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Recueil de nouvelles sur le thème de « LA TRAHISON » Ecrit par le Club Auteurs Edilivre Ile de France

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Recueil de nouvelles sur le thème de

« LA TRAHISON »

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 116 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 10.12 ----------------------------------------------------------------------------

Recueil de nouvelles sur le thème « la trahison »

écrit par le Club Auteurs Edilivre Ile de France

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Ecrit par le Club AuteursEdilivre Ile de France

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Sommaire

Serial Killer – Sylvie FERRANDO ............................. 5

Trahison – Jean-Pierre JENTILE ............................... 11

Les larmes de la trahison – Monique MACALOU .. 17

Ultime trahison – Julien HOURI .............................. 21

Piero – Jeanne GUIZARD .......................................... 27

La désillusion argentine – Paul LEBOULANGER .. 37

La vie rêvée de Judas – Alain ANDRIEU ................. 43

Jenny Du Miroir et la trahison – Marie BOISSY-LAMY ............................................. 51

La bonne nouvelle – François THOMAS-JOUSSELIN ............................ 59

En voiture, attention au départ ! – Daniel WINER ......................................................... 69

Une famille – Carole DÉTAIN .................................. 77

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Le retour du seigneur – Gilles DUVAL .................... 85

La double trahison – Jean SOUSSELIER ................. 93

Du plaisir retrouvé de la Remington – Stéphane DELAVET ................................................ 101

Le patron d’Isabelle – Christian ORANGE ............. 103

Olivia ou la vie ici-bas – Bory-Rose CHANDERA .. 109

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Serial Killer

Sylvie FERRANDO

Aujourd’hui, comme chaque année, c’est le jour de l’affichage. Chaque fois, c’est comme ça : je sais que je vais le faire, c’est plus fort que moi et j’aime cette forme de trahison. C’est régulièrement la même chose, juste une petite manip de rien du tout, un doigt pressé sur une touche, ça s’enfonce et clac, je modifie une destinée. C’est ça que j’aime, ce sentiment de puissance : je suis toute-puissante, mais personne ne le sait et personne ne me voit.

C’est aujourd’hui le grand jour. Le jour de l’affichage, de la publication des résultats. Chaque année il y a un jour, un jour particulier, annoncé par le calendrier. Je m’y prépare à l’avance. Plusieurs mois, plusieurs semaines à l’avance.

Les jours qui précèdent, j’y pense sans cesse. C’est une longue rumination.

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Un petit jingle : tout va bien, tout s’éclaire autour de moi. Je vais me promener dans mon jardin favori, celui du grand ordonnateur, du grand donneur de leçon, du grand maître du savoir. C’est ça que j’aime. Lui ne sait pas ce que je sais faire, ce que je veux. Il feint de tout savoir, il veut tout contrôler, mais en fait il ne sait pas grand chose. Je me glisse dans les détours des arborescences, je file le long des colonnes et des alignements de signes, je m’introduis dans les rouages du système, et enfin je la vois. C’est elle que je veux, la liste des champions, des lauréats nimbés de lauriers, des enfants sages à la jeunesse fanée entre les pages. Ceux qui vont mourir te saluent.

Je sais qui ils sont. Je les connais de loin. Le grand prédicateur les a reconnus, ils sont au firmament, ils le savent sans doute, ils regardent les autres avec hauteur ou condescendance. Descendance. Ils n’auront pas le temps d’en avoir. Ils ne s’en doutent même pas.

Pourtant, certains parmi eux ne se doutent pas qu’ils détiennent un pouvoir, un pouvoir par procuration, le pouvoir de servir par leur savoir. Ceux-là, tant pis pour eux, ils seront traités comme les autres. Même s’il en existe un seul, un seul malheureux qui ait l’ignorance de sa puissance et que c’est lui qui soit désigné, cela ne me détourne pas de mon but. Ne pas me souvenir.

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Il y en a cinq. Cinq noms qui se suivent en une belle verticalité. Cinq identités personnelles. Comment choisir ?

Am stram gram Pic et pic et colegram Bourre et bourre et ratatam Am stram gram Pic dam. Pic dam, oui c’est bien ça, pic dam. Un de ces

cinq-là n’aura pas l’existence qu’il avait souhaitée ou méritée. Cela doit se produire, c’est inéluctable, c’est juste un jeu d’écriture. Personne ne le sait encore. Mais ne pas croire que ça a une quelconque importance. C’est une petite manip de rien du tout. Un petit nom de rien du tout. Ne pas me souvenir.

A cause du souvenir, une fois je n’ai pas pu. Pas de bouton pressé, pas d’existence supprimée, pas de savoir éteint. C’est dommage. A cause du souvenir. Satanée mémoire.

C’était mon amie. Lyne. Elle était brillante. Tout le monde le savait, sauf elle. Elle n’entendait même pas les louanges. On disait d’elle qu’elle finirait au Panthéon, ou bien académicienne, ou encore prix Nobel. Je l’aimais tant. Un puits de science, un monstre de connaissances. Elle lisait, elle écrivait comme elle respirait. Le grand orientateur l’avait reconnue comme l’un de ses enfants chéris. Elle avait la vie devant elle, une succession de marches à gravir,

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en direction du sommet. Je ne lui arrivais pas à la cheville. Ne pas penser à la suite.

Nous étions liées comme le lierre au tronc, comme le gui à la branche. Elle me récitait des pans entiers de savoir, elle me nourrissait. Ensemble, nous allions accomplir de grandes choses. Je la servirais pour la vie, à son contact je deviendrais quelqu’un. J’avais l’espoir que nos destinées seraient nouées à jamais.

Pour la première fois, ma famille approuvait mon choix. J’avais enfin une amie fréquentable. Une relation plus que convenable. J’avais tout loisir de la voir, quand je le voulais. On m’y encourageait. Elle venait parfois chez moi, mais nous préférions nous rencontrer dans les bibliothèques ou, moins souvent, dans des jardins. De tels lieux nous inspiraient. Nous pensions que là nous pourrions nous engager dans un véritable cheminement. Que les pages battantes s’ouvriraient en bruissant lorsque nous les caresserions pour entrer. Que la peau d’un parchemin usé nous prendrait aux narines tandis que nous progresserions dans un étroit boyau couvert d’inscriptions. Que nous monterions ensuite un escalier en colimaçon le long duquel seraient insérés, comme des gouttes de miel dans leurs alvéoles, des livres dont le suc des mots jaunis nous apaiserait à mesure que nous gravirions les degrés. Seul guide de notre parcours, un fil qui se déviderait entre nos mains jusqu’à la dernière réminiscence. Lorsque nous

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serions arrivées au sommet de notre quête, le retour serait consommé, le sablier s’inverserait et nous pourrions prendre l’escalier parallèle, à double vis, qui nous ramènerait vers notre point de départ… C’était là la matière de nos rêves.

Dans les jardins, nous discourions en marchant. Telles des philosophes inspirées par la nature savamment domestiquée des parcs, nous esquissions des bribes de dialogues, nous nous livrions au jeu savant des questions et des réponses. La réflexion, au départ timide et étroite, s’enflait au fil du discours, les réparties se succédaient, vives et étoffées. J’avais l’érudite impression de contrôler ma pensée par les mots que je prononçais.

Ces rêves, ces sensations n’ont pas eu le temps de longuement s’ancrer dans la réalité. La tête de Lyne a dû lui jouer des tours. L’été de sa réussite, elle est tombée malade. Quand elle s’est affaiblie je suis devenue faible. Quand elle a été moribonde j’ai frôlé la mort. Chaque jour elle me quittait un peu plus, devenant plus pâle, plus légère, plus diaphane. J’ai souhaité mourir, pour de bon, jour après jour ; mais c’est moi qui l’ai menée au tombeau et je ne suis pas morte. C’était il y a cinq ans.

Que faire de sa vie quand on n’a pas de puissance ? Comment survivre à un tel malheur, à une telle déception ? J’ai regagné ma puissance, j’ai regagné ma volonté et je vis, même si c’est de trahison.

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On a dit que j’étais fragile ; le grand ordonnateur m’a donné deux mois de repos supplémentaire dans le système. J’ai été suspendue, puis bloquée. Un moment, ma famille a éprouvé pour moi de la compassion, j’ai été entourée, puis cette aide s’est tarie peu à peu. Je suis restée seule, avec mon souvenir, mon chagrin, ma volonté.

C’était il y a cinq ans. Depuis, chaque année, ça me reprend. Je m’immisce au cœur du système, je tiens les fils du destin entre mes mains, comme le grand prédicateur. Un jour prochain, moi aussi, je gravirai les marches une à une. Petit à petit, à force d’efforts et de puissance, j’approcherai le sommet. J’appliquerai ma volonté à une cause méritante et légitime. En attendant, je fais place nette.

Je vois mon doigt presser la touche DELETE et le premier nom de la liste, lauréat du concours, major de l’année, disparaît sur l’écran, aussitôt remplacé par le nom suivant. Ma mission est accomplie.

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Trahison

Jean-Pierre JENTILE

Laura décacheta fébrilement le télégramme, emplie d’un mauvais pressentiment. Elle n’en recevait jamais, donc cela ne pouvait qu’annoncer un drame. JE NE T’AIME PLUS. STOP. JE SUIS PARTI AVEC UNE AUTRE. STOP. ADIEU. STOP. Elle resta muette d’incrédulité. Comment Jason pouvait-il lui avoir fait ça ? Lui si attentionné, si tendre, si amoureux. Quel salaud ! Quel salaud et quel lâche ! Se cacher derrière un mot anonyme en lettres majuscules écrites par un minable. De rage, elle brisa une tasse de café, se rua sur son portable et fit son numéro. Elle tomba directement sur sa messagerie. Quel lâche ! Il n’avait même pas le courage de l’affronter en face. Il fuyait, conscient de sa petitesse. Elle lui laissa un message incendiaire fait d’un agglomérat de jurons et de questions. Comment avait-elle pu aimer un

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homme à ce point, et se tromper autant ? Elle croyait le connaître mais il n’en était rien. Quel fourbe, quel comédien ! Ha ! Il l’avait bien bernée avec ses mots doux et ses bouquets de fleurs. Il trouvait mille prétextes pour la surprendre et la ravir. Sans parler de l’intimité de leurs nuits remplies de tendresse et de fougue. Sept ans d’une vie d’abord partagée entre leurs deux appartements, puis depuis cinq ans sous le même toit. Il l’avait rejointe dans son loft d’architecte où elle aimait à travailler tard le soir sur ses projets. Lui aussi était un oiseau de nuit, jouant du saxo dans un groupe de Jazz. Ils s’étaient rencontrés lors d’un de ses concerts. Elle avait été séduite par son inventivité musicale et sa vision passionnée de son art. Elle l’écoutait pendant des heures parler des Grands du Jazz, des différents courants, des nouvelles tendances. Lui, avait littéralement plongé dans ses yeux verts et son sourire discret. Cela avait toujours été son meilleur atout auprès des hommes. Là, c’était différent. Elle avait tout de suite perçu qu’ils ressentaient la même chose, une sorte de coup de foudre subtil. Mais ça c’était au début. Quel pourri ! Lui avoir laisser croire que tout restait comme avant alors qu’il avait une maîtresse. D’ailleurs, peut-être que cela durait depuis longtemps ? Partir avec quelqu’un, cela veut dire que beaucoup. À moins qu’il soit tombé amoureux récemment. Était-ce pour cela qu’elle n’avait rien vu venir ? Bien sûr, elle s’était aperçu depuis quelques mois qu’il était parfois absent,