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Vie Assurances
Interview
Marc Stevens: “Vive
le Luxembourg nouveau”
Les assureurs Vie luxembourgeois
ont fait résolument le choix de la
transparence et du service interna-
tional. Leur cible: le segment des grandes
fortunes et des familles qui ne se can-
tonnent pas aux frontières nationales.
“Notre marché, c’est l’activité cross-bor-
der,” précise Marc Stevens, general mana-
ger de NPG Wealth Management.
L’observateur qui continuerait à assimiler
le Grand Duché au pays voisin où on va
détacher ses coupons a tout faux. Dans
son rôle de centre financier international,
le Luxembourg fait aujourd’hui le choix
résolu de la transparence fiscale. ‘En quoi
suis-je concerné?’, vous demanderez-
vous. ‘Pourquoi irais-je proposer une solu-
tion luxembourgeoise à un client fortuné?’
“Précisément à cause du caractère inter-
national du marché luxembourgeois,” ré-
pond Marc Stevens.
LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
En matière d’assurances et de services fi-
nanciers, on recourt encore souvent à des
critères classiques de segmentation: l’âge,
la situation familiale, le domicile, les
moyens... Si on creuse un peu, on dé-
couvre que l’internationalisation est de
plus en plus significative. Les générations
sont plus nombreuses à essaimer au ni-
veau international ou à avoir des racines
internationales. Beaucoup de carrières
évoluent aujourd’hui dans un contexte
international. Il s’agit à la fois d’un flux et
d’un reflux. On part comme expat à
l’étranger et, quelques années s’étant
écoulées, on change de mission et de des-
tination. Les jeunes eux aussi ont tendance
à enrichir leur curriculum d’un titre acadé-
mique étranger avant de faire carrière à
l’étranger. “Ce contexte international sus-
cite des problèmes spécifiques en matière
de fiscalité, de successions, de planning
financier et de composition de porte-
feuille,” fait remarquer Marc Stevens.
“Prenons ces couples néerlandais qui, à
cause de l’impôt sur la fortune qui est
perçu chez eux, viennent s’établir de ce
côté de la frontière belge, mais qui à
terme laisseront à leurs enfants une entre-
prise établie aux Pays-Bas. Comment pré-
parer au mieux la dévolution successo-
rale? Ou songez à ces Français fortunés
qui viennent se domicilier en Belgique. On
peut s’adresser chez nous à un important
groupe de banque ou d’assurance qui a
des établissements à l’étranger, mais ces
derniers ne sont souvent orientés que vers
leur marché local. Plus un pays est grand
et peuplé et moins les activités cross-bor-
der auront d’intérêt. Leur portée interna-
tionale à partir de ces implantations lo-
cales est limitée, tant sur le plan du service
que sur le plan géographique. Je ne pré-
tends pas qu’au niveau de leur groupe, les
banques locales n’opéreraient pas sur un
plan international, mais il n’en de-
meure pas moins que les différents
pays sont au sein du groupe traités par
des banques distinctes et que chacune
de ces banques se focalise sur son
marché domestique. Sur le marché
luxembourgeois, par contre, les opéra-
teurs sont contraints de porter leurs re-
gards au-delà des frontières et ils consi-
dèrent même leur prestation de services
internationale, leur activité cross-border,
comme leur fer de lance. Notre objectif est
le soutien international à nos clients et à
leur courtier où qu’ils se trouvent. Tel est
notre marché.”
CENTRE FINANCIER
NPG Wealth Management a été créée en
2006. Le holding gère à présent un en-
semble patrimonial de 5,965 milliards
d’euros, qui est placé dans des assurances
Vie, des contrats de capitalisation et des
plans de pension. NPG Wealth Manage-
ment chapeaute trois business units: “Pri-
vate Estate Life, connue auprès de cour-
tiers sous l’acronyme PEL, est centrée sur
le marché belge. La Belgique représente
“Les grands patrimoines garderont leur mobilité internationale et continueront à rechercher
le meilleur produit au moindre coût.
”
“Au Luxembourg, le secteur Vie a fait ses choix. Les courtiers à leur tour devront faire les leurs.”
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un apport d’environ 3,5 milliards d’euros,
soit plus de la moitié du patrimoine que
nous avons en gestion. Altraplan Luxem-
bourg exerce l’essentiel de ses activités
dans les pays scandinaves. Les quatre pays
scandinaves apportent chacun entre 200
et 500 millions d’euros d’assets sous ges-
tion. Le restant provient de France, du
Royaume-Uni, d’Allemagne, d’Espagne,
du Portugal et de notre marché domes-
tique, le Luxembourg lui-même. La com-
pagnie Augura Life, qui fonctionne à par-
tir de Dublin, appartient aussi au groupe.”
NPG a rationalisé récemment son activité
internationale. Marc Stevens précise: “Les
activités de notre ancienne implantation à
Gibraltar ont été transférées en Irlande.
Notre entité des Bermudes est en phase
de run-off.” Chaque marché est abordé de
manière spécifique. Marc Stevens ex-
plique: “En Belgique, nous opérons via des
courtiers indépendants spécialisés en as-
surances Vie. En Scandinavie, nous coopé-
rons avec des banques, par exemple, au
Danemark, avec Danske Bank et Nordena
Bank.”
HUB FINANCIER EUROPEEN
Marc Stevens est à la tête de NPG Wealth
Management depuis le début de l’année
2014, mais il s’est familiarisé dès 2001
avec la technique de l’assurance Vie
luxembourgeoise. D’abord en tant que
marketing and sales manager et, à partir
de 2009, en tant que general manager de
Vitis Life, également producteur luxem-
bourgeois d’assurances Vie. Au cours de
la dernière décennie, il a assisté à l’évolu-
tion massive de la place financière luxem-
bourgeoise. “Le Luxembourg se profile
toujours davantage en dehors des fron-
tières européennes comme un hub pour
l’exportation du know how et des services
financiers à destination d’autres conti-
nents,” souligne-t-il. “Le secteur Vie
luxembourgeois est dès lors en large ex-
pansion sur le plan géographique et il
éveille de plus en plus d’intérêt de la part
de grands patrimoines: en 2013, 48% des
nouveaux clients en private banking ont
apporté plus de 25 millions d’euros cha-
cun. Il s’agit d’une clientèle internationale
très fortunée, qui est en même temps très
exigeante et souhaite une approche sur
mesure. Vous pouvez être en état de déve-
lopper un savoir-faire ‘private’ ou ‘corpo-
rate’ maison, mais le segment des encore
plus riches vous contraint à recourir à une
architecture ouverte, dans laquelle vous
coopérerez de façon multidisciplinaire
avec d’autres professionnels. Ce marché
requiert 100% de disponibilité.”
GRANDES FORTUNES
Toute entreprise internationale est tenue
de se conformer à la législation nationale
de chacun de ses marchés. Cela s’applique
aussi, bien sûr, à NPG. Le fait que, tant au
sein de l’Europe qu’au plan mondial, la
réglementation financière soit en pleine
transformation et que chaque marché se
distingue par son accent propre ne facilite
pas les choses. Chacun d’eux nécessite des
connaissances spécifiques. Marc Stevens:
“Nous serons peut-être contraints de nous
limiter à certains marchés préférentiels
afin d’y apporter notre soutien aux inter-
médiaires. Le marché belge demeurera
toujours dans le noyau central de nos acti-
vités. En fait, le Luxembourg et la Belgique
sont très proches en matière de principes
juridiques, mais pas seulement. En ma-
tière économique aussi, on y relève de
nombreuses convergences.”
Il va de soi que Marc Stevens espère ga-
gner sa part de clientèle internationale
très fortunée. “Toutefois, dans le même
temps, nous ne pouvons pas oublier que
nos racines se trouvent dans la clientèle
d’ici, que nous servons à partir du Luxem-
bourg. Le Luxembourg dispose d’un grand
nombre de gestionnaires de fonds et pos-
sède un très important savoir-faire en ma-
tière financière. Pour être en mesure d’ap-
porter cette valeur ajoutée, il faut disposer
d’une certaine dimension d’échelle. Il
s’agit de gérer des patrimoines supérieurs
à 90.000 euros.” Il n’y a pas de plafond.
PEL et toutes les filiales, de même que
NPG Wealth Management proposent des
produits avec une gestion de patrimoine
différente. Les contrats d’assurance Vie
unit-linked (branche 23) sont, d’une part,
complétés par un choix à opérer dans un
large éventail de fonds de placement col-
lectif, assorti ou non d’une garantie Décès.
D’autre part, dans le cas des clients avec
un patrimoine à gérer d’au moins un mil-
lion d’euros, il s’agit de fonds dédiés, où le
client confie la gestion de son portefeuille
à un gestionnaire de patrimoine et bénéfi-
cie d’une plus grande flexibilité d’investis-
sement. L’intermédiation est ici le fait de
courtiers spécialisés, des personal financial
planners aux family offices; une entreprise
maison qui gère et place le patrimoine fa-
milial.
BACK TO BASICS
Marc Stevens juge de la première impor-
tance en tant qu’assureur de continuer à
soutenir le courtier de façon cohérente et
spécifique à travers le conseil et l’informa-
tion. “Aujourd’hui, l’intermédiaire indé-
pendant n’a pas la tâche facile,” estime-t-
il, faisant référence à Twin Peaks II et autre
MiFID. “La déferlante de législations nou-
velles a pour objectif la protection du
client. C’est un but louable en soi. Mais on
doit se demander s’il est atteint par ce
biais ou si leurs effets secondaires ne
rendent pas ces législations contre-pro-
ductives. Par bonheur, l’approche se révèle
en Belgique plus prudente et avisée qu’aux
Pays-Bas et au Royaume-Uni. Aux Pays-
Bas, où les courtiers ont été décimés, les
associations de consommateurs se de-
mandent à présent si le client a gagné
quelque chose à la ‘disparition’ de l’inter-
médiaire.”
“Protégez-vous vraiment mieux le consom-
mateur lorsque vous lui présentez un dos-
sier de plusieurs centaines de pages?
Assurances Vie
janvier 201542
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On peut se le demander. S’agit-il vraiment
de protection ou simplement d’un trans-
fert de responsabilité? En Italie, par
exemple, on est tenu, avant de conclure
un contrat d’assurance Vie, de noyer le
client potentiel sous une avalanche de
papier pour l’informer sur les fonds d’in-
vestissement, sur les frais, sur la fiscalité,
etc. Et tout cela doit s’effectuer, bien en-
tendu, en respectant la formulation légale,
en jargon donc, à défaut de quoi vous ne
seriez pas ‘compliant’. Et il est attendu du
client qu’il lise chaque page, aujourd’hui,
alors que les gens ne lisent plus, ne com-
prennent pas le jargon juridique, alors que
la technique financière n’est vraiment pas
leur tasse de thé. Ou bien c’est l’intermé-
diaire qui doit lire tout et se comporter en
notaire, ou mettre sur papier son propre
résumé, ce qui réveille la question de la
désignation du responsable dès que par la
suite une plainte viendrait à être dépo-
sée.”
“On doit également se demander si une
telle masse d’informations protège effecti-
vement le client contre ce qu’on pourrait
appeler l’opinion du voisin,” ajoute Marc
Stevens. “Combien de fois n’entend-on
pas un voisin prétendre quelque chose du
genre: ‘J’ai souscrit un investissement qui
me rapporte 10%.’, alors que votre client
n’obtient que 1,5%! Les gens retiennent
ce qu’ils veulent bien retenir et se compa-
rent avec qui ils veulent bien. Mais ils
n’ont que rarement pris en considération
l’ensemble de la question. Par exemple
que ces 10% sont un rendement histo-
rique. Ou que les rendements historiques
n’engagent pas l’avenir et qu’un monde
de différence peut séparer les deux pro-
duits, en matière de risque, de volatilité,
etc.”
Aux yeux de Marc Stevens, les prestataires
de services ont une mission éducative: “La
solution se situe selon moi dans un retour
aux questions de base. De quoi avez-vous
besoin? Quels sont vos risques? Si vous
tombez malade demain, que souhaitez-
vous? Nous devons revenir aux fonde-
ments. Les gens sont quelque peu dé-
boussolés.
Les informations abondent - les sites com-
paratifs deviennent incontournables -,
mais le consommateur y perd en clarté.
On ne peut pas empêcher les gens de de-
mander une offre à deux ou trois endroits
différents. Mais on peut probablement
éviter que la seconde opinion qu’ils
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demandent soit celle du voisin. Les cour-
tiers sont incomparablement bien placés
pour répondre aux questions de base.”
FATCA
Marc Stevens a un autre cheval de bataille:
la transparence fiscale. “Aujourd’hui, le
Luxembourg joue dans ce domaine un
rôle de pionnier,” affirme-t-il. Les pre-
mières applications relatives à une fiscalité
européenne de l’épargne datent de 2005.
Depuis 2011, on discute également de la
collecte d’information relatives aux pro-
duits financiers faisant l’objet d’un achat
transfrontalier. “Très récemment, au mois
de septembre 2014, l’Union européenne
a décidé sous l’impulsion de l’OCDE
d’adopter la collecte intégrale et l’échange
intégral d’informations sur le patrimoine
du contribuable. L’intention est de dresser
l’inventaire complet des flux financiers
transfrontaliers via le CRS (Common Re-
porting Standard) construit sur le modèle
américain du FATCA (le Foreign Account
Tax Compliance Act qui contraint les insti-
tutions financières de par le monde à
transmettre des informations relatives aux
contribuables américains). L’objectif final
est d’aboutir à un système international
d’échange d’informations automatisé.”
“Au Luxembourg, la volonté s’est déjà
manifestée de nous orienter vers ce repor-
ting transparent. Le FATCA a été introduit
sans tarder au moyen d’un IGA (Intergo-
vernmental Agreement). La transparence
est un bien; la question reste de savoir si
tous les pays sont effectivement disposés
à fournir et traiter ces informations.”
“Je crois que le mouvement en direction
de la transparence s’accompagnera d’un
mouvement inverse. Finalement, chacun
veut protéger son pays. Et certains seg-
ments de la clientèle choisiront un service
financier de proximité.”
“Dès à présent, une tendance se marque
où les offreurs de services au détail opèrent
un mouvement de rapprochement vers le
client. Toutefois, les grandes fortunes
conserveront leur mobilité internationale
et continueront à rechercher le meilleur
produit au moindre coût. Le Luxembourg
réalise de belles performances dans ce
domaine. Lorsque, en Belgique, la régula-
risation fiscale de ‘l’argent noir’ a été an-
noncée, on s’attendait à voir une grande
partie des fonds ‘noirs’ reprendre une fois
‘blanchis’ le chemin de la Belgique. En fin
de compte, cela ne s’est pas produit. L’ar-
gent s’est officialisé, mais on constate
qu’il reste sur des comptes luxembour-
geois. Pourquoi? Parce qu’on a confiance
dans le savoir-faire luxembourgeois.”
PRAGMATISME
Comment se fait-il que, au Luxembourg,
les autorités et les entreprises soient aussi
empressées à adopter le changement et
répondent à l’invitation comme un seul
homme? Marc Stevens répond: “Le sec-
teur financier luxembourgeois est dyna-
mique et très florissant. Il a beaucoup ré-
fléchi à ce que les changements dans le
monde signifient pour lui.”
“En Belgique et en Europe, les contacts
sont nombreux entre les organisations
professionnelles et les pouvoirs publics.
Au Luxembourg, il en va de même. On est
simplement moins nombreux autour de la
table et on est très pragmatiques dans les
discussions. Que voulons-nous? Que pou-
vons-nous? Quand pourrons-nous? Le
secteur est plus concentré et les intérêts
sont plus évidents.”
“Tous les assureurs Vie luxembourgeois
qui ont des activités transfrontalières sont
confrontés aux mêmes problèmes. La dis-
position générale à aller de l’avant en
matière de transparence fiscale a été vite
trouvée. Nous pensons que ce choix nous
rendra plus efficaces et facilitera notre
succès au plan mondial.”
“Au Luxembourg, le secteur Vie a fait ses
choix. Les courtiers devront à leur tour
faire les leurs,” prédit Marc Stevens. “Nous
entendons apporter à l’intermédiaire un
bon soutien dans cette matière. Les cour-
tiers ont besoin d’une grande quantité
d’informations et ils doivent être accom-
pagnés dans le changement. On observe
d’ailleurs dès à présent un mouvement de
concentration dans le paysage du cour-
tage ainsi qu’un nouvel afflux de per-
sonnes qui ont un passé dans d’autres
professions. On constate que certains
courtiers adaptent leur business model et
développent une approche orientée da-
vantage sur la consultance. Ils savent très
bien ce qu’ils font et pourquoi ils le font.
Lorsqu’on est de taille réduite, le grand art
consiste à faire des choix. Il faut toujours
songer à l’avenir, savoir en quoi on veut
exceller, et progresser pas à pas.”
Hans Housen
Assurances Vie
“Marc Stevens juge de la première importance en tant qu’assureur de continuer à soutenir le
courtier en toute cohérence et spécificité, à travers des conseils et de l’information.
”