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L’histoire du Luxe dans la péninsule Indienne : Inde et Pakistan

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L’histoire du Luxe dans la péninsule Indienne : Inde et Pakistan

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Introduction

Avec 1,11 milliard d’habitants, l’Inde abrite 20% de la population mondiale. Le territoire indien représente six fois la France, c’est le septième plus grand pays du monde et la plus grande démocratie parlementaire.

Avec une population de 156,6 millions habitants, le Pakistan connaît une croissance économique forte ces dernières années : +6,4% en 2003-2004, et, la plus soutenue d’Asie après la Chine en 2004-2005, soit +8,4%. Mais l’économie pakistanaise demeure encore marquée par des faiblesses.

La progression de 8 % du PIB de l’Inde la désigne aujourd’hui comme l’une des premières locomotives de l’économie mondiale. Avec les meilleures chiffres de progression industrielle depuis 10 ans, un secteur des services représentant près de 60% du PIB et une

consommation intérieure forte, l’Inde semble prête à relever tous les défis afin de s’imposer comme la grande puissance économique mondiale du 21ème siècle.

Terre de contrastes où 25% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté mais aussi terre promise où les occidentaux sont de plus en plus nombreux à s’installer, le géant indien, encore trop méconnu, inquiète et déstabilise l’Occident.

L’histoire de l’Inde et du Pakistan ne fait qu’une jusqu’au 14 août 1947 jour de la naissance du Pakistan en raison du partage du Cachemire.

Le luxe fait partie intégrante de l’Inde et du Pakistan depuis les bijoux et les parures en ors, les soieries, les cosmétiques ou les palais des Maharajahs jusqu’à la Fashion Week de Delhi en 2006.

Dans les langues indiennes, « luxe » se traduit de diverses façons : goût pour le plaisir, volupté, sensualité, plaisir sensuel ou terrestre, bonnes manières, confort…

Mais si ce mot recèle tellement d’interprétation c’est à cause des multiples cultures qui existent dans la péninsule indienne mais également de l’étendue de l’offre de produit de luxe indien : céramiques, verreries, objets précieux, bijoux, étoffes, palais, temples, mosquées, jardins….Pour aborder le sujet nous nous sommes donc interrogés :

Quelle histoire du luxe existe-t-il en Inde ? Comment évolue-t-elle ? Comment le luxe s’exprime-t-il ? Comment les nouvelles générations découvrent ou redécouvrent-elles la

notion de luxe ? Quelles nouvelles valeurs la notion de luxe revêt-elle ?

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Comment la notion de luxe se rattache-t-elle aujourd'hui à des valeurs occidentales ?Quatre périodes principales1 se découpent dans la péninsule indienne avec

pour chacune des particularités au niveau de l’industrie du luxe :La première période est la civilisation de l’Indus vers 2300 av JC jusqu’à l’ère

chrétienne avec l’apparition de l’écriture des parures et des céramiques.La seconde période est celle de l’empire Moghol vers 1526 après JC, période

très riche en bijoux, parures et palais de Maharadjas.La domination britannique de 1858 à 1947 est la troisième période. Elle a

imposé de nouvelles orientations et de nouvelles inspirations à l’industrie du luxe de la péninsule indienne.

Enfin la dernière période est la période moderne après l’Indépendance en 1947 jusqu’à aujourd’hui avec un mélange des traditions et de la modernité.

Nous verrons donc comment l’industrie du luxe dans la péninsule indienne a évolué à travers les siècles et comment aujourd’hui elle peut trouver une place entre la fascination de Bollywood et le raffinement de traditions millénaires ?

Sommaire

Introduction Le luxe moderne dans la péninsule indienne

A. Etat actuel du marché des produits de Luxe en Inde1. Le client indien et ses comportements d’achat2. Les marques présentes sur le marché indien

B. S’implanter sur le marché indien3. Choisir un mode de distribution4. Les contraintes du marché indien

C. L’Offre IndienneLa couture et les bijouxArchitecture, tourisme et art contemporain

D. Tranche de vie pakistanaise

Conclusion et perspectives d’avenir

Bibliographie

1 http://www.memo.fr

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Le luxe moderne dans la péninsule indienne

Après la Russie et la Chine l’industrie du luxe se tourne vers un nouveau marché prometteur en terme de client et d’inspiration l’Inde.

Aujourd’hui le marché indien est estimé entre dix et trente millions de clients potentiels du luxe sur plus d'un milliard d’Indiens. C’est donc un marché très attrayant avec à long terme des perspectives de croissance extrêmement fortes.

Les initiatives étant peu nombreuses et les résultats tout nouveaux il est difficile de s’exprimer formellement sur l’importance de ce marché ; d’autre part les statistiques sur ce pays sont rares et restent à manier avec prudence.

Plusieurs phénomènes sont à étudier sur le marché des produits de luxe en Inde.Le premier est l’implantation de marques de luxe international vers ce marché.

Le second phénomène est celui de l’histoire du luxe en l’Inde et comment cette histoire se marie avec l’Inde moderne.

Dans un premier temps nous concentrerons notre étude sur l’état actuel du marché indien pour les marques de luxe internationale puis dans un second temps nous nous intéresserons à l’offre indienne.

Et dans la mesure où le Pakistan est un pays très mystérieux, mal connu et pour lequel il est difficile de trouver des informations nous aborderons l’industrie du luxe à travers des tranches de vie de la haute bourgeoisie pakistanaise.

A. Etat actuel du marché des produits de Luxe en Inde

Depuis quelques années de grandes marques du luxe s’implantent sur le marché indien. En effet, l’offre indienne étant généralement positionnée sur le bas et milieu de gamme la demande de produits de luxe est satisfaite par des marques internationales importées.

En 2005, le marché indien des produits de luxe était estimé à 454 millions USD avec une croissance de 20%2 et il n’en est qu’à ses prémisses.

Une demande significative envers les produits de luxe est en train d’émerger grâce à la convergence de facteurs économiques et sociologiques tels que :

- L’augmentation globale du pouvoir d’achat- Une urbanisation proche de 30%- L’influence croissante du modèle occidental par le biais des voyages à

l’étranger et l’arrivée de médias internationaux (Fashion TV, L’Officiel, Cosmopolitan, Elle…)

2 Source Cabinet McKinsey.

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- L’apparition de la culture de la consommation avec une sensibilité accrue aux marques

- L’accroissement du nombre de jeunes actifs y compris chez les femmes- Le recours plus fréquent aux crédits

5. Le client indien et ses comportements d’achat

Le profil type du client indien correspond au citadin issu des classes moyennes ou moyennes supérieures plutôt jeune et formé ayant une bonne connaissance des produits et des marques.

Les jeunes représentent une cible particulièrement intéressante pour les marques puisqu’ils disposent aujourd’hui d’un pouvoir d’achat significatif évalué à 53 M EUR3 (ce pouvoir d’achat a augmenté grace aux travails dans les calls centers ou dans la vente).

Exposés aux médias internationaux ils sont de plus en plus soucieux de leur apparence, de la mode et ont les moyens d’acheter les produits de luxe les plus accessibles en terme de prix comme les parfums, les produits cosmétiques, la petite maroquinerie et accessoires.

Aujourd’hui les indiens sont attirés par un luxe ostentatoire et s’orientent plus spontanément vers certaines catégories de produits considérés comme des signes extérieurs de richesse.

Les hommes sont de fervents admirateurs de voitures et d’horlogerie, tandis que les femmes sont sensibles aux accessoires de mode avec en première position les sacs à main et évidemment les bijoux.

Les principales motivations d’achat de produit de luxe sur le marché indien sont de se faire plaisir ou de faire plaisir aux autres. Deux occasions donnent lieu à des échanges de cadeaux dans la tradition indienne : la célébration des mariages et le nouvel an hindou qui a lieu en octobre/ novembre (le Diwali).

Il s’agit donc de bien comprendre les modes de vie avant d’aborder le marché indien : par exemple dans l’habillement, la majorité des femmes portent encore des vêtements de style ethnique qu’elles mixent avec le prêt-à-porter occidental.

Une autre spécificité indienne est que le consommateur est fortement attaché au concept de « value for money ». Toute marque occidentale qui souhaite s’implanter doit sensibiliser ses clients à la valeur créée par la qualité et la créativité de la marque et de ses produits.

A partir de ces comportements d’achat, les marques de luxe doivent adapter leur offre mais également leur façon de distribuer la marque.

3 Source fiche mission économique

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6. Les marques présentes sur le marché indien

A l’heure actuelle, on recense une douzaine de marques ayant fait le pari risqué de l’implantation. Ce qui n’empêche pas d’autres marques (les parfums, la porcelaine, le linge de maison) d’être présentes en étant distribués dans certains palaces.

La France tient le haut du tableau en ce qui concerne les importations de parfums et d’accessoires en cuir haut de gamme.

Marques internationales distribuées en Inde4

Catégorie Marques

MONTRES

Rolex, Cartier, Tissot, Omega, Chopard, Bvlgari, Vacheron Constantin, Bell & Ross, Baume et Mercier, Gucci, Jaegger leCoultre

JOAILLERIESwarovski, Bvlgari, Tiffany, Chopard, Lalique…

MAROQUINERIELouis Vuitton, D&G, Chanel, Dior, Fendi, Aligner, Trussardi

PRET A PORTERChanel, Dior, Hugo Boss, Arrow, D&G, DAKS, Lacoste, Burberry, Ermenegildo Zegna, Tommy Hilifiger, Guess…

PARFUMS ET COSMETIQUESDior, Elizabeth Arden, Chanel, CK, Nina Ricci, YSL, Versace, Clarins, Shiseido, Estée Lauder…

MAISONRosenthal, Villeroy & Boch, Lladro, Havilland, Daum, Lalique, Ligne Roset, Veneta, Cucine

Comme on peut le voir d’après le tableau, la majorité des secteurs du luxe sont présents sur ce nouveau marché.

Les segments à fort potentiel pour les marques internationales sont les suivants: - Les accessoires de mode notamment les lunettes très appréciées des jeunes qui en possèdent deux voire trois paires. - La lingerie dont la demande ne cesse de croître : l’offre locale est inexistante sur le haut de gamme. Aubade, Victoria’s Secret et Barbara se partagent le marché. - Les arts de la table et l’ameublement. Les familles indiennes recevant de façon régulière aiment afficher leur statut par la décoration de leur intérieur. L’offre locale étant artisanale et bon marché les marques internationales gagnent du terrain sur ce segment.

B. S’implanter sur le marché indien 4 Source fiche mission économique

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7. Choisir un mode de distribution

Comme nous venons de le voir le marché indien offre de belles perspectives si la marque adapte son offre aux habitudes de consommation indiennes.

Mais pour réussir son implantation le choix d’un mode de distribution est primordial. Plusieurs possibilités s’offrent alors.

Tout d’abord, la vente simple à des détaillants/distributeurs/agents sélectionnés.

C’est le mode de commercialisation qui est à privilégier pour les produits de luxe car la marque peut encore fixer ses règles et rompre le contrat dans le cas où ces dernières ne seraient pas suivies.

En Inde, les marques peuvent choisir l'option mall ou corner en grand magasin même si pour l’instant un seul grand magasin de ce type est ouvert (assez récemment) et qu’elles n’ont pas de recul quant à l'évolution de ce type de distribution.

Le point positif de ce genre de grands magasins est la présence de parkings, devenus nécessaires avec la recrudescence des voitures.

Le risque est que ces structures soient laissées à l’abandon dans quelques années, les Indiens ayant des difficultés à entretenir leurs infrastructures.

Le moyen de distribution préféré des marques de luxe reste les galeries marchandes dans les hôtels de luxe pour des raisons évidentes.

La clientèle du luxe est déjà sur place et le voisinage du point de vente sera exclusivement une boutique de luxe.

Les franchises peuvent également être des solutions satisfaisantes.A ce jour, il n'y aucun exemple connu de marques françaises en raison du

faible pourcentage de royalties (<5% des ventes domestiques et 8% des ventes exports).

Le risque est que le point de vente ne soit pas bien entretenu et que l'image de la marque s'en ressente.

La dernière possibilité est la fabrication et la distribution sous licence de marque. Ce système, rentable, comporte certains risques comme la production de contrefaçon. En effet, si un fabricant possède les licences de la marque, il peut sans avertir produire pour son propre compte et ainsi vendre des contrefaçons parfaites. Il faudra donc que la marque contrôle sans cesse les conditions d'exploitation des licenciés.

Voici quelques exemples de marques présentes sur le marché avec des modes de distribution différents :

Plusieurs marques de parfums haut de gamme tel que Christian Dior, Clarins, Kenzo, Nina Ricci, Azzaro, Boucheron, Cartier, Rochas, Yves Saint Laurent sont commercialisés sur le marché local, de même que certaines marques de produits de soin (Clarins, Chanel).

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Les vêtements Lacoste, fabriqués sous licence en Inde, sont commercialisés à travers un réseau de boutiques franchisées de la marque ou dans certains grands magasins.

Barbara a créé une co-entreprise avec Gokuldas Images en avril 2003 pour la fabrication et la commercialisation de lingerie féminine sur place.

Le groupe LVMH a créé une filiale pour la commercialisation en Inde de plusieurs marques, notamment les montres Christian Dior, et les accessoires Louis Vuitton, qui sont vendus dans deux boutiques à Delhi et à Bombay.

Dans les secteurs habitat décoration et accessoires de mode, la présence française se distingue également à travers des agents avec Baccarat, CFC-Daum, Les Lampes Berger, Lalique, Cartier, ST Dupont…

Une boutique Versace a vu le jour à l’hôtel "J.Wmarriot" de Mumbaï, l'un des sites les plus selects du pays.5

Avec sa surface de 160 mètres carré la boutique de Mumbaï se veut le reflet du nouveau concept des boutiques Versace re-designées de New York, Milan et Londres. L’architecture de cet espace présente une combinaison inhabituelle de marbre crème, utilisé pour le plancher, des meubles en bois noir laqué, et l’utilisation de lumière produisant une atmosphère ultra sophistiquée. La boutique propose la ligne principale Versace homme et femme, les accessoires Versace, la ligne Versace Precious Items, les lunettes Versace et la ligne Versace

Home Collection.

Un exemple concret et réussi d’implantation en Inde est celui de LVMH (Louis Vuitton et Moët Hennessy).

Ces deux piliers du groupe LVMH sont présent depuis, respectivement, dix et deux ans. Ces deux marques ont décidé de s'installer en Inde après avoir étudié la fréquence d'achats des touristes indiens (concernant leur produit respectif) en voyage en France.

Leurs cibles communes sont les riches Indiens (ayant une bonne connaissance de la qualité des produits de luxe), les nouveaux riches (voulant montrer leur ascension sociale grâce aux produits de luxe) ainsi que 100 000 ménages dont le revenu est supérieur à 20 000 dollars par an.

Dans le cas de Moët Hennessy, la gamme présentée se limite aux champagnes et aux cognacs. La marque fait appel à un bureau de représentation composé d'indiens qui font le lien entre la marque et les magasins locaux. L'essentiel du chiffre d'affaires s'effectue dans les hôtels et restaurants de Bombay et Delhi qui peuvent acheter des alcools en fonction des revenus en devises étrangères.

5 Source www.aufeminin.com

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Louis Vuitton, de son côté, a choisi de commercialiser ses produits dans une boutique éponyme installée dans la galerie commerciale d'un hôtel. Ce choix de distribution est pertinent car il permet à la marque d'imposer ses règles.

Les chiffres d'affaires ne sont pas importants mais toute marque de luxe, plus particulièrement LVMH, connaît l'importance de la patience pour être accepté et devenir une référence auprès des consommateurs.

La marque a rencontré quelques problèmes. Même si les vendeurs et les agents sont recrutés sur place et sensibilisés à la lutte anti-contrefaçon, il est inévitable lors de toute installation de marque en Inde de voir se développer les produits contrefaits.

D'autre part, le système de paiement cash (seulement 1/8 de la population possède une carte de paiement) empêche toute action de marketing personnalisée et de suivi des clients, fer de lance des marques de luxe.

Le choix du mode de distribution est un enjeu pour l’implantation d’une marque de luxe mais d’autres facteurs sont également à prendre en considération.Le lieu de présence des boutiques représente également un véritable enjeu.

La première étape est de choisir une ville car, a priori, les clients susceptibles d'acheter des produits de luxe se trouvent dans les grandes villes.

Il y a donc deux possibilités soit Bombay qui est plus « fashion » notamment grâce à Bollywood, soit Delhi qui est plus traditionnelle mais qui dispose d’un vivier de « riches » assez important.

Mais se cantonner à ces deux cités serait une erreur puisqu’on note de possibles ouvertures à Calcutta, important carrefour au niveau des moyens de communication et Mumbaï se développe également.

Un des problèmes que rencontrent les marques internationales en Inde est le manque de place6. Or, l’espace et la qualité de l’emplacement sont deux conditions qui font la renommé des marques de luxe.De plus, les marques n’ont pas toujours la possibilité de choisir leurs voisins et peuvent se retrouver à coté d’un commerce plus modeste (maraîcher, boucherie, poissonnerie, cordonnier...)

C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’il est préférable aujourd'hui de ne pas ouvrir une boutique directement dans le centre ville mais de profiter plutôt des espaces que les grands hôtels proposent. D’ailleurs force est de constater que les marques de luxe ont pour l’instant privilégié ces endroits.

Mais l’émergence des « malls » haut de gamme apportera une solution partielle à ces problèmes. Plusieurs projets sont en cours de réalisation à l’instar des « malls » Crescent et Emporio à New Delhi.

6 Etude réalisée par Ubifrance en partenariat avec la mission économique de Delhi.

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8. Les contraintes du marché indien

Même si l’Inde représente un formidable marché avec un potentiel grandissant, elle reste toutefois un marché difficile.

Tout d’abord les droits de douane sont particulièrement élevés. Par exemple ces droits sont de 35% sur les accessoires de mode, les montres, les parfums et cosmétiques. En plus de ces barrières tarifaires, l’Inde applique de nombreuses réglementations sur les importations notamment la Foreign Trade Policy, qui limite l'importation en Inde de tout textile aux teintures dites dangereuses ainsi que the Plant Quarantine autrement dit une quarantaine selon le type de produit importé. Enfin la législation est contraignante au niveau de l'étiquetage des produits avant importation.

Un problème de TVA se pose suivant les états de la Fédération. Une des composantes à prendre en compte pour les marques de luxe avant d’exporter en Inde, c’est que l’Inde correspond à 28 états différents. Par conséquent d'un état à un autre, les réglementations et barrières tarifaires sont différentes. Peuvent donc s'appliquer diverses taxes : une Octroi Tax exclusivement à l'entrée de Bombay, une excise duty mais aussi une TVA pratiquée dans 23 états.

Cette TVA est différente selon le type de produits. Pour les produits de luxe elle est fixée à 12,5% mais elle est de seulement 1% pour les bijoux en or ou en argent. Dans le cas où un état n'a pas instauré de TVA particulière, c’est la State Sales Tax qui s’applique or elle diffère d'un état à l'autre. Enfin lorsque la marque transfère des marchandises d'un état à un autre, elle devra payer une Centrale Sales Tax (CST) de 4 %. 7

La protection de la propriété intellectuelle n’étant pas développé en Inde cela pose d’important problème aux marques de luxe du fait de la contrefaçon.

Aux contraintes énumérées ci dessus il convient d’ajouter les problèmes d’implantations avec la prédominance des centres commerciaux sur les grands magasins mais également des coûts logistiques importants.

A cela s’ajoutent les interdictions relatives aux investissements directs étrangers dans la vente au détail rendant impossible le contrôle absolu de son réseau de distribution.

Il faut noter que le système de distribution et les taxes en vigueur dans le pays obligent les marques de luxe à pratiquer des prix plus élevés qu'à l'étranger.

Il est possible en cas litige de choisir une juridiction mais celle ci doit être stipulée dans le contrat avec le partenaire indien. Il est préférable de choisir la juridiction française car les juges indiens, sensés être impartiaux, se révèlent parfois protectionniste.

7 Source Sandrine Barrou pour le cabinet McKinsey

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Le climat économique et politique actuel est de plus en plus favorable à la venue des marques étrangères. La tendance est à l’assouplissement des réglementations. Depuis 2006, 51% des Investissements Directs étrangers (IDE) sont autorisés dans la vente au détail pour les mono marques. Par ailleurs, la base tarifaire des droits de douane est passée de 20% à 15% lors de l’année fiscale 2005-2006.

Les marques de luxe ont donc de belles opportunités de croissance sur ce marché mais elles peuvent également s’inspirer de la tradition indienne du luxe indien et des belles initiatives mises en place par le pays.

C. L’Offre Indienne

L'émergence de nouveaux bassins de consommation de produits de luxe tel que l’Inde mais également la Chine et la Russie, est désormais une réalité que les groupes de luxe ne peuvent ignorer. Mais à ce phénomène s’ajoute une prise de conscience de ce qu’offre l’Inde en matière de luxe.

Formidable creuset d’artisanat et de savoir faire l’Inde regorgent de matière première aussi bien au niveau des tissus avec la soie et le coton qu’au niveau des pierres précieuses.

Architecture, art de vivre, mode, design... l’Inde bouillonne de créativité ; c'est dans son histoire que s'enracine sa modernité.

La couture et les bijoux

Les indiens n’ont rien à envier aux ateliers de Lesage, la variété et la qualité des tissus qu’il propose est inouïe. Les tissus sont exclusifs et soigneusement travaillé, chaque broderie est faite à la main, les tissus sont unis ou colorés, incrustés de fils d’or ou d’argent en cotons ou en soie.

Les stylistes du monde entier, tel Dries Van Noten, s’inspirent et composent leur collection à partir de cette incroyable matière première.La styliste Johanne Riss (d’origine Belge) utilise les motifs traditionnels des robes de mariée indienne sur ses créations destinées au monde occidental.

Même si la mode occidentale se développe progressivement au sein des classes moyennes et supérieures les stylistes indiens ont également acquis une notoriété sans égale dans leur pays. Et contrairement à ce que l’on a l’habitude de croire, ces stylistes ne créent pas seulement des saris. Ils imaginent également des robes de jours ou du soir à la mode européenne (destiné au marché indien) à partir de trame tissées.

Amara, Kimaya ou Pallavi Jikishan sont des maisons de haute couture purement indienne tel Chanel ou Dior en France. Leurs créations généralement très colorées et ornementées sont issues d’une fusion entre le style ethnique et

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occidental. Un des ambassadeurs de ce mouvement est le célèbre styliste Tarun Tahiliani.

Des magazines comme l’Officiel indien mettent régulièrement à l’honneur ces modèles qui malheureusement ne sont pas présent sur les marchés européens ou américains. En France la styliste Ritu Beri est la porte parole de ces créateurs plein de talent et de savoir faire.

Témoigne de ce formidable vivier de talent et de créativité la désormais très courue «  Fashion Week » de Delhi organisé par le Fashion Design Council of India  (FDCI).

Du 30 août au 4 sept 2006 New Delhi a accueilli les médias les plus influents du monde de la mode, plus de 55 mannequins pour présenter les créations de 63 stylistes indiens tel Ana Mika, Anita Dongre, Araiya ou Ashima- Leena…

Un autre artisanat indien aussi somptueux qu’ancestral est celui des pierres précieuses. Depuis toujours l’Inde est fournisseur en diamant, émeraude, rubis ou saphir.

Ce pays est également une source d’inspiration. Cartier a lors de la Biennale des Antiquaires de Paris présenté en avant première des pièces exceptionnelles inspirés des bijoux des Maharadjahs.

Les créations indiennes de modes ou de joaillerie sont une fusion entre tradition et modernité, raffinement et originalité, fantaisie et élégance. Ces pièces sont principalement distribuées dans les grandes villes indiennes notamment à Mumbaï dans la Courtyard Galerie où quelques boutiques de luxe offre un panorama de la création indienne.

Architecture, tourisme et art contemporain

Depuis peu, New Delhi, l'ancienne capitale des Moghols, accueille une génération d'entrepreneurs, architectes, designers, créateurs de mode qui invente de nouveaux styles à la mesure d'une bourgeoisie émergente éduquée, enthousiaste et avide de consommer. Leur ambition est de propulser Delhi dans le club des grandes capitales en pleine effervescence, où s'invente la modernité à l'échelle planétaire.

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Aujourd’hui le luxe indien prend toute son envergure avec l’architecte Rajiv Saini. Celui-ci a, dans les anciennes écuries des empereurs Moghols, mis en place la boutique Carma. Cette boutique vieille de 15 ans figure dans le palmarès des 100 adresses de mode les plus branchées de la planète selon le « Vogue » anglais. C’est la rencontre d'un bâtiment historique, du design et du luxe.

Ce créateur a également à son actif, des hôtels de luxe comme le Mariott à Goa ou le fascinant Devi Gahr au Rajasthan qui est une forteresse du XVIIIe siècle admirablement réhabilitée dans le respect de son architecture originale, mise en valeur par des matériaux nobles et des touches stylisées. A Delhi comme à Bombay, Rajiv Saini a réalisé de luxueuses demeures privées et des lieux publics comme le Senso, très beau restaurant lounge-bar sur trois niveaux, à la déco ultra contemporaine : béton, cuir et mosaïque de miroirs ethnique chic.

Par ailleurs le créateur de mode Rohit Bal a signé le décor du café Veda où un chef indien, passé par les cuisines new-yorkaises, mitonne du poulet tandoori farci au mascarpone ou des nans au pecorino... avec des portions minimalistes pour l'Inde.

L’art tient également une place importante dans la culture indienne et aujourd’hui l’art contemporain est en plein essor.

C’est au moment de l’indépendance (1947) lorsque les consciences se libérèrent, que l’Inde a connu un tournant décisif dans le milieu artistique. A cette époque un ensemble d’artiste s’est regroupé autour de pionniers comme Francis Newton Souza ou Maqbool Fida Hussain pour créer une nouvelle forme de peinture, plus moderne.

Dans les œuvres des artistes actuels la poésie des images traditionnelles et la force de la culture indienne transparaissent.

La majorité des œuvres indiennes d’art contemporain sont inspirés des traditions ancestrales mais tentent en même temps de les transcender comme le fameux Cloud Gate (2004) pour le Millenium Park de Chicago de Anish Kapoor (ci-dessous).

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En 2005, l’Arsenale de Venise a exposé une installation d’un plasticien indien, Subodh Gupta qui puise son essence dans le phénomène de globalisation, nouvelle réalité indienne.8

Aujourd’hui l’art contemporain et le luxe se sont rapprochés en Occident et l’art contemporain indien suit le même parcours.

D. Tranche de vie pakistanaise

L’histoire de l’Inde et du Pakistan s’est écrite en 1947, lors de la partition. Dès lors le luxe ne peut être abordé de la même façon pour les deux pays.

L’industrie du luxe est présente au Pakistan et pour en prendre toute la mesure il est intéressant de faire un tour d’horizon de Karachi, mégalopole de 15 millions d’habitants et capitale économique du Pakistan.

A Karachi, c’est loin des faubourgs miséreux où règnent les islamistes et les mafieux que la haute bourgeoisie mène dans les quartiers chics une existence dorée à l'occidentale. Héritiers des familles marchandes et grands propriétaires terriens, ils cultivent leur art de vivre et de paraître.

La ville dispose d’un quartier de restaurants à la mode et de boutiques de luxe où se retrouve la jeunesse pakistanaise et de deux quartiers résidentiels huppés : Clifton et Defence.

C’est dans ce quartier que vivent dans des villas cossues quelques milliers de privilégiés (hommes d'affaires, membres des professions libérales ou grands propriétaires terriens). Les demeures de Clifton datent pour la plupart du début du siècle alors que celles de Defence, sont plus récentes et plus ostentatoires.

Ardeshir Cowasjee est milliardaire, amateur de Dali et de Picasso et tient toujours, à 80 ans, une chronique hebdomadaire dans le Dawn, le principal quotidien en langue anglaise du pays est issu de l'une des plus grandes familles d'armateurs de Karachi.

La famille de ce milliardaire détient l'une des principales institutions de Karachi : le Sind Club. Créé en 1851, ce club a été pendant longtemps réservé aux seuls Britanniques. Tout y est anglais: les meubles en acajou, les fauteuils de cuir du salon, l'argenterie dans les vitrines… Les happy few viennent au Sind Club pour déjeuner, jouer au billard, au bridge ou fumer un havane.

Pour être membre du Sind Club, il faut montrer patte blanche: pas moins de quatre entretiens préalables, qui visent notamment à s'assurer que l'impétrant a bien le style de vie qui convient.

8 Source article de Christophe Dosogne paru dans l’Eventail.

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Le club compte un petit millier d'inscrits et la plupart possèdent souvent la carte du Boat Club et celle de l'Arabian Sea Country Club. Ouvert depuis quelques années seulement et situé en dehors de la ville, ce luxueux établissement doit son succès à son terrain de golf, l'un des meilleurs d'Asie. Le gazon dont il est recouvert a été importé spécialement des Etats-Unis. De telles attentions se paient au prix fort: une carte de membre permanent coûte 6 900 euros.

Les soirées organisées à Clifton sont l'occasion de paraître et d'exhiber une richesse que la prudence interdit d'afficher dans les espaces publics. Quelques restaurants à la mode, comme le Café Flo, attirent la clientèle des beaux quartiers. Mais, le plus souvent, on se reçoit les uns chez les autres. Les maisons sont grandes, les serviteurs, nombreux. En outre, cela permet de proposer aux convives de l'alcool ; ce que ne peuvent plus faire les restaurants et les cafés depuis l'instauration de la prohibition à la fin des années 1970.

A l’heure actuel peu de boutiques de luxe sont implanté au Pakistan car les clients du luxe vont faire leurs courses à Londres.

L’industrie du luxe au Pakistan n’est pas réduite à ces quelques exemples de la haute bourgeoisie, le Pakistan possède une riche histoire du luxe. Le pays est particulièrement associé au développement de l’industrie cosmétiques et de parfumerie, c’est un importateur de produits finis et de matières premières en grands volumes important.

De plus, grâce à des baisses successives des tarifs douaniers, passant de 100% à 20% actuellement, le marché des produits de beauté s’est développé. Depuis les années 1990, les marques étrangères de renommée mondiale ont ainsi profité de ce contexte pour s’implanter localement.

Le Pakistan reste donc un marché à prendre pour les grandes marques même si l’implantation de maisons de luxe occidentales reste pour le moment difficile.

Comme nous venons de le voir en échange de quelques compromis et d’aménagement toute marque de luxe peut envisager de s'installer dans la péninsule indienne.

Ce qui pourrait éventuellement freiner les marques de luxe c’est le manque de recul, manque de prévision et de chiffre concret par rapport aux premières implantations.

Pour l’heure de nombreuses grandes maisons restent frileuses, tâtonnent, hésitent…mais comme sur le marché français ou européen seul le temps et la patience permettront aux marques de percer le marché indien.

Cependant le luxe indien est également très créatif et important et son développement est plus que prometteur y compris en direction de l’Occident.

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Conclusion et perspectives d’avenir

L’histoire incroyablement riche et mouvementé de l’Inde et du Pakistan, que nous avons présenté tout au long de ce rapport, nous a permis de mettre en évidence une particularité de cette région qui en on fait, depuis sa découverte, un véritable modèle d’inspiration pour le occidental.

En effet, les multiples influences extérieures des pays voisins et occidentaux par la suite, mais aussi la diversité intérieure mise en évidence par une multitude de croyances et des religions différentes, ont été les moteurs clés de l’évolution du luxe sur ce vaste territoire.

La succession des diverses civilisations ont permis à l’Inde et au Pakistan de se développer dans plusieurs domaines : l’architecture, l’orfèvrerie, la peinture, le textile, la joaillerie, les tissus, etc. Chacun de ces derniers s’est vu atteindre des niveaux de maîtrise exceptionnelle qui sont à l’origine de l’apparition d’une multitude de techniques innovantes et de nouveaux outils.

On note au début de l’ère indienne la création de parures, de statuettes et d’objets divers qui témoignent déjà d’un savoir-faire important et d’un penchant pour le luxe. Suivra ensuite le grand empire Moghol, empire à l’origine de grandes œuvres architecturales, de bijoux et d’objets luxueux en tout genre. L’Inde, sous le contrôle britannique, va subir violement les influences du monde occidental. Le pays s’ouvre sur le monde, l’inde apprend à s’exporter et les indiens à voyager. Ces nouveaux styles de vie persisteront et continueront à s’accentuer même après le départ des anglais.

L’Inde s’occidentalise lentement, c’est le début du nouveau modèle indien. Un modèle original qui réinterprète la tradition et la modernité. Pour les grandes marques de luxe occidentales, l’enjeu est de taille. Les modèles, tels que proposés en Europe, n’ont pas le même succès auprès d’eux. Les marques doivent donc s’adapter aux spécificités de ce marché hors du commun, qui offre cependant des possibilités de développement extraordinaire pour celles qui réussiront à séduire ce peuple.

Nous comprenons désormais pourquoi les meilleurs bijoutiers et architectes

de notre ère se sont inspirés des modèles indiens pour leurs créations.

Dans un monde où les pays perdent tous les jours un peu de leur identité en adoptant des modèles de culture différents, l’Inde affirme haut et fort sa différence en créant le « Luxe à l’Indienne ».

Page 17: L’histoire du Luxe dans la péninsule Indienne  Inde et Pakistan

Bibliographie

Journaux

Article de Marjorie Alessandrini «  Delhi, capitale du XXIe siècle » publié dans le Nouvel Observateur.

Article de Dominique Lagarde « Vies de nababs à Karachi » paru dans l’express du 30 mars 2006

Revue l’éventail (Novembre 2006) : Article « L’inde de l’avant-garde » Article « Au fil de la soie » Article « Parures de pierre »

Magazine L’Officiel indien (Novembre 2006)

Livres

« Inde moderne », par Herbert Ypma (Editions Phaidon).

Fiche de synthèse « le marché du luxe en Inde » publié par l’Ambassade de France en Inde (15 mai 2005)

Fiche de synthèse « l’Inde »publié par l’Ambassade de France en Inde (28 septembre 2005)

Fiche de l’ambassade de France sur Pakistan (Ubifrance)

L’Inde d’un empire l’autre. Par Mostefa Brahim

L’inde britannique ou le « joyau de la couronne ». Claude Markovits

Internet

Site Internet auféminin.com Site sur l’histoire de l’Inde www.india-fr.com Clio.fr www.20minutes.fr www.artsvie.asso.fr www.louvre.fr www.eurasie.net