procédures l’universitÉ de valenciennes et du hainaut
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Mémoire de Master Professionnel de 2ème Année de Justice, Procès et Procédures
L’UNIVERSITÉ DE VALENCIENNES ET DU HAINAUT - CAMBRÉSIS
Année Universitaire : 2015-2016
Discipline, spécialité : Justice et Médiation
Présenté et soutenu par Mademoiselle Amandine DECOOL.
Faculté, Institut ou Ecole : Faculté de Droit, d'Economie et de Gestion – FDEG
L’erreur judiciaire.
Etude de droits positifs et prospectifs. Directeur de mémoire
Ø Maître Franz HISBERGUES, Avocat au Barreau de Valenciennes et Maître de conférence à UVHC - FDEG.
Maîtres de stage :
Ø Maître Bruno DUBOUT, Avocat au Barreau de Béthune et Maître Julien BENSOUSSAN Avocat au Barreau de Lille.
En préambule, je souhaite adresser mes remerciements aux personnes qui m’ont
apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire dont je garderai un
excellent souvenir. Je tiens en particulier à remercier :
- Maître Franz HISBERGUES, Avocat au Barreau de Valenciennes et Maître de
conférence à l’Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis pour son aide, sa
disponibilité et ses précieux conseils.
- Maître Bruno DUBOUT et Maître Edouard DUBOUT, Avocats au Barreau de
Béthune, spécialisés en droit pénal pour avoir fait de ce stage une expérience enrichissante
d’un point de vue professionnel et humain.
- Maître Julien BENSOUSSAN, Avocat au Barreau de Lille, pour son soutien, ses
idées et ses précisions éclairantes sur certains points.
- Ma famille pour m’avoir soutenue tout au long de ce travail et mes relecteurs patients
et avisés pour parfaire cet écrit
S O M M A I R E
INTRODUCTION………………………………...………………P.1
PREMIERE PARTIE : La vérité judiciaire est-elle exempte
d’erreurs ?........................................................................................P.9
Chapitre I : Les garde-fous garants de la vérité judiciaire en matière
pénale…………………………………………………….…………………..P.12
Section I : Les principes relatifs à l’organisation judiciaire……………..………..P.13
§ 1 : Les notions garantissant une bonne administration de la justice…..….P.13
§ 2 : Les recours source de protection des accusés…………………………P.20
Section II : Les principes judiciaires liés au procès pénal……………….…………P.26
§ 1 : La recherche d’une équité essentielle à la poursuite de la vérité…...…P.26
§ 2 : Les principes protecteurs de la personne poursuivie………….………P.32
Chapitre II : Les causes des erreurs judiciaires………………………..P.38
Section I : Le facteur humain…………………………….……………………….P.39
§ 1 : L’implication de la société, source d’erreurs judiciaires…………...…P.39
§ 2 : Les protagonistes du procès, acteurs de l’erreur judiciaire……...…….P.44
Section II : Les erreurs liées à l’organisation judiciaire….………………………..P.50
§ 1 : La mauvaise conduite des investigations……………………………...P.50
§ 2 : Les inconvénients de l’audience interférant dans la vérité judiciaire…P.55
DEUXIÈME PARTIE : Les ripostes mises en place contre l’erreur judiciaire sont-elles suffisantes ?....................................P.58 Chapitre I : La réparation de l’erreur judiciaire……………………….P.60
Section I : L’émergence de l’erreur judiciaire au travers des différents recours….P.61
§ 1 : Le recours en révision………………………………..………………..P.61
§ 2 : Le réexamen d’une décision pénale consécutive au prononcé d’un arrêt de
la Cour Européenne des Droits de l’Homme………………………….P.66
Section II : L’indemnisation au titre de l’erreur……………………………………P.71
§ 1 : Le dédommagement octroyé à la victime d’erreur judiciaire………....P.71
§ 2 : La responsabilité des intervenants dans le système judiciaire…...……P.77
Chapitre II : Les solutions prospectives pour une vérité judiciaire
parfaite……………………………………………...……………………......P.83
Section I : Le perfectionnement des garde-fous……………………………..……P.84
§ 1 : Le renforcement du principe du contradictoire……………………..…P.84
§ 2 : L’accentuation des autres principes favorisant la recherche de la
vérité………………………………………………………………………………………..P.88
Section II : L’amélioration des réparations de l’erreur judiciaire…….……………P.96
§ 1 : L’élargissement des recours en révision et de l’indemnisation……….P.96
§ 2 : La prévention et la répression, source d’éradication de l’erreur
judiciaire……………………………………………………………………..……………P.100
CONCLUSION…………………………………………………P.103
ANNEXES…………………………………………………...….P.105
BIBLIOGRAPHIE……..………………………...…………….P.120
TABLE DES MATIÈRES…………………………………...…P.125
TABLE DES DÉCISIONS DE JUSTICE…………...………...P.131
ABRÉVIATIONS………………………………......…………..P.132
1
INTRODUCTION
« L’histoire des mœurs judiciaires n’est
pas même un perpétuel recommencement : c’est
l’éternel immobilité ».1
Maurice Lailler
Les erreurs judiciaires, existant de nos jours sous les affaires Outreau, Loïc Sécher et
bien d’autres, ne sont que le reflet des années qui précèdent notre système judiciaire actuel.
Ces erreurs perdurent depuis de longues années. Leur ancienneté est mise en exergue par
l’affaire Jean Rayne datant des années 1364. Cet échevin de Douai et commerçant de grains
s’est vu accuser de vendre ses grains avec de fausses mesures supérieures à celles autorisées
par la loi. Il fut pendu malgré son appel auprès du roi mais reconnu condamné injustement
grâce à sa famille qui est intervenue devant le conseil du roi. 2
Force est de constater que l’erreur judiciaire présente au moins depuis 1364 a parcouru
au minimum 652 années. Néanmoins, la révision - réexamen juridictionnel d’une décision en
vue de sa rétractation ou de son annulation par une juridiction supérieure auquel fait suite le
cas échéant un nouveau jugement de l’affaire au fond3 – laisse son empreinte depuis l’ancien
droit, notamment à Rome. L’erreur judiciaire existerait donc certainement depuis les prémices
de la justice.
Ces erreurs traversant toutes ces années jusqu’à notre monde contemporain sont
définies par Cornu dans son dictionnaire juridique comme « l’erreur de fait qui, commise par
une juridiction de jugement dans son appréciation de la culpabilité d’une personne poursuivie
peut, si elle a entraîné une condamnation définitive, être réparée sous certaines conditions au
moyen d’un pourvoi en révision ». Bien que cette erreur ait toujours existé, le mot même
d’erreur judiciaire s’est imposé lors de l’affaire Dreyfus
1 Maurice Lailler, les erreurs judicaires et leurs causes, Ed Hachette Livre, Ed 1897. 2 Eusèbe de Laurière, Emmanuel Pastoret, Denis-François Secousse, Louis Guillaume de Vilevault, ordonnances des roys de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique… : Les ordonnances de Charles V, données depuis le commencement de l’année 1367, jusqu’à la fin de l’année 1373, de l’imprimerie royale, 1736. 3 Gérard Cornu, vocabulaire juridique, 10ème Ed, Quadrige, janvier 2014.
2
Au delà de cette définition stricte de l’erreur judiciaire présentée par Gérard Cornu,
notre système judiciaire et notre société ont été amenés à utiliser ce terme « d’erreur
judiciaire » pour des situations qui ne présentaient pas les conditions établies par la définition
de ce dernier. L’affaire Outreau, constamment qualifiée d’erreur judiciaire n’en est pas
véritablement une puisque les protagonistes ont tous été acquittés par une Cour d’Assises
jugeant en appel.
Cette idée d’erreur judiciaire, caractérisée comme condamnation d’une personne
innocente à la suite d’erreur de jugement, n’est peut-être plus adéquate en raison des affaires
Outreau, les disparues de L’Yonne ou l’affaire Bonnal qui sont de véritables fiascos. L’une
d’entre elles, l’affaire Outreau, a engendré l’incarcération de treize personnes pour des faits
de pédophilie durant deux ans pour finalement être acquittées. L’affaire des disparues de
L’Yonne a quant à elle entraîné la mise en cause des magistrats en 2001 pour négligences
graves à la suite de la disparition de plusieurs jeunes filles handicapées mentales dont l’auteur
a été jugé vingt ans après les faits. Désormais ne conviendrait-il pas de parler de « fautes à
caractères disciplinaires », « de fiascos judiciaires » ou « de dysfonctionnements » ?4
Bien heureusement, le recours en révision évoqué ci-dessus est institué depuis la nuit
des temps comme réponse aux erreurs judiciaires. C’est une procédure susceptible de
conduire à l’effacement des condamnations prononcées contre des innocents et à réparer les
préjudices moral et matériel subis.5 Cette procédure donnant l’avantage au condamné en
France, n’est pas régie de la même manière dans d’autres pays. L’Allemagne par exemple,
permet des révisions au détriment des accusés laissant ainsi la possibilité aux victimes
d’accéder à cette voie de recours. 6
En France, la révision fut longtemps indissociable de l’appel dès son instauration et
cette voie de recours était identique en matière civile et pénale. Au temps des gallo-romains,
les voies de recours n’étaient pas présentes dans toutes les civilisations, mais pour les
4 Denis Salas, magistrat, secrétaire général de l’Association Française pour l’histoire de la justice et Directeur scientifique des cahiers de la justice, le nouvel âge de l’Erreur Judiciaire, revue Française d’administration publique, 2008, Ed école nationale d’administration. 5 Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, Traité de Procédure Pénale, 4ème Ed, 2015, Editeur Economica. 6 Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme, Avis sur la révision des condamnations pénales en cas d’erreur judiciaire, assemblée plénière du 13 février 2014.
3
Mérovingiens, le roi et l’évêque avaient le pouvoir de réformer ce qui avait été mal jugé selon
la constitution de Clotarii de 560.
Par la suite, une ordonnance de 1270, a envisagé une institution qui permettait de
remettre en cause le jugement de la cour du Roy. La « supplicatio » consistait à faire appel au
roi pour solliciter un amendement de jugement dans le cas où le protagoniste se considérait
mal jugé contre droit.
La confusion extrême qui existait entre les procédures civiles et pénales relatives au
recours en révision prit fin en 1667. La procédure pénale s’est alors consacrée aux lettres de
révision en 1670. Selon Jousse, instigateur du traité de la justice criminelle de France, ces
lettres sont celles que « le roi accorde pour revoir et examiner de nouveau le procès criminel
d’une personne condamnée contradictoirement, par arrêt ou jugement en dernier ressort afin
de révoquer la condamnation, s’il y a lieu et de renvoyer le condamné ou sa mémoire absous
des cas qui lui ont été imposés avec restitution et rétablissement de ses biens confisqués et de
sa réputation et bonne renommée. »
Malgré toutes ces évolutions, des lacunes persistent. C’est la raison pour laquelle le
droit moderne a procédé également à de nombreux changements – répondant à la naissance de
nouvelles mentalités populaires après la révolution - à commencer par la création de trois cas
d’ouverture de révision dans le code d’instruction criminelle de 1808, qui par la suite ne
cessera d’évoluer grâce aux enseignements tirés des erreurs judiciaires.
Ce mécanisme de révision du procès, permet de réétudier une affaire dont la véracité
des faits semble être erronée. Une fois le dossier réexaminé, la Cour de Révision, en cas
d’erreur judiciaire avérée, annule la condamnation prononcée. L’intéressé est dès lors
réhabilité. La réhabilitation consistant à effacer la condamnation selon l’article 133-1 du Code
Pénal, a été prononcée à plusieurs reprises en France.
Ce fut le cas pour Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri, poursuivis et
condamnés à 20 ans de prison pour le meurtre d’un dealer en décembre 1997 à Lunel. La
Cour de Révision a annulé cette condamnation le 15 mai 2013 suite au revirement d’un
témoin et la découverte de traces ADN. Marc Machin, accusé d’avoir poignardé Marie Agnès
4
Bedot sous le pont de Neuilly a bénéficié également de la réhabilitation, deux ans après que la
Cour de Révision ait annulé sa condamnation.
D’autres protagonistes n’ont pas eu cette chance d’être reconnus victimes d’erreurs
judiciaires et réhabilités. Omar Raddad, accusé d’avoir tué sa patronne Ghislaine Marchal en
1991, a obtenu la grâce présidentielle mais s’est vu rejeter sa requête en révision malgré
plusieurs traces ADN d’autres individus retrouvés sur les lieux. Gaston Dominici condamné à
mort pour le meurtre d’un couple de britanniques en 1952, s’est vu convertir sa peine en
réclusion à perpétuité mais les multiples demandes de révision de sa famille ont toutes été
déboutées. Il en est de même pour Raymond Mis et Gabriel Thiennot suspectés d’avoir tué un
garde chasse dans l’Indre en 1946. Cinq de leurs requêtes ont été rejetées. Pire encore, Danis
Leprince, contraint en 1997 à purger une peine de prison à perpétuité pour un quadruple
homicide, se voit multiplier les recours avant d’être libéré par la Commission de Révision à la
suite de la découverte de nouvelles preuves incriminant sa femme. Malgré cette décision et les
éléments le disculpant dans cette affaires, la Cour de Révision prend la Commission à contre
pied et refuse d’annuler la condamnation de Danis Leprince, qui sera remis en liberté en 2012
suite à sa période de sûreté.7
La présence de tels désastres depuis des millénaires a forcé les savants puis les
scientifiques, à rechercher les meilleurs modes de preuves afin d’aboutir à des preuves
irrévocables. Une impressionnante évolution s’est mise en place.
Au moyen âge, sous l’influence des croyances religieuses, le système de preuve
reposait principalement sur l’Ordalie. Les accusés étaient alors soumis à des épreuves
physiques qui décidaient de l’innocence ou de la culpabilité de ces derniers. L’exemple le
plus connu, est celui des épreuves au fer rouge durant lesquelles les accusés devaient
parcourir une certaine distance en tenant une barre de fer chauffée à blanc. S’ils échouaient,
ils étaient alors automatiquement reconnus coupables. Ce système très peu fiable laissait
encore une place immense pour les erreurs judiciaires et fut vite mis de côté .8
7 http://mobile.lemonde.fr/société/article/2014/02/27/révisions-de-proces-les-huit-erreurs-judiciaires-reconnues-et-les-autres43748713224.html 8 Monsieur de Carbonnière, cours histoire de la preuve, Lille 2, année 2014/2015
5
L’évolution de la science a permis d’aboutir entre autre à la mise en place de
l’autopsie médico légale en 1302 par un italien.9 Ce procédé étant l’examen médical des
cadavres, recherchant la cause d’une mort à priori considérée comme suspecte, a permis de se
rapprocher de la vérité judiciaire. En découvrant la cause et les circonstances exactes du
décès, un profil plus détaillé de l’auteur est ainsi établi, ce qui permet d’écarter plus
facilement la culpabilité de certains suspects.
Cependant faut-il encore que les médecins légistes réalisent leur mission
consciencieusement, ce qui n’est pas toujours le cas, comme le fit constater le Dr Cornil le
8 mai 1878, à la Cour d’Assises de la Seine : « Quand on procède à une autopsie, quand la vie
d’un accusé peut en dépendre, il faut y apporter des soins extrêmes. Dans l’affaire actuelle, je
ne puis moins faire que déclarer que l’autopsie a été faite très légèrement. ». De ces
constatations, il en découle que l’erreur judiciaire restait toujours possible. Néanmoins,
l’évolution de la preuve n’a pas atteint sa finalité. Au 20ème siècle, l’ADN (acide
désoxyribonucléique) qui constitue la molécule support de l’information génétique héréditaire
a fait son apparition.
Cette nouvelle preuve scientifique est à ce jour le moyen le plus efficace dans le
combat de l’erreur judiciaire. En effet, la découverte sur une scène de crime d’un fragment
d’ADN unique pour chaque individu, constitue une preuve irréfutable dans l’implication de ce
dernier dans l’affaire en cours. Cette méthode a déjà fait ses preuves lors de l’affaire
Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri évoquée ci dessus, la découverte des traces
d’ADN ont orienté la justice vers deux autres suspects, ce qui a permis leur acquittement.
Peu importe la qualité des preuves apportées à l’affaire, la population continue de
douter de l’innocence de l’accusé reconnu victime d’erreur judiciaire, certainement par peur
et par souci de sécurité. Bien que Mr De la Roncière ait été réhabilité, son innocence n’a pas
été admise par toute la population, comme ce fut le cas pour l’affaire Borras ainsi que l’affaire
Cauvin.
Durant toutes ces années, les erreurs n’ont pas eu les mêmes répercutions sur la vie des
condamnés à tort. Fort heureusement, l’évolution fut plutôt favorable à ces individus. La
9 Dr Eric Laurier, cours de détermination et d’évaluation du préjudice corporel et moral, médecin légiste au centre hospitalier de Valenciennes, Université de Valenciennes, Année 2015/2016
6
justice a pendant longtemps – depuis le code d’Hammourabie – utilisé comme répression aux
infractions : la peine de mort. Chaque protagoniste jugé coupable par la justice était alors mis
à mort. Il est évident que l’erreur judiciaire, en ce temps, était extrêmement grave. Elle a tué
des innocents tels que Jean Rayne, cité ci-dessus dont il est impossible après coup de leurs
rendre la vie. L’abolition de la peine de mort, n’ayant eu lieu que le 9 octobre 1981, c’est dire
le nombre d’innocents exécutés. 10 Désormais, bien que l’erreur judiciaire soit toujours
conséquente sur la vie de la victime, elle n’entraîne qu’une privation de liberté d’une durée
plus ou moins longue. Bien plus raisonnable qu’auparavant, ces conséquences semblent tout
de même dérangeantes. Il est inadmissible d’être privé de sa liberté alors même que l’on est
innocent. C’est pourquoi il faut espérer que ces erreurs disparaissent totalement du système
judiciaire un jour. Pour cela faut-il encore comprendre d’où elles proviennent.
Il est certain que le système judiciaire engorgé de lois en constante évolution n’est pas
propice à l’établissement de la vérité, mais est plutôt un frein au bon fonctionnement de la
justice. La multiplication de lois et la présence de lois qui n’ont plus lieu d’être, peuvent
provoquer des confusions, de l’ignorance, dans l’esprit des agents au service de la justice. La
complexité des textes de lois ne leur facilite en rien la tâche.
Le magistrat étant chef d’orchestre du procès pénal, ce dernier n’est certainement pas
étranger aux erreurs judiciaires. Toute la problématique repose sur le fait que la mentalité des
magistrats n’a jamais changé depuis la naissance du droit, qu’ils proviennent du monde
contemporain ou des siècles passés, il cède aux mêmes tendances, aux mêmes instincts.
Comme le relate Gayot de Pitaval dans son ouvrage « causes célèbres » il existe un atavisme
professionnel chez les magistrats ; «on s’aperçoit que rien ne rappelle la justice d’autrefois
autant que la justice d’aujourd’hui ». En fait d’exemple, les comportements similaires des
magistrats en charge de l’affaire « la veuve du prévôt de hauzen » en 1754 et de l’affaire
« Louis Cauvin » en 1892. Dans la première affaire, le bailli a répondu à l’accusatrice qui
hésitait à retirer sa plainte, que si elle se rétractait, elle aurait à payer les frais du dossier ainsi
que des dommages et intérêts. Dans l’affaire Cauvin, 138 ans plus tard, la jeune fille qui avait
fait condamner ce dernier, voulut revenir sur ses déclarations affirmant qu’elle avait menti, le
juge d’instruction lui déclara donc « vous avez le plus grand tort de persister dans les
mensonges que vous débitez pour essayer de sauver Cauvin, je vous avertis qu’au terme de
l’article 36 du Code Pénal vous êtes passible de travaux forcés si le jury vous reconnaît 10 http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/peinedemort/
7
coupable de faux témoignages. Si le juge est parfois un obstacle à la recherche de la vérité,
ses traits caractéristiques étant intemporellement identiques, l’erreur judiciaire est susceptible
de perdurer.
Fort heureusement, des magistrats ont su reconnaître leurs erreurs, ce fut le cas du juge
Yves Bonnet qui ne voulait plus risquer d’être complice d’une erreur judiciaire et voulait se
laver les mains. C’est la raison pour laquelle il a troqué sa robe de juge contre celle d’avocat.
Le juge Caignec quant à lui en reconnaissant son erreur a permis à la famille Esnault de
recevoir de la part de l’Etat, la somme de 1,2 million de francs pour faute lourde commise par
le service public de la justice, à la suite d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de
Rennes en date du 27 novembre 2001. Malgré que cette affaire relève de la matière civile et
n’est donc pas le sujet de ce mémoire, force est de constater qu’en cas d’erreur, certains
magistrats savent se remettre en question quand il le faut. L’affaire Esnault évoquée ci-dessus
met en exergue que la matière civile n’est pas exemptée d’erreur. Effectivement l’erreur
judiciaire existe également dans cette matière et présente autant de complexité que les erreurs
judiciaires pénales étudiées jusqu'à maintenant.
Ces erreurs judiciaires pénales, qu’elles soient anciennes ou non, paraissent
inexplicables en raison des valeurs inculquées aux magistrats. En effet, l’enseignement des
magistrats est depuis toutes ces années organisé de telle sorte à prévenir les erreurs
judiciaires. Il n’est guère impossible d’énumérer le nombre de fois où il a été rappelé aux
magistrats que « si la culpabilité n’est pas d’une évidence telle que l’innocence apparaisse
comme impossible, le magistrat doit se réfugier dans le doute et clore le procès par un
acquittement ».
Ce principe encore enseigné aujourd’hui est le fruit de la loi Trajan, loi 5, de Poeni,
déjà adorée par Charlemagne qui l’enseignait à ses Missi Dominici : « Un juge ne condamne
jamais qui que ce soit sans être sûr de la justice de son jugement ; il ne décide jamais de la vie
des hommes par des présomptions. Ce n’est pas celui qui est accusé qu’il faut considérer
comme coupable, c’est celui qui est convaincu ; il n’y a rien de si dangereux et de si injuste au
monde que de se hasarder sur des conjectures ».11
11 Eliane de Valicourt, L’erreur judiciaire, Ed l’Harmattan, 2005.
8
Existe-t-il d’autres principes tels que celui-ci ayant pour objectif d’atteindre la vérité ?
S’il s’avère que oui, pourquoi existe-t-il des erreurs judiciaires ?
Comment les répare-t-on ?
Bien que ces erreurs judiciaires peuvent engendrer une réparation, n’est-il pas possible
d’envisager des réformes les éradiquant ?
Il convient donc de s’interroger sur les raisons pour lesquelles la justice est envahie
d’erreurs judiciaires et sur les solutions qu’elle y apporte ?
Des principes sont mis en œuvre pour établir la vérité judiciaire. Pour autant, la justice
n’est guère exemptée d’erreurs judiciaires (PARTIE 1), c’est la raison pour laquelle des
solutions sont envisagées et envisageables afin de les réparer et les combattre. (PARTIE 2)
9
PARTIE 1 :
La vérité judiciaire est-elle
exempte d’erreur ?
10
La justice, « justicia » en latin est présentée comme « ce qui est idéalement juste,
conforme aux exigences de l’équité et de la raison. » En ce sens la justice est tout à la fois
« un sentiment, une vertu, un idéal, un bienfait, une valeur »12. L’institution judiciaire est par
ce fait entièrement construite autour de la vérité. Selon Gérard Cornu dans son ouvrage
« vocabulaire juridique » la vérité a plusieurs sens. Le sens le plus connu est ni plus ni moins
ce qui est « objectivement vrai, véritable en soi, la propriété intrinsèque de la réalité. »
Cependant dans le monde judiciaire, il prend un tout autre sens. Afin de comprendre
ce sens particulier attaché à la justice, il semble important de s’attarder sur la finalité de celle-
ci qui a pour objectif premier de juger. L’acte de juger consiste selon Paul Ricoeur, à
procéder à « la réunion de l’entendement et de la volonté, l’entendement qui considère le vrai
et le faux et la volonté qui décide. »13 Juger est alors « opiner, estimer tenir pour vrai et en
prendre position ». En conséquence, l’acte de juger s’oriente vers la vérité. Le jugement met
donc un terme à une incertitude au moment de l’achèvement du procès.
C’est ainsi qu’en matière judiciaire, la loi prévoit dans son article 1350 du Code Civil,
une présomption de vérité de la chose jugée14. Cette présomption de vérité constitue ce que
l’on appelle la vérité judiciaire. La loi impose de la tenir pour vrai. La véracité des faits
constatés et le bien fondé de la règle de droit appliquée n’engendrent pas pour autant la vérité
judiciaire qui s’ancre aux décisions de justice à compter de la date à laquelle elle passe en
force de choses jugées. Une décision passe en force de chose jugée quand toutes les voies de
recours prévues par la loi ont été exercées contre une décision de justice ou que les délais
prévus par la loi pour mettre en œuvre ces voies de recours sont épuisés15. La décision rendue
ne peut plus être remise en cause et tient pour conforme la vérité judiciaire.
Pour aboutir à cette vérité judiciaire, la justice a mis en place de nombreux principes
importants concernant l’organisation du procès pénal, qui, pour la plupart du temps, figure
dans l’article préliminaire du code de procédure pénale. (CHAPITRE I)
12 Gérard Cornu, vocabulaire juridique, 10ème Ed, Quadrige, janvier 2014 13 Christine Lazerges, réflexion sur l’Erreur Judiciaire, RCS 2006.709 14 Florence Bussy, Recueil Dalloz l’Erreur Judicaire, D2005-2552 15 Bernard Bouloc et Haritini Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, Sirey 17ème Ed, 2009, p 457
11
Néanmoins, ce qui est jugé n’est pas forcément la vérité au sens premier qui a pour
objectif de connaître la vérité absolue. En effet on constate dans le monde judiciaire actuel et
ancien, des erreurs judiciaires. De ce fait, il semble important de s’attarder sur les causes de
ces erreurs (CHAPITRE II).
12
CHAPITRE I :
Les garde-fous garants de la vérité judiciaire en matière pénale.
Si la justice a pour objectif d’obtenir la vérité depuis sa création, ses méthodes pour y
parvenir se sont diversifiées et ont évolué au fil du temps. Il semble incontestable que notre
époque est la période qui atteint le plus aisément la vérité dans le procès pénal.
Le Code d’Instruction Criminelle promulgué le 16 décembre 1808 entrant en vigueur
le 1er janvier 181116 fut le premier code organisant le procès pénal. L’intention de Napoléon
étant de faire disparaître l’insécurité omniprésente qui régnait sous le directoire est due en
partie à la désorganisation de la justice pénale.17 Le nouveau code de procédure pénale prend
la relève du code d’instruction le 2 mars 1959 et élabore de nombreux principes
fondamentaux de la procédure pénale qui feront l’objet de plusieurs réformes pour
perfectionner la justice et obtenir sans difficulté la vérité judiciaire.
En 1990, au vu de l’importance que génèrent ces principes fondamentaux et par souci
de cohérence, Delmas Martys proposait l’insertion de ces principes dans le Code de Procédure
Pénale mais cela ne sera accompli que par la loi du 15 juin 2000 dans un article
préliminaire.18
Dans ces principes fondamentaux qui tendent à éviter des décisions faussées, certains
sont relatifs à l’organisation judiciaire (SECTION I), et d’autres en lien avec le
procès.(SECTION II)
16 http://www.presse.justice.gouv.fr/artpix/1grandesdatesCPCPP.pdf 17 http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/1808-promulgation-du-code-dinstruction-criminelle-28567.html 18 Hervé Henrion, doctorant – E.R.P.C à l’Université de Montpellier I. Ouvrage archive de politique criminelle, l’Article préliminaire du Code de Procédure Pénale : vers une « Théorie Législative » du Procès Pénal ?, 2001/1 (n°23), P192, Ed. A.Pédone.
13
SECTION I :
Les principes relatifs à l’organisation judiciaire.
L’organisation judiciaire revêt un caractère important puisqu’elle est mise en place
pour qu’il y ait une bonne administration de la justice. (Paragraphe 1). Elle vise à multiplier
les chances de manifestation de la vérité en prévoyant des recours en cas de difficulté relative
au fait ou à la procédure. (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : les notions garantissant une bonne administration de la justice.
La justice se trouve relativement bien administrée, organisée et gérée grâce à
l’intervention de la notion d’autonomie, (A) mais également par le fonctionnement spécifique
des juridictions pénales. (B)
A) L’indispensabilité de l’autonomie des acteurs judiciaires.
L’autonomie - ayant pour sens général : « pouvoir de se déterminer soi-même, faculté
de donner sa propre loi » - se trouve à deux niveaux. En effet, l’idée d’autonomie intervient
indirectement dans le principe de séparation des fonctions (1) et plus explicitement dans le
principe d’indépendance et d’impartialité de la justice (2)
1- La séparation des fonctions.
Le procès pénal se scinde en trois grandes périodes qui s’attachent à trois fonctions
distinctes : la poursuite, l’instruction et le jugement.19 La poursuite se définit comme étant
« l’exercice d’une voie de droit pour contraindre une personne à exécuter ses obligations ou à
se soumettre aux ordres de la loi ou de l’autorité publique ». L’instruction, « est une phase
d’un procès pénal au cours de laquelle le magistrat instructeur procède aux recherches
tendant à identifier l’auteur de l’infraction, à éclairer sa personnalité, à établir les
circonstances et les conséquences de cette infraction, afin de décider de la suite à donner à
l’action publique. » Le jugement est « l’action d’examiner une affaire en vue de lui donner
une solution, en général après l’instruction et les débats ». Ces trois fonctions révèlent
19 Johan Dechepy-Tellier, la procédure pénale en schémas, Ed .Ellipses, 2015, p 60.
14
l’existence d’un premier principe qu’est la séparation des fonctions, principe impactant
l’entière organisation judiciaire répressive. En effet, l’article préliminaire du Code de
Procédure Pénale dans lequel sont inscrits les grands principes du procès pénal, en fait état en
son alinéa 2. « La procédure pénale doit garantir la séparation des autorités chargées de
l’action publique et des autorités de jugement ».
Comme le précise le code, il est essentiel de mettre en place une séparation des
poursuites et du jugement, c’est ainsi qu’il est prévu que la poursuite sera déclenchée
uniquement par les magistrats ou fonctionnaires auxquels l’accusation est confiée par la loi.
Dès lors la saisine de la juridiction est effectuée par le parquet par application de l’article 31
du Code de Procédure Pénale. En conséquence, aucun juge n’est autorisé à s’autosaisir sauf
de rares exceptions. Cette séparation est retenue aussi bien par le Conseil Constitutionnel20 et
la Cour de Cassation,21 ce qui met en exergue l’importance de celle-ci qui doit alors être
observée de manière absolue, ce qui signifie sans limite.
A l’étude de l’alinéa 2 de l’article préliminaire, on relève que celui-ci énonce
uniquement le jugement et la poursuite. Cependant ce principe de séparation des fonctions
doit s’appliquer à l’ensemble des fonctions. Effectivement, concernant la séparation de
l’instruction et du jugement, des dispositions viennent garantir la mise en œuvre du principe
même si l’article reste muet. L’article 253 du Code de Procédure Pénale dispose « ne
peuvent faire partie de la Cour en qualité de Président ou d’assesseurs les magistrats qui dans
l’affaire soumise à la Cour d’Assises ont, soit fait un acte de poursuite, ou d’instruction, soit
participé à l’arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité
de l’accusé. » Cette interdiction du juge d’instruction de participer au jugement de l’affaire
qu’il a instruit est également retrouvée dans l’article 49 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale
et s’applique depuis le 15 juin 200022 au juge des libertés et de la détention.
Cette séparation des fonctions permet de parvenir à la vérité judiciaire en ce sens
qu’elle permet un décuplement du nombre d’intervenants et donc engendre la possibilité de
dialogue exposant différents points de vue. Cela a pour conséquence d’éviter de donner une
tâche aussi importante qu’est celle de la justice à un seul individu qui pourrait s’emberlificoter
20 DC, n°95-360, 2 février 1995 21 crim. 17 février 1912, D.1913,I,375. 22 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, Renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, Article 137-1 du CPP.
15
dans une mauvaise voie. Cette séparation des fonctions met alors en exergue une impartialité
de la justice et favorise également une spécialisation des fonctions. Les fonctions étant
séparées, les acteurs ont une connaissance parfaite de leurs champs d’intervention ainsi que
leur rôle, ce qui permet d’éviter des débordements. Cette compétence particulière n’est pas
négligeable vis à vis du nombre incalculable de lois et d’articles, souvent modifiés et
réformés.
2- Le principe d’indépendance et d’impartialité.
L’indépendance et l’impartialité sont deux principes indissociables de l’idée de justice
utile, voire légitime. L’indépendance permet d’assurer la possibilité pour un organe public de
prendre ses décisions en toute liberté et à l’abri de toutes instructions et pressions afin
d’envisager une bonne administration de la justice. L’impartialité favorise l’absence de partis
pris, de préjugés, de préférences, d’idées préconçues afin de départager des adversaires en
toute justice et équité. Force est de constater que pour obtenir une vérité judiciaire, ces deux
principes semblent indispensables. L’indépendance se trouve à différents degrés mais
possède toujours les mêmes bienfaits. Il existe dans un premier temps, l’indépendance de
l’autorité judiciaire vis à vis des autres pouvoirs, tel est le cas avec le pouvoir législatif. En
effet, le législateur n’a pas la possibilité de censurer des décisions des juridictions, de leurs
adresser des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement de litiges relevant de leur
compétence selon le Conseil Constitutionnel23. Cette indépendance existe également à l’égard
du pouvoir exécutif qui n’a guère la possibilité d’agir auprès de l’activité judiciaire
notamment concernant les garanties statutaires applicables aux magistrats ou l’inamovibilité
des magistrats du siège.
Il faut noter que cette indépendance se retrouve également au sein même du pouvoir
judiciaire. La Convention Européenne des Droits de l’Homme garantit le principe
d’indépendance à la juridiction appelée à rendre un jugement. En effet, l’article 6 paragraphe
1, relatif au droit à un procès équitable, ordonne que l’affaire soit étudiée par un tribunal
indépendant. Le tribunal se doit d’être indépendant vis à vis des parties. 24 L’idée
d’indépendance sera consacrée à son tour par le Conseil Constitutionnel25. L’article 64 de la
Constitution de la Vème République Française garantit l’indépendance des magistrats 23 DC n °98-399, 5 mai 1998 24 http://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_6_FRA.pdf 25 Cons. Const. 2 février 1995, Décision, n° 95-360.
16
Français de l’ordre judiciaire. « Le Président de la République est garant de l’indépendance de
l’autorité judiciaire, il est assisté par le Conseil de la Magistrature, une loi organique porte
statut des magistrats, les magistrats du siège sont inamovibles. » L’ordonnance n° 58-1270 du
22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature complète cet
article 64 de la Constitution. L’indépendance des magistrats a pour intérêt de prohiber tous les
liens juridiques entre le juge et l’un ou l’autre des parties au litige. Cependant ce principe ne
peut guère avoir une portée absolue puisque le juge a forcément des éléments objectifs
communs avec le justiciable tels que la nationalité, le milieu social, la génération et le même
sexe. La règle consiste alors que les liens pouvant exister entre le juge et les parties doivent
rester lointains. Ce principe d’indépendance est une garantie pour le justiciable en ce sens
qu’il lui promet lorsque le juge, quand il prend sa décision, ne se laisse pas influencer par des
pressions extérieures et notamment des pressions politiques ou par ses propres opinions ou
préjugés. Le juge appliquera purement la règle de droit et rendra une décision en toute
liberté.26 Afin d’aboutir à une décision judiciaire la plus proche de la vérité, le principe
d’indépendance impose au magistrat de changer de juridiction et de siéger au sein de
différentes chambres de juridiction pour éviter qu’une autorité de fait se crée entre les
membres d’une même formation collégiale ou une juridiction. Ce principe d’indépendance
préserve la confiance du public dans l’impartialité de la magistrature.
De ce principe d’indépendance découle celui de l’impartialité qui commande aux
magistrats de juger en toute objectivité sans prendre partie définitivement pour l’un ou l’autre.
Cette nécessité de neutralité a pour conséquence qu’aucun magistrat ne doit avoir de lien
avec les protagonistes du procès et d’intérêt dans cette affaire et semble donc essentielle à la
manifestation de la vérité judiciaire. Ce principe d’impartialité est tout comme celui
d’indépendance retrouvé à l’échelle européenne. En effet, l’article 6 paragraphe 1 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme impose à tout tribunal d’être impartial.
Concernant les critères d’appréciation de l’impartialité, la Cour « établit une distinction entre
une démarche subjective : c’est à dire chercher à déterminer la conviction ou l’intérêt
personnel de tel ou tel juge dans une affaire donnée ; et une démarche objective, c’est à dire
déterminer si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute
légitime. » La Cour considère que l’impartialité personnelle d’un magistrat se présume jusqu'à
preuve du contraire. En raison du lien étroit entre le principe d’indépendance et d’impartialité,
26 http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/les-fondements-et-principes-10032/lindependance-et-la-neutralite-du-juge-12041.html
17
la Cour Européenne des Droits de l’Homme examine souvent conjointement la question de
leur respect.27
B) le fonctionnement des juridictions pénales.
La juridiction est organisée de sorte que ce soit des professionnels qui interviennent
sous la forme d’une collégialité. (1) Ces professionnels prennent part dans le procès pénal,
ainsi que les différentes parties par le principe d’oralité et publicité des débats. (2)
1- Une collégialité professionnelle de magistrats.
Le fonctionnement du procès pénal est dirigé par de nombreux principes de haute
importance afin de se rapprocher au maximum de la vérité. Nous en avons déjà étudié certains
mais d’autres restent à être développés, tel est le cas de la professionnalisation des magistrats.
La justice ayant pour objectif de juger des protagonistes, elle peut avoir un impact
considérable sur leur vie et leur liberté, il est donc essentiel qu’interviennent des individus
dotés de compétences spécifiques. C’est la raison pour laquelle la France a décidé que les
juges devaient être des professionnels de la justice, magistrats de carrière. Ces magistrats sont
formés à l’Ecole Nationale de la Magistrature. L’égalité des citoyens et l’impartialité
semblent être atteintes grâce à ce principe et envisagent une vérité judiciaire.
S’il semble intéressant de s’attarder sur cette professionnalisation des magistrats, il est
nécessaire d’appréhender ce que l’on appelle lors du procès la collégialité. Elle désigne le fait
qu’une affaire soit jugée par plusieurs juges, elle est en lien avec la professionnalisation et est
aussi importante dans le combat contre une décision judiciaire inexacte. Évidemment, cette
collégialité est instigatrice d’une formation des jeunes magistrats mais semble avoir d’autres
atouts puisqu’elle permet d’obtenir une pluralité de regards et éviter d’éventuelles pressions.
Cependant, si professionnalisation et collégialité semblent dégager de nombreux
avantages, la Cour d’Assises, quant à elle, présente un tout autre schéma. C’est une juridiction
Départementale émanant de la Cour d’Appel qui tient ses assises successives dans chacun des
départements du ressort de la Cour, et qui est composée chaque trimestre pour juger les
27 http://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_6_FRA.pdf
18
crimes de droit commun et les délits connexes, est formée de la Cour, c’est à dire trois
magistrats et d’un jury de six membres en Première Instance. Ce jury a été emprunté à
l’Angleterre et fut introduit le 3 septembre 1791 en matière criminelle. Autant de conditions
qui permettent de se retrouver en présence de citoyens ignorants et naïfs selon Bouzat et
Pinatel, afin de garantir une Bonne justice.28 La référence étant lointaine, on peut constater
que de nos jours les bienfaits sont toujours présents, puisque le jury constitue une pluralité de
regards pouvant être source de plus d’objectivité et en harmonie avec des professionnels pour
tendre vers une vérité parfaite.
2- L’oralité et la publicité de l’audience.
L’oralité ne fait aucune part aux écritures et repose exclusivement sur des simples
échanges verbaux dont principalement les débats à l’audience. Le Président interroge le
prévenu, les témoins, ou la partie civile, celle-ci commence à plaider, suit les réquisitions du
ministère public pour mettre fin à cette oralité par la plaidoirie de la défense. Fondamental en
Cour d’Assises les jurés et accesseurs ne se décident que d’après ce qu’ils ont vu ou
entendu.29 Ce principe d’oralité est présent au niveau européen au sein de l’article 6
paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : « toute personne a droit
à ce que sa cause soit entendue équitablement ».
Ce principe de l’oralité présent en droit interne bien qu’il revêt un caractère important
ne fait guère l’objet de consécration générale mais se trouve évoqué à de nombreuses reprises
dans le code de procédure pénale. En effet, l’article 347 du Code de Procédure Pénale prévoit
que le dossier de l’affaire ne soit pas emporté dans la salle de délibération. Néanmoins, un
arrêt de la Chambre Criminelle en date du 21 avril 198230 précise « que l’article 347 alinéa 3
se borne à prescrire que, les débats étant terminés, le dossier de la procédure, à l’exception de
l’arrêt de renvoi, soit, sur l’ordre du président, déposé entre les mains du greffier. Il n’interdit
pas notamment au magistrat de la Cour et aux jurés de conserver par devers eux, durant la
délibération, des notes prises pendant l’audience ou des documents qui leur auraient été remis
pendant les débats pour leur faciliter la compréhension de ceux-ci ». Il reste possible que le
président demande, dans l’hypothèse où il souhaite examiner certaines pièces de la procédure
28 Eliane de Valicourt, L’Erreur Judiciaire, Ed. L’Harmattan, 2005, P 141, note de bas de page. 29 Michel Redon, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, tribunal correctionnel –juin 2012 ( actualisation octobre 2015) 30 Bull. Crim. n° 97
19
que lui soit apporté le dossier. Les témoins font leur rapport oralement et ont la possibilité
tout de même de s’aider d’un document selon l’article 452 alinèa 2 au Tribunal Correctionnel
et selon l’article 536 du Code de Procédure Pénale au tribunal de police. Il en est de même
pour les experts. La jurisprudence le rappelle dans son arrêt de la Chambre Criminelle du 23
octobre 2013 en indiquant que « le débat devant la Cour d’Assises doit être oral ; ce principe
d’ordre public, qui ne peut être couvert ni par le silence ni par le consentement des accusés,
interdit qu’il soit donné lecture de tout ou partie du rapport d’un expert présent avant son
audition à la barre ». 31
Pour comprendre l’intérêt du principe de l’oralité dans la recherche de la vérité
judiciaire, il est nécessaire de ne pas perdre de vue que l’instruction qui comme on l’a dit
auparavant, est la phase du procès pénal où le magistrat instructeur procédant à des
recherches, n’est obligatoire qu’en matière criminelle. Ce qui signifie que dans les autres cas,
il n’y a pas de juge qui instruit à charge et à décharge pour établir le dossier de procédure.
C’est la raison pour laquelle l’absence d’instruction est compensée par l’oralité qui la réalise
elle-même et vient contrebalancer le manque d’objectivité. Objectivité qui est l’élément
moteur pour atteindre plus facilement la vérité. On peut également rajouter que la vérité
judiciaire est induite par ce principe puisqu’on ne prend pas uniquement pour acquis les écrits
établis par les forces de l’ordre -prenant plus ou moins parti- pour retenir la culpabilité et
responsabilité des protagonistes. De plus, l’oralité semble être utile pour obtenir des
éclaircissements dans les faits par les témoins, les experts ou bien même les prévenus afin
d’éviter de se tromper dans la décision.
L’oralité est unie au principe de publicité prévu à l’Article 6 paragraphe 1 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme. La publicité a pour avantage de sensibiliser
les citoyens et leur permettre de se rendre compte de la manière dont la justice est rendue, ce
qui peut être bénéfique un jour pour les citoyens qui seront choisis pour participer au jury de
la Cour d’Assises.
31 Bull. Crim. n° 202
20
Paragraphe 2 : Les recours source de protection des accusés.
L’erreur dans le monde judiciaire n’est pas acceptable. Une justice mal menée a un
impact considérable sur la liberté, l’honneur et le patrimoine des protagonistes qui la
rencontrent. C’est ainsi que l’on compte dans les grands principes permettant la recherche de
la vérité judiciaire, les voies de recours. Quand une erreur se glisse dans le système par les
tribunaux de 1ère instance, les voies de recours permettent de réparer celle-ci pour parvenir à
la vérité judiciaire qui sera établie définitivement une fois les recours épuisés ou quand les
délais, afin de les mettre en œuvre, auront pris fin. Les voies de recours sont donc ni plus ni
moins un atout de plus pour atteindre la vérité judiciaire. Deux types de voies de recours
existent : à commencer par les voies ordinaires (A) mais également une voie extraordinaire
beaucoup plus conditionnée. (B)
A) les voies de recours ordinaires.
Les recours ordinaires se scindent à leur tour en deux. Si l’opposition permet à un
protagoniste jugé par défaut de se voir rejuger l’affaire en sa présence avec les mêmes
juges(1) l’appel, quant à lui, consiste à soumettre un litige déjà jugé à un nouvel examen par
une juridiction supérieure. (2)
1- L’opposition.
La simple condamnation d’une personne qui n’a pas pu faire valoir ses arguments par
son absence involontaire peut engendrer une décision inexacte. L’opposition est alors un
moyen de réparer une erreur, qui est en l’occurrence le non respect d’un principe permettant
l’équité, qui donne le droit de présenter ses explications à l’audience pour se défendre. Nul
doute que cette opposition est mise en œuvre pour joindre la vérité judiciaire.
Le domaine d’application de l’opposition se limite aux décisions rendues par défaut,
donc pour les protagonistes qui n’ont été ni présents ni représentés à l’audience.32 Pour
bénéficier de cette opposition, il faut que le citoyen n’ait pas eu connaissance de la tenue de
32 article 544 et 545 –contravention-, article 487 et 448 –délit- , article 379-2 à 379-6 –crimes- du code de procédure pénale.
21
l’audience en raison de problème de citation ou a été averti le jour de l’audience et a fourni
une excuse justifiée pour ne pas comparaître.
Selon l’article 493 du Code de Procédure Pénale, le prévenu, la partie civile victime de
l’infraction, la personne civilement responsable du fait du prévenu sont les seuls à pouvoir
déclencher l’opposition. De même, la loi du 8 juillet 1983, renforçant la protection des
victimes d’infractions permet aux assureurs qui garantissent les dommages, à exercer
également l’opposition dans les mêmes conditions que les personnes civilement responsables
et les parties civiles quand des poursuites pénales sont exercées en matière d’homicides ou de
blessures involontaires. Le ministère public est averti de l’opposition et avise la partie civile
par lettre recommandée avec accusé de réception quand c’est le prévenu qui a fait la
signification. Ce ministère public devant obligatoirement être présent au procès, n’a pas
d’intérêt à bénéficier du droit à l’opposition puisque s’il n’est pas présent, la juridiction n’est
pas valablement composée. Cependant, ce dernier peut former opposition dans les cas où une
ordonnance pénale est prise par le juge correctionnel ou de police sans débat. Cette opposition
doit être faite par déclaration au greffe du tribunal dans les 10 jours de l’ordonnance selon
l’article 495-3 et 527 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale.
La détention ne fait en rien obstacle à cette opposition. Le détenu peut y avoir droit en
la déclarant auprès du chef d’établissement pénitentiel qui la constate, la date et la fait signer
par le détenu pour l’adresser au ministère public de la juridiction qui a rendu la décision, sans
obligation de délai.
Cette possibilité d’opposition, bien qu’elle soit bénéfique, est limitée dans le temps. Si
le prévenu réside en France métropolitaine, elle ne peut être faite que dans les 10 jours à
compter de la signification à personne du jugement. Un délai d’un mois est mis en place dans
le cas où le prévenu vit à l’étranger.
L’opposition présente des bienfaits pour la poursuite de la vérité judiciaire en ce sens
que la décision rendue sans possibilité pour le protagoniste de s’exprimer est anéantie. Les
juges saisis de l’affaire une 1ère fois seront saisis de nouveau et pourront prendre une
décision toute différente adoucissant ou aggravant la sentence. Elle a un effet dévolutif. Cet
effet dévolutif peut être retrouvé auprès de l’appel, seconde voie de recours ordinaire.
22
2- L’appel.
Comme le relate l’article préliminaire du Code de Procédure Pénale, comprenant les
principes fondamentaux au bon fonctionnement du procès pénal « Toute personne condamnée
a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction ». L’appel est donc une
voie de réformation. Un nouvel examen d’une affaire déjà jugée est possible par une
juridiction supérieure. La vérité judiciaire ne peut être que plus facilement accessible par
l’intervention de ce 2ème examen.
L’intérêt de cet appel est d’une telle importance qu’il est retrouvé aussi bien pour des
affaires de petites conséquences telles qu’en matière contraventionnelle mais aussi en matière
correctionnelle et criminelle. Évidemment, l’appel en matière contraventionnelle n’est
possible que dans l’hypothèse où l’amende encourue est celle des contraventions de 5ème
classe ou selon l’article 131-16 alinéa 1 du Code Pénal, quand a été prononcée une suspension
de permis de conduire de 3 ans au plus. Quand le montant de l’amende encourue est supérieur
à 150 Euros, l’appel se trouve également possible.33 Les jugements émanant des tribunaux
correctionnels pouvant avoir une répercussion d’une plus ou moins grande envergure sur la
vie du prévenu, l’appel peut toujours être interjeté quel que soit le problème de fond, de
procédure, de relaxe. La Cour d’Assises ayant comme objectif de juger les crimes, et prenant
des sentences de privation de liberté de très longue durée, l’erreur est inacceptable. C’est pour
cette raison que la loi du 15 juin 2000 a remédié à l’absence d’appel en matière criminelle.
Néanmoins, la juridiction du deuxième degré est une autre Cour d’Assises comprenant trois
jurés supplémentaires.
Afin de rétablir la vérité judiciaire, cet appel peut être aussi bien interjeté par le
prévenu, la partie civile, le civilement responsable et le ministère public. Autant de personnes
susceptibles de contester les faits, contester la procédure, clamer leur innocence dans le but
que justice soit rendue correctement.
En matière correctionnelle, pour interjeter appel, une déclaration au greffe du tribunal
qui a rendu la sentence que l’on souhaite contester doit être signée par l’appelant, son
représentant ou mandataire. Dans l’hypothèse où cet appelant est détenu, la loi du 30
décembre 1985 a modifié l’article 503 du Code de Procédure Pénale pour permettre à celui-ci 33 Article 546 alinéa 1er du code de procédure pénale
23
d’interjeter appel par une déclaration auprès du chef d’établissement pénitentiaire. Ce dernier
en dresse l’acte, le date, le signe, fait signer au détenu et l’adresse sans délai au greffe du
tribunal juridictionnel qui a rendu la décision attaquée.
Si le jugement est contradictoire, l’appel doit être formé dans un délai de 10 jours à
compter de celui-ci. Dans le cas où le jugement est prononcé en l’absence du prévenu, quand
la date du prononcé n’a pas été indiquée ou quand le jugement est intervenu après audition
d’un avocat ayant assuré la défense, ou en l’absence de l’avocat ayant demandé à représenter
son client, le délai court à compter de la signification de ce jugement. Il arrive que le délai
d’appel d’une décision soit beaucoup plus court. En effet, concernant les jugements relatifs à
une demande de mise en liberté ou main levée du contrôle judiciaire ce délai est réduit à 24h.
Le Procureur, quant à lui, a deux mois à partir du jour où la décision a été rendue pour
interjeter appel. A l’expiration du délai, si aucun appel n’a eu lieu, le jugement devient
définitif. Si l’une des parties interjette appel de la décision dans le délai légal, les autres
parties peuvent faire un appel incident sous cinq jours selon l’article 500 du Code de
Procédure Pénale. Quand aucun protagoniste n’a procédé à un appel incident, cela signifie
que le sort du condamné ne pourra pas être aggravé vis à vis de la décision antérieure. C’est la
raison pour laquelle le ministère le fait systématiquement. Bien évidemment, quand le
prévenu ou partie civile se désiste de son appel principal, l’appel incident d’une autre partie
devient caduque.
Les délais d’appel en matière criminelle sont identiques à ceux de la matière
correctionnelle
L’effet dévolutif constaté par l’opposition est également présent en matière d’appel, ce
qui conduit la juridiction d’appel à être saisie du dossier complet. Cet aspect peut être dérogé
en matière correctionnelle. Tout comme l’effet suspensif qu’engendre également l’appel et
qui paralyse l’exécution de la décision prise sur l’action publique. Ce deuxième examen,
aubaine dans la quête de la vérité, peut déboucher sur un ultime examen qu’est celui de la
Cour de Cassation mais le protagoniste peut décider de ne pas y bénéficier. La décision de la
Cour d’Appel constituera la vérité judiciaire.
24
B) la voie de recours extraordinaire.
Si un troisième examen de l’affaire est possible, il faut préciser qu’il n’est pas
accessible à tous, puisqu’il nécessite un certain nombre de conditions.(1) Les conditions se
trouvant remplies, la procédure de la Cour de Cassation conduit à un arrêt de rejet ou de
cassation qui établit la vérité judiciaire. (2)
1- Les conditions de fond permettant l’accès au pourvoi en
cassation.
Contrairement à la voie de recours ordinaire qu’est l’appel, facile d’accès, la Cour de
Cassation ne sert qu’à vérifier la légalité des décisions de justice. Juge en droit, les cas
d’ouverture au recours en cassation sont donc extrêmement limités et peuvent se compter au
nombre de six, telle que la composition irrégulière de la juridiction. Les principes évoqués
précédemment ne sont pas respectés comme la présence dans la juridiction de jugement d’un
magistrat ayant participé à l’instruction ou bien même le défaut de publicité des débats. Font
partie également de cette liste limitative l’incompétence, l’excès de pouvoir, la violation des
règles de forme, le défaut, l’insuffisance ou la contradiction des motifs et pour finir le cas très
général de la violation de la règle de fond. Les moyens sur lesquels repose le pourvoi doivent
être précisés par le demandeur.
Les décisions susceptibles de pourvoi sont des décisions juridictionnelles rendues en
dernier ressort. Ce qui signifie qu’à l’instar du taux de ressort, la décision rendue en dernier
ressort sera la décision non susceptible d’appel ou bien les décisions rendues sur appel.
Afin de former ce pourvoi en cassation, il est obligatoire d’être partie dans l’instance
qui a rendu la décision que l’on souhaite voir annuler, mais également avoir un intérêt
personnel. Le ministère public pourra donc former un pourvoi en cassation sur l’action
publique, le prévenu contre la décision qui le condamne pénalement et civilement et la partie
civile contre la décision faisant grief aux intérêts civils.
Si la cour de cassation est une procédure lourde allongeant les procès et se trouvant
être le dernier maillon de la chaine judiciaire française pour la quête de la vérité judiciaire,
elle peut intervenir dès la mise en accusation. En effet, les arrêts de la chambre de
25
l’instruction statuant sur la détention ou renvoi devant une juridiction de jugement peut faire
l’objet d’un pourvoi en cassation par la personne mise en examen.
Si les conditions ne sont guère satisfaites, la Chambre Criminelle se doit de déclarer la
requête irrecevable. Requête qui aura pour conséquence de rendre la décision
juridictionnellement rendue en dernier ressort comme une décision définitive. Cette décision
sera donc prise pour vérité judiciaire.
2- La procédure délivrant la vérité judiciaire.
L’accès à la Cour de Cassation est loin d’être la plus rapide et la plus facile. Il faut non
seulement que les conditions soient remplies, faut-il encore être dans le délai pour former le
pourvoi. En cas de décision rendue contradictoirement, le délai est de 5 jours francs à compter
de celle-ci. Il diverge en cas de jugement rendu en l’absence du prévenu en décalant le point
de départ au jour de la signification de l’arrêt. Même si le délai n’est pas dépassé, la difficulté
reste sous-jacente puisque le demandeur se doit de déposer un mémoire écrit au greffe de la
cour de cassation dans un délai d’un mois. Mémoire invoquant les moyens que l’on a pu
développer ci-dessus qui sera examiné par le Président de la Chambre Criminelle pour vérifier
si la décision frappée de pourvoi n’est pas une décision insusceptible de voies de recours. Si
tel est le cas, une ordonnance de non admission est rendue. Dans l’autre hypothèse un
conseiller rapporteur est désigné et l’audience a lieu. Quand il s’agit d’une détention
provisoire, la Chambre Criminelle se doit de statuer dans les 3 mois de la réception du dossier
si elle ne souhaite avoir pour conséquence la remise en liberté d’office de la personne mise en
examen. Il en est de même concernant l’arrêt de mise en accusation.
La décision de la Cour peut tendre vers un arrêt de rejet ou un arrêt de cassation. La
différence est considérable. L’arrêt de rejet mettra fin au procès en estimant que les moyens
ne sont pas fondés tandis que l’arrêt de cassation entraîne le renvoi du dossier à une autre
juridiction pour statuer. S’il existe une différence indiscutable entre l’arrêt de rejet et l’arrêt
de cassation il est indéniable que ce pourvoi en cassation est l’ultime moyen de remettre en
cause la décision rendue. Il n’y a donc aucune difficulté à énoncer que ce troisième examen
possible d’une même affaire permet d’accéder à la vérité judiciaire au regard de sa définition
qui stipule que la décision définitivement rendue par la justice constitue la vérité judiciaire.
26
SECTION II :
Les principes judiciaires liés au procès pénal.
Si depuis de très nombreuses années, le symbole de la balance est le reflet d’une bonne
justice, c’est tout simplement parce qu’elle met en œuvre l’idée d’équilibre et de mesure.
Pour s’approcher de la vérité judiciaire, rien n’est plus important que la mise en place d’un
pied d’égalité entre les différents protagonistes intervenant dans ce procès. Il paraît donc
indispensable d’associer au procès pénal des principes permettant l’équité de celui-ci
(paragraphe 1). Il ne faut pas perdre de vue que le procès est un litige soumis à un tribunal
afin de répondre de la culpabilité ou non d’un citoyen pouvant être de bonne foi et non
coupable. C’est la raison pour laquelle, il paraît nécessaire d’insérer des principes permettant
d’atteindre au mieux la vérité. (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La recherche d’une équité essentielle à la poursuite de la vérité.
Le procès pénal garantissant l’équité use pour y parvenir de principes permettant de
donner les mêmes droits à chaque partie (A), et met en œuvre également des droits source de
rééquilibrage en cas d’inégalité dans les forces que chacun possède. (B)
A) La garantie de l’égalité des armes et du contradictoire
Les fondements amenant les parties à bénéficier à peu près des mêmes droits sont ni
plus ni moins le principe du contradictoire (1) se trouvant être indissociable de celui d’égalité
des armes. (2)
1- Le principe du contradictoire.
Le procès pénal est construit de telle sorte que converge différents intérêts comme
d’un côté celui de l’intérêt en présence, de l’autre côté l’intérêt de la personne poursuivie et
enfin à l’écart l’intérêt général, l’intérêt des victimes et l’intérêt collectif ayant en partie un
intérêt commun. Il n’ y a donc aucun doute que règne au sein d’un procès pénal une certaine
adversité qui dégage l’intérêt pour les parties d’obtenir des moyens pour intervenir dans la
procédure pour s’approcher de la vérité judiciaire.
27
Leurs moyens afin d’être impliqués dans la procédure semblent être le principe du
contradictoire défini par la Convention Européenne des Droits de l’Homme comme étant « la
faculté, pour les parties à un procès pénal ou civil, de prendre connaissance de toutes pièces
ou observations présentées au juge, même par un magistrat indépendant en vue d’influencer
sa décision et de la discuter ».34 Ce principe du contradictoire est l’un des principes essentiels
du procès pénal dans la quête de la vérité judiciaire puisqu’il va permettre d’engager des
discussions, argumentations, explications sur les différents éléments du dossier de la
procédure. Il dessinera donc la limite du vrai et du faux. L’intérêt de ce principe est qu’avant
même la décision du juge, un débat sera donc engagé entre les parties. 35 L’oralité étudiée
dans les principes de l’organisation judiciaire comme étant un participant à l’élaboration de la
vérité judiciaire semble être liée à ce principe du contradictoire.
Ce principe du contradictoire n’est appliqué que dans la phase d’instruction et de
jugement. En effet, lors de la phase d’enquête, le principe du contradictoire est inexistant
puisque il ne permet pas au suspect de discuter de la nature et la teneur des preuves recueillies
contre lui. Mais l’intérêt de ce principe reste important dans la chasse de la vérité, en ce sens
qu’il engendre lors de la phase d’instruction la possibilité de former des demandes d’actes,
d’examens, d’auditions ou d’interrogatoires et des débats contradictoires. Pour éviter
d’entrainer des conséquences irréparables, ces débats contradictoires sont mis en œuvre lors
des mesures privatives de libertés.
En effet l’article 135-2 du Code de Procédure Pénale concernant le mandat d’arrêt
indique que sur réquisition du procureur, le Juge de la Liberté et de la Détention peut placer la
personne sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire par une ordonnance motivée suite
à un débat contradictoire. Ce débat contradictoire est également retrouvé au niveau de la
détention provisoire à l’article 137-1 « Lorsqu’il statue à l’issue d’un débat contradictoire il
est assisté d’un greffier ». Il en est de même pour l’article 145 qui dispose « s’il envisage
d’ordonner la détention provisoire de la personne, il l’informe que sa décision ne pourra
intervenir qu’à l’issue d’un débat contradictoire et qu’elle a le droit de demander un délai
pour préparer sa défense ». Les mesures privatives de liberté consistant à priver un individu
de sa liberté notamment de déplacement, si ce dernier devait présenter un danger ou un risque 34 CESDH, 31 mai 1998, Reinhart et Slimane Kaid. Condamnation de la France 35 Aurélie Cappello, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Question prioritaire de constitutionnalité –Juin 2015
28
pour la société, le principe du contradictoire mis en œuvre lors de la prise de décision
concernant celles-ci a pour intérêt d’échanger les pièces et discuter pour prendre la décision
la plus convenable pour l’intérêt de la société et pour l’intérêt du protagoniste.
La contradiction tient une place plus marquante au stade de la phase de jugement.
Cette implication importante est en partie expliquée par la présence de l’oralité durant cette
phase. Oralité qui, on le rappelle, est également un moyen d’accéder à la vérité judiciaire. Le
principe du contradictoire et de l’oralité font donc bon ménage pour éviter de prendre une
décision inexacte. Afin que les parties puissent discuter librement des éléments de preuve
comme le permet le principe du contradictoire, celui-ci doit se mêler au principe qui permet
l’égalité des parties.36
2- L’égalité des armes.
« La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des
droits des parties » introduit l’article préliminaire du code de procédure pénale. Cet équilibre
des parties mis en lien avec la contradiction est un principe inhérent à l’Article 6 paragraphe
1 de la Convention Européenne de Droits de l’Homme. Sa présence au sein de la Convention
Européenne des Droits de l’Homme n’est pas anodine, elle reflète l’influence de ce principe.
Évidemment, si l’adversité présente dans le procès pénal entraîne la nécessité du principe de
contradiction imposant le débat entre les parties, cette contradiction n’a d’intérêt que si elle
est équitable et fait donc appel à l’équilibre des droits des parties. Tout un processus essentiel
pour discerner le vrai du faux et rendre une décision prise comme vérité judiciaire. Ce
principe est défini tout simplement par l’absence de domination d’une partie sur l’autre dont
la Convention Européenne des Droits de l’Homme le présente de la même manière avec un
vocable légèrement différent. Selon elle, « ce principe impose que la procédure offre la
possibilité raisonnable pour chacune des parties au procès, de présenter sa cause dans des
conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son
adversaire. 37 Cette idée est également rappelée par le Conseil Constitutionnel qui explique
que « le respect des droits de la défense implique en particulier l’existence d’une procédure
juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ». 38 Exigence
36 Maud Léna, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Jugement- octobre 2008 (actualisation Octobre 2013) 37 CESDH, Delcourt C/ Belgique, 17 janvier 1970 , requête n° 2689-65. 38 Conseil constitutionnel 5 Aout 2010 :n° 2010-612 DC paragraphe 12 .
29
constitutionnelle, ce principe tout comme le contradictoire s’applique lors de la phase
d’instruction et de jugement. 39
Cette recherche de l’équilibre des parties engendre une certaine égalité des armes.
Toutes les parties se doivent d’obtenir les mêmes armes ou encore des substituts pour se
défendre. Si tous les protagonistes ayant un intérêt dans le procès pénal possèdent les mêmes
armes, le combat risque d’être plus juste et d’atteindre de manière plus aisée la vérité
judiciaire. C’est pourquoi l’équilibre des parties devait être mis en place vis à vis de
l’accusation qui possédait d’office des moyens plus importants que les parties privées au vu
de leur pouvoir de recourir à la contrainte étatique et la force publique. C’est ainsi que les
citoyens, au fil du temps, se sont vu octroyer des moyens pour participer activement au procès
pénal comme le droit d’obtenir des informations sur le cours de l’enquête et de formuler des
demandes d’actes auprès du magistrat instructeur.
B) Les pouvoirs suscitant le rééquilibrage des parties.
Le suspect, le prévenu, l’accusé, est celui que la justice poursuit et juge. Pour parvenir
à ces poursuites, à ces jugements, elle procède à des investigations, des instructions contre lui
le plaçant dans une situation d’infériorité, pas très confortable. C’est pourquoi des principes
sont mis en œuvre permettant un rééquilibrage. Ce rééquilibrage est acquis par l’intervention
des droits de la défense, définis comme étant un ensemble d’attributs donnés aux personnes
privées du procès pénal tels que : Le droit à l’information (1) et le droit à l’assistance d’un
avocat. (2)
1- Le droit à l’information.
Dans l’intention de respecter le droit de la défense le législateur se doit de faire
intervenir le droit à l’information dans le procès pénal, puisque le protagoniste ne peut se
défendre qu’en ayant connaissance de ce qu‘on lui reproche.
Une information complète est exigée afin de combler les droits de la défense
découlant même du principe d’équité en lien avec le principe du contradictoire. Multiplicité
39 Aurélie Cappello, Répertoire de droit pénale et de procédure pénal, Question prioritaire de constitutionnalité –Juin 2015
30
de principes qui, assemblés nous assurent l’obtention de la vérité judiciaire. La chambre
criminelle prononce donc dans un arrêt « la nécessité de divulguer des précisions sur la
nature et les raisons de la prévention, puis y greffe l’idée que le prévenu doit être en capacité
de se défendre des divers chefs d’inculpation, chacune des circonstances aggravantes
susceptibles d’être retenues.40
Faut-il encore que cette information soit comprise et donc profitable. C’est la raison
pour laquelle est prévue l’assistance d’un interprète, la traduction des pièces essentielles au
procès pénal au vu de la consécration d’un droit à la compréhension des informations par la
jurisprudence 41 et par l’article préliminaire42 du Code de Procédure Pénale.
Cette obligation d’informations, si elle permet indirectement à la personne poursuivie
de se défendre et donc de participer à l’élaboration de la vérité judiciaire, intervient
également pour la victime qui apprend quels sont ses droits.
Ce droit à l’information rencontre une certaine limite concernant la garde à vue
puisque l’ensemble des pièces du dossier ne peuvent être obtenues par l’avocat de l’intéressé
au stade de l’enquête préliminaire. Le suspect était d’une certaine manière lésé mais se verra
obtenir un véritable statut juridique par la transposition du droit de l’Union Européenne en
procédure pénale .43 En effet, son droit d’information s’est intensifié grâce à la transposition
de la directive 2012 /13/UE par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 lui permettant de connaître
immédiatement la qualification, la date, le lieu présumé de l’infraction qui justifieront sa
garde à vue. Cette loi a également prévu de donner à l’intéressé un document récapitulant ses
droits lors de la notification de sa garde à Vue. Avant même la prolongation de cette garde à
vue les documents mentionnés à l’article 63-4-1 du Code de Procédure Pénale pourront être
observés par le suspect mais la procédure ne pourra être consultée intégralement y compris
pour son avocat. Évidemment, comme le réfute l’article préliminaire, la personne, en plus de
son droit à l’information, a le droit d’être assistée d’un défenseur.
40 Crim, 20 septembre 2000 , Bull.crim.n° 274 41 Crim ,29 juin 2005, Bull, crim., n°1 99 42 L.n°2013-711 du 5 aout 2013, Portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France. Art. 4 43 Etienne Vergés, Professeur à l’Université de Grenoble, Membre de l’Institut Universitaire de France, revue mensuelle lexisnexis juris classeur, juillet / août 2014.
31
2- Le droit à l’assistance d’un avocat.
Le droit à l’assistance de l’avocat est associé au droit à l’information dans l’article
préliminaire du code de procédure pénale. Cette union est due à l’intérêt commun que partage
ce principe qu’est le droit de la défense.
Le droit à l’assistance d’un avocat consacré constitutionnellement depuis longtemps
au titre des droits de la défense sera formulé « droit à l’assistance effective de l’avocat dans
une décision du 30 juillet 2010 dans le but de rapprocher des exigences de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme.44 L’assistance effective d’un professionnel de la défense
tel que l’avocat a comme avantage d’améliorer la compréhension de l’accusation et des
moyens qui la sous-tendent mais aussi aide le protagoniste dans la formulation de ses
observations et demandes. La compréhension est nécessaire pour atteindre la vérité judiciaire
d’une telle manière que si les protagonistes ne comprennent pas ce que leur énoncent parfois
maladroitement les professionnels du droit, les réponses ne sont pas toujours de qualité et
peuvent déboucher sur une décision inexacte.
Le défenseur est donc présent du début de l’enquête jusqu’à la décision pour
expliquer ce que l’individu ne comprend pas mais également pour mettre des mots sur des
explications parfois mal entreprises. Les magistrats dotés d’un niveau d’étude élevé, ne se
rendent pas toujours compte que leurs explications, questions, ne sont pas en adéquation avec
un public dont l’intellectualité est légèrement plus faible. Cette barrière entre ces deux types
de personnages peut être un obstacle à la vérité. C’est l’une des raisons pour laquelle,
l’avocat est indispensable à la quête de la vérité judiciaire.
Appliqué tout au long de la procédure, le principe général de ce droit à l’assistance
d’un avocat est « qu’en matière pénale, il appartient à l’intéressé de décider en toute liberté
d’être ou de ne pas être assisté d’un avocat au besoin commis d’office »45 Les dires de
l’intéressé pouvant être conséquents pour la suite de l’événement lors de l’interrogatoire de
première comparution que ce principe est dérogé et oblige la présence de l’avocat. Le
défenseur peut être choisi en toute liberté46. Si l’assistance effective de l’avocat s’applique
44 Aurélie Cappello, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Question prioritaire de constitutionnalité –Juin 2015 45 Cons. Const.11 aout 1993 : n° 93-326 DC§ 25 46 Cons. Const. 22 janvier. 1999 :n° 98-408 DC§ 25.
32
tout au long de la procédure, la phase de l’enquête est plus problématique. En effet, l’avocat
ne pourrait être présent qu’au cours de la garde à vue excluant la présence de l’avocat à
d’autres moments de l’enquête. Ce droit de l’intéressé de s’entretenir avec un avocat lors de la
garde à vue est inscrit dans la décision du Conseil Constitutionnel du 11 Août 1993. Cet
entretien serait limité à une durée de 30 minutes selon l’Article 63-3 -1 alinéa 1er et 63-4
alinéa 2 du Code Procédure Pénale. Le droit à l’assistance effective d’un avocat évolue au
niveau de la garde à vue et atteint grâce à la loi du 27 mai 2014, la possibilité pour une
personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une
peine d’emprisonnement et qui demeure libre d’être assistée durant ses auditions et ses
confrontations.
Paragraphe 2 : Les principes protecteurs de la personne poursuivie.
Si l’organisation judiciaire est construite de telle sorte qu’une certaine impartialité
règne, il n’empêche que celui qui enquête, qui juge, qui instruit, n’est ni plus ni moins
humain. Il se peut que face à la monstruosité de certains faits, le premier venu fasse le bon
coupable. Face à cette humanité au sein de la justice et dans le besoin d’obtenir une vérité
judiciaire, il est intéressant de développer des droits protégeant dans un premier temps les
personnes suspectées, poursuivies et jugées (A) mais également de prévoir leur protection par
l’intermédiaire du respect des principes relatifs à la tenue du procès. (B)
A) La protection « même » du suspect.
Le souci de la vérité judiciaire oblige le législateur à instaurer un principe de
présomption d’innocence (1) afin d’éviter que dès l’instant où des éléments de l’enquête, de
l’instruction concordent avec un citoyen, il ne soit considéré directement dans l’esprit des
intervenants comme coupable. Ce qui peut venir fausser la suite des interventions jusqu’au
jugement.
1- La présomption d’innocence.
La présomption d'innocence communément définie comme étant « un préjugé en
faveur de la non culpabilité », n’a été jusqu'à la fin du XXe siècle contenue que dans l'article
33
neuf de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Article neuf qui dispose « que
tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ». C'est finalement
la loi du 4 janvier 1993, qui a permis l'intervention de la présomption d'innocence dans le
Code Civil donnant droit à une réparation à son atteinte à l’article 9-1 . Ce droit ne verra le
jour dans le cadre de la procédure pénale, en son article préliminaire, que par la loi du 15 juin
2000.47 Force est de constater que ce principe est d'une grande envergure pour être mis en
œuvre à multiples reprises.
Cette présomption permet au suspect de ne pas être immédiatement considéré comme
coupable au moment où il est interpellé jusqu'à son éventuel procès, et plus précisément
jusqu'à ce qu’une décision définitive ne soit intervenue. Dans un premier temps, il conduit
donc les forces de police ou de gendarmerie à enquêter et les juges à instruire, à charge et à
décharge. En recherchant également des éléments de disculpation, s’érigent donc des bases
solides pour la suite du procès, sources d’égalité qui ne sont négligeables dans la recherche de
la vérité judiciaire.
Cette présomption se rapporte à la preuve. Le fait d’être considéré comme non
coupable dans l’attente de la décision du juge, entraîne la prise en mains de la charge de la
preuve par l’accusation et éventuellement de la partie civile. Ce qui veut dire que l’accusé n’a
pas à prouver son innocence tout comme la personne poursuivie n’a pas à collaborer à la
recherche de la vérité. C’est la raison pour laquelle il existe le droit de se taire et de ne pas
s’incriminer soi-même.48 L’intéressé est donc protégé contre les coercitions abusives de la
part des autorités. Le ministère public doit rapporter la preuve de la responsabilité du prévenu
alors que la partie civile doit prouver le dommage qu’elle a subi et le rapport de cause à effet
avec l’infraction. Bien que la charge de la preuve revienne à l’accusation, celle-ci ne peut
fonder son argumentation sur des preuves recueillies par le biais de pressions ou de
contraintes à l’encontre de l’accusé. Ce rôle confié au ministère public, revêtu de la qualité de
demandeur pour avoir comme finalité de faire appliquer la loi, est similaire au rôle que
confère l’article 1315 du Code Civil au demandeur. « Celui qui réclame l’exécution d’une
obligation doit la prouver ». Cette similitude n’est pas anodine et peut mettre en exergue la
fiabilité de ce système dans la recherche de la vérité judiciaire. Si c’est principalement sur
47 Johan Dechepy-Tellier, la procédure pénale en schémas, Ed .Ellipses, 2015. 48 Coralie Ambrois Casterot, Agrégée des Facultés de droit, Membre du Haut Conseil de la Magistrature de Monaco, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Octobre 2013.
34
l’accusation que pèse la charge de la preuve, la personne poursuivie pourra tenter d’écarter ou
d’atténuer sa culpabilité en rapportant certains arguments. La quête de la vérité judiciaire
exacte est donc constamment stimulée par la présomption d’innocence qui combat contre le
déséquilibre dans les rapports de force mais également lutte pour obtenir une grande partialité.
Dans le cas où les charges rapportées par le ministère public ne suffisent pas à
emporter la conviction du juge et laissent planer le doute dans l’esprit de celui-ci, la personne
poursuivie échappe au prononcé de condamnation selon l’adage « in dubio pro reo ». Adage
résultant également de la présomption d’innocence.
La présomption d’innocence s’impose aux journalistes. La personne suspectée ou
poursuivie bénéficie d’un droit subjectif extra patrimonial au respect de la présomption
d’innocence. Dans l’hypothèse où ce droit aurait été violé, c’est à dire que l’intéressé aurait
été présenté publiquement comme coupable des faits pour lesquels un enquête est en cours,
une action en réparation de l’atteinte ainsi que l’insertion d’une rectification ou diffusion d’un
communiqué pourraient être envisagées. Ces mécanismes, mettent en exergue l’importance du
principe de présomption d’innocence.
B) L’équité dans le déroulement du procès.
Si des principes doivent être érigés pour protéger directement la personne poursuivie,
le droit d’être jugé dans un délai raisonnable (1) ainsi que la motivation (2) constituant des
éléments relatifs de la tenue du procès ne sont guère négligeables dans cette protection.
1- Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
L'article préliminaire du Code de Procédure Pénale issue de la loi du 15 juin 2000
impose le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. Ce délai raisonnable, qui, bien qu’il n’ait
été prévu dans le code que récemment, se trouve être fondamental pour parvenir à une bonne
justice. S'il est utile que le jugement intervienne rapidement dans le souci de préserver les
souvenirs du prévenu ou des témoins, ce principe peut permettre d'éviter de trop longues
détentions provisoires parfois injustifiées. La détention provisoire ayant des atouts peut aussi
engendrer des conséquences quand la personne poursuivie est finalement relaxée. Afin de
diminuer ces conséquences ayant un impact direct sur la vie, l’honneur de l’intéressé, le droit
35
d'être jugé dans un délai raisonnable est essentiel. Plus le délai pour être jugé sera raisonnable
plus on se rapproche de la vérité puisque passeront à la barre des témoins, des prévenus plus
fiables, ayant de meilleurs souvenirs. Sans compter que les durées excessives de procès
peuvent engendrer des changements de versions suite à des pressions, discussions entre les
différents protagonistes de l'affaire développant des contradictions favorisant des décisions
s’éloignant de la vérité.
Le Conseil d'État indique « le caractère raisonnable du délai doit, pour une affaire,
s'appréciait de manière globale – compte tenu notamment de l'exercice des voies de recours –
et concrète en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la
procédure, le comportement des parties tout au long de celle-ci et aussi, dans la mesure où le
juge a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir pour l'autre, compte tenu de sa
situation particulière, des circonstances propres aux litiges, et le cas échéant, de sa nature
même, à ce qu'il soit tranché rapidement.49
Ce délai raisonnable est également une exigence de la Convention Européenne des
Droits de l’Homme que l’on retrouve en son article 6 paragraphe 1. Pour apprécier la durée de
ce délai raisonnable, il faut s’attarder sur des périodes précises. Le point de départ de ce délai
est la date où la personne est arrêtée ou détenue. La jurisprudence de la convention a précisé
que la durée de la procédure n’est ni plus ni moins que la durée du procès dans son intégralité.
Le point d’arrivée est alors l’obtention d’une décision exécutive. Les critères d’appréciation
du caractère raisonnable du délai de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sont au
nombre de trois. Il convient de s’attarder sur la complexité de l’affaire qui s’apprécie soit à
partir d’éléments de fait ou des éléments de droit. Le protagoniste peut être jugé dans un délai
raisonnable plus court, si l’affaire dans laquelle il se trouve impliqué n’est pas complexe. En
effet, si l’affaire est complexe, la durée de l’instruction peut être plus longue en raison de la
difficulté de la recherche de la véracité des faits, auteurs, et complices. Le délai raisonnable
doit être plus long. L’enjeu du litige est le second critère. Le Procureur de la République peut
utiliser des procédures simplifiées permettant d’accélérer le délai du jugement si la valeur du
litige est faible. Enfin l’appréciation des comportements doit être prise en compte. Le juge
doit s’assurer que les parties ont pu exercer leurs droits à la défense. 50 La jurisprudence de la
Cour Européenne des Droits de l’Homme en date du 14 juin 2001 Brochu/France considère 49 CE, ass., 28 juin 2002, Magiera, req.n° 239575 : préc.note 64 50 http://www.cabinetaci.com/avocat/libertes-fondamentales-avocat/les-droits-de-la-defense/le-droit-detre-juge-dans-un-delai-raisonnable/
36
que le délai raisonnable d’une procédure judiciaire moyenne s’opère dans un délai inférieur à
2 ou 3 ans. Les juridictions administratives sont compétentes pour contrôler le caractère
raisonnable ou non du délai.
Afin de parvenir à un délai raisonnable, la loi impose l’examen de l’affaire dans un
délai de deux mois pour les dossiers instruits dans lesquels une personne est en détention. En
matière criminelle, ce délai est d’un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en
accusation est devenue définitive .51
2- La motivation des décisions.
La motivation de la décision constitue ni plus ni moins l'argumentation des juges. Ce
principe est l’un des principes révolutionnaires organisant la justice, et est donc apparu avec
la loi du 16 et 24 août 1790.
La vérité judiciaire étant définie comme la décision rendue par le tribunal, la
motivation de celle-ci intervient donc pour obtenir la vérité judiciaire. La quête de la vérité est
d’autant plus atteinte avec ce principe en ce sens que la motivation permet de faire connaître
et comprendre quelles ont été les raisons qui ont amené les juges à prendre cette décision mais
aussi de démontrer l'impartialité des magistrats. Les juges mettent en exergue leur
raisonnement juridique et cohérent, ce qui supprime toutes suspicions de préjugés ou de
considérations arbitraires.52 En effet les juges ont pour obligation de répondre à tous les chefs
de conclusions selon l'article 459 alinéa 3 du Code de Procédure Pénale. La motivation des
décisions suscitant un meilleur contrôle de la décision par la juridiction supérieure53 permet
une fois de plus de constater l’intérêt de cette motivation dans la recherche de la vérité. En
effet, plus il y a d’éléments qui motivent la décision prise par la première juridiction, plus les
juridictions supérieures – telles la Cour d’Appel et la Cour de Cassation sources d’obtention
de la vérité judiciaire- ont de facilité à intervenir, ce qui favorise encore la recherche de la
vérité judiciaire.
51 Bernard Bouloc, Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris-1), RCS, 2002, p 138, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable : loi du 15 juin 2000. 52 Maud Léna, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Jugement- octobre 2008 (actualisation Octobre 2013) 53 Florence Bussy, Recueil Dalloz, l’erreur judiciaire –D 2005-2552, l’obligation de motivation des décisions de justice.
37
Cette motivation se trouve d’autant plus renforcée dans les situations présentant des
enjeux de liberté telle que la détention provisoire. Effectivement, les juges se trouvent obligés
de démontrer le caractère indispensable de la détention par rapport aux critères posés par
l'article 144 du Code de Procédure Pénale, et d'autre part expliquer en quoi le contrôle
judiciaire serait insuffisant.
Notre justice, comprenant un arsenal de principes relatifs à l'organisation judiciaire et
au procès, depuis le code de l’Instruction Criminelle, semble avoir mis tout en œuvre pour se
rapprocher de la vérité et rendre une décision qui sera considérée comme vérité judiciaire.
Cependant, cette vérité judiciaire n'étant ni plus ni moins la décision définitive rendue par une
juridiction diffère de la vérité absolue qui consiste à joindre la certitude. En conséquence, la
vérité judiciaire peut constituer la réalité mais peut également être source d’erreurs. Il
convient donc de s'interroger sur la provenance de ces erreurs.
38
CHAPITRE II.
Les causes des erreurs judiciaires.
La vérité judiciaire est établie par des hommes avec le concours de multiples
intervenants au préalable, qui ne sont guère des Dieux. Paradoxalement, notre justice est ainsi
faite, qu'elle est régie par des hommes qui auront comme mission de procéder à des
investigations, instructions et jugements à l’encontre d’autres humains. Ces hommes
bénéficiant de ce pouvoir, sont dotés tout comme le reste de la population, de qualités mais
également de défauts. Malheureusement la justice va faire les frais de la faillibilité de
l'homme. Les erreurs judiciaires peuvent trouver leurs sources dans les facteurs humains.
(SECTION I). Cependant, bien que des principes aient été mis en œuvre aussi bien au niveau
de l'organisation judiciaire que du procès, ils ne sont pas toujours respectés et n'atteignent pas
encore la perfection pour bénéficier d'une justice convenable. Les erreurs judiciaires semblent
pouvoir découler de l'organisation judiciaire. (SECTION II)
39
SECTION I :
Le facteur humain.
Il est indispensable de rappeler que lorsque justice est rendue, l'intérêt de la société est
retenu. C'est ainsi que l'organisation judiciaire a édifié une autorité, le ministère public ayant
pour objectif de défendre l'intérêt collectif. La société ayant alors directement sa place dans le
procès pénal, il arrive qu'elle s'immisce d'elle-même, un peu plus, pouvant parfois provoquer
des erreurs (Paragraphe 1). Si cette société peut engendrer un désastre judiciaire, il ne faut pas
perdre de vue que ce sont les personnes au cœur même du procès qui peuvent établir la vérité.
Elles sont parfois donc les causes des erreurs (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L’implication de la société, source d’erreurs judiciaires.
Comme le relate Maître Nathalie Faussat, « il y a un véritable engouement du public
pour tout ce qui concerne les faits divers judiciaires quels qu'ils soient »54. Les chaînes de
télévision sont de plus en plus conquises par des reportages sur la justice. En conséquence, les
médias générateurs de ces reportages interviennent dans le procès pénal, pouvant interférer
dans son fonctionnement et engendrer une erreur (A). Cette intervention provoque un intérêt
chez le public qui n’est pas non plus irresponsable dans les erreurs judiciaires. (B)
A) La manipulation des médias.
Les médias, tenant pour vrai les informations qui leur sont transmises, déclarent
régulièrement des éléments calamiteux sur la défense, calomnies qui ne devraient pas exister
par l'application du principe fondamental qu’est la présomption d'innocence. Ces
divulgations, bien qu’interdites par l'article 11 du code de procédure pénale qui dispose : « la
procédure au cours de l'enquête de l'instruction est secrète » peuvent influencer des personnes
intervenant au procès pénal (1) et surtout créer une insécurité pour la population qui est
conséquente sur les décisions des juges. (2)
54 Hervé Charrette, ancien ministre des affaires étrangères –député de Maine et Loire – Président de la Convention Démocrate- Perspectives et Réalités , Grand débat national sur la justice- après Outreau quelle réforme de la justice pénale ?, Ed. l Harmattan 2006 , p 64
40
1- L’influence des médias sur les personnes afférentes au procès.
Les médias, étant une institution ou un moyen impersonnel permettant une diffusion
large et collective d'informations et d'opinions quel qu'en soit le support, s'emparent du sujet
« justice ». Ils s'immiscent dans le procès pénal et peuvent engendrer des erreurs judiciaires
ayant des conséquences déplorables. Bien que le journaliste puisse être préoccupé par les
intérêts de la défense, il est amené indirectement à relater des éléments défavorables envers
la personne poursuivie, dues à des sources délatrices.55 Il a tendance à puiser ses informations
auprès de personnes fortement accusatrices. En se pressant de tirer des informations auprès
des commissaires, des parents des victimes, des voisins, et du ministère public, ne rapportant
que des éléments négatifs pour la défense, ce journaliste ne peut être comparé qu'au ministère
public comme le présente un vieil Adage.
Cependant, cette divulgation d’informations tendant à abattre la personne poursuivie,
peut avoir un impact sur la décision rendue par la juridiction et provoquer des erreurs. Cette
décision dans le cadre des Assises est prise par un jury choisi parmi toute la population et
influencé par les médias qui, du début de l'enquête jusqu'au jour de l'audience, par leurs
reportages, articles de presse, présentent les aspects négatifs de l’affaire. Les jurés endoctrinés
par les médias vont se construire leurs opinions avant même d'entrer dans l'enceinte du
tribunal. Le dossier sera donc étudié lors de l'audience sans intérêt, l'erreur judiciaire est donc
susceptible de se produire. Cette idée n’est guère nouvelle, faisant l'objet le 3 juin 1891 d'un
article dans le journal l’éclair.56
Les médias de manière parfois involontaire peuvent non seulement influencer les jurés
par des articles en défaveur de la défense mais aussi les personnes directement liées au procès
pénal. C’est le cas de l’importante erreur judiciaire qu’est l'affaire de pédophilie d’Outreau où
les médias ont créé un certain désastre en étant la source même de certaines déclarations d’
enfants soi-disant victimes de viols. Par exemple, Aude a répété manifestement ce qui était
relaté à la télévision ou dans les journaux.57
55 Maurice Lailler, Les erreurs judiciaires et leurs causes, Ed Hachette Livre, Ed.1897, p 39 56 L’Eclair du 3 juin 1891, « Quelques-uns de nos confrères sont trop modestes, ne se rendent pas assez compte de l’influence de la presse sur les verdicts rendus. Pendant des mois, « elle chauffe » l’opinion, dramatise l’affaire, prive inconsciemment le prévenu, par un mot cruel, un détail répugnant, des vagues sympathies qui pouvaient décider de son sort….Qui dira jamais la pression subie par le cerveau d’un bon juré, lisant le matin dans sa feuille que toute compassion lui serait imputée à faiblesse ; que l’opinion exige de lui un implacable arrêt ? etc » 57 Gilles Antonowicz, La faiblesse des hommes, Ed Max milo, 2013. p 213
41
De plus, cette intervention des médias dans la justice n’est pas sans conséquences
surtout lorsque l’on constate qu'il leurs arrive de fausser également l'enquête. Sur ce point,
nous pouvons encore citer l'affaire Outreau dans laquelle ils ont prétendu que les Legrand
auraient été gérants d'un sexe shop à Ostende. Ces éléments n’existant pas dans le dossier,
nous sommes forcés de constater que c’est purement une invention des médias, qui sont donc
incontestablement sources d'erreurs par leur facilité d'influencer des personnes intervenant
dans le procès pénal mais également en créant un émoi chez le public.
2- L’émoi de la population.
Si les médias arrivent à atteindre les jurés par leurs reportages et articles, c'est parce
qu'avant tout, ils parviennent à toucher la population. Un problème est alors sous-jacent quand
on constate que la société est importante dans la décision que la juridiction va rendre. Si
importante, qu'une autorité telle que le ministère public intervient dans le procès pénal pour
requérir, dans l'intérêt de cette société.
Évidemment, si les médias accèdent aux émotions du public, suscitant chez eux une
insécurité, une crainte, les magistrats devront y répondre. En se focalisant sur le public qui
est soumis aux calomnies des médias et qui réagit en clamant que justice soit rendue, parfois
même par l'évocation de la réapparition de la peine de mort, le magistrat ne va-t-il pas
s'éloigner de la réalité et rencontrer l'erreur ? Cette médiatisation engendrant une insécurité
dans l'esprit de la population, entraîne chez les magistrats, des situations bien compliquées,
les obligeant parfois à l'inverse de ce qui est prévu, mettre sur un piédestal l'intérêt de la
société. Cette surélévation de l'intérêt social peut créer une erreur judiciaire alors même que
ces divulgations négatives ne devraient pas être, en raison du respect du principe de
présomption d'innocence.
Pour répondre à cette peur et insécurité de la population entretenues par les médias, le
magistrat préfère mettre un innocent en prison que de laisser un coupable en liberté. Ce fut le
cas dans l'affaire d’Outreau, des innocents ont été placés en détention provisoire pour une
durée relativement longue pour plusieurs raisons prévues par l'article 144 du Code de
Procédure Pénale dont celles relatives aux troubles à l'ordre public, ordre public plutôt
confondu dans cette affaire par opinion publique. Dans cette affaire désastreuse, lors des
42
demandes de mise en liberté, la population criait haut et fort dans la rue « à mort les
pédophiles ». Les magistrats refusaient donc systématiquement ces demandes, parfois même
par peur de violence sur les personnes poursuivies.
La justice ne peut être rendue convenablement et donc sans erreur judiciaire, étant
donné l'intrusion d'une multiplicité d’intervenants tels que les médias interférant dans la
réalité, et la population clamant ses opinions. Il s’ensuit de ces explications que l'opinion
publique peut être responsable des erreurs judiciaires.
B) La ferveur de l’opinion publique envers les affaires judiciaires.
L’opinion publique bien qu’elle soit source d’erreurs car elle influence les décisions
des juges, l’est également en colportant des rumeurs (1) et propageant ses convictions et ses
préjugés. (2)
1- Les rumeurs génératrices de confusions au sein du procès.
« Rien ne naît sans germe : mais peu importe la valeur du grain et l’adresse de la main
qui l’a lancé. A peine tombée dans l’esprit de la foule, la semence d’accusations si vide soit-
elle se développe et rapidement devient « le chorus de haine et de proscription »58
La rumeur dénoncée dans cette citation est également une source d’erreur judiciaire
surtout dans les années 1800 où le procès pénal était régi par le code de l’organisation
judiciaire. Ce fut le cas de l’affaire Rispal et Galland en 1817, dans laquelle Jean Courbon
trouvé mort sur le revers du fossé fut déclaré, suite à l’autopsie, mort par apoplexie.
Cependant l’affaire à peine classée, le public se chargeait de colporter des rumeurs engendrant
l’arrestation de trois hommes, et donc une erreur judiciaire. L’humain étant un grand
interprète de tous faits ou situations, les rumeurs touchent toutes personnes dans le monde et à
chaque instant de la vie.
Ces rumeurs communément définies comme étant un bruit informel persistant sans
source déterminée, on peut s’interroger sur la question de savoir comment elles ont pu être
retenues par les enquêteurs ou les juges ? La réponse est évidente et révèle que la rumeur est 58 Victor Hugo, Le Pape, poème, 29 Avr. 1878.
43
tout simplement la solution du problème à l’absence de preuve. Dans les affaires où aucune
preuve ne permet de poursuivre quelqu’un, les rumeurs peuvent avoir un grand intérêt pour
rendre quand même justice et engendrer à coup sûr des erreurs judiciaires. Marie Besnard en a
subi les conséquences. En 1949, elle sera arrêtée et inculpée alors que le juge n’a même pas
un commencement de preuve, pas le moindre indice. Ce qui lui vaudra ces poursuites, ce sont
les simples rumeurs de commères. 59
Ces rumeurs, parfois différentes sur une même affaire, peuvent en effet entraîner un
certain flou dans les enquêtes au point de ne plus arriver à dissocier le vrai du faux. Souvent
le point de départ de ces rumeurs était la mésintelligence qui régnait entre la victime et le
soupçonné comme ce fut le cas de l’affaire Doise de 1861 où la femme Doise était brouillée
avec son père et l’affaire Lerondeau de 1878 où l’épouse lui faisait régulièrement des scènes
de vie. Les épouses Doise et Lerondeau faisaient donc toutes les deux les parfaites
coupables. Ce caractère chez l’humain, qui tend à colporter des rumeurs, n’est pas le seul
démon de celui-ci, susceptible d’entraîner l’erreur judiciaire. Les préjugés, les convictions en
font partie.
2- Le procès conditionné par les convictions.
Chaque humain a pour caractéristique d’être unique, c’est à dire d’avoir son propre
caractère, propre physique, propre mode de vie qui peut provenir de l’éducation reçue des
parents. Ces différences, bien qu’elles permettent des échanges intéressants, enrichissants les
connaissances, ne sont pas toujours tolérées. Certains citoyens ayant leur propre conviction et
valeur en excluent d’autres de la société. Cette exclusion peut être dangereuse au niveau de la
justice. Des innocents peuvent se voir coupables uniquement parce que la population a des
préjugés. Ce fut le cas dans l’affaire Dreyfus où l’accusation était très légère mais la religion
de celui-ci – Juif- n’était pas acceptable. 60
A cette époque, la France, pays catholique, s’adonne de plus en plus à des actes
antisémites. C’est dans ce contexte, que la ferveur populaire qui n’épargnait d’ailleurs pas la
hiérarchie militaire française, a placé Alfred Dreyfus sous le joug d’une accusation totalement
59 Christian Faure, scénario : Olga Vincent, Daniel Riche, Société de production : ramona production, pays d’origine France Belgique, genre : film dramatique ,biographie diffusée pour la 1ère fois sur TF1 le 25 septembre et 2 octobre 2006, date de sortie 2006. 60 Emile Zola, l’affaire Dreyfus la vérité en marche. Ed. Flammarion, 25 janvier 1994.
44
arbitraire et dépourvue de preuve tangible. Au cours de cette affaire, la France a vu ses
citoyens divisés, les Dreyfusards et Antidreyfusards se sont affrontés de façon virulente dans
le but de faire pencher la balance judiciaire au gré de leurs opinions.
Paragraphe 2 : Les protagonistes du procès, acteurs de l’erreur judiciaire.
Le procès pénal fait intervenir plusieurs personnes afin d’établir la vérité. Les
témoignages, sensés être bénéfiques à l’élaboration de la vérité, sont source d’erreurs (A) tout
comme les aveux.(B)
A) Le témoignage, un mode de preuve réfutable.
S’il paraît compliqué d’accorder une totale confiance aux témoignages pouvant être
faux pour différentes raisons (1) il en est de même concernant la parole de l’enfant qui est
susceptible d’être parfois le fruit de leur imagination. (2)
1- Les faux témoignages.
Le témoignage, action de rapporter ce que l’on a vu, entendu, et ce que l’on sait, n’est
pas toujours bénéfique. Bien qu’il soit prévu dans le Code de Procédure Pénale, il a été
source de beaucoup d’erreurs judiciaires que l’on peut lister : affaire Solena en 1945, Guy
Mauvillain en 1975, Ranucci en 1974, Marc Machin en 2001.
Autant d’affaires où les témoignages ont créé des problèmes jusqu’à nuire à la
manifestation de la vérité ; s’ils sont dangereux pour le procès pénal, c’est pour différentes
raisons.
Si les faux témoignages sont régulièrement retrouvés lors du procès pénal et favorise
l’erreur judiciaire, la raison pour laquelle ils sont établis se trouve être différente. Ils peuvent
être manigancés par l’appât du gain, la vengeance ou dans le but de se rendre intéressant,
rendre service ou par influence. En avril 1893, au Tribunal de Tours, une domestique, Mlle
Hünmel raconta que Mr V*** l’avait violée trois ans auparavant afin d’aider sa maîtresse
Mme V*** qui était en divorce avec le prévenu. Néanmoins, l’examen gynécologique dévoila
que Mlle Hünmel était encore vierge. Christian Lacono, ancien maire de Vence, fut condamné
45
en 2009 pour le viol de son petit fils qu’il aurait commis dans les années 1990. Deux ans plus
tard, le petit fils revint sur sa version des faits et expliqua avoir menti pour faire inculper son
grand père sous l’influence des conflits qui existaient entre son père et son grand père.La
personne décide volontairement de témoigner de fausses informations, ce qui peut engendrer
la condamnation d’un innocent. A contrario, le faux témoignage peut être inconscient.
Occasionné par une mémoire défaillante, il est indépendant de la volonté. Évidemment, les
affaires judiciaires étant parfois jugées des années après les faits, il est difficile pour les
témoins de se souvenir des détails. A plus forte raison il arrive que les enquêteurs, juges
d’instruction, ne facilitent pas la tâche aux témoins en raison de leur manière de les
interroger. Les questions sont posées d’une telle façon qu’elles sont susceptibles d’influencer
les témoins.
Si les faux témoignages peuvent entraîner les erreurs judiciaires, il faut savoir que
celles-ci sont engendrées par l’absence de leur prise en compte par des juges d’instruction,
enquêteurs, magistrats qui sont parfois laxistes et qui ne leur portent guère d’intérêt, comme
ce fut le cas dans l’affaire Ranucci. Il a été condamné alors que la plupart des témoins
clamaient que le kidnappeur de la petite fille était un homme qui avait une SIMCA 1100
grise. La voiture de Ranucci n’était pas ce modèle, il possédait un coupé Peugeot. Les témoins
indiquaient également que l’homme était plus vieux que Ranucci. Au final, au moins 8
témoins tombaient dans les oubliettes dans la prise de décisions qui le condamna.61 Ces
témoignages ont été mis de côté uniquement dès l’instant où Ranucci a eu un accident, pris la
fuite et avait donc quelque chose à cacher. Les témoignages n’ont pas été considérés comme
étant de valeur pour établir la vérité parce que les juges avaient une idée préconçue.
A l’inverse, s’il arrive d’être face à des témoignages faux ou non pris en compte, il ne
faut guère oublier que l’on a tendance dans certains cas à leur donner trop d’importance. Les
policiers, les juges répondent souvent à l’accusé : « si vous êtes innocents, pourquoi le témoin
accuse ? ». Cette valorisation ne devrait pas exister puisque l’on a vu des raisons pour
lesquelles un témoin peut mentir. Cette conviction des juges, que le témoin est forcément
celui qui dit vrai, peut également causer des erreurs judiciaires puisque le juge s’enivre dans
ces témoignages et perd de vue les autres preuves. Cette situation ne se retrouve pas dans le
système accusatoire de l’Angleterre car il restreint les témoignages qui peuvent incriminer
l’accusé et permettent de poser des questions d’une telle nature que l’on se demande parfois si 61Jacques Vergès, Les erreurs judiciaires, que sais je ?, Ed. Puf, 2éme édition 2015.
46
le témoin n’est pas l’accusé. Ce système Anglais peut-être intéressant puisqu’il permet
d’établir une équité et peut être faire tomber la vérité.
Le témoignage étant susceptible de créer des méfaits dans le procès pénal, l’enfant
pouvant y faire son apparition, est d’autant plus problématique.
2- L’incrédibilité de la parole de l’enfant influencé.
Vu son jeune âge, l’enfant dégage une problématique considérable dans le procès
pénal. Cette juvénilité oblige une très grande protection, « l’enfant en raison de son manque
de maturité physique et intellectuelle a besoin d’une protection spéciale, de soins spéciaux,
notamment une protection juridique appropriée avant et après la naissance » . 62 Cette
protection est retrouvée aussi bien dans le code de procédure pénale que dans la convention
de New York 1990. En recherchant constamment sa protection, quand l’enfant intervient en
tant que victime dans le procès pénal, il est mis sur un piédestal. Sa parole devient de suite le
champ de la vérité et peut occasionner une erreur judiciaire. C’est ainsi que Loïc Sécher fut
incarcéré de nombreuses années pour rien.
Il s’est vu accusé de viol par une jeune fille, qui 8 ans après, avoue avoir menti.63 Les
conséquences peuvent être à plus grande échelle comme ce fut le cas dans l’affaire d’Outreau
où un nombre assez important de personnes ont été accusées de pédophilie par plusieurs
enfants et leurs parents eux-mêmes impliqués. La Cour d’Appel finira par faire éclore la
vérité et acquitter les innocents.64
Toute la difficulté est que l’on ne peut pas faire abstraction totale des dires d’un enfant
qui prétend avoir été victime de sévices. Des déclarations aussi malsaines, horribles peuvent
parfois être faussées et nous aveugler, créant des dégâts dans la vie des personnes faisant
l’objet de l’imagination de l’enfant. La parole de l’enfant doit être recueillie avec précaution
car il arrive toujours à donner du corps à des idées qui proviennent de son imagination. Sa soif
d’apprendre et l’influence qu’exerce sur lui l’entourage le disposent à écouter et répéter ce
qu’on lui dit comme ce fut le cas avec Madame Badaoui dans l’affaire d’Outreau qui a réussi
62 Convention relative aux droits de l’enfant, New York, 26 janvier 1990, préambule. 63 Annie Ragnaud –Sabourin, Les grandes Erreurs Judiciaire de France, Ed. De Barée, 2014, p 298 64 Alain Marécau, Chronique de mon Erreur Judiciaire, Ed. Flammarion, 28 aout 2011.
47
à faire accuser de nombreux innocents alors même qu’elle était la source du problème.
L’adage « La vérité sort toujours de la bouche des enfants » n’est pas toujours celui qu’il faut
écouter et appliquer dans le procès pénal. Dans le procès pénal, afin de parvenir à la vérité, il
convient d’analyser une multiplicité d’éléments tels que l’aveu, qui est lui-même source
d’erreur judiciaire.
B) L’infiabilité des personnes poursuivies.
Si pour certaines raisons les personnes poursuivies peuvent avoir un intérêt à faire des
faux aveux spontanément qui peuvent être susceptibles d’entraîner des erreurs judiciaires (1),
des aveux peuvent être soutirés. (2)
1- Les aveux spontanés.
Dans le procès pénal, de manière étonnante, nous constatons que de nombreux
protagonistes procèdent de leur plein gré, à des aveux très bien accueillis par les intervenants
de la justice qui estiment qu’ils sont sources de vérité puisque l’accusé s’expose à une
sanction qu’il aurait pu éviter en taisant ses actes. L’aveu, qui consiste à reconnaître ou à
déclarer que l’on est l’auteur d’une infraction ou d’une action blâmable, ou simplement
pénible à révéler, semble être l’idéal pour les enquêteurs, les juges d’instruction, les
magistrats. Cependant, ce qui paraît simple de prime abord, peut en réalité cacher des
complications. En effet, l’aveu solutionne de manière rapide les problèmes que peuvent
rencontrer les intervenants judiciaires pour établir la vérité. On a tendance à penser qu’une
personne poursuivie ne va pas s’incriminer –avouer- si ce n’est pas elle, au risque de subir
une grosse sanction. Il faut savoir que ceci arrive régulièrement pour diverses raisons. Les
raisons susceptibles de provoquer de faux aveux, sont la fragilité mentale, l’intérêt à se faire
emprisonner, la protection d’une personne, des facteurs qui la favorisent.
Le faux aveu est parfois déclenché en fonction de la personnalité. Un jeune est
effectivement plus susceptible d’avouer en raison de son immaturité qui peut le conduire à
être influencé. Patrick Dils était âgé de 14 ans quand il a avoué le double homicide
d’enfants.65 Les experts concluent qu’à 14 ans, il avait un âge mental de 8 ans. Le 24 avril
65 Christophe Hondelatte, Faite entrer l’accusé, « Patrick Dils, marathon pour un acquittement » août 2003 sur France 2.
48
2002, il sera acquitté après 15 ans d’accusation à tort. L’affaire Jean-Marie Deveaux est un
autre exemple où l’aveu est obtenu d’un jeune homme immature.
Le jeune âge n’est pas le seul facteur de faux aveux. Il arrive que des personnes
respectueuses avouent quand ils voient que clamer leur innocence ne sert à rien dans la phase
préalable du procès ; il est donc indéniable que l’aveu soit source d’erreur judiciaire. De plus,
une fois qu’il est examiné, il est considéré comme preuve décisive de culpabilité et il est
compliqué de revenir en arrière. Les juges pensent que ce revirement est un mensonge. Ceci
vaut aussi bien pour l’aveu spontané que soutiré.
2- Les aveux soutirés.
Si l’aveu spontané est susceptible de créer l’erreur judiciaire, l’aveu soutiré l’est
également et se trouve même être inadmissible. Le fait de soutirer des aveux revient à obtenir
quelque chose de quelqu’un par une adroite insistance qui n’est guère favorable à la recherche
de la vérité. S’acharner peut provoquer chez l’individu un épuisement conduisant à l’aveu
dans un souci de paix. Dans cette situation, il n’avoue pas par faute mais pour que la pression
qu’il subit cesse.
Cet aveu peut être extirpé de différentes façons. La manipulation psychologique est
l’une d’entre elles. Elle peut se présenter sous différentes formes. A savoir, procéder à des
interrogatoires de plusieurs heures mais aussi jongler avec les sentiments des gens.
Outre la manipulation psychologique, il est possible d’obtenir des confidences en ne
satisfaisant pas les besoins vitaux du suspect ; affaibli, il n’hésitera pas à se désigner comme
coupable pour mettre fin à ce calvaire.
Si ces deux méthodes tendent à aboutir à un aveu, la violence physique est le
stratagème le plus fréquemment utilisé. Il arrive régulièrement que les personnes poursuivies
subissent des violences dans le but d’extorquer une culpabilité. L’affaire Mis et Thiennot en
1946 n’est ni plus ni moins une erreur judiciaire, du fait des faux aveux obtenus par la torture
tout comme l’affaire Jean Deshays en octobre 2012 où l’aveu provient de violences
ordinaires.
49
Les protagonistes à l’origine de ces méthodes engendrant des aveux soutirés, sources
d’erreurs judiciaires, sont les enquêteurs. En conséquence, l’erreur judiciaire n’est pas causée
uniquement par des facteurs humains mais aussi par l’organisation judiciaire.
50
SECTION II :
Les erreurs liées à l’organisation judiciaire.
De par son rôle important et difficile, la justice fait intervenir une pluralité de
personnes chacune leur tour lors de différentes périodes. L’organisation est construite de telle
sorte que la première phase est l’enquête, suivie de l’instruction. Durant cette phase, le but
étant de rechercher la culpabilité ou non de quelqu’un, il est fort possible que des erreurs se
glissent (Paragraphe 1) tout comme la 2ème phase qui est celle relative au procès.
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La mauvaise conduite des investigations.
Le procès pénal ne peut aboutir que si dans un premier temps des intervenants
judiciaires procèdent à une enquête pour rechercher comment les faits ont pu avoir lieu, qui a
agi et pour quelles raisons. Cette mission revient aux policiers (A) mais leur travail est
complété par celui du juge d’instruction qui a comme son nom l’indique et pour objectif
d’instruire l’affaire (B), tous deux sont susceptibles d’engendrer des erreurs.
A) Les forces de police campées sur leurs positions.
Les forces de police ne sont pas irresponsables dans les affaires judiciaires. Si le code
prévoit la présomption d’innocence, elles s’enferment dans une présomption de culpabilité (1)
et ne manquent pas d’utiliser des pressions afin de parvenir à un résultat dans les affaires qui
leur sont confiées. (2)
1- La présomption de culpabilité.
Les policiers, les gendarmes ayant pour mission d’enquêter quand ils reçoivent une
plainte ou retrouve un corps sans vie, sont les 1ers intervenants de la procédure pénale. Leur
rôle est important puisque les éléments qu’ils vont trouver lors de l’enquête vont avoir un
impact pour la suite de l’affaire. De ce fait, à partir du moment où une enquête est « mal
menée », il peut y avoir des conséquences graves pour l’intéressé.
51
Malheureusement, il arrive trop souvent que les policiers bafouent la présomption
d’innocence durant leurs investigations, ce qui est susceptible de provoquer des erreurs
judiciaires. Dès l’instant où une personne est arrêtée, elle est considérée comme coupable.
Cette présomption de culpabilité, exercée régulièrement par les services de police, peut être
considérablement désastreuse pour le procès.
Pour démontrer que cette pratique est courante, il suffit de s’attarder sur l’affaire Loïc
Sécher ou l’affaire d’Outreau. Loïc Sécher n’était arrivé au commissariat que depuis quelques
minutes, ne connaissait guère l’objet de son arrestation qu’il était déjà condamné. Les
policiers essayaient d’obtenir ses aveux en lui promettant qu’il ne serait pas envoyé dans les
quartiers des « pointeurs » « Tu es un violeur, il faut avouer ».66 Tout l’interrogatoire est
tourné sur sa culpabilité.
Cette manière d’agir se trouve être à l’opposé du rôle des agents de police, qui sont
normalement chargés de rechercher des preuves qui accablent le protagoniste ou le dégagent
de tout soupçon. L’enquête, comme la définition l’indique, a pour but de procéder à
l’ensemble de recherches destinées à faire la lumière sur quelque chose. Dans de nombreuses
affaires, les policiers ont déjà fait la lumière sans même avoir recherché. Comme le dit si bien
Maître Dupont Moretti, ils agissent parfois de cette manière parce qu’ils ont des difficultés
avec les affaires de mœurs comme dans l’affaire Loïc Sécher. Il fut un temps où selon certains
procès verbaux la sodomie était un acte d’accusation, on ne s’interrogeait même pas s’il était
consenti. De même dans l’affaire d’Outreau, les innocents de ce procès avaient été présumés
coupables. Le titre du film « Présumé coupable » qui raconte l’histoire d’un des accusés de
l’affaire d’Outreau en est l’illustration parfaite. Cette présomption d’innocence est
certainement bafouée parce que l’on pense aussi que la victime ne peut dire que la vérité.
Si les policiers agissent de cette manière pour des raisons qui ne sont pas forcément
excusables, il faut savoir que cela engendre de nombreux dégâts. L’erreur judiciaire peut voir
le jour. En présumant coupable la personne poursuivie, ils peuvent s’éloigner d’indices
pouvant innocenter l’intéressé mais aussi provoquer de faux aveux par le biais de pressions.
66 Loïc Sécher et Eric Dupond Moretti, Le calvaire et le pardon, Les ravages d’une Erreur Judiciaire revue et corrigée, Ed. Michel Lafon, 2013.
52
2- Les pressions policières.
Les pressions policières sont au cœur même des erreurs judiciaires. Comme nous
avons pu le déclarer à plusieurs reprises, elles peuvent provoquer des aveux qui ne sont que
mensonges sans aucun intérêt et ne servent qu’à nous éloigner de la vérité. L’objectif de ces
agents de police ou de gendarmerie étant à tout prix de résoudre l’enquête rapidement, même
au mépris d’innocents, tous les moyens sont bons pour y parvenir. C’est ainsi que dans les
erreurs judiciaires françaises, nous avons découvert que des policiers utilisaient la torture et la
violence dans l’affaire Mis et Thiennot et Deshays comme nous l’avons évoqué dans les
aveux soutirés et la manipulation psychologique dans l’affaire Loïc Sécher, Outreau, Marc
Machin. Pour les affaires de viols, leur stratagème est toujours le même et consiste à dire que
s’ils parlent, ils ne seront pas incarcérés avec les « pointeurs ». Tel est le cas de Loïc Sécher,
« Si tu refuses de signer les procès verbaux, tu iras en prison dans le quartier des pointeurs et
tu seras violé de la même façon que ce que tu as infligé à la victime. Autant de stratégies
utilisées pour boucler l’enquête et obtenir les remerciements. « Si tu avoues, tu pourras aller
dans un centre de désintoxication où tu seras pris en charge ». Ces pressions peuvent être
faites à l’abri de tout soupçon comme ce fut le cas pour Marc Machin qui s’est entretenu avec
le commissaire Jean Paul Mules sans que soit établi un procès verbal.67 La discussion
informelle avait pour objectif de le faire avouer en essayant de le réconforter.
La régularité et dangerosité des pressions étaient d’une telle importance que le
législateur a dû réagir. Trois lois ont été légiférées afin de diminuer les catastrophes liées à
ces comportements. Malgré la loi de juin 2000 qui impose que les questions des officiers de
police figurent sur le procès pénal, des injures, des pressions, stratégies ont tout de même
étaient mises en œuvre dans l’affaire d’Outreau. Aujourd’hui, avec la loi du 5 mars 2007
imposant l’enregistrement des interrogatoires et la présence de l’avocat, l’espoir est grand de
diminuer ces pressions même si l’erreur judiciaire ne sera pas forcément évitée puisqu’elle
peut provenir également du juge d’instruction.
B) La désorganisation de l’instruction.
Les défauts des policiers ont tendance à être également repérés chez le juge
d’instruction qui a bien trop souvent appétence pour l’instruction à charge favorisant une fois 67 Frédérique Lantieri,Marc Machin, les meurtres du Pont de Neuilly,faite entrer l’accusé, 22 sept 2013,France 2.
53
de plus l’erreur judiciaire. (1) Cette instruction est régulièrement de durée excessive
entraînant des difficultés à la réalisation d’un procès proche de la vérité. (2)
1- L’instruction à charge.
Comme les agents de police et de gendarmerie, le juge d’instruction doit respecter le
principe de présomption d’innocence. L’individu même suspecté d’avoir commis une
infraction ne peut être considéré coupable par le juge d’instruction qui doit instruire à charge
et à décharge.
Cependant les éléments à décharge suscitent rarement d’intérêt chez le magistrat qui se
consacre uniquement à la recherche de la culpabilité. Cette obstination pour l’instruction à
charge se révèle dangereuse pour le bon fonctionnement de la justice et favorise les erreurs
judiciaires. De manière récurrente, le juge considère l’accusation, non pas comme une
hypothèse qu’il faut vérifier, mais plutôt comme un théorème à démontrer. Il construit le
procès envers le prévenu mais jamais envers le ministère public. Cette pratique n’est pas
neutre et peut faire intervenir dans le système judiciaire des erreurs. En effet, une fois que le
juge d’instruction a trouvé suffisamment d’éléments défavorables envers la personne
poursuivie, il peut être persuadé d’avoir en face de lui le coupable. N’ayant pas cherché des
preuves en faveur du suspect, il ne peut pas déceler une ombre d’innocence. La personne se
trouve dès lors condamnée.
Dans l’affaire de Loïc Sécher qui clamait son innocence, si le juge avait accepté la
demande de confrontation, la petite fille aurait peut-être avoué avoir menti. Cette initiative
aurait évité les sept années passées derrière les barreaux pour un viol qu’il n’avait pas
commis. Cette absence de recherche de preuves par le juge d’instruction disculpant le suspect
se retrouve dans l’affaire Marc Machin où le juge d’instruction n’a jamais prétendu revenir et
s’attarder sur la rétractation de celui qui avait quelque temps auparavant avoué. Marc Machin,
volontaire à l’élaboration de la vérité avait expliqué qu’il était en mesure de décrire les
vêtements de la victime alors qu’il ne l’avait pas tuée, car les policiers lui avaient, durant
l’enquête, montré les photos afin de lui rafraîchir la mémoire. Ces faits ne seront pas étudiés
par le juge d’instruction qui n’établira pas également le lien avec le deuxième meurtre sous le
pont de Neuilly lors de la détention provisoire de Marc Machin et malgré la demande de
l’avocat.
54
Lors de l’instruction, tout se déroule comme si la personne était déjà condamnée alors
que le but de cette instruction est de rassembler les preuves. Ce fonctionnement ne peut
provoquer que des erreurs judiciaires tout comme la durée de l’instruction.
2- La durée excessive de l’instruction.
Si le stage auprès d’avocats nous fait comprendre que rendre la justice est une tâche
difficile, il permet de constater que le manque de moyens et de personnels ne facilite pas les
choses.
La durée relativement longue des instructions peut être une cause d’erreurs judiciaires
mais se trouve tout simplement être le fruit de l’absence de moyens. Il est vrai que la durée
excessive des instructions peut avoir un impact sur le procès.
Durant les temps où l’instruction est mise en pause, les différents protagonistes de
l’affaire continuent à vivre et peuvent venir bousculer, transformer les informations. En effet,
il arrive que les interrogatoires chez le juge d’instruction des suspects, des témoins, ou même
les confrontations aient lieu très longtemps après les faits, ce qui permet parfois aux auteurs
de faire des pressions à leurs coauteurs ou témoins. C’est ainsi qu’il arrive que des versions
différentes de celles de la garde à vue soient données. Ces points qui divergent, viennent
perturber la suite de l’affaire. La détention provisoire est un moyen d’éviter ces pressions
mais pour être honnête est-elle le meilleur moyen quand on sait que les prisonniers arrivent à
obtenir des téléphones ?
Si la durée de l’instruction peut déclencher des changements de versions, la mémoire
des témoins peut être défaillante. Chaque humain possède une capacité de mémoire différente.
Il se peut que des personnes à long terme n’aient plus de souvenirs précis des faits. Cette perte
de mémoire peut entraîner des faux témoignages involontaires pouvant fausser l’enquête.
La durée abusive des instructions peut entraîner des erreurs judiciaires mais la rapidité
ne serait pas la meilleure des solutions. L’instruction serait bâclée et cela provoquerait à son
tour des erreurs judiciaires. Un juste milieu doit alors être trouvé. Si les causes des erreurs
judiciaires peuvent se déceler dans la phase d’investigation et d’instruction, il est possible
dans relever lors de l’audience.
55
Paragraphe 2 : Les inconvénients de l’audience interférent dans la vérité
judiciaire.
Si l’instruction peut être source d’erreurs judiciaires, l’audience au procès est
susceptible d’exercer les mêmes conséquences ; elle est d’autant plus impliquée dans les
erreurs judiciaires puisqu’elle condamne parfois en cas de doute où l’absence de preuves est
constatée. (B) La création du statue d’experts lors de ces audiences ne dégage pas que des
avantages (A).
A) Les experts.
La confiance qui est accordée aux experts peut s’affirmer être très dangereuse pour la
décision (1) tout comme l’expert lui même qui néglige parfois sa mission. (2)
1- Une confiance aveugle envers les experts.
L’expert, bien qu’il ait subit des débuts critiques et des difficultés pour se créer une
place au sein de la justice, a connu au fil de temps une évolution. A leur apparition, étant
obligés d’expertiser à charge sous peine de ne plus expertiser du tout, les experts n’avaient
pas une grande reconnaissance. D’ailleurs, pendant un temps, leurs rapports n’étaient guère
pris au sérieux entraînant des erreurs judiciaires comme celle de la Roncière en 1985. Le
rapport d’expertise contredisait cette accusation, les juges l’ont ignorée.
Cependant la situation des experts a très rapidement changé quelques années plus tard
mais ils sont toujours causes d’erreurs judiciaires parce qu’à l’inverse, une trop grande
importance leur est consacrée, ce fut le cas pour Marie Besnard. Poursuivie pour
empoisonnement sur le fondement de rumeur, suite à la mort de son mari, Marie Besnard s’est
vu accuser par ses proches d’avoir empoisonné ce dernier. Après plusieurs incidents, une
instruction est ouverte. Un premier expert est nommé et conclut que Léon Besnard a été
empoisonné à l’arsenic, Madame Besnard demandant une contre expertise se voit répondre
par le jeune juge « étant savant le docteur Beroud ne peut se tromper ». Lors du procès, une
vingtaine d’experts continuent d’incriminer Marie Besnard. Cependant lors des débats, la
défense met en exergue les différences entre les résultats des prélèvements effectués par les
experts et les rapports rendus par ces derniers à la Cour. Les taux d’arsenic étaient ainsi
56
gonflés. Ces incohérences auraient du interpeller les magistrats mais accordant trop de crédit à
leurs experts, Marie Besnard resta incarcérée durant cinq ans.
Cette croyance des juges en leurs experts se retrouve dans de nombreuses erreurs
judiciaires : affaire Dreyfus, Loïc Sécher, Omar Raddad. Pourtant le principe mis en œuvre
est que le juge n’est pas lié aux expertises. La pratique révèle que les experts entérinent les
conclusions d’expertises comme ils boivent les témoignages, aveux et autres preuves qui leurs
sont apportés.68
2- La négligence des experts dans leurs missions.
Bien que l’évolution scientifique permette de comprendre la raison pour laquelle les
juges offrent autant de confiance aux experts, l’analyse de certaines affaires met en exergue
qu’ils n’exercent pas toujours leurs missions avec sérieux engendrant des erreurs judiciaires.
Omar Raddad en subit les conséquences. Les experts graphologues n’ont pas examiné les
pièces objectivement, ils les ont fait plutôt parler. En effet, ils ont prétendu que l’écriture
accusant Omar ressemblait à 2/3 à celle de la victime mais ne peuvent certifier qu’elle
correspondait bien à la sienne. Leurs explications se trouvent être, que si l’écriture ne
ressemblait pas totalement à celle de la victime c’est uniquement parce qu’elle écrivait sous
agonie. Cette analyse interprétative engendre encore des dégâts pour Omar Raddad qui
continue à se battre pour être blanchi.
Si les experts peuvent fausser les rapports par le biais d’interprétations, ils peuvent
également entraîner des erreurs en bâclant leurs missions. La Commission Parlementaire mise
en place à la suite du fiasco d’Outreau nous a permis de mettre en exergue la négligence des
experts. Elle met en avant leurs désintéressements à l’exercice de leurs missions. L’expert est
allé en maison d’arrêt très tardivement et a rendu un rapport dans la foulée très succinct. Il est
également relevé qu’il est resté seulement 1 heure avec Mme Badaoui, ce qui paraît léger pour
établir la situation de quelqu’un et que les conclusions ont été rédigées en 1 H 30. L’expert
n’avait également pas consulté le dossier avant l’entretien comme demandé dans sa mission.
Il ne peut être difficilement contesté dans le cadre de cette affaire que la mission exercée par
les experts a été sabrée, expédiée lorsqu’on voit cette liste d’erreurs. De surcroît, les quatre
68 Roger Merles et André Vittu, traité de droit criminel, procédure pénale, 01/2000 Ed Cujas.
57
expertises et trois rapports ont été remplis le même jour alors même que les accusés étaient en
détention provisoire dans des centres différents et éloignés.
Quand un doute subsiste à la véracité du rapport, il doit profiter à l’accusé.
B) La négligence de la présomption d’innocence lors de l’audience.
La présomption d’innocence impose au juge lors de l’audience que le doute profite à
l’accusé. Cette inapplication est source d’erreurs judiciaires.
1- L’absence de considération du « doute profite à l’accusé »
La sanction susceptible d’être prise lors de l’audience, pouvant être des peines
privatives de liberté, il convient d’être sûr de la culpabilité avant même de condamner.
Ces peines privatives de liberté peuvent tellement être conséquentes sur la vie d’une
personne que la justice considère que le doute doit profiter à l’accusé. Ce principe fait partie
de ceux qui ne sont pas toujours respectés, un de plus. Ce principe très ancien découlant de la
présomption d’innocence -loi dominante de l’instruction criminelle- était en ce temps déjà
oublié.
En délaissant ce principe, les erreurs judiciaires sont ainsi favorisées. Évidemment, le
doute ayant pour définition (ce qui est contraire à la certitude), est indéniable si l’on
condamne sans avoir la certitude de la culpabilité, on peut risquer de mettre un innocent en
prison. Le juge ne devrait condamner que dans l’hypothèse où il bénéficie d’une certitude
absolue. Si tel n’est pas le cas, il devrait se réfugier dans le doute et clore le procès par un
acquittement. Cependant cette solution ne serait pas acceptée par une société apeurée qui
clamerait honte à la justice. C’est ainsi que les juges ont condamné un innocent. La
condamnation de Loïc Sécher aurait pu être évitée si le principe du doute « profite à
l’accusé » avait été appliqué car en l’espèce la jeune fille a changé de version et l’a amplifiée
au fur et à mesure des auditions, il n’y avait aucune constatation médico-légale ni d’ADN et
l’accusé manifestait son innocence. Maître Dupond Moretti a confié que cette affaire « ne
reposait pas sur des preuves mais sur un dossier d’impressions ». Les erreurs judiciaires étant
nombreuses et régulières, des solutions ont été trouvées pour pouvoir y répondre.
58
PARTIE 2 :
Les ripostes mises en place
contre l’erreur judiciaire
sont-elles suffisantes ?
59
En 1851, la Gazette des Tribunaux affirmait que « grâce aux garanties que les lois
pénales Françaises ont créées au profit des accusés, la condamnation d’un innocent est
devenue aujourd’hui cas impossible ». Ayant relevé des erreurs judiciaires précédemment de
1810 à nos jours, il est indéniable que cet article est loin de la vérité.
Force est de constater que l’erreur judiciaire est vouée à ne jamais s’effacer totalement
du système judiciaire. Si le manque de règles ou le non respect à la lettre de celles-ci peuvent
faire l’objet d’amélioration, les facteurs humains entraînant les erreurs judicaires ne
disparaîtront jamais. L’homme étant faillible et non doté que de qualités, il fera toujours des
erreurs. Il convient donc de prévoir des solutions à ces erreurs judiciaires non évitées,
créatrices de dégâts multiples pour les victimes.
En effet, certains ont passé une partie de leur vie en prison, ont perdu tout ce qu’ils
possédaient : clamer au quotidien leur innocence nécessitait de vendre leurs biens pour
s’offrir un avocat. Ce fut le cas de Loïc Sécher. D’autres ont pu voir leurs familles se
dissoudre. Alain Marécaux accusé à tort dans l’affaire d’Outreau a effectivement subi un
divorce et le placement de ses enfants perturbés en raison de leur mal être. Tant de
conséquences engendrées par la justice qui se doit de les réparer. (CHAPITRE I).
La mise en place de solutions tendant à réparer le mal causé ne permet guère de faire
machine arrière. Elles permettent juste la possibilité de se reconstruire une nouvelle vie. Cette
reconstruction est loin d’être facile. Il en résulte qu’il est plus judicieux de ne jamais avoir
affaire à cette réparation et donc exclure l’erreur judiciaire. La prévention est nécessaire.
Ainsi, même si ces erreurs judiciaires ne disparaîtront jamais totalement du système, il est
cependant possible à l’aide de réformes d’en réduire les nombres. (CHAPITRE II). L’erreur
judiciaire ne deviendrait qu’une exception.
60
CHAPITRE I :
La réparation de l’erreur judiciaire.
Dans l’intention de résoudre les erreurs judiciaires causant des conséquences
déplorables pour l’individu qui les subit, le système judiciaire a développé un droit à
réparation. Si l’obtention d’indemnisation est nécessaire à la victime, il est indispensable
qu’elle soit accompagnée d’une répression. En effet la répression peut avoir pour objectif
d’éviter que de nouvelles erreurs judiciaires aient lieu.
Cependant, avant même d’accorder une réparation et d’envisager une éventuelle
répression, (SECTION II) faut-il encore que ces victimes d’erreurs judiciaires aient une
occasion de clamer leur innocence. C’est la raison pour laquelle des recours supplémentaires
ont été mis en œuvre. (SECTION I).
61
SECTION I :
L’émergence de l’erreur judiciaire au travers des différents recours.
Régulièrement l’erreur judiciaire n’est pas découverte durant les recours tels que
l’Appel et la Cour de Cassation. La décision passée en force de choses jugées a pour
conséquence de laisser des innocents croupir en prison. Cette situation justifie l’intervention
d’un dernier recours « le pourvoi en révision ». Selon la jurisprudence, ce recours est « par
elle même une voie de recours absolument exceptionnelle, admise dans un intérêt supérieur
d’équité et d’humanité et permettant d’accorder d’une part à celui qui a été la victime
innocente d’une erreur judicaire une réparation morale et matérielle, et d’autre part d’assurer
la bonne administration de la justice en rendant libre l’exercice régulier de la répression
envers le véritable coupable.69 Bien que cette révision se dissocie difficilement de l’appel
jusqu’en 1670, ce recours existe depuis l’ancien droit, s’il est susceptible de constater des
erreurs judiciaires il peut corriger des erreurs de fait. Un autre recours voit le jour le 15 juin
2000 pour corriger les erreurs de droit, c’est le réexamen d’une condamnation suite à une
décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Paragraphe 1 : Le recours en révision.
La révision étant une exception à l’ordre public et à l’autorité de chose jugée, le
recours en révision n’est pas susceptible d’être mis en œuvre dans toutes situations, il faut que
des conditions soient remplies. (A) La procédure menée, conduisant à une décision favorable,
a des effets remarquables pour la victime d’erreur judiciaire. (B)
A) Les conditions pour accéder à la révision du procès.
Le recours en révision n’est ouvert que dans certains cas (2) et n’est possible que si la
décision contestée est susceptible de révision (1).
1- La nécessité d’une décision susceptible de révision.
Le recours en révision intervenant après qu’une décision soit passée en force de choses
jugées permet déjà d’en déduire que les décisions susceptibles de cette révision doivent être 69 Crim. 22 janv 1898, DP 1900, I, 142, 2ième espèce.
62
définitives et donc ne plus pouvoir faire l’objet d’une voie de recours. Dans l’hypothèse où
l’appel est encore possible, la révision ne sera guère recevable. Si le caractère définitif d’une
décision est un obstacle à la révision, il n’est pas l’unique, trois critères sont encore à remplir
dont celui de la nature de la décision.
Il est établi par la Jurisprudence que la demande de révision d’une contravention est
exclue.70 Cependant, si cette contravention est indivisible de crime ou de délit qui font eux-
mêmes l’objet d’une révision, la demande est recevable. 71 Le critère alors énoncé dans le
code de procédure pénale est la nécessité d’une décision pénale en matière correctionnelle et
criminelle.
Afin d’obtenir cette révision, faut-il encore que la décision porte une reconnaissance
de culpabilité.72 Aucune décision ne pourrait tendre vers la révision si elle délibère un
acquittement ou une relaxe. La révision en défaveur du prévenu est impossible et engendrerait
bien trop de demandes de victimes mécontentes de la décision étant donné la sévérité
déclenchée par l’infraction. Cependant une personne reconnue auteur d’un délit par une
juridiction statuant sans l’intérêt civil, bien qu’elle ne soit pas condamnée, peut faire une
demande de révision.73 Cette révision n’est possible que dans les situations où aucun autre
moyen, procédure ne soient envisageables pour réparer l’erreur. C’est la raison pour laquelle
le recours en révision est une voie extraordinaire.
Les critères ci-dessus relatés sont résumés de la sorte : « La révision d’une décision
pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toutes personnes coupables d’un crime ou
délit » à l’article 622 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale. Ce même article dénonce
également les 4 cas permettant l’ouverture de la révision.
2- La restriction des cas de révision.
Parmi les quatre cas d’ouverture énoncés dans l’article 622 du Code de Procédure
Pénale, trois d’entre eux proviennent du code de l’Instruction Criminelle. Le dernier est le
70 Crim. 5 mai 1994, B. N° 172. 71 Crim. 5 nov 1987, B. N° 392. 72 Frédéric Desportes et Laurence Lazerges- Cousquer, Traité de Procédure Pénale, 4ème Ed, 2015, Editeur Economica 73 Crim. 27 avril 1989, B. N° 179.
63
résultat d’une loi plus récente de 1895 qui se verra progresser par une loi du 23 juin 1989. Ces
deux lois permettent d’aboutir à une augmentation des cas de révision.
Les trois premiers cas d’ouverture sont bien trop précis pour ouvrir régulièrement la
révision. Le premier précise que l’ouverture est possible lors de « condamnation pour
homicide alors que sont produites des pièces faisant naître des indices suffisants sans
l’existence de la prétendue victime ». Le second présente la situation d’une contrariété de
jugement, c’est à dire que deux personnes ont été condamnées pour une infraction similaire
alors qu’une seule personne est l’auteur de cette infraction. Le troisième permet l’ouverture de
la révision si les témoins qui étaient intervenus dans l’affaire et avaient permis d’aboutir à une
condamnation, ont fait de faux témoignages. Ces trois situations rarissimes ne permettant
guère la révision qui n’était donc pas une solution parfaite à la réparation de l’erreur judicaire.
Le nouveau cas d’ouverture mis en œuvre en 1895 est générateur d’évolution. Si cette
loi envisageait d’ouvrir la révision à chaque fois qu’un fait nouveau était de nature à établir
l’innocence du condamné, elle limite encore l’accès à la révision, qui, avec la loi de 1989 est
autorisé dans l’hypothèse où le fait nouveau permettrait de faire naître un doute sur la
culpabilité du condamné.
La condition de faits nouveaux combinée à celle de nature à faire naître un doute sur la
culpabilité du condamné est appréciée au cas par cas par la Commission de Révision et la
Cour. Mais il arrive que la Commission et la Cour ne voient pas d’un même œil ce fait
nouveau. Est considéré comme un fait nouveau de nature à faire naître un doute sous la
culpabilité : la révélation qu’à la date des faits, l’intéressé était hospitalisé en un lieu très
éloigné du lieu de l’infraction et que son état civil avait été usurpé par un tiers non identifié.74
Il en est de même s’agissant de condamnation pour agressions sexuelles sur mineur de moins
de 15 ans, dans le cas où la victime se rétracte parce qu’elle avait accusé son père lors d’un
divorce conflictuel à l’âge de 9 ans.75 A l’inverse ne seraient acceptés comme faits nouveaux
« des rétractions tardives et ambiguës de la victime de viols aggravés dès lors qu’elles ne sont
pas corroborées par des éléments objectifs ». La révision ne peut donc être acceptée qu’après
étude poussée de la Cour et Commission qui étudieront si la décision est susceptible de faire
l’objet de révision et si la situation entre dans un des cas d’ouverture.
74 Crim. 28 Juin 1994, B. N° 258. 75 Cour rév. 16 mai 2007, pourv. n° 06-85053.
64
B) L’acheminement de la révision aux multiples retentissements.
Le recours en révision n’est accordé qu’à l’issue d’une procédure comprenant
plusieurs étapes (1) conduisant à une décision, qui, favorable peut entraîner de nombreux
effets (2).
1- Une procédure stricte.
Bien que les conditions semblent être remplies dans l’esprit des protagonistes qui
souhaitent bénéficier de la révision, le chemin vers celle-ci est un travail de longue haleine.
Les demandes de révision pouvant provenir en vertu de l’article 623 du Code de
Procédure Pénale, du ministre de la justice, du condamné, du conjoint, des enfants, parents
légataires universels….. sont filtrées dans un premier temps par une Commission de Révision.
C’est la raison pour laquelle la demande de révision doit être établie auprès de la Commission
chargée d’étudier la requête, passage incontournable pour obtenir la révision du procès. Cet
organe de filtrage, doté d’un pouvoir d’instruction, peut procéder directement à des
confrontations, expertises, vérifications et auditions ou par le biais de commissions rogatoires
afin de saisir la Chambre Criminelle quand il estime que la révision pourrait être admise. A la
suite de débats judiciaires contradictoires, donnant la parole à l’avocat général et le requérant
ou son représentant, la commission délibère une décision motivée insusceptible de recours.
C’est uniquement une fois que l’étude des conditions par la commission prend fin et dégage
une réponse favorable que l’on accède à la Cour de Révision. Par conséquent, la révision
n’est pas facilement accessible. De surcroît, si le dossier n’est pas en l’état, la Chambre
Criminelle, Cour de Révision, bénéficie du même pouvoir d’instruction que la commission.
L’article 624 du Code de Procédure Pénale permet à la Cour de Révision de suspendre
l’exécution de la condamnation. Cet Article fera l’objet de précisions de la part de la
Jurisprudence qui déclare que la demande de suppléments d’infos sur la réalité du fait
nouveau n’exclut pas l’éventuelle suspension de l’exécution76. Cette demande de révision
obligeant à tant de sacrifices peut, suivant la décision de la Cour de Révision, aboutir à un
arrêt de rejet motivé et insusceptible de recours si la requête jugée est mal fondée. Une
annulation avec renvoi est envisageable quand de nouveaux débats contradictoires sont
76 Crim. 26 Février. 1997, B. n° 80.
65
exécutables. A l’inverse, dans les situations d’amnistie et de décès77, ou de prescriptions de
l’action publique78, l’annulation de la condamnation peut être exemptée de renvoi. De
nouveaux débats ne pouvant avoir lieu, le renvoi est inutile. Cependant, il est important de
signaler que la Cour se doit de statuer elle-même sur le fond s’il s’avérait qu’une fois son
arrêt rendu par celle-ci, il soit impossible de faire de nouveaux débats.
L’annulation de la condamnation peut également être décrétée sans renvoi en raison de
l’absence de l’infraction. Il est indéniable qu’aucun renvoi ne peut être prononcé s’il ne
subsiste aucune charge à l’égard d’un condamné suite à l’annulation du jugement ou de
l’arrêt. Ce fut le cas d’une personne complice d’un auteur principal relaxé par la Cour
d’Appel de renvoi après cassation.79 La procédure de révision étant indéniablement source
d’investissement, il est nécessaire pour les protagonistes de ne pas perdre de vue les effets
positifs qu’elle pourrait engendrer.
2- La réhabilitation des victimes d’erreur judiciaire.
Les victimes d’erreurs judicaires sont de toute évidence enchantées des effets de la
révision quand celle-ci leur a été accordée, bien qu’elle ne leur permette pas de faire machine
arrière, retourner dans le passé et éviter les années de prison subies sans raison, cette révision
annule leurs condamnations, entraînant la suppression sur le fichier du casier judiciaire.
Quoi que l’on puisse penser de ces deux effets apparaissant dérisoires vis à vis de la
gravité, ils rétablissent la vérité et entraînent une possible réinsertion du protagoniste qui ne se
sent plus considéré comme coupable mais reconnu comme véritable victime d’erreur
judiciaire. Même si ce n’est pas toujours le cas dans la pratique, l’article 626 alinéa 6 du Code
de Procédure Pénale tente de parvenir à cet objectif. En effet, l’arrêt ou le jugement de
révision décidant l’innocence du condamné, peut si celui-ci le demande être affiché à divers
endroits : la ville où a été prononcée la condamnation, la commune du lieu où le crime ou
délit a été commis, dans celle du domicile des demandeurs en révision, dans celle du lieu de
naissance du requérant et enfin du dernier domicile de la victime de l’erreur judiciaire si elle
est décédée. Nul doute que la victime d’erreur judiciaire est autorisée à se dédouaner auprès
de la population, c’est la raison pour laquelle, suite à cette révision, il est obligatoire d’insérer 77 Crim. 25 Nov. 1991, B. n° 434. 78 Crim. 8 Février. 1989, B. n° 62. 79 Crim. 17 Janv. 2007. B. n°11.
66
dans le Journal Officiel la décision ainsi que les extraits dans cinq journaux choisis par la
juridiction. Les victimes d’erreurs judiciaires ayant subi de graves désagréments dus à cette
condamnation à tort font l’objet d’une réparation intégrale du préjudice matériel et moral.
Cependant il se peut que cette réparation ne soit accordée si le protagoniste a été condamné
pour s’être volontairement accusé ou fait accuser, pour protéger l’auteur des faits. Cette
révision permettant de réparer l’erreur n’est pas l’unique moyen d’y parvenir.
Paragraphe 2 : Le réexamen d’une décision pénale consécutive au prononcé d’un
arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
La Convention Européenne des Droits de l’Homme signée le 4 novembre 1940 à
Rome, mise en vigueur le 3 septembre 1953 et ratifiée en France le 31 décembre 1973 a
permis au justiciable de disposer du droit de saisir la Cour Européenne des Droits de
l’Homme pour faire valoir une violation des dispositions de la Convention. Depuis la loi du
15 juin 2000, le droit français n’avait aucune procédure permettant de corriger les effets de la
violation, en a maintenant la possibilité grâce aux réexamens mais les nombreuses conditions
requises n’en facilitent pas l’accès aux victimes d’erreurs judiciaires. (A) La procédure quant
à elle n’est pas non plus exemptée de difficultés. (B)
A) La soumission du réexamen à de nombreuses exigences.
Pour bénéficier du réexamen d’une décision pénale consécutive au prononcé d’un arrêt
de Cour Européenne des Droits de l’Homme, il faut dans un premier temps que la demande
soit recevable.(1) Une fois que le requérant a rempli les conditions de recevabilité de la
demande, faut-il encore que les conditions de fond soient comblées (2) pour qu’il puisse
prétendre à ce réexamen.
1- Les conditions de recevabilité des demandes de réexamen.
Une fois de plus le chemin pour parvenir aux réexamens d’une décision pénale
consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est parsemé
d’embûches. Une multiplicité de conditions sont requises, à commencer par un délai d’un an à
compter de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
67
Le réexamen peut être demandé par le Ministre de la Justice, le Procureur Général près
la Cour de Cassation, le condamné ou, en cas d’incapacité, son représentant et en cas de décès
de ce dernier ces ayants droits. Il n’est possible que dans des cas très limités.
Si la décision doit être définitive, pénale et porter déclaration de culpabilité comme
dans le cas de la demande de révision, la condition qui les différencie est ni plus ni moins
l’obligation de constater une violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Seule une décision pénale qui a épuisé la voie de recours et comprend une condamnation
prononcée en violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme constatée par la
Cour, peut faire l’objet d’un réexamen selon plusieurs conditions. Concernant l’obligation de
former la demande dans un délai d’un an à compter de la décision rendue par la Cour
Européenne des Droits de l’Homme, la loi a prévu une situation différente pour les cas où la
violation a eu lieu avant la publication de la loi du 15 juin 2000 : dans ce cas selon l’article
89II de cette loi , une requête peut être présentée dans un délai d’un an à compter de la
publication. Cette loi permet d’étendre le réexamen à un plus grand nombre de personnes.
Bien que les demandes de révision et de réexamens ne réclament pas tout à fait les mêmes
conditions, toutes les deux sont aussi difficiles à mettre en œuvre pour les victimes d’une
erreur judiciaire. Le réexamen impose de surcroît des conditions de fond.
2- Les conditions de fond.
Le constat d’une violation, requis pour effectuer une demande de réexamen quand on
s’estime victime d’une erreur, ne permet pas pour autant le réexamen de l’affaire. Selon
l’article 626-1 du Code de Procédure Pénale, il est avéré que le réexamen est ordonné « des
lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne pour le condamné des
conséquences dommageables auxquelles la satisfaction équitable allouée sur le fondement de
l’article 41 de la Convention ne pourrait mettre un terme ». Il doit alors être vérifié que la
violation démontrée par la Cour Européenne est d’une particulière gravité mais également
rechercher si le réexamen est l’unique solution pour faire cesser cette violation. Tout sera
apprécié in concreto par la Commission.
Si en théorie la Commission peut accepter le réexamen quand la violation dotée d’une
certaine gravité a entraîné pour le condamné des conséquences dommageables auxquelles seul
le réexamen de l’affaire peut mettre un terme, la pratique révèle une légère différence. Dans la
68
pratique, le réexamen est alors imposé si la violation constatée a inspiré le sens de la décision
pénale. S’agissant de la procédure suivie devant la Cour d’Assises, a été considérée comme
violation de nature à justifier un réexamen de l’affaire, celle de l’article 6-1 et 6-3 de la
Convention, c’est à dire la violation du principe permettant le choix de l’avocat.80 C’est
également le cas de la violation de l’article 6-1 et 3 de la Convention « qui résultait de la
durée excessive des débats devant la Cour d’Assises et de l’état de fatigue susceptible d’en
résulter tant pour l’accusé ou son conseil que pour les juges et les jurés et des conditions dans
lesquelles s’étaient déroulés les débats qui ne pouvaient répondre aux exigences d’un procès
équitable et notamment au respect des Droits de la Défense et d’Egalité des Armes »81. Quant
aux procédures suivies devant la Cour d’Appel, la violation consistant à priver le prévenu du
droit à l’assistance d’un avocat car il était non comparant et non excusé, a permis de justifier
le réexamen82. Il arrive que la commission de réexamen rende une décision négative. Ce fut le
cas de l’affaire Hakkar le 30 Novembre 2000 où elle a estimé que la violation du droit à être
jugé dans un délai raisonnable ne justifiait pas un réexamen de l’affaire.
Malgré que les conditions pour obtenir un réexamen soient strictes pour éviter des
demandes inconsidérables injustifiées, le simple fait que le requérant n’ait pas demandé à la
Cour de lui accorder une satisfaction équitable n’interdit pas de constater une violation
particulièrement grave pour prendre uniquement fin par réexamen de l’affaire. Si la victime
de l’erreur judicaire pense que les conditions requises pour se voir bénéficier du réexamen
sont remplies, elle pourra faire étudier l’affaire par la Commission de Réexamen.
B) La bilatéralisation du processus de réexamen.
La procédure de réexamen a lieu en deux temps : une commission se doit d’abord
d’étudier la recevabilité de la demande (1) avant de renvoyer l’affaire devant une autre
juridiction pour qu’elle procède aux réexamens. (2).
1- La procédure suivie devant la commission.
Tout comme la révision, un organe de filtrage est mis en place avant d’accéder au
réexamen de l’affaire, il s’agit de la Commission de Réexamen composée de sept magistrats 80 Comm. Réex. 30 nov. 2000, n° 00 RDH003, Hakkar, 81 Comm. Réex. 24 nov. 2005, B. n°1, Makhfi. 82 Comm. Réex 24 janv. 2002, n° 01 RDH 006, Van Pelt.
69
de la Cour de Cassation, qui a pour finalité de statuer sur la recevabilité, le bien fondé des
demandes, de vérifier que les conditions précitées ci-dessus soient remplies. Est mis en
exergue une fois de plus la difficulté que rencontrent les victimes d’erreurs judiciaires pour
atteindre le réexamen de leur affaire.
Après les débats contradictoires, les observations orales des victimes parties civiles,83
la Commission peut rendre une décision, d’irrecevabilité ou de rejet mais aussi rendre au
grand bonheur des requérants une décision déclarant la demande justifiée. La Commission de
Réexamen pourra tout comme la Commission de Révision suspendre l’exécution de la
condamnation.
L’affaire considérée recevable par la Commission ne peut guère être réexaminée par
celle-ci, et se voit renvoyée devant une juridiction différente selon les cas de figure. Lorsque
la violation concerne une procédure suivie devant une juridiction de fond, c’est alors une
juridiction de même ordre et de même degré qui sera chargée de réexaminer l’affaire. A
l’inverse, si cela concerne une procédure devant la Cour de Cassation, l’affaire sera renvoyée
devant celle-ci statuant en assemblée plénière. Si les violations venaient d’être constatées par
les deux juridictions développées ci-dessus, la Commission demande à une juridiction de fond
de réexaminer l’affaire. Bien que la Commission ne peut réexaminer l’affaire dont elle vient
de déclarer la demande recevable, elle peut exceptionnellement sous application de l’article
626-4 du Code de Procédure Pénale renvoyant aux alinéas 3 et 4 de l’article 625 du Code de
Procédure Pénale, statuer au fond et annuler les condamnations lui paraissant non justifiées
dans l’hypothèse où il est impossible de procéder à de nouveaux débats. Il s’agit par exemple
des cas d’amnistie, de décès, de démence, de coutumace ou de défaut d’un ou plusieurs
condamnés d’irresponsabilité pénale et des cas de prescription de l’action ou de la peine.
Cependant les cas tendant au renvoi devant une juridiction étant plus fréquents, il convient
d’étudier comment cette juridiction procède pour réexaminer l’affaire.
2- La procédure suivie devant la juridiction de renvoi.
La victime d’une erreur judiciaire réussissant à parvenir à cette étape peut se sentir
proche de la victoire. Pour autant, elle n’est pas encore sortie d’affaire quand on s’aperçoit
que les juridictions saisies au fin de réexamen statuent selon les règles applicables devant 83 Comm. Réex. 16 oct. 2003, B. n°1.
70
elles.84 C’est la raison pour laquelle dans les cas où la procédure est suivie devant la Cour de
Cassation, elle statuera en l’état des seuls mémoires déposés lors de l’examen initial de ce
pourvoi hormis le cas où un moyen devrait être soulevé d’office.
Concernant le réexamen par la Cour d’Assises de renvoi, la Chambre Criminelle a eu
l’occasion de préciser certains points85 la Cour d’Assises de renvoi continue de bénéficier de
la plénitude de juridiction afin de juger à nouveau l’accusé, ce qui veut dire qu’aucune
disposition légale ou conventionnelle interdit d’aggraver le sort de l’accusé, pourtant la
victime d’erreur judiciaire a l’espoir d’obtenir une décision plus favorable voire même une
décision l’innocentant, mais peut faire l’objet d’une décision plus sévère que celle prononcée
auparavant. Quant à la victime, elle est recevable à intervenir au soutien de l’action publique
et peut demander la condamnation de l’auteur à lui payer les frais relatifs à cette nouvelle
instance mais elle n’est pas autorisée à demander une nouvelle fois l’indemnisation de son
préjudice si elle s’est déjà vu accorder cette indemnisation précédemment une décision
devenue définitive. Les personnes condamnées jusqu’à ce jour peuvent participer au
réexamen de l’affaire en toute liberté dans l’hypothèse où la commission a suspendu
l’exécution de la condamnation. Cependant, cette suspension n’est pas toujours acceptée. En
l’absence de décision déclarant la suspension de l’exécution de la condamnation, la personne
qui fait l’objet d’une sanction privative de liberté demeurera détenue jusqu’à la décision sans
que cette détention ne puisse excéder la durée de la peine prononcée. C’est la raison pour
laquelle, la décision de la juridiction réexaminant l’affaire doit avoir lieu rapidement, c’est à
dire dans l’année suivant la décision de la Commission sinon le détenu pourra être remis en
liberté sauf s’il est détenu pour une autre cause.
La victime d’une erreur judiciaire innocentée par le processus de réexamen d’une
décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour Européenne des Droits de
l’Homme pourra obtenir l’affichage de la décision mais aussi la réparation de son préjudice
qui est une indemnisation.
84 Crim. 6 sept. 2006, B. n° 215. 85 Crim. 7 déc. 2005, B. n° 329.
71
SECTION II :
L’indemnisation au titre de l’erreur.
La victime déclarée non coupable par une décision définitive peut enfin prétendre à
une éventuelle indemnisation amplement méritée en raison de l’erreur judicaire qu’elle a
subie. L’indemnisation de l’erreur judicaire n’est en vérité qu’une possible réparation de la
détention provisoire. Si pendant longtemps aucune indemnisation n’était prévue pour les
détentions provisoires subies par des protagonistes condamnés à tort, la loi n° 70-643 du 17
juillet 1970 l’a envisagée (A) mais afin d’éliminer tout risque de nouvel erreur, il convient
d’exiger qu’une répression soit faite (B).
Paragraphe 1 : Le dédommagement octroyé à la victime d’erreur judiciaire.
Bien que le droit à réparation fasse l’objet d’un certain nombre de conditions, limitant
le nombre de personnes bénéficiant d’une indemnisation (A), le double degré de juridiction
permet d’avoir un second avis provenant d’une autre juridiction (B). Une seconde chance est
en effet accordée à la victime de l’erreur judiciaire.
A) Les modalités de l’indemnisation d’une détention injustifiée.
Pour obtenir la réparation de son préjudice (2), la victime de l’erreur judiciaire doit
remplir des conditions de fond (1).
1- Les conditions de fond du droit à réparation.
La réparation d’une erreur judiciaire est indispensable pour la personne qui en est
victime, compte tenu de l’horreur qu’elle a pu entraîner. A la suite de cette accusation à tort, il
est fort plausible que la victime ait passé des jours, semaines et années en prison. Cette
réparation a justement un aspect négatif en ce sens qu’elle se cantonne aux victimes d’erreurs
judiciaires ayant subi une détention provisoire soit prononcée ab initio, soit suite au non
respect du contrôle judiciaire. Un protagoniste n’ayant subi aucune journée de détention
provisoire, ne pourrait être indemnisé alors même qu’il est victime d’erreur judiciaire. Il
importe peu que, suite à cette accusation mal fondée il ait été obligé d’aller pointer au
commissariat plusieurs fois par semaine ou ait été obligé de ne pas paraître dans une
72
commune ou s’est vu interdire de quitter le territoire. Selon l’article 706-33 du Code de
Procédure Pénale la victime d’erreur judiciaire ayant subi un contrôle judiciaire ne peut
bénéficier de la réparation de l’erreur. La détention injustifiée est d’une gravité de degré
important, qui engendre la réparation, mais ce n’est pas le cas pour les mesures restrictives de
droit. Cependant, pour bénéficier de la réparation de l’erreur judiciaire, la nécessité d’avoir
subi une détention provisoire doit être accompagnée d’une décision de non lieu, relaxe,
acquittement, devenue définitive. L’obligation pour le requérant de posséder une décision
définitive implique que toutes les voies de recours aient été épuisées avant que le premier
Président de la Cour d’Appel ou Commission Nationale de réparation des détentions ne
statue. La nécessité du non lieu, relaxe et acquittement, suppose de rejeter une demande
d’indemnisation formée par un requérant condamné du chef des infractions pour lesquelles il
a été placé en détention provisoire, même si aucune peine d’emprisonnement ferme n’a été
prononcée à son encontre. 86 La Commission Nationale de Réparation de la détention
provisoire a répondu à de nombreuses questions concernant l’exigence d’une décision de non
lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive : s’il est impossible de les énumérer toutes, on
peut citer la question relative à l’annulation de la procédure. Bien que ce problème ne soit pas
envisagé par le législateur, la Commission a estimé qu’une personne ayant subi une détention
provisoire dans le cadre d’une procédure annulée pouvait être indemnisée, en s’appuyant sur
l’article 149 du Code de Procédure Pénale : le législateur « a voulu, sauf dans les cas limitatifs
qu’il a énumérés, que toutes personnes non déclarées coupables définitivement aient le droit
d’obtenir réparation du préjudice que lui a causé la détention et ce peu importe la cause de
non déclaration de culpabilité ». Il n’empêche que malgré ces conditions déjà très drastiques
ne permettant pas la réparation de toutes les erreurs judiciaires, cinq cas d’exclusion du droit à
réparation ont été prévus par le législateur à l’article 149 du Code de Procédure Pénale.
Les décisions de non lieu, relaxe ou acquittement ayant pour seul fondement la
reconnaissance de son irresponsabilité ou une amnistie postérieure à la mise en détention
provisoire ne sont pas susceptibles d’entraîner une réparation. Il en est de même pour la
prescription de l’action publique intervenue après libération de la personne ou si celle-ci était
dans le même temps détenue pour une autre cause ou faisait l’objet d’une détention pour
s’être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper
l’auteur des faits aux poursuites. Pour procéder à la réparation du préjudice, il doit exister un
lien de causalité entre celui-ci et la privation de liberté. Suite à cette exigence, certaines 86 CNRD, 4 avr. 2003, B. n° 4.
73
indemnisations se trouvent être refusées. Les préjudices relatifs à l’atteinte à la présomption
d’innocence87 et ceux relatifs à l’honneur et à la considération du requérant88 n’ont par
exemple pas pu être indemnisés. En dépit de cette difficulté à obtenir la réparation de l’erreur
judiciaire, certains ont tout de même la chance de profiter de cette réparation du préjudice.
2- La réparation du préjudice.
Les décisions définitives déclarant un acquittement, relaxe ou non lieu vont permettre
aux victimes d’erreur judiciaire, une réparation du préjudice intégrale. Comme on a déjà pu le
citer auparavant, les décisions rendues par la Cour de Révision ou de Réexamen engendrent
donc une réparation du préjudice moral et matériel.
Différents préjudices matériels sont susceptibles de procurer une réparation à
condition d’être liée directement à la détention : la perte de revenu, la perte de chance de
trouver un emploi ou d’effectuer une formation et les frais divers.
La perte de revenu durant la période d’emprisonnement et après la libération peut
faire l’objet d’une réparation ; la victime de l’erreur judiciaire peut bénéficier de réparation
dans l’hypothèse où elle a perdu son emploi en raison de sa détention et doit rechercher un
travail après sa libération89. Ce fut le cas de Loic Sécher, accusé à tort de viol sur mineur, il
fut mis en détention provisoire , ce qui lui causa la perte de son emploi d’agriculteur. Pour se
payer un avocat, il a même été obligé de vendre ses terres. C’est la raison pour laquelle il n’a
pu reprendre son métier à sa sortie de prison. Alain Marécaux, victime du fiasco d’Outreau a
fait également l’objet de détention provisoire ce qui a interrompu l’exercice de sa profession
d’huissier. Il fut même contraint de céder son étude. La réparation sera équivalente à cette
période de recherche. La détention se trouve être la cause première de la rupture du contrat de
travail. La réparation pourra donc également être sollicitée quand l’arrestation de l’individu
sur son lieu de travail a entraîné son licenciement en raison de l’abandon de poste 90. Bien que
les individus ayant perdu leur travail à cause de la détention soient avantagés dans le
processus d’indemnisation, le fait de ne pas trouver d’emploi ou de ne pas pouvoir effectuer
une formation suite à la détention est aussi pris en compte. La Commission Nationale de
87 CNRD, 28 juin 2002, 01RDPOI3-31 janv. 2003, B.n°1. 88 CNRD, 19 déc. 2003, B.n°8. 89 CNRD, 21 oct. 2005, B. n° 9. 90 CNRD, 18 déc. 2006, B. n° 15.
74
Réparation précise néanmoins que si la détention a privé d’une chance sérieuse de travail le
requérant, l’indemnité allouée doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à
l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.91 La détention, crée une
étiquette malveillante, qui s’inscrit sur le front de ceux qui en sortent, ne permettant pas une
réinsertion facile. Cette indemnisation est donc nécessaire, surtout en raison du doute qui
subsiste auprès de la population pouvant entraîner un refus d’embauche de la victime d’erreur
judiciaire bien qu’elle ait été dégagée de toute culpabilité. Quant aux frais, tous ceux liés à la
détention pourront déclencher une réparation. C’est le cas notamment des frais d’avocat tels
que les honoraires relatifs à une demande de mise en liberté mais aussi les frais de
déplacement des personnes venues rendre visite au requérant en prison. Il ne peut s’agir que
de l’hypothèse où la communauté a supporté les frais de l’épouse qui a rendu visite à son
époux détenu, ou de la situation où le requérant a payé les frais de déplacement de la
personne venue lui rendre visite.
Le préjudice moral présente autant d’importance que le préjudice matériel au sens où
il s’attarde aux sentiments. L’indemnisation pourra être envisagée en fonction de la
personnalité du requérant, sa situation familiale, son âge au moment de l’incarcération, la
profession exercée, la durée de sa détention, les conditions de celle-ci.
Les conditions de détention sont effectivement d’une grande importance. Il est évident
que les victimes d’erreurs judiciaires doivent être indemnisées quand elles ont été incarcérées
dans des prisons en surpopulation où l’hygiène laisse à désirer, quand elles ont fait l’objet de
violence liée à la nature de l’incrimination mais aussi d’isolement. Si le respect de la dignité
est conséquent, la famille est vitale, ce qui oblige sa prise en compte dans la réparation quand
par exemple la détention a engendré l’impossibilité d’assister à la naissance de son enfant ou
les obsèques d’une personne de la famille.92 Le fait pour un protagoniste d’avoir déjà été
incarcéré antérieurement à la détention dont il en demande l’indemnisation n’est pas un
facteur d’atténuation du choc carcéral. Le choc carcéral n’est pas amoindri en raison de ce
second emprisonnement. En conséquence, énormément de préjudices subis par la victime
d’erreur judiciaire par le biais de détention injustifiée peuvent être réparés. La loi du 15 juin
2000 a introduit un double degré de juridiction pour obtenir cette réparation du préjudice,
action principale et autonome.
91 CNRD, 14 nov. 2005, n° 5C-RD.O15. 92 CNRD. 26 juin 2006, B. n° 9.
75
B) Le principe du double degré de juridiction.
En raison du double degré de juridiction mis en œuvre dans le cas du droit à
réparation, le contentieux est confié dans un premier temps au 1er Président de la Cour
d’Appel en première instance (1) et la Commission Nationale de Réparation de la détention
est chargée de statuer en Appel (2).
1- La procédure suivie devant le 1er Président de la Cour d’Appel.
La réparation est un processus long nécessitant un nombre incalculable de conditions.
Ayant déjà fait l’objet de discussions précédemment, les conditions de fond sont la 1ère étape à
gravir pour parvenir à une éventuelle réparation du préjudice. Une fois celle-ci remplie, la
victime de l’erreur judicaire souhaitant une indemnisation va pouvoir saisir la juridiction
compétente soit le Premier Président de la Cour d’Appel dans le ressort de laquelle a été
prononcée la décision disculpant le protagoniste : c’est à dire le ressort ou le non lieu, la
relaxe ou l’acquittement ont été prononcés. Cette saisine s’opère par le biais d’une requête
prévue dans le code depuis le 17 juillet 197093 et doit être introduite dans un délai de 6 mois à
compter de la décision définitive de relaxe, non lieu ou d’acquittement à condition que le
requérant ait été avisé de son droit de demander cette indemnisation et des dispositions de
l’article 149-1 du Code de Procédure Pénale. Cette non prise en compte de ce délai entraîne
une fin de non recevoir.
Selon l’article R26 du Code de Procédure Pénale, la requête doit être dotée de
certaines mentions qui toutefois ne sont pas forcément sanctionnées par l’irrecevabilité
puisque cet article relate dans sa liste des documents et informations qui trouvent parfois leur
utilité à l’instruction94. La requête comprenant l’exposé des faits, le montant de la réparation
demandée, des indications pratiques, doit être remise sur récépissé ou lettre recommandée
avec accusé de réception au greffe de la Cour d’Appel. Les indications renseignent sur la
décision qui a engendré l’incarcération précisant la date et le lieu de la détention mais aussi la
juridiction qui a prononcé la relaxe, le non lieu et l’acquittement et enfin l’adresse où doit être
faite la notification du demandeur. Les pièces justificatives sont imposées.
93 Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970, tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens. 94 v.not. CNRD, 14 nov. 2003, 03 CRD 026.
76
Les vérifications relatives à la compétence du Président à la forme de la requête et aux
délais, étant accomplies, il convient au premier Président de procéder à l’instruction de la
demande. Si le Président le juge utile, il peut, afin d’évaluer le préjudice, mettre en œuvre des
expertises psychiatriques, comptables, ou bien entendre le demandeur avant de donner une
date d’audience. Néanmoins, quand il a constaté qu’une condition n’est pas remplie, il fixera
directement et rapidement une date d’audience.
La décision rendue lors de l’audience publique par principe après débat judiciaire
contradictoire est motivée et peut faire l’objet d’un appel. Cette décision susceptible d’appel
est assortie de l’exécution provisoire. Cet appel faisant naître une seconde chance pour la
victime de l’erreur judiciaire a lieu devant la Commission Nationale de Réparation des
Détentions.
2- La procédure suivie devant la Commission Nationale de
Réparation des Détentions.
Le principe selon lequel « les décisions prises par le 1er Président de la Cour d’Appel
peuvent dans les dix jours de leur notification faire l’objet d’un recours devant une
Commission Nationale d’Indemnisation des Détentions Provisoires » a été introduit par la loi
du 15 juin 2000. Ce principe de double juridiction mis en œuvre dans le but de satisfaire
l’exigence du protocole n° 7 de la Convention Européenne Des Droits de l’Homme et plus
particulièrement son article précisant le droit de pouvoir faire examiner sa déclaration de
culpabilité par une juridiction supérieure, impose certaines conditions.
Ce recours, possible uniquement dans les 10 jours à compter de la notification de la
décision du 1er Président souvent opéré par la remise d’une copie sur récépissé ou par lettre
recommandée avec accusé de réception, doit être remis par le demandeur au greffe de la Cour
d’Appel en quatre exemplaires. Le défaut d’exemplaires n’entraîne pas l’irrégularité de la
demande95 alors que si le recours adressé au greffe de la Cour d’Appel s’opère par lettre
recommandée avec accusé de réception ou télécopie, l’irrecevabilité sera déclarée. La
personne admise au recours tels que le demandeur, l’agent judiciaire du trésor ou le Procureur
Général près la Cour d’Appel doivent donc remettre en mains propres la déclaration de
recours à l’exception des détenus qui, ne pouvant sortir du centre de détention, sont autorisés 95 CNRD, 20 déc. 2002, B. n°12.
77
à donner leur déclaration de recours auprès du greffe d’un établissement pénitentiaire 96 ou
envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la Cour d’Appel.97
Le point de départ du délai pour interjeter l’appel étant la notification de la décision, il
convient que celle-ci soit notifiée correctement. C’est la raison pour laquelle la décision doit
être notifiée au demandeur lui même en précisant les délais et modalités du recours possible.
S’il s’avère que cette notification n’est pas régulière, le recours devant la Commission
Nationale de Réparation demeure recevable étant donné que le délai d’appel n’a pas
commencé à courir. Cette procédure suivie devant la Commission Nationale de Réparation
des Détentions ayant le même objectif que le 1er Président de la Cour d’Appel qui possède les
mêmes pouvoirs, la Commission bénéficie elle aussi de la possibilité de procéder à des
investigations tout comme des dispenses d’investigation.
Des expertises de demandes de précisions à l’administration pénitentiaire en vue de
vérifier les demandes du requérant fondées sur certaines circonstances dommageables de son
incarcération ainsi que d’auditions du demandeur, sont offertes à la Commission. La décision
rendue après débats judiciaires contradictoires ayant accordé la parole au demandeur ou son
avocat, agent judiciaire du trésor et Procureur Général est insusceptible de recours sauf dans
les cas où il y a un excès de pouvoir. En conséquence, une fois ce recours épuisé la somme
octroyée ou non à la victime d’erreur judiciaire en raison de sa détention injustifiée ne peut
plus être contestée et devient définitive. Cette victime mécontente de sa réparation peut
toujours espérer voir la responsabilité du magistrat engagée.
Paragraphe 2 : La Responsabilité des intervenants dans le système judiciaire.
La répression de l’erreur judiciaire aboutit par le biais d’engagements de
responsabilité de l’État en raison du dysfonctionnement de la justice (A), cependant si l’on
pouvait penser que l’erreur judiciaire engendre également la responsabilité des magistrats qui
sont la cause de cette erreur, la question de cette responsabilité est problématique et
compliquée.(B) Selon Geneviève Giudicelli Delage « l’irresponsabilité n’est plus concevable
mais la responsabilité du bouc émissaire ne l’est pas davantage ».
96 CNRD, 20 déc. 2002, B. n° 11. 97 CNRD, 20 déc. 2002, B. n° 14.
78
A) La responsabilité de l’Etat potentiellement partagée avec les
magistrats.
L’État dont la responsabilité est engagée du fait d’un dysfonctionnement du service
public de la justice (1) peut attaquer le magistrat responsable par le biais des actions
récursoires (2).
1- La responsabilité de l’État en raison des dysfonctionnements du
service public de la justice.
L’article 141-1 du Code de l’Organisation Judiciaire offre une possible responsabilité
de l’État qui s’engage à réparer les dysfonctionnements du service de la justice dès l’instant
où un dommage a été causé aux usagers qui peuvent alors bénéficier d’une réparation. Pour
que la responsabilité de l’Etat soit engagée, il faut avoir subi un fonctionnement défectueux
de la justice : les actes juridictionnels effectués par des magistrats lors de l’instruction, le
jugement , les actes liés à l’exécution du service public de la justice par des autorités
judiciaires doivent avoir été mal menées. Cependant si pour atteindre cet objectif il est
nécessaire au préalable d’avoir subi cette variété de dommages relatés ci-dessus, il est
indispensable de remplir des conditions de fond.
L’exigence du dommage personnel n’étant jamais très compliqué à prouver pour le
requérant, devra mettre en exergue le lien de causalité entre le préjudice et la faute commise
par le service de justice. En l’occurrence, pour engager la responsabilité de l’État dans le but
d’obtenir une réparation, c’est une faute lourde qui est requise afin d’éviter de remettre en
cause facilement l’autorité de choses jugées. Cette faute lourde qui a fait l’objet d’une
première définition très stricte laissant peu de place à la réparation était définie comme celle
« qui a été commise sous l’influence d’une erreur tellement grossière qu’un magistrat ou un
fonctionnaire de justice, normalement soucieux de ses devoirs n’y eut pas été entraîné98 ou
« qui révèle une intervention de nuire de la part de son auteur » ou « procède d’un
comportement anormalement déficient ».99 Les critiques d’une partie de la doctrine espérant
l’instauration d’une faute simple ne verront guère leur souhait exhaussé. Toutefois la mise en
œuvre d’une conception très large de la faute lourde permet de s’y rapprocher. 98 1er Civ. 3 oct. 1953, B. n° 224. -20 fév. 1996, B.I, n° 94. 99 TGI Paris, 22 juill. 1999, D, 1999, IR, p. 214.
79
Soucieux d’indemniser les victimes du fonctionnement défectueux de la justice, une
arrêt du 23 février 2001 assouplit la notion de faute lourde ; la Cour de Cassation a retenu que
constitue une faute lourde « toute déficience caractérisée par un fait ou série de faits
traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est
investi ».100 En 2007, l’inaction du juge d’instruction qui pendant 4 ans et 1 mois n’a pas
accompli les actes nécessaires au bon déroulement de l’info a été considérée comme une faute
lourde susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat.101
Cette possibilité de réparation et d’engagement de responsabilité est un moyen pour
une victime d’erreur judiciaire de se voir réparer cette erreur qui n’aurait jamais dû arriver.
L’Etat a du faire les frais de cette réparation qui peut avoir un impact sur les magistrats qui
ont été la cause de cette réparation.
2- L’action Récursoire.
L’action récursoire est un recours en justice par une personne qui a dû exécuter une
obligation dont une autre était tenue contre le véritable auteur de l’obligation pour obtenir sa
condamnation . Cette action qui peut être envisagée par l’État envers les magistrats si un
magistrat commet une faute personnelle qui a entraîné pour l’État l’obligation de
dédommager la victime en raison du dysfonctionnement de la justice prévu à l’article 141-1
du Code de l’Organisation Judiciaire, l’État bénéficie d’une action récursoire.102 Autrement
dit l’État qui a vu sa responsabilité engagée due au dysfonctionnement du service de la
justice et a donc dû réparer ce dommage, peut se retourner contre le magistrat si ce
dysfonctionnement est du à une faute personnelle de celui-ci. En raison du statut du magistrat,
lui assurant une protection fonctionnelle, l’Etat ne peut envisager l’action récursoire que si le
magistrat a commis une faute lourde.
Ce pouvoir d’action récursoire appartient au Garde des sceaux. Celle-ci est portée
devant la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation.103 Toutefois, il semble que dans la
100 Christine Lazergues – Réflexion sur l’E. J. – RCS 2006, 709. 101 1er Civ., 13 mars 2007, B.I, n° 107. 102 Jean Louis Gallet – Répertoire de la responsabilité de la puissance publique,-régime législatif spéciaux d’indemnisation relevant de la Juridiction judiciaire-fév 2008. Actualisation avril 2016. 103 Serge Petit, Répertoire de la Responsabilité de la puissance publique,Service public de la justice, Juin 2012, actualisation Avril 2016.
80
pratique cette action n’ait jamais eu lieu104 au vu de l’inexistence de jurisprudence. Peut alors
être mis en exergue l’inaction de l’État qui n’est pas anodine quand on s’aperçoit que la faute
personnelle doit être totalement détachable du service public. Cette situation se fait
effectivement rare. En général la faute personnelle du magistrat se lie souvent à celle du
service public. Si la responsabilité civile n’est jamais engagée envers le magistrat, la mettant
sur un piédestal, il en est peut être autrement d’un point de vue disciplinaire.
B) La responsabilité des magistrats.
Le magistrat à l’origine de l’erreur judiciaire ne risque pas de sanction
disciplinaire.(1). A l’inverse, responsable pénalement il peut être contraint à payer une
amende et faire l’objet d’une incarcération dans l’hypothèse où il est la cause d’une détention
arbitraire. (2)
1- La difficile répression des juges sur le plan disciplinaire.
Outre l’existence de la responsabilité civile des magistrats jamais mise en œuvre, il
existe des actions en responsabilité disciplinaire. L’article 43 de l’Ordonnance de 1958
relative aux statuts de la magistrature relate que « tout manquement par un magistrat aux
devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute
disciplinaire ».
Quand le Ministre de la Justice souhaite engager des poursuites, elles s’opèrent devant
le Conseil Supérieur de la Magistrature mais, la loi du 15 juin 2001 a permis au 1er Président
de la Cour d’Appel et aux Procureurs Généraux d’être également à l’initiative de ces
poursuites. A l’issue de ces poursuites, les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats
sont : le blâme avec inscription au dossier, la mutation d’office et le retrait de certaines
fonctions, l’abaissement d’échelon, la rétrogradation, la mise à la retraite d’office, l’admission
à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n’a pas le droit à une pension de retraite, et la
révocation.
104 Eliane de Valicourt, l’Erreur Judiciaire, chapitre 2, le régime fondé sur la faute personnelle du juge, Ed l’Harmattan 2005 p. 318.
81
La question qui se pose est de savoir si l’erreur judiciaire peut entraîner des
conséquences disciplinaires pour le juge à la source de cette erreur ? Pour y répondre, il
convient de rappeler que l’erreur judicaire est souvent l’hypothèse d’une mauvaise
appréciation des faits où le juge a pris pour coupable un innocent105 ; dans la mesure où la
mauvaise appréciation commise par un magistrat dans l’exercice de ses fonctions ne constitue
pas une faute disciplinaire, le magistrat qui a commis une erreur judiciaire ne pourra se voir
sanctionner disciplinairement. Cette absence de possibilité d’engager la responsabilité du
magistrat provient tout simplement de la nécessité de préserver l’indépendance. S’il s’avérait
que le pouvoir exécutif puisse interférer dans la justice pour sanctionner les juges, le principe
d’indépendance et donc d’impartialité serait bafoué. Cependant ces principes sont essentiels
au bon fonctionnement de la justice.
S’il paraît difficile de mettre en œuvre la responsabilité des magistrats, certains auteurs
comme Christine Lazerges se questionne sur l’éventuelle possibilité de mettre en œuvre une
sanction disciplinaire en raison d’une faute lourde, d’une extrême gravité du magistrat sans
contrevenir au principe d’indépendance. Selon elle, le renforcement de la responsabilité
disciplinaire fait l’objet d’un fort consensus du moins en élargissant les modes de saisine du
Conseil Supérieur de la Magistrature. Au delà de cette responsabilité disciplinaire, les
magistrats ne sont pas irresponsables pénalement.
2- La détention arbitraire, sanction pénale imputable aux
magistrats.
L’erreur judicaire inacceptable et engendrant d’énormes conséquences sur la victime,
n’a à l’inverse que peu de répercussion pour les magistrats qui sont source de cette erreur et
qui se voient exemptés de responsabilité disciplinaire mais aussi de responsabilité civile.
Toutefois leur responsabilité pénale peut être engagée comme tout citoyen. L’erreur
judiciaire va pouvoir déclencher l’engagement de responsabilité des magistrats, bénéfique
pour la victime car il a été prévu un garde-fou législatif contre les erreurs judiciaires en
matière de détention qui est ni plus ni moins un délit de forfaiture prévu par le Code Pénal.
105 Marie-Anne Frison-Roche, Professeur à l’Univ Paris Dauphiné,l’Erreur du Juge RTD Civ, 2001-819.
82
L’article 432-4 du Code Pénal dispose « Le fait, par une personne dépositaire de
l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou d’accomplir
arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle » Cette détention arbitraire peut
engendrer 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende mais si celle-ci dure plus de sept
jours la peine peut aller jusque 30 ans de réclusion criminelle et 450 000 € d’amende. Afin de
pouvoir appliquer cet article, il est requis que la personne ait subi une atteinte à la sûreté
personnelle c’est à dire à la liberté individuelle. Cette atteinte peut résulter d’une arrestation,
d’une détention ou même une rétention quels que soient le lieu, la durée, ce qui permet de
retenir qu’une victime ayant subi une détention arbitraire ordonnée par un magistrat peut
engager la responsabilité de celui-ci. Toutefois faut-il encore que l’élément moral soit retenu.
Il convient de pouvoir prouver qu’au moment où le magistrat a requis ou ordonné la
détention, il savait pertinemment que c’était illégal.106 L’exigence du caractère intentionnel de
l’infraction exclut la responsabilité pénale en cas de simple négligence. Cette nécessité
d’élément moral peut briser l’espoir qu’avait la victime de l’erreur judiciaire de voir
condamner le magistrat alors même que contrairement à la responsabilité civile et
disciplinaire, cette responsabilité pénale est envisageable.
En conséquence, une victime d’erreur judiciaire est relativement lésée en terme de
réparation. Si elle bénéficie de moyens de faire réviser la décision, sans compter les voies de
recours telles que l’Appel et la Cour de Cassation, elle ne peut se voir indemniser qu’en
raison d’une détention injustifiée, d’une faute lourde et dans le cas d’une détention arbitraire
si elle s’est constituée partie civile quand la responsabilité pénale du magistrat a été engagée.
106 Geneviève Casile-Hugues, répertoire de droit pénal et de procédure pénale, section 2 abus d’autorité, oct. 2013, actualisation janv. 2014.
83
CHAPITRE II :
Les solutions prospectives pour une vérité judiciaire parfaite.
Les erreurs judiciaires ont pour conséquence de détruire la vie de ceux qui la
subissent, on peut citer les protagonistes de l’affaire Outreau, Loïc Sécher, Roland Agret et
bien d’autres, qui ont tous connu une dégringolade en raison d’accusations mal fondées.
Grève de la faim pour certains, suicide pour d’autres mais aussi mutilation, ils ont crié leur
innocence en détention mais ne seront guère écoutés.
Si certains moyens ont été envisagés afin de solutionner ces erreurs, ils ne
remplaceront jamais le mal qui a été fait. Les solutions évoquées dans le chapitre précèdent ne
ramèneront pas à la vie le père de Loïc Sécher traumatisé par la culpabilité de son fils et
décédé sans pouvoir le revoir une dernière fois ; ou ne permettront pas non plus de
reconstruire la famille d’Alain Marécaux. C’est la raison pour laquelle bien qu’il soit
important d’avoir un système de réparation, il est plus pertinent d’agir antérieurement aux
erreurs plutôt que postérieurement pour les faire disparaître du système judiciaire Français.
Chaque erreur a été engendrée pour une raison, il est donc nécessaire de réformer les points
susceptibles de créer ces erreurs. Les garde-fous, mis en œuvre pour se rapprocher de la vérité
encore bien trop imparfaite, doivent faire pour certains l’objet d’évolution dans le but
d’éradiquer les erreurs. (SECTION I) L’impossibilité de les faire disparaître en totalité
impose donc de préserver les solutions aux erreurs et convient même de les réformer en raison
de leur difficulté d’accès et faiblesse. (SECTION II)
84
SECTION I :
Le perfectionnement des garde-fous.
Thémis, déesse de la justice, allégorie de la justice du droit est représentée par une
balance pour l’équilibre, les yeux bandés en signe d’impartialité.107 Pour parvenir à ces
objectifs lors du procès pénal, la justice a mis en place une série de garde-fous. L’un deux,
essentiel au bon déroulement du procès et à l’établissement de la vérité est le principe du
contradictoire, permettant de discuter l’énoncé des faits et les moyens juridiques entre les
adversaires. S’il en ressort qu’il pourrait être renforcé à différentes étapes pour éviter des
erreurs judiciaires. (Paragraphe 1), il n’est pas le seul principe devant bénéficier d’évolution.
(Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : Le renforcement du principe du contradictoire.
Le contradictoire est absent de la phase d’enquête préliminaire. S’il est nécessaire de
l’envisager à ce niveau (A), son renforcement dans une autre phase du procès pénal,
l’instruction, peut être provoquée par l’instauration d’un juge de l’instruction. (B)
A) L’intervention de l’avocat dans l’enquête préliminaire.
L’enquête préliminaire est menée sous l’autorité du parquet secrètement et non
contradictoirement.108 Afin d’amoindrir les erreurs judiciaires, une réforme semble nécessaire
pour pallier à ce manque de contradictoire essentiel à la bonne administration de la justice qui
exclut l’intervention de l’avocat aussi bien pour les investigations (1) que pour l’accès aux
dossiers. (2)
1- L’autorisation des demandes d’investigation.
Selon Monsieur Pradel, le droit de demander des investigations ou encore d’agir est au
« cœur de la contradiction puisque le droit de proposer est celui de faire entendre sa voix et
d’indiquer au juge ses moyens de défense ». S’il n’y a pas de contradictoire, le droit de
107 Justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/les-symboles-de-la-justice-21974.html 108 http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/01/23/1293-de-l-enquete-preliminaire-et des droits-de-la-défense-un-cas-pratique
85
demander des investigations et d’agir disparaît, c’est le cas de l’enquête préliminaire excluant
le principe du contradictoire où les investigations des avocats ne sont guère possibles.
La seule prérogative tolérée à l’avocat est de pouvoir faire des observations au
Procureur de la République. Il lui est interdit de formuler des demandes d’actes ou poser des
questions au cours d’une audition ou confrontation pour engager des débats sur l’accusation.
Selon l’article 63-4-3 du Code de Procédure Pénale cette absence du contradictoire ne permet
pas à celui qui fait l’objet de l’enquête d’y prendre part et entraîne un avantage pour le
Parquet qui n’est ni plus ni moins l’accusation. Des Erreurs Judiciaires sont susceptibles de
prendre forme dès le commencement de l’enquête préliminaire, laissant dans les mains d’un
seul homme faillible, le Procureur de la République, les pouvoirs d’investigations. La balance
symbole de la justice juste ne semble pas équilibrée puisque le suspect est dans l’impuissance
et l’impossibilité de se défendre. Il semble donc impossible de se rapprocher de la vérité
facilement. Une réforme, modifiant le contradictoire qui permettrait à l’avocat de procéder à
des investigations, serait donc utile afin de rééquilibrer cette balance.
M. Porteron avait déjà formulé l’idée de mettre en œuvre des investigations écrites en
rajoutant une phrase à l’article 63-4 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale qui prescrirait que
« l’avocat peut faire valoir dans ses observations la nécessité de certaines investigations» 109
dans le but d’accéder véritablement à une équité. Il conviendrait même de permettre au
conseil de formuler des interrogations sur les circonstances entourant l’infraction.
De surcroît, bien que le Procureur se doit d’être neutre, à la lecture de l’affaire, il peut
se faire une fausse idée du dossier et entraîner la construction des investigations qu’il délègue
au policier, dans ce sens. Si la culpabilité fait partie de sa 1ère conviction, il pourrait
rechercher et rassembler des preuves uniquement à charge. Cette pratique est contraire à la
présomption d’innocence. La réforme évoquée ci-dessus, faisant intervenir l’avocat, pourrait
avoir comme objectif de favoriser la recherche à décharge. Une réforme appliquant le
contradictoire à l’enquête préliminaire aurait également l’avantage de résoudre un problème
souvent rencontré par les avocats qui interviennent parfois trop tard. Leur intervention a lieu
quand des relevés téléphoniques ou vidéos de surveillance ne sont plus disponibles, les
relevés téléphoniques ne sont accessibles que durant une période d’un an. Il arrive également
109 Christine Gavalda-Moulenat, comment renforcer le contradictoire dans le procès, Archives de politique criminelle, Ed A.Pédone, 2007/1 (n °29)
86
que l’avocat se retrouve face à des témoins n’ayant plus de souvenirs très précis. Aucun
élément énuméré ne permet une bonne défense. La réforme aurait donc pour avantage de
pallier aux problèmes de disparition de preuves matérielles mais aussi à la perte de souvenirs
des témoins. Cette réforme n’a de sens que si l’accès au dossier est enfin autorisé à l’avocat.
2- L’accès du dossier dès la garde à vue.
Malgré de nombreuses avancées concernant le droit à l’information de la personne
gardée à vue depuis la loi du 27 mai 2014, tels que l’accès parcellaire au dossier mais aussi
l’information immédiate de la qualification, de la date et du lieu présumé de l’infraction, il
s’avère que les avocats et leurs clients gardés à vue n’ont absolument pas accès à l’intégralité
du dossier.
Il serait primordial de l’envisager en raison des avantages que cela génère. L’accès en
intégralité du dossier, base de toutes contradictions est un moyen de discuter des preuves mais
aussi d’en réclamer de nouvelles afin de se rapprocher de la vérité. Une réforme développant
cette idée a également pour intérêt de permettre aux avocats de contester la régularité de
procédures suscitant une défense imparable. La défense tout comme l’accusation, a une place
considérable dans l’élaboration de la vérité que toutes réformes engendrant la possibilité
d’une meilleure défense peuvent éviter des erreurs judiciaires.
Une réforme à l’accès aux dossiers paraît donc incontestablement nécessaire pour que
les avocats puissent demander des investigations mais il faut se méfier des méfaits qu’elle
pourrait engendrer.
Il convient de prendre garde aux éventuelles fuites qui jusqu’à ce jour ont été évitées
grâce à la préservation du dossier resté secret. Elles pourraient atteindre l’oreille toujours
tendue des médias, une des causes des erreurs judiciaires en dévoilant des informations
publiques.
Cette réforme visant à renforcer le contradictoire par le biais de l’accès intégral au
dossier de procédures, n’est pas insignifiante quand on constate que la directive
2012/2013/UE du 22 mai 2012 l’a envisagée tout comme le jugement du Tribunal
Correctionnel de Paris du 30 décembre 2013. En annulant pour la première fois le procès
87
verbal d’audition d’une personne gardée à vue pour défaut d’accès de l’avocat et de
l’intéressé au dossier, ce jugement a indirectement inscrit une volonté d’autoriser l’accès au
dossier en totalité.
B) l’éventualité d’une réforme du juge d’instruction.
L’étude des causes des erreurs judiciaires dans un chapitre antérieur nous a permis de
mettre en exergue la fragilité du juge d’instruction qui a tendance à s’éloigner de la vérité
judiciaire. Or le but de la justice est d’éviter que des innocents passent leur vie en prison
pendant que des coupables sont en liberté. Si la Commission Parlementaire, rassemblée suite
au fiasco d’Outreau, a envisagé une réforme instaurant la collégialité du juge d’instruction en
raison de la jeunesse des magistrats et leur caractère souvent individualiste,110 une réforme
différente est envisageable pour développer un peu plus le principe du contradictoire essentiel
dans le procès pénal pour aboutir à la vérité.
Il pourrait être intéressant de reformer « le juge d’instruction » pour « le juge de
l’instruction ». Ce juge de l’instruction est déjà créé dans différents systèmes tels que
l’Allemagne en 1975, le Portugal en 1987, l’Italie en 1989, ce qui met en exergue la fiabilité
du système. D’ailleurs les cantons Suisses s’apprêtent à les copier. Cette appellation de juge
de l’instruction est celle du juge arbitre dans le projet réforme de la procédure pénale en
France en 2009. Ce juge arbitre est une idée bien plus ancienne, reprise dans le rapport
Delmas Martys de 1991 de la Commission Justice Pénale et Droits de l’Homme111. Cette
réforme restée lettre morte jusqu’à ce jour avait pour objectif d’évincer le juge d’instruction
au profit d’un magistrat du Parquet qui enquête à sa place. L’instauration d’un juge de
l’instruction permettrait de contrebalancer les pouvoirs du Parquet. 112 Le principe du
contradictoire, source de renforcement constant, sera de nouveau présent par ce système
mettant en œuvre le parquet contre la défense arbitrée par le juge. Cette situation semble plus
juste que celle où un seul homme, le juge d’instruction a pour prérogative d’apprécier seul la
valeur des charges et de décider d’un éventuel renvoi devant une formation de jugement.
110 Président Mr André Vallini, Rapporter Mr Philippe Houillon, député, Rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 6 juin 2006. 111 Annexe N° 1, P. 105, Le rapport Delmas Martys de 1991 de la commission justice pénale et droit de l’Homme. 112 Dominique Inchauspé- l’Erreur Judiciaire, Ed.Puf-sept 2010, p 495.
88
D’autant plus que la problématique du juge d’instruction est de cumuler des pouvoirs
d’enquêtes et de prononcer des décisions à caractère juridictionnel.113 Pierre Truche, 1er
Président de la Cour de Cassation avait déclaré dans le Figaro du 28 Juin 1999 page 9 qu’il
n’était « pas sein d’instruire et de juger » affichant ainsi son enthousiasme en faveur d’un juge
de l’instruction.114
Ce nouveau juge de l’instruction posséderait le pouvoir de contrôler certains actes du
Parquet les plus coercitifs et de refuser ou donner des autorisations. Toutefois quelques
craintes subsistent chez certains non partisans de la mise en place du juge de l’instruction. Ils
estiment que le Parquet aura soit une toute puissance parce que le juge autorisera tout le temps
les demandes, certainement en raison de l’absence de la défense durant les débats s’il y en a,
ou soit les pouvoirs du juge de l’instruction seront accrus lui permettant de reprendre
l’enquête, ce qui ne changera pas de l’état actuel des choses. Un arbitre doit être à égale
distance de chaque adversaire bénéficiant des mêmes règles de jeu. Ce n’est en respectant
cette idée que la mise en œuvre du juge de l’instruction aura pour intérêt d’éviter les erreurs.
De surcroît, les opposants à cette réforme mettent en avant qu’au quotidien une
instruction opérée par un procureur conduira à la recherche d’éléments à charge et non à
décharge mais n’est-ce-pas déjà ce que l’on a relevé avec le Juge d’Instruction ? Bien que des
réformes portant sur le renforcement du contradictoire peuvent éviter des erreurs judiciaires,
des réformes s’attardant sur d’autres principes pourraient permettre de parvenir à cet objectif.
Paragraphe 2 : L’accentuation des autres principes favorisant la recherche de la
vérité.
La présomption d’innocence, second principe phare de notre système judiciaire, est
rarement respectée. Une fois retenu entre les griffes de la justice et ses différents services, il
est impossible d’être considéré comme un innocent. Pourquoi avoir instauré un parcours
passant par plusieurs phases avant d’aboutir à une décision si l’on est persuadé de la
culpabilité du protagoniste dès la première rencontre. Ces comportements étant un obstacle à
113 www.lepetitjuriste.fr/droit-penal/procedure-penale/lasuppression-du-juge-instruction-vers-une-remise-encause-de-l’independance-desjuges/. 114 Annexe N° 2, P. 106, Article de presse dans le journal Libération de Pierre Truche concernant l’éventuelle suppression du Juge d’Instruction
89
l’établissement de la vérité, la présomption d’innocence doit être renforcée (A). Dans le but
d’obtenir le bon fonctionnement de la justice, il convient de bénéficier de moyens
importants.(B)
A) Le renforcement de la présomption d’innocence.
La présomption d’innocence, pas souvent respectée, oblige à prévoir une réforme
mettant en œuvre des moyens susceptibles d’écarter la présomption de culpabilité (1) Une fois
la présomption d’innocence développée au plus haut niveau, la détention provisoire
dévastatrice n’a plus de sens et doit être réformée pour éviter que des innocents fassent
l’objet d’années de prison. (2)
1- L’intensification de la présomption d’innocence lors des
investigations.
La loi du 15 juin 2000 promulguée pour renforcer la présomption d’innocence,115 est à
multiples reprises bafouée. Régulièrement, les enquêtes et les instructions sont diligentées
sous la présomption de culpabilité. La garde à vue donne lieu trop souvent à des pressions
policières en raison de la certitude de culpabilité des enquêteurs mais aussi d’investigations à
charge engendrant des erreurs judiciaires. Bien que des réformes aient vu le jour tendant à
éviter ces désagréments, telles que la loi de juin 2000, obligeant la présence des questions des
policiers sur les procès verbaux mais aussi la loi du 5 mars 2007 instaurant l’enregistrement
filmé des interrogatoires et également la loi prévoyant l’assistance de l’avocat dès la garde à
vue, des dérives sont encore possibles impliquant une réforme.
L’avocat désormais présent pendant une partie de la garde à vue laisse aux policiers la
possibilité d’exercer tous les types de pressions à l’abri des regards. Une éventuelle réforme,
instaurant une vidéo surveillance quotidienne au sein des services policiers ou de
gendarmerie, pourrait faire l’objet de réflexions ?
Il est indéniable que de prime abord, cette vidéo surveillance aurait pour méfait d’être
attentatoire à la liberté individuelle et d’engendrer peut être une perte de volonté des services
115 loi n°2000-516-légifrance.gouve.fr
90
de police blessés d’avoir perdu la confiance de leurs supérieurs. Cependant des avantages
peuvent en être dégagés concernant les erreurs judiciaires comme l’impossibilité d’exercer
des pressions à n’importe quel moment ou pour d’autres problèmes rencontrés tels que « les
ripoux » ou les refus de prises de mains courantes ou de plaintes constamment relevés dans
notre système. Cette vidéo surveillance ne serait pas inutile quand on sait que même si
l’avocat a le droit d’être présent durant la garde à vue, les enquêteurs, selon la loi du 1er juin
2011, sont tenus de ne l’attendre que 2 h alors qu’il est souvent surchargé dans son travail. Il
arrive donc que le suspect soit seul. Cette réforme paraît peut être excessive ? La réflexion
sur ce sujet bien qu’elle aboutisse à une réponse négative pourrait, peut-être, être bénéfique.
Quant au problème de l’instruction à charge des policiers, il peut être réglé simplement par
la réforme évoquée précédemment permettant l’accès au dossier et les demandes
d’investigations de l’avocat rétablissant l’équilibre.
L’instruction à charge du juge peut être évitée par l’instauration de la collégialité si
l’on n’envisage pas la réforme du juge de l’instruction. Cette collégialité a déjà fait l’objet de
nombreuses discussions et a failli être insérée dans notre système judiciaire mais a échoué en
raison du manque de moyens budgétaires.116 Elle permettrait d’éviter l’instruction à charge,
en ce sens qu’elle évite à une seule personne de s’enferrer dans une opinion défavorable
envers le poursuivi, qui pourrait être susceptible d’engendrer uniquement des recherches de
preuves de culpabilité. Par l’instauration du principe de présomption d’innocence consistant à
considérer que la personne n’est pas coupable tant qu’elle n’a pas été jugée, la détention
provisoire ne devrait donc pas exister.
2- La restriction des recours à la détention provisoire.
En France au 1er juillet 2016, on constate qu’il y a 69 375 détenus pour 58 311 places.
En 1 an le nombre de détenus dormant sur des matelas à même le sol est passé de 1019 à
1648, l’une des raisons est de nouveau l’augmentation du recours à la détention provisoire
mise en œuvre par les juges par précaution.117 Pour autant, la détention constitue normalement
l’exception du principe de liberté. Cette idée est d’ailleurs invoquée par Adeline Hazan,
contrôleur général des lieux de privation de liberté. Force est de constater qu’il est loin d’être
le cas selon les statistiques. Si Monsieur Jean François Burgelin, anciennement Procureur 116 www.dalloz-actualité.fr/chronique/fin-du-college-de-l-instruction-beaucoup-de-bruit-pour-rien-ou-comedie-des-erreurs1#.V6xu5vSvinM 117 Gilles Bouleau, Journal télévisé TF1de 20 H du 8 août 2016 .
91
Général à la Cour d’Appel et Cour de Cassation, estime que dans l’affaire Outreau, il n’est
pas choquant d’avoir eu des mandats de dépôt, pour lui, il est ahurissant de voir la durée des
détentions provisoires excessives.118 Cette problématique de la détention provisoire trop
souvent mise en œuvre avec une durée parfois excessive n’est pas sans conséquence pour
ceux qui la subissent. C’est la raison pour laquelle une réforme de la détention provisoire doit
être envisagée , elle est nécessaire et en contradiction avec la présomption d’innocence
.Comment est-ce possible de proférer la présomption d’innocence et finalement envisager au
cours de l’instruction l’incarcération provisoire de la personne que l’on est censé considérer
non coupable ?
L’article 144 du Code de Procédure Pénale listant les règles à suivre pour « dégainer »
la détention provisoire fait une parfaite illustration de cette contradiction. Le troisièmement de
cet article « empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses
coauteurs ou complices » met bien en exergue que la personne est coupable.
La présomption d’innocence étant essentielle à la bonne administration, tout comme la
détention provisoire qui, elle, sert à éviter des débordements dans le cas les plus graves et
complexes, cette contradiction devra malheureusement toujours exister dans notre système.
Cependant, des réformes peuvent peut-être permettre d’éviter, le plus possible, le recours à la
détention provisoire pour les cas les moins graves en utilisant plus souvent de nouvelles
alternatives inscrites dans le code de Procédure Pénale comme la caution existant depuis le
droit romain ou le contrôle judiciaire mis en place depuis le 12 juillet 1970. Mais la pratique
met en exergue que la caution tout comme la constitution de sûreté personnelle ne sont
réellement mises en œuvre que pour les affaires financières. Il conviendrait peut-être
d’envisager une réforme pour utiliser davantage ces moyens en droit commun.
Évidemment, si un protagoniste mis en examen a réglé une caution importante, ou si
sa maison est hypothéquée, il est peu probable qu’il parte en cavale au risque de tout perdre.
Si la justice craint d’éventuelles fuites, le contrôle judiciaire est quant à lui bien plus
protecteur instaurant l’interdiction de quitter le territoire, l’obligation de pointer, l’interdiction
de contacter certaines personnes au risque de pressions. Il pourrait presque aboutir aux mêmes
avantages que la détention provisoire en évitant les impacts qu’elle crée dans la vie de celui
118 Hervé de Charrette, Grand débat national sur la justice, après Outreau quelle réforme de la justice pénale?, Ed. l’Harmattan 2006
92
qui la subit. Pourquoi n’est-il donc pas plus souvent utilisé ? Le bracelet électronique issu des
hautes technologies peut également être utilisé afin d’éliminer l’usage de la détention
provisoire. La réforme doit insister d’autant plus sur l’obligation d’utiliser ces méthodes pour
ne voir appliquer la détention que dans les cas les plus graves.
Si une réforme aboutissait sur cette idée, il serait essentiel que la détention provisoire
prévue dans les cas exceptionnels soit limitée dans le temps pour éviter tous les dégâts.
Aujourd’hui, en matière criminelle la prolongation de cette détention provisoire est
envisageable dans un délai d’un an. Il en ressort qu’aucun nouveau débat n’aura lieu sur ce
sujet avant 1 an sauf si des demandes de mise en liberté sont faites par l’avocat. En
matière correctionnelle, ce délai est de 4 mois. Ces délais sont beaucoup trop longs quand on
sait que les demandes de mise en liberté n’aboutissent pas toujours à une réponse favorable
comme ce fut le cas dans l’affaire Outreau. Des suicides ont déjà eu lieu en raison de ce type
de fonctionnement.119 Le rapport Léger propose une réforme instaurant la réduction de la
durée de détention avant procès soit l’enquête jusqu’à l’audience ; cette durée est portée à 1
an pour des peines encourues supérieures à 3 ans et égales ou inférieures à 10 ans, elle
s’élève à 2 ans en matière criminelle et à 3 ans pour les matières criminelles faisant l’objet de
terrorisme. Agir plus vite est grandement utile pour éviter les erreurs judiciaires.
B) L’enrichissement budgétaire de la justice garant d’un bon
fonctionnement.
La rapidité d’action de la justice peut avoir pour conséquence la réduction d’erreur
judiciaire. Cependant le système français fait durer l’étude des dossiers, ce qui n’est pas sans
conséquence. Ce constat impose d’entreprendre une certaine réflexion à ce sujet. (1) La
justice avec son arsenal de tribunaux, de services, d’agents, de technologies nouvelles, tous
nécessaires à l’élaboration de la vérité judiciaire implique qu’elle soit dotée d’un énorme
budget pour éviter les erreurs. (2)
1- Une meilleure réactivité de la justice.
La justice n’entraîne pas toujours satisfaction de la population, qui bien trop souvent,
hésite à engager des poursuites en raison du temps excessif qu’elle met pour établir la vérité et 119 Laurent Delahousse,france tv info, 13 h15 le dimanche 7 août. Eric Dupont-Moretti : Parole à la défense
93
rendre une décision. Bien que ce constat a pour conséquence pour la justice la perte de
crédibilité auprès de ces citoyens, ce système est surtout susceptible d’engendrer des erreurs
judiciaires. Des réformes devraient donc être conçues pour que le système judiciaire Français
soit plus rapide.
Pourquoi pas par le biais de la création d’un délai maximum dans lequel la justice
devrait être rendue mais cette hypothèse semble compliquée à envisager étant donné que toute
affaire n’est pas dotée de la même complexité. Il est plus facile d’entreprendre la mise en
œuvre des différents délais pour chaque phase du procès pénal. Un délai pourrait être
envisagé dans un premier temps durant l’enquête tout en sachant que si l’on permettait
l’intervention de l’avocat dès l’enquête préliminaire, comme on a pu l’évoquer auparavant,
les enquêtes seraient peut être bouclées plus rapidement. La durée de l’instruction est très
excessive d’après l’étude des causes des erreurs judiciaires et peut générer des changements
de versions volontaires par le biais de pressions, ou involontaires par la perte de mémoire des
témoins. C’est la raison pour laquelle ce délai doit être projeté aussi au niveau de
l’instruction, plus on agit vite, moins on risque la disparition de preuves qui pourraient établir
la vérité.
Si un délai maximum paraît essentiel pour rendre une justice exempte de toute erreur,
il convient aussi de prévoir un délai minimum pour prévenir l’éventuelle négligence de
l’enquête ou de l’instruction.
La France est malheureusement très lente en tout point. Elle intervient très tardivement
concernant la prolongation de la détention provisoire par rapport à d’autres pays tels que la
Belgique qui se penche sur cette question dans un délai d’un mois, permettant donc de ré-
ouvrir les débats de la détention et chasser toutes les erreurs plus rapidement que la France.
La Belgique agit également plus rapidement en offrant au détenu la possibilité de réclamer sa
comparution en audience publique quand sa détention excède un délai de 6 mois (1 an si la
peine applicable dépasse 15 ans de travaux forcés) .120 La réforme suscitant une accélération
dans l’intervention de la justice peut donc être bénéfique mais elle n’est possible qu’avec
d’importants moyens budgétaires.
120 https://www.senat.fr/lc/lc16/lc16_mono.html#toc22.
94
2- La nécessité de moyens supplémentaires.
La justice est une institution judiciaire gigantesque implantée sur 6 085 241 m2 en
2015, qui emploie 78 941 agents et ayant rendu 1 203 339 décisions en matière pénale en
2014121 c’est dire l’importance qu’elle génère. La justice est dotée de nombreux agents, de
nombreux services qui gravitent autour d’elle, il est donc indéniable qu’elle est très coûteuse.
En 2015, elle a bénéficié d’un budget de 7, 94 milliards d’€uros qui se révèle insuffisant, 122
se traduisant par un impact sur son fonctionnement pouvant avoir pour conséquence
l’apparition d’une erreur judiciaire.
Il a pu être observé lors de l’étude de causes des erreurs judiciaires, la durée excessive
de l’instruction. Néanmoins, une étude approfondie des raisons de cette durée excessive
démontre un nombre insuffisant de magistrats par rapport au nombre d’affaires nouvelles
chiffrées en 2014 à 18 588 ou au nombre de mises en examen chiffrées à 33 300. Afin de
pallier à ce problème, il faudrait augmenter le nombre de magistrats, ce qui implique
l’obtention de moyens supplémentaires. Il conviendrait donc d’augmenter considérablement
le budget de la Justice.
Ce constat est le même concernant la rapidité de l’enquête évoquée dans les
paragraphes précédents. Il est nécessaire d’employer plus d’agents, de policiers pour répondre
au problème du recours systématique à la détention provisoire, conséquente en cas d’erreur
judiciaire.
Il a été discuté dernièrement d’utiliser le plus souvent le contrôle judiciaire ainsi que
le bracelet électronique. Toutefois, l’un impose un nombre inconsidérable d’agents, l’autre
demande des sommes astronomiques en raison du coût des hautes technologies.
De surcroît, l’augmentation du budget pourrait diminuer le nombre d’erreurs
judiciaires puisque les avocats seraient mieux rémunérés plus dans le cadre de leurs
interventions sous l’Aide Juridictionnelle ; plus l’avocat est bien rémunéré, plus il passe du
temps sur le dossier et plus il est susceptible de trouver des erreurs.
121 Annexe N° 3, P.107, Les chiffres clés de la Justice 2015 . 122 http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/chiffres-cles-de-la-justice-10303/
95
La Justice, pour être rendue convenablement a besoin de nombreux moyens. Il semble
que le Ministère de la Justice commence à faire un effort dans ce sens même si le budget
alloué en 2016 reste faible, il a été augmenté à 8, 04 milliards d’Euros. 80 280 emplois sont
déjà pourvus et il est prévu la création de 1 024 postes en 2016.123
123 http://www.justice.gouv.fr/publication/budget_justice_2016.pdf
96
SECTION II :
L’amélioration des réparations de l’erreur judiciaire.
L’espoir est grand de voir disparaître définitivement les erreurs judiciaires du système
Français avec l’évolution des garde-fous. Bien que des réformes aient lieu pour perfectionner
l’organisation judiciaire, aucune ne pourra rendre l’homme infaillible. En raison de cette
faillibilité de l’homme, il est donc fondamental de parer les solutions de l’erreur judiciaire. Si
le recours en révision, et l’indemnisation doivent faire l’objet d’une nette amélioration
(Paragraphe 1), la prévention et une véritable répression des magistrats doivent voir le
jour.(Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : L’élargissement des recours en révision et de l’indemnisation.
La révision (A) tout comme l’indemnisation (B) présentent de nombreux défauts
auxquels il semble intéressant de s’attarder et d’y réfléchir.
A) Une réforme du recours en révision ajustée.
Le recours en révision, bien qu’il ait évolué est encore critiquable. Les cas d’ouverture
trop stricte permettent rarement d’y accéder. Une réforme doit donc voir le jour pour
envisager un accès moins contraignant (1) tout en prenant garde aux éventuels méfaits d’une
ouverture trop large. (2)
1- L’extension des cas d’ouverture.
La révision, recours existant depuis un temps très lointain, n’était exploitée que par un
nombre restreint de personnes. La loi du 23 juin 1989 votée dans le contexte de l’affaire
Seznec a élargi la possibilité d’y accéder si « après une condamnation vient à se produire ou à
se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de juridiction au jour du procès, de nature à
faire naître un doute sur la culpabilité du condamné » ; mais, il s’avère que ce recours reste
difficile d’accès. Ainsi Roland Agret accusé à tort en 1970 du meurtre de deux hommes, a
confié cette difficulté dans un article de Vincent Vantighem, publié le 6 mars 2013 dans le
quotidien 20 minutes. « Si cet élément est nouveau pour vous, il ne l’est pas pour la
97
justice ».124 Il a toujours crié son innocence, a même entamé des grèves de la faim, s’est
mutilé jusqu’à ses deux doigts envoyés au Garde des Sceaux.125 Est-ce le dessein d’une
justice convenable ?
Quand on s’attarde sur les statistiques, on s’aperçoit malheureusement que la révision
est inaccessible ; en 2011, la Commission a été saisie de cent vingt quatre requêtes, ce qui met
en exergue qu’un grand nombre de détenus ou coupables forment des demandes de révision.
La Commission ainsi que son Président se sont prononcés sur cent soixante demandes. Les
cent trente cinq décisions rendues collégialement se répartissent en quatre vingt seize
décisions d’irrecevabilité, un désistement, trente six rejets et deux transmissions à la Cour de
Révision. Force est de constater le nombre dérisoire de décisions faisant l’objet de révision.
En outre, ce résultat lamentable se retrouve chaque année de 2002 à 2011, le nombre de
saisines de la Cour de Révision varie entre deux et quatre sauf en 2006 où l’on observe une
certaine hausse faisant grimper le nombre de saisines à huit.126
Il est incontestablement primordial de réfléchir à une réforme augmentant la
possibilité de révision. Cette idée est loin d’être frivole quand on analyse le nombre d’erreurs
dans le système judiciaire Français. Bien que la Commission Nationale Consultative des
Droits de l’Homme, dans son avis sur la révision des condamnations en cas d’erreurs
judiciaires, avait pensé à élargir la liste des personnes prévues pouvant demander la révision
en raison des évolutions juridiques et sociologiques de la famille en l’accordant au pacsé ou
conjoint, elle n’envisageait pas d’élargir un peu plus les cas d’ouverture.127 Cette solution
semble pourtant essentielle.
2- Les effets néfastes d’un accès excessif à la révision.
Si une réforme s’avère propice, elle doit faire l’objet d’une réflexion poussée. Elle
pourrait éviter que des innocents passent une grande partie de leur vie en prison en raison
124 Annexe N°4 P. 112, Article de Roland Agret victime d’une erreur judiciaire évoquant la difficulté d’accéder au recours en révision. 125 Nathalie Renoux Reportage accusé à tort, l’innocence à tout prix : affaire Roland Agret, , épisode 4 culture infos / France 2010. 126 Annexe N°5 P.114, Les statistiques de la Commission de la Révision et de la Chambre Criminelle statuant comme Cour de Révision. 127 Avis sur la révision des condamnations pénales de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme-Assemblée Plénière -13 fév 2014.
98
d’une erreur et perdent ce qu’ils ont mis du temps à construire, si elle n’apporte pas de limite,
elle peut entraîner des effets néfastes.
Premièrement, cette réforme ne doit pas être ouverte à tous. Elle viendrait remettre en
cause le principe de l’autorité de choses jugées qui pour rappel est la situation qui se réalise
quand toutes les voies de recours ont été épuisées ou les délais pour les exercer écoulés ; la
décision juridictionnelle est alors définitive. C’est la raison pour laquelle, les États Unis,
contrairement à la France, n’envisagent pas la révision mais utilisent la grâce pour réparer les
erreurs.
Une réforme, augmentant trop le nombre de cas d’ouvertures à la révision, pourrait
entraîner des contestations systématiques des détenus ; il serait difficile de dissocier ceux qui
souhaitent la révision, mécontents de subir une punition pour l’infraction qu’ils ont commise,
de ceux qui sont accusés à tort. Cette réforme doit être réfléchie, en prenant en compte la
victime. Dans les demandes de révision, il y a peut-être des innocents mais aussi peut-être des
coupables. Il faut penser aux vraies victimes qui pourraient être choquées de voir leurs
paroles remises en doute si facilement. Il en ressort que cette réforme se doit de trouver un
juste milieu pour éviter que le recours ne soit trop rare.
B) Un système d’indemnisation propice aux victimes d’erreur judiciaire.
La victime d’erreur judiciaire, bien qu’elle ait déjà subi une erreur de la justice qui
n’aurait jamais dû avoir lieu, elle se doit d’attendre son indemnisation dont la procédure est
trop longue et impose trop de conditions. Une réforme doit être pensée pour faciliter
l’indemnisation (1) qui se doit d’élargir ses cas d’ouverture. (2)
1- L’accélération du processus d’indemnisation.
L’indemnisation des victimes des erreurs judiciaires n’est possible que pour les
condamnés à tort ayant subi une détention provisoire. Néanmoins, de nombreuses conditions
sont requises pour y parvenir et la procédure est longue. Les difficultés pour y parvenir sont
bien illustrées dans « dans le calvaire et le pardon » coécrit par Loïc Sécher, victime d’erreur
judiciaire et Maître Eric Dupont-Moretti qui explique que lorsqu’il a écrit au Garde des
99
Sceaux pour demander directement l’indemnisation de Loïc Sécher, dans le but d’éviter une
trop longue procédure, il a essuyé un refus.
Il est scandaleux que la Justice responsable du problème impose à nouveau à la
victime d’erreur judiciaire des conditions et une procédure longues avant d’être indemnisée.
L’attente inacceptable est difficile pour ces victimes d’erreur judiciaire qui sortent de prison
souvent démunies de biens et qui doivent patienter pour obtenir une indemnisation nécessaire
à leur reconstruction quand on sait qu’ils ont déjà perdu assez de temps en incarcération sans
raison. Cette procédure d’indemnisation ne devrait-elle pas faire l’objet d’une réforme pour
en faciliter l’accès aux victimes d’erreurs judiciaires ? Telle est la question.
Il conviendrait peut-être de s’attarder également sur le caractère dérisoire de cette
indemnisation qui même si elle était élevée, ne remplacerait ni le temps perdu ni le mal crée ;
toutefois équivalente à l’erreur subie, elle serait plus juste et permettrait au protagoniste de
reconstruire plus facilement sa vie. Une chose est sûre, elle devrait être ouverte dès qu’une
erreur judiciaire a été supportée, peu importe, que la victime ait été incarcérée.
2- L’élargissement du bénéfice de l’indemnisation.
Si l’erreur judiciaire doit être indemnisée, c’est en raison des graves désagréments
causés à la victime. Actuellement, seules les détentions sont indemnisables car la privation de
liberté de travail a pu faire perdre certainement tous les biens du protagoniste, mais d’autres
moyens utilisés par la Justice peuvent causer des contrariétés à la victime qui pourrait de ce
fait réclamer une indemnisation. En effet, il arrive qu’au lieu d’être mis en détention
provisoire le juge opte plutôt pour le contrôle judiciaire. Celui-ci ne fait aucunement l’objet
d’indemnisation en cas d’erreur judiciaire.
Une personne qui serait reconnue, après plusieurs décisions de culpabilité, non
coupable ne pourrait réclamer un dédommagement en raison de sa soumission à un contrôle
judiciaire. Pourtant ce contrôle judiciaire ne cause-t-il pas une certaine atteinte à sa liberté et
donc des conséquences sur son mode de vie ? Quelle différence y a-t-il avec l’incarcération si
ce n’est le degré d’atteinte à la liberté ?
100
La victime d’erreur judiciaire devrait bénéficier d’une indemnisation quand elle a été
contrainte de respecter un contrôle judiciaire entraînant pour rappel l’obligation de pointer
dans un commissariat plusieurs fois dans la semaine, l’interdiction de quitter le territoire, de
paraître dans certaines communes et de rencontrer certaines personnes. Toutes ces
obligations ont eu pour conséquence l’atteinte à la liberté du citoyen qui n’a pu mener sa vie
comme il le souhaitait pendant un laps de temps alors même qu’il n’avait rien fait. Il ressort
de ce constat qu’il est honteux de ne pas indemniser ce type de situation surtout que dans ces
hypothèses, l’honneur de cet homme a forcément été touché tout comme l’honneur d’une
personne poursuivie qui bénéficie quelques jours ou mois plus tard d’un non lieu. Cet homme
poursuivi, bien qu’il ait été rapidement dégagé de tout soupçon, a été tout de même pendant
une durée plus ou moins longue considéré comme un éventuel coupable. Cette erreur n’est
pas non plus réparée. L’unique indemnisation des détentions n’est guère suffisante.
L’indemnisation pourrait tout simplement disparaître si on développe une certaine prévention
des différentes erreurs.
Paragraphe 2 : La prévention et la répression sources d’éradication des erreurs
judiciaires.
L’erreur judiciaire est susceptible de disparaître pour ne devenir qu’une exception si
on envisage de régler le problème avant qu’il n’apparaisse, tout en envisageant de véritables
sanctions quand il est trop tard. Si une réforme développant une prévention peut être
nécessaire pour diminuer l’erreur judiciaire (A), cet objectif peut être atteint plus facilement
en augmentant la répression des magistrats. (B)
A) La prévention.
En France, il est régulièrement présenté comme réponse aux erreurs judiciaires la
sanction du juge incompétent et non la prévention des mauvaises décisions. Pourtant, prohiber
l’erreur sous la menace de la sanction, n’évite en rien un accident. Le meilleur moyen est de
rendre improbable ou sans conséquence l’accident. La prévention de l’erreur judiciaire semble
être nécessaire. Développer cette prévention au mépris de la répression des
dysfonctionnements résonne comme une révolution puisque aujourd’hui c’est le système
inverse qui est mis en œuvre, le juge ne voyant jamais sa responsabilité engagée. Les
canadiens procèdent déjà de cette manière. Postérieurement à de nombreuses affaires
101
retentissantes, ils ont examiné ce qui ne fonctionnait pas dans leur système, par le biais d’un
comité de réflexions composé de procureurs pendant une durée de 2 ans environ.128
Il y a un intérêt à ce que tous les intervenants de la Justice réfléchissent ensemble pour
prévenir les condamnations injustifiées. Si la prévention paraît être un moyen intéressant pour
pallier aux erreurs judiciaires, comment pourrait-elle être organisée ? La réponse n’est guère
compliquée à trouver si l’on s’inspire du modèle aérien et médical. En effet au sein du
système aérien, des techniques de prévention des défaillances systémiques sont mises en
place. M. P-H Goungen Directeur Général d’Air France explique que « Si la faute non
intentionnelle combinée avec diverses circonstances provoque un accident, la sanction des
auteurs ne permet pas d’éviter l’accident. Au contraire, c’est le rassemblement d’informations
relatives à l’erreur produite qui permet d’éviter un autre accident basé sur les mêmes
facteurs ». 129 C’est la raison pour laquelle le système aérien prévoit des commissions
d’enquêtes après les accidents pour évoquer avec les pilotes concernés ce qui s’est passé.
Durant cette commission, il en résulte un vrai débat contradictoire qui est le meilleur moyen
de prévention.
Dans le système judiciaire, ce qui permettrait d’éviter des erreurs, c’est le retour
systématique d’expériences mais aussi des bureaux d’enquêtes d’accidents judiciaires ouvrant
« les boites noires de nos tribunaux » afin d’éviter les dérapages, car il serait capable de nous
informer sur le fonctionnement du système. Il conviendrait d’être apte à déceler les facteurs
potentiels de risques qui peuvent être le déséquilibre des parties, l’urgence etc. Jusqu’à ce
paragraphe, dans ce chapitre, il n’avait été évoqué que des réformes de la procédure pénale
pour certaines offrant plus de garanties, de recours aux justiciables et de meilleures
indemnisations. S’il semble que la prévention n’est pas inutile pour éviter l’erreur judiciaire
elle peut être également mise en œuvre en développant chez le magistrat, la culture du doute
et la prudence dans l’analyse. « Le magistrat est payé pour avoir des doutes lorsque tout le
monde a des certitudes ». Quand il ne respecte pas sa mission, il devrait tout de même être
sanctionné.
128 Annexe N° 6, P. 116, Rapport sur la prévention des erreurs judiciaires du groupe de travail du comité FPT des chefs des poursuites pénales canadiens. 129 Les cahiers de la justice-la prévention des Erreurs Judiciaires. Ed Dalloz-enm-2008.
102
B) L’instauration d’une véritable répression des magistrats.
Il fut un temps où des débats récurrents avaient lieu sur la responsabilité personnelle
des magistrats. Ces débats s’orientaient vers une mise en cause plus fréquente de cette
responsabilité. Lors de l’étude des moyens de répressions, il a été observé que cette
responsabilité était moindre voire absente. L’irresponsabilité partielle du magistrat est liée à
son statut qui lui assure une protection fonctionnelle. Cette absence de responsabilité des
magistrats est critiquable.
Malgré que la prévention paraisse plus bénéfique dans le combat sur l’erreur en évitant
l’accident, la sanction du magistrat n’est pas totalement désuète de sens. La définition de la
répression, action d’exercer des contraintes graves sur quelqu’un ou un groupe afin
d’empêcher le développement d’un désordre, met en exergue que la répression du magistrat
pourrait également éviter l’accident. Un magistrat, connaissant les risques qu’il encourt en cas
d’erreur, exercera sa mission du mieux possible. Il mettra tous les moyens en œuvre pour
établir la vérité. Cependant, actuellement le magistrat sait qu’il est presque intouchable.
Partout dans le monde, les différents pays ont érigé des règles accompagnées de sanctions
pour éviter que ce soit l’anarchie mais aussi éviter la délinquance. En suscitant la peur auprès
de la population par le biais de sanctions, les citoyens ne passent pas à l’acte. La situation se
trouve être la même pour les magistrats en imposant des répressions en cas d’erreurs. Le juge
ne va pas négliger sa mission. D’ailleurs toute personne exerçant un métier est susceptible de
voir engager sa responsabilité. Pourquoi n’est-ce jamais le cas du magistrat ? Les
conséquences de sa négligence sont parfois bien plus graves que pour d’autres métiers
exceptés ceux du monde médical.
Toutefois le magistrat ne doit pas non plus être la cible à abattre à chaque fois qu’une
erreur judiciaire se produit d’autant plus qu’elle est souvent induite par les différentes phases
du Procès Pénal. La répression doit donc avoir lieu dans les situations où le magistrat est en
grande partie responsable. Il convient une fois de plus de trouver un juste milieu et de surtout
réfléchir aux problèmes de l’atteinte à l’indépendance du magistrat en cas d’engagement de sa
responsabilité.
103
CONCLUSION
« Les seules vraies erreurs sont celles que
nous commettons à répétition.
Les autres sont des occasions d’apprentissage »
Le Dalaï Lama.
Dans l’objectif d’atteindre une justice idéalement parfaite, le système judiciaire
français doit apprendre de ses erreurs. Il est primordial d’analyser les défaillances,
comprendre les raisons pour lesquelles la Justice n’est pas parvenue à la vérité afin
d’éradiquer un maximum d’erreurs judiciaires. Cette étude poussée des erreurs doit être un
perpétuel recommencement. A chaque analyse, des réformes pourront être réfléchies dans le
but de faire disparaître la problématique constatée. Il serait même judicieux de s’inspirer des
systèmes judiciaires des pays voisins qui parviennent plus facilement à la vérité.
« Errare humanum est »
« L’erreur est humaine »
Sénèque.
Hélas, l’homme est un être humain doté de sentiments qui le rend faillible. Toute la
problématique de la justice repose sur le fait qu’il intervient constamment que ce soit pour
juger, procéder à des investigations ou témoigner. L’homme est indéniablement la plus grande
source d’erreurs judiciaires. Malheureusement, aucune réforme ne pourrait corriger ses
défauts, prêt à mentir par amour, par vengeance, par passion ou par colère. L’erreur judiciaire
est donc vouée à persister dans notre système judiciaire. Ce constat est difficile à accepter
pour les victimes d’erreurs judiciaires qui subissent des conséquences importantes. C’est la
raison pour laquelle la réparation doit être irréprochable.
104
« Le pardon est plus grand qu’un sentiment,
C’est une force qui déclenche d’admirables effets »
Auclair Marcel.
Certains actes dont l’erreur judiciaire paraissent impardonnables, pourtant sans nier
le mal qui a été fait, il est vital de se reconstruire et la démarche du pardon est la clé de la
guérison. Les victimes d’erreurs judiciaires pourraient envisager le pardon afin de délester le
passé et construire le présent. De toute évidence, la réparation de l’erreur ne permettant pas de
revenir en arrière, les victimes n’ont que deux solutions : vivre avec cette erreur ou pardonner
et oublier pour croquer à nouveau la vie à pleines dents. Ces individus ne doivent pas oublier
qu’ils sont eux-mêmes humains et donc susceptibles de provoquer des erreurs. Ce pardon
reste cependant un acte qui suppose un cheminement intérieur, long, exigeant, difficile à
vouloir et dur à parcourir. Néanmoins, celui-ci est possible, Loïc Sécher l’a démontré en
pardonnant à cette jeune fille qui l’avait accusé de viol à tort durant 8 ans. Quelle grande et
sage décision !
105
ANNEXES
Annexe N° 1 : Le rapport Delmas Martys de 1991
de la commission justice pénale et droits de l’homme.
106
Annexe N° 2 : Article de presse dans le journal Libération
de Pierre Truche
concernant l’éventuelle suppression du Juge d’Instruction
Pierre Truche ne veut plus de juges d'instruction. — 28 juin 1999 à 23:04
Le président de la Cour de cassation, Pierre Truche, «espère bien»que le juge d'instruction disparaîtra à terme car, pour lui, «il n'est pas sain d'instruire et de juger en même temps». Dans une interview à paraître aujourd'hui dans le Figaro, Pierre Truche estime qu'«il faudrait confier l'enquête à un procureur, avec, en face, un vrai juge désigné par le Conseil supérieur de la magistrature», qui interviendrait «dès qu'un droit fondamental serait en cause, et fixerait des délais au procureur». Pierre Truche doit être remplacé le 1er juillet par le président de la Cour d'appel de Paris, Guy Canivet.
107
Annexe N° 3 : Les chiffres clés de la Justice 2015
108
109
110
111
112
Annexe N° 4 : Article de Roland Agret , victime d’une
erreur judiciaire évoquant la difficulté d’accéder
au recours en révision
• ACCUEIL > • SOCIÉTÉ
Roland Agret: «C'est à force de cogner qu'on obtient justice...» ENTRETIEN – Victime d’une erreur judiciaire, Roland Agret a passé sept ans en prison avant d’obtenir la révision de son procès…
Roland Agret lors de l'émission Vivement Dimanche, sur France 2, le 12 septembre 2007 - BENAROCH/SIPA Propos recueillis par Vincent Vantighem o Publié le 06.03.2013 à 00:00 o Mis à jour le 07.03.2013 à 06:53
113
Que pensez-vous du Projet Innocence à la française? Plus il y a de gens qui bossent sur les erreurs judiciaires, mieux c’est. Mais ils vont se heurter aux mêmes problèmes auxquels je me suis heurté. Condamné à tort, vous avez fait une grève de la faim, vous vous êtes coupés deux doigts, vous avez avalé des manches de fourchette. Et une fois dehors, vous vous êtes tirés une balle dans le pied pour être indemnisé. C’est si difficile que ça d’obtenir justice? C’est à force de cogner qu’on obtient justice. Le problème de la justice française, c’est ce qu’on appelle l’élément nouveau. Pour obtenir la révision d’un procès, il faut trouver un élément nouveau qui n’a pas été abordé lors du procès qui a conduit à votre condamnation. Mais souvent si cet élément est nouveau pour vous, il ne l’est pas pour la justice. Avant la naissance du Projet Innocence, vous avez fondé Action Justice qui aide aussi les condamnés à tort. Comment cela fonctionne-t-il? On recherche la vérité dans les vieux dossiers. Parfois, on se met hors des passages cloutés pour trouver de nouveaux éléments. Attention, rien d’illégal, hein. Mais des choses qui ne sont pas vraiment prévues par la loi. On est devenus les spécialistes du milieu des emmerdeurs. Quel bilan en tirez-vous? On a réussi à faire avancer entre 12 et 15% des dossiers qui nous ont été soumis. On a obtenu quatre grâces, une révision, deux annulations de peine et dix-huit acquittements. Si l’on voit le bon côté des choses, on peut dire que c’est pas mal. Si l’on voit le mauvais, on peut se dire qu’il y a encore du travail.
114
Annexe N° 5 : Les statistiques de la Commission de la
Révision et de la Chambre Criminelle statuant comme
Cour de Révision
115
116
Annexe N° 6 : Rapport sur la prévention des erreurs
judiciaires
du groupe de travail du comité FPT des chefs des
poursuites pénales canadiens.
117
118
119
120
BIBLIOGRAPHIE
I /Code :
- Coralie Ambroise-Castérot et Jean-François Renucci, Code de Procédure Pénale,
Dalloz, 57ème édition, 2016.
II /Convention,Ordonnance, Lois , rapport de commission d’enquête…….. :
- Convention relative aux droits de l’enfant, New York, 26 janvier 1990, préambule
- Eusèbe de Laurière, Emmanuel Pastoret, Denis-François Secousse, Louis Guillaume
de Vilevault, ordonnances des roys de France de la troisième race, recueillies par ordre
chronologique… : Les ordonnances de Charles V, données depuis le commencement
de l’année 1367, jusqu’à la fin de l’année 1373, de l’imprimerie royale, 1736.
- Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption
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- Loi n°2013-711 du 5 aout 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le
domaine de la justice en application du droit de l Union européenne et des
engagements internationaux de la France.
- Loi n°70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels
des citoyens.
- Avis sur la révision des condamnations pénales de la Commission Nationale
Consultative des Droits de l’Homme-Assemblée Plénière -13 fév 2014.
- Président Mr André Vallini, Rapporter Mr Philippe Houillon, député, Rapport fait au
nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les dysfonctionnements de la
justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur
renouvellement, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 6 juin 2006.
121
III /Ouvrages :
- Gérard Cornu, vocabulaire juridique, 10ème Ed, Quadrige, janvier 2014.
- Eliane de Valicourt, L’Erreur Judiciaire, Ed. L’Harmattan, 2005.
- Florence Bussy, Recueil Dalloz l’erreur judicaire, D2005-2552
- Bernard Bouloc et Haritini Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale,
Sirey 17éme Ed, 2009.
- Hervé Henrion, doctorant – E.R.P.C à l’université de Montpellier I. Ouvrage archive
de politique criminelle, l’article préliminaire du code de procédure pénale : vers une
« théorie législative » du procès pénal ?, 2001/1 (n°23), P192, Ed. A.Pédone.
- Johan Dechepy-Tellier, la procédure pénale en schémas, Ed .Ellipses, 2015.
- Michel Redon, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, tribunal correctionnel
–juin 2012 (actualisation octobre 2015).
- Aurélie Cappello, Répertoire de droit pénale et de procédure pénal, Question
prioritaire de constitutionnalité –Juin 2015.
- Maud Léna, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Jugement- octobre 2008
(actualisation Octobre 2013).
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Président de la Convention Démocrate- Perspectives et Réalités, Grand débat national
sur la justice- après Outreau quelle réforme de la justice pénale ?, Ed. l Harmattan
2006.
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- Gilles Antonowicz, La faiblesse des hommes, Ed Max Milo, 2013.
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2014, p 298.
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- Victor Hugo, Le Pape, poème, 29 Avr. 1878.
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122
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législatif spéciaux d’indemnisation relevant de la Juridiction judiciaire-fév 2008.
Actualisation avril 2016.
- Serge Petit, Répertoire de la Responsabilité de la puissance publique, Service public
de la justice, Juin 2012, actualisation Avril 2016.
- Geneviève Casile-Hugues, répertoire de droit pénal et de procédure pénale, section 2
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- Christine Gavalda-Moulenat, comment renforcer le contradictoire dans le procès,
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- Dominique Inchauspé- l’Erreur Judiciaire, Ed.Puf-sept 2010, p 495.
- Frédéric Desportes et Laurence Lazerges- Cousquer, Traité de Procédure Pénale, 4
ème Ed, 2015, Editeur Economica
- Roger Merles et André. Vittu, traité de droit criminel, procédure pénale, 01/2000 Ed
Cujas.
- Coralie Ambrois Casterot, Agrégée des Facultés de droit, Membre du Haut Conseil de
la Magistrature de Monaco, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Octobre
2013.
IV /Article :
- L’Eclair du 3 juin 1891, « Quelques-uns de nos confrères sont trop modestes, ne se
rendent pas assez compte de l’influence de la presse sur les verdicts rendus. Pendant
des mois, « elle chauffe » l’opinion, dramatise l’affaire, prive inconsciemment le
prévenu, par un mot cruel, un détail répugnant, des vagues sympathies qui pouvaient
décider de son sort….Qui dira jamais la pression subie par le cerveau d’un bon juré,
lisant le matin dans sa feuille que toute compassion lui serait imputée à faiblesse ; que
l’opinion exige de lui un implacable arrêt ? etc »
123
V/Revues :
- Christine Lazerges, réflexion sur l’Erreur Judiciaire, RCS 2006.
- Etienne Vergés, Professeur à l’université de Grenoble, membre de l’Institut
Universitaire de France, revue mensuelle lexisnexis, Juris classeur, juillet / aout 2014.
- Bernard Bouloc, Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris-1), RCS, 2002,
p 138, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable : loi du 15 juin 2000.
- Denis Salas, magistrat, secrétaire général de l’Association Française pour l’histoire de
la justice et Directeur scientifique des cahiers de la justice, le nouvel âge de l’Erreur
Judiciaire, revue Française d’administration publique, 2008, Ed école nationale
d’administration.
- Marie-Anne Frison-Roche, Professeur à l’Univ Paris Dauphiné,l’erreur du Juge RTD
Civ, 2001-819.
VI /Site internet :
- http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/peinedemort/
- Justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/les-symboles-de-la-justice-21974.html
- http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/01/23/1293-de-l-enquete-preliminaire-et des
droits-de-la-défense-un-cas-pratique.
- www.lepetitjuriste.fr/droit-penal/procedure-penale/lasuppression-du-juge-instruction-
vers-une-remise-encause-de-l’independance-desjuges/.
- www.dalloz-actualité.fr/chronique/fin-du-college-de-l-instruction-beaucoup-de-bruit-
pour-rien-ou-comedie-des-erreurs1#.V6xu5vSvinM
- https://www.senat.fr/lc/lc16/lc16_mono.html#toc22.
- http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/chiffres-cles-de-la-justice-
10303/
- http://www.justice.gouv.fr/publication/budget_justice_2016.pdf
- http://www.presse.justice.gouv.fr/artpix/1grandesdatesCPCPP.pdf
http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/1808-promulgation-du-code-
dinstruction-criminelle-28567.html
124
- http://mobile.lemonde.fr/société/article/2014/02/27/révisions-de-proces-les-huit-
erreurs-judiciaires-reconnues-et-les-autres43748713224.html
- http://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_6_FRA.pdf
- http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/les-fondements-et-
principes-10032/lindependance-et-la-neutralite-du-juge-12041.html
- http://www.cabinetaci.com/avocat/libertes-fondamentales-avocat/les-droits-de-la-
defense/le-droit-detre-juge-dans-un-delai-raisonnable/
VII / Films, Reportages,
- Christophe Hondelatte, Faite entrer l’accusé, « Patrick Dils, marathon pour un
acquittement » août 2003 sur France 2.
- Frédérique Lantieri Marc Machin, les meurtres du Pont de Neuilly, faite entrer
l’accusé, 22 septembre 2013 sur France 2.
- Christian Faure, Film Marie Besnard : L’empoisonneuse, 2006.
- Gilles Bouleau Journal télévisé de 20 H du 8 août 2016 sur TF1
- Laurent Delahousse , Francetv info, 13 h15 le dimanche 7 août. Eric Dupont-Moretti :
Parole à la défense.
- Nathalie Renoux, Reportage accusé à tort, l’innocence à tout prix : affaire Roland
Agret, épisode 4 culture infos / France 2010.
VIII / Cours
- Monsieur de Carbonnière, Cours histoire de la preuve, , Lille 2, année 2014/2015
- Dr Eric Laurier, Cours de détermination et d’évaluation du préjudice corporel et
moral, médecin légiste au centre hospitalier de Valenciennes, Université de
Valenciennes, Année 2015/2016
125
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION………………………………………………...P.1
PREMIÈRE PARTIE : La vérité judiciaire est-elle exempte
d’erreurs ?........................................................................................P.9
Chapitre I : Les garde-fous garants de la vérité judiciaire en matière
pénale…………………………………………………………...……………P.12
Section I : Les principes relatifs à l’organisation judiciaire………………………P.13
§ 1 : Les notions garantissant une bonne administration de la justice...……P.13
A) L’indispensabilité de l’autonomie des acteurs judiciaires………P.13
1) La séparation des fonctions…………………………………P.13
2) Le principe d’indépendance et d’impartialité…...…………..P.15
B) Le fonctionnement des juridictions pénales……………..………P.17
1) Une collégialité professionnelle de magistrats……….……..P.17
2) L’oralité et la publicité de l’audience……………………….P.18
§ 2 : Les recours source de protection des accusés……………………...….P.20
A) Les voies de recours ordinaires…………………………...……..P.20
1) L’opposition………………………………………………...P.20
2) L’appel…………………………………………………..….P.22
B) La voie de recours extraordinaire….……………………………P.24
1) Les conditions de fond permettant l’accès au pourvoi en
cassation……………………………………………… ……P.24
2) La procédure délivrant la vérité judiciaire……… …………P.25
126
Section II : Les principes judiciaires liés au procès pénal………………………….P.26
§ 1 : La recherche d’une équité essentielle à la poursuite de la vérité……...P.26
A) La garantie de l’égalité des armes et du contradictoire……….…P.26
1) Le principe du contradictoire……………………………….P.26
2) L’égalité des armes………………………………….………P.28
B) Les pouvoirs suscitant le rééquilibrage des parties……………...P.29
1) Le droit à l’information……………………..………………P.29
2) Le droit à l’assistance d’un avocat……………………...…..P.31
§ 2 : Les principes protecteurs de la personne poursuivie………...………..P.32
A) La protection « même » du suspect……………………………..P.32
1) La présomption d’innocence………………………………..P.32
B) L’équité dans le déroulement du procès………………………...P.34
1) Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable……………...P.34
2) La motivation des décisions………………………………...P.36
Chapitre II : Les causes des erreurs judiciaires…………………….…P.38
Section I : Le facteur humain……………………………………………………..P.39
§ 1 : L’implication de la société, source d’erreurs judiciaires……………...P.39
A) La manipulation des médias………………………………….....P.39
1) L’influence des médias sur les personnes afférentes au
procès……………………………………………………….P.40
2) L’émoi de la population………………………………….…P.41
B) La ferveur de l’opinion publique envers les affaires judiciaires...P.42
1) Les rumeurs génératrices de confusions au sein du procès…P.42
2) Le procès conditionné par les convictions………………….P.43
§ 2 : Les protagonistes du procès, acteurs de l’erreur judiciaire…………....P.44
A) Le témoignage, un mode de preuve réfutable…………………...P.44
1) Les faux témoignages…………………………………...…..P.44
2) L’incrédibilité de la parole de l’enfant influencé…………...P.46
B) L’infiabilité des personnes poursuivies………………………….P.47
127
1) Les aveux spontanés…………………………….……..……P.47
2) Les aveux soutirés………………………………….……….P.48
Section II : Les Erreurs liées à l’organisation judicaire……………………….…...P.50
§ 1 : La mauvaise conduite des investigations………………………….…..P.50
A) Les forces de police campées sur leurs positions………….…….P.50
1) La présomption de culpabilité………………………...…….P.50
2) Les pressions policières…………………………………..…P.52
B) La désorganisation de l’instruction……………………………...P.52
1) L’instruction à charge………………………….……………P.53
2) La durée excessive de l’instruction……………………...….P.54
§ 2 : Les inconvénients de l’audience interférant dans la vérité judiciaire…P.55
A) Les experts…………………………………………………...….P.55
1) Une confiance aveugle envers les experts…………….…….P.55
2) La négligence des experts dans leurs missions……………..P.56
B) La négligence de la présomption d’innocence lors de l’audience.P.57
1) L’absence de considération du « doute profite à l’accusé »....P.57
DEUXIÈME PARTIE : Les ripostes mises en place contre
l’erreur judiciaire sont-elles suffisantes ?....................................P.58
Chapitre I : La réparation de l’erreur judiciaire……………………....P.60
Section I : L’émergence de l’erreur judiciaire au travers des différents recours….P.61
§ 1 : Le recours en révision………………………………………………....P.61
A) Les conditions pour accéder à la révision du procés………….....P.61
1) La nécessité d’une décision susceptible de révision………..P.61
2) La restriction des cas de révision………………….………..P.62
B) L’acheminement de la révision aux multiples retentissements….P.64
1) Une procédure stricte…………………………………….…P.64
2) La réhabilitation des victimes d’erreur judiciaire………..…P.65
128
§ 2 : Le réexamen d’une décision pénale consécutive au prononcé d’un arrêt de
la Cour Européenne des Droits de l’Homme……………………………………………….P.66
A) La soumission du réexamen à de nombreuses exigences…………...P.66
1) Les conditions de recevabilité des demandes de réexamen….....P.66
2) Les conditions de fond………………………………..………...P.67
B) La bilatéralisation du processus de réexamen…………………….....P.68
1) La procédure suivie devant la commission……..……………....P.68
2) La procédure suivie devant la juridiction de renvoi…………….P.69
Section II : L’Indemnisation au titre de l’erreur………………………………...….P.71
§ 1 : Le dédommagement octroyé à la victime d’erreur judiciaire………....P.71
A) Les modalités de l’indemnisation d’une détention injustifiée…..…..P.71
1) Les conditions de fond du droit à réparation……...…………….P.71
2) La réparation du préjudice…………………..……………...…..P.73
B) Le principe du double degré de juridiction………………..………...P.75
1) La procédure suivie devant le 1er Président de la Cour d’Appel..P.75
2) La procédure suivie devant la Commission Nationale de Réparation
des Détentions………………………………………..…………P.76
§ 2 : La responsabilité des intervenants dans le système judiciaire………...P.77
A) La responsabilité de l’État potentiellement partagée avec les
magistrats………………………………………………………………………P.78
1) La responsabilité de l’État en raison des dysfonctionnements du
service public de la justice……………………………………...P.78
2) L’action récursoire………………………………………….…..P.79
B) La responsabilité des magistrats…………………..……………..….P.80
1) La difficile répression des juges sur le plan disciplinaire…...….P.80
2) La détention arbitraire, sanction pénale imputable aux
magistrats……………………………………………………….P.81
129
Chapitre II : Les solutions prospectives pour une vérité judiciaire parfaite....P.83
Section I : Le perfectionnement des garde-fous………………………………….P.84
§ 1 : Le renforcement du principe du contradictoire……………..…………P.84
A) L’intervention de l’avocat dans l’enquête préliminaire……..….P.84
1) L’autorisation des demandes d’investigation…………….…P.84
2) L’accès au dossier dès la garde à vue………...……………..P.86
B) L’éventualité d’une réforme du juge d’instruction……..………P.87
§ 2 : L’accentuation des autres principes favorisant la recherche de la
vérité………………………………………………………………………………………..P.88
A) Le renforcement de la présomption d’innocence…………….…P.89
1) L’intensification de la présomption d’innocence lors des
investigations……………………………………………..…P.89
2) La restriction des recours à la détention provisoire…….…...P.90
B) L’enrichissement budgétaire de la justice garant d’un bon
fonctionnement…………………………………………...……..P.92
1) Une meilleure réactivité de la justice……………………….P.92
2) La nécessité de moyens supplémentaires…..……………….P.94
Section II : L’amélioration des réparations de l’erreur judiciaire………………….P.96
§ 1 : L’élargissement des recours en révision et de l’indemnisation…...…..P.96
A) Une réforme du recours en révision ajustée…………………….P.96
1) L’extension des cas d’ouverture…………………………….P.96
2) Les effets néfastes d’un accès excessif à la révision…..……P.97
B) Un système d’indemnisation propice aux victimes d’erreur
judiciaire…………………………………………………...……P.98
1) L’accélération du processus d’indemnisation………..……..P.98
2) L’élargissement du bénéfice de l’indemnisation…..………..P.99
§ 2 : La prévention et la répression, source d’éradication des erreurs
judiciaires………………………………………………………………………………....P.100
A) La prévention………………………………………………….P.100
130
B) L’instauration d’une véritable répression des magistrats…...…P.102
CONCLUSION………………………...……………………….P.103
ANNEXES………………………………………..…………… P.105
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………..P.120
131
TABLE DES DÉCISIONS DE JUSTICE
- DC, n°95-360, 2 février 1995. - Crim. 17 février 1912, D.1913,I,375. - DC n° 98-‐399, 5 mai 1998 - Cons. const .2 février 1995, Décision, n° 95-‐360. - CESDH, 31 mai 1998, Reinhart et Slimane Kaid. Condamnation de la France - CESDH, Delcourt C/ Belgique, 17 janvier 1970. - Cons. Const. 5 Aout 2010 :n° 2010-‐612 DC paragraphe 12 . - Crim, 20 septembre 2000 , Bull.crim.n° 274 - Crim , 29 juin 2005, Bull, crim., n° 199. - Cons. Const .11 aout 1993 : n° 93-‐326 DC§ 25 - Cons. Const. 22 janvier. 1999 :n° 98-‐408 DC§ 25. - CE, ass., 28 juin 2002, Magiera, req.n° 239575 : préc.note 64 - Crim. 22 janv 1898, DP 1900, I, 142, 2ième espèce. - Crim. 5 mai 1994, B. N° 172. - Crim. 5 nov 1987, B. N° 392. - Crim. 27 avril 1989, B. N° 179. - Crim. 28 Juin 1994, B. N° 258. - Cour rév. 16 mai 2007, pourv. n° 06-‐85053. - Crim. 26 Février. 1997, B. n° 80. - Crim. 25 Nov. 1991, B. n° 434. - Crim. 8 Février. 1989, B. n° 62. - Crim. 17 Janv. 2007. B. n°11. - Comm. Réex. 30 nov. 2000, n° 00 RDH003, Hakkar, - Comm. Réex. 24 nov. 2005, B. n°1, Makhfi. - Comm. Réex 24 janv. 2002, n° 01 RDH 006, Van Pelt. - Comm. Réex. 16 oct. 2003, B. n°1. - Crim. 6 sept. 2006, B. n° 215. - Crim. 7 déc. 2005, B. n° 329. - CNRD, 4 avr. 2003, B. n°4. - CNRD, 28 juin 2002, 01RDPOI3-‐31 janv. 2003, B.n°1. - CNRD, 19 déc. 2003, B.n°8. - CNRD, 21 oct. 2005, B. n° 9. - CNRD, 18 déc. 2006, B. n° 15. - CNRD, 14 nov. 2005, n° 5C-‐RD.O15. - CNRD. 26 juin 2006, B. n° 9. - v.not. CNRD, 14 nov. 2003, 03 CRD 026. - CNRD, 20 déc. 2002, B. n°12. - CNRD, 20 déc. 2002, B. n° 11. - CNRD, 20 déc. 2002, B. n° 14. - 1er Civ. 3 oct. 1953, B. n° 224. - 20 fév. 1996, B.I, n° 94. - TGI Paris, 22 juill. 1999, D, 1999, IR, p. 214. - 1er Civ., 13 mars 2007, B.I, n° 107.
132
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
Art : Article Bult. Crim. : Bulletin Criminel CE : Conseil d’État CESDH : Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme CNRD : Commission Nationale de Réparation de la Détention Provisoire Com Réex : Commission de Réexamen Cour Rev : Cour de Révision Cons. Const. : Conseil Constitutionnel CPP : Code de Procédure Pénale CRIM : Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation Ed. : Edition L : Loi P : Page RCS : Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal comparé RTD Civ : Revue trimestrielle de droit civil TGI : Tribunal De Grande Instance