bordeaux » à Paris. Leconcept : un lieu branché, des vins à déguster, des professionnels à rencontrer. Lesdates : le 13 septembre au Petit Bain (7, Port de la gare, 75 013), le 27 septembre auparc des Buttes-chaumont (75 019), le 11 octobre au restaurant Le 51 (51, rue deBercy, 75 010), et le 25 octobre au floréal (73, rue du faubourg-du-temple, 75 010).

de NouVeaux guides de La « rVf », miLLésime 2012La Revue du vin de France vient de publier de nouvelles éditions de ses guides des meilleurs vins rédigés par le comité de dégustation de la revue, qui comprendnotamment olivier Poussier, meilleur sommelier au monde en 2000. Le « guidevert » est premier des guides d’auteurs français sur le vin. il livre, pour sa 17e édition,son palmarès des 1 300 meilleurs domaines de l’hexagone et renouvelle sa sélectionde plus de 7 500 vins, notés et commentés. cette année, le « guide rouge » estrebaptisé Guide des meilleurs vins à moins de 20 €. Les lecteurs y trouveront unesélection 100% originale et renouvelée de 1 950 bonnes affaires, agrémentée cetteannée de 17 portraits de jeunes vignerons dont la production s’est distinguée. enfin La Revue du vin de France s’est associée au groupe first pour développer un nouveauguide des vins dans la célèbre collection « Les Nuls ». il s’agit du Guide d’achat des vins 2012 pour les nuls qui s’adresse en priorité aux néophytes, aux amateurs en devenir, aux amoureux du vin souhaitant approfondir leurs connaissances. J. B.

Le Guide des meilleurs vins de France 2012, 25 €.Le Guide des meilleurs vins à moins de 20 €, 2012, 15 €.Guide d’achat des vins 2012 pour les nuls, 14,90 €.

Notre séLectioN de sites iNterNet « Nature »

Les sites marchaNdswww.petitescaves.comwww.vin-bio-naturel.fr

Les sites d’iNformatioN et Les BLogswww.leszinzinsduvin.comwww.vinsnaturels.frwww.lesvinsnaturels.orgwww.fromageetbonvin.comhttp://ptijournalduvin.over-blog.fr/http://www.blog-vinbionaturel.fr/http://levindescousins.over-blog.comhttp://rougeblancbulles.blogspot.comhttp://dumorgondanslesveines.20minutes-blogs.fr

Notre séLectioN de LiVres

France, ton vin est dans le rouge,de christophe Juarez ; François BourinEditeur, 2011.Chez Marcel Lapierre, de Sébastienlapaque ; éditions de la Table Ronde,collection la petite vermillon, 2010.Dans les vignes, chroniques d’unereconversion, de catherine Bernard ;éditions du Rouergue, 2011.Choses bues, de Jacques Dupont ;éditions grasset, 2008.Petit traité de dégustation, de Jacquesnéauport; l’or des fous éditeur, 2010.Les 1001 vins qu’il faut avoir goûtés danssa vie, éditions Flammarion, 2009. Encyclopédie des vins et des alcools,d’alexis lichine ; Robert-laffont, 1999.

Le jeune vigneron Vincent Bedel, lire page 40. PHOTO luc ManagO

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L’ex-nabab devenu vigneron

mas amieL

superficie : 170 hectares.cépages : grenache, syrah et carignan.cuvées : 17 en rouge et blanc(10 vins doux et 7 vins secs).Production : 400 000 bouteilles par an.

Mas Amiel66 460 Maurywww.masamiel.frTél. : 04 68 29 01 02

côtes du RoussiLLon Olivier Decelle a délaisséla direction des produits surgelés Picard pour se consacrer à la vigne de Mas Amiel. Dix ansaprès, il étend son empire biodynamique jusque dans le Bordelais. Mais en cultivateur modeste, il sait composer avec le temps.

Les vignobLes du PouRtouRméditeRRanéen sont LesbeRceaux de La viticuLtuRehexagonaLe, dès 600 ansavant notRe èRe.aujouRd’hui, Les vins duLanguedoc-RoussiLLon, de PRovence et de coRsesont Riches de nombReuxcéPages autochtonescomme Le gRenache, LecaRignan, Le nieLLucciu ouLe veRmentinu. LongtemPsReseRvés à La PRoductionde consommationcouRante, Les vignobLesde cette Région PRoPosentune beLLe vaRiété de vinscomme Le Rosé dePRovence, Le muscat du caP coRse, Le bLanc de PatRimonio, ou encoRe Les vins doux natuReLs de mauRy ou de banyuLs.

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Languedoc, RoussiLLon, PRovence & coRse

A première vue toutéloigne un alimentsurgelé d’un beauvin : la noblesse duproduit, son image,le soin apporté à sacomposition, la dif-ficulté de concep-tion… A la limite un

certain rapport au temps les rapproche, l’unet l’autre pouvant se conserver longtemps etdevant se consommer vite une fois ouvert. Etpuis il y a l’histoire d’un homme qui aurabasculé d’un monde – celui des surgelés –, àl’autre, cette ambition : faire un produit sainet de qualité. Il s’agit d’Olivier Decelle,55 ans, qui, il y a dix ans, a pulvérisé sonancienne vie, celle de PDG du groupe Picard,pour se jeter à corps perdu dans l’aven- ture du vin. Pas seulement pour le vendre,mais pour devenir vigneron, son propre chefde culture, « et�ça�m’a�pris�dix�ans ». Avant,quand il souhaitait quelque chose, dix per-sonnes se précipitaient pour le satisfaire. Dujour au lendemain il a fallu tout faire seul, oupresque. Ecouter, apprendre, se tromper,enrager, se désespérer. Comme souvent dansles « success�stories », il a fallu que le hasardfrappe à la porte de la vie d’Olivier Decelle.

cion. D’autant que l’homme aime les défis.Dès la première vinification il décide queMas Amiel fera aussi des blancs secs, « onm’a�pris�pour�un�fou ».Aujourd’hui de nombreux jeunes vigneronsproduisent d’excellents blancs dans le Languedoc. Mais à l’époque ça raille, et çarigole… lorsqu’Olivier Decelle décide depasser en biodynamie dès sa première vini-fication. Une décision trop brutale. « J’aicommis� une� erreur� fatale,� celle� de� l’enher-bement� intégral�sur�des�vignes�sans�racinesprofondes.�L’herbe�a�pris�toute�l’eau,�sur�uneterre� qui� n’en� a� déjà� pas� beaucoup. » Des vignes ont même frôlé la disparition com-plète. « Je�me�suis�senti�idiot,�comme�quel-

qu’un� qui� ne� sait� pas », sesouvient Olivier Decelle.Grosse remise en question,surtout pour un homme pashabitué aux échecs, qui luifait dire aujourd’hui « qu’untel�changement�de�vie,�je�ne�le

ferai�qu’une�seule�fois ». Pendant cinq ansDecelle et son équipe travaillent d’arrache-pied pour effacer l’erreur initiale. L’optionbio n’est pas abandonnée, loin de là. Lesvignes sont presque entièrement labourées,les produits bannis sauf dans des cas exceptionnels et remplacés par du compost. Dix hectares de jeunes vignes,des plantiers, sont labourés, chaque année,avec l’aide d’un cheval. Ces plantiers

Par FABRICE TASSEL (envoyé spécial)Photos LUC MANAGO

l’addition d’alcool, ndlr]ne�se�vendait�pas�dutout.�Economiquement�l’investissement�n’étaitpas� intelligent. » Pendant un an Decelle sechange souvent à Orly-sud, troquant la cra-vate Hermès et le costume pour une tenuequi passe mieux dans la vallée de l’Agly.Puis, en juillet 2000, c’est la démission dugroupe Carrefour, alors propriétaire dePicard. Une nouvelle vie commence.

A L’ECOLE DU MAS AMIEL Et les débuts sontrudes. La marque Mas Amiel est quasimentinconnue du grand public, il faut toutreprendre à la base. En un premier tempsOlivier Decelle ne s’estime compétent qu’enmatière commerciale, et laisse les vignes et

la cave à son équipe. C’est parti pour desmois dans le rôle de VRP, à la conquête descavistes, des sommeliers, arpentant lessalons des vins : « Je�servais�moi-même�le�vin,un� jour,� à� la� porte� de� Versailles,� un� grouped’anciennes�relations�professionnelles�m’a�unpeu�chambré…�Mais� je�m’étais�fixé� la�mêmerègle� que� chez� Picard :� faire� goûter� les� pro-duits. » A Maury « l’industriel » suscite aumieux la curiosité, au pire un peu de suspi-

Au milieu des années 90 le groupe Picard– racheté en 1973 par Armand Decelle –, lepère d’Olivier qui en est devenu président en1991, ouvre une vingtaine de magasins paran. En 1997, une société de placements finan-ciers lui propose d’investir dans divers sec-teurs et, tiens, d’acquérir quelques parts devignoble. Afin de prendre conseil, OlivierDecelle rencontre Jacques Boissenot, un desplus grands et le plus discret des œnologuesdu Bordelais, conseiller, entre autres, deLatour, Lafite, Margaux ou Ducru-Beau-caillou. Sur l’indication de Boissenot, OlivierDecelle visite le domaine de Mas Amiel, àtrente kilomètres de Perpignan. En quittantles 155 hectares situés dans la vallée de l’Agly,avec au Nord les Corbières et au Sud les Pyré-nées, Olivier Decelle a déjà le coup de foudre.

LEÇON D’HUMILITÉ Mais l’homme estencore avant tout un industriel, qui « n’avaisalors�jamais�pensé�devenir�un�jour�vigneron ».« Je� veux� faire� un� grand� vin », lance-t-il àBoissenot, qui réplique : « Alors�je�ne�peuxrien�pour�vous.�Moi�je�fais�du�vin,�c’est�tout. »Pourtant pas arrogant par nature, Decelleprend quand même une petite leçon d’hu-milité. Le dossier mûrit un peu, et c’est en1999 que le PDG de Picard achète l’ensembledu domaine. « C’était�le�chiffre�d’affaires�d’unmagasin�Picard,�or�j’en�gérais�450,�je�me�suisdit�que�c’était�faisable.�Mais�en�même�temps�le�vin�doux� [la fermentation est arrêtée par

« Le temps passe aussi vite en étant vigneron que PDG, mais je le mesure mieux ici ».Olivier Decelle

Olivier Decelle au Mas Amiel. Dix hectares de jeunes vignes sontlabourés chaque année.

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peuvent ainsi s’enraciner plus profon-dément. Les rendements sont peu élevés,quinze hectolitres par hectare. Depuis2005, Mas Amiel est sorti de l’ornière etvend environ 400 000 bouteilles par an,dont 150 000 de vins doux. Le vin sec,notamment le blanc (grenache blanc etgris, maccabeu), est aussi une belle sur-prise, vif et long sur fond d’arômes de poireet de fleurs.Mais c’est sans doute « son » Jean Faurequ’Olivier Decelle fait déguster avec le plusde fierté. Car loin de s’être arrêté à MasAmiel, c’est dans le Bordelais que l’indus-triel est vraiment devenu vigneron. « D’ail -leurs, si j’avais voulu faire simple je serais toutde suite devenu châtelain bordelais. Mais MasAmiel a été mon école. » Olivier Decelle s’est d’abord posé sur la rive gauche, avec l’achaten 2001 du Haut-Maurac, un petit châteaudu Médoc. La conquête de la rive droitecommence doucement en 2004 à Saint-Michel de Fronsac, avec l’achat du châteauHaut-Ballet. Dans les deux cas la beauté deslieux a joué son rôle. Mais Olivier Decelles’est désormais pris au jeu et guette les bonnes affaires. Par un ami banquier ilapprend que le domaine Jean Faure, négligépar une famille qui se déchire, est à vendre.Decelle se tourne encore vers Jacques Boissenot : « C’est le seul diamant disponiblesur la rive droite », délivre l’oracle. Et pourcause ! Les dix-huit hectares se trouvent àcent mètres de Cheval Blanc et du nouveauchai dessiné par Christian de Portzamparc ;La Dominique est mitoyen ; et Figeac et l’Evangile sont à un battement d’aile. Pre-mier cru de Graves Saint-Emilion pendantune longue partie du XXe siècle, et alors propriété des Loubat (la famille de Petrus),puis Grand Cru Classé dans le classementhistorique des crus de Saint-Emilion de1959, Jean Faure est déclassé en 1986.

CHEF DE CULTURE Lorsqu’il rachète en2004 le domaine, Olivier Decelle doit toutreconstruire : les vignes, les chais, la mai-son. Cela dure deux ans. « Notre vie a alors vraiment changé. » Sa femme, Anne,quitte son poste au marketing d’Yves Rocher pour s’installer à Saint-Emilion. Et Olivier,après avoir longtemps appris, se lance dansle grand bain et devient chef de culture. Certes il est encore conseillé, en particulierpar Stéphane Derenoncourt (1), mais OlivierDecelle devient vigneron à part entière.2007 est la première cuvée qu’il réaliseentièrement seul. « A un moment il faut se débarrasser de ses complexes et ne plusregarder les autres faire. » Comme à MasAmiel, le bio préside à la destinée de JeanFaure, pas de désherbant, des sols labourés,une attention extrême portée à la taille, et le recours aux pesticides en cas d’urgenceseulement. « Si tout va bien 2012 sera notre première année de reconversion en bio, et dans trois ans nous aurons l’étiquette. Mais je n’en ferai pas un porte-drapeau, simplement parce que je ne veux pas que l’affichage bio passe devant le produit, et je le disais il y a dix ans déjà. L’essentiel est que le vin soit bon et pas qu’on dise qu’il est bio. Chez Picard, aussi, on avait desproduits bio sans forcément l’écrire dessus. »Une forme de prudence liée aux codes complexes du Bordelais, et à la franchise dubonhomme. Car désormais Olivier Decelleest bel et bien vigneron, angoissé par uneseule chose : le nombre de vinifications qu’il lui reste à faire, « je n’ai plus le droit d’en louper une ». Le rapport au temps,encore et toujours. « Le temps passe aussi vite en étant vigneron que PDG, mais je lemesure mieux ici. »

(1) Stéphane Derenoncourt est l’un des plusprestigieux consultants au monde. Il travaillenotamment pour le Château Canon-la-Gaffe-lière ou le Château Smith Haut Lafitte.

C’est un pari. En plein cœur de la capitale (1),Emmanuel Dupuis, 41 ans, ancieningénieur chez Dassault, a ouvert depuis mars une cave-librairie qui propose 80%… de blanc et de champagne,et 750 livres sur le vin. Une initiativeunique à Paris.

Pourquoi ce choix de proposer surtout du blanc ?D’abord ma préférence personnelle m’a toujours porté, depuis une petitequinzaine d’années que je m’intéresse au vin, vers le blanc. C’est même étonnant comme cela transforme le goût,j’ai désormais du mal à boire un vin rougetrop puissant. Ensuite j’ai remarqué que les gens connaissent moins bien leblanc, et que souvent le choix est limitéchez les cavistes, une cinquantaine de références en moyenne, contre 400 chez moi.Beaucoup de clients viennent-ilsspécialement choisir un vin blanc ?Non, le plus souvent les clients nerecherchent pas spécifiquement des vins bio, cela reste une démarche rare, mais ils y sont sensibles. Et puis, j’ai peu à peu une clientèle de quartier quiconnaît bien le vin, et qui a suivi le chemin de dégustation bordeaux rouge-bourgogne rouge-blanc.Quelle part représentent les vins bio dans votre offre ?Les trois-quarts environ sont bio ou dans l’esprit bio, même si je n’en ai pas fait un critère de sélection. Mais quand on va vers une approche de qualité et de rigueur, on va très souvent vers le bio, c’est une vraietendance de fond.Conseillez-nous deux ou trois bouteillesque l’on trouve chez vous ?Pourquoi pas du Languedoc. D’abord le limoux 2007 du domaine de Mouscaillode Pierre et Marie-Claire Fort, en 100% chardonnay (16,80 €). Ensuite en appellation Coteaux du Languedoc le domaine Hautes Terres de Camberousse de Paul Reder, et sa cuvéeRoucaillat (17 €) en grenache, rolle et roussanne avec une préférence pour 2007. Enfin, toujours en coteaux du Languedoc le domaine Prieuré Saint-Jean de Bébian et sa cuvée La Chapelle deBébian 2009 (19 €) en grenache, roussanne et clairette.

Propos recueillis par FaBriCe Tassel

(1) Chapitre 20, 8, rue Saint-Paul, 75 004, Paris. tél. : 01 77 15 20 72.

La cave-librairie d’Emmanuel Dupuis

DR

Des nectars au cœur du maquisPATRIMONIO D’Antoine Arena et ses fils jusqu’àNicolas Mariotti-Bindi ou Muriel Giudicelli, desvignerons réinventent l’appellation corse. Aussibien artisans qu’aventuriers, ils livrent des cuvéesd’une pureté folle tout en pensant à l’avenir.

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Une montagne à six som-mets comme autant de mamelons, striée de calcaire blanc, avec,au-delà, le golfe deSaint-Florent et sarécente « Saint-Tropezi-

sation ». Face au voyageur qui descend lesvirages en épingle à cheveux depuis le colde Teghime, la montagne semble nourrirde ses mamelles le vignoble de patrimonio,l’AOC la plus prestigieuse de Corse. Deslignes vert sombre s’étagent entre les mursde pierres sèches, la poussière et l’écra-sante chaleur. Il y a souvent du vent, leLibecciu, qui nettoie la vigne et la préserve

importateurs américains de passage quidécouvrent enfin, les étoiles dans les yeux,un vigneron et un terroir qu’ils sanctifientdepuis des années, à New York ou Chicago.

vIN BéNI C’est un principe : Antoine nemégote jamais sur la dégustation. L’assem-blée de dévots ne demande que ça, se lais-ser enivrer par un tel messie (l’allusionchristique le ferait rire, il est farouchementanticlérical), et la cave devient vite unendroit hors du temps où l’on rêve de pas-ser la nuit. Dans les cuves en inox serréesles unes contre les autres mûrissent douzecuvées et millésimes différents. Il y a desvins blancs exceptionnels (les Hauts deCarco, les Carco, les Grotte di Sole), trèstendus, minéraux, aux arômes de fleursblanches, de miel de printemps, maisaussi des rouges d’une finesse rare encontrée sudiste, et des muscats plus oumoins oxydatifs dont certains joyauxambrés qui vieillissent en barriquesdepuis des années et qu’Antoine couve (et goûte rarement, avec les copains) en petit chimiste ravi de ses expériences – etil y a de quoi.Là-haut, Marie prépare des beignets decourgettes au jus de moules et une daube auriz. On se moque gentiment, avec Jean-Baptiste et Antoine-Marie venus pour

Par FRANçOISE-MARIE SANTUCCI(envoyée spéciale)

des maladies. C’est un terroir exceptionneldisent les connaisseurs – et pas seulementceux du coin, fiers comme des Corses. En fin d’après-midi, sur un coteau forte-ment pentu, les « hauts de Carco », qui adonné son nom à la dernière cuvée en datedu plus fameux vigneron de l’île, AntoineArena, son fils cadet, Antoine-Marie, passele tracteur (sur cette terre de Beauté, lesprénoms composés sont fréquents ; ilsmélangent ceux des parents, grands-parents, enfants, ce qui crée une cacophoniesouvent cocasse). Autour d’Antoine-Mariecourent Cinto et Nielluciu, les deux chiensqui connaissent chacune des parcelles desquatorze hectares du domaine presqueaussi bien qu’un vieux du village. Le filsaîné, Jean-Baptiste (c’était aussi le prénomdu grand-père), revient d’une livraison.C’est lui qui, le lendemain à l’aube, mon-tera sur l’engin. Encore un jour de travaildans les vignes et tout sera prêt pour lesvendanges, fin août. D’ici là, un semblantde relâche. Quoique. Marie, la femmed’Antoine, a l’habitude de se lever à quatreheures du matin. Elle s’occupe de la pape-rasse, de la vente, et tard le soir régaleencore les amis de la maison (ils sont légionà faire un saut l’été, des célèbres cuistotsYves Camdeborde ou Pierre Gagnaire à l’éditeur Gilles Cohen-Solal), ainsi que des

Nicolas Mariotti-Bindi, et l’une des parcelles qu’il cultive. PHOTOS D. MOZIN

DOMAINE ANTOINE ARENA

Superficie : 14 hectares.Cuvées : 4 en rouge, 4 en blanc, 1 en rosé et 1 en muscat.Production : 55 000 bouteilles par an.

Domaine Antoine Arena22 153 Patrimoniowww.antoine-arena.fr

DOMAINE NICOLAS MARIOTTI-BINDI

Superficie : 5 hectares.Cuvées : 1 en rouge et 1 en blanc.Production : 13 000 bouteilles par an.

Domaine Nicolas Mariotti-BindiLieu-dit Porcellese20 232 Poggio-d’Oletta.

DOMAINE MURIEL GIUDICELLI

Superficie : 13 hectares.Cuvées : 1 en blanc, 2 en rouge et4 en muscat.Production : 40 000 bouteilles par an.

Domaine Giudicelli5, bouvelard Auguste-Gaudin20 200 Bastia19

l’apéritif, des gens de la ville quilouent les vertus du « bio ». Le mot sembleincongru, presque échappé d’une langueétrangère. Ici, il se traduit tout simplementpar « proximité et respect de la nature », à lafaçon des ancêtres. Ici, on a tourné la page del’agriculture intensive des années 70, del’axe bordeaux/bourgogne et des traitementssystématiques, de l’aseptisation de la vigneet des caves, ainsi que de la chaptalisation,cet ajout de sucre pour augmenter le degréd’alcool, pratiquée par les pieds-noirs de laplaine orientale qui faisaient comme jadis enAlgérie : « Pisser�la�vigne », et pas forcémentde la bonne.

reprise de lA viGNe fAMiliAle Même àl’époque, Antoine Arena n’a pas voulu de ça.Il était têtu, rêvait d’une carrière de coureurcycliste (il regarde encore le tour de Francechaque été ; ne jamais appeler l’après-midi !), et quand il a annoncé à son pèreJean-Baptiste, qui voulait en faire un fonc-tionnaire, son désir de reprendre la vignefamiliale (la plus ancienne parcelle 80 ans),quelle affaire ! Il a résisté à l’ire paternelle(qui dura longtemps, on est têtu dans le coin)et, à force de travail et de conviction, a trans-formé son domaine en laboratoire nature ethaut de gamme de l’île. Là où les autresregardent avant (d’essayer) de faire pareil. Depuis 2005, ses fils reprennent peu à peu leflambeau. Antoine-Marie, qui avait pensédevenir cuisinier tant il aime les saveurs,s’entend fort bien avec Jean-Baptiste, qui atâté de la politique aux dernières cantonales,battu mais fier d’avoir défendu ses idées(notamment celle de classer le vignoble dePatrimonio pour le préserver de la spécula-tion). En vigne et en cave, ils sont adeptesd’une minéralité poussée, comme un maquisde petit matin capturé au fond d’un verre, etpeut-être plus marquée encore que cellemagnifiée par leur père. On les dit, ces deuxfrères (qui ont une sœur, Lisandre, établienon loin), futures grandes stars du vignoblecorse – et français tout court. A quelques centaines de mètres de là, par unchemin de terre cahoteux, on arrive chezMuriel Giudicelli. Elle marque « vigne-ronne » sur ses bouteilles, et y tient bien.Muriel est un peu bouddhiste, anticonfor-

miste, grande gueule, tout en sachant rester« à� sa� place », précise-t-elle. Il faut direqu’elle a pour handicap d’être une « étran-gère » native de Solenzara : une ville corse,certes, mais à l’autre bout de l’île. Quant àson mari Stéphane, Savoyard taiseux auxyeux bleus, il s’est fondu dans ce terroir debourrus avec l’envie de faire les choses pro-prement, et surtout la sagesse de se tenir loindes brouilles ancestrales qui occupent quel-ques voisins. Ils parlent aussi fort bien de leurtravail, ardu, prenant, merveilleux, mieuxreconnu ailleurs (sur le continent, à l’étran-ger), qu’en Corse, où la culture Pastis l’em-porte sur celle du vin. Et lorsque les Corsesboivent du vin, ils tiennent la jeunesse dumillésime pour un gage de qualité : leur ven-dre en 2011 une cuvée 2009 revient à tenterd’écouler une collection couture démodéeavenue Montaigne.

CoNtre lA Course à l’ArGeNt Muriel etStéphane possèdent treize hectares agréésen bio depuis 2006, et produisent desblancs bien tendus, de beaux rouges, desmuscats, dont un merveilleux oxydatifvieilli en fût de chêne. Face à la montagnede mamelles, leur chai moderne, entourépar le maquis et ses odeurs de myrte,aligne les cuves en inox. Outre la vigne, ilsélèvent trois enfants, cuisinent beaucoup(ça forme le goût mais surtout, ils aimentça), et ont entrepris de passer en biodyna-mie. Un de ces jours, ils feront l’achat d’un

cheval pour les labours, ce qui va avec lereste, finalement très politique : rejeter lacourse à l’argent, aller à son rythme (ce quine signifie pas lentement), prendre du plai-sir – et ils ont l’air d’en prendre.A un jet de pierre des Giudicelli travaille un prodige presqu’autodidacte, NicolasMariotti-Bindi, 33 ans, toutes ses dents et del’ambition. Celle d’être le meilleur possible,le plus carré, le moins sucré (dans chaquesens du terme puisqu’il est l’un des seuls àne pas produire de muscat : « Rajouter�del’alcool� et� du� sucre� au� jus� de� raisin ?� Nonmerci ! »). Après une prépa scientifique àSaint-Cyr et une licence de droit public àParis, il a voulu revenir à la terre, celle quireste sous les ongles. Un an comme ouvrieragricole dans le Beaujolais, à lire tous les soirsles livres savants du vin, puis Patrimonio. Ilse lie d’amitié avec les fils Arena, travailleavec eux, ensuite chez Muriel Giudicelli (lemonde est petit en Corse), avant de trouveren deux autres vignerons des bienfaiteurs,

qui lui prêtent des terres et un chai où faireses vins (en échange, il donne du raisin à l’un,est chef de culture de l’autre). Sa mère, féruede nature, lui a transmis le goût des chosessimples, sans traficotage. Cela se retrouve envigne, les intrants y sont réduits au mini-mum («� Je�serais�vraiment�un�cochon�si,�sursept� hectares,� j’utilisais� des� pesticides »),notamment le soufre. Ah ce fameux SO2 !Nicolas Mariotti-Bindi estime qu’on devraitmentionner le taux de sulfites sur les éti-quettes. Sachant qu’on en autorise jusqu’à160 mg en rouge et 210 mg en blanc (parlitre), et que lui se limite à 35 ou 37 mg quandbeaucoup frôlent le maximum, ça donneune idée des risques de maux de crânes… etdonne l’espoir de les éviter. Depuis quatre ans, Mariotti-Bindi produitdes rouges et des blancs célébrés partout. Nese repose pas sur cette gloire soudaine, n’af-fiche même pas de label « bio ». Ne pensequ’à faire mieux. Dit préférer les blancs, plus

minéraux, qui « ne�mentent�pas » quand les rouges « prennent�leur�temps,�en�font,�de�cesdétours ». Agacé par l’uniformisation descépages, il a planté en 2009 quelques plantsd’une souche oubliée de Vermentinu (l’Inraautorise et subventionne, pour leur potentielœnologique, 14 clones de ce blanc typiquede Corse , mais le groupement viticole régio-nal en conserve bien plus dans sa banque dedonnées... C’est là que Mariotti-Bindi asélectionné sa future vigne, qui donnera unepremière récolte l’an prochain.) Il dit : « Onverra,� ce� sera� peut-être� moins� bon� que� le�Vermentinu�numéro�640,�officiellement�agréé,que��j’utilise�déjà,�mais�au�moins�j’aurais�essayéautre� chose…� C’est� important� de� varier� lesgoûts,�de�maintenir�la�biodiversité. »

lA MAisoN d’AMériCAiNs Dans toute l’île,les jeunes reprennent des exploitations. De miel, d’huile d’olive, de vin. A la pointe du Cap, le majestueux Clos Nicrosi, surtoutconnu pour son Muscatellu,un muscat pas-

serillé aussi miellé queminéral, voit arriver auxcommandes Sébastien etMarine Luigi, les enfants deJean-Noël Luigi, qui lui-même tient les vignes de songrand-oncle. Le domaine

n’est pas bio mais les enfants y tendent, pra-tiquant agriculture raisonnée et levuresindigènes [des�levures�naturellement�présentessur� le� raisin,� ndlr]. Son diplôme national d’œnologue tout juste obtenu à Reims,Marine a rejoint la famille et son imposante« maison d’Américains », ces demeures demaître bâties par d’anciens aventuriers cap-corsins rentrés des Amériques riches commeCrésus. Sa conquête à elle, plus modeste, nesera pas moins ardue : développer Clos et bio. A Patrimonio, sur la terrasse des Arena quisurplombe la route où un conducteur surtrois klaxonne pour dire bonjour aux deuxfils appuyés contre la rambarde, et qui biensûr répondent par un grand geste, flotte lefumet des beignets de Marie et les arômesd’un Carco blanc remonté de la cave – peuimporte l’année, ils sont tous fameux. Unconvive parisien entre en extase. L’ivresseest joyeuse, on se croit au centre du monde.La nuit durera longtemps.

Muriel Giudicelli et un aperçu de son domaine. Ci-dessous, Antoine-Marie Arena. PHOTOS D. MOZIN

« Je serais vraiment un cochon si, sur septhectares, j’utilisais des pesticides. »Nicolas Mariotti-Bindi

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Nowat comme No Watt. Commeune plaisanterie… qui n’en estpas vraiment une. Nowat n’estautre que la cuvée originelled’un couple baroque qui cultive

le temps présent par le zen, la beauté par l’ikebana, cet art floral japonais, le manuel par la céramique, le vin par le palais. Emma-nuelle Dupéré et Laurent Barrera. De l’acco-lade de ces deux-là est née la signature denégociants-viticulteurs « Dupéré-Barrera »qui s’affiche sur seize cuvées – du rouge, dublanc, et depuis peu du rosé – assembléesdans un petit entrepôt près de Toulon. Deleur union naissent 80 000 bouteilles par anqui vont se déverser à 80% au Canada, auJapon, aux Etats-Unis, arroser quelquestables du Petit Nice Passédat (3 000 bouteilles

de Procure blanc) et autres œnophiles qui nefréquentent pas les grandes surfaces.Ce jour-là, pendant que sa femme Emma-nuelle patine sa voix de chanteuse mezzo-soprano, Laurent Barrera rembobine uneaventure née dans l’ivresse œnologique dudébut des années 2000. Depuis leur rencon-tre estudiantine au Québec – elle y est née –leur passion pour le vin n’a cessé de fermen-ter. Ensemble, ils ont monté et écumé moultclubs de dégustation telle la joyeuse bandedes zozos (Z’œnophiles z’oléronais) qui loindes bars à bobos de la capitale ont de la papil-le à revendre. Ensemble, ils ont aimé les vignerons de la Loire, leur simplicité et leurpetite structure hyperqualitative ; les frèresFoucault, capables de parler des heuresdurant de leur saumur-champigny mais qui n’ont rien ou si peu à vendre ; le pèreHacquet qui faisait du bio sans le savoir dansles années 60, mais qui vendait son vin si peucher qu’il gagnait plus d’argent avec le lait deses vaches. Ensemble, les Dupéré-Barreraont tout plaqué en 1997 pour faire un BTV– brevet qui allie viticulture et œnologie. Il a30 ans et met fin à une carrière d’ingénieurgéologue. Elle en a 23, et met sa passion pourle chant en sourdine. La décision est mûrie. «On�s’est�lancés�sans�business�plan,�sans�projetmarketing,�sans�objectif�financier,�sans�terre,sans� héritage� familial� de� vignerons.�Mais� onsavait� ce� qu’on� voulait :� faire� en� Provence� lemême�travail�que� les�grands�vignerons�qu’onconnaissait », raconte Laurent, qui a grandi àToulon, élevé par un militaire qui a fini sacarrière sur le Clémenceau. « On� voulaitentrer�d’emblée�par�le�haut,�la�qualité,�le�trèsbon.�Faire�le�meilleur�côtes�de�Provence�et�Bandol

possibles », ajoute-t-il sans forfanterie. Ilsdevront se contenter des 30 000 euros, prêtéspar le père d’Emmanuelle. C’est décidé, ils entreront dans le vin par le négoce. Pas n’importe lequel. A la bourguignonne. A cent lieues des gros businessmen bordelaisqui achètent et revendent des bouteilles, ils

DOMAINE CLOS DE LA PROCURE

Superficie : 7 hectares.Cépages : grenache, mourvèdre, carignan et cinsault pour les rouges, et ugni blanc.Cuvées : 5 en rouge, 2 en blanc et 1 en rosé.

Emmanuelle dupéré et laurent Barrerachemin de Bouscarlonnes83660 carnouleswww.duperebarrera.comwww.closdelaprocure.comTél. : 04 94 23 36 08

Novices et ivres de terroir

Par CATHERINE MALLAVAL (envoyée spéciale)

A gauche, Laurent Barrera. PHOTO nicO-wOrld.cOmLe chai semi-enterré conçu par l’architecte Frédéric Momenceau . PHOTO dr

arpentent les vignes de la région, repèrent lesparcelles les plus anciennes, les meilleures.Passent contrat, mettent la main aux grappesqu’ils transportent méticuleusement dansdes cagettes de 10 kilos pour éviter que le rai-sin ne s’écrase dans des camions climatisés,avant de le vinifier à l’ancienne dans descuves de 1 000 litres seulement. « On�peutentrer�dedans,�avoir�un�contact�avec�le�raisin,faire�du�pigeage�au�pied. »Pas de machine. Pasde watt. Le vin vieillit dans des fûts de chênerachetés à Yquem ou Romanée-Conti. «Onboise� nos� vins,� sans� abuser. » Sans tomberdans les arômes régressifs de caramel boisé,épicé, vanillé dont raffolent les Américainset les Chinois. « Au� début,� on� a� fait� plein�d’expériences.�On�faisait�10 000 bouteilles,�et�20�cuvées�différentes.�ça�a�très�vite�marché. »

ENVIE DE SA PROPRE TERRE Les chosesmarchent... Mais à quel prix ? Le couples’est fixé des limites : « Quand�on�vend�un�vinau-delà�de�30 euros,�c’est�du�marketing,�onvend� du� mythe,� de� la� rareté.� Objectivementaucun�rouge�ne�vaut�plus�de�30 euros. »Total ?« Un� Smic� à� deux� sans� vacances� à� bosser72 heures�par�semaine.�On�a�sorti�la�tête�au�boutde�4-5 ans. »L’envie d’avoir sa terre émergealors. Le couple qui est venu au vin par ladégustation acquiert quatre hectares d’unseul tenant à Carnoules, située 30 kilomètresà l’est de Bandol : le Clos de la Procure. Lespremières vendanges se déroulent dans lafournaise de 2003, après un énorme travaild’élagage. « On� voulait� du� plus� sucré,� du�concentré,�des�pieds�avec�des�grappes�qui�ne�setouchent�pas… ». Du bio, du naturel, biensûr. Campé dans ses vignes, Laurent Barrera

couve ses ceps des yeux. Lesrécompenses sont venues.Un salarié aide désormais à laculture. Leur blog (1) attire100 nouveaux lecteurs cha-que jour. La passion est là,intacte : «Nous�nous�formons

sans�cesse,�goûtons�un�nouveau�vin�tous�les�soirset�une�fois�par�mois,�on�s’offre�un�trois�étoilesMichelin. » L’homme médite : « La�pratiquedu�zen�nous�a�aidés�à�être�libres.�A�devenir�lesartisans�que�nous�voulions�être. »

(1)�www.blogduperebarrera.com�

CÔTES DE PROVENCE Emmanuelle Dupéré et Laurent Barrera, de jeunes passionnés, ont peu à peu appris le vin. Inventifs et adeptes du bio, ils en produisent désormais dans de vieux fûts de chêne, sans machines. Mais avec la manière.

« On s’est lancé sans business plan, sanshéritage familial de vignerons. Mais onsavait ce qu’on voulait. »Laurent Barrera

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Les vins de Bordeaux investissent depuis 3 ans les lieux branchés de la capitale. Le temps d’un afterwork inédit,

découvrez comment s’accordent Bordeaux et les univers du vintage, tout en fédérant esthètes, novices, passionnés et curieux.

La qualité, la convivialité et la diversité des vins de Bordeaux en une soirée Initiés en 2009 par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), les Apéros Vintage de Bordeaux ont pour objectif de faire (re)découvrir les blancs vifs et aromatiques, les rouges soyeux et légers, les sweet savoureux et gourmands et les rosés fruités et légers de Bordeaux. A chaque soirée, une sélection est proposée à prix accessibles (3-5€ de 19h à 21h), à déguster seuls ou accompagnés de quelques tapas.

Loin des dégustations traditionnelles, ces afterworks s’adressent aussi bien aux néophytes qu’aux amateurs. Dans une ambiance conviviale, et sur une bande-son originale, les viticulteurs présents invitent à la découverte de leur passion et métier tout en restant à l’écoute de leur public.

C’est ainsi que les Apéros Vintage de Bordeaux ont conquis une foule de trentenaires «trendy» : 11 000 participants lors des précédentes éditions, près de 30 000 verres de Bordeaux dégustés ! Et cela ne désemplit pas d’année en année, si bien qu’au printemps dernier, les quatre soirées affichaient complet (2500 personnes).

L’accord inédit des vins de Bordeaux et du Vintage Avec les Éditions Spéciales de 2011, les univers des "Chineurs", de la "Rétro photo" ou bien encore des "Saveurs d’antan", ont été explorés. Dès le 13 septembre, de nouveaux horizons et personnalités sont à découvrir grâce aux experts du vintage, hôtes de ces apéros :

Mardi 13 septembre Éd. Spéciale Music Remix au Petit Bain (13ème) avec les gourmets du mange-disqueJulien Plaisir de France et Pierre-Louis Berlatier proposeront une playlist des années 80 jusqu’à nos jours • un concert du groupe La Féline • un live Machine en direct de morceaux français des années 70 à 90.

Mardi 27 septembre Éd. Spéciale Mode Vintage au Pavillon du Lac (19ème)avec la fabuleuse penderie de Sandrine Arnone et ses silhouettes des années 50 aux années 80 qui défileront au coeur du public.

Mardi 11 octobre Éd. Spéciale Rétro Ciné au Restaurant 51 (12ème) Mise sur bobine par Jean-Yves Leloup avec un Cinémix inédit (relecture musicale de films anciens) autour de la thématique «dégustation» dans les films français et étrangers qu’il aura été pioché.

Mardi 25 octobre Éd. Spéciale Cuisine Rétro au Floréal (10ème) Emilie Lang au batteur et Carine Francart au mixeur pour un «Live cooking» autour de plusieurs thématiques, en accord avec un Bordeaux.

Apéros Vintage de Bordeaux // Paris //

L’abus d’aLcooL est dangereux pour La santé. a consommer avec modération

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Avec le succès des éditions parisiennes, les Apéros Vintage de Bordeaux

s’exportent au Canada, en Belgique et aux Pays-

Bas ! "Les vins comme les vêtements

anciens ont une histoire. Le mot "Vintage" est pour moi

le sésame qui me permet d’apprécier une pièce

d’époque tel un Bordeaux"

" j’ai pris le parti de faire les choses avec

inventivité et avec caractère ! Les vins de Bordeaux ont ces

deux caractéristiques et ce sera pour moi un plaisir de vous faire

redécouvrir des recettes d’autrefois en y mêlant

leurs arômes."

//Toute l’actualité des Apéros Vintage de Bordeaux sur la page Facebook "VinsdeBordeaux"//

libération.indd 1 02/09/2011 11:53:39

FOIReS Aux VInS

MARAuDeR DAnS LeSLInéAIReS Du Côté DeSVInS Du SuD, C’eSt un Peu etIReR LeSRAyOnS Du SOLeILjuSqu'à LA CAVe. Quelques belles étiquettes sont à regarder de près en septembre. a commencer par ce Bandol 2010du Château Sainte Anne Cimay,en rouge, 23,51 € (lavinia). ou ce vin des Coteaux Varois 2010,domaine des terres Promises,cuvée les Idées Heureuses,toujours en rouge à 11,77 € (lavinia).des vins gourmands, sur le fruit.Parmi les valeurs sûres deProvence, il ne faut pas louper ce Château Sainte Marguerite CruClassé Grande réserve 2010,en rouge, 12,50 €(Wineandco.com). Enfin, en rosé,on dégustera l’excellent domainede la Bégude 2010, 16 €(Wineandco.com). Il s’agit sansdoute du plus grand rosé de Bandolproduit à ce jour, avec ses notes de fruits rouge, sa vinosité, sa complexité et sa longueur enbouche... c’est un modèle du genre.l’Île de Beauté est admirablementreprésentée cette année, non pasen volume, mais par la qualité des crus que l’on retrouve. comme ce rosé 2010, Clos Sartène, vendu9,90 € par monoprix. la belledécouverte se fait avec cePatrimonio 2008 Porcellese dudomaine nicolas Mariotti-Bindi(17 € chez Wineandco.com). le jeune vigneron de 33 ans, porte-drapeau de la viticulture bio dansl’appellation, signe ici un rougemagnifique (lire page 19). Toujours sur la prestigieuse appellationPatrimonio, lavinia, le grand cavisteparisien, propose la cuvée lisandra2009, en rouge et blanc, du domaineArena. les deux sont à 26,08 €.antoine arena est considéré depuisdes années comme le plus

Bandol, PaTRImonIo,coRBIèRES…

talentueux vigneron de corse,adepte de la biodynamie. Ses cuvéessont simplement sublimes (lireégalement page 19). la région languedoc-Roussillon est,avec Bordeaux, l’une desprincipalement pourvoyeuses de vins lors des foires aux vins. Ici,les vins de marque de négociants(souvent de talent, comme gérardBertrand) cohabitent avec descuvées confidentielles. comme par exemple la cuvée Vinus,élaborée par le domaine Paul Mas(grand négociant du languedoc) :ce Coteaux du Languedoc rouge2008 est charnu, avec de lafraîcheur jusqu’en finale. Il estvendu 6,90 € par le Repaire deBacchus. autre belle surprise de lapart d’un négociant, ce Vin de paysd’Oc 2010 blanc, L’Indomptable de Cigalus, signé Gérard Bertrand.un très beau sauvignon, sur le fruitet séduisant, à 14,95 € (carrefour).les grands vins doux naturels du Roussillon procurent un plaisirimmense et peuvent rivaliser avecles grands portos. a l’image de ce Maury rouge vintage 2009 du Mas Amiel, le porte drapeau de l’appellation, vendu en petitebouteille de 37,5 cl pour 9,90 € chez monoprix. Plus original, ce Corbières rouge 2010, Le Signal du Château La Baronne, mis en bouteille sans soufre, 9,25 €(Système u). anne gros et Jean-Paul Tollot, deux grands vigneronsbourguignons, se sont associés sur ce terroir du minervois pour la cuvéeles Fontanilles, un rouge gourmandvendu 16 € chez lavinia. En collioure rouge sec, le domaine de la Rectorie est une référencequi propose la cuvée Rêves De Femme 2008, à 14,02 €également chez lavinia. J. B.

Sélection réalisée parLA REVUE DU VIN DE FRANCE

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Morgon La célébrissime maison Lapierre aquasiment inventé le vin nature. Mathieu, le fils deMarcel récemment décédé, explique, avec passion,d’où vient la fameuse philosophie familiale.

Des raisins qui ont toujours raison

P longer dans le monde deMathieu Lapierre, qui dirigele domaine Lapierre dans leBeaujolais depuis la dispari-tion de son père Marcell’automne dernier, c’estpartir dans tous les sens. La

philosophie : « Plus vous mettez de désher-bant, moins la vigne ira chercher profond etmoins vous aurez de terroir. La vigne est feignante. Comme l’écrasante majorité de toutce qui vit, d’ailleurs. »L’économie, la guerre :« Quand les Romains dominaient l’Europe, ilsont retrouvé des amphores marseillaises au nomde “Marcielus Portius» là où se trouve le Danemark aujourd’hui. Ils en ont déduit l’exis-tence d’un commerce, de flux d’argent et doncd’enjeux de pouvoir. Ils ont utilisé le vin commetel. Les Allobroges [un peuple celte installé aunord des Alpes dès le IIIe siècle, ndlr] se sonttoujours montrés dociles et accueillants enversRome : ils y ont gagné l’autorisation de faire du vin et de le vendre. » La mythologie :« Dionysos [le dieu du vin chez les Grecs,ndlr] liait la lune à la fermentation. » C’est samanière à lui de voir le vin : un combat surtous les fronts. Ça n’est ni confortable, ni

tranquille : en refusant d’assommer sonMorgon (en ajoutant du soufre, des levures,du sucre, des vitamines, du bicarbonate depotassium, du tanin, des enzymes…), il s’enremet à la nature et là, on n’est jamais sûr. «Une cuve où repose le vin, c’est une ville livréeà la guerre des gangs. Sans les gangs :à la place,il y a les bactéries et les levures, celles-ci devantêtre à la fois nombreuses et variées pour favoriser la prise de relais. Des équilibres se créent : ce sont ceux de l’instant. Le vignerondoit tout comprendre et pourtant, tout luiéchappe. J’ai lu récemment des choses incroya-bles sur les levures. Certains pensent qu’ellespeuvent produire du soufre : si c’est vrai, il y alà un moyen de repenser l’ajout de dioxyde desoufre [utilisé pour stabiliser le vin et préve-nir les développements non souhaités debactéries ou de levures, ndlr] dans le vin.Autre chose : on sait que les micro-organismespeuvent agir sur la matière. Mais on ne sait pasjusqu’où. Des Japonais pensent que ça peutaller jusqu’à l’atome ! Ok, selon Lavoisier, lechimiste français du XVIIIe siècle, c’est impos-sible. Pourtant… »

l’anarchisMe foncier En vérité, MathieuLapierre est le troisième à mener cettebataille à cet endroit-là. Le premier fut sonpère, Marcel, « l’esprit rebelle, la fraternitébruyante et l’anarchisme foncier » selon lesmots de l’écrivain et journaliste Jérôme

Par grégory schneider (envoyé spécial)Photos luc Manago

TouT au long de l’aXe qui descend d’auXerrejusqu’auX rives de laMédiTerranée se suivenTles MyThiques crusBourguignons, lesopulenTs côTes-du-rhôneeT les plus accessiBlesBeaujolais. Mais derrièreces différences se cacheune MêMe culTure de la vigne. dans les TroisTerroirs, les vins rougesviennenT d’un cépageunique : pinoT noir en Bourgogne, gaMay en Beaujolais eT syrah dans la vallée du rhône. eT parTouT des parcellesou des clos, culTivéscoMMe des jardins.

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Beaujolais,Bourgogne& rhône

type de levure produite par tel labo, çadonne immanquablement tel type de vin.Par ailleurs, les labos ont leurs entrées dansles lieux d’enseignements. « Mais c’est tout simplement le goût de son vin qui lui a posé problème », témoigne Marie Lapierre.Va pour une démarche que l’on va appeler– faute de mieux – celle du « vin naturel » :« Non pas la recréation à l’identique des procédés anciens, précise Mathieu, mais lesouci de faire travailler au maximum la nature compte tenu de ce que l’on peut savoird’elle aujourd’hui. » Ce qui fait une diffé-rence : celle qui existe entre le folklore et uncadre de travail.

LA DÉGUSTATION DE 11 HEURESOn est alorsau début des années 80, et c’est là que JulesChauvet fait son entrée en scène. Vignerondans le Beaujolais lui-même et négociantétabli à la Chapelle-de-Guinchay, il joueraauprès de Marcel Lapierre plusieurs rôles :chimiste, inspirateur, théoricien. « Unhomme modeste, se souvient Marie, mais ilvenait d’un milieu bourgeois. Il avait un nombrede principes... » Dont celui-ci, que l’ontrouve pour notre part extraordinaire : c’està 11 heures du matin – ni avant, ni après –que l’on doit déguster le vin, car le petit-déjeuner est loin et le palais à la fois déjà stimulé et vierge. Créateur du verre Inao(Institut national des appellations d’origine)

qui maximise le rapport entre la volumétrieet le mouvement des arômes, Jules Chauvetaura eu aussi le mérite de nettoyer le voca-bulaire du vin : « Avant lui, on disait d’un vinqu’il était “réduit”, “ascétique”, “phénolé”.Avec lui, c’est devenu démocratique. Il a parléde “fruit” le premier. Il disait : “Du fruit, maislequel ? Cerise ? Quelle cerise ? A l’eau-de-vie ?”. Il finançait ses recherches lui-même. Iln’a jamais eu de grand terroir. Mais il faisait levin de table de De Gaulle. » C’est avec lui queMarcel Lapierre a trouvé la voie d’un vin toutraisin « parce que vous comprenez, il faut faire

attention à ce qu’on met dans les cuves car levin, c’est d’abord une boisson », expliquaitJules Chauvet. Celui-ci se contrefoutait deséchéances contractuelles, récoltant quand lanature lui commandait de récolter. Il luiarrivait conséquemment de livrer en retard.Il en faisait une affaire de respect. C’est àcette aune-là qu’il faut juger le phénomènedu beaujolais nouveau, disponible chaqueannée le troisième jeudi de novembre. Oubien la nature s’est miraculeusement pliéeaux nécessités marketing, ou on se fout du

monde. Marcel Lapierre, Jules Chauvet :Mathieu Lapierre vient ensuite. Une mêmebannière : la macération carbonique. Onvendange à la main des grappes entièresavec la rafle [la partie verte de la grappe. C’estson squelette, riche en tanin et en fer, ndlr] quel’on met – sans fouler les grains –dans unecuve hermétique saturée de dioxyde de car-bone – « celui-là même qui se dégage de lamacération naturelle des grains, ce qui permetde ne pas le considérer comme un ajout »(Mathieu). La fermentation intracellulaire quis’ensuit est maîtrisée depuis les travaux deLouis Pasteur. « Elle était connue avant ça,précise le fils Lapierre. La macération carbo-nique protégeait le raisin que les Romains entre-posaient dans des cuves taillées dans la roche. »On en est toujours rendu là, entre ce que lesautres ont fait avant et ce que vous faites,vous. Ça renvoie aux Allobroges, auxRomains, à l’arrivée des levures de bièreallemandes aux alentours de 1910 pour reta-per les cuvées. Et bien sûr à ce père dont ladisparition a été mentionnée jusque dans leSan Francisco Chronicle. Mathieu se sait

attendu. Quand on l’a ren-contré, on l’a senti ramassé,combatif, précis : « Je n’aimepas la dénomination “vinnature” : la nature fait du raisin, pas du vin. » Quand ilraconte une anecdote ou

expose une idée, il en précise toujours lasource ou la paternité : plutôt que d’y voir lesouci de se situer, on a plutôt compris qu’iltenait à rendre à César ce qui lui appartient.C’est l’idée qu’il se fait de la rectitude et çadoit s’entendre dans sa perspective à lui,celle d’un fils qui reprend l’exploitation du père. Sinon, il n’a pas lancé la cuvée spéciale Marcel Lapierre l’an passé alors quede son point de vue, le millésime le méritait.« Je devais faire profil bas. Les gens n’auraientpas compris. »

Mathieu Lapierre, et l’un des chais du domaine.

« Mon souci : faire travailler au maximumla nature, compte tenu de ce qu’on peutsavoir d’elle aujourd’hui. »Mathieu Lapierre

Leroy. On connaît la légende : l’amitié deGuy Debord qui, selon le critique SébastienLapaque, voyait dans le travail de MarcelLapierre la preuve que le capitalisme ne pou-vait plus développer les forces productivespour peu que l’on parle qualité – et nonquantité, comme cela avait été compris àpeu près partout. Marcel n’était pourtant pasné avec cette idée-là. Diplômé de l’écoleviticole de Belleville-sur-Saône, il témoignaitd’une vraie curiosité pour les techniquesapprises. Il a commencé par les appliquersur le domaine familial quand il a pris lamain, en 1973. Son épouse Marie, mère deMathieu : « Quand il s’est lancé, Marcel avait23 ans. Il fallait qu’il en profite. Les produitsqu’on ajoute, les intrants, ça donne aussi dutemps libre et une qualité de vie. » Marcel notecependant l’imbrication des laboratoirespharmaceutiques dans son domaine : tel

DOMAINE LAPIERRE

Superficie : 13 hectares.Cépages : gamay noir.Cuvées : 2 en rouge.

Domaine des Chênes69 910 Villié-MorgonTél. : 04 74 04 23 89

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C’est une jeune vigneronne qui fait des vins explosifs et racés, poivrés et sanguins. D’ailleurs, Elodie Balme ne concocte que des rouges.

Votre parcours ? J’ai fait un apprentissage de deux ans chezRichaud en BTS, chez lui j’ai surtout apprisà être curieuse, à comprendre qu’il y avaitune philosophie du vin et pas de recette(comme on veut souvent nous l’enseigneren cours), et que chaque année on doit seremettre en question. Avant je voyais celade façon plus systématique.Votre terre : un héritage ? Mes parents sont viticulteurs mais encoopérative, et les vignes que j’exploite sontdes parcelles que j’ai sorti de la coopérativepour créer ma cave. Le fait d’être une jeunefemme ne m’a pas rendu la tâche plusdifficile, j’avais tout pour commencer : des vignes, du matériel, un père prêt à transmettre son expérience et les conseilsdes vignerons qui m’entouraient. « Y avait plus qu’à », comme on dit…Votre vigne ? Je ne suis pas en bio mais j’essaie detravailler le plus naturellement possible. Jefais des « essais » sur pas mal de parcelles,mais comme elles étaient jusque-là enculture conventionnelle, il faut y aller endouceur. Je souhaite comprendre d’abordce que je fais, et bien connaître mesparcelles… Pour l’instant je travaille sansœnologue en cave, nous sommes trois à l’année, plus les saisonniers.Le « bio » : l’avenir, ou un engouement ? Je pense qu’il faut effectivement revenir àune agriculture plus saine. Mais ce termeest aussi utilisé dans un sens commercial,où l’on fait vite l’amalgame entre bio,durable, écologique…Votre domaine préféré, en tantqu’amatrice ? Question diffcile ! Je dirais Poignée de Raisin, du domaine de Gramenon, mais il y en a pleins d’autres.Vos vins, où peut-on les trouver ? A Paris, à la Cave du Panthéon (Ve), chezBacchus et Ariane (VIe), Julhès Paris (Xe),les Caves de Reuilly (XIIe), Versant vins(Marché des enfants rouges, IIIe) ; à Lyon auVercoquin, à Marseille à Si Belle La Vigne.

Propos recueillis parFRANÇOISE-MARIE SANTUCCI

Elodie Balme cultive 8 hectares de vignes sur troiscommunes (Rasteau, Roaix et Buisson), produit 30 000 bouteilles par an reparties en cinq cuvées, principalement en grenache, mais aussi en syrah et carignan.

Elodie Balme, un domainequi monte

C ’est un géant. Un personnage qui en impose. Tout droit sortid’un ouvrage de Rabelais oude Balzac. Un homme dechair, qui aime la chair.

Dominique Laurent a commencé sa viecomme pâtissier comme son père, àVesoul, Haute-Saône, avant de se passion-ner pour les grands vins de Bourgogne. En1987, il quitte sa ville pour conquérir laCôte d’Or, son terroir d’adoption. Depâtissier, il devient un vigneron sans terreni fortune. Pourtant, en vingt-cinq ans,Dominique Laurent va bâtir l’une des plusbelles histoires de la Côte de Nuits.Dépourvu de vignes, il s’improvise « éleveur de vins ». Il arpente la Bourgogne

BOURGOGNE Sansargent ni héritage,Dominique Laurent a déniché les meilleuresparcelles de Bourgogne.Et réinventé un style mythique.

de long en large à la recherche de ces vignerons qui travaillent encore mervei-lleusement la terre (à une époque où levignoble verse dans la surproduction etles vins maigres, où la qualité se dété-riore). Dominique Laurent est alorsimbattable pour dénicher « la » cuvée devieilles vignes dans un endroit impossi-ble, chez d’illustres inconnus qui, depuis

toujours, n’ont qu’un seul souci, celui debien cultiver la vigne comme le faisait leurpère, grand-père ou arrière-grand-père.Ces petits vignerons anonymes s’arc-boutent sur la tradition, produisant peumais très bien, travaillant la terre à l’an-cienne, qui trouvent en Dominique Lau-rent un négociant attentif à leur travail.C’est ainsi que ce dernier met la main surles meilleurs terroirs de Bourgogne.Mais si le vin se fait à la vigne, DominiqueLaurent estime qu’il se patine à la cave. Ila redonné de sa noblesse à l’élevage enfûts, sublimant les superbes matières bru-tes de décoffrage qu’il a su tirer des grandsterroirs. Soucieux de retrouver la matièredes fameux bourgognes d’avant-guerre,charnus et solides, il a propulsé sesgrands-échezeaux, ses bonnes-mares etses clos-de-vougeot au firmament desvins de la région. Ses cuvées les plus

DOMAINE DOMINIQUE LAURENT

Superficie : 5 hectares.Cépages : pinot noir, chardonnay.Cuvées : une vingtaine en rouge et en blanc. Production : 250 000 bouteilles par an.

domaine dominique Laurentrue Principale21 220 L’étang VergyTél. : 03 80 61 49 94

dr

simples prennent, au bout de quelquetemps, des allures de grands vins.

MONSIEUR DEUX CENT POUR CENT Audébut des années 1990, Dominique Laurent invente une nouvelle méthode devinification qui va plaire à la clientèleaméricaine qui l’adule déjà : le 200% debois neuf (le vin est élevé douze mois dans

un lot de barriques neuves,puis remis dans un autrelot de barriques neuvespour douze nouveaux moisd’élevage). On a beaucoupglosé sur ces « cuvées

200% », sans s’apercevoir que, sous sarondeur joviale, ce savant Cosinus élabo-rait les plus grands vins de Bourgogne :ses premières créations du début desannées 1990 sont aujourd’hui à leur apogée et tiennent toutes leurs promesses.Ce type d’élevage « 200 » devient alors sasignature. Comme la cuisine, son autrepassion. « La grande cuisine, c’est commepour le vin, une question de temps », expli-que-t-il. En disciple de Paul Bocuse ou de Raymond Oliver, il ne cesse de faire etrefaire une recette jusqu’à ce qu’elle satis-fasse l’exigence de son palais monumen-tal. Derrière les fourneaux comme encave, il est un adepte d’une certaine tra-dition française. Celle par exemple qu’honorait Dumas dans son Grand dic-tionnaire de cuisine... Et si Dominique Laurent était un personnage tout droitsorti d’une de ces pages ?

« La grande cuisine, c’est comme pour le vin, une question de temps. »Dominique Laurent

Par JÉRÔME BAUDOUIN

Il lit entre les vignes

Dominique Laurent. PHOTO Fabrice Leseigneur Ci-dessous, une partie de son vignoble.PHOTO J. guiLLard/scOPe-iMage

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L a comparaison avec GilbertBécaud lui va comme un gant.Michel Chapoutier est branchésur cent mille volts. Toujours parmonts et par vaux à arpenter

ses vignes d’Hermitage, à vendre son vin, àl’élaborer. Ou à cuisiner, chaque matin, avecle chef de sa table d’hôtes. Ou à parler, deréunion en réunion. Car Michel Chapoutierest un insatiable bavard. Toujours une idée à la seconde. Il déguste, il mange, il bouge, il collectionne à toute vapeur ! C’est, sans

doute, ce qui lui a permis de bâtir si vite samaison de négoce et son vignoble. Ce bâti-ment futuriste que l’on voit depuis l’auto-route à hauteur de Tain-l’Hermitage. Envingt ans, cet autodidacte a transformé lapetite maison de négoce créée par songrand–père en véritable empire. A la fin desannées 1980, l’entreprise familiale est dansune triste situation. Son père, malade, s’estretiré de l’affaire, laissant à Michel le soin devinifier les cuvées. Mais pour le jeunehomme pressé, cela ne suffit pas. En 1990, à25 ans, il décide de racheter l’entreprise,« pour avoir les mains libres ». La maisoncompte alors une quarantaine d’hectares devignes, réparties entre Hermitage, Saint-Joseph, Châteauneuf-du-Pape et un peu deCôtes Rôties. A cette époque, Chapoutierproduit des vins de négoce, peu typés par leterroir. «Des vins puissants en alcool, marquéspar le bois, que je n’aimais pas. Ce qui me

VALLÉE DU RHÔNE Sur les hauteurs de Tain-l’Hermitage, Michel Chapoutiera transformé les vignes familiales en empire. Mêlant qualité et quantité.

Par JÉRÔME BAUDOUINPhotos LUC MANAGO

Michel Chapoutier et une partie de son domaine.

gênait, c’est que je ne voyais pas l’identité del’appellation et du terroir. Mais cela plaisait auxvieux clients historiques », raconte-t-il. Dès lerachat, il change tout : « Je crois que c’étaitl’inconscience de ma jeunesse. » Son obses-sion : retrouver la marque du terroir. Pourcela, il convertit dès 1990 tout son vignobleen agriculture biologique, Michel Chapoutierne fait plus d’assemblage des parcelles d’unemême appellation mais crée ses « sélectionsparcellaires », ce qui est aujourd’hui sa mar-que de fabrique. « L’assemblage bâillonne le terroir. Or je voulais que le terroir s’exprime à travers le vin. Pour cela, il fallait retrouver une microbiologie des sols, et l’agriculture bio-logique était le meilleur moyen. Car d’une

parcelle à l’autre, le vin change radicalement », dit-il avecfougue. Ainsi pour ses parce-lles d’Hermitage, il comptehuit cuvées différentes pro-duites à quelques milliers debouteilles chacune. « Cela

a été dur, on a perdu des clients historiques.Chaque mois, je me demandais si j’allais pouvoirassurer les salaires », continue-t-il.

RHÔNE ET AUSTRALIE La chance lui souriten 1991. Il décroche un 100 sur 100 chezRobert Parker, l’influent critique de vinsaméricain. L’horizon se dégage. Le prix desvins Chapoutier s’envole. Pour autant, il nesuccombe pas aux sirènes du succès et main-tient une production limitée à ce que la vignepeut donner. Il passe de l’agriculture biolo-gique à la biodynamie. Il rachète des vignessur les grands terroirs du Rhône, se déve-loppe dans le Languedoc-Roussillon et enAustralie. La maison Chapoutier s’agranditau point de compter plus de 200 hectares devignes, cultivées en biodynamie. Mais laphilosophie n’a pas changé d’un pouce. Et lebonhomme continue de courir à toutevapeur aux quatre coins du vignoble.

MAISON MICHEL CHAPOUTIER

Superficie : 275 hectares.Cépages : syrah, grenache, marsanne, viognier. Cuvées : environ 50 en rouge, en blanc et en rosé.Production : 3 00 000 000 de bouteilles par an.

Michel Chapoutier18, avenue du Docteur Paul-Duran26 600 Tain-l’Hermitagewww.chapoutier.comTél. : 04 75 08 28 65

« Je voulais que le terroir s’exprime à travers le vin. Pour cela, il fallaitretrouver une microbiologie des sols. »Michel Chapoutier

L’homme aux troismillions de flacons

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FoiRES Aux ViNS

LES MoNTAGNES DEViNS DE BoRDEAux ETDE ViNS Du SuDPEuVENT MASquER LES BouRGoGNE DANSLES RAyoNS. MAiS ENChERChANT BiEN, oN EN TRouVE, y CoMPRiS EN Bio. au cours de ces dernières années,des millésimes inégaux se succèdent. alors que 2005 et 2009 sont de grandes années, 2006, 2007 et2008 ont été plus irrégulières etseuls les bons vignerons s’en sortent. a commencer par ce Chablis 2009du domaine Jean-Marc Brocard,à 11,90 € chez monoprix. Passé enagriculture biologique et épaulé parson fils Julien, l’homme de chablissigne un joli blanc, minéral et fruité,avec une belle structure en bouche.Parmi les bourgognes abordables,voici une belle découverte avec les colombière 2009, une cuvée de pinot noir, sur fruit et longue enbouche, de l’appellation hautes-Côtes-de-Nuits, élaborée par le domaine Patrick hudelot ; ce vin,à moins de 9 € chezWineandco.com, est un bon pointde départ pour découvrir lesbourgogne. Plus haut de gamme,

chaBlIS, moRgon, caIRannE…en Beaune 1er cru, celui proposé parmonoprix est élaboré à Nuits-Saint-Georges, par le domaine ChantalLescure, l’un des fleurons de laviticulture biologique en Bourgogne.mené de main de maître par sondirecteur, François chavériat, un finvinificateur, ce beau et solide vin degarde vieillira magnifiquement :comptez 24,90 € chez monoprix.Et 2009 étant un grand millésime, il n’est pas surprenant de retrouverce Morey-Saint-Denis 2009, VieillesVignes de chez Dominique Laurent,29 € chez Système u. S’il fautdistinguer chez ce vigneron hors-pairles grands crus des appellations, quiont plus de mal à supporter l’élevageen barriques neuves. on prendnéanmoins beaucoup de plaisir aveccette bouteille structurée etgourmande. Plus délicat et fin, le Gevrey-Chambertin 2008 dudomaine Trapet, à 40,50 € chez Xo-vin.fr. un grand bourgogne,minéral et frais, aux antipodes duflacon précédent ! Il ne faut pasoublier les beaujolais. non pas leprimeur, commercialisé le troisièmejeudi de novembre, mais lesappellations communales,grandioses, mais qui vivent dansl’ombre de la production médiatique.Si l’on veut se faire plaisir, voici leMorgon 2009 Château des Jacques,

propriété de la maison Louis Jadotà Beaune. une belle expression degamay, sur le fruit, avec une bellestructure en bouche et de lalongueur. En prime, il vieillitadmirablement : 9,95 € chezmonoprix. autre beau flacon a découvrir, le Beaujolais-Villages2009, domaine de la Charnaise, dechez Dominique Piron, 10,90 € chezchateauonline.com.le Rhône n’est pas à oublier. car c’est sans doute la région où l’onpeut se faire plaisir à moindre coût(comme dans la loire). a l’image de ce Côtes du Rhône VillagesCairanne 2009, cuvée PeyreBlanche. un vin structuré et long en bouche, élaboré par le domainePerrin et Fils et vendu 8,50 € chez monoprix. ou ce Coteaux del’Ardèche 2010, domaine desGranges de Mirabel, un vin élaborépar la maison de négoce de MichelChapoutier, 7,50 € euros chezmonoprix. Plus au sud, dans lesCostières de Nîmes, EmmanuelleKreydenweiss signe cette très bellecuvée Les Grimaudes 2007, que l’on trouve à 7,95 € chezWineandco.com. J. B.

Sélection réalisée parLA REVUE DU VIN DE FRANCE

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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION

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L’exception bourguignonneEn Bourgogne le Climat ne désigne pas le temps

qu’il fait mais le terroir. Un terroir unique, composé

d’une multitude de parcelles. Parfois très modestes,

mais si expressives !

Le Chardonnay s’y cultive dans le respect du

savoir-faire humain et du patrimoine naturel avant

de révéler toutes ses nuances dans des vins blancs

à l’expression aromatique unique.

www.vins-bourgogne.fr

PETITESPARCELLES GRANDE

RENOMMÉE

gaIllaC Haut en couleurs et travailleur, PatriceLescarret vendange à la main ses vieilles vignes deCausse Marines. Sans cesser, depuis dix-neuf ans,de vouloir faire mieux, et plus propre.

Un drôle de zigue qui fait des vagues

Cette vaste régIoNplurIelle produIt depuIsl’aNtIquIté des vINs à lapersoNNalIté BIeN treMpée.Bordeaux et ses CrusprestIgIeux soNt parfoIsd’uN voIsINage eNCoMBraNtpour les vINs du sud-ouestquI oNt dû CoNstruIre leurpropre hIstoIre. vINs de pays, CélèBres Crusde Cahors, de BergeraC ou de JuraNçoN, toutes les IdeNtItés s’exprIMeNtgrâCe à des Cépages varIésCoMMe le taNNat àMadIraN, le MalBeCà Cahors, ou eNCore la Négrette à froNtoN.

doMaINe de Causse MarINes

superficie : 12 hectares.Cépages : syrah, duras, braucol,prunelard, jurançon mauzac, ondenc, loin de l’œil, muscadelle,sémillon et chenin.Cuvées : 13 en rouge, en blanc, et en liquoreux.

Domaine de Causse MarinesPatrice Lescarret et Virginie Maignien81140 Vieuxwww.causse-marines.comTél. : 05 63 33 98 30

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Bordeaux& sud-ouest

C ’est un anarchiste qui dessinedes panneaux « interdit aux blaireaux » sur les étiquettes deses vins. Un paysan qui appelleson bouledogue « Ducon » et

donne du «Mes couilles » à son chat. C’estun homme qui ne mégote pas son tempspour sa vigne, arbore des traits tirés, surchemise à carreaux et sandalettes. C’est unvigneron qui s’occupe largement avec douzepetits hectares de vignes, sur lesquels pros-pèrent treize cépages qui ont pour noms« mauzac » « prunelard » et « loin del’œil ». Patrice Lescarret est né dans leMédoc il y a cinquante ans. Il a toujours rêvéde s’installer sur les coteaux de Marcillac,dans l’Aveyron. Il a finalement atterri à Gaillac, dans le Tarn. Il en est à son dix-neu-vième millésime. Son domaine s’appelleCausse Marines. Pour y parvenir, on em-prunte des routes sinueuses qui traversentdes coteaux brûlants. Le long de sa maison,une bâtisse du XIXe siècle avec des trous spé-cialement dédiés aux pigeons et retapéeentièrement par ses soins, trône une tablesous une petite tonnelle. Un frêne immensedéploie son ombre. Les vignes descendent lelong du coteau où coule Marines, le ruisseau.

Quand il a posé ses valises dans cetterégion, Patrice a détonné. Personne ne fai-sait comme lui. Il ne voulait faire commepersonne. Les autres l’ont regardé avec desyeux ronds comme des billes. Il était régis-seur en Provence. Il travaillait chez Rimau-resq, un cru classé. Un jour, comme il avaitbien gagné sa vie et mis un peu de côté, il adécidé de voler de ses propres ailes.« Trouvé un banquier qui a fait son travail debanquier. » Et acheté les terres de ce pay-san pour qui les vignes étaient un« bagne ».Depuis, il bosse. Sur ses vieillesvignes. Lorsqu’il prononce « vieilles », ilfaut entendre l’adjectif. Ses pieds de mau-zac ? 1928. Sa muscadelle ? 1932. Sonduras ? 1942 ! « Chez nous, les vignes qui ontvingt ans, elles sont jeunes » marmonneLescarret.

PERFECTIONNISME Patrice n’aime rienmieux qu’emmener le visiteur arpenter sesrangs. Là, il explique comment il effeuille,pour laisser passer le soleil. Il raconte àl’infini la roche mère qui affleure, com-ment la vigne va chercher l’eau très loin,de quelle manière il ne lui donne riencomme aliment (on dit nutriment). On luidemande quelle est sa production il réponden riant : « Des rendements à ulcérer un Chilien. » Si on l’interroge sur le millésime,il explique qu’il ne sait pas bien ce que ça

va donner. Cela n’a pas l’air d’être de lafausse modestie, mais en tout cas, il dit qu’iln’ar rive jamais vraiment à ce qu’il auraitvoulu. Lescarret est un perfectionniste.Capable de vous entretenir des heures sur lesgens qui trichent avec le bio, les labels… luivendange son vignoble manuellement, pré-pare des « soupes » pour soigner sa vigne enbiodynamie, fait venir des Bretons quiaiment son aventure et qu’il nourrit les dix

jours que dure la récolte. Il limite « collage etfiltration à leur plus simple expression ». Etconclut, dans sa plaquette ornée d’un clownqui louche : « On peut faire bio sans avoir lecheveu long et fumer la moquette ». Et puis il confesse aussi, doucement, ce quesa vigne lui a coûté. Un peu, beaucoup devie de famille. En 1996, un soir de retour duprintemps, au moment où il entend pour lapremière fois le chant du coucou, après unejournée de labeur, son épouse l’accueilleen l’engueulant, lui expliquant qu’il luifaudrait se consacrer un peu plus à sesenfants… « Elle ne comprenait pas le sens demon travail », explique Patrice. Depuis, il a

rencontré Virginie Maignien, diplômée del’Essec, en rupture de ban avec la Réuniondes Musées Nationaux. A 26 ans, elle adémissionné pour entreprendre des étudesviticoles à Beaune, et une nouvelle vie.C’est une connaissance commune, Jean-Paul Thévenet – l’un des papes de la biody-namie –, pour qui Virginie bricolait detemps en temps, qui les a rapprochés. Virginie a compris l’engouement de

Patrice, d’autant qu’elle s’yest mise avec la mêmeverve. Entre eux, c’est une« complémentarité ». Pourle vin, ils aiment à peu prèsles mêmes choses. Par con-tre, elle ne se résout pas à

trouver la cuvée 2009 potable. Elle étaitabsente au moment de la vinification, pourcause d’accouchement d’Abel, un petitbout de chou, qui multiplie les allergies…un comble pour ses parents qui bossenttellement nature.

EN TOUTE MODESTIE Autrement, PatriceLescarret est un drôle de gars. Au déjeunerdans le bistro qu’il a monté avec un as-socié, il fait goûter du vin d’Anjou. Et chezlui, il ouvre un mousseux d’un copain. Cedoit être un bonhomme suffisamment délicat pour ne pas imposer au visiteur l’obligation d’un compliment.

Par DIDIER ARNAUD (envoyé spécial)Photos LUC MANAGO

Patrice Lescarret, et une vue du domaine de Causse Marines.

« On peut faire bio sans avoir le cheveulong et fumer la moquette. »Patrice Lescarret

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Restaurateur et amateur de vins« nature », Pierre Jancou vient de publierVin Vivant, aux éditions Alternatives, où ildresse le portrait de quelques vigneronspassionnés de nature. A lire et à testerdans son restaurant : Vivant, 43 rue desPetites-Ecuries, 75 010 Paris.

Constatez-vous une curiosité accrue des consommateurs/gourmets, notamment chez Vivant, pour les vins « bio » ou « nature »? Oui, les gens sont de plus en plusconscients de ce qu’ils mangent etboivent. Les vins « bio »,« nature » et « vivant » sont en train d’exploser et depuis dix ans nous voyons vraimentles choses évoluer. Chez les vignerons « nature », quelle est la part d’intérêt commercial pour le label AB, et celle de laconviction ?Cela dépend des vignerons. Certains le revendiquent, d’autres l’ont mais ne l’affiche pas, d’autres encore neveulent pas en entendre parler ou n’ont tout simplement pas les moyens…Avantage et l’inconvénient du bio/nature ?Le premier avantage du bio, c’est qu’il s’agit du futur de l’homme, il faut revenir à la raison ! Sans parler du goût et de la santé. Pour le vin biovinifié en « nature », on retrouve le vin de « fruit »,« vivant » et non le vin de « bois », technique, chimique et stérilisé… « mort » à mon sens. Et lesinconvénients, je n’en vois pas dans le bio !Sinon que les vins « nature » sont fragilesquant aux températures, et doivent êtrestockés à une température contrôlée, demaximum 14°C, voire 12°C, dans l’idéal.Un terroir préféré ?J’aime les terroirs sauvages, anciens et ensoleillés… Ceux qui sont travaillésartisanalement, avec la main de l’homme.Une ou deux cuvées à conseiller ?Le Cotillon des dames 2009 de Jean-YvesPeron en Savoie. Un blanc minéral et légèrement sur l’oxydatif, de cépagejacquère, léger en alcool, sans sulfitesajoutés, pas même à la mise en bouteille…et la Soula 2009 de Ghislaine et AlainCastex, une pure grenache noir à Banyuls-sur-Mer, surplombant la Méditerrannée à 350 mètres d’altitude : un grand rouge« vivant » et éternel, qui est pour moi un « grand cru » du vin « vivant » mêmesi il est classé en « vin de table ».

Propos recueillis parFRANÇOISE-MARIE SANTUCCI

PierreJancou, du bio dans la peau

Dans le silence d’unaprès-midi d’été,l’homme, massif,s’avance entre lesrangs de sémillon,un cépage de blanc.Il caresse les feuillesde sa main ample,admire leur cou-

leur, s’extasie devant ses « hôtels pour insectes » plantés sur le domaine, où virevol-tent guêpes et abeilles, mouches et coccinelles.Xavier Planty semble avoir grandi dans cesvignes de Sauternes. Il est pourtant arrivé icipresque par hasard, et en trente ans areconstruit le château Guiraud, ses cent hec-tares de vigne et son parc arboré. Guiraud,premier cru classé de Sauternes, le voisin-rival historique d’Yquem. Seul premier cruclassé de Bordeaux certifié en agriculturebiologique. Une folie pour certains voisins ;

SAUTERNES En trenteans, Xavier Planty a redonné naissance aux cent hectares du château Guiraud, qui est désormaisl’unique premier cruclassé de Bordeauxcertifié en bio. Et celasous le regard méfiant,et peut-être envieux, de certains viticulteursde la région. Par JÉRÔME BAUDOUIN

Photos LUC MANAGO

La folie doucedu châtelain

CHÂTEAU GUIRAUD

Superficie : 100 hectares.Cépages : sémillon, sauvignon.Cuvées : 3 en blanc.Production : 100 000 bouteilles par an.

Château Guiraud33 210 Sauterneswww.chateauguiraud.comTél. : 05 56 76 61 01

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Xavier Planty et, à droite,le vignoble vu depuisChâteau Guiraud.

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un plan de communication, tranchent d’au-tres. Mais pour Xavier Planty, une nécessité.« Mon ancien chef de culture est mort d’un can-cer foudroyant, juste avant de partir en retraite.Ça m’a anéanti. J’ai tout de suite compris d’oùça venait, des pesticides », lâche-t-il. Toutcommence en septembre 1982. Xavier Plantyvient de quitter un poste d’œnologue dans

une propriété de Saint-Emilion pour s’éva-der vers la Provence. « Mais au derniermoment, mon projet n’a pas abouti et je me suisretrouvé à la rue, sans logement, avec ma femmeet nos quatre enfants », raconte-t-il. C’estfinalement son beau-père, le comte de Bari-tault du Carpia, qui l’héberge dans son châ-teau délabré, sans eau courante ni électricité,

une vaste ferme nichée à Castillon de Castets,à quelques kilomètres de Sauternes (qu’ilreprendra en 1998 pour en faire une fermecéréalière de 120 hectares, intégralementcultivée en bio : « C’est sportif, mais ça me permet de garder les pieds sur terre. ») Revenons à ce mois de septembre 1982. Un chasseur de tête lui déniche le poste dedirecteur technique à Guiraud, afin d’épaulerle fils de Franck Narby, un armateur cana-dien qui vient de racheter le domaine un anauparavant. Le château est en ruine, le vig-noble en très mauvais état, il faut toutreconstruire. Le courant passe si bien entreFranck Narby et Xavier Planty qu’en 1986, lepropriétaire lui donne un mandat social et le

propulse gérant du château, alors que le filsquitte le navire. « J’ai eu une chance incroya-ble avec cet homme », dit Xavier Planty. Encinq ans, il va recréer Guiraud, menant lesopérations tambour battant sans éviter cer-taines erreurs. « Que je paye encore. A l’épo-que, je n’avais pas pris conscience qu’unenvironnement agricole était aussi un milieuécologique global », constate-t-il. Un jour, au milieu des années 1990, un mar-chand de produits phytosanitaires lui faitl’article d’un traitement miracle pour sescéréales, présenté dans une bouteille en alu-minium brossé à 300 francs le litre. « Je mesuis trouvé con. Je me suis dit : “Tu es prêt àpayer 300 francs ce truc avec une tête demort dessus et tu n’es pas foutu de vendreune bonne bouteille de Guiraud 60 francs.Quelque chose ne tourne pas rond !” » Trèsvite, avec sa femme, ils décident de convertir

leur ferme en agriculture biologique : ce serason laboratoire.

LES HÔTELS À INSECTES A Guiraud, ledécès de son chef de culture l’anéanti. En2000, Xavier Planty s’adjoint les conseils deMaarten Van Helden, chercheur sur la biodi-versité dans le vignoble à l’Enita de Bordeaux(Ecole Nationale d’ingénieurs des travauxagricoles). Van Helden va l’aider à recréer dela biodiversité. Il plante six kilomètres dehaies, enherbe certaines parcelles et installedes nichoirs, des ruches et même des hôtelsà insectes, ainsi qu’une station d’épurationbiologique pour traiter les eaux usées du vignoble. « Cette biodiversité a protégé la vigne

contre les maladies. Si bienqu’en 2004, on n’utilisait plusaucun insecticide », expliquePlanty. Mais cette mêmeannée, gravement malade,Franck Narby met en venteChâteau Guiraud. Ce qui

freine la conversion. Les acheteurs ne sebousculent pas, malgré la réussite des vins.Dès lors, Planty comprend qu’il doit s’impli-quer vraiment, d’autant qu’il possède quel-ques parts depuis 1986. Il appelle deuxcopains vignerons pour former un pool d’actionnaires : Olivier Bernard, le proprié-taire du Domaine de Chevalier en Pessac-Léognan, et Stephan Van Niepperg, lepropriétaire du château Canon la Gaffelière,grand cru classé de Saint-Emilion. Et à euxtrois, ils réussissent à convaincre une qua-trième personne qui va investir en majorité,Robert Peugeot. Ils rachètent Guiraud en2006. L’héritier du constructeur automobileadhère même à la conversion en agriculturebiologique. Après trois années de conversion,Guiraud devient officiellement, fin 2010, lepremier cru classé de Bordeaux certifié en agriculture biologique.

« Le bio, c’est sportif, mais ça me permetde garder les pieds sur terre. »Xavier Planty

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Naturelà tout crin

I l s’absente de chez lui au moinsquatre mois par an. Sillonne lemonde entier, de foire en foire,pour présenter son vin. Au bout detrois jours, sa région lui manque.Alfred Tesseron raconte qu’il aimemarcher avec son épagneul dans

les vignes. Mais quand il reçoit, c’est dansune voiture électrique que cet homme, à lapoignée de main franche, vous fait grimper.On se croirait en route pour le trou numérohuit d’un parcours de golf : « J’ai toujoursemmené les gens dans les vignes, c’est là qu’estfait le vin, c’est elle qui compte. » On est dansle Médoc, l’estuaire de la Gironde est à deuxpas. Le sol est de sable et de grave, il y a depetites maisons de pierre aux carrefours des chemins. Et soudain, un cheval. Alfredconnaît le nom de chacun de ses postiersBretons (une race de cheval très endurante),qui tirent un outillage approprié. Le retouraux vieilles manières n’est pas juste unequestion d’image. Les noms des chevaux ?Reine, Surprise, Opale et Kakou. Ceux-làlabourent, enlèvent la terre. « Un cheval nemet jamais son pied au même endroit, ilépargne le sol quand le tracteur l’écrase », ditAlfred, et casse moins de pieds de vigne.

PAUILLAC Non loin de l’estuaire de la Gironde,Alfred Tesseron a hérité d’un domaine qu’il aconverti en biodynamie et qu’il cultive avec quatrechevaux. Heureux d’avoir bravé bien des réticences.

ParDIDIER ARNAUD (envoyé spécial)

Ci-dessus, Alfred Tesseron, à droite, l’un de ses postiers Bretons.PHOTOS DIDIER ARNAUD

Voilà ce qu’Alfred Tesseron, fils de Guy, aapporté à son château Pontet-Canet : unenouvelle façon de travailler (en biodynamie)et de manière plus traditionnelle, qui l’a,explique-t-il, « rapproché du vignoble ».Cette manière l’a « distingué », dans unerégion où marquer sa différence est uneaffaire bien délicate. On entend encore lesricanements de gens des crus voisins quandon leur parle de biodynamie, cette « lubie deparisiens ». On écoute avec circonspectionce Pauillacais anonyme rencontré dans un

magasin parler du « nouveau marketing »dece type de vins-là : « Beaucoup s’y mettentpour faire parler d’eux. » A Alfred Tesseron,tout ça ne provoque guère qu’un hausse-ment d’épaules. C’est Jean-Michel Comme,le régisseur, qui lui a fait goûter son proprevin, le Chant des treilles, un petit vignobleprès de Sainte-Foy-la-Grande, qui l’a convaincu de s’y mettre. « Il y avait une

pureté dans son vin »,dit Alfred Tesseron, quilance alors à Jean-Michel : « On pourraitessayer de faire quelque chose d’identique ».Cette année-là, en 1994, Guy Tesseron, lepère, est à la manœuvre. Pour évoquer samémoire, Alfred dit juste : « L’homme intel-ligent, c’est mon père ».Un peu plus tôt, lors-qu’Alfred s’essaie à la vendange verte, sonpère le bat froid. Alfred a écrasé les raisins– il mime avec sa chaussure – pas mûrs. Guya vu jaune. Piétiner du raisin, pour un Charentais, c’est un crime, du gaspillage. Etsurtout, une manière de prendre le pas sur lepas de son père. Alfred est passé en force :autrement il n’aurait pas osé. Il met le pèredevant le fait accompli et lui dit une fois sapremière vinification effectuée : « Le mal estfait ». Alfred aurait dû être un enfant bienélevé. Il a serré les fesses et ça lui a bienréussi. Ce tournant lui attire les commandes,et les bonnes notes. Le redouté Parker, lecritique américain dont les remarques font la pluie et le beau temps, lui a donnél’excellence. Mais le plus beau compliment,c’est celui que lui fit son père quand, ce moisde mars, il lui porte un échantillon de sonpremier bébé : « Je sais qu’il est bon, j’en ai déjà entendu parler. » Il faut envisager Pontet-Canet comme un endroit casse-gueule.

BON VOISINAGE Avant les Tesseron, lafamille Cruse était propriétaire du vignobledepuis cent cinquante ans. Nicole, la belle-mère d’Alfred qui l’a élevé, avec sa fratrie,« comme une sainte », est issue de cettefamille. Alfred lui doit tant qu’il a baptisé unchai de son nom. Lorsque les Cruse ontvendu le domaine, c’était au beau milieud’une crise majeure que traversait leurentreprise et qui a touché, par extension,tout le Bordelais. Il y était question d’appel-lation vendue en Bordeaux générique, en fait« enrichie » de vins du Languedoc… Outre-Atlantique, la fraude a coûté beaucoup enterme d’image et a fait du mal à la famille.Mais cet épisode a été effacé des tablettes del’histoire officielle. Ce qui, en revanche,n’est pas oublié en ce qui concerne Pontet-Canet (« seulement » cinquième cru classé),c’est la proximité de très grands crus commele voisin Lafite Rothschild, un roi dans lecoin. Un voisin à côté duquel il n’est pasmauvais de se faire remarquer. Outre toutesces embûches, il faut encore compter sur lesaléas du climat, et les risques du métier. En2004, une attaque de mildiou a forcé AlfredTesseron à traiter sa vigne, mettant en périlson agrément bio. Il n’a pas dormi pendantdes nuits, et cet épisode l’a visiblement mar-qué. Depuis, il maintient le cap. Content defaire quelque chose que les autres ne fontpas. Après, il montre son chai – construitpar Eiffel – explique le tri des grains, puis faitdéguster son dernier millésime. Puissant,fortement structuré, mais un peu jeune.

MAUVAIS NUAGE Plus tard, dans la cuisinedu château où un chef se met en quatre pourservir à seulement deux convives, sonpatron et l’auteur de ces lignes, un repasdélicat, Alfred a ouvert un millésime 2003,un cru d’avant la biodynamie, sacrémentrond et brillant. Une année particulière,

caniculaire. Depuis dix ans,son vin s’arrache commedes petits pains. Lui joue l’étonné, le modeste, il metça sur le compte du marché.« On a profité de cette vague,résume-t-il, mais c’est le fait

de faire bon. »Le millésime 2011 fut vendu enun quart d’heure, tant il était précédé de saréputation. Le 2010 se vend 110 euros, « dixfois moins cher qu’un grand cru », tempèreTesseron, qui rappelle que son principalassocié c’est la nature. Il dit qu’un mauvaisnuage peut tout lui faire perdre. Et, malgréson âge, conclut ainsi : « Je ne pense pas dutout que je suis arrivé. »

« Un cheval ne met jamais son pied au même endroit, il épargne le sol alors que le tracteur l’écrase. »Alfred Tesseron

DOMAINE PONTET-CANET

Superficie : 80 hectares.Cépages : cabernet, sauvignon,merlot, cabernet franc et petit verdot.Cuvées : 2 en rouge.Production : 300 000 bouteilles par an.

Château Pontet-Canet33 250 Pauillacwww.pontet-canet.comTél. : 05 56 59 04 04

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lIBÉraTIon, SAMEDi 4 JullIET 2009 CuLTurE 37

FOirES Aux vinS

Au HiT PArADE DES FOirES Aux vinS,BOrDEAux rEMPOrTELA PALME. LA réGiOnrEPréSEnTE PLuS DE LA MOiTié DE L’OFFrE. Des centaines de châteaux etcertains crus de légendes sont soldésau même prix, voire moins cher qu’enprimeur. mieux, les enseignesspécialisées font jeu égal avec lesgrandes surfaces. ainsi, repaire de Bacchus, le réseau de cavistesFranciliens, donne rendez-vous à sesclients sur son nouveau site (www.lerepairedebacchus.com). centtrente vins y voient leurs prix remisésde 12 à 37 %. la cuvée Désirée 2005clary du château Le Thil Comte deClary, un Pessac-Léognan voisin de Smith Haut-lafitte, est proposé à 20 €. Toujours au repaire de Bacchus, on découvre ce trèsbeau Margaux 2006, ChâteauPrieuré Lichine. a boire dans deuxou trois ans, ou à garder en cave, à 44 €. iDealwine, le site de vente auxenchères, offre de grands crus dontle grandiose Léoville-Barton 2007pour 46 €. Plus abordable et toujoursen Saint-Julien, le Pavillon deLéoville Poyferré, le second vin du château léoville Poyferré, est à 26,80 € chez nicolas. la région

margauX, côTES DE caSTIllon, gaIllac…de Bordeaux produit encore peu de vins en agriculture biologique.mais casino vend un excellentBordeaux 2010, Château Joumes-Fillon, à seulement 3,95 €. autrecuvée à ne pas rater, le châteauGrand Corbin-Despagne, un cruclassé de Saint-Emilion, tenuadmirablement par FrançoisDespagne. c’est l’un des plusabordables crus classés del’appellation, et l’un des meilleurs. Ilest vendu 21,50 € chez Wineandco.ce site de vente par internet, basé à Bordeaux, offre une belle gammede crus prestigieux à des prixmaîtrisés. comme le plus célèbre desHaut-Médoc, Château Sociando-Mallet 2008 à 24,90 €, ou ceMargaux 2007, Château du Tertreà 26,10 €. ou, pour rester sur la rivegauche, Château Smith Haut Lafitterouge 2007 à 39,95 € (le tout chezWineandco.com). De son côté, le réseau de cavistes nicolas met enavant les seconds vins de grands crus.une façon de tutoyer les crus classéssans se ruiner. Dont L’Oratoire deChasse-Spleen 2009, le second vinde château chasse-Spleen à 16,80 €,Les Tourelles de Longueville 2007,second vin du célèbre pauillacchâteau Pichon-longueville, à 30 €(chez nicolas). a ne pas manquer nonplus, sur internet, le meilleur Côtes

de Castillon qui rivalise avec lesSaint-Emilion grand cru Châteaud’Aiguilhe 2008, 16,65 € (Xo-vin.fr).Pour ceux qui cherchent un sauternemythique, Château Climens 2005,90,25 € (Xo-vin.fr). Et en blanc sec,un graves, propriété du célèbreœnologue Denis Dubourdieu, ClosFloridène La Pente Aux Alouettesblanc, à 19,32 € (lavinia). le sud-ouest est aussi présent avec de joliesdécouvertes comme le SauvignonDaguet de Berticot 2010, un côtesde Duras blanc vendu 3 € chezcarrefour market, qui existe aussi en rouge, en millésime 2009, au même prix. Il y a aussi cemagnifique Cahors 2009, CèdreHéritage Château du Cèdre, à 5,95 €chez Wineandco.com. Plusprestigieux, en Cahors 2005, LesLaquets du Domaine Cosse-Maisonneuve, 24,90 € (iDealwine).Enfin, pour les amateurs de blancsliquoreux, on trouve le Monbazillac2007, Château de Larchere à 8,50 €chez lavinia, et le Gaillac 2010,domaine Plageoles Brune d’Autanà 13,34 €. Toujours chez lavinia, le Jurançon 2007, Domaine BellaucLa Divine, 25,39 €. a se damner. J. B.

Sélection réalisée parLA REVUE DU VIN DE FRANCE

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Champagne Ingénieur agronome de formation,Jean-Baptiste Lécaillon réforme peu à peu Roederer,l’une des stars de Champagne. En appliquant uneméthode scientifique, et bio, à son terroir.

Le détenteur de la clé du sol

On ne se refait pas.Fils et petit-filsd’ingénieur agro-nome, Jean-Bap-tiste Lécaillonmarche sur lestraces familiales.Avec la mêmelogique de pen-

sée, vision des choses, méthode de travail. Ilne renie pas sa filiation et pourtant sait s’endétacher, cultiver une certaine indépendanceintellectuelle, se construire une nouvelleapproche viticole. «Aujourd’hui, dit-il, quandun jeune œnologue arrive chez Roederer, je luidemande de jeter ses livres et de réapprendre letravail. On ne peut pas faire de grands vins avecune œnologie et une agronomie standardisées.Pour faire grand, il faut repousser les limites. Etdonc désapprendre et se réapproprier le vin parla dégustation et l’observation. » Jean-BaptisteLécaillon parle avec un sourire au coin deslèvres. Il est le directeur général adjoint deLouis Roederer, l’une des plus prestigieusesmaisons de champagne, la seule à avoir osél’aventure de la viticulture en biodynamie,malgré sa taille : 220 hectares et trois millionsde bouteilles produites.

Par jérôme baudouinPhotos luC manago

TrenTe-deux mille heCTares eT un suCCès planéTaire :voilà le desTin duChampagne eT de sesgrandes maisons, ses CavesCoopéraTives eT sespropriéTaires réColTanTs. dans les vignes, TroisCépages dominenT. le Chardonnay, le pinoTnoir eT le pinoT meunier.l’alsaCe, elle, CompTe de nombreux peTiTsproduCTeurs qui s’appuienTsur un ClimaT ConTinenTalpour élaborer de grandsvins blanCs seCs eTliquoreux, grâCe auxCépages riesling, pinoTblanC, sylvaner eTgewurzTraminer.

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Champagne& alsaCe

ainsi�que�j’ai�rencontré�Jean-Claude�Rouzaud,�le�propriétaire�de�Roederer. » Entre les deuxhommes l’entente est tellement immédiate,magique, que l’entretien dure des heures.Jean-Claude Rouzaud l’emmène dans le vignoble, lui montre chaque parcelle, lui faitgoûter les vins. A la fin de la journée, il l’em-bauche et l’envoie aux Etats-Unis restructu-rer la production de méthode champenoiseRoederer Estate, en Californie. Un an après,ce sera l’Australie où il reste trois ans et demiafin de créer un mousseux.

ENTRE REIMS ET BORDEAUX Lorsque Jean-Baptiste Lécaillon revient à Reims en 1994, ilest chargé du développement des vignobles.Mais il passe la moitié de son temps entreReims et Bordeaux car Roederer vient d’acheter une propriété à Saint-Estèphe, lechâteau Haut-Beauséjour, suivi par le châ-teau de Pez en 1996. « Ce�passage�à�Bordeauxm’a�permis�d’avoir�une�vision�plus�qualitative�dela� production� de� raisin,� et� de� rapprocher� le�vignoble�de�la�cave.�En�Champagne,�les�achatsde� raisin� et� la� distance� des� parcelles� rendentmoins�évidente�cette�démarche.�On�est�davan-tage�dans�une�logique�de�marque », continue-t-il. Et avec Jean-Claude Rouzaud, il renforcecette réflexion sur le terroir en Champagne.« Le�meilleur�moyen�de�gagner�en�qualité,�c’étaitde�mieux�travailler�nos�sols. »�Jean-Baptiste Lécaillon entame alors sa révo-

lution intellectuelle. Fini la logique producti-viste apprise à l’école. Roederer possède enpropre 220 hectares de vignes, dont la plu-part, plantées en pinot noir, sont situées engrand cru, sur les pentes de la montagne deReims. Un trésor inestimable. En 1999, Lécaillon dirige à la fois le vignobleet la cave. Ce qui est rarissime en Cham-pagne, où les grandes maisons préfèrentgénéralement travailler avec deux personnesdifférentes pour ces deux postes, et où, géné-ralement, le chef de cave a primauté sur lechef de culture. Avec sa double casquette,Jean-Baptiste Lécaillon a le pouvoir de réfor-mer Roederer. Il approfondit également sonapproche terroir en discutant avec des vigne-rons en biodynamie, comme DominiqueLafon. Mais la partie n’est pas facile. D’une

part, le climat champenois n’est pas vraimentadapté. De l’autre, le vaste vignoble de Roederer ne se pilote pas comme un petit closbourguignon. Et la biodynamie demande uneforte implication personnelle. Si bien queJean-Baptiste Lécaillon débute ses expériencessur deux hectares seulement. Avec sa logique

scientifique, il échantillonne son périmètred’expérimentation avec trois terroirs et troiscépages différents, mi-agriculture biologi-que, mi-biodynamie. « Au� fil� des� ans,� j’aiélargi� ce�protocole�pour�atteindre�26�hectares�de� vignes ;� je� crois� que� nous� avons� l’un� des�plus�grands�vignobles�de�Champagne�cultivé�dela�sorte.�Mais�je�ne�veux�pas�être�affilié�à�une�chapelle.�C’est�pour�cela�que�je�ne�me�revendiquepas�biodynamiste. »�

BOULES D’ÉNERGIES Lors des dégustations,néanmoins, le résultat qualitatif ne s’est pasfait attendre. «On�ne�peut�pas�dire�qu’entre�lebio�et�la�biodynamie,�l’un�est�meilleur�que�l’autre.Mais�en�bouche,�on�découvre�des�vins�qui�sontdes�boules�d’énergie,�très�structurés,�avec�uneminéralité�impressionnante.�Si�bien�qu’il�m’a�fallu

réapprendre� à� réaliser� mesassemblages� de� cuvées. »Depuis quatre ans, il appliquece protocole dans les diffé-rentes propriétés apparte-nant à Roederer : châteauxde Pez et de Pichon Comtesse

Lalande à Bordeaux, Ramos Pinto au Portu-gal, domaine Ott en Provence et aux Etats-Unis. « Je�réfléchis�désormais�à�ce�qui�se�passeraaprès�la�viticulture�bio�et�biodynamique,�qui�ontété�des�réponses�à�l’impasse�du�productiviste. »En fait, dit il, « il�reste�à�inventer�l’avenir�du�vignoble,�avec�de�nouvelles�méthodes. »

Jean-Baptiste Lécaillon, et une partie de l’étendue du domaine Louis Roederer.

« Je réfléchis à ce qui se passera après laviticulture bio et biodynamique, qui ont étédes réponses à l’impasse du productiviste. »Jean-Baptiste Lécaillon

Cette indépendance d’esprit vient peut-être de son parcours. Certes, Jean-BaptisteLécaillon est né à Reims, au cœur de la Cham-pagne, mais il n’est pas issu du monde viticole,du sérail. Il avait bien quelques copains decollège qui « en�étaient », comme le fils Krug,l’un de ses meilleurs amis. Mais sa rencontreavec le vin s’est faite au hasard d’un voyage enBourgogne, au domaine Dujac. «Après�avoirgoûté�ces�vins,�j’ai�su�quel�métier�je�voulais�faire. »Une fois obtenus ses diplômes d’agronome etd’œnologue, en 1988, il décide de partir à l’étranger, vinifier sur d’autres continents.« J’ai�contacté�les�maisons�de�champagne�quipossédaient�des�vignobles�aux�Etats-Unis ;�c’est

DOMAINE LOUIS ROEDERER

Superficie : 214 hectares.Cépages : pinot noir et meunier (135 ha) ; chardonnay (79 ha).Cuvées : 16.Production : 3 000 000 de bouteilles par an.

Louis Roederer21, boulevard Lundy51 100 Reimswww.champagne-roederer.comTél. : 03 26 40 42 11

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Par JACKY DURAND (envoyé spécial)

Sur la route, lors d’une pausedans un winstub, on nousavait prévenu : « Vous allezchez des seigneurs. » Ce matin-là, à un kilomètre de Turckheim (Haut-Rhin),entre les contreforts des

Vosges et la plaine d’Alsace, on cherche unpoint de repère dans l’immense frondaisonvert tendre des vignes quand apparaît, sobreet élégant, l’édifice de béton brut qui signela présence du domaine Zind-Humbrecht,40 hectares en biodynamie, 22 salariés etparmi les plus beaux vins d’Alsace. Le bâti-ment est à l’image de son hôte, discret et impressionnant à la fois car Olivier Humbrecht et son fils (qui l’a dépassé…) doivent fricoter avec les deux mètres, à vuede nez. Mais dans la famille, on ne comptepas : ni les mots, ni le temps quand il s’agit

ALSACE Ces vignes escarpées ont leurs seigneurs, les Humbrecht, qui les cultivent en biodynamie de pères en fils. Rendements faibles, résultats sublimes.

Sur la bonnepente, depuis cinq siècles

Il y a cinq siècles, à la sortie de la guerre deTrente Ans qui ravagea l’Alsace, les ancêtresdes Humbrecht cultivaient la vigne en foule,autour de piquets à raison de 20 000 à30 000 pieds à l’hectare – contre 7 500 à10 000 pieds aujourd’hui. Le cépage senommait le knipperlé. Il a disparu dans lesfriches de l’oubli avant d’être retrouvé parhasard au milieu d’une vieille vigne dans leval de Villé. Les Humbrecht en ont replantéune cinquantaine de pieds, il y a une dizained’années pour l’observation, le savoir.

LA PLEIADE DE PARCELLES C’est peu direqu’on aime apprendre et se souvenir chezces gens-là. Léonard Humbrecht, le pèred’Olivier, a passé sa vie à la recherche desplus beaux terroirs, collectionnant ainsi unepléiade de parcelles magnifiques. «Moi, jesuis tombé dedans sans m’en rendre compte »,raconte Olivier. Sa fille fait une formation dedesign, son fils va entrer dans la même écoled’ingénieur en agriculture que son père àToulouse. « J’essaie de lui montrer les bonsmais aussi les mauvais côtés du travail du vig-

neron. Si je vous emmène palisser [attacher lesbranches de la vigne, ndlr] par 35 °C commeaujourd’hui, vous allez découvrir la pénibilité dumétier. En revanche, travailler le vin en cave,ça, c’est la partie plaisir. » Avec un diplômed’ingénieur, un autre d’œnologie, Olivierest parti au milieu des années 80 effectuerson service national à Londres où il en pro-

fite pour préparer le «Master of wine ». Encinquante-cinq ans d’existence, trois centspersonnes seulement ont décroché le«MW», où il faut à la fois faire preuve d’unsavoir encyclopédique tout en dissertant surle vin et enchaîner trois dégustations dedouze crus chacune. « La première fois, je l’airaté par manque de connaissance des vins dumonde. J’ai pris trois mois pour faire le tour dela planète et découvrir des vignobles, entreautres dans l’Oregon. »

LA VIGNE, UN ÊTRE VIVANT Ainsi pourvu,Olivier Humbrecht est rentré à Turckheimpour se frotter au… tas de fumier familial.Son père utilisait déjà de l’engrais bio en sacs.Ensemble, ils tentent de faire leur proprecompost qui se révèle un affreux brouetpuant l’ammoniaque. «Durant trois ans, c’estresté de la merde, explique Olivier. On a finipar comprendre que c’était à cause du fumier delapin que l’on achetait : les animaux étaientbourrés d’antibiotiques. Et le compost stéri-lisé. »Olivier Humbrecht s’en va jusqu’au finfond des Vosges chez un agriculteur pour

dénicher un autre fumierqui, cette fois mélangé à sonmarc de raisin, lui donne unbeau compost. « J’ai décou-vert que ce paysan-là travai-llait en biodynamie. Je me suisdit qu’il fallait que j’appliquecette démarche à ma vigne. »

Entre sa culture d’ingénieur et les principesde la biodynamie définis par Rudolf Steineren 1924, Olivier a trouvé une complémenta-rité qui lui permet d’aborder sa vigne commeun être vivant à qui il offre la meilleure viepossible. Chez lui, on laboure au cheval ou onpioche à la main pour ne pas tasser la terre ;on ne rogne pas la vigne, ni ne supprime de

« Notre compost était de la merde, à causedu fumier de lapin que l’on achetait : lesanimaux étaient bourrés d’antibiotiques. »Olivier Humbrecht

de raconter la vigne. Il faut dire que lesHumbrecht font du vin depuis des lustres.Officiellement depuis le XVIIe siècle maispeut-être bien plus longtemps si l’on se fie à une énigmatique pierre gravée avec lesinitiales IH (pour Isidore Humbrecht ?) etcette date, 1296.

DOMAINE ZIND-HUMBRECHT

Superficie : 40 hectares.Cépages : riesling, gewurztraminer,pinot gris, muscat, pinot blanc,auxerrois, chardonnay et pinot noir. Cuvées : 22 en blanc et en rouge.Production : environ 200 000bouteilles par an.

Domaine Zind-Humbrecht4, route de Colmar68 230 TurckheimTél. : 03 89 27 02 05

Olivier Humbrecht et une partie de son vignoble. PHOTOS DR

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Signe d’exception

L’ ABUS D’ ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

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Estelle Touzet, 30 ans, est la chefsommelier du Meurice (22, rue de Rivoli,75001), l’hôtel de luxe parisien qui abrite le restaurant du chef étoilé Yannick Alléno.

Constatez-vous une curiosité accrue de vosclients pour les vins « bio » ou « nature » ? Oui, il y a une évolution de l’intérêt porté à ce type de vin. La demande existe, maiselle n’est pas systématique.Que pensez-vous de ces vins ? Vous savez, le terme « vin bio » n’existepas à proprement parler, la mention« bio » ne concernant que la viticulturerégie par un cahier des charges, et rienn’empêche le vigneron d’utiliser desproduits chimiques lors de la vinification.Un vin « nature » ou « sans soufre ajouté »bannit quant à lui l’adjonction de soufre.Ces élaborations exigent des conditions de vinification, de transport etconservation très strictes. Car la moindreremontée en température, au-delà de 14°C,altère le vin. Et la « biodynamie » vise àlimiter au maximum l’utilisation deproduits chimiques ; je penche pour cet étatd’esprit-là, qui me paraît le plus complet.Avez-vous ces vins à la carte du Meurice ? Il est difficile de répondre à cette question…Car beaucoup de vignerons adhèrent à un état d’esprit avant de rechercher la reconnaissance d’une certification.Chaque politique (bio, nature oubiodynamie) a pour but d’accéder à unmode de viticulture et de vinification le plus « naturel » possible, mais présentedes limites, notamment ces fameux cahiersdes charges qui ne correspondent pastoujours à la philosophie du vigneron ; du coup, certains vins ne reçoivent pas de certification car l’un des principes decertification n’a pas été ou n’a pas pu êtreappliqué, alors qu’une politique bio, natureou biodynamique est menée par levigneron. Voilà pourquoi on ne peut paschiffrer combien de ces vins figurent sur lacarte du Meurice. Mais une certitude : nousn’avons pas de vins « sans soufre ajouté ».Les avantages et inconvénients de ces vins,d’après vous ?L’avantage est l’assurance d’uneintervention minimale de l’homme ;l’inconvénient reste les déviancesaromatiques qui ne permettent pasd’assurer une qualité de produit constante.Quelle est votre région et/ou terroir préféré ?Le Berry, évidemment !Un ou deux vins que vous conseillez ?Les vins du domaine de la Vougeraie enBourgogne, et les vins Josmeyer en Alsace,tous deux en biodynamie.

Propos recueillis parFRANÇOISE-MARIE SANTUCCI

Estelle Touzet,moins bio quedynamique

raisins verts. Car pour éviter de telles opéra-tions, tout est question d’équilibre entre cielet terre, entre air et eau.En cave, dans cette belle crypte de bétonbrut où s’alignent les foudres de chêne quivont de 600 à 10 000 litres, cela donne desinstants magiques. Les Humbrecht travaillentsans nutriment ni ajout de levure lors de fer -mentations très lentes, et avec leur propreeau de source qui ne connaît pas le chlore.Leurs rendements tournent autour de 38 à40 hectolitres à l’hectare, quand la moyenneen Alsace est à 80 hectolitres. « Pour des vinsde base, ce n’est pas forcément un problème.Mais pour des grands vins, il commence à yavoir une certaine dilution au-dessus du seuildes 50 hectolitres à l’hectare », affirme OlivierHumbrecht. Il a débouché l’un de ses vins,un Gewurztraminer Rangen de Thann ClosSaint-Urbain, grand cru de 2009. De l’or enbouche que ce vin moelleux aux puissantsarômes de rose et de litchi.

PIERRE A FUSIL Le vigneron vous montre unmorceau de la roche noire et volcaniqueextrêmement dure où le Gewurztraminer acommencé son histoire, sur les coteaux du Rangen. « C’est une terre extrêmement pauvre organiquement, mais très riche en élé-ments minéraux. Avec de tels vins, le terroir aparfois du mal à parler. Le Rangen, lui, estcapable de dominer ces arômes en apportant un côté pierre à fusil. » Une gorgée de vin etl’on contemple sur une photographie lespentes extrêmement raides du Rangen, où letravail de la vigne n’est pas une minceaffaire. « En terrain plat, un labour simple,c’est un jour ou un jour et demi de travail. Là-bas, c’est une charrue avec un treuil, quatre bonhommes et deux semaines de tra-vail. » La qualité est à ce prix-là.

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Du mauvaissort auxbulles en or

Dans ce paysage de vallons et decoteaux pentus qui est le sien,aux confins de la Marne, del’Aisne et de la Seine-et-Marne, Françoise Bedel a fait

de la viticulture une quête spirituelle. Pourcomprendre son long cheminement, il fautrevenir en arrière. Au début des années1990, elle est l’épouse d’un viticulteur deCrouttes-sur-Marne, son village natal, oùses parents eux-mêmes exercent le métier

CHAMPAGNE FrançoiseBedel a découvert la biodynamie par le biais du destin, et de la médecine. Elle l’applique désormaisdans ses vigneschampenoises avec son fils Vincent :deux originaux en terre bourgeoise.

Par JÉRÔME BAUDOUINPhotos LUC MANAGO

DOMAINE FRANÇOISE BEDEL ET FILS

Superficie : 8 hectares.Cépages : pinot meunier (92%), pinot noir (8%) ; chardonnay (100%)Cuvées : 6.Production : 60 000 bouteilles par an.

Françoise Bedel et Fils71, Grande-Rue02 310 Croutes-sur-Marnewww.champagne-francoise-bedel.frTél. : 03 23 82 15 80

dégageait une complexité, un supplémentd’âme, qui m’a tout de suite convaincu de tra-vailler comme ma mère », dit-il, encore ému.Finalement, en 2003, il rejoint le domainematernel. Mais dans ce terroir champenois

conservateur, l’idée qu’une femme puissediriger avec succès un vignoble, qui plus esten biodynamie, en a heurté plus d’un. « Audébut cela n’a pas été facile. Mais les choses ontchangé. Certains voisins acceptent même que je

cultive leurs rangs limitrophes en biodynamie »,dit-elle en riant. Françoise serait-elle deve-nue prosélyte ? « Non, je leur ai simplementexpliqué qu’ils ne risquaient rien à essayer labiodynamie sur quelques rangs et ils ont

accepté. » Ces champagnesexpriment des arômes in- tenses et une puissance en bouche que l’on trouve rare-ment dans le champagneconventionnel. Avec son filsVincent, Françoise Bedelréfléchit à aller plus loin

encore, en délaissant le tracteur pour le cheval. Ce n’est encore qu’un projet. Maiscela lui permettrait d’être en osmose avec lanature et de creuser un peu plus le sillonqu’elle a dessiné depuis quinze ans.

de la vigne. Son mari est un adepte de la viti-culture intensive et pour guérir son fils Vin-cent, qui souffre depuis la naissance deproblèmes de santé, elle se tourne vers lamédecine homéopathique et rencontreRobert Winer, un médecin qui l’initie auxmédecines douces. « Il a été un véritable révé-lateur », raconte-t-elle avec émotion, si bienqu’elle lui a même dédié une cuvée millési-mée 1996 – un champagne savoureux, puis-sant, avec des notes de moka et de chocolat.Dès lors, Françoise Bedel suit son proprechemin. Sa vision de la viticulture n’est plusen rapport avec celle de son mari, ils seséparent et elle récupère la moitié du petitdomaine, deux hectares. Mais à peine le divorce prononcé, son ex-mari est victime d’un grave accident de lacirculation qui le plonge dans le coma pen-dant quatre mois. Ce qui la conduit à gérerseule, une année durant, les deux bouts devignoble. Une période difficile. « J’étais àdeux doigts de tout arrêter. Je ne voulais pluscontinuer la viticulture telle qu’on la pratiquait,de manière conventionnelle. Je ne supportaisplus d’utiliser des produits chimiques, mais jene savais pas vers qui me tourner. J’en ai parléà mon œnologue qui m’a conseillé d’aller voirJean-Pierre Fleury. C’était en 1996. » Fleuryest alors l’un des rares grands vignerons dechampagne converti en viticulture biodyna-mique. Il l’accompagne dans sa conversionet elle entre dans l’association Biodyvin, quiregroupe la fine fleur des vignerons françaisen biodynamie (Lalou Bize-Leroy, MarcKreydenweiss, Anne-Claude Leflaive,Michel Chapoutier, Noël Pinguet). « A l’épo-que, je savais le champagne que je voulais élaborer, mais pas comment le faire. »

LE SUPPLÉMENT D’ÂME Elle poursuit sonchemin de vigneronne comme un pélerin enroute vers Compostelle. En 2001, alors queson fils poursuit des études viticoles en Bour-gogne, elle l’emmène chez Anne-ClaudeLeflaive, la grande viticultrice de Puligny-Montrachet, pour une dégustation dans lecadre de Biodyvin. Une expérimentation :une parcelle partagée en deux, la moitié cultivée en bio et l’autre en biodynamie. « Çaa été une révélation », raconte Vincent. « Lesdeux vins dégustés à l’aveugle, étaient presquesemblables, mais celui produit en biodynamie

« Je ne voulais plus continuer la viticulturetelle qu’on la pratiquait, de manièreconventionnelle. Je ne supportais plusd’utiliser des produits chimiques. »Françoise Bedel

Françoise Bedel et son fils et ci-dessous, l’entrée de leur maison.

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FoiReS Aux VinS

MêMe Si CeS VinS de FêTe SonT SouVenTPRoPoSéS en Find’Année PLuTôT qu’AuMoMenT deS FoiReS, de BeAux FLAConSéGAyenT LeS LinéAiReSeT PeRMeTTenT deReMPLiR SA CAVe AVAnTLe RuSH de déCeMBRe. ainsi, la cuvée brut de la maisonFleury Père et Fils, proposée à35,06 € chez lavinia. Jean-PierreFleury est l’un des artisans del’émergence de la biodynamie enchampagne et l’on n’est donc pasétonné de retrouver dans cettecuvée les arômes intenses quisignent son champagne maison.autre cuvée qui mérite le détour,le brut non millésimé Merveillede Zoémie de Sousa, à 22 € chez1855.com. un champagne floral,assemblage des trois principauxcépages de l’appellation :chardonnay, pinot noir et pinotmeunier. autre belle découverte,le brut non millésimé nature Zérodosage de chez drappier, vendu23,90 € chez idealwine. une raretéélaborée uniquement à partir depinot noir. c’est un champagne vif,droit, aux notes de fruits blancs,

cHardonnay, rIESlIng, PInoT grIS…comme la pêche. Enfin, pour ceuxqui veulent se faire plaisir avec unchampagne de prestige, la GrandeAnnée 2002 de Bollinger estindispensable. Sa bouche dense au goût puissant de raisin noirprovoque toujours une grandeémotion pour qui le goutte pour la première fois. chez Xo-vin.fr, le flacon est vendu 71,20 €, bienmoins cher que son prix de lancement. l’alsace proposeaussi quelques belles cuvées de vignerons talentueux. Et cetteannée, monoprix et le site internetWineandco.com proposent les vinsles plus intéressants. a commencerpar cet alsace pinot gris grand cru2009 du domaine Pierre etChantal Frick (8,90 € chezmonoprix). Pierre Frick est l’un des plus anciens militants de laviticulture biologique (depuis 1970)et biodynamique (depuis 1981). Son pinot gris grand cru estintense mais sans lourdeur. Pourceux qui recherchent un beauriesling ciselé et droit, il ne fautpas hésiter face au Rieslingd’Andlau 2009 de MarcKreydenweiss (11,95 € chezWineandco.com), l’un des grandsdéfenseurs de la biodynamiedepuis vingt ans dans la région. ce vigneron de talent est un

puriste du terroir. un peu pluscher, dans un autre style, plusépuré encore, voilà un alsacesylvaner 2007, le Zind du domaineZind Humbrecht, à 14,95 €,toujours chez monoprix. Ici, on retrouve la filiation avec lesgrandes cuvées signées olivierHumbrecht. certes, le sylvaner estun cépage moins prestigieux que le riesling, mais cela reste un plaisirde chaque instant. Et si l’on veutdécouvrir les grandes cuvées dugéant Turckheim, Wineandco.comen propose deux. Legewurztraminer Clos Windsbuhlest un vin moelleux mêlant à la foisdes arômes de fruits complexes,de fleur et ce bel équilibre entresucre et fruit. Il est vendu 44,50 €.Plus rare encore, car lesrendements sont plus faibles, lasélection grains nobles 2008gewurztraminer, Herrenweg deTurckheim Vieilles Vignes, blancliquoreux rarissime et somptueux à prévoir pour les fêtes de find’année. Vendu en petitesbouteilles de 37,5 cl, cela le rendplus abordable, à 35 € chezWineandco.com. J. B.

Sélection réalisée parLA REVUE DU VIN DE FRANCE

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Chez les frèresfougueux

charly et nady foucault et l’entrée du domaine de clos rougeard.

LA Loire n’est pAsseuLement un fLeuve royAL,c’est Aussi LA coLonnevertébrALe qui A permisL’émergence et LApérennité historique de ce vAste vignobLe Aux 68AppeLLAtions, épArpiLLéessur près de 600 kiLomètres.cette diversité de terroirsen fAit L’un des vignobLesLes pLus compLexes defrAnce, notAmment grâce à LA quALité de cépAgescomme Le cAbernet frAncet Le chenin, Les deux roisdu vignobLe Ligérien.

Anjou Ombrageux et fiers, Charly et Nady Foucault ont hérité de vignes déjà prestigieuses où s’expriment les cépages rois de la Loire, le chenin et le cabernet franc. Qu’ils ont réussi à sublimer encore par des méthodes à l’ancienne, et une maturation au cœur de la pierre.

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L es frères Foucault. Insé-parables Charly et Nady.Jean-Louis et Bernardde leurs vrais prénoms.Deux figures tutélairesde la haute viticultureligérienne. Deux corpssecs plantés au milieudes vignes du saumu-

rois. Deux moustaches drues juchées sousdeux paires d’yeux à la fixité inquiétante.Deux regards quasi-hypnotiques, qui noustransmettent la rectitude de leurs principesséculaires. Comme deux hommes d’uneépoque lointaine. Comme s’ils perpé-tuaient, jusque dans les moindres détails,une culture de la vigne initiée depuis huitgénérations sur le Clos Rougeard. Si les vins des frères Foucault sont mythi-ques, leur caractère est également légen-daire. Combien d’amateurs se sont faitcueillir froidement par l’un d’eux en unephrase lapidaire, du style : « On n’a rien àvendre, ni à déguster. » Même Anne, la

être net, plat, lisse comme du béton. « Celafait vingt ans qu’on se fout de nous. Mais ça fait quarante ans qu’on est certifié en agri-culture biologique. Mon père a été le premier vigneron de la région certifié, dès 1969. Ducoup, on a des parcelles qui n’ont jamais vu dedésherbant », lance, non sans une certainefierté, Nady Foucault, celui des deux quis’occupe de la partie commerciale, Charly

étant l’exigeant vinificateurdes quatre cuvées maison.« Aujourd’hui, le bio est à lamode, mais nous, on n’a rienchangé », continue Nady.Ces deux inséparables,qu’aucune influence exté-rieure ne semble faire dévier

de la voie qu’ils se sont tracée, entretiennentune relation intime avec la vigne. Une sortede dialogue muet, végétal, avec le cabernetfranc et le chenin. Comment expliquerautrement leur capacité à sublimer commenul autre ces deux cépages rois de la Loire ?Leurs cuvées sont au sommet de la

compagne de Nady, ne savait pas à quois’attendre la première fois qu’elle a rencon-tré les frères. « Quand j’ai dit à mon entou-rage que j’allais rencontrer les Foucault, onm’a prévenu qu’ils étaient terribles ! Mais ça fait dix ans que je vis avec Nady », lance-t-elle, plutôt radieuse.Ici, rien n’a changé dans la façon de faire.Pas même les dix hectares toujours binés à

la main, comme autrefois. Un travail de bénédictin. Combien de voisins se sont mo-qués des Foucault pendant des décennies,parce que leurs vignes étaient labourées etque des brins d’herbe poussaient entre lespieds. Il est vrai que selon les canons de laviticulture intensive, le sol d’une vigne doit

Par JÉRÔME BAUDOUINPhotos LUC MANAGO

DOMAINE CLOS ROUGEARD

Superficie : 10 hectares.Cépages : cabernet franc (9 ha) ; chenin (1 ha).Cuvées : 4 en rouge et en blanc.Production : 20 000 bouteilles par an.

Clos Rougeard15, rue de l’Eglise49 400 ChacéTél. : 02 41 52 92 65

« Cela fait vingt ans qu’on se fout de nous.Mais ça fait quarante ans qu’on est certifiéen agriculture biologique. »Nady Foucault

Jeanne Galinié sur le bon versantAu marché des Enfants rouges, à Paris,Jeanne Galinié propose à Versant Vins, sa cave qui accueille désormais un mini-bistrot, environ 200 références, dont 80%de vins « nature », et 90 certifiés AB.

Y-a-t-il un boum du bio ? Attention, il n’existe pas de vin bio pour le moment, que des vins « issus de raisins provenant de l’agriculturebiologique ». Autrement dit, la vigne est bio mais il n’y a pas de règles dans la vinification. Je vends surtout des vinsdits « nature » ou naturels, ce qui signifiedes vignes et une vinification sans chimie.Depuis environ deux ans, j’ai de plus en plus de demandes pour ces vins-là. Au delà d’un effet de mode, les gens font attention à ce qu’ils ont dans leur assiette, et dans leur verre : on me pose beaucoup de questions sur les traitements des vignes, etc. Le bio, une philosophie ? Oui, le progrès c’est bien mais la chimiedans tout : non merci ! Le vin est le seulproduit alimentaire dont la compositionn’est pas indiquée. Les gens pensent qu’iln’y a que du raisin dans une bouteille devin, alors qu’on peut y trouver plusieurscentaines de produits chimiques différents. Avantage/inconvénient du bio ? L’avantage, c’est qu’on connaît laprovenance et le contenu du vin, mais c’estaussi son inconvénient majeur : le bio étantà la mode en ce moment, on trouve ce quej’appelle du « bio commercial », c’est-à-dire du vin issu de raisins respectant lelabel AB (qui autorise uniquement l’emploidu soufre et du cuivre en traitement desvignes), sauf que ces vins contiennent desdoses de soufre et de cuivre démentielles…Pour moi, le bio en soi n’a aucun intérêt ; il doit entrer dans une logique de respect et de conservation de la nature en général. Un terroir préféré ? J’ai un gros faible pour la Loire dont je suisoriginaire, c’est une région qui bouge côtévins bio et nature ces dernières années,notamment les vins du Loir-et-Cher. Un ou deux vins à conseiller ? Les vins Contés d’Olivier Lemasson, dans la Loire justement ; ou La RocheBuissière de Laurence et Antoine Joly, dans le Rhône, qui ont repris un domainefamilial il y a une dizaine d’années et l’ontconverti en bio ; j’ai vu leurs vins évoluerd’une manière incroyable à mesure queleur travail sur la vigne portait ses fruits.

Propos recueillis parFRANÇOISE-MARIE SANTUCCI

Versant Vins, 39, rue de Bretagne, 75 003 Paris ; www.versantvins.com

viticulture mondiale, en blanc commeen rouge. Les trois rouges ont une capacité de vieillissement impressionnante, qu’il s’agisse des Poyeux, une cuvée issue de parcelles argilo-sableuses procurant unrouge ciselé, à la fois minéral et fruité, de lacuvée Le Bourg, provenant de sols calcaires,qui déploie de fantastiques arômes de fruitsnoirs et de violette, avec une fraîcheur écla-tante, ou du Clos, la cuvée générique, assem-blage des deux terroirs, qui est un vin rond,séduisant, aux notes épicées. Et que dire dublanc Brézé, issu d’une petite parcelle cal-caire de 1,5 hectare, magnifiquement expo-sée. Il est sec tous les ans et parfois, lorsquele millésime le veut bien, devient un liquo-reux si rare qu’il n’est pas commercialisé,mais laisse un souvenir indélébile dans labouche de celui qui a eu la chance de ledéguster, tout au fond, dans la cave tro-glodyte. L’antre de ces maîtres de la vigne.

EN CAVE TROGLODYTE Pourtant, les gaminsFoucault ne rêvaient pas de vins, eux quidevaient aider leur parents dans les vignesau lieu d’aller se baigner dans le Thouet,comme les copains. « Moi, je voulais être géomètre après mon BEPC, et Charly se desti-nait à travailler dans la chimie. C’est drôle. Etpuis l’envie de faire du vin nous a rattrapée »,dit Nady. Dans les années 1960, leur père faitdes échanges de barriques avec le châteauGrand-Pontet, un cru classé de Saint-Emilion. « Quand on ouvrait des Grand-Pontet 1964, ça nous faisait rêver… C’est ce qui nous a poussé à faire comme nos parents. »Du temps de leur grand-père, la réputationdu Clos Rougeard est considérable. Leur vinest présent sur les tables étoilées d’après-guerre. Et le style est déjà là. Leur père etleur grand-père élevaient les vins près dedeux ans en fûts, dans la fraîche cave tro-glodyte en tuffeau (une roche crayeuse typi-que de la Loire). Cet élevage signe encore latypicité des vins des Foucault ; leur soyeux,leur fraîcheur et leur précision viennent decette lente maturation au cœur de la pierre. « Quand on a repris l’exploitation, nous avionsune clientèle habituée à notre style de vin élevéen barriques. Et lorsque la mode est venue desvins élevés en cuve, nos clients n’ont pas eu plusenvie de changer. On a simplement continué àfaire ce que faisaient nos parents avant nous,parce que les clients suivaient », expliqueNady. Ils ont ainsi échappé à la mode desvins de cuve légers, des rosés de Loire dé-naturés par la clientèle britannique, et auproductivisme ambiant. Ils ont suivi leurchemin sans bouger d’un iota. Traversantles modes comme les marins passent lestempêtes. Comme deux vieux ceps qui necèdent jamais.

EN FAMILLE Alors que la retraite approche,la succession se préparerait-elle ? Les deuxfrères n’en sont pas encore là. Seul le fils de Charly, Antoine, pourrait reprendre lesrênes. Mais il a créé son propre vignoble, leDomaine du Collier, toujours à Chacé, à cinquante mètres de son père et de sononcle. Les frères Foucault finiront peut-êtrepar céder à la prochaine génération. Si bienqu’il n’en restera qu’un.

DR

Nouvellescène pour l’auteurbaroudeur

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MENETOU-SALON Philippe Gilbert, hier dramaturge à côté d’Olivier Py, a longtemps fui son destin d’héritier. Avant de l’assumer, enfin, avec bonheur.

Par JACKY DURAND (envoyé spécial)Photos LUC MANAGO

Philippe Gilbert, et la maison familiale.

C e vignoble-là n’a pas l’os-tentation de la Bourgogneou de l’Alsace. Mais allezsavoir pourquoi, on esttombé amoureux duMenetou-Salon, un jour devent de chaud et de blé

mûr en plein Berry. En fait, si, après y êtreretourné, on sait pourquoi on a aimé d’em-blée ces vignes choyées au milieu d’autrescultures, de prés et de taillis. Ici, à Menetou-Salon, il n’y a pas de hiérarchie dans l’hori-zon entre le raisin, le bocage et les labours.Mais le sentiment d’une symbiose entre lavigne et le reste du monde illustré par lepropos d’un vigneron exigeant. « Je suis un

fondateurs de l’AOC Menetou-Salon en1959. « Dès que je suis né, j’étais programmépour être l’héritier. C’était une fatalité à fuir »,explique Philippe. Il se souvient qu’enfant,il contemplait la mappemonde de son école avant de se retrouver dans les vignes :« J’avais l’impression de me retrouver dans unentonnoir. J’étais tétanisé, j’avais envie de par-tir mais j’étais aussi dans la peine. » PhilippeGilbert fera donc l’Ecole supérieure de com-merce de Lyon avec l’idée de pouvoir ensuite« tout faire. Vivre à l’étranger, vendre du Coca.Tout en ne tournant pas le dos à mes parents ».Mais il assiste dans le même temps à la chutedu rideau de fer puis à la guerre dans l’ex-Yougoslavie et se dit que la vraie vie se lèveà l’Est. Philippe part en Russie, officielle-ment pour étudier la finance, mais se nourrittous les jours de Tchekhov et de Dostoïevski.

En 1995, après la chute de Srebrenica, ilentre de plain-pied dans la mobilisation desgens de théâtre pour la Bosnie à travers ladéclaration d’Avignon puis la grève de lafaim de la Cartoucherie. C’est ainsi qu’il rencontre le dramaturge Olivier Py, quivient de mettre en scène la Servante de Clau-del. Ensemble, ils écrivent Requiem pour Srebrenica. D’autres créations suivront, consacrées à l’Algérie, à la Palestine et la

DOMAINE PHILIPPE GILBERT

Superficie : 27 hectares.Cépages : pinot (15 ha) et sauvignon (12 ha).Cuvées : 2 en rouge et en blanc.Production : de 120 000 à 130 000bouteilles par an.

Les Faucards18 510 Menetou-Salonwww.domainephilippegilbert.frTél. : 02 48 66 65 90

Corée. Ainsi, Philippe Gilbert s’est donné lesmoyens de fermer la porte à Menetou-Salon.Jusqu’à ce que le domaine vienne le rat-traper littéralement au ventre. « De temps àautre, j’avais des crampes d’estomac qui meclouaient au lit mais on n’y trouvait aucunecause. Jusqu’au jour où un médecin m’a dit : “Vos tripes sont en train de vous rappe-ler qu’il y a quelque chose de non résolu”.C’était Menetou. » En 1998, il revient audomaine comme gérant mais partage encorela moitié de son temps avec le théâtre. Lerapprochement avec la vigne se fait par tou-ches avec la complicité de Jean-PhilippeLouis, l’œnologue du domaine. Le père et le fils ont eu aussi beaucoup à se dire. «Mesproblèmes d’estomac se sont évanouis, soufflePhilippe. En 2005, j’ai compris que ma vie s’était réorientée vers la vigne. »

RÉSOLUTION La culture biologique et labiodynamie apparaissent comme le prolon-gement naturel de cet itinéraire singulier.« Je me suis demandé : “A quoi ça sert de

faire du vin par rapport à latransmission familiale ? ” Laréponse passait par la perti-nence des sols que l’on cultive.La biodynamie permet à lavigne de chercher les moyensde se soigner elle-même. »

Après trois ans de conversion, de « chahutset d’émotions », la sérénité est venue à l’hiver2009 : « On a eu le sentiment que toute cetteaventure nous remettait à l’endroit, de devenirdes paysans. Aujourd’hui, j’ai la convictionprofonde d’exprimer nos terroirs. »Et le théâ-tre ?« C’est fini, ça a été une joie qui continuede me nourrir. Je me dis qu’il a fallu que je me donne les moyens de partir du domaine pour revenir l’aimer. »

« A quoi ça sert de faire du vin par rapport à la transmission familiale ? »Philippe Gilbert

paysan », dit Philippe Gilbert, 42 ans, quiveille sur les vingt-sept hectares dudomaine familial (quinze en pinot noir etdouze en sauvignon) converti en culturebiologique en 2005 et en biodynamie en2007. La différence avec l’agriculteur ?« C’est la modernité de la seconde moitié du XXe siècle qui voulait que l’agriculteur ait réponse à tout. La vigne, pour lui, c’était tant d’hectares égale tant de récolte. L’agri-culteur se veut rationnel, le paysan est en communion, en harmonie avec le vivant. Lepaysan que je suis a besoin de la vigne alors quel’agriculteur peut, demain, passer du raisinaux pommes ou au maïs. »

LES MUES Lors de la découverte de ce vignoble de 480 hectares planté sur dessédiments calcaires, Philippe Gilbert nousavait entraîné sur ses Treilles, une parcellede vieilles vignes plantée moitié en pinotnoir, moitié en sauvignon. On avait caresséles ceps de ses magnifiques cuvées Renar-dières élevées en barriques de chêne avantde contempler au loin les Aix-d’Angillon et d’évoquer la cathédrale de Bourges, à une vingtaine de kilomètres, sur l’horizonécrasé de chaleur. On avait entrevu dans lerécit de ce vigneron aux allures de jeunehomme posé les peaux anciennes d’unemue intense. Car Philippe Gilbert s’est rêvécasque bleu, a été dramaturge avant d’êtredésormais le paysan de ses vignes. Retour au point de départ : les Gilbert font duvin à Menetou-Salon depuis le XVIIIe siècle.Le grand-père de Philippe fut l’un des pères45

FoireS Aux VinS

Cette Année, LeS VinSDe Loire Sont DeSPéPiteS à DéCouVrir.iLS Sont réguLierS,PLAiSAntS CoMMe on LeS AiMe, à DeS PrixSouVent ABorDABLeS.

Prenons ce Cheverny 2009, Enclosdu Petit chien, à 5,99 € chezFranprix, élaboré par FabienneAngier raviche, une jeunevigneronne de 32 ans, dont ce Petit chien est le troisièmemillésime. un blanc complexe, avec des notes d’agrume qu’on nese lasse pas de redécouvrir après le premier verre. mais les foires auxvins sont aussi l’occasion d’investirpour le vieillissement, dans desvaleurs sûres. a l’image duMontlouis 2009, domaine FrançoisChidaine. un liquoreux à la fois puissant et complexe,nerveux. un flacon qui peut vieillirsans problème vingt ou trente ansdans une belle cave. on le trouve à20 € sur le site internet 1855.com.autre alternative, le Montlouis2009, cuvée Singulier du domaineLise et Bertrand Jousset, vendu19,80 € chez le caviste la-contre-Etiquette.com. autre blancd’exception, toujours en touraine,

cHEVERny, montlouIS, BouRguEIl…un Vouvray 2009, le clos du Bourgmoelleux 1ère trie domaine Huet,vendu 38 € sur le site iDealwine.com. le domaine Huet fait partiedes plus prestigieux crus de la loire,en biodynamie depuis une quinzained’années. ce blanc moelleuxsublime et aérien produit des notesde truffes après quelques années.c’est un vin de très longue garde.autre grand domaine à ne pasmanquer cette année, c’est la maisonAlphonse Mellot, incontournable àSancerre, passée depuis une dizained’années en agriculture biologique.Elle est présente chez monoprixavec son vin de pays des coteauxCharitois. la cuvée les Pénitents à 8,90 €, est un chardonnayséducteur et sur le fruit. En rouge, la cuvée les 100 boisselées dudomaine Pierre-Jacques Druet, en Bourgueil, ravira les amateurs de vins rouges gourmands etfruités ; à 6,50 € chez 1855.com, celadevient un plaisir quotidien. Pourceux qui cherchent un Bourgueil de garde, il faut se tourner vers le 2009 du domaine Catherine etPierre Breton, cuvée Epaulé Jeté à 11,20 € chez lavinia. ce flaconencore jeune devra attendrequelques années pour délivrertoute sa complexité et ses saveurs.En anjou, Patrick Baudouin, l’un

des grands faiseurs de liquoreux en Coteaux du Layon, exigeantavec ses cuvées, produit égalementun anjou rouge gourmand etéquilibré, la cuvée ange Rouge, que l’on trouve à 12,23 € chezlavinia, le plus grand caviste de Paris, situé non loin de la place de la madeleine et qui vientd’ouvrir un nouveau magasin à laDéfense. ce caviste vend égalementun excellent Muscadet-Sèvre-et-Maine du domaine Landron, la cuvée les Roches Vertes 2010 à 10,35 €. Il faut goûter les vins de ce domaine pour comprendre ce qu’est un très bon muscadet, loindes caricatures de vins blancsacides qui insultent le moindre fruit de mer. Ici on a affaire à un beau vinblanc, fruité, complexe, minéral. Enfin, il ne faut pas oublier que la loire est aussi une terre de vins pétillants de haute volée qui concurrencent souvent nombrede champagnes. a l’image de ce crémant de Loire brutdu domaine de Bois Mozé, uneméthode traditionnelle agréable et fruitée vendue à 7,55 € par le siteWineandco.com. J. B.

Sélection réalisée parLA REVUE DU VIN DE FRANCE

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L ’ABUS D ’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATIONCla

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