vers une nouvelle période de l'accès public

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Document réalisé dans le cadre de la démarche d’Observation de la société de l’information en région Provence-Alpes-Côte d’Azur VERS UNE NOUVELLE PERIODE DE L’ACCES PUBLIC A INTERNET ? L’ObTIC Médiation et Centre de Ressources Numérique

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Enseignements tirés par le Lassa sur une enquête quantitative et qualitative sur le réseau des ERIC (Espaces Régional Internet Citoyen) en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Réalisé dans le cadre de la démarche d'Observation des Territoires en région PACA

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Page 1: Vers une nouvelle période de l'accès public

Document réalisé dans le cadre de la démarche d’Observation de la société de l’information en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

VERS UNE NOUVELLE PERIODE DE L’ACCES PUBLIC A INTERNET ?

L’ObTICMédiation et Centre de Ressources Numérique

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Introduction 4

Partie 1 - Les CDN au Prisme De La méDiatioN Numérique 8

• Devenir CDN : un lien fort avec l’animation, une responsabilité accrue 11• Un métier complexe, une pluriactivité parfois stressante 13• Six activités au cœur du métier de la « médiation numérique » 14

• Etre CDN : deux figures-types, une pluralité d’arbitrages 16

• CDN, ERIC et enjeux de développement territorial 18

Partie 2 - Des eriC aux CeNtres De ressourCes Numériques 21

• Comment les ERIC font-ils aujourd’hui ressources sur le territoire régional ? 22• Comment les ERIC pourraient-ils faire ressources à l’avenir ? 29

Conclusion 36Bibliographie 40Webographie 41Actualités du réseau 42

MédIaTION eT CeNTRe de RessOuRCes NuMéRIqueVers une nouvelle période de l’accès public à Internet ?

Réalisation dans le cadre de la démarche d’Observation

de la société de l’information en région Provence-Alpes-

Côte d’Azur (année 2012/2013)

Direction : Hervé Rannou

Édition : Items International (www.items.fr)

Rédacteurs : Fabien Labarthe, Elisabeth Brun-Hurtado du

LaSSA (Laboratoire de Sciences Sociales Appliquées)

En partenariat avec : Natacha Crimier (région Provence-

Alpes-Côte d’Azur), Stéphane Delahaye (Arsenic), Pierre

Orsatelli (Items) , Jézabel Roullée (Items),

Conception graphique : Péricard Conseil

Impression : Editions du Fournel

L’ObTIC est un projet piloté par le Conseil Régional Pro-

vence-Alpes-Côte d’Azur avec le soutien de la Préfec-

ture de Région, cofinancé dans le cadre du volet TIC du

Contrat de projet Etat-Région 2007-2013 ; il est réali-

sé, animé et administré avec l’appui opérationnel d’Items

International.

Suivez l’actualité de L’ObTIC sur

www.emergences-numeriques.regionpaca.fr

sOMMaIRe

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4 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

La première période (1992-1997), que l’on pourrait qualifier

de « militante », se caractérise par l’émergence d’initiatives très localisées, et le

plus souvent confidentielles, visant à promouvoir une conception libertaire de l’infor-

matique connectée, ce que subsume notamment le concept états-unien de Cyber-

CAFE, dont l’acronyme signifiait initialement Common Access For Everybody (libre

accès pour tous). C’est ainsi qu’à Marseille ont pu voir le jour des lieux précur-

seurs tels que le cybercafé Hors limite, mais surtout le Cyb.estami.net, installé dès

1992 dans l’enceinte de la Friche la Belle de Mai et qualifié alors de « premier

cybercafé de France ». À la même période, d’autres initiatives de ce type étaient

cependant en train d’émerger sur différents territoires, dont certaines se ver-

ront institutionnalisées durant la période suivante (par exemple, le Florida à Agen,

l’Espace Mendès France à Poitiers).

La deuxième période (1997-2001), que l’on pourrait donc dire

« instituante », est impulsée par le Programme d’Action Gouvernementale pour la

Société de l’Information (PAGSI), dont le nouveau Premier ministre de l’époque, Lionel

Jospin, fait l’annonce en août 1997 à Hourtin, au cours de la 18ème Université d’été

de la communication. Suite à cette annonce, partout en France, de nombreux lieux

culturels et autres centres sociaux ou socioculturels s’équipent en ordinateurs et en

connexion à Internet dans l’objectif de « lutter contre la fracture numérique ». Des ani-

mateurs multimédias accompagnent les usagers dans la découverte et l’appropriation

des Technologies de l’Information et de la Communication. Il s’agit dès lors de veiller à

ce que la diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ne

conduise pas à la création d’un nouveau clivage entre les individus ayant accès à ces

outils et ceux qui en demeurent éloignés, en raison de disparités culturelles, sociales,

économiques, territoriales, ou encore générationnelles. Ces équipements sont encou-

ragés dans cette mission par la promulgation des « emplois jeunes » et par une pro-

lifération de programmes nationaux qui constituent autant de sources potentielles de

subvention et dont on peut citer, parmi les plus connus : les Espace Culture Multimédia

(ECM) du ministère de la Culture et de la Communication, les Pointcyb du ministère de

la Jeunesse et des Sports, les Cyber-bases de la Caisse des dépôts et consignations,

ou encore les Cyber-postes de La Poste.

La troisième période (2001-2006), que nous qualifierons volon-

tiers de « fluctuante », s’inscrit dans le mouvement général de libéralisation des ser-

vices publics et, par voie de conséquence, du désinvestissement progressif de l’Etat

dans le financement de ces dispositifs. On assiste alors à une reprise en main par-

tielle de ce secteur par les collectivités locales et territoriales, parallèlement au sou-

tien croissant que ces dernières accordent désormais à l’action sociale et culturelle.

Ainsi, durant cette période, de nouveaux programmes voient le jour tels que les

Cyber-centres de la ville de Strasbourg, les PAPI (points d’accès à Internet) de la ville

de Brest, les S@TI (Services et Animations par les Technologies de l’Information) du

département de la Côte d’Or, les Cyber-communes de la Région Bretagne, et bien sûr

les ERIC (Espace Régional Internet Citoyen) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur,

qui nous intéressent plus particulièrement ici.

INTROduCTIONEn se référant aux trois pôles qui constituent le « paradigme informationnel » identifié par Philippe Breton et Serge Proulx, à savoir le libertaire, le régalien et le libéral (2006 :

325), nous proposons de distinguer quatre périodes au cours de la récente histoire des espaces publics d’accès à Internet en France.

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La quatrième période, toujours en cours, se

trouve être caractérisée par la perte de souffle, sinon de

sens, du thème mobilisateur de « lutte contre la fracture

numérique ». Des voix se font en effet entendre pour souli-

gner l’inanité des espaces publics numériques en raison de

la résorption de ladite fracture, et en appellent à une délé-

gation pure et simple au domaine marchand. Les partisans

de l’accès public à Internet répondent par la nécessité de la

pérennisation de ces initiatives, précisément parce que la

fracture numérique garde selon eux toute son actualité du

fait de sa nature plurielle et protéiforme. D’ailleurs, ils parlent

dorénavant plutôt de fractures « d’usage » ou « de deuxième

degré », dues notamment à l’avènement du Web 2.0. Une

telle controverse, on le voit, est circulaire et les positions, de

principe, ne semblent guère pouvoir se rencontrer. Toujours

est-il que le mouvement actuel est bien celui d’une remise

à plat et d’une interrogation générale sur le devenir de ces

lieux, y compris de la part de leurs protagonistes, comme en

témoignent notamment les débats portant sur la « médiation

numérique ».

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C’est dans ce contexte que la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, au travers de son

Service Innovation et Economie Numériques (SIEN) en charge du programme ERIC, a

souhaité renforcer les capacités d’ingénierie de ces espaces afin de permettre à ces

derniers de consolider leurs activités et de diversifier leurs financements. A cette fin,

dès 2004, le Conseil Régional a proposé, dans le cadre du Plan Régional pour l’Em-

ploi, la création de postes de chargés de développement numérique (CDN), dispositif

aujourd’hui poursuivi dans le cadre du Contrat Régional pour l’Emploi et une Économie

Responsable (CREER).

Depuis 2005, plusieurs appels à candidatures lancés régulièrement auprès du réseau

des ERIC ont permis le soutien à la création de plus d’une trentaine de CDN sur l’en-

semble du territoire régional. A la différence des animateurs multimédia, dont les mis-

sions consistent en l’animation et l’initiation des usagers aux outils numériques (nous

y reviendrons infra), les CDN ont pour mission le montage et la conduite de projets

partenariaux utilisant les TIC, menés en cohérence avec des usagers, mais également

avec des collectivités, des associations et des entreprises, dans le cadre d’une straté-

gie de développement territorial. Ils établissent ainsi des partenariats opérationnels et

financiers pouvant s’intégrer notamment dans les champs de compétences adminis-

tratives de la Région et des collectivités locales dont ils dépendent (culture, insertion,

éducation, formation tout au long de la vie, emploi, économie sociale et solidaire, déve-

loppement durable, etc.).

Conformément au tournant libéral évoqué plus haut, la pérennisation des activités des

ERIC est le principal objectif recherché, avec l’autofinancement à terme de ces postes

par les structures employeuses. Il convient dès lors de faire dépasser à ces structures

leur statut de lieu d’accueil ou d’apprentissage pour devenir de véritables « centres

locaux de ressources numériques ».

Dans quelle mesure les ERIC sont-ils susceptibles d’élargir leur mission initiale

de « lutte contre la fracture numérique » pour devenir des accompagnateurs,

sinon des acteurs, des dynamiques territoriales ?

C’est pour tenter de le comprendre que nous avons conduit, dans le cadre de la

démarche d’observation de la société régionale de l’information (OBTIC), une enquête

qualitative par entretiens portant sur le parcours de huit animateurs multimédia, au-

jourd’hui devenus chargés de développement numérique (cf. volet 2 « enquête quali »).

Nous sommes partis de l’hypothèse selon laquelle ces trajectoires socioprofession-

nelles d’animateurs/CDN pouvaient permettre de mieux préciser ce que recouvrent,

au sein du réseau régional des ERIC, les fonctions de ce qu’il est dorénavant convenu

d’appeler la « médiation numérique ».

Il s’agira par conséquent dans un premier temps de mieux comprendre ce que signi-

fie l’expression « médiation numérique », qui est aujourd’hui au principe des espaces

publics numériques.

Dans un second temps, nous avons porté notre regard sur cinq ERIC en région, pré-

sélectionnés en vertu de leurs différents registres d’intervention sur leur territoire

d’implantation.

A travers l’établissement de monographies (cf. volet 2 « enquête quali »), il s’agira cette

fois de comprendre en quoi ces ERIC font effectivement ressources pour les acteurs

locaux de leur écosystème, et de quels possibles ces structures sont porteuses.

C’est sur la base de ce double questionnement que repose l’analyse qui suit.

ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

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8 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

«  Le passage officiel d’animateur à CDN a finalement été une formalité. Comme c’est venu à un moment où je validais de nouvelles activités, je n’ai pas trop fait attention à l’intitulé CDN. Mais c’est vrai que ça m’a motivé, c’était une reconnaissance qui m’a permis un regain d’énergie ».

(Fabien, ZINC, Marseille)

« Pour ma part, j’avais peut-être le sentiment d’avoir fait le tour en 2-3 ans sur le poste d’animateur multimédia entre 2003-2004. Et donc, j’avais une réelle volonté de partir de ce poste-là, avec une vraie envie d’aller sur autre chose : l’encadrement et le montage de projets. C’est donc une volonté d’avoir des projets, tout en restant dans l’accompagnement du grand public dans les usages des TIC ».

(Florian, COPAVO, Pays Vaison Ventoux)

« Quand j’étais animateur je faisais un peu ce qu’on me disait : «tiens j’ai mis en place des formations informatiques, c’est toi qui va les dispenser», mais j’étais pas à la source même de l’idée du projet. Tandis qu’en tant que CDN, ce sont mes initiatives, mes idées que je mets en oeuvre. La différence est là, à un moment je fais ce qu’on me dit, à un autre moment je fais ce que j’ai envie de faire ».

(Olivier, Logis des jeunes, Cannes)

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I l ressort clairement de notre enquête que le statut de CDN a répondu à une aspiration profes-

sionnelle de la part des anciens animateurs multimédia que nous avons rencontrés. En effet,

les CDN interviewés ont tous mentionné que ce changement de statut au cours de leur carrière

d’animateur avait été vécu comme une sorte de reconnaissance institutionnelle de leurs activités

réelles au sein de leur organisation.

Il faut dire que les actions menées à destination des publics sont généralement peu identifiables et donc

peu publicisables sur d’autres scènes sociales. De fait, à la différence d’un projet que l’on conçoit et que

l’on peut montrer une fois réalisé, le travail de l’animation n’a véritablement ni début ni fin, et il est difficile

d’en exposer la teneur et les « résultats ». Il s’en suit le plus souvent, après de nombreuses années pas-

sées auprès des publics, une forme de lassitude.

En ce sens, la mise en place du statut de CDN par le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur a contri-

bué à résoudre, au moins partiellement, la tension inhérente à la double mission d’animation des publics et

de conception de contenu, projet numérique qui incombait déjà aux animateurs multimédia. De fait, cette

dualité n’est pas nouvelle : Philippe Urfalino (2004) a montré par exemple que les animateurs du théâtre

populaire, à la sortie de mai 68, se sont trouvés confrontés à une injonction contradictoire du même type -

démocratiser l’accès à la culture, en même temps qu’innover artistiquement. Toujours est-il qu’en séparant

formellement les fonctions de l’animateur de celles du concepteur, le statut de CDN a dans le même temps

mis en lumière une division du travail qui ne disait pas nécessairement son nom au sein des ERIC.

Si, comme l’indique Olivier, l’une des différences entre animateurs et CDN peut résider dans la liberté

d’action dont disposent les seconds par rapport aux premiers, il ne faudrait cependant pas laisser penser

que les animateurs seraient devenus aujourd’hui les exécutants des CDN.

Les CDN au prIsme De La méDIatIoN NumérIque

paRTIe I

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10 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

«  Je suis sur un poste qui a énormément changé depuis mon arrivée. De 2007 à 2012, je suis passé de l’animation d’ateliers au développement de projets de coopération qui consistent moins en de l’animation, et plus sur de la préparation, du travail d’anticipation. Après, même si c’est vrai qu’il y a moins d’animation et d’ateliers, ça n’empêche pas que lors de mes déplacements à l’étranger - en Egypte, par exemple - je me retrouve avec plaisir dans un poste d’animateur. Je développe en tant que CDN, mais je rebascule animateur pour la réalisation sur le terrain ».

(Fabien, ZINC, Marseille)

« En fait, il n’y a pas de grosses différences, si ce n’est que le CDN, il a surtout plus de responsabilité sur les projets. Cela dit, l’animateur ici travaille sur tout, on a un poste assez complet. Chaque semaine, il y a une partie sur la création du site web, la formation des équipes, une partie administrative de fonctionnement interne - bilan, projets, etc. surtout en cette fin d’année. Une autre partie est aussi consacrée, puisqu’on est EOEP1 et ERIC, à l’accueil du public et je tiens à être là moi-aussi ».

(Arnaud, Portail des savoirs, Fuveau)

« Les animateurs, je connais parfaitement leur quotidien. Les difficultés qu’ils ont, je les ai déjà rencontrées la plupart du temps. J’arrive mieux à comprendre leurs difficultés ou leurs revendications. Par exemple, quand ils me disent «j’ai besoin de temps pour préparer un atelier», on sait très bien ce que ça veut dire et on a une autre écoute. C’est bien d’être passé par là pour mieux comprendre le personnel ».

(Florian, COPAVO, Pays Vaison Ventoux)

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D’abord, les CDN que nous avons rencon-

trés, du fait de leurs parcours antérieurs

en tant qu’animateurs, gardent en haute

estime les activités associées au public,

qu’ils considèrent toujours - même en tant que CDN -

comme étant leur « coeur de métier ».

Comme l’illustre en particulier le cas de Fabien, les CDN

peuvent non seulement concevoir des projets d’ateliers,

mais il arrive aussi qu’ils participent directement à leur

animation auprès des publics. Inversement, et même si

dans le cadre de cette enquête nous n’avons pas direc-

tement interrogé des animateurs à proprement parler,

il y a fort à parier que ces derniers co-construisent les

dispositifs de médiation avec les CDN, au moins pour ce

qui concerne la réalisation des contenus.

Comme le précise à nouveau Fabien, « je suis dans une

forme d’accompagnement auprès de mes collègues,

notamment l’animatrice. Mais je ne suis le supérieur

de personne et je ne suis pas vraiment sous les ordres

de quelqu’un ». De fait, à l’instar du ZINC de la Friche

la Belle de Mai dont il est question ici, la plupart des

ERIC sont des structures dont l’organisation est « hori-

zontale », plutôt que « verticale », et dans lesquelles les

rapports hiérarchiques sont moins prégnants (ce qui ne

signifie pas qu’ils n’existent pas).

Les CDN rencontrés soulignent ainsi pour la plupart le

continuum qui existe entre les deux fonctions (« il fallait

que je sois animateur pour devenir CDN », précisera par

exemple Olivier), en indiquant en quoi l’exercice de l’une

est complémentaire de l’autre.

Ainsi, toutes les personnes chargées de développement

numérique que nous avons interrogées affirment dans

le même temps la satisfaction d’une prise de respon-

sabilité accrue, relativement à leur fonction antérieure

d’animateur, et l’intérêt d’un parcours ancré dans l’ani-

mation. Cette expérience d’animateur a une double inci-

dence cruciale : à la fois en ce qui concerne la dimension

« projet » du métier de CDN, que l’on pensera en étroite

relation avec ses conditions de réalisation auprès des

publics, et en ce qui a trait à l’organisation du travail,

les CDN ne considérant pas que leur position soit hiérar-

chiquement supérieure à celle des animateurs, et favo-

risant de ce fait des processus décisionnaires de type

circulaire et collaboratif.

Devenir CDN : un lien fort avec l’animation, une responsabilité accrue.

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« Mon métier est tellement complexe qu’il est impossible de l’expliquer. D’autant qu’il a énormément évolué en 5 ans […]. Du coup, je n’aime pas rentrer dans les détails quand je me présente, parce que c’est compliqué, c’est tellement vaste : faire de la gestion de réseau, de service, de projet. Tout ça se mélange même parfois dans ma tête. J’ai très souvent besoin de me recadrer et de faire le point pour voir où j’en suis […] ».

(Olivier, Logis des jeunes, Cannes)

« Je fais tout, quoi ! Je fais de l’animation, de la formation, je monte des projets, je fais des demandes de subvention, j’accompagne des porteurs de projets […], je fais de la maintenance informatique. Bref, tout repose sur moi et après j’essaie de déléguer. Alors on est une équipe, on en parle, mais c’est quand même moi qui est responsable de l’espace numérique, qui pointe les problèmes et trouve les solutions ».

(Tania, Le Hublot, Nice)

« Comme je le disais, mon poste a glissé de l’animation multimédia au développement de projets. A un moment donné, j’étais dans une situation inconfortable, un grand écart entre l’animation de terrain et le développement de projet. On ne peut pas se concentrer sur le développement d’un projet et en assurer sa coordination sur le terrain avec les personnes ».

(Fabien, ZINC, Marseille)

« C’est parfois compliqué en termes de charge de travail. En effet, en même temps qu’on développe, on se charge des équipes, on accueille des publics, on rend des comptes, etc. C’est difficile d’être coordinateur et développeur de projet. J’essaie de mener les deux de front. Dans certaines structures les développeurs de projets ne font que ça ».

(Angelo, MODE 83, Draguignan)

ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

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on le pressent dans les descriptions qui pré-

cèdent : le métier de CDN se caractérise

par sa polyvalence. Non seulement ses

missions sont en tant que telle plurielles,

mais la taille des structures et le contexte administra-

tif des ERIC, qui s’accompagnent le plus souvent d’une

pénurie en termes de ressources humaines, favorisent

la diversité des activités, sans qu’il soit toujours facile

d’en démêler les fils.

La polyvalence constitue ainsi le maître mot chez les

CDN que nous avons interrogés. Aussi, n’est-il pas rare

que ces derniers développent et articulent des activités

qui relèvent à la fois des fonctions d’animateur et de

CDN, voire d’autres champs de compétences – comme

celles du technicien réseau ou de la maintenance infor-

matique - chacun qualifiant et organisant différemment

cette multitude de tâches - nous y reviendrons plus loin.

Si ce caractère hétérogène des activités du CDN a été

présenté comme enrichissant, il génère aussi potentiel-

lement des formes de stress, en raison de la difficulté de

faire tenir ensemble, d’assumer en même temps cette

pluralité des missions et des places.

Qu’il s’agisse de l’articulation animation auprès des

publics / développement de projets, ou de celle asso-

ciant la coordination d’équipe et la réalisation de pro-

jets à cette dernière fonction, les CDN insistent sur le

caractère « usant » de cette posture multitâche. Cer-

tainement faut-il dès lors penser les conditions dans les-

quelles cette fonction peut s’avérer tenable et gratifiante

sur le long terme.

Mais ce constat conduit également à souligner la ma-

nière dont chacune des personnes rencontrées invente

son métier. Pour étayer cette idée, nous allons à présent

construire une typologie des différentes activités précé-

demment évoquées. Ainsi ressaisies et qualifiées, elles

nous permettront de proposer une relecture des acti-

vités assumées par les huit CDN rencontrés, dont on

verra qu’ils arbitrent différemment entre cette pluralité

de missions et construisent ainsi plusieurs « styles » de

CDN, tous singuliers.

Elle nous permettra également de soutenir l’idée selon

laquelle la médiation numérique se situe aujourd’hui,

empiriquement, au carrefour de la coordination et du

développement de projet.

un métier complexe, une pluriactivité parfois stressante.

Page 14: Vers une nouvelle période de l'accès public

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Dans le tableau ci-contre sont répertoriées

les trois fonctions respectives de l’anima-

teur multimédia et du chargé de dévelop-

pement numérique, telles que nous les

avons identifiées au cours de l’enquête, et dont nous

faisons l’hypothèse que la totalité constitue l’ensemble

des pôles d’activité de la médiation numérique.

Il est à noter qu’au-delà des 6 activités identifiées, il

existe tout un halo de compétences et d’expertises, à

la fois transverses et disparates, dont la particularité

est d’avoir été acquises dans et par l’expérience, et qui

s’avèrent par conséquent difficilement formalisables.

Bien qu’elles soient le plus souvent non explicitées, ce

sont pourtant ces connaissances tacites relatives à une

catégorie spécifique du public (comme c’est le cas pour

Martine) ou à la mise en place d’un dispositif technique

particulier (comme c’est le cas pour Olivier) qui donnent

du relief aux différents profils, et qui expliquent en par-

tie que les diverses activités ne soient pas investies

avec la même intensité, ni n’aboutissent aux mêmes

niveaux de compétences.

ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

six activités au coeur du métier de la « médiation numérique »

(1) Animation

(2) Initiation

(3) Formation

(4) Conception

(5) Coopération

(6) Innovation

Tableau 1 : Fonctions et activités de la médiation

numérique au sein du réseau des ERIC

Source : Enquête de terrain 2012

Animateur multimédia CDN

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(1) animationL’animation est la première des fonctions du médiateur numérique. Nous retenons ici ce terme dans sa définition minimale, en ce qu’il désigne avant tout la dimension « humaine », comme le dit Martine (Arborescence, Marseille) au cours de l’entretien. «  L’animateur multimédia, on sait qu’il a besoin de connaissances techniques, je suis d’accord. Mais il doit surtout animer un groupe, avec des individus qui sont parfois très différents ». Ainsi, l’animation se divise en deux tâches essentielles  : l’accueil du public, c’est-à-dire sa réception et son installation devant un poste informatique ; et l’animation du groupe, c’est-à-dire la prescription des règles de fonctionnement de l’ERIC à partir desquelles il devient possible de réguler les comportements et d’impulser des dynamiques collectives.

(2) Initiation L’initiation a pour sa part directement partie liée avec la compétence « technique » de l’animateur multimédia, mentionnée plus haut. Elle désigne l’aide qu’apporte l’animateur à l’usager dans l’appropriation gestuelle et cognitive des outils numériques. Cette aide consiste, d’une part, à indiquer les notions de base des différentes interfaces et, d’autre part, à intervenir en cas de problème survenu au cours d’une manipulation. Il faut souligner ici que la fonction d’initiation relève le plus souvent d’une méthode élaborée empiriquement par l’animateur, qui procède généralement par «  monstration commentée  » des procédures à suivre, sans que ne soit nécessaire le recours à un mode d’emploi formalisé.

(3) Formation La formation, à la différence de l’initiation, est sous-tendue par une véritable réflexion pédagogique. Comme l’indiquent Pouts-Lajus et Tiévant, «  elle suppose une durée, un contenu, des principes de progression, des objectifs formels et une évaluation qui sont, en partie au moins, indépendants de l’élève  » (1999). Nous rajoutons que la formation doit être orientée vers une acquisition de connaissances certifiées par un organisme agréé.

(4) Conception La conception vise d’une part la production de contenus multimédia et touche, d’autre part, à l’élaboration - avec ou à destination d’un public - d’un projet numérique à vocation artistique, culturelle ou sociale. En ce sens, la conception peut être le produit d’une animation de groupe en interne ou bien d’une coordination d’équipe avec des partenaires extérieurs (collectivités locales, structures associatives, autres acteurs publics…).

(5) Coopération La coopération, nécessairement en lien avec la conception, touche cependant davantage à l’ingénierie de partenariats adaptés à des actions ou des publics particuliers, à travers notamment la mobilisation des acteurs organisationnels ou institutionnels de tels ou tels secteurs d’activités ciblés (éducation, développement durable, écologie, etc.).

(6) Innovation L’innovation, enfin, est la sixième fonction du médiateur numérique. Elle consiste à apporter une aide aux acteurs publics ou privés qui composent l’«  écosystème  » d’un ERIC, dans le but de favoriser la production de valeur sociale ou économique dans son territoire d’implantation. Elle est sans doute la plus transversale, mais aussi la plus sujette à controverse, à la fois parce qu’elle touche à l’ensemble des activités du médiateur numérique que nous venons de détailler et parce qu’elle déborde du cadre initial fixé par le domaine de l’accès public à Internet.

« Moi, je ne viens pas du métier de l’animation. Je l’ai découvert au fur et à mesure, que ce soit avec des enfants, des adultes, des séniors et dans différents contextes. Et d’autant plus en arrivant dans ce quartier. Là, on est confronté à toutes sortes de cultures, toutes sortes de situations, quelquefois même très difficiles. C’était un défi de découvrir tout ça et de tenir le coup. C’est ça que j’ai appris tout au long de ces dernières années ».

(Martine, Arborescence, Marseille)

« Une des spécificités des CDN, je pense, c’est l’auto-formation. Moi, j’apprends seul. […] Quand j’ai commencé ici, le Foyer des Jeunes Travailleurs avait une technicienne réseau qui venait de démissionner et qui avait acheté un serveur professionnel auquel je ne connaissais absolument rien. Ça a été 6 mois de travail mais maintenant il fonctionne à merveille depuis 5 ans. […] C’est aussi ça que j’aime dans ce métier-là ».

(Olivier, Logis des jeunes, Cannes)

Page 16: Vers une nouvelle période de l'accès public

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si les six activités génériques du médiateur numé-

rique que nous venons de détailler se retrouvent

bien dans l’ensemble des huit portraits d’anima-

teurs/CDN que nous avons retracés (cf. volet

2 « enquête quali »), ces derniers ne les investissent pas

tous de la même manière.

Pour permettre une lecture plus aisée de cette diversité

constitutive du métier de CDN et, partant, de la média-

tion numérique, nous proposons deux outils d’analyse :

d’une part une classification en deux figures-types, selon

que dominent des activités relevant de la coordination de

groupe (animation, initiation, formation) ou du dévelop-

pement de projet (conception, coopération, innovation).

Nous retrouvons ici une forme de polarisation similaire à

celle qu’identifient Nicolas Aubouin, Frédéric Kletz et Oli-

vier Lenay (2010), qui proposent de distinguer deux pôles

au sein des diverses configurations professionnelles des

métiers de la médiation culturelle, à l’extrémité desquels

se trouvent les animateurs d’une part et les concepteurs

d’autre part. Si les premiers sont chargés de réaliser,

d’un point de vue opérationnel, des actions de médiation

dite « face au public », les seconds, quant à eux, sont

chargés de les concevoir, d’un point de vue organisa-

tionnel et logistique. Or nous allons voir que si les CDN

intégrés dans un ERIC sont supposés ne pas consacrer

plus de 25 % de leur temps de travail total à l’animation

multimédia à proprement parler (activités de préparation

de séances incluses), en réalité les deux pôles d’activités

se déploient sur des échelles et des temporalités très va-

riables. Le second outil consiste en une cartographie de

cette pluriactivité, schématisée à l’aide de diagrammes.

Ces diagrammes, construits sur la base de l’analyse des

entretiens effectués, restituent la distribution des activi-

tés de chacun des CDN, selon une gradation allant de

1 à 6, matérialisant l’investissement dans chacune des

tâches précédemment répertoriées et dessinant une

large gamme de profils de médiateurs numériques, que

l’on peut donc classer dans les deux grandes catégories

polarisées précédemment citées.

Comme le montre la modélisation en « radar » des diffé-

rentes activités investies par les CDN, derrière la figure

du médiateur numérique se cache en réalité une large

gamme de profils. Ce différentiel d’engagement dans les

activités de la médiation numérique varie selon une plu-

ralité de paramètres : la singularité des parcours de vie

et des trajectoires socioprofessionnelles, la spécificité

de la structure des ERIC et des ressources numériques

que celui-ci met à disposition, les types de publics qui le

fréquentent, sa dynamique propre, enfin, ce que chaque

animateur/CDN souhaite et est en mesure d’impulser,

à l’intérieur des marges de manoeuvre dont il dispose. Il

faut enfin souligner qu’outre l’appétence pour l’animation

exprimée par un certain nombre de CDN et évoquée su-

pra, certains sont également contraints d’assumer une

large part d’animation au sein de leur structure pour

combler le déficit de ressources humaines disponibles

et seconder des animateurs qui ne peuvent faire face à

l’ensemble des tâches qu’ils ont à assumer.

etre CDN : deux figures-types, une pluralité d’arbitrages.

ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

Page 17: Vers une nouvelle période de l'accès public

17 ( Chiffre )= aCtivité > (1) AnImAtIon (2) InItIAtIon (3) FormAtIon (4) ConCeptIon (5) CoopérAtIon (6) InnovAtIon

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(6)

médiateurs numériques à dominante « coordination » médiateurs numériques à dominante « développement »

Martine

Tania

Olivier

Yann

Arnaud

FlorianAngelo

Fabien

Page 18: Vers une nouvelle période de l'accès public

18 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

La notion de « médiation numérique » est en

passe de devenir le nouveau référent pour

l’ensemble des acteurs de l’accès public à Inter-

net. S’il s’agit par cette nouvelle terminologie de

convaincre, encore et toujours, de l’utilité publique et de

la plus-value sociale générées par ce secteur d’activités2,

il s’agit également de « contribuer à construire une identi-

té professionnelle pour les personnes chargées d’accom-

pagner les usages des technologies, services et médias

numériques » (association Créatif, 2012 : 10). La mise

en place du statut de Chargé de développement numé-

rique par le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur

pose incontestablement une première pierre à cet édi-

fice. Pour autant, pour que ce processus de profession-

nalisation puisse véritablement prendre son envol, il reste

encore à mieux préciser les répertoires de compétences

de la médiation numérique – ce à quoi, précisément, en-

tend modestement contribuer la présente enquête -, afin

que soit mieux définie, et reconnue, la place qu’occupe ce

champ d’action au sein des organisations qui hébergent

ou gèrent un ERIC.

Comme on l’a vu, le périmètre d’intervention des char-

gés de développement numérique dépasse largement le

domaine de l’accès public à Internet, ce qui ne va pas

sans soulever des interrogations quant à l’évolution des

ERIC. En effet, en migrant peu à peu du domaine de

l’action culturelle et sociale, d’où est issu le secteur de

l’accès public à Internet, à celui de l’action territoriale,

dans lequel la médiation numérique prend aujourd’hui

corps, de nouvelles missions en termes de ressources

numériques à apporter aux acteurs qui vivent sur son

même territoire d’implantation se font jour.

Quelles sont les conditions de possibilité pour que les

CDN puissent pleinement assumer ce rôle de média-

teur numérique ? Comment assurer la pérennité de

ces dispositifs et de ces métiers ? Quels sont les dis-

positifs de formation à envisager afin que ces profes-

sionnels de la pluriactivité puissent pleinement remplir

leurs missions de développement de projets numé-

riques ? Est-il souhaitable, ou non, de conserver une

part d’animation ?

CDN, erIC et enjeux de développement territorial.

2 Nous renvoyons en particulier aux rapports dirigés par Serge Pouts-Lajus pour le compte du ministère de la Culture (1999, 2000). On pourra éga-lement consulter les ouvrages de Fabien Labarthe (2013), de Pascal Plantard, Mickaël Le Mentec et Marianne Trainoir (2011) et de Michel Arnaud et Jacques Perriault (2002).

Page 19: Vers une nouvelle période de l'accès public

19

Telles sont les questions auxquelles ouvre cette première

partie, et qu’il conviendrait de travailler conjointement

avec les concernés.

Un autre champ de questionnement concerne à présent

le dispositif des ERIC dans son ensemble. Dans quelle

mesure les ERIC sont-ils susceptibles d’accompagner

l’émergence de « territoires créatifs » (Godet, 2010) en

région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de se muer, eux-

mêmes, en lieux où s’épanouissent la créativité et l’inno-

vation ? Comment peuvent-ils élargir leur mission initiale

de lutte contre la fracture numérique pour devenir des

accompagnateurs des dynamiques territoriales, de véri-

tables centres de ressources numériques ?

La partie suivante aura pour objet un bref état des lieux

des partenariats existant au sein des cinq ERIC enquêtés

(cf. volet 2 « enquête quali »), et de proposer quelques

pistes prospectives à ce propos.

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20 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

« On voit que le taux d’équipement a explosé sur notre territoire. Du coup, on a une demande d’usages numériques plutôt que de la simple initiation. On nous demande de la recherche sur Internet, rester en contact avec ses proches, etc. La demande évolue. Maintenant, ma grande question est quelle sera la place des smartphones ou de la tablette dans les pratiques ? Y aura-t-il besoin d’accompagnement autour de ces outils ? Y aura-t-il de nouveaux usages ? »

(Florian, COPAVO, Pays Vaison Ventoux)

Page 21: Vers une nouvelle période de l'accès public

21

des eRIC aux CeNTRes de RessOuRCes NuMéRIques

Comment les ERIC peuvent-ils non seulement s’adapter aux

changements de technologies numériques (smartphone,

tablettes…), mais également supporter, voire même

impulser de nouveaux usages (militantisme, créativité,

Do it yourself…) ? Telles sont les questions auxquelles nous allons

ici tenter de répondre, non pas définitivement, mais en proposant

quelques pistes sur différents scénarii possibles d’évolution, sinon

de mutation, que pourraient – et que devraient peut-être – connaître

les ERIC. Pour ce faire, nous proposons de commencer par dres-

ser un bref état des lieux de la manière dont les ERIC enquêtés ont

aujourd’hui construit des partenariats, qui préfigurent ces développe-

ments potentiels à venir.

paRTIe II

Page 22: Vers une nouvelle période de l'accès public

22 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

en premier lieu, il ressort de l’enquête que les

ERIC sont des espaces qui se positionnent non

seulement en tant que « relais de services pu-

blics » (pour ce qui concerne en particulier les

ERIC ruraux, tel que « Cépage »), mais aussi et surtout en

tant que producteurs d’un « web local ». De nombreuses

plateformes numériques sont en effet d’ores et déjà dé-

veloppées au sein des ERIC pour donner corps et visibilité

en ligne à une grande diversité d’initiatives locales.

Par exemple, l’ERIC René Char a mis en place le site

Internet [http://www.sortiradigne.fr], qui rend compte

des événements programmés au sein du centre cultu-

rel dans lequel il est implanté ou qui se déroulent plus

largement dans la ville de Digne-les-Bains et ses alen-

tours. De la même manière, l’ERIC de la cité Berthe

entretient le lien avec les habitants de la Seyne-sur-mer

par l’intermédiaire du site [http://www.laseynesurweb.

com], qui fait à la fois office de magazine en ligne et de

plateforme e-services. Les habitants peuvent y trouver

des guides généraux sur le transport, le logement, la

santé ou les services sociaux dans la ville. Ils peuvent

également accéder à des contenus spécifiques, en fonc-

tion de leur situation personnelle (retraité, demandeur

d’emploi, jeune, parent isolé, etc.). Enfin, toujours dans

cette logique, à Pertuis, le Portail des savoirs a réalisé

un site web interactif intitulé « La Rose des Vents. Guide

du routard citoyen » [http://rosedesvents.leportaildes-

savoirs.asso.fr], dont l’objectif est de cartographier les

associations et les administrations du territoire. Cet

outil multimédia permet ainsi aux habitants de Pertuis,

du Sud Luberon et du nord du Pays d’Aix, de simplifier

leur quotidien, en localisant rapidement les services de

proximité dont ils ont besoin.

Au regard de l’enquête menée, il est apparu un besoin

important de véritables compétences en matière de dé-

veloppement territorial permettant d’initier de nouveaux

projets collaboratifs. Dans certains cas, on constate que

les CDN déjà en place n’ont pas toujours été formés

(ni même recrutés) pour cela. Nous avons toutefois pu

constater, pour chacun des ERIC observés, l’existence

d’un ancrage partenarial plutôt conséquent, bien qu’iné-

gal, sur leur territoire d’implantation, en rapport avec le

développement de projets croisant des besoins locaux et

des politiques régionales (emploi, solidarité, développe-

ment durable, etc.).

A cet égard, nous avons entrepris, sur la base des

entretiens et des monographies, de cartographier les

dynamiques de réseau qui constituent les « écosystèmes

numériques localisés » dans lesquels les ERIC observés

font actuellement ressources, en même temps qu’ils

contribuent à les produire.

Comment les erIC font-ils

aujourd’hui ressources sur

le territoire régional ?

Page 23: Vers une nouvelle période de l'accès public

23

L’observation de ces cartes3 permet de constater que les écosystèmes des ERIC urbains (cartes 1 et 2) sont plus concentrés que les écosystèmes périurbains (carte 3) et

ruraux (cartes 4 et 5). On suppose aisément que les premiers concentrent localement à la fois les actions qu’ils conduisent et les ressources dont ils ont besoin pour les mener

à bien. Tandis que les ERIC périurbains et ruraux, tout en conduisant des actions locales, ont davantage besoin d’aller chercher des partenaires ailleurs que dans leur localité où

les compétences ne sont pas forcément présentes.

Carte 1 > ArboresCenCe, mArseIlle (13) Carte 2 > CIté berthe, toulon (83)

erIC pArtenAIre relAtIon lImIte de dépArtement

Sources : DERIES/SIEN - Fonds GEOFLA®, BDCARTO®, SCAN1000®, SCAN100®, © IGN PFAR 2008 > Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pôle DSST, Service d’Analyse Spatiale, Direction PEDP 06/12/2013

3 A noter l’usage de différentes échelles pour rendre compte des écosystèmes des ERIC.

Page 24: Vers une nouvelle période de l'accès public

24 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

QuI SONT LES PARTENAIRES DES ERIC ?

Il s’agit de différentes structures (écoles, associations, centres sociaux, mission

locale, Pôle emploi, centres culturels…) avec lesquelles les ERIC développent des

projets, qui orientent des publics vers eux, et/ou vers lesquelles les ERIC orientent

des public en retour.

« La première étape, c’est de regarder notre environnement pour voir ce qui se passe pour trouver des partenariats et développer des actions ensemble, et ensuite de trouver des financements. Donc ça va être tout ce qui est partenariat avec l’Education nationale, notamment tout ce qui est la lutte contre l’illettrisme, avec des actions comme l’éducation aux familles. Ça va être des ressources que les collèges vont pouvoir trouver ici. C’est vraiment mon travail de développer les partenariats et de faire de l’espace un centre de ressources. C’est de cette façon que les autres partenaires et les gens à qui je m’adresse vont comprendre qui on est ».

(Martine, Arborescence, Marseille)

On le voit dans cet extrait d’entretien avec Martine, le type de partenaires d’un ERIC

dépend (au moins en partie) du type de public qui le fréquente et des besoins des

habitants du territoire au sein duquel il développe ses actions. Martine pointe égale-

ment les enjeux cruciaux qui résident dans ce travail de mise en réseau : l’identifica-

tion de partenaires est un préalable nécessaire à la recherche de financement, car

c’est une fois que les liens sont tissés et les projets initiés que peuvent s’enclencher

les démarches visant à les financer. En outre, c’est par le prisme de ces échanges

qu’un ERIC est en mesure de publiciser ses actions, de faire connaître son existence

et ses projets, et donc de faire connaître la manière dont, précisément, il est en

mesure de faire ressource.

Carte 3 > rené ChAr, dIgne (05)

Page 25: Vers une nouvelle période de l'accès public

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Carte 4 > Foyer rurAl CépAge, puget-thénIers (06) Carte 5 > portAIl des sAvoIrs, pertuIs (84)

erIC pArtenAIre relAtIon lImIte de dépArtement

Sources : DERIES/SIEN - Fonds GEOFLA®, BDCARTO®, SCAN1000®, SCAN100®, © IGN PFAR 2008 > Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pôle DSST, Service d’Analyse Spatiale, Direction PEDP 06/12/2013

Page 26: Vers une nouvelle période de l'accès public

26

Ce travail partenarial est complexe et subtil : il requiert en effet de construire des

liens dans la durée, l’interconnaissance approfondie ou la sensibilité commune étant

des préalables indispensables au montage de nouveaux projets, comme l’indique ci-

dessous Angelo, CDN :

« C’est là où l’humain reprend ses droits sur les TIC. La plupart des projets - ça fait 7 ans que je suis en poste - ont pu aboutir grâce aux réseaux et aux partenariats. Sans ce travail de fond avec des personnes intéressées - parce qu’il y a derrière des années de travail en commun qui garantissent la qualité - on ne peut arriver à rien. A la lumière de certains projets, c’est souvent d’abord 2 ou 3 personnes proches professionnellement ou sensibles au projet qui amorcent la pompe. Après viennent s’agglomérer d’autres partenaires qui ne sont pas du réseau »

(Angelo, MODE 83, Draguignan)

Monter des projets requiert également un investissement important, un véritable

engagement, qui sera généralement d’abord le fait d’un petit groupe de personnes

uni par des liens affinitaires forts, auxquels se grefferont ensuite souvent d’autres

partenaires, de manière plus ou moins formelle.

La dimension interpersonnelle est donc un élément essentiel du montage des projets.

C’est d’ailleurs ce qui explique le dynamisme du réseau entre anciens Espace Culture

Multimédia (ECM). En effet, en dépit de leur éloignement géographique, les ERIC de

Digne les Bains, du Portail des Savoirs, du ZINC et du Hublot, tous anciens ECM, sont

unis par des liens forts, comme l’illustre la carte 3.

ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

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Ce point vient corroborer le constat de Philippe Cazeneuve4 , selon lequel le fonc-

tionnement en réseau est le « point fort des ERIC en Provence-Alpes-Côte d’Azur ».

Pour ce que l’on a pu en observer, le réseau entre ERIC s’est également constitué

sur la base de projets collaboratifs, qui procèdent eux-mêmes d’un « échange de

bonnes pratiques ».

« Les webcartoons, ça date d’octobre-novembre. C’est le dernier gros projet que j’ai monté, avec Tania. L’idée du webcartoon, j’ai trouvé ça excellent et je n’aurais pas pu le développer seul. Le Hublot est un centre de ressources dans un milieu très culturel et artistique absent du foyer. C’est de l’échange de bonnes pratiques, en fait. Ils m’ont envoyé le webcartoon, je leur ai donné leur réseau informatique fiable et fonctionnel. C’est ce que j’apprécie avec les ERIC c’est cet échange de pratiques, de connaissances, de compétences ».

(Olivier, Logis des jeunes, Cannes)

C’est ainsi que le projet « Webcartoon » dont parle Olivier sera d’abord initié par le

Zinc à Marseille. Ce projet va ensuite trouver à se développer au sein du Hublot à

Nice, à partir duquel le Logis des jeunes à Cannes pourra en prendre connaissance

et le développer à son tour. Il en va de même pour des projets d’ateliers tels que

« Les films dans la poche », qui consistent en la création de petits films numériques

à partir de téléphones portables, ou encore du projet « e-toileurs » dont il a été

question plus haut.

« Il y a aussi des relations de formation. Je suis intervenu dans des ERIC pour un conseil et de la formation. J’ai essayé d’apporter mes compétences aux autres. J’avais fait une conférence sur le web 2.0 et Hadopi. Je suis intervenu dans quelques ERIC, à Marseille, à Avignon, à Draguignan, à Nice. Ce sont des compétences que j’ai développées en tant que CDN et qui me viennent aussi de mon DUT. Des compétences techniques que j’ai voulu amener aux ERIC. Ça, je pense que c’est vraiment la force des ERIC. C’est qu’on peut s’apporter mutuellement plein de compétences et de pratiques qu’on n’aurait pas développées seuls dans nos coins. Je trouve que c’est très intéressant ».

(Olivier, Logis des jeunes, Cannes)

Les liens entre ERIC, notamment via l’intervention des CDN, peuvent donc également

se décrire en termes de transfert et de montée en compétences. Olivier l’exprime

avec force : seul, il ne serait pas aussi compétent qu’il l’est aujourd’hui, et il fait lui

aussi bénéficier les autres ERIC de ses aptitudes techniques, développées aussi

bien avant son entrée en fonction en tant que CDN (au cours de ses études) qu’au

cours de cette expérience professionnelle. A son tour, il pointe le fait que ces liens

« de formation » tissés entre structures et entre salariés de ces structures sont un

élément caractéristique des ERIC en Provence-Alpes-Côte d’Azur, au fondement du

dynamisme du réseau et, du point de vue de ceux qui y travaillent, de son intérêt.

4 Consultant et formateur, voir à l’adresse http://blog.savoirenactes.fr/.

Page 28: Vers une nouvelle période de l'accès public

28 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’AzurSources : DERIES/SIEN - Fonds GEOFLA®, BDCARTO®, SCAN1000®, SCAN100®, © IGN PFAR 2008

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pôle DSST, Service d’Analyse Spatiale, Direction PEDP 06/12/2013

Dernier point : sur la base des monographies éta-

blies, nous avons essayé de dresser un aperçu

des liens entre ERIC, non exhaustif certes (ce qu’il

faut avoir à l’esprit lors de la lecture de la carte ci-

dessous), mais qui illustre bien la circulation des

échanges et des compétences.

Certaines structures apparaissent ici comme des

points nodaux du réseau et sans doute ces struc-

tures ont-elles un rôle d’avant-garde à jouer dans les

transformations à venir des ERIC, dont nous allons à

présent esquisser quelques contours.

Carte 6 > dynAmIque de réseAu entre erIC

(liens non exhaustifs)

ArboresCenCe

CepAge

berthe

eCm dIgne les bAIns

portAIl des sAvoIrs

pArtenAIre de type erIC

relAtIon

lImIte de dépArtement

Page 29: Vers une nouvelle période de l'accès public

29

si l’on se rapporte à ce qui précède, on peut

d’emblée soutenir qu’une première mission

d’avenir pour les ERIC pourrait consister à da-

vantage mettre en valeur le web local existant

et à encourager le développement d’outils numériques

de ce type (agenda participatif, moteurs de recherche

local, portails locaux, etc.).

Les perspectives pourraient être les suivantes : aider

les associations locales à se mobiliser et à s’organi-

ser via Internet, accompagner les usages collaboratifs

en ouvrant par exemple des wikis et des sites contri-

butifs, mettre en avant depuis les discussions sur les

réseaux sociaux professionnels les offres d’emploi et

les entreprises qui embauchent, relayer et mutuali-

ser les actions web des associations locales… Les

animateurs et les CDN pourraient ainsi devenir de

véritables Community Managers du web local, orga-

nisant la visibilité en ligne de ce qui se passe sur les

territoires. Par ailleurs, un champ des possibles peut se

penser à partir de notions et de configurations émer-

gentes. Ici et là en effet, des collectifs inventent des lieux

créatifs tantôt qualifiés d’« espaces intermédiaires »,

tantôt de « tiers-lieux ». Les espaces intermédiaires (ou

interstitiels) sont nés dans la mouvance des friches ar-

tistiques, démarrées sous forme de squats puis, pour

certaines, « récupérées » par les instances culturelles

officielles (Lextrait, 2001). Ni purs espaces profession-

nels, ni simples espaces de loisirs et un peu des deux en

même temps, « l’espace intermédiaire correspond à un

segment sociétal où se réinterprètent, s’inventent des

normes de travail et d’activité qui peuvent intervenir dans

la reformulation de règles d’accès au travail salarié.

Dans les espaces intermédiaires qui se forment entre

“ville visible” et “ville invisible”, entre les mondes de la

production, se mobilisent des populations en situation

précaire, notamment des jeunes, autour de projets col-

lectifs producteurs d’une diversité d’activités parfois diffi-

ciles à classer. Les espaces intermédiaires se forment là

où se nouent et se dénouent des faisceaux d’itinéraires

plus ou moins homogènes de jeunes en situation pré-

caire. Naissent alors des cultures qui accumulent des

écarts avec des dynamiques de marché ou des dyna-

miques institutionnelles : les cultures de l’aléatoire »

(Roulleau-Berger, 1999 : 12). Les cultures de l’aléatoire,

que pourrait recouvrir la notion de sérendipité, sont éga-

lement au principe des « tiers-lieux », supposés favoriser

les rencontres hasardeuses, les interactions créatives

et les fertilisations croisées. Il s’agit là encore de lieux

hybrides, bar du coin, maison de quartier, cybercafé et

pourquoi pas ERIC, qui s’affranchissent des frontières

classiques du privé et du public, « selon l’usage qu’en

font les individus qui les animent, occupent et visitent »5.

En ce sens, un « tiers-lieu » ne se décrète pas : il devient

tel uniquement en fonction de l’appropriation de l’espace

qui en est fait – ce qui constitue évidemment une diffi-

culté lorsque l’on veut précisément instaurer ce type de

fonctionnement.

Pour autant, il nous semble important de pouvoir sai-

sir la manière dont ces expériences peuvent inspirer, et

peut-être orienter, les nouvelles formes de production,

de relations, d’innovation au sein des ERIC. Instaurer,

même partiellement, un « tiers lieu » implique en effet un

préalable sine qua non, qui est de penser les conditions

de possibilité de ces transformations. Il existe diverses

formes de « tiers lieux », entendus cette fois comme

dispositifs formels - espaces de coworking, FabLabs,

InfoLabs et LivingLabs. Voyons maintenant comment

les ERIC pourraient s’inscrire dans chacune de ces

configurations.

Comment les erIC pourraient-ils faire ressources à l’avenir ?

5 http://blog.recherche-action.fr/tiers-espace/2011/11/09/les-tiers-lieux-espace-demergence-et-de-creativite/Sources : DERIES/SIEN - Fonds GEOFLA®, BDCARTO®, SCAN1000®, SCAN100®, © IGN PFAR 2008

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pôle DSST, Service d’Analyse Spatiale, Direction PEDP 06/12/2013

Page 30: Vers une nouvelle période de l'accès public

30

« On a entendu parler des espaces de coworking. Ça, c’est un projet qui nous parle pas mal à l’ERIC de Cannes car on a des demandes au niveau des associations ou des PME du quartier. Donc mettre en place un espace de co-working, c’est quelque chose qui nous intéresserait de développer, mais qui changerait la fonction même de l’ERIC. C’est-à-dire qu’on mettrait plus en retrait l’aspect club informatique, conférence, formation, pour se consacrer davantage au développement d’un service coworking, qui demanderait du temps de préparation et de suivi. Du coup, on ne s’adresserait plus au même public. Donc, il faut donc voir au niveau du conseil d’administration du Logis si c’est une direction qu’on souhaite prendre6. ».

(Olivier, Logis des jeunes, Cannes)

6 Depuis l’entretien, le Conseil d’Administration du Logis des Jeunes a décidé de ne pas explorer la piste du coworking pour le moment.

ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

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Page 31: Vers une nouvelle période de l'accès public

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Depuis quelques années, grâce à l’engoue-

ment autour des bureaux ouverts partagés

ou « espaces de coworking » créés sur-

tout dans les grandes agglomérations, des

projets de télécentres ruraux sont relancés. Tiers-lieux

des villes ou tiers-lieux des champs, tous se présentent

comme des solutions pour « travailler autrement ».

L’exemple le plus connu d’espace de coworking est le

réseau des Cantines. Il s’agit de dispositifs pensés par

des acteurs territoriaux de l’innovation numérique. For-

tement influencée par les espaces de coworking améri-

cains, la première Cantine a ouvert en 2008 à Paris, à

l’initiative de Silicon Sentier, et a essaimé depuis dans

diverses régions en France. En Provence-Alpes-Côte

d’Azur, c’est sur ce modèle que s’est constituée la « Can-

tine_by_TVT », installé en 2010 au sein de la Maison de

l’innovation à Toulon.

Au sein du réseau des ERIC, le coworking est une piste

qui a été un temps envisagée par le Logis des Jeunes

de Provence à Cannes. Selon Olivier, les ressources et

la demande sont là, d’autant qu’il n’existe pas à ce jour

de lieu similaire à Cannes. Comme il le précise, « encore

la semaine dernière, j’ai une association qui est venue

me voir. Elle ne dispose pas d’un lieu de travail avec une

connexion à Internet, des bureaux et des personnes

compétentes pour les accompagner sur des projets ».

Cette évolution correspondrait pour lui parfaitement à

une évolution souhaitable de l’ERIC, un centre de res-

sources pas uniquement destiné à un public d’usagers

individuels spécifiques comme souvent les ERIC, ni un

pur espace de coworking tourné uniquement vers les en-

treprises, comme c’est également souvent le cas, mais

bien, « un espace pour les citoyens, que ce soit des en-

treprises, des associations, des particuliers, etc ». Dans

cet esprit, l’ERIC dispose déjà d’une « école de projet »

qui aide au montage de projets d’entreprise ou d’associa-

tion pour tout public. Une personne, quelle qu’elle soit,

peut ainsi bénéficier gratuitement des conseils et de

l’accompagnement de l’animatrice présente au sein du

Logis des jeunes de Provence.

Il en va de même pour la Cyber-base de la Cité Berthe

qui, en complément de son approche « grand public »,

s’adresse également aux créateurs et aux porteurs d’en-

treprise. Le projet « E-TPME », lancé en 2009 dans le

cadre du Contrat Urbain de Cohésion Sociale (CUCS),

consiste à autonomiser les TPE et les PME du territoire

pour les usages numériques en général : logiciel libre,

communication et promotion, e-administration (dont l’ac-

cès aux marchés), etc. Une quinzaine d’entrepreneurs

locaux a pu ainsi bénéficier d’un accompagnement, ce

qui a contribué à développer un véritable réseau de pro-

fessionnels à partir de la Cyber-Base.

C’est d’ailleurs pour répondre aux attentes de ces pro-

fessionnels, issus de plusieurs secteurs d’activité (arti-

san, plombier, commerçant, auto-entrepreneur, etc.),

qu’un espace dédié a vu le jour au sein de la Cyber-base :

ordinateurs, fax et téléphone, logiciels de bureautique

et de comptabilité, visioconférence, etc. L’expérimenta-

tion prévue sur une durée initiale d’un an est finalement

devenue une action structurante de la Cyber-base, qui

bénéficie à cet égard du soutien des fonds européens de

développement régional (FEDER).

Nous le voyons, certains ERIC ont donc une carte à

jouer dans ce domaine. Ils peuvent tout à fait permettre

d’asseoir les deux notions centrales du coworking : un

espace de travail partagé, mais aussi un réseau de tra-

vailleurs encourageant l’échange et l’ouverture. En effet,

le travail collaboratif et en réseau est un mouvement

de fond porté par l’expansion des nouvelles technolo-

gies. Il répond également à l’accroissement du nombre

de travailleurs indépendants (développeurs, designers,

blogueurs, architectes web, consultants en marketing

ou auto-entrepreneurs). Cette communauté potentielle-

ment précaire a besoin d’un réseau fort de solidarité et

de partage pour pouvoir se maintenir et partager des

outils dédiés à cette forme de travail.

DES ER IC AUx ESPACES DE COw ORkINg ?

Page 32: Vers une nouvelle période de l'accès public

32 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

un Fab Lab (Fabrication laboratory) est une

plate-forme ouverte de création et de pro-

totypage d’objets physiques, «intelligents»

ou non. Il s’adresse aux entrepreneurs qui

veulent passer plus vite du concept au prototype ; aux

designers et aux artistes ; aux étudiants désireux d’expé-

rimenter et d’enrichir leurs connaissances pratiques en

électronique, en Conception et fabrication assistées par

ordinateur (CFAO), en design ; aux bricoleurs du XXIe

siècle…7 Il s’agit de créer un lieu où les machines indus-

trielles sont mises à la disposition du public. Une sorte

d’« atelier de production 2.0 » comme le définit Stépha-

nie Bacquère, fondatrice avec Marie-Noéline Viguié de

l’agence Nod-A8. L’ouverture se fait en direction d’un pu-

blic large, des équipements sont mis à disposition (mais

plus largement outils, méthodes et savoir-faire) et une

chaîne intégrée est mise en place, allant de la concep-

tion à la production9.

Les ERIC et les FabLabs partagent un certain nombre

d’objectifs et de valeurs. En effet, le concept de FabLab

applique au monde industriel l’esprit de partage, d’inno-

vation et de gratuité que l’on trouve sur Internet comme

avec les logiciels libres et les réseaux sociaux. En per-

mettant à n’importe qui d’accéder à des machines in-

dustrielles simples et à bas coût, on sort du mode de

production classique10. Cela colle parfaitement à la phi-

losophie des ERIC, et plus largement à celle des EPN.

Ainsi, à la Cyber-base de la Cité Berthes, un projet col-

laboratif s’inscrivant dans cet esprit est né, lorsque les

publics ont sollicité l’équipe pour savoir où trouver un

ordinateur bon marché. Ce projet intitulé «L’ordinateur

familial» consiste à faire de la récupération de pièces

informatiques usagées qui servent ensuite au montage

d’un ordinateur « neuf ». Pour ce faire, des binômes

parent-enfant sont constitués au sein de séances péda-

gogiques où l’on explique le rôle et le fonctionnement

de chacune des pièces. Une fois assemblé, l’ordinateur

devient la propriété de la famille. De même, l’ERIC ZINC

à la Friche de la Belle de Mai à Marseille tend vers un

modèle de FabLab, quant à lui plus orienté « culture ». Il

se présente en effet comme un centre de création d’arts

et de cultures numériques, comme l’explique Fabien.

« A ses débuts, (…) ZINC était orienté réduction de la fracture numérique, initiation informatique, internet, etc. Progressivement ZINC s’est orienté vers la création artistique toujours à destination du grand public, en proposant des ateliers qui ne sont plus dans le registre de l’initiation, mais qui sont plus des ateliers à valeur ajoutée dans la création, sans prétention aucune ».

(Fabien, ZINC, Marseille)

En terme de production, ZINC accompagne les artistes,

programme leurs oeuvres et, d’une façon générale,

encourage les formes artistiques qui recourent aux

technologies numériques. C’est un lieu ouvert, animé

en permanence et dédié à tous pour pratiquer, s’initier,

se cultiver, au numérique et au multimédia. Il convient

cependant de préciser que la mise en place d’un atelier

de fabrication numérique nécessite des compétences qui

ne sont pas les mêmes que celles qui président à l’ani-

mation multimédia11. De plus, si les logiciels sont libres,

un FabLab nécessite toutefois du matériel spécifique, qui

appelle en retour une médiation particulière : fraiseuse

de précision, découpeuse laser, découpe vinyle… Autant

d’obstacles qui ne permettront certes pas la généralisa-

tion du modèle aux ERIC, mais ne réduisent pas l’intérêt

d’une mise en oeuvre dans certains cas.

DES ER IC AUx FABL ABS ?

7 http://fing.org/?Le-Fab-Lab-lieu-d-artisanat 8 http://nod-a.com/blog/9 http://www.internetactu.net/2012/05/15/avons-nous-besoin-dinfo-labs/10 http://blogs.rue89.com/innovation/2009/12/27/au-fab-lab-fabriquez-vous-meme-votre-machine-a-laver-130828 11 http://www.zinclafriche.org

Page 33: Vers une nouvelle période de l'accès public

33

Les données sont vues aujourd’hui comme le

«nouvel or noir», tant pour les entreprises via

les big data, que pour les collectivités territo-

riales par la dynamique d’Open data. Pourtant

peu d’acteurs économiques, de collectivités territoriales

ou de citoyens se sont emparés du sujet, ou sont en

capacité de tirer partie de la production / réutilisation

/ exploitation des données. Savoir repérer, produire,

comprendre, utiliser, échanger des données utiles à son

activité devient une condition de compétitivité des entre-

prises, d’efficacité des acteurs publics et associatifs, de

survie pour les médias…12.

Ainsi, l’InfoLab est une autre piste d’orientation pour

les ERIC. Il s’agirait pour eux de proposer de nouvelles

formes d’animation, d’aider les associations, les citoyens

et les écoles à comprendre et produire des données

(…). Là encore, l’idée est que ces données ne soient

pas seulement le fait des entreprises. Pour cela, il faut

armer les citoyens à les manipuler, à en comprendre

le fonctionnement à les produire eux-mêmes, voire à

les coproduire avec les services publics et les autres

acteurs de la société. Les ERIC deviendraient ainsi de

véritables « Manufactures de données »13.

Les méthodes les plus fécondes de l’Open data ne

consistent pas à libérer des données pour libérer des

données, mais bien à y associer les utilisateurs. La libé-

ration des données publiques est un processus où rendre

la donnée librement réutilisable n’est qu’une étape vers

un but autrement plus important : engager une nouvelle

relation autour des données avec les utilisateurs14. Or, il

faut des structures pour porter cette relation.

Mais là encore, la formation des animateurs est une

condition sine qua non. Ils doivent par exemple être en

mesure d’expliquer ce qu’est l’Open data, d’accompa-

gner le public dans la production de données.

DES ER IC AUx INFOL ABS ?

12 http://fing.org/?Campagne-Infolab-developper-une 13 http://www.internetactu.net/2012/12/13/quel-avenir-pour-les-epn-33-nouvelles-missions/14 http://www.internetactu.net/2012/05/15/avons-nous-besoin-dinfo-labs/

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par delà la production d’objets physique ou

celle de données d’information, il est possible

d’envisager dans son ensemble le concept de

LivingLab. Les ERIC pourraient ainsi devenir

de véritables laboratoires, des lieux d’expérimentation

dédiés à un ou plusieurs secteurs d’activité : la forma-

tion, la culture, l’aménagement du territoire…

Un LivingLab regroupe des acteurs publics, privés, des

entreprises, des associations, des acteurs individuels,

dans l’objectif de tester « grandeur nature » des ser-

vices, des outils ou des usages nouveaux. Il s’agit de sor-

tir la recherche des laboratoires pour la faire descendre

dans la vie de tous les jours, en ayant souvent une vue

stratégique sur les usages potentiels de ces technolo-

gies. Tout cela se passe en coopération entre des col-

lectivités locales, des entreprises, des laboratoires de

recherche, ainsi que des utilisateurs potentiels. Il s’agit

de favoriser l’innovation ouverte, partager les réseaux et

impliquer les utilisateurs dès le début de la conception15.

Plusieurs observations réalisées au cours de cette en-

quête démontrent le développement de ce type d’orien-

tation pour les ERIC, en lien avec le programme régional

PACA Labs16.

Ainsi, c’est à nouveau la Cyber-base de la Cité Berthe

qui est précurseur en la matière. En effet, elle accom-

pagne des créateurs d’entreprise et, à travers cette

orientation, elle est devenue un acteur et un interlocu-

teur à part entière du développement économique du

territoire. Ce lien tissé avec le monde de l’entreprise

permet aujourd’hui à la structure de travailler en parte-

nariat avec la Start-up Natural Solutions17 dans le cadre

du développement d’un service innovant de « science

participative » : Eco-balade, financé par le programme

régional PACA Labs. Le projet s’appuie sur l’équipe de

la Cyber-base et son public pour expérimenter un dispo-

sitif numérique de collecte de données naturalistes sur

Smartphone au cours de balades touristiques. Né dans

le cadre de la résidence avec la 27e Région18, ce projet

a ainsi créé un véritable écosystème partenarial entre

des décideurs (la communauté d’agglomération Toulon

Provence Méditerranée, la Région Provence-Alpes-Côte

d’Azur), des médiateurs (Cyber-base et naturalistes), des

entrepreneurs, des chercheurs, des designers de ser-

vices, des étudiants et les publics eux-mêmes.

Le projet Ecotype du Hublot à Nice est un autre exemple.

L’ERIC collabore avec une structure créatrice d’espaces

scéniques originaux, des collectivités territoriales, un

laboratoire de recherche (Télécom Paristech), des

artistes et, par effet direct, avec le public, en prenant

comme sujet son environnement immédiat et son ter-

ritoire de vie19. Il s’agit de mettre en oeuvre un projet

d’élaboration d’une plateforme de simulation pour l’amé-

nagement urbain.

DES ER IC AUx L Iv INgL ABS ?

15 http://meridianes.org/2012/05/31/numerique-les-nouveaux-territoires-de-la-connaissance-et-du-partage/ 16 http://emergences-numeriques.regionpaca.fr/innovation-et-economie-numeriques/paca-labs.html 17 http://www.natural-solutions.eu/accueil.aspx 18 http://www.la27eregion.fr/ 19 http://projetecotype.wordpress.com/2012/04/26/a-propos/

ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

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36 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

L’ensemble des acteurs de terrain et des espaces pu-

blics numériques - dont font partie les ERIC - ont contri-

bué, depuis près de vingt ans maintenant, à la forma-

tion du secteur français de l’accès public à Internet,

qui ne connaît à notre connaissance pas d’équivalent

ailleurs20. En reprenant la terminologie vernaculaire,

nous proposons de désigner les médiateurs numé-

riques (animateurs face au public et concepteurs de

projet) par le terme d’activistes de l’Internet citoyen21.

Ceux-ci ne sont pas toujours, à proprement parler,

des « hacktivistes », selon le néologisme fréquemment

utilisé pour qualifier les internautes-hackers qui entre-

prennent des actions militantes afin de promouvoir une

conception « libre » ou libertaire de l’informatique en

réseau22. Ils ne doivent pas non plus être confondus

avec les groupes militants qui font un usage privilégié

de l’outil Web pour défendre des causes qui ne sont pas

nécessairement en rapport avec le média Internet23.

S’ils ont parfois des liens avec l’hacktivisme et l’Internet

militant, les activistes de l’Internet citoyen se spécifient

par une triple position : ils défendent une conception

non marchande de l’Internet ; ils s’inscrivent dans un

engagement associatif ; enfin, ils promeuvent des ini-

tiatives dans le cadre référentiel de la « lutte contre la

fracture numérique ».

Mais, comme on l’a vu sur le terrain des ERIC, le périmètre

d’intervention des chargés de développement numérique

tend dorénavant à dépasser le domaine strict de l’accès

public à Internet, ce qui ne va pas sans soulever des

interrogations quant à l’évolution de leur métier, dont on

a vu également, qu’il était caractérisé par la polyvalence

et la pluriactivité. Si les ERIC doivent s’engager davantage

dans une logique de développement territorial, cela im-

plique que les CDN soient davantage formés à la logique

et aux subtilités de la gestion administrative de nos terri-

toires (compétences juridiques, marchés publics, appels

d’offre, etc.). De même, transformer les ERIC en « tiers-

lieux » innovants suppose de permettre aux CDN de mon-

ter encore en compétences, notamment sur l’ingénierie

financière et sur les modalités d’organisation de partena-

riat « public-privé ». Comme l’indique Philippe Cazeneuve,

« il y a une dimension de recherche de financement, de

montage de projets, d’amplitude horaire… que les anima-

teurs multimédias ne connaissent pas nécessairement.

Cela suppose surtout une capacité d’initiative qu’ils n’ont

pas forcément à ce jour »24. On voit donc que ces évolu-

tions reposent à nouveau la question de la compatibilité

des fonctions relatives au portage de projet et de celles

qui touchent à l’animation. Si historiquement les CDN

sont d’anciens animateurs et qu’ils sont attachés au fait

de continuer à consacrer une part de leur temps de tra-

CONCLusION

20 D’autres pays, comme la Belgique, ont mis en oeuvre une politique publique d’accès à Internet, et des initiatives ont également été prises dans ce sens par la Commission européenne. Il ne nous semble pas cependant que cette politique ait pris ailleurs une telle ampleur, ni connu une telle diversité de dispositifs. Le dynamisme du milieu associatif en France y a vraisemblablement contribué. 21 En reprenant la terminologie des acteurs de terrain appartenant au réseau des ERIC espaces publics numériques, qui parlent couramment de « l’Internet citoyen ». 22 On lira à ce propos les travaux de Nicolas Auray (2005). 23 En ce sens, l’Internet militant étudié par Fabien Granjon (2001) n’est pas l’Internet citoyen, bien qu’il relève, à certains égards, du même mouvement de renouvellement des modes d’action collective et qu’il procède, dans une certaine mesure, des mêmes modes opératoires. 24 Source : http://www.internetactu.net/2012/12/13/quel-avenir-pour-les-epn-33-nouvelles-missions/

Page 37: Vers une nouvelle période de l'accès public

37

«  Alors moi, j’imagine que notre ERIC va devenir un centre de ressources TIC. Qu’on pourra toujours, bien sûr, avoir accès à du matériel, à des connexions, ou des possibilités de formation - que ces formations soient reconnues ou non par les institutions. Mais qu’on pourra aussi et surtout y trouver des moments de partage, des moyens de débattre, tout en recevant des personnes sur tel ou tel sujet afin d’alimenter les débats, etc. Je pense que ça va dans le sens de l’évolution des espaces numériques. Des endroits où les particuliers, les structures de proximité, les institutions locales, tout ce qui fait la vie d’un territoire, peuvent se dire «j’ai besoin de faire quelque chose, je peux aller leur demander dans un premier temps, je peux essayer de m‘y former parce que j’en ai besoin, je peux y trouver toute sorte de possibilités» ».

(Martine, Arborescence, Marseille)

vail à cette activité, comment sera-t-il possible de conci-

lier une charge accrue de travail dans le développement

de projets et de partenariats, et l’animation en face-à-

face auprès des publics ? Nous ne saurions ici apporter

de réponses définitives à une interrogation qui, à notre

sens, justifierait qu’une large concertation soit organisée

avec les animateurs et les CDN des ERIC afin de recueillir

leurs avis et suggestions à ce propos.

Après avoir montré que « l’imaginaire d’Internet » était

américain, Patrice Flichy s’interroge en conclusion de

son ouvrage sur l’existence d’un « imaginaire français

d’Internet » (2001 : 258-261). Il pointe la prégnance

du prisme du « retard » dans l’appréhension collective

d’Internet dans l’hexagone : nous serions obnubilés par

l’idée qu’il faut « rattraper » le retard technique vis-à-vis

des Etats-Unis, au lieu d’imaginer d’autres développe-

ments, sur le plan économique aussi bien que social ou

culturel. Si cette lecture « en creux » de l’imaginaire fran-

çais a toute sa pertinence, nous suggérons au terme de

notre analyse qu’elle peut être utilement complétée par

la mise en exergue d’un imaginaire « en plein ». Celui-

ci, notons-le d’emblée, a des filiations directes avec la

culture américaine du numérique, comme l’illustre la ter-

minologie anglo-saxonne employée pour pointer les évolu-

tions possibles (coworking, Fab Labs, Living Labs, etc.).

Mais elle a également ses caractéristiques propres.

Aux trois thèmes qui spécifient l’imaginaire américain

d’Internet selon Flichy, à savoir ceux de la « frontière »25,

de la « communauté » et de « l’initiative individuelle »

répondent trois idées centrales portées par la média-

tion numérique, et que mentionne Martine dans l’extrait

d’entretien cité ci-dessus : celle de la formation tout au

long de la vie, celle de l’esprit critique et celle du faire

ensemble.

Les ERIC ne sont pas seulement des points d’accès à

Internet, ce sont aussi des lieux qui se veulent alternatifs

aux espaces et structures académiques de l’apprentis-

sage, en proposant d’autres manières de se former et

de s’informer. Ils n’ont pas seulement pour objet d’initier

les publics à Internet, mais aussi de favoriser le débat

public en exerçant un regard critique sur les évolutions

des technologies numériques, et plus largement de la

société. Ils ont enfin vocation à innover dans les usages

et inventer d’autres possibles.

Et si les ERIC doivent progressivement devenir des

centres de ressources numériques, il serait souhaitable

alors que ces principes soient conservés.

25 Dans le sens où il s’agit de les repousser, d’explorer de nouveaux espaces.

Page 38: Vers une nouvelle période de l'accès public

38 ObTIC 2013 - Provence-Alpes-Côte d’Azur

La Région travaille actuellement sur l’évolution du pro-

gramme ERIC vers des centres de ressources numé-

riques basée sur une démarche de co-construction avec

les ERIC, les services de la Région (croisement ERIC et

politiques /priorités régionales) et les partenaires princi-

palement autour des thématiques suivantes :

• Services publics

• Emploi insertion éducation et formation

tout au long de la vie

• Innovation sociale

• Innovation et développement économique

Et de façon transversale, le développement durable

Le nouveau cadre d’intervention relatif au programme

ERIC qui sera proposé au vote des élus régionaux en juin

devrait reposer sur différents niveaux :

1. Le label ERIC : premier niveau de services initiation

et sensibilisation

2. Le label ERIC services : offre de services numé-

riques thématisés

3. Le label ERIC Lab : soutien à des projets innovants

permettant de conforter la dynamique de création

et d’innovation des ERIC (Open Data et InfoLab, Fab

Lab, Tiers-Lieux, usages mobiles, etc.).

4. Le dispositif des chargés de développement

numérique devrait être également revu, l’entrée

territoriale et thématique des CDN renforcées afin

de pouvoir intégrer les nouveaux services et projets

des ERIC services et ERIC Lab. Enfin, ce dispositif

devrait être accompagné d’un dispositif de conduite

du changement et de qualification des animateurs.

aCTuaLITés

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Direction de l’Économie régionale, de l’innovation et de l’enseignement supérieurService Innovation et Economie Numériques . Hôtel de Région . 27, place Jules Guesde . 13481 Marseille cedex 20 . Tél. : 04 91 57 53 88

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www.paca.pref.gouv.fr

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